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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1861 > Octobre
Octobre
Le Spiritisme à Lyon
Nous nous sommes rendus de nouveau cette année à
l'invitation pressante qui nous a été faite par les Spirites de Lyon, et bien
que nous connussions, par la correspondance, les progrès du Spiritisme dans
cette ville, le résultat a de beaucoup dépassé notre attente. Nos lecteurs nous
sauront gré, sans doute, de leur donner quelques renseignements à ce
sujet ; ils y verront un indice de la marche irrésistible de la doctrine,
et une preuve patente de ses conséquences morales.
Mais avant de parler des Spirites de Lyon, nous ne devons pas oublier ceux de Sens et de Mâcon que nos avons visités sur notre route, et de les remercier de leur sympathique accueil. Là aussi nous avons pu constater un progrès très notable, soit dans le nombre des adeptes, soit dans l'opinion que l'on se fait du Spiritisme en général ; partout les rangs des rieurs s'éclaircissent, et ceux même qui ne croient point encore observent une prudente réserve, commandée par le caractère et la position sociale de ceux qui ne craignent plus aujourd'hui de s'avouer hautement partisans et propagateurs des nouvelles idées ; en présence de l'opinion qui se prononce et se généralise, les incrédules se disent qu'il pourrait bien y avoir quelque chose, et qu'en résumé chacun est libre dans ses croyances ; on veut tout au moins savoir ce dont il s'agit avant de parler, tandis qu'avant on parlait d'abord, avant de savoir sur quoi ; or, on ne peut nier que pour beaucoup de gens ce ne soit là un véritable progrès. Nous reviendrons plus tard sur ces deux centres, encore jeunes, numériquement parlant, tandis que Lyon a déjà atteint la virilité.
Ce n'est plus en effet par centaines que l'on y compte les Spirites, comme il y a un an : c'est par milliers ; ou, pour mieux dire, on ne les compte plus, et l'on estime qu'en suivant les mêmes progressions, dans un ou deux ans ils seront plus de trente mille. Le Spiritisme s'y est recruté dans toutes les classes, mais c'est surtout dans la classe ouvrière qu'il s'est propagé avec le plus de rapidité, et cela n'est pas étonnant ; cette classe étant celle qui souffre le plus, elle se tourne du côté où elle trouve le plus de consolations. Vous qui criez contré le Spiritisme, que ne lui en donnez-vous autant ! elle se tournerait vers vous ; mais au lieu de cela vous voulez lui ôter ce qui l'aide à porter son fardeau de misère ; c'est le plus sûr moyen de vous aliéner ses sympathies et de grossir les rangs qui vous sont opposés. Ce que nous avons vu de nos yeux est tellement caractéristique, et renferme un si grand enseignement, que nous croyons devoir donner aux travailleurs la plus large part dans notre compte rendu.
L'année passée il n'y avait qu'un seul centre de réunion, celui des Brotteaux, dirigé par M. Dijoud, chef d'atelier, et sa femme ; depuis il s'en est formé sur les différents points de la ville, à la Guillotière, à Perrache, à la Croix-Rousse, à Vaise, à Saint-Just, etc., sans compter un grand nombre de réunions particulières. A peine y avait-il en tout deux ou trois médiums assez novices ; aujourd'hui il y en a dans tous les groupes, et plusieurs sont de première force ; dans un seul groupe nous en avons vu cinq écrire simultanément. Nous avons également vu une jeune personne très bon médium voyant, et chez laquelle nous avons pu constater cette faculté développée à un très haut degré.
Nous avons rapporté une collection de dessins extrêmement remarquables d'un médium dessinateur qui ne sait pas dessiner ; ils rivalisent pour l'exécution et la complication avec les dessins de Jupiter, quoique dans un autre genre. Nous ne devons pas oublier un médium guérisseur aussi recommandable par son dévouement que par la puissance de sa faculté.
C'est beaucoup sans doute que les adeptes se multiplient, mais ce qui vaut mieux encore que le nombre c'est la qualité. Eh bien ! nous déclarons hautement que nous n'avons nulle part vu de réunions Spirites plus édifiantes que celles des ouvriers Lyonnais, sous le rapport de l'ordre, du recueillement et de l'attention qu'ils apportent aux instructions de leurs guides Spirituels ; il y a là des hommes, des vieillards, des femmes, des jeunes gens, des enfants même dont la tenue respectueuse et recueillie contraste avec leur âge ; jamais un seul n'a troublé un instant le silence de nos réunions souvent fort longues ; ils semblaient presque aussi avides que leurs parents de recueillir nos paroles. Ce n'est pas tout ; le nombre des métamorphoses morales est, chez les ouvriers, presque aussi grand que celui des adeptes : des habitudes vicieuses réformées, des passions calmées, des haines apaisées, des intérieurs devenus paisibles, en un mot les vertus les plus chrétiennes développées, et cela par la confiance désormais inébranlable que les communications Spirites leur donnent en l'avenir auquel ils ne croyaient pas ; c'est un bonheur pour eux d'assister à ces instructions d'où ils sortent réconfortés contre l'adversité ; aussi en voit-on qui s'y rendent de plus d'une lieue par tous les temps, hiver comme été, et qui bravent tout pour ne pas manquer une séance ; c'est qu'il n'y a pas chez eux une foi vulgaire, mais une foi basée sur une conviction profonde, raisonnée et non aveugle.
Les Esprits qui les instruisent savent admirablement se mettre à la portée de leurs auditeurs. Leurs dictées ne sont pas des morceaux d'éloquence, mais de bonnes instructions familières, sans prétention, et qui, par cela même, vont au cœur. Les entretiens avec les parents et les amis défunts y jouent un grand rôle, et il en sort presque toujours d'utiles leçons. Souvent une famille entière se réunit, et la veillée se passe dans un doux épanchement avec ceux qui ne sont plus ; on veut avoir des nouvelles des oncles, des tantes, des cousins et des cousines ; savoir s'ils sont heureux ; personne n'est oublié ; chacun veut que le grand-père lui dise quelque chose ; et il donne à chacun un avis. - Et moi, grand-père, disait un jour un jeune garçon, vous ne me direz donc rien ? - Toi, mon enfant, si, je te dirai quelque chose : je ne suis pas content de toi ; l'autre jour tu t'es querellé en chemin pour une bêtise au lieu d'aller droit à ton ouvrage ; ce n'est pas bien, - Comment, grand-père, vous savez cela ? - Sans doute, je le sais ; est-ce que nous autres Esprits, nous ne voyons pas tout ce que vous faites, puisque nous sommes à côté de vous ? - Pardon, grand-père ; je vous promets que je ne recommencerai plus.
N'y a-t-il pas quelque chose de touchant dans cette communion des morts avec les vivants ? La vie future est là, palpitante sous les yeux ; il n'y a plus de mort, plus de séparation éternelle, plus de néant ; le ciel est plus près de la terre, et on le comprend mieux. Si c'est là une superstition, plût à Dieu qu'il n'y en eût jamais eu d'autres !
Un fait digne de remarque et que nous avons constaté, c'est la facilité avec laquelle ces hommes, la plupart illettrés, et endurcis aux plus rudes travaux, comprennent la portée de la doctrine ; on peut dire qu'ils n'en voient que le côté sérieux. Dans les instructions que nous avons données dans les différents groupes, nous avons vainement cherché à piquer la curiosité par le récit des manifestations physiques, et pourtant, pas un seul n'a vu une table tourner ; tandis que tout ce qui touchait aux appréciations morales captivait au plus haut point leur intérêt.
L'allocution suivante nous a été adressée lors de notre visite au groupe de Saint-Just ; nous la rapportons, non pour satisfaire une sotte et puérile vanité, mais comme preuve des sentiments qui dominent dans les ateliers où a pénétré le Spiritisme, et parce que nous savons être agréable à ceux qui ont bien voulu nous donner ce témoignage de sympathie. Nous la transcrivons textuellement, car nous nous serions fait un scrupule d'y ajouter un seul mot ; l'orthographe seule a été rectifiée.
« Monsieur Allan Kardec, disciple de Jésus, interprète de l'Esprit de Vérité, vous êtes notre frère en Dieu ; nous sommes réunis tous d'un même cœur sous la protection de saint Jean-Baptiste, protecteur de l'humanité, et précurseur du grand-maître Jésus, notre Sauveur.
« Nous vous prions, notre cher maître, de plonger vos regards dans le fond de nos cœurs, afin que vous puissiez vous rendre compte des sympathies que nous avons pour vous. Nous sommes de pauvres travailleurs, sans artifices ; un épais rideau, dès notre enfance, a été étendu sur nous pour étouffer notre intelligence ; mais vous, cher maître, par la volonté du Tout-Puissant, vous déchirez le rideau. Ce rideau, qu'ils ont cru impénétrable, ne peut résister à votre digne courage. Oh ! oui, notre frère, vous avez pris la lourde pioche pour découvrir la semence du spiritisme que l'on avait enfermée dans un terrain de granit ; vous la semez aux quatre coins du globe, et jusque dans nos pauvres quartiers d'ignorants, qui commencent à savourer le pain de vie.
« Nous le disons tous du fond du cœur ; nous sommes animés du même feu et nous répétons tous : Gloire à Allan Kardec et aux bons Esprits qui l'ont inspiré ! et vous, braves frères, M. et Mme Dijoud, les bénis de Dieu, de Jésus et de Marie, vous êtes gravés dans nos cœurs pour n'en sortir jamais, car vous avez sacrifié pour nous vos intérêts et vos plaisirs matériels. Dieu le sait ; nous le remercions de vous avoir choisis pour cette mission, et nous remercions aussi notre protecteur supérieur saint Jean-Baptiste.
« Merci, M. Allan Kardec ; merci mille fois, au nom du groupe de Saint-Just, d'être venu parmi nous, simples ouvriers, et encore bien imparfaits en Spiritisme ; votre présence nous cause une grande joie au milieu de nos tribulations qui sont grandes dans ce moment de crise commerciale ; vous nous apportez le baume bienfaisant que l'on nomme espérance, qui calme les haines, et rallume dans le cœur de l'homme l'amour et la charité. Nous nous appliquerons, cher maître, à suivre vos bons conseils et ceux des Esprits supérieurs qui auront la bonté de nous aider et de nous instruire, afin de devenir tous de vrais et bons Spirites. Cher maître, soyez assuré que vous emportez avec vous la sympathie de nos cœurs pour l'éternité ; nous le promettons ; nous sommes et nous serons toujours vos adeptes sincères et soumis. Permettez au médium et à moi de vous donner le baiser d'amour fraternel au nom de tous les frères et sœurs qui sont ici. Nous serions bien heureux aussi si vous vouliez trinquer avec nous. »
Nous venions de loin, et nous avions gravi les hauteurs de Saint-Just par une chaleur accablante. Quelques rafraîchissements avaient été préparés au milieu des instruments du travail : du pain, du fromage, quelques fruits, un verre de vin ; véritables agapes offertes avec la simplicité antique et un cœur sincère. Un verre de vin ! hélas ! à notre intention ; car ces braves gens n'en boivent pas tous les jours ; mais c'était fête pour eux : on allait parler du Spiritisme. Oh ! c'est de grand cœur que nous avons trinqué avec eux, et leur modeste collation avait à nos yeux cent fois plus de prix que les plus splendides repas. Qu'ils en reçoivent ici l'assurance.
Quelqu'un nous disait à Lyon : « Le spiritisme pénètre chez les ouvriers par le raisonnement ; ne serait-il pas temps de chercher à l'y faire pénétrer par le cœur ? » Cette personne assurément ne connaît pas les ouvriers ; il serait à désirer qu'on trouvât autant de cœur chez tout le monde. Si un tel langage n'est pas inspiré par le cœur ; si le cœur n'est pour rien chez celui qui trouve dans le spiritisme la force de vaincre ses penchants, de lutter avec résignation contre la misère, d'étouffer ses rancunes et ses animosités ; chez celui qui partage son morceau de pain avec un plus malheureux, nous avouons ne pas savoir où est le cœur.
Mais avant de parler des Spirites de Lyon, nous ne devons pas oublier ceux de Sens et de Mâcon que nos avons visités sur notre route, et de les remercier de leur sympathique accueil. Là aussi nous avons pu constater un progrès très notable, soit dans le nombre des adeptes, soit dans l'opinion que l'on se fait du Spiritisme en général ; partout les rangs des rieurs s'éclaircissent, et ceux même qui ne croient point encore observent une prudente réserve, commandée par le caractère et la position sociale de ceux qui ne craignent plus aujourd'hui de s'avouer hautement partisans et propagateurs des nouvelles idées ; en présence de l'opinion qui se prononce et se généralise, les incrédules se disent qu'il pourrait bien y avoir quelque chose, et qu'en résumé chacun est libre dans ses croyances ; on veut tout au moins savoir ce dont il s'agit avant de parler, tandis qu'avant on parlait d'abord, avant de savoir sur quoi ; or, on ne peut nier que pour beaucoup de gens ce ne soit là un véritable progrès. Nous reviendrons plus tard sur ces deux centres, encore jeunes, numériquement parlant, tandis que Lyon a déjà atteint la virilité.
Ce n'est plus en effet par centaines que l'on y compte les Spirites, comme il y a un an : c'est par milliers ; ou, pour mieux dire, on ne les compte plus, et l'on estime qu'en suivant les mêmes progressions, dans un ou deux ans ils seront plus de trente mille. Le Spiritisme s'y est recruté dans toutes les classes, mais c'est surtout dans la classe ouvrière qu'il s'est propagé avec le plus de rapidité, et cela n'est pas étonnant ; cette classe étant celle qui souffre le plus, elle se tourne du côté où elle trouve le plus de consolations. Vous qui criez contré le Spiritisme, que ne lui en donnez-vous autant ! elle se tournerait vers vous ; mais au lieu de cela vous voulez lui ôter ce qui l'aide à porter son fardeau de misère ; c'est le plus sûr moyen de vous aliéner ses sympathies et de grossir les rangs qui vous sont opposés. Ce que nous avons vu de nos yeux est tellement caractéristique, et renferme un si grand enseignement, que nous croyons devoir donner aux travailleurs la plus large part dans notre compte rendu.
L'année passée il n'y avait qu'un seul centre de réunion, celui des Brotteaux, dirigé par M. Dijoud, chef d'atelier, et sa femme ; depuis il s'en est formé sur les différents points de la ville, à la Guillotière, à Perrache, à la Croix-Rousse, à Vaise, à Saint-Just, etc., sans compter un grand nombre de réunions particulières. A peine y avait-il en tout deux ou trois médiums assez novices ; aujourd'hui il y en a dans tous les groupes, et plusieurs sont de première force ; dans un seul groupe nous en avons vu cinq écrire simultanément. Nous avons également vu une jeune personne très bon médium voyant, et chez laquelle nous avons pu constater cette faculté développée à un très haut degré.
Nous avons rapporté une collection de dessins extrêmement remarquables d'un médium dessinateur qui ne sait pas dessiner ; ils rivalisent pour l'exécution et la complication avec les dessins de Jupiter, quoique dans un autre genre. Nous ne devons pas oublier un médium guérisseur aussi recommandable par son dévouement que par la puissance de sa faculté.
C'est beaucoup sans doute que les adeptes se multiplient, mais ce qui vaut mieux encore que le nombre c'est la qualité. Eh bien ! nous déclarons hautement que nous n'avons nulle part vu de réunions Spirites plus édifiantes que celles des ouvriers Lyonnais, sous le rapport de l'ordre, du recueillement et de l'attention qu'ils apportent aux instructions de leurs guides Spirituels ; il y a là des hommes, des vieillards, des femmes, des jeunes gens, des enfants même dont la tenue respectueuse et recueillie contraste avec leur âge ; jamais un seul n'a troublé un instant le silence de nos réunions souvent fort longues ; ils semblaient presque aussi avides que leurs parents de recueillir nos paroles. Ce n'est pas tout ; le nombre des métamorphoses morales est, chez les ouvriers, presque aussi grand que celui des adeptes : des habitudes vicieuses réformées, des passions calmées, des haines apaisées, des intérieurs devenus paisibles, en un mot les vertus les plus chrétiennes développées, et cela par la confiance désormais inébranlable que les communications Spirites leur donnent en l'avenir auquel ils ne croyaient pas ; c'est un bonheur pour eux d'assister à ces instructions d'où ils sortent réconfortés contre l'adversité ; aussi en voit-on qui s'y rendent de plus d'une lieue par tous les temps, hiver comme été, et qui bravent tout pour ne pas manquer une séance ; c'est qu'il n'y a pas chez eux une foi vulgaire, mais une foi basée sur une conviction profonde, raisonnée et non aveugle.
Les Esprits qui les instruisent savent admirablement se mettre à la portée de leurs auditeurs. Leurs dictées ne sont pas des morceaux d'éloquence, mais de bonnes instructions familières, sans prétention, et qui, par cela même, vont au cœur. Les entretiens avec les parents et les amis défunts y jouent un grand rôle, et il en sort presque toujours d'utiles leçons. Souvent une famille entière se réunit, et la veillée se passe dans un doux épanchement avec ceux qui ne sont plus ; on veut avoir des nouvelles des oncles, des tantes, des cousins et des cousines ; savoir s'ils sont heureux ; personne n'est oublié ; chacun veut que le grand-père lui dise quelque chose ; et il donne à chacun un avis. - Et moi, grand-père, disait un jour un jeune garçon, vous ne me direz donc rien ? - Toi, mon enfant, si, je te dirai quelque chose : je ne suis pas content de toi ; l'autre jour tu t'es querellé en chemin pour une bêtise au lieu d'aller droit à ton ouvrage ; ce n'est pas bien, - Comment, grand-père, vous savez cela ? - Sans doute, je le sais ; est-ce que nous autres Esprits, nous ne voyons pas tout ce que vous faites, puisque nous sommes à côté de vous ? - Pardon, grand-père ; je vous promets que je ne recommencerai plus.
N'y a-t-il pas quelque chose de touchant dans cette communion des morts avec les vivants ? La vie future est là, palpitante sous les yeux ; il n'y a plus de mort, plus de séparation éternelle, plus de néant ; le ciel est plus près de la terre, et on le comprend mieux. Si c'est là une superstition, plût à Dieu qu'il n'y en eût jamais eu d'autres !
Un fait digne de remarque et que nous avons constaté, c'est la facilité avec laquelle ces hommes, la plupart illettrés, et endurcis aux plus rudes travaux, comprennent la portée de la doctrine ; on peut dire qu'ils n'en voient que le côté sérieux. Dans les instructions que nous avons données dans les différents groupes, nous avons vainement cherché à piquer la curiosité par le récit des manifestations physiques, et pourtant, pas un seul n'a vu une table tourner ; tandis que tout ce qui touchait aux appréciations morales captivait au plus haut point leur intérêt.
L'allocution suivante nous a été adressée lors de notre visite au groupe de Saint-Just ; nous la rapportons, non pour satisfaire une sotte et puérile vanité, mais comme preuve des sentiments qui dominent dans les ateliers où a pénétré le Spiritisme, et parce que nous savons être agréable à ceux qui ont bien voulu nous donner ce témoignage de sympathie. Nous la transcrivons textuellement, car nous nous serions fait un scrupule d'y ajouter un seul mot ; l'orthographe seule a été rectifiée.
« Monsieur Allan Kardec, disciple de Jésus, interprète de l'Esprit de Vérité, vous êtes notre frère en Dieu ; nous sommes réunis tous d'un même cœur sous la protection de saint Jean-Baptiste, protecteur de l'humanité, et précurseur du grand-maître Jésus, notre Sauveur.
« Nous vous prions, notre cher maître, de plonger vos regards dans le fond de nos cœurs, afin que vous puissiez vous rendre compte des sympathies que nous avons pour vous. Nous sommes de pauvres travailleurs, sans artifices ; un épais rideau, dès notre enfance, a été étendu sur nous pour étouffer notre intelligence ; mais vous, cher maître, par la volonté du Tout-Puissant, vous déchirez le rideau. Ce rideau, qu'ils ont cru impénétrable, ne peut résister à votre digne courage. Oh ! oui, notre frère, vous avez pris la lourde pioche pour découvrir la semence du spiritisme que l'on avait enfermée dans un terrain de granit ; vous la semez aux quatre coins du globe, et jusque dans nos pauvres quartiers d'ignorants, qui commencent à savourer le pain de vie.
« Nous le disons tous du fond du cœur ; nous sommes animés du même feu et nous répétons tous : Gloire à Allan Kardec et aux bons Esprits qui l'ont inspiré ! et vous, braves frères, M. et Mme Dijoud, les bénis de Dieu, de Jésus et de Marie, vous êtes gravés dans nos cœurs pour n'en sortir jamais, car vous avez sacrifié pour nous vos intérêts et vos plaisirs matériels. Dieu le sait ; nous le remercions de vous avoir choisis pour cette mission, et nous remercions aussi notre protecteur supérieur saint Jean-Baptiste.
« Merci, M. Allan Kardec ; merci mille fois, au nom du groupe de Saint-Just, d'être venu parmi nous, simples ouvriers, et encore bien imparfaits en Spiritisme ; votre présence nous cause une grande joie au milieu de nos tribulations qui sont grandes dans ce moment de crise commerciale ; vous nous apportez le baume bienfaisant que l'on nomme espérance, qui calme les haines, et rallume dans le cœur de l'homme l'amour et la charité. Nous nous appliquerons, cher maître, à suivre vos bons conseils et ceux des Esprits supérieurs qui auront la bonté de nous aider et de nous instruire, afin de devenir tous de vrais et bons Spirites. Cher maître, soyez assuré que vous emportez avec vous la sympathie de nos cœurs pour l'éternité ; nous le promettons ; nous sommes et nous serons toujours vos adeptes sincères et soumis. Permettez au médium et à moi de vous donner le baiser d'amour fraternel au nom de tous les frères et sœurs qui sont ici. Nous serions bien heureux aussi si vous vouliez trinquer avec nous. »
Nous venions de loin, et nous avions gravi les hauteurs de Saint-Just par une chaleur accablante. Quelques rafraîchissements avaient été préparés au milieu des instruments du travail : du pain, du fromage, quelques fruits, un verre de vin ; véritables agapes offertes avec la simplicité antique et un cœur sincère. Un verre de vin ! hélas ! à notre intention ; car ces braves gens n'en boivent pas tous les jours ; mais c'était fête pour eux : on allait parler du Spiritisme. Oh ! c'est de grand cœur que nous avons trinqué avec eux, et leur modeste collation avait à nos yeux cent fois plus de prix que les plus splendides repas. Qu'ils en reçoivent ici l'assurance.
Quelqu'un nous disait à Lyon : « Le spiritisme pénètre chez les ouvriers par le raisonnement ; ne serait-il pas temps de chercher à l'y faire pénétrer par le cœur ? » Cette personne assurément ne connaît pas les ouvriers ; il serait à désirer qu'on trouvât autant de cœur chez tout le monde. Si un tel langage n'est pas inspiré par le cœur ; si le cœur n'est pour rien chez celui qui trouve dans le spiritisme la force de vaincre ses penchants, de lutter avec résignation contre la misère, d'étouffer ses rancunes et ses animosités ; chez celui qui partage son morceau de pain avec un plus malheureux, nous avouons ne pas savoir où est le cœur.
Banquet Offert à M. Allan Kardec par les différents groupes de Spirites lyonnais, le 19 septembre 1861.
Un banquet a encore réuni cette année un certain nombre de Spirites à Lyon, avec cette différence que l'année dernière il y avait une trentaine de convives, tandis que celui-ci en comptait cent soixante, représentant les différents groupes qui se considèrent tous comme les membres d'une même famille, et entre lesquels il n'existe pas l'ombre de jalousie et de rivalité, ce que nous sommes bien aise de faire remarquer en passant. La majorité des assistants était composée d'ouvriers, et tout le monde a remarqué l'ordre parfait qui n'a pas cessé de régner un seul instant ; c'est que les vrais Spirites mettent leur satisfaction dans les joies du cœur et non dans les plaisirs bruyants. Plusieurs discours ont été prononcés ; nous allons les rapporter, parce qu'ils résument la situation et caractérisent une des phases de la marche du Spiritisme ; ils font, en outre, connaître le véritable esprit de cette population, regardée jadis avec une sorte d'effroi, parce qu'on l'avait mal jugée, et peut-être aussi mal dirigée moralement. Un des principaux discours fera malheureusement défaut, et nous le regrettons sincèrement : c'est celui de M. Renaud, remarquable par ses appréciations, et auquel nous ne trouvons de trop que les éloges qui nous y sont adressés. La copie de ce discours, d'une certaine étendue, ne nous ayant point été remise avant notre départ, nous sommes privés de l'insérer, mais nous n'en sommes pas moins reconnaissant envers l'auteur pour les témoignages de sympathie qu'il a bien voulu nous donner.
On a remarqué que, par une coïncidence non préméditée, puisqu'elle a été subordonnée à notre arrivée, le banquet de cette année avait eu lieu à la même date, 19 septembre, que celui de l'année passée.
Allocution de M. Dijoud, chef d'atelier, président du groupe Spirite des Brotteaux, en remerciement de l'assistance des bons Esprits.
Mes bons amis,
C'est au nom de tous que je viens remercier les bons Esprits de nous avoir réunis et initiés par leurs manifestations aux lois divines auxquelles nous sommes tous soumis ; satisfaction immense pour nous que les douces consolations qu'ils nous donnent et qui nous font supporter avec patience et résignation les épreuves et les souffrances de cette vie passagère, car nous n'ignorons plus maintenant le but de nos incarnations de rude labeur, et la récompense qui attend notre Esprit si nous les supportons avec courage et soumission.
Nous avons aussi appris par eux que si nous écoutons leurs avis, et si nous mettons en pratique leur sublime morale, c'est nous-mêmes qui amènerons le règne de bonheur que Dieu nous a fait promettre par son Fils ; alors l'égoïsme, la calomnie et la malice disparaîtront parmi nous, car nous sommes tous frères, et nous devons nous aimer, nous aider et nous pardonner comme des frères.
C'est donc à l'appel invisible des Esprits supérieurs que nous répondons en venant ici leur témoigner d'un cœur unanime notre reconnaissance. Prions-les de vouloir bien nous conserver leur protection et leur amour, et nous continuer leurs instructions si douces, si consolantes, si vivifiantes, qui nous ont fait tant de bien depuis que nous avons le bonheur de recevoir leurs communications.
Oh ! mes amis ! qu'il est beau ce jour où Dieu nous a conviés ! Prenons tous la résolution d'être de bons et sincères Spirites, et de ne jamais oublier cette doctrine qui fera le bonheur de l'humanité entière, en conduisant les hommes vers le bien. Merci aux bons Esprits qui nous assistent et nous donnent la lumière, et merci à Dieu de nous les avoir envoyés !
Toast porté par M. Courtet, négociant.
Messieurs,
Membre du groupe Spirite des Brotteaux, et en son nom, je viens vous proposer un toast en l'honneur de monsieur et madame Dijoud.
Madame, je remplis un devoir bien doux en servant d'interprète à toute notre Société, qui vous remercie de tout ce que vous avez fait en notre faveur ! Que de consolations vous avez fait naître parmi nous ! que de larmes d'attendrissement et de joie vous nous avez fait répandre ! Votre cœur si bon et si modeste ne s'est point enorgueilli de vos succès, et votre charité s'en est accrue.
Nous savons bien, madame, que vous n'êtes que l'interprète des Esprits supérieurs qui vous sont attachés, mais aussi avec quel dévouement vous acquittez-vous de cette tâche ! Par votre entremise nous sommes initiés à ces hautes questions de morale et de philosophie dont la solution doit amener le règne de Dieu, et par conséquent le bonheur des hommes sur cette terre.
Nous vous remercions aussi, madame, de l'assistance que vous donnez à nos malades ; votre foi et votre zèle en reçoivent la récompense par la satisfaction que vous éprouvez à faire le bien et à soulager la souffrance. Nous vous demandons la continuation de vos bons offices ; soyez persuadée de toute notre gratitude et de notre reconnaissance éternelle.
Monsieur Dijoud, nous vous remercions de l'intelligence, de la fermeté et de la complaisance que vous apportez dans nos réunions. Nous comptons sur vous pour continuer cette grande œuvre avec le concours des bons Esprits.
Toast porté par M Bouillant, professeur.
J'ai l'honneur de porter un toast à M. Allan Kardec, un toast tout de gratitude et de reconnaissance, au nom de ses adeptes, de ses apôtres ici présents.
Ah ! combien nous sommes heureux, nous, les volontaires de la grande œuvre, de l'œuvre féconde et régénératrice, de voir au milieu de nous notre vaillant, notre bien aimé chef !
Si nous éprouvons ce bonheur, il faut bien le reconnaître, c'est que la faveur distinctive qui nous est accordée aujourd'hui est une de celles qu'on n'oublie pas, qu'on n'oublie jamais. Eh ! quel est le soldat, par exemple, qui ne se ressouviendrait point avec la plus vive ardeur que son général a bien voulu se mêler à lui pour rompre le même pain à la même table ?
Eh bien ! nous aussi, cher maître, nous sommes vos soldats, vos volontaires, et aussi haut que vous ayez planté votre étendard, à nous, non de le défendre, il n'en est pas besoin, mais à nous de le faire triompher par une sage, une fervente propagation. Cette cause, il est vrai, est si belle, si juste, si consolante ! vous nous l'avez si bien prouvé dans vos œuvres si remplies d'érudition, de savoir, d'éloquence ! Ah ! nous le reconnaissons tous, ce sont bien là les pages de l'homme inspiré du pur Esprit, car chacun de nous a compris, en puisant à la source de votre consciencieux travail, que toutes vos pensées étaient autant de sublimes émanations du Très-Haut ! Puis, si nous ajoutons, cher maître, que votre mission est sainte et sacrée ici-bas, c'est que plus d'une fois nous avons ressenti, par le secours de vos lumières, l'étincelle fluidique qui relie entre eux tous les mondes visibles et invisibles gravitant dans l'immensité ! Aussi nos cœurs battent-ils à l'unisson d'un même amour pour vous ; recevez-en ici l'expression vive, sincère et profonde ; à vous de tout notre cœur, à vous de tout notre esprit !
On a remarqué que, par une coïncidence non préméditée, puisqu'elle a été subordonnée à notre arrivée, le banquet de cette année avait eu lieu à la même date, 19 septembre, que celui de l'année passée.
Allocution de M. Dijoud, chef d'atelier, président du groupe Spirite des Brotteaux, en remerciement de l'assistance des bons Esprits.
Mes bons amis,
C'est au nom de tous que je viens remercier les bons Esprits de nous avoir réunis et initiés par leurs manifestations aux lois divines auxquelles nous sommes tous soumis ; satisfaction immense pour nous que les douces consolations qu'ils nous donnent et qui nous font supporter avec patience et résignation les épreuves et les souffrances de cette vie passagère, car nous n'ignorons plus maintenant le but de nos incarnations de rude labeur, et la récompense qui attend notre Esprit si nous les supportons avec courage et soumission.
Nous avons aussi appris par eux que si nous écoutons leurs avis, et si nous mettons en pratique leur sublime morale, c'est nous-mêmes qui amènerons le règne de bonheur que Dieu nous a fait promettre par son Fils ; alors l'égoïsme, la calomnie et la malice disparaîtront parmi nous, car nous sommes tous frères, et nous devons nous aimer, nous aider et nous pardonner comme des frères.
C'est donc à l'appel invisible des Esprits supérieurs que nous répondons en venant ici leur témoigner d'un cœur unanime notre reconnaissance. Prions-les de vouloir bien nous conserver leur protection et leur amour, et nous continuer leurs instructions si douces, si consolantes, si vivifiantes, qui nous ont fait tant de bien depuis que nous avons le bonheur de recevoir leurs communications.
Oh ! mes amis ! qu'il est beau ce jour où Dieu nous a conviés ! Prenons tous la résolution d'être de bons et sincères Spirites, et de ne jamais oublier cette doctrine qui fera le bonheur de l'humanité entière, en conduisant les hommes vers le bien. Merci aux bons Esprits qui nous assistent et nous donnent la lumière, et merci à Dieu de nous les avoir envoyés !
Toast porté par M. Courtet, négociant.
Messieurs,
Membre du groupe Spirite des Brotteaux, et en son nom, je viens vous proposer un toast en l'honneur de monsieur et madame Dijoud.
Madame, je remplis un devoir bien doux en servant d'interprète à toute notre Société, qui vous remercie de tout ce que vous avez fait en notre faveur ! Que de consolations vous avez fait naître parmi nous ! que de larmes d'attendrissement et de joie vous nous avez fait répandre ! Votre cœur si bon et si modeste ne s'est point enorgueilli de vos succès, et votre charité s'en est accrue.
Nous savons bien, madame, que vous n'êtes que l'interprète des Esprits supérieurs qui vous sont attachés, mais aussi avec quel dévouement vous acquittez-vous de cette tâche ! Par votre entremise nous sommes initiés à ces hautes questions de morale et de philosophie dont la solution doit amener le règne de Dieu, et par conséquent le bonheur des hommes sur cette terre.
Nous vous remercions aussi, madame, de l'assistance que vous donnez à nos malades ; votre foi et votre zèle en reçoivent la récompense par la satisfaction que vous éprouvez à faire le bien et à soulager la souffrance. Nous vous demandons la continuation de vos bons offices ; soyez persuadée de toute notre gratitude et de notre reconnaissance éternelle.
Monsieur Dijoud, nous vous remercions de l'intelligence, de la fermeté et de la complaisance que vous apportez dans nos réunions. Nous comptons sur vous pour continuer cette grande œuvre avec le concours des bons Esprits.
Toast porté par M Bouillant, professeur.
J'ai l'honneur de porter un toast à M. Allan Kardec, un toast tout de gratitude et de reconnaissance, au nom de ses adeptes, de ses apôtres ici présents.
Ah ! combien nous sommes heureux, nous, les volontaires de la grande œuvre, de l'œuvre féconde et régénératrice, de voir au milieu de nous notre vaillant, notre bien aimé chef !
Si nous éprouvons ce bonheur, il faut bien le reconnaître, c'est que la faveur distinctive qui nous est accordée aujourd'hui est une de celles qu'on n'oublie pas, qu'on n'oublie jamais. Eh ! quel est le soldat, par exemple, qui ne se ressouviendrait point avec la plus vive ardeur que son général a bien voulu se mêler à lui pour rompre le même pain à la même table ?
Eh bien ! nous aussi, cher maître, nous sommes vos soldats, vos volontaires, et aussi haut que vous ayez planté votre étendard, à nous, non de le défendre, il n'en est pas besoin, mais à nous de le faire triompher par une sage, une fervente propagation. Cette cause, il est vrai, est si belle, si juste, si consolante ! vous nous l'avez si bien prouvé dans vos œuvres si remplies d'érudition, de savoir, d'éloquence ! Ah ! nous le reconnaissons tous, ce sont bien là les pages de l'homme inspiré du pur Esprit, car chacun de nous a compris, en puisant à la source de votre consciencieux travail, que toutes vos pensées étaient autant de sublimes émanations du Très-Haut ! Puis, si nous ajoutons, cher maître, que votre mission est sainte et sacrée ici-bas, c'est que plus d'une fois nous avons ressenti, par le secours de vos lumières, l'étincelle fluidique qui relie entre eux tous les mondes visibles et invisibles gravitant dans l'immensité ! Aussi nos cœurs battent-ils à l'unisson d'un même amour pour vous ; recevez-en ici l'expression vive, sincère et profonde ; à vous de tout notre cœur, à vous de tout notre esprit !
Discours de M. Allan Kardec
Mesdames et Messieurs, vous tous, mes chers et bons frères en Spiritisme ;
S'il est des circonstances où l'on puisse regretter l'insuffisance de notre pauvre langue humaine, c'est lorsqu'il s'agit d'exprimer certains sentiments, et telle est en ce moment ma position. Ce que j'éprouve est à la fois une surprise bien agréable quand je vois le terrain immense que la doctrine Spirite a gagné parmi vous depuis un an, et j'admire la Providence ; une joie indicible à la vue du bien qu'elle y produit, des consolations qu'elle y répand sur tant de douleurs ostensibles ou cachées, et j'en déduis l'avenir qui l'attend ; c'est un bonheur inexprimable de me retrouver au milieu de cette famille devenue si nombreuse en si peu de temps, et qui s'accroît tous les jours ; c'est enfin, et par-dessus tout, une profonde et sincère gratitude pour les touchants témoignages de sympathie que je reçois de vous.
Cette réunion a un caractère particulier. Dieu merci ! nous sommes tous ici d'assez bons Spirites, je pense, pour n'y voir que le plaisir de nous trouver ensemble, et non celui de nous trouver à table ; et, soit dit en passant, je crois même qu'un festin de Spirites serait une contradiction. Je présume aussi qu'en m'invitant si gracieusement et avec tant d'instances à me rendre au milieu de vous, vous n'avez pas cru que la question d'un banquet fût un motif d'attraction pour moi ; c'est ce que je me suis empressé d'écrire à mes bons amis Rey et Dijoud quand ils se sont excusés sur la simplicité de la réception ; car, soyez bien convaincus que ce qui m'honore le plus dans cette circonstance, ce dont je puis avec raison être fier, c'est la cordialité et la sincérité de l'accueil, ce qui se trouve bien rarement dans les réceptions d'apparat, car ici il n'y a point de masques sur les visages.
Si une chose pouvait atténuer le bonheur que j'ai de me trouver au milieu de vous, ce serait de n'y pouvoir rester que si peu de temps ; il m'eût été bien agréable de prolonger mon séjour dans un des centres les plus nombreux et les plus zélés du Spiritisme ; mais puisque vous avez désiré recevoir quelques instructions de ma part, vous ne trouverez pas mauvais, sans doute, qu'afin d'utiliser tous les instants, je sorte un peu des banalités assez ordinaires en pareilles circonstances, et que mon allocution emprunte quelque gravité à la gravité même du sujet qui nous réunit. Certes, si nous étions à un repas de noces ou de baptême, il serait intempestif de parler des âmes, de la mort, et de la vie future ; mais, je le répète, nous sommes ici pour nous instruire, plutôt que pour manger, et, en tout cas, ce n'est pas pour nous amuser.
Ne croyez pas, messieurs, que cette spontanéité qui vous a portés à vous réunir ici soit un fait purement personnel ; cette réunion, n'en doutez pas, a un caractère spécial et providentiel ; une volonté supérieure l'a provoquée ; des mains invisibles vous y ont poussés à votre insu, et peut-être un jour marquera-t-elle dans les fastes du Spiritisme. Puissent nos frères futurs se rappeler ce jour mémorable où les Spirites lyonnais, donnant l'exemple de l'union et de la concorde, ont posé, dans ces nouvelles agapes, le premier jalon de l'alliance qui doit exister entre les Spirites de tous les pays du monde ; car le Spiritisme, en restituant à l'Esprit son véritable rôle dans la création, en constatant la supériorité de l'intelligence sur la matière, efface naturellement toutes les distinctions établies parmi les hommes d'après les avantages corporels et mondains, sur lesquels seul l'orgueil a fondé les castes et les stupides préjugés de la couleur. Le Spiritisme, en élargissant le cercle de la famille par la pluralité des existences, établit entre les hommes une fraternité plus rationnelle que celle qui n'a pour base que les liens fragiles de la matière, car ces liens sont périssables, tandis que ceux de l'Esprit sont éternels. Ces liens, une fois bien compris, influeront, par la force des choses, sur les relations sociales, et plus tard sur la législation sociale, qui prendra pour base les lois immuables d'amour et de charité ; alors on verra disparaître ces anomalies qui choquent les hommes de bon sens, comme les lois du moyen âge choquent les hommes d'aujourd'hui. Mais ceci est l'œuvre du temps ; laissons à Dieu le soin de faire venir chaque chose à son heure ; attendons tout de sa sagesse et remercions-le seulement de nous avoir permis d'assister à l'aurore qui se lève pour l'humanité, et de nous avoir choisis comme les premiers pionniers de la grande œuvre qui se prépare. Qu'il daigne répandre sa bénédiction sur cette assemblée, la première où les adeptes du Spiritisme soient réunis en aussi grand nombre dans un sentiment de véritable confraternité.
Je dis de véritable confraternité, parce que j'ai l'intime conviction que tous, ici présents, n'en apportent aucun autre ; mais vous ne doutez pas que de nombreuses cohortes d'Esprits sont là parmi nous, qui nous écoutent en ce moment, épient toutes nos actions, et sondent les pensées de chacun, scrutant sa force ou sa faiblesse morale. Les sentiments qui les animent sont bien différents ; si les uns sont heureux de cette union, d'autres, croyez-le bien, en sont horriblement jaloux ; en sortant d'ici, ils vont tenter de semer la discorde et la désunion ; c'est à vous tous, bons et sincères Spirites, de leur prouver qu'ils perdent leur temps, et qu'ils se sont trompés en croyant trouver ici des cœurs accessibles à leurs perfides suggestions. Invoquez donc avec ferveur l'assistance de vos anges gardiens, afin qu'ils écartent de vous toute pensée qui ne serait pas pour le bien ; or, comme le mal ne peut avoir sa source dans le bien, le simple bon sens nous dit que toute pensée mauvaise ne peut venir d'un bon Esprit, et une pensée est nécessairement mauvaise grand elle est contraire à la loi d'amour et de charité ; quand elle a pour mobile l'envie ou la jalousie, l'orgueil blessé, ou même une puérile susceptibilité d'amour-propre froissé, frère jumeau de l'orgueil, qui porterait à regarder ses frères avec dédain. Amour et charité pour tous, dit le Spiritisme ; tu aimeras ton prochain comme toi-même, dit le Christ : cela n'est-il pas synonyme ?
Je vous ai félicités, mes amis, des progrès que le Spiritisme a faits parmi vous, et je suis on ne peut plus heureux de le constater. Félicitez-vous, de votre côté, de ce que ce progrès est le même partout ; oui, cette dernière année a vu dans tous les pays le Spiritisme grandir dans une proportion qui a dépassé toutes les espérances ; il est dans l'air, dans les aspirations de tous, et partout il trouve des échos, des bouches qui répètent : Voilà ce que j'attendais, ce qu'une voix secrète me faisait pressentir. Mais le progrès se manifeste encore sous une nouvelle phase : c'est le courage de son opinion, qui n'existait pas il y a peu de temps encore. Ce n'était qu'en secret et à la dérobée qu'on en parlait ; aujourd'hui on s'avoue Spirite aussi hautement qu'on s'avoue catholique, juif ou protestant ; on brave la raillerie, et cette hardiesse impose aux railleurs, qui sont comme ces roquets qui courent après ceux qui les fuient, et se sauvent si on les poursuit ; elle donne du courage aux timides, et révèle dans beaucoup de localités de nombreux Spirites qui s'ignoraient mutuellement. Ce mouvement peut-il s'arrêter ? Peut-on l'arrêter ? Je le dis hautement : Non ; on a mis tout en œuvre pour cela : sarcasmes, railleries, science, anathème, il a tout surmonté sans ralentir sa marche d'une seconde ; aveugle donc qui n'y verrait pas le doigt de Dieu. On peut l'entraver ; l'arrêter, jamais, car s'il ne coule pas à droite, il coulera à gauche.
En voyant les bienfaits moraux qu'il procure, les consolations qu'il donne, les crimes même qu'il a déjà empêchés, on se demande qui peut avoir intérêt à le combattre. Il a contre lui d'abord les incrédules qui le bafouent : ceux-là ne sont pas à craindre, puisqu'on a vu leurs traits acérés se briser contre sa cuirasse ; les ignorants qui le combattent sans le connaître : ce sont les plus nombreux ; mais sa vérité combattue par l'ignorance n'a jamais eu rien à redouter, car les ignorants se réfutent eux-mêmes sans le vouloir, témoin M. Louis Figuier dans son Histoire du merveilleux. La troisième catégorie d'adversaires est plus dangereuse, car elle est tenace et perfide ; elle se compose de tous ceux dont il peut froisser les intérêts matériels ; ils combattent dans l'ombre, et les traits empoisonnés de la calomnie ne leur font pas défaut. Voilà les véritables ennemis du Spiritisme, comme de tout temps ils l'ont été de toutes les idées de progrès, et vous en trouverez dans tous les rangs, dans toutes les classes de la société. L'emporteront-ils ? Non ; car il n'est pas donné à l'homme de s'opposer à la marche de la nature, et le Spiritisme est dans l'ordre des choses naturelles ; il faudra donc que tôt ou tard ils en prennent leur parti, et qu'ils acceptent ce qui sera accepté par tout le monde. Non, ils ne l'emporteront pas ; ce sont eux qui seront emportés.
Un nouvel élément vient s'ajouter à la Légion des Spirites : c'est celui des classes laborieuses ; et remarquez en cela la sagesse de la Providence. Le Spiritisme s'est en premier lieu propagé dans les classes éclairées, dans les sommités sociales ; cela était nécessaire, d'abord pour lui donner plus de crédit, secondement pour qu'il fût élaboré et purgé des idées superstitieuses que le défaut d'instruction aurait pu y introduire, et avec lesquelles on l'aurait confondu. A peine est-il constitué, si l'on peut parler ainsi d'une science aussi nouvelle, qu'il touche à la classe ouvrière et s'y propage avec rapidité. Ah ! c'est que là il y a tant de consolations à donner, tant de courages moraux à relever, tant de larmes à sécher, tant de résignation à inspirer, qu'il y est accueilli comme une ancre de salut, comme une égide contre les terribles tentations du besoin. Partout où je l'ai vu pénétrer dans la demeure du travail, partout je l'ai vu y produire ses bienfaisants effets moralisateurs. Réjouissez-vous donc, ouvriers lyonnais qui m'écoutez, car vous avez dans d'autres cités, telles que Sens, Lille, Bordeaux, des frères Spirites qui comme vous ont abjuré les coupables espérances du désordre et les criminels désirs de la vengeance. Continuez à prouver par votre exemple les bienfaisants résultats de cette doctrine. A ceux qui demandent à quoi elle peut servir ? répondez-leur : Dans mon désespoir, je voulais me tuer : le Spiritisme m'a arrêté, parce que je sais ce qu'il en coûte d'abréger volontairement les épreuves qu'il a plu à Dieu d'envoyer aux hommes ; pour m'étourdir je m'enivrais : j'ai compris que j'étais méprisable de m'ôter volontairement la raison et que je me privais ainsi de gagner mon pain et celui de mes enfants ; j'avais divorcé avec tous sentiments religieux : aujourd'hui je prie Dieu et je mets mon espoir dans sa miséricorde ; je ne croyais à rien qu'au néant comme suprême remède à mes misères : mon père s'est communiqué à moi et m'a dit : Mon fils, courage ! Dieu te voit ; encore un effort et tu es sauvé ! et je me suis mis à genoux devant Dieu et lui ai demandé pardon ; en voyant des riches et des pauvres, des gens qui ont tout et d'autres qui n'ont rien, j'accusais la Providence : aujourd'hui je sais que Dieu pèse tout dans la balance de sa justice et j'attends son jugement ; s'il est dans ses décrets que je doive succomber à la peine, eh bien ! je succomberai, mais avec la conscience pure, et sans emporter le remords d'avoir dérobé une obole à celui qui pouvait me sauver la vie. Dites-lui : Voilà à quoi sert le Spiritisme, cette folie, cette chimère, comme vous l'appelez. Oui, mes amis, continuez à prêcher d'exemple ; faites comprendre le Spiritisme avec ses conséquences salutaires, et quand on le comprendra, on ne s'en effraiera plus ; bien plus, il sera accueilli comme une garantie d'ordre social, et les incrédules eux-mêmes seront forcés d'en parler avec respect.
J'ai parlé des progrès du Spiritisme ; c'est qu'en effet il est sans exemple qu'une doctrine, quelle qu'elle soit, ait marché avec autant de rapidité sans en excepter même le christianisme. Cela veut-il dire qu'il lui soit supérieur, qu'il doive le supplanter ? Non ; mais c'est ici le lieu d'en fixer le véritable caractère, afin de détruire une prévention assez généralement répandue parmi ceux qui ne le connaissent pas.
Le christianisme, à sa naissance, avait à lutter contre une puissance redoutable : le Paganisme, alors universellement répandu ; il n'y avait entre eux aucune alliance possible, pas plus qu'entre la lumière et les ténèbres ; en un mot, il ne pouvait se propager qu'en détruisant ce qui existait ; aussi la lutte fut-elle longue et terrible ; les persécutions en sont la preuve. Le Spiritisme, au contraire, n'a rien à détruire, car il s'assied sur les bases mêmes du christianisme ; sur l'Évangile, dont il n'est que l'application. Vous concevez l'avantage, non de sa supériorité, mais de sa position. Ce n'est donc point, ainsi que quelques-uns le prétendent, toujours parce qu'ils ne le connaissent pas, une religion nouvelle, une secte qui se forme aux dépens de ses aînées ; c'est une doctrine purement morale qui ne s'occupe nullement des dogmes et laisse à chacun l'entière liberté de ses croyances, puisqu'elle n'en impose aucune ; et la preuve en est, c'est qu'il a des adhérents dans toutes, parmi les plus fervents catholiques comme parmi les protestants, les juifs et les musulmans. Le Spiritisme repose sur la possibilité de communiquer avec le monde invisible, c'est-à-dire avec les âmes ; or, comme les juifs, les protestants, les musulmans ont des âmes comme nous, il en résulte qu'elles peuvent se communiquer à eux aussi bien qu'à nous, et que, par conséquent, ils peuvent être Spirites comme nous.
Ce n'est pas plus une secte politique qu'une secte religieuse ; c'est la constatation d'un fait qui n'appartient pas plus à un parti que l'électricité et les chemins de fer ; c'est, dis-je, une doctrine morale, et la morale est de toutes les religions et de tous les partis.
La morale qu'il enseigne est-elle bonne ou mauvaise ? est-elle subversive ? Là est toute la question. Qu'on étudie, et l'on saura à quoi s'en tenir. Or, puisque c'est la morale de l'Évangile développée et appliquée, la condamner serait condamner l'Évangile.
A-t-il fait du bien ou du mal ? Étudiez encore et vous verrez. Qu'a-t-il fait ? Il a empêché d'innombrables suicides ; il a ramené la paix et la concorde dans un grand nombre de familles ; il a rendu doux et patients des hommes violents et colères ; il a donné de la résignation à ceux qui en manquaient, des consolations aux affligés ; il a ramené à Dieu ceux qui le méconnaissaient en détruisant les idées matérialistes, véritable plaie sociale qui annihile la responsabilité morale de l'homme ; voilà ce qu'il a fait, ce qu'il fait tous les jours, ce qu'il fera de plus en plus à mesure qu'il sera plus répandu. Est-ce là le résultat d'une mauvaise doctrine ? Mais je ne sache pas que personne ait jamais attaqué la morale du spiritisme ; seulement on dit que la religion peut produire tout cela. J'en conviens parfaitement ; mais alors pourquoi ne le produit-elle pas toujours ? C'est parce que tout le monde ne la comprend pas ; or, le Spiritisme, en rendant clair et intelligible pour tous ce qui ne l'est pas ; évident ce qui est douteux, conduit à l'application ; tandis qu'on ne sent jamais la nécessité de ce que l'on ne comprend pas ; donc le Spiritisme, loin d'être l'antagoniste de la religion, en est l'auxiliaire ; et la preuve, c'est qu'il ramène aux idées religieuses ceux qui les avaient repoussées. En résumé, le Spiritisme n'a jamais conseillé de changer de religion, ni de sacrifier ses croyances ; il n'appartient en propre à aucune religion, ou pour mieux dire il est de toutes les religions.
Quelques mots encore, messieurs, je vous prie, sur une question toute pratique. Le nombre croissant des Spirites, à Lyon, montre l'utilité du conseil que je vous ai donné l'année dernière, relativement à la formation des groupes. Réunir tous les adeptes en une seule société serait déjà aujourd'hui une chose matériellement impossible, et qui le sera bien plus encore dans quelque temps. Outre le nombre, les distances à parcourir en raison de l'étendue de la ville, les différences des habitudes selon les positions sociales, ajoutent à cette impossibilité. Par ces motifs, et par beaucoup d'autres qu'il serait trop long de développer ici, une seule société est une chimère impraticable ; multipliez les groupes le plus possible ; qu'il y en ait dix, qu'il y en ait cent, s'il le faut, et soyez certains que vous arriverez plus vite et plus sûrement.
Il y aurait ici des choses très importantes à dire sur la question d'unité de principes ; sur la divergence qui pourrait exister entre eux sur quelques points ; mais je m'arrête pour ne pas abuser de votre patience à m'écouter, patience que j'ai déjà mise à une trop longue épreuve. Si vous le désirez, j'en ferai l'objet d'une instruction spéciale que je vous adresserai prochainement.
Je termine, messieurs, cette allocution, à laquelle je me suis laissé entraîner par la rareté même des occasions que j'ai d'avoir le bonheur d'être au milieu de vous. J'emporterai de votre bienveillant accueil un souvenir qui ne s'effacera jamais, soyez-en bien persuadés.
Encore une fois, mes amis, merci du fond du cœur des marques de sympathie que vous voulez bien me donner ; merci des bonnes paroles que vous m'avez fait adresser par vos interprètes, et dont je n'accepte que le devoir qu'elles m'imposent pour ce qui me reste à faire, et non les éloges. Puisse cette solennité être le gage de l'union qui doit exister entre tous les vrais Spirites !
Je porte un toast aux Spirites lyonnais et à tous ceux d'entre eux qui se distinguent par leur zèle, leur dévouement ; leur abnégation, et que vous nommez vous-mêmes sans que j'aie besoin de le faire.
Aux Spirites lyonnais, sans distinction d'opinion, qu'ils soient ou non présents !
Messieurs, les Esprits veulent aussi avoir leur part dans cette fête de famille, et y dire leur mot. Celui d'Éraste, que vous connaissez par les remarquables dissertations qui ont été publiées dans la Revue, a spontanément dicté, avant mon départ, et à votre intention, l'épître suivante, dont il m'a chargé de vous donner lecture en son nom. C'est avec bonheur que je m'acquitte de cette commission. Vous aurez ainsi la preuve que les Esprits qui se communiquent à vous ne sont pas les seuls à s'occuper de vous et de ce qui vous concerne. Cette certitude ne peut qu'affermir votre foi et votre confiance, en voyant que l'œil vigilant des Esprits supérieurs s'étend sur tous, et que, sans vous en douter, vous êtes aussi l'objet de leur sollicitude.
S'il est des circonstances où l'on puisse regretter l'insuffisance de notre pauvre langue humaine, c'est lorsqu'il s'agit d'exprimer certains sentiments, et telle est en ce moment ma position. Ce que j'éprouve est à la fois une surprise bien agréable quand je vois le terrain immense que la doctrine Spirite a gagné parmi vous depuis un an, et j'admire la Providence ; une joie indicible à la vue du bien qu'elle y produit, des consolations qu'elle y répand sur tant de douleurs ostensibles ou cachées, et j'en déduis l'avenir qui l'attend ; c'est un bonheur inexprimable de me retrouver au milieu de cette famille devenue si nombreuse en si peu de temps, et qui s'accroît tous les jours ; c'est enfin, et par-dessus tout, une profonde et sincère gratitude pour les touchants témoignages de sympathie que je reçois de vous.
Cette réunion a un caractère particulier. Dieu merci ! nous sommes tous ici d'assez bons Spirites, je pense, pour n'y voir que le plaisir de nous trouver ensemble, et non celui de nous trouver à table ; et, soit dit en passant, je crois même qu'un festin de Spirites serait une contradiction. Je présume aussi qu'en m'invitant si gracieusement et avec tant d'instances à me rendre au milieu de vous, vous n'avez pas cru que la question d'un banquet fût un motif d'attraction pour moi ; c'est ce que je me suis empressé d'écrire à mes bons amis Rey et Dijoud quand ils se sont excusés sur la simplicité de la réception ; car, soyez bien convaincus que ce qui m'honore le plus dans cette circonstance, ce dont je puis avec raison être fier, c'est la cordialité et la sincérité de l'accueil, ce qui se trouve bien rarement dans les réceptions d'apparat, car ici il n'y a point de masques sur les visages.
Si une chose pouvait atténuer le bonheur que j'ai de me trouver au milieu de vous, ce serait de n'y pouvoir rester que si peu de temps ; il m'eût été bien agréable de prolonger mon séjour dans un des centres les plus nombreux et les plus zélés du Spiritisme ; mais puisque vous avez désiré recevoir quelques instructions de ma part, vous ne trouverez pas mauvais, sans doute, qu'afin d'utiliser tous les instants, je sorte un peu des banalités assez ordinaires en pareilles circonstances, et que mon allocution emprunte quelque gravité à la gravité même du sujet qui nous réunit. Certes, si nous étions à un repas de noces ou de baptême, il serait intempestif de parler des âmes, de la mort, et de la vie future ; mais, je le répète, nous sommes ici pour nous instruire, plutôt que pour manger, et, en tout cas, ce n'est pas pour nous amuser.
Ne croyez pas, messieurs, que cette spontanéité qui vous a portés à vous réunir ici soit un fait purement personnel ; cette réunion, n'en doutez pas, a un caractère spécial et providentiel ; une volonté supérieure l'a provoquée ; des mains invisibles vous y ont poussés à votre insu, et peut-être un jour marquera-t-elle dans les fastes du Spiritisme. Puissent nos frères futurs se rappeler ce jour mémorable où les Spirites lyonnais, donnant l'exemple de l'union et de la concorde, ont posé, dans ces nouvelles agapes, le premier jalon de l'alliance qui doit exister entre les Spirites de tous les pays du monde ; car le Spiritisme, en restituant à l'Esprit son véritable rôle dans la création, en constatant la supériorité de l'intelligence sur la matière, efface naturellement toutes les distinctions établies parmi les hommes d'après les avantages corporels et mondains, sur lesquels seul l'orgueil a fondé les castes et les stupides préjugés de la couleur. Le Spiritisme, en élargissant le cercle de la famille par la pluralité des existences, établit entre les hommes une fraternité plus rationnelle que celle qui n'a pour base que les liens fragiles de la matière, car ces liens sont périssables, tandis que ceux de l'Esprit sont éternels. Ces liens, une fois bien compris, influeront, par la force des choses, sur les relations sociales, et plus tard sur la législation sociale, qui prendra pour base les lois immuables d'amour et de charité ; alors on verra disparaître ces anomalies qui choquent les hommes de bon sens, comme les lois du moyen âge choquent les hommes d'aujourd'hui. Mais ceci est l'œuvre du temps ; laissons à Dieu le soin de faire venir chaque chose à son heure ; attendons tout de sa sagesse et remercions-le seulement de nous avoir permis d'assister à l'aurore qui se lève pour l'humanité, et de nous avoir choisis comme les premiers pionniers de la grande œuvre qui se prépare. Qu'il daigne répandre sa bénédiction sur cette assemblée, la première où les adeptes du Spiritisme soient réunis en aussi grand nombre dans un sentiment de véritable confraternité.
Je dis de véritable confraternité, parce que j'ai l'intime conviction que tous, ici présents, n'en apportent aucun autre ; mais vous ne doutez pas que de nombreuses cohortes d'Esprits sont là parmi nous, qui nous écoutent en ce moment, épient toutes nos actions, et sondent les pensées de chacun, scrutant sa force ou sa faiblesse morale. Les sentiments qui les animent sont bien différents ; si les uns sont heureux de cette union, d'autres, croyez-le bien, en sont horriblement jaloux ; en sortant d'ici, ils vont tenter de semer la discorde et la désunion ; c'est à vous tous, bons et sincères Spirites, de leur prouver qu'ils perdent leur temps, et qu'ils se sont trompés en croyant trouver ici des cœurs accessibles à leurs perfides suggestions. Invoquez donc avec ferveur l'assistance de vos anges gardiens, afin qu'ils écartent de vous toute pensée qui ne serait pas pour le bien ; or, comme le mal ne peut avoir sa source dans le bien, le simple bon sens nous dit que toute pensée mauvaise ne peut venir d'un bon Esprit, et une pensée est nécessairement mauvaise grand elle est contraire à la loi d'amour et de charité ; quand elle a pour mobile l'envie ou la jalousie, l'orgueil blessé, ou même une puérile susceptibilité d'amour-propre froissé, frère jumeau de l'orgueil, qui porterait à regarder ses frères avec dédain. Amour et charité pour tous, dit le Spiritisme ; tu aimeras ton prochain comme toi-même, dit le Christ : cela n'est-il pas synonyme ?
Je vous ai félicités, mes amis, des progrès que le Spiritisme a faits parmi vous, et je suis on ne peut plus heureux de le constater. Félicitez-vous, de votre côté, de ce que ce progrès est le même partout ; oui, cette dernière année a vu dans tous les pays le Spiritisme grandir dans une proportion qui a dépassé toutes les espérances ; il est dans l'air, dans les aspirations de tous, et partout il trouve des échos, des bouches qui répètent : Voilà ce que j'attendais, ce qu'une voix secrète me faisait pressentir. Mais le progrès se manifeste encore sous une nouvelle phase : c'est le courage de son opinion, qui n'existait pas il y a peu de temps encore. Ce n'était qu'en secret et à la dérobée qu'on en parlait ; aujourd'hui on s'avoue Spirite aussi hautement qu'on s'avoue catholique, juif ou protestant ; on brave la raillerie, et cette hardiesse impose aux railleurs, qui sont comme ces roquets qui courent après ceux qui les fuient, et se sauvent si on les poursuit ; elle donne du courage aux timides, et révèle dans beaucoup de localités de nombreux Spirites qui s'ignoraient mutuellement. Ce mouvement peut-il s'arrêter ? Peut-on l'arrêter ? Je le dis hautement : Non ; on a mis tout en œuvre pour cela : sarcasmes, railleries, science, anathème, il a tout surmonté sans ralentir sa marche d'une seconde ; aveugle donc qui n'y verrait pas le doigt de Dieu. On peut l'entraver ; l'arrêter, jamais, car s'il ne coule pas à droite, il coulera à gauche.
En voyant les bienfaits moraux qu'il procure, les consolations qu'il donne, les crimes même qu'il a déjà empêchés, on se demande qui peut avoir intérêt à le combattre. Il a contre lui d'abord les incrédules qui le bafouent : ceux-là ne sont pas à craindre, puisqu'on a vu leurs traits acérés se briser contre sa cuirasse ; les ignorants qui le combattent sans le connaître : ce sont les plus nombreux ; mais sa vérité combattue par l'ignorance n'a jamais eu rien à redouter, car les ignorants se réfutent eux-mêmes sans le vouloir, témoin M. Louis Figuier dans son Histoire du merveilleux. La troisième catégorie d'adversaires est plus dangereuse, car elle est tenace et perfide ; elle se compose de tous ceux dont il peut froisser les intérêts matériels ; ils combattent dans l'ombre, et les traits empoisonnés de la calomnie ne leur font pas défaut. Voilà les véritables ennemis du Spiritisme, comme de tout temps ils l'ont été de toutes les idées de progrès, et vous en trouverez dans tous les rangs, dans toutes les classes de la société. L'emporteront-ils ? Non ; car il n'est pas donné à l'homme de s'opposer à la marche de la nature, et le Spiritisme est dans l'ordre des choses naturelles ; il faudra donc que tôt ou tard ils en prennent leur parti, et qu'ils acceptent ce qui sera accepté par tout le monde. Non, ils ne l'emporteront pas ; ce sont eux qui seront emportés.
Un nouvel élément vient s'ajouter à la Légion des Spirites : c'est celui des classes laborieuses ; et remarquez en cela la sagesse de la Providence. Le Spiritisme s'est en premier lieu propagé dans les classes éclairées, dans les sommités sociales ; cela était nécessaire, d'abord pour lui donner plus de crédit, secondement pour qu'il fût élaboré et purgé des idées superstitieuses que le défaut d'instruction aurait pu y introduire, et avec lesquelles on l'aurait confondu. A peine est-il constitué, si l'on peut parler ainsi d'une science aussi nouvelle, qu'il touche à la classe ouvrière et s'y propage avec rapidité. Ah ! c'est que là il y a tant de consolations à donner, tant de courages moraux à relever, tant de larmes à sécher, tant de résignation à inspirer, qu'il y est accueilli comme une ancre de salut, comme une égide contre les terribles tentations du besoin. Partout où je l'ai vu pénétrer dans la demeure du travail, partout je l'ai vu y produire ses bienfaisants effets moralisateurs. Réjouissez-vous donc, ouvriers lyonnais qui m'écoutez, car vous avez dans d'autres cités, telles que Sens, Lille, Bordeaux, des frères Spirites qui comme vous ont abjuré les coupables espérances du désordre et les criminels désirs de la vengeance. Continuez à prouver par votre exemple les bienfaisants résultats de cette doctrine. A ceux qui demandent à quoi elle peut servir ? répondez-leur : Dans mon désespoir, je voulais me tuer : le Spiritisme m'a arrêté, parce que je sais ce qu'il en coûte d'abréger volontairement les épreuves qu'il a plu à Dieu d'envoyer aux hommes ; pour m'étourdir je m'enivrais : j'ai compris que j'étais méprisable de m'ôter volontairement la raison et que je me privais ainsi de gagner mon pain et celui de mes enfants ; j'avais divorcé avec tous sentiments religieux : aujourd'hui je prie Dieu et je mets mon espoir dans sa miséricorde ; je ne croyais à rien qu'au néant comme suprême remède à mes misères : mon père s'est communiqué à moi et m'a dit : Mon fils, courage ! Dieu te voit ; encore un effort et tu es sauvé ! et je me suis mis à genoux devant Dieu et lui ai demandé pardon ; en voyant des riches et des pauvres, des gens qui ont tout et d'autres qui n'ont rien, j'accusais la Providence : aujourd'hui je sais que Dieu pèse tout dans la balance de sa justice et j'attends son jugement ; s'il est dans ses décrets que je doive succomber à la peine, eh bien ! je succomberai, mais avec la conscience pure, et sans emporter le remords d'avoir dérobé une obole à celui qui pouvait me sauver la vie. Dites-lui : Voilà à quoi sert le Spiritisme, cette folie, cette chimère, comme vous l'appelez. Oui, mes amis, continuez à prêcher d'exemple ; faites comprendre le Spiritisme avec ses conséquences salutaires, et quand on le comprendra, on ne s'en effraiera plus ; bien plus, il sera accueilli comme une garantie d'ordre social, et les incrédules eux-mêmes seront forcés d'en parler avec respect.
J'ai parlé des progrès du Spiritisme ; c'est qu'en effet il est sans exemple qu'une doctrine, quelle qu'elle soit, ait marché avec autant de rapidité sans en excepter même le christianisme. Cela veut-il dire qu'il lui soit supérieur, qu'il doive le supplanter ? Non ; mais c'est ici le lieu d'en fixer le véritable caractère, afin de détruire une prévention assez généralement répandue parmi ceux qui ne le connaissent pas.
Le christianisme, à sa naissance, avait à lutter contre une puissance redoutable : le Paganisme, alors universellement répandu ; il n'y avait entre eux aucune alliance possible, pas plus qu'entre la lumière et les ténèbres ; en un mot, il ne pouvait se propager qu'en détruisant ce qui existait ; aussi la lutte fut-elle longue et terrible ; les persécutions en sont la preuve. Le Spiritisme, au contraire, n'a rien à détruire, car il s'assied sur les bases mêmes du christianisme ; sur l'Évangile, dont il n'est que l'application. Vous concevez l'avantage, non de sa supériorité, mais de sa position. Ce n'est donc point, ainsi que quelques-uns le prétendent, toujours parce qu'ils ne le connaissent pas, une religion nouvelle, une secte qui se forme aux dépens de ses aînées ; c'est une doctrine purement morale qui ne s'occupe nullement des dogmes et laisse à chacun l'entière liberté de ses croyances, puisqu'elle n'en impose aucune ; et la preuve en est, c'est qu'il a des adhérents dans toutes, parmi les plus fervents catholiques comme parmi les protestants, les juifs et les musulmans. Le Spiritisme repose sur la possibilité de communiquer avec le monde invisible, c'est-à-dire avec les âmes ; or, comme les juifs, les protestants, les musulmans ont des âmes comme nous, il en résulte qu'elles peuvent se communiquer à eux aussi bien qu'à nous, et que, par conséquent, ils peuvent être Spirites comme nous.
Ce n'est pas plus une secte politique qu'une secte religieuse ; c'est la constatation d'un fait qui n'appartient pas plus à un parti que l'électricité et les chemins de fer ; c'est, dis-je, une doctrine morale, et la morale est de toutes les religions et de tous les partis.
La morale qu'il enseigne est-elle bonne ou mauvaise ? est-elle subversive ? Là est toute la question. Qu'on étudie, et l'on saura à quoi s'en tenir. Or, puisque c'est la morale de l'Évangile développée et appliquée, la condamner serait condamner l'Évangile.
A-t-il fait du bien ou du mal ? Étudiez encore et vous verrez. Qu'a-t-il fait ? Il a empêché d'innombrables suicides ; il a ramené la paix et la concorde dans un grand nombre de familles ; il a rendu doux et patients des hommes violents et colères ; il a donné de la résignation à ceux qui en manquaient, des consolations aux affligés ; il a ramené à Dieu ceux qui le méconnaissaient en détruisant les idées matérialistes, véritable plaie sociale qui annihile la responsabilité morale de l'homme ; voilà ce qu'il a fait, ce qu'il fait tous les jours, ce qu'il fera de plus en plus à mesure qu'il sera plus répandu. Est-ce là le résultat d'une mauvaise doctrine ? Mais je ne sache pas que personne ait jamais attaqué la morale du spiritisme ; seulement on dit que la religion peut produire tout cela. J'en conviens parfaitement ; mais alors pourquoi ne le produit-elle pas toujours ? C'est parce que tout le monde ne la comprend pas ; or, le Spiritisme, en rendant clair et intelligible pour tous ce qui ne l'est pas ; évident ce qui est douteux, conduit à l'application ; tandis qu'on ne sent jamais la nécessité de ce que l'on ne comprend pas ; donc le Spiritisme, loin d'être l'antagoniste de la religion, en est l'auxiliaire ; et la preuve, c'est qu'il ramène aux idées religieuses ceux qui les avaient repoussées. En résumé, le Spiritisme n'a jamais conseillé de changer de religion, ni de sacrifier ses croyances ; il n'appartient en propre à aucune religion, ou pour mieux dire il est de toutes les religions.
Quelques mots encore, messieurs, je vous prie, sur une question toute pratique. Le nombre croissant des Spirites, à Lyon, montre l'utilité du conseil que je vous ai donné l'année dernière, relativement à la formation des groupes. Réunir tous les adeptes en une seule société serait déjà aujourd'hui une chose matériellement impossible, et qui le sera bien plus encore dans quelque temps. Outre le nombre, les distances à parcourir en raison de l'étendue de la ville, les différences des habitudes selon les positions sociales, ajoutent à cette impossibilité. Par ces motifs, et par beaucoup d'autres qu'il serait trop long de développer ici, une seule société est une chimère impraticable ; multipliez les groupes le plus possible ; qu'il y en ait dix, qu'il y en ait cent, s'il le faut, et soyez certains que vous arriverez plus vite et plus sûrement.
Il y aurait ici des choses très importantes à dire sur la question d'unité de principes ; sur la divergence qui pourrait exister entre eux sur quelques points ; mais je m'arrête pour ne pas abuser de votre patience à m'écouter, patience que j'ai déjà mise à une trop longue épreuve. Si vous le désirez, j'en ferai l'objet d'une instruction spéciale que je vous adresserai prochainement.
Je termine, messieurs, cette allocution, à laquelle je me suis laissé entraîner par la rareté même des occasions que j'ai d'avoir le bonheur d'être au milieu de vous. J'emporterai de votre bienveillant accueil un souvenir qui ne s'effacera jamais, soyez-en bien persuadés.
Encore une fois, mes amis, merci du fond du cœur des marques de sympathie que vous voulez bien me donner ; merci des bonnes paroles que vous m'avez fait adresser par vos interprètes, et dont je n'accepte que le devoir qu'elles m'imposent pour ce qui me reste à faire, et non les éloges. Puisse cette solennité être le gage de l'union qui doit exister entre tous les vrais Spirites !
Je porte un toast aux Spirites lyonnais et à tous ceux d'entre eux qui se distinguent par leur zèle, leur dévouement ; leur abnégation, et que vous nommez vous-mêmes sans que j'aie besoin de le faire.
Aux Spirites lyonnais, sans distinction d'opinion, qu'ils soient ou non présents !
Messieurs, les Esprits veulent aussi avoir leur part dans cette fête de famille, et y dire leur mot. Celui d'Éraste, que vous connaissez par les remarquables dissertations qui ont été publiées dans la Revue, a spontanément dicté, avant mon départ, et à votre intention, l'épître suivante, dont il m'a chargé de vous donner lecture en son nom. C'est avec bonheur que je m'acquitte de cette commission. Vous aurez ainsi la preuve que les Esprits qui se communiquent à vous ne sont pas les seuls à s'occuper de vous et de ce qui vous concerne. Cette certitude ne peut qu'affermir votre foi et votre confiance, en voyant que l'œil vigilant des Esprits supérieurs s'étend sur tous, et que, sans vous en douter, vous êtes aussi l'objet de leur sollicitude.
Epître d'Eraste aux Spirites lyonnais
Ce n'est pas sans une émotion bien douce que je viens m'entretenir avec
vous, chers Spirites du groupe lyonnais ; dans un milieu comme le vôtre,
où tous les rangs sont confondus, où toutes les conditions sociales se
donnent la main, je me sens plein de tendresse et de sympathie, et je
suis heureux de pouvoir vous annoncer que nous tous, qui sommes les
Esprits initiateurs du Spiritisme en France, assisterons avec une joie
bien vive à vos fraternelles agapes, auxquelles nous avons été conviés
par Jean et Irénée, vos guides spirituels éminents. Ah ! ces agapes
réveillent dans mon cœur le souvenir de celles où nous nous réunissions
tous, il y a dix-huit cents ans, lorsque nous combattions contre les
mœurs dissolues du paganisme romain, et que nous commentions déjà les
enseignements et les paraboles du Fils de l'Homme, mort pour la
propagation de l'idée sainte sur l'arbre d'infamie ! Si le TRÈS-HAUT,
mes amis, par un effet de sa miséricorde infinie, permettait que le
souvenir du passé pût rayonner un instant dans vos mémoires engourdies,
vous vous rappelleriez cette époque, illustrée par les saints martyrs de
la pléiade lyonnaise : Sanctus, Alexandre, Attale, Episode, la douce et
courageuse Blandine, Irénée le vaillant évêque, auxquels beaucoup
d'entre vous formaient alors cortège, en applaudissant à leur héroïsme
et en chantant les louanges du Seigneur ; vous vous souviendriez aussi
que plusieurs d'entre ceux qui m'écoutent ont arrosé de leur sang la
terre lyonnaise, cette terre féconde qu'Eucher et Grégoire de Tours ont
appelée la patrie des martyrs. Je ne vous les nommerai pas ; mais vous
pouvez considérer ceux qui remplissent auprès de vos groupes une
mission, un apostolat, comme ayant déjà été martyrs de la propagation de
l'idée égalitaire, enseignée du haut du Golgotha par notre Christ
bien-aimé ! Aujourd'hui, chers disciples, celui qui fut sacré par saint
Paul vient vous dire que votre mission est toujours la même, car le
paganisme romain, toujours debout, toujours vivace, enlace encore le
monde, comme le lierre enlace le chêne ; vous devez donc répandre parmi
vos malheureux frères, esclaves de leurs passions ou des passions des
autres, la saine et consolante doctrine que mes amis et moi sommes venus
vous révéler par nos médiums de tous les pays. Néanmoins, constatons
que les temps ont progressé ; que les mœurs ne sont plus les mêmes et
que l'humanité a grandi ; car aujourd'hui, si vous étiez en butte à la
persécution, elle n'émanerait plus d'un pouvoir tyrannique et jaloux,
comme au temps de la primitive Église, mais des intérêts coalisés contre
l'idée et contre vous, les apôtres de l'idée.
Je viens de prononcer le mot égalitaire : je crois utile de m'y arrêter un peu, parce que nous ne venons point prêcher, au milieu de vous, d'impraticables utopies, et parce que, au contraire, nous repoussons énergiquement tout ce qui semblerait se rattacher aux prescriptions d'un communisme antisocial ; nous sommes, avant tout, essentiellement propagateurs de la liberté individuelle, indispensable au développement des incarnés ; par conséquent, ennemis déclarés de tout ce qui se rapproche de ces législations conventuelles qui annihilent brutalement les individus. Bien que je m'adresse à un auditoire en partie composé d'artisans et de prolétaires, je sais que leurs consciences, éclairées par les rayonnements de la vérité spirite, ont déjà repoussé toute communion avec les théories antisociales données à l'appui de ce mot : égalité. Quoi qu'il en soit, je crois devoir restituer à ce mot sa signification chrétienne, telle que celui qui a dit : « Rendez à César ce qui appartient à César, » l'avait expliqué lui-même. Eh bien ! Spirites, l'égalité proclamée par le Christ, et que nous professons nous-mêmes au milieu de vos groupes aimés, c'est l'égalité devant la justice de Dieu, c'est-à-dire, notre droit, suivant notre devoir accompli, de monter dans la hiérarchie des Esprits et d'atteindre un jour les mondes avancés où règne le parfait bonheur. Pour cela, il n'est tenu compte ni de la naissance, ni de la fortune : le pauvre et le faible y parviennent comme le riche et le puissant ; car les uns n'emportent pas plus que les autres matériellement ; et comme on n'y achète ni sa place ni son pardon avec de l'argent, les droits sont égaux pour tous ; égalité devant Dieu, voilà la véritable égalité. Il ne vous sera pas demandé ce que vous avez possédé, mais bien l'usage que vous aurez fait de ce que vous avez possédé. Or, plus vous aurez possédé, plus longs et plus difficiles seront les comptes que vous aurez à rendre de votre gestion. Ainsi donc, après vos existences de missions, d'épreuves ou de châtiments dans les parages terrestres, chacun de vous, selon ses œuvres bonnes ou mauvaises, ou progressera dans l'échelle des êtres, ou recommencera tôt ou tard son existence, si celle-ci a été dévoyée. En conséquence, je vous le répète, en proclamant le dogme sacré de l'égalité, nous ne venons pas vous enseigner que vous devez être ici-bas tous égaux en richesses, en savoir et en bonheur ; mais que vous arriverez tous, à votre heure et selon vos mérites, au bonheur des élus, partage des âmes d'élite qui ont accompli leurs devoirs. Voilà, mes chers Spirites, l'égalité à laquelle vous avez droit, à laquelle le Spiritisme émancipateur vous conduira, et à laquelle je vous convie de toutes mes forces. Pour y parvenir, qu'avez-vous à faire ? Obéir à ces deux mots sublimes : amour et charité, qui résument admirablement la loi et les prophètes. Amour et charité ! ah ! celui qui remplira selon sa conscience les prescriptions de cette maxime divine est sûr de gravir rapidement les degrés de l'échelle de Jacob, et d'atteindre bientôt les sphères élevées, d'où il pourra adorer, contempler et comprendre la majesté de l'Éternel.
Vous ne sauriez croire combien il nous est doux et agréable de présider à votre banquet, où le riche et l'artisan se coudoient en buvant à la fraternité ; où le juif, le catholique et le protestant peuvent s'asseoir à la même communion pascale. Vous ne sauriez croire combien je suis fier de vous distribuer à tous et à chacun les éloges et les encouragements que l'Esprit de Vérité, notre maître bien-aimé, m'a ordonné de décerner à vos pieuses cohortes : à toi, Dijoud, à toi, sa digne compagne, et à vous tous dévoués missionnaires, qui répandez les bienfaits du Spiritisme, merci de votre concours et de votre zèle. Mais noblesse oblige, mes amis, surtout celle du cœur, et vous seriez bien coupables, bien criminels de faillir, à l'avenir, à vos saintes missions ; mais vous n'y faillirez pas ; j'en ai pour garant le bien que vous avez accompli et celui qui vous reste à faire. Mais c'est à vous, mes bien-aimés frères du labeur quotidien, que je réserve mes plus sincères félicitations, car, je le sais, vous gravissez péniblement votre Golgotha en portant, comme Christ, votre croix douloureuse. Que pourrais-je dire de plus élogieux pour vous que de rappeler le courage et la résignation avec lesquels vous supportez les désastres inouïs que la lutte fratricide, mais nécessaire des deux Amériques engendre au milieu de vous ? Ah ! nul ne peut nier que la bienfaisante influence du Spiritisme ne se fasse déjà sentir ; elle a pénétré, avec l'espérance et la foi, au milieu des ateliers ; et quand on se rappelle les époques du dernier règne, où, dès que le travail chômait, les travailleurs descendaient de la Croix-Rousse aux Terreaux en groupes tumultueux faisant présager l'émeute, et l'émeute la répression terrible, on doit remercier Dieu de la nouvelle révélation. En effet, suivant cette image vulgaire dont ils se servent dans leur langage pittoresque, souvent il leur faut danser devant le buffet ; alors ils disent, en serrant la courroie : Bah ! nous mangerons demain ! ! ! ! Je sais bien que la charité publique et particulière s'ingénie et se remue ; mais là n'est pas le vrai remède. Il faut mieux à l'humanité ; c'est pourquoi, si le Christianisme a préconisé l'égalité et les lois égalitaires, le Spiritisme recèle dans ses flancs la fraternité et ses lois ; œuvre grandiose et durable que béniront les siècles futurs. Rappelez-vous, mes amis, que Christ prit ses apôtres parmi les derniers des hommes, et que ces derniers, plus forts que les Césars, ont conquis le monde à l'idée chrétienne. A vous donc incombe l'œuvre sainte d'éclairer vos compagnons d'atelier, et de propager notre sublime doctrine qui fait les hommes si forts dans l'adversité, afin que l'Esprit du mal et de révolte ne vienne pas susciter la haine et la vengeance dans le cœur de vos frères que la grâce spirite n'a pas encore touchés. Cette œuvre vous appartient tout entière, mes chers amis ; vous la remplirez, je le sais, avec le zèle et l'ardeur que donne la conscience d'un devoir à remplir ; et un jour l'histoire reconnaissante inscrira dans ses annales que les ouvriers de Lyon, éclairés par le Spiritisme, ont bien mérité de la patrie en 1861 et 1862, pour le courage et la résignation avec lesquels ils ont supporté les tristes conséquences des luttes esclavagistes entre les États désunis d'Amérique. Qu'importe ! car ces temps de luttes et d'épreuves sont, mes enfants, des temps bénis de Dieu, envoyés pour développer le courage, la patience et l'énergie ; pour hâter l'élévation et le perfectionnement de l'orbe terrestre et des Esprits qui y sont emprisonnés dans les liens charnels de la matière. Allez ! maintenant, la tranchée est ouverte dans le vieux monde, et sur ses ruines vous acclamerez l'ère spirite de la fraternité qui vous montre le but et la fin des misères humaines, en consolant et fortifiant vos cœurs contre l'adversité et la lutte, et vous confondrez les incrédules et les impies en remerciant Dieu du lot de vos infortunes et de vos épreuves, parce que celles-ci vous rapprochent du bonheur éternel.
Il me reste à vous faire entendre quelques conseils que souvent déjà vos guides habituels vous ont donnés, mais que ma position personnelle et la circonstance actuelle m'engagent à vous rappeler de nouveau. Je m'adresse ici, mes bons amis, à tous les Spirites, à tous les groupes, afin que nulle scission, nulle dissidence, nul schisme ne surgissent entre vous, mais qu'au contraire, une croyance solidaire vous anime et vous réunisse tous, parce que cela est nécessaire au développement de notre bienfaisante doctrine. Je sens comme une volonté qui me contraint à vous prêcher la concorde et l'union, parce qu'en cela comme en toute chose, l'union fait la force, et vous avez besoin d'être forts et unis pour tenir tête aux orages qui s'approchent ; et non seulement vous avez besoin d'être unis entre vous, mais encore avec vos frères de tous les pays ; c'est pourquoi je vous adjure de suivre l'exemple que vous ont donné les Spirites de Bordeaux, dont tous les groupes particuliers forment les satellites d'un groupe central, lequel a sollicité d'entrer en communion avec la Société initiatrice de Paris qui, la première, a reçu les éléments d'un corps de doctrine et posé des bases sérieuses aux études du Spiritisme que nous tous, Esprits, professons par le monde entier.
Je sais que ce que je vous dis ici ne sera pas perdu ; je m'en réfère, du reste, entièrement aux conseils que vous avez déjà reçus, et que vous recevrez encore de vos excellents guides spirituels qui vous dirigeront dans cette voie salutaire, parce qu'il faut que la lumière aille du centre aux rayons et des rayons au centre, afin que tous profitent et bénéficient des travaux de chacun. Il est incontestable, d'ailleurs, qu'en soumettant au creuset de la raison et de la logique toutes les données et toutes les communications des Esprits, il sera facile de repousser l'absurdité et l'erreur. Un médium peut être fasciné, un groupe abusé, mais le contrôle sévère des autres groupes, mais la science acquise et la haute autorité morale des chefs de groupes, mais les communications des principaux médiums, qui reçoivent un cachet de logique et d'authenticité de nos meilleurs Esprits, feront rapidement justice des dictées mensongères et astucieuses émanées d'une tourbe d'Esprits trompeurs, imparfaits ou méchants. Repoussez-les impitoyablement tous ces Esprits qui se donnent comme conseils exclusifs en prêchant la division et l'isolement. Ce sont presque toujours des Esprits vaniteux et médiocres qui tendent à s'imposer aux hommes faibles et crédules en leur prodiguant des louanges exagérées, afin de les fasciner et de les tenir sous leur domination. Ce sont généralement des Esprits affamés de pouvoir qui, despotes publics ou privés de leur vivant, veulent avoir encore des victimes à tyranniser après leur mort. En général, mes amis, défiez-vous des communications qui portent un caractère de mysticisme et d'étrangeté, ou qui prescrivent des cérémonies et des actes bizarres ; il y a toujours alors un motif légitime de suspicion. D'un autre côté, croyez bien que lorsqu'une vérité doit être révélée à l'humanité, elle est, pour ainsi dire, instantanément communiquée dans tous les groupes sérieux qui possèdent de sérieux médiums.
Enfin, je crois bon de vous redire ici que nul n'est parfait médium s'il est obsédé ; l'obsession est un des plus grand écueils, et il y a obsession manifeste lorsqu'un médium n'est apte qu'à recevoir les communications d'un Esprit spécial, si haut que celui-ci cherche à se placer lui-même. En conséquence, tout médium, tout groupe qui se croient privilégiés par des communications que, seuls, ils peuvent recevoir, et qui, d'autre part, sont assujettis à des pratiques qui frisent la superstition, sont indubitablement sous le coup d'une obsession des mieux caractérisées. Je vous dis tout cela, mes amis, parce qu'il existe dans le monde des médiums fascinés par de perfides Esprits. Je les démasquerai impitoyablement ces Esprits, s'ils osent encore profaner des noms vénérés, dont ils s'emparent comme des larrons, et dont ils se parent orgueilleusement comme des laquais de l'habit de leur maître ; je les clouerai au pilori sans pitié, s'ils persistent à détourner du droit chemin d'honnêtes Chrétiens, de zélés Spirites dont ils ont surpris la bonne foi. En un mot, laissez-moi vous répéter ce que j'ai déjà conseillé aux Spirites parisiens : il vaut mieux repousser dix vérités momentanément qu'admettre un seul mensonge, une seule fausse théorie ; parce que sur cette théorie, sur ce mensonge, vous pourriez édifier tout un système qui croulerait au premier souffle de la vérité, comme un monument bâti sur un sable mouvant ; tandis que si vous rejetez aujourd'hui certaines vérités, certains principes, parce qu'ils ne vous sont pas démontrés logiquement, bientôt un fait brutal ou une démonstration irréfutable viendra vous en affirmer l'authenticité.
A Jean, à Irénée, à Blandine, ainsi qu'à tous vos Esprits protecteurs, incombe la tâche de vous prémunir dorénavant contre les faux prophètes de l'erraticité. Le grand Esprit émancipateur qui préside à nos travaux sous l'œil du Tout-Puissant y pourvoira, vous pouvez m'en croire. Quant à moi, bien que je sois plus particulièrement attaché aux groupes parisiens, je viendrai quelquefois m'entretenir avec vous et je suivrai toujours avec intérêt vos travaux particuliers.
Nous attendons beaucoup de la province lyonnaise, et nous savons que vous ne manquerez ni les uns ni les autres à vos missions respectives. Rappelez-vous que le christianisme, apporté par les légions césariennes, jeta, il y a bientôt deux mille ans, les premières semences de la rénovation chrétienne à Vienne et à Lyon, d'où elles se propagèrent rapidement dans la Gaule du Nord. Aujourd'hui, le progrès doit s'accomplir dans un rayonnement nouveau, c'est-à-dire du Nord au Midi. A l'œuvre donc ! Lyonnais ; il faut que la vérité triomphe, et ce n'est pas sans une légitime impatience que nous attendons l'heure où retentira la trompette d'argent qui nous annoncera votre premier combat et votre première victoire.
Maintenant laissez-moi vous remercier du recueillement avec lequel vous m'avez écouté, et du sympathique accueil que vous nous avez fait. Que Dieu tout-puissant, notre maître à tous, vous accorde sa bienveillance, et répande sur vous et sur son serviteur très humble les trésors de sa miséricorde infinie ! Adieu ! Lyonnais ; je vous bénis !
Éraste.
Je viens de prononcer le mot égalitaire : je crois utile de m'y arrêter un peu, parce que nous ne venons point prêcher, au milieu de vous, d'impraticables utopies, et parce que, au contraire, nous repoussons énergiquement tout ce qui semblerait se rattacher aux prescriptions d'un communisme antisocial ; nous sommes, avant tout, essentiellement propagateurs de la liberté individuelle, indispensable au développement des incarnés ; par conséquent, ennemis déclarés de tout ce qui se rapproche de ces législations conventuelles qui annihilent brutalement les individus. Bien que je m'adresse à un auditoire en partie composé d'artisans et de prolétaires, je sais que leurs consciences, éclairées par les rayonnements de la vérité spirite, ont déjà repoussé toute communion avec les théories antisociales données à l'appui de ce mot : égalité. Quoi qu'il en soit, je crois devoir restituer à ce mot sa signification chrétienne, telle que celui qui a dit : « Rendez à César ce qui appartient à César, » l'avait expliqué lui-même. Eh bien ! Spirites, l'égalité proclamée par le Christ, et que nous professons nous-mêmes au milieu de vos groupes aimés, c'est l'égalité devant la justice de Dieu, c'est-à-dire, notre droit, suivant notre devoir accompli, de monter dans la hiérarchie des Esprits et d'atteindre un jour les mondes avancés où règne le parfait bonheur. Pour cela, il n'est tenu compte ni de la naissance, ni de la fortune : le pauvre et le faible y parviennent comme le riche et le puissant ; car les uns n'emportent pas plus que les autres matériellement ; et comme on n'y achète ni sa place ni son pardon avec de l'argent, les droits sont égaux pour tous ; égalité devant Dieu, voilà la véritable égalité. Il ne vous sera pas demandé ce que vous avez possédé, mais bien l'usage que vous aurez fait de ce que vous avez possédé. Or, plus vous aurez possédé, plus longs et plus difficiles seront les comptes que vous aurez à rendre de votre gestion. Ainsi donc, après vos existences de missions, d'épreuves ou de châtiments dans les parages terrestres, chacun de vous, selon ses œuvres bonnes ou mauvaises, ou progressera dans l'échelle des êtres, ou recommencera tôt ou tard son existence, si celle-ci a été dévoyée. En conséquence, je vous le répète, en proclamant le dogme sacré de l'égalité, nous ne venons pas vous enseigner que vous devez être ici-bas tous égaux en richesses, en savoir et en bonheur ; mais que vous arriverez tous, à votre heure et selon vos mérites, au bonheur des élus, partage des âmes d'élite qui ont accompli leurs devoirs. Voilà, mes chers Spirites, l'égalité à laquelle vous avez droit, à laquelle le Spiritisme émancipateur vous conduira, et à laquelle je vous convie de toutes mes forces. Pour y parvenir, qu'avez-vous à faire ? Obéir à ces deux mots sublimes : amour et charité, qui résument admirablement la loi et les prophètes. Amour et charité ! ah ! celui qui remplira selon sa conscience les prescriptions de cette maxime divine est sûr de gravir rapidement les degrés de l'échelle de Jacob, et d'atteindre bientôt les sphères élevées, d'où il pourra adorer, contempler et comprendre la majesté de l'Éternel.
Vous ne sauriez croire combien il nous est doux et agréable de présider à votre banquet, où le riche et l'artisan se coudoient en buvant à la fraternité ; où le juif, le catholique et le protestant peuvent s'asseoir à la même communion pascale. Vous ne sauriez croire combien je suis fier de vous distribuer à tous et à chacun les éloges et les encouragements que l'Esprit de Vérité, notre maître bien-aimé, m'a ordonné de décerner à vos pieuses cohortes : à toi, Dijoud, à toi, sa digne compagne, et à vous tous dévoués missionnaires, qui répandez les bienfaits du Spiritisme, merci de votre concours et de votre zèle. Mais noblesse oblige, mes amis, surtout celle du cœur, et vous seriez bien coupables, bien criminels de faillir, à l'avenir, à vos saintes missions ; mais vous n'y faillirez pas ; j'en ai pour garant le bien que vous avez accompli et celui qui vous reste à faire. Mais c'est à vous, mes bien-aimés frères du labeur quotidien, que je réserve mes plus sincères félicitations, car, je le sais, vous gravissez péniblement votre Golgotha en portant, comme Christ, votre croix douloureuse. Que pourrais-je dire de plus élogieux pour vous que de rappeler le courage et la résignation avec lesquels vous supportez les désastres inouïs que la lutte fratricide, mais nécessaire des deux Amériques engendre au milieu de vous ? Ah ! nul ne peut nier que la bienfaisante influence du Spiritisme ne se fasse déjà sentir ; elle a pénétré, avec l'espérance et la foi, au milieu des ateliers ; et quand on se rappelle les époques du dernier règne, où, dès que le travail chômait, les travailleurs descendaient de la Croix-Rousse aux Terreaux en groupes tumultueux faisant présager l'émeute, et l'émeute la répression terrible, on doit remercier Dieu de la nouvelle révélation. En effet, suivant cette image vulgaire dont ils se servent dans leur langage pittoresque, souvent il leur faut danser devant le buffet ; alors ils disent, en serrant la courroie : Bah ! nous mangerons demain ! ! ! ! Je sais bien que la charité publique et particulière s'ingénie et se remue ; mais là n'est pas le vrai remède. Il faut mieux à l'humanité ; c'est pourquoi, si le Christianisme a préconisé l'égalité et les lois égalitaires, le Spiritisme recèle dans ses flancs la fraternité et ses lois ; œuvre grandiose et durable que béniront les siècles futurs. Rappelez-vous, mes amis, que Christ prit ses apôtres parmi les derniers des hommes, et que ces derniers, plus forts que les Césars, ont conquis le monde à l'idée chrétienne. A vous donc incombe l'œuvre sainte d'éclairer vos compagnons d'atelier, et de propager notre sublime doctrine qui fait les hommes si forts dans l'adversité, afin que l'Esprit du mal et de révolte ne vienne pas susciter la haine et la vengeance dans le cœur de vos frères que la grâce spirite n'a pas encore touchés. Cette œuvre vous appartient tout entière, mes chers amis ; vous la remplirez, je le sais, avec le zèle et l'ardeur que donne la conscience d'un devoir à remplir ; et un jour l'histoire reconnaissante inscrira dans ses annales que les ouvriers de Lyon, éclairés par le Spiritisme, ont bien mérité de la patrie en 1861 et 1862, pour le courage et la résignation avec lesquels ils ont supporté les tristes conséquences des luttes esclavagistes entre les États désunis d'Amérique. Qu'importe ! car ces temps de luttes et d'épreuves sont, mes enfants, des temps bénis de Dieu, envoyés pour développer le courage, la patience et l'énergie ; pour hâter l'élévation et le perfectionnement de l'orbe terrestre et des Esprits qui y sont emprisonnés dans les liens charnels de la matière. Allez ! maintenant, la tranchée est ouverte dans le vieux monde, et sur ses ruines vous acclamerez l'ère spirite de la fraternité qui vous montre le but et la fin des misères humaines, en consolant et fortifiant vos cœurs contre l'adversité et la lutte, et vous confondrez les incrédules et les impies en remerciant Dieu du lot de vos infortunes et de vos épreuves, parce que celles-ci vous rapprochent du bonheur éternel.
Il me reste à vous faire entendre quelques conseils que souvent déjà vos guides habituels vous ont donnés, mais que ma position personnelle et la circonstance actuelle m'engagent à vous rappeler de nouveau. Je m'adresse ici, mes bons amis, à tous les Spirites, à tous les groupes, afin que nulle scission, nulle dissidence, nul schisme ne surgissent entre vous, mais qu'au contraire, une croyance solidaire vous anime et vous réunisse tous, parce que cela est nécessaire au développement de notre bienfaisante doctrine. Je sens comme une volonté qui me contraint à vous prêcher la concorde et l'union, parce qu'en cela comme en toute chose, l'union fait la force, et vous avez besoin d'être forts et unis pour tenir tête aux orages qui s'approchent ; et non seulement vous avez besoin d'être unis entre vous, mais encore avec vos frères de tous les pays ; c'est pourquoi je vous adjure de suivre l'exemple que vous ont donné les Spirites de Bordeaux, dont tous les groupes particuliers forment les satellites d'un groupe central, lequel a sollicité d'entrer en communion avec la Société initiatrice de Paris qui, la première, a reçu les éléments d'un corps de doctrine et posé des bases sérieuses aux études du Spiritisme que nous tous, Esprits, professons par le monde entier.
Je sais que ce que je vous dis ici ne sera pas perdu ; je m'en réfère, du reste, entièrement aux conseils que vous avez déjà reçus, et que vous recevrez encore de vos excellents guides spirituels qui vous dirigeront dans cette voie salutaire, parce qu'il faut que la lumière aille du centre aux rayons et des rayons au centre, afin que tous profitent et bénéficient des travaux de chacun. Il est incontestable, d'ailleurs, qu'en soumettant au creuset de la raison et de la logique toutes les données et toutes les communications des Esprits, il sera facile de repousser l'absurdité et l'erreur. Un médium peut être fasciné, un groupe abusé, mais le contrôle sévère des autres groupes, mais la science acquise et la haute autorité morale des chefs de groupes, mais les communications des principaux médiums, qui reçoivent un cachet de logique et d'authenticité de nos meilleurs Esprits, feront rapidement justice des dictées mensongères et astucieuses émanées d'une tourbe d'Esprits trompeurs, imparfaits ou méchants. Repoussez-les impitoyablement tous ces Esprits qui se donnent comme conseils exclusifs en prêchant la division et l'isolement. Ce sont presque toujours des Esprits vaniteux et médiocres qui tendent à s'imposer aux hommes faibles et crédules en leur prodiguant des louanges exagérées, afin de les fasciner et de les tenir sous leur domination. Ce sont généralement des Esprits affamés de pouvoir qui, despotes publics ou privés de leur vivant, veulent avoir encore des victimes à tyranniser après leur mort. En général, mes amis, défiez-vous des communications qui portent un caractère de mysticisme et d'étrangeté, ou qui prescrivent des cérémonies et des actes bizarres ; il y a toujours alors un motif légitime de suspicion. D'un autre côté, croyez bien que lorsqu'une vérité doit être révélée à l'humanité, elle est, pour ainsi dire, instantanément communiquée dans tous les groupes sérieux qui possèdent de sérieux médiums.
Enfin, je crois bon de vous redire ici que nul n'est parfait médium s'il est obsédé ; l'obsession est un des plus grand écueils, et il y a obsession manifeste lorsqu'un médium n'est apte qu'à recevoir les communications d'un Esprit spécial, si haut que celui-ci cherche à se placer lui-même. En conséquence, tout médium, tout groupe qui se croient privilégiés par des communications que, seuls, ils peuvent recevoir, et qui, d'autre part, sont assujettis à des pratiques qui frisent la superstition, sont indubitablement sous le coup d'une obsession des mieux caractérisées. Je vous dis tout cela, mes amis, parce qu'il existe dans le monde des médiums fascinés par de perfides Esprits. Je les démasquerai impitoyablement ces Esprits, s'ils osent encore profaner des noms vénérés, dont ils s'emparent comme des larrons, et dont ils se parent orgueilleusement comme des laquais de l'habit de leur maître ; je les clouerai au pilori sans pitié, s'ils persistent à détourner du droit chemin d'honnêtes Chrétiens, de zélés Spirites dont ils ont surpris la bonne foi. En un mot, laissez-moi vous répéter ce que j'ai déjà conseillé aux Spirites parisiens : il vaut mieux repousser dix vérités momentanément qu'admettre un seul mensonge, une seule fausse théorie ; parce que sur cette théorie, sur ce mensonge, vous pourriez édifier tout un système qui croulerait au premier souffle de la vérité, comme un monument bâti sur un sable mouvant ; tandis que si vous rejetez aujourd'hui certaines vérités, certains principes, parce qu'ils ne vous sont pas démontrés logiquement, bientôt un fait brutal ou une démonstration irréfutable viendra vous en affirmer l'authenticité.
A Jean, à Irénée, à Blandine, ainsi qu'à tous vos Esprits protecteurs, incombe la tâche de vous prémunir dorénavant contre les faux prophètes de l'erraticité. Le grand Esprit émancipateur qui préside à nos travaux sous l'œil du Tout-Puissant y pourvoira, vous pouvez m'en croire. Quant à moi, bien que je sois plus particulièrement attaché aux groupes parisiens, je viendrai quelquefois m'entretenir avec vous et je suivrai toujours avec intérêt vos travaux particuliers.
Nous attendons beaucoup de la province lyonnaise, et nous savons que vous ne manquerez ni les uns ni les autres à vos missions respectives. Rappelez-vous que le christianisme, apporté par les légions césariennes, jeta, il y a bientôt deux mille ans, les premières semences de la rénovation chrétienne à Vienne et à Lyon, d'où elles se propagèrent rapidement dans la Gaule du Nord. Aujourd'hui, le progrès doit s'accomplir dans un rayonnement nouveau, c'est-à-dire du Nord au Midi. A l'œuvre donc ! Lyonnais ; il faut que la vérité triomphe, et ce n'est pas sans une légitime impatience que nous attendons l'heure où retentira la trompette d'argent qui nous annoncera votre premier combat et votre première victoire.
Maintenant laissez-moi vous remercier du recueillement avec lequel vous m'avez écouté, et du sympathique accueil que vous nous avez fait. Que Dieu tout-puissant, notre maître à tous, vous accorde sa bienveillance, et répande sur vous et sur son serviteur très humble les trésors de sa miséricorde infinie ! Adieu ! Lyonnais ; je vous bénis !
Éraste.
Entretiens familiers d'outre-tombe - Eugène Scribe (Société spirite de Paris.)
Lors de la discussion qui s'est établie entre
plusieurs Esprits sur l'aphorisme de Buffon : Le style c'est l'homme, et
que nous avons rapportée dans notre précédent numéro, le nom de M. Scribe fut
prononcé, ce qui sans doute a été pour lui un motif de venir, quoique n'étant
pas appelé ; sans prendre part au débat, il dicta spontanément la
dissertation suivante qui provoqua l'entretien ci-après.
- Il serait à désirer que le théâtre, où grands et petits vont puiser des enseignements, se préoccupât un peu moins de flatter le goût des mœurs faciles et l'exaltation des côtés véniels d'une jeunesse ardente, mais que l'amélioration sociale fût poursuivie par des pièces élevées et morales, où la fine plaisanterie remplacerait le gros sel de cuisine dont se servent les vaudevillistes du jour. Mais non ; suivant le théâtre, et suivant le public, on flatte les passions humaines. Ici, on préconise la blouse aux dépens de l'habit noir dont on fait le bouc émissaire de toutes les iniquités sociales ; là, c'est la blouse qui est honnie et conspuée, car elle recouvre toujours, dit-on, le fripon ou l'assassin. Mensonge des deux côtés.
Quelques auteurs commencent bien à prendre le taureau par les cornes, et, comme Émile Augier, à clouer les manieurs d'argent au pilori de l'opinion publique. Bah ! qu'importe ! Le public n'en continue pas moins à se précipiter vers les théâtres, où une plastique effrontée et sans pudeur fait tous les frais du spectacle. Ah ! il est temps que les idées spirites soient propagées dans toutes les couches sociales, parce qu'alors le théâtre se moralisera de lui-même, et, aux exhibitions féminines succéderont des pièces consciencieuses, jouées consciencieusement par des artistes de talent ; tous y gagneront. Espérons que bientôt surgira un auteur dramatique capable de chasser du théâtre et de l'engouement du public tous ces faiseurs, proxénètes immoraux des dames aux camélias de toute sorte. Travaillez donc à répandre le Spiritisme qui doit produire un aussi louable résultat.
E. Scribe.
Dem. Dans une communication que vous avez dictée il y a peu de temps à mademoiselle J…, et qui a été lue à la Société, vous dites que ce qui a fait votre réputation sur la terre ne l'a pas faite au ciel, et que vous auriez pu mieux employer les dons que vous aviez reçus de Dieu. Seriez-vous assez bon pour nous développer cette pensée, et nous dire en quoi vos œuvres sont répréhensibles ; il nous semble qu'elles ont un côté moral, et qu'elles ont ouvert une voie au progrès dans un certain sens ?
Rép. Tout est relatif ; aujourd'hui, dans le monde élevé où je me trouve, je ne vois plus avec mes yeux terrestres, et je pense qu'avec les dons que j'avais reçus du Tout-Puissant, je pouvais arriver à mieux pour l'humanité ; voilà pourquoi j'ai dit que je n'avais pas travaillé pour le ciel. Mais je ne peux pas exprimer en quelques mots ce que je voudrais vous dire là-dessus, car, vous le savez, j'étais un peu verbeux.
D. Vous dites encore que vous voudriez composer un ouvrage plus utile et plus sérieux, mais que cette joie vous est refusée. Est-ce comme Esprit que vous auriez voulu faire cet ouvrage, et dans ce cas, comment auriez-vous fait pour en faire profiter les hommes ?
R. Mon Dieu ! de la manière toute simple qu'emploient les Esprits, en inspirant les écrivains qui s'imaginent souvent puiser dans leur propre fonds, hélas ! quelquefois bien vide.
D. Peut-on savoir quel est le sujet que vous vous proposiez de traiter ?
R. Je n'avais point de but arrêté, mais, vous le savez, on aime un peu à faire ce que l'on n'a jamais fait. J'aurais voulu m'occuper de philosophie et de spiritualisme, parce que je me suis un peu trop occupé de réalisme. Ne prenez pas ce mot réalisme comme on l'entend aujourd'hui ; j'ai voulu seulement dire que je me suis plus spécialement occupé de ce qui amusait les yeux et l'oreille des Esprits frivoles de la terre que de ce qui pouvait satisfaire les Esprits sérieux et philosophes.
D. Vous avez dit à mademoiselle J…, que vous n'étiez pas heureux. Vous pouvez ne pas avoir le sort des bienheureux ; mais tout à l'heure, dans le comité, on a raconté une foule de bonnes actions que vous avez faites et qui doivent certainement vous compter.
R. Non, je ne suis pas heureux, parce que, hélas ! j'ai encore de l'ambition, et qu'ayant été académicien sur la terre, j'aurais bien voulu également faire partie de celle des élus.
D. Il nous semble qu'à défaut de l'ouvrage que vous ne pouvez pas faire encore, vous pourriez atteindre le même but, pour vous et pour les autres, en venant ici nous faire une série de dissertations.
R. Je ne demande pas mieux, et je viendrai avec plaisir, si on me le permet, ce que j'ignore, parce que je n'ai pas encore de position bien déterminée dans le monde spirituel. Tout est si nouveau pour moi, qui ai passé ma vie à marier des sous-lieutenants avec de riches héritières, que je n'ai pas encore eu le temps de connaître et d'admirer ce monde éthéré que j'avais oublié dans mon incarnation. Je reviendrai donc, si les Grands Esprits le permettent.
D. Dans le monde où vous êtes, aviez-vous déjà revu madame de Girardin qui, de son vivant, s'occupait beaucoup d'Esprits et d'évocations ?
R. Elle a eu la bonté de venir m'attendre au seuil de la véritable vie avec les Esprits de la pléiade à laquelle nous appartenions.
D. Est-elle plus heureuse que vous ?
R. Plus heureuse que moi est son Esprit, parce qu'elle a contribué aux ouvrages d'éducation pour l'enfance, composés par Sophie Gay, sa mère.
Remarque d'Éraste. Non, c'est parce qu'elle a lutté, tandis que Scribe s'est laissé aller au courant de sa vie facile.
D. Allez-vous quelquefois assister à la représentation de vos œuvres, ainsi que madame de Girardin ou Casimir Delavigne ?
R. Comment voulez-vous que nous n'allions pas voir ces enfants chéris, que nous avons laissés sur la terre ? c'est encore une de nos pures jouissances.
Remarque. La mort ne sépare donc point ceux qui se sont connus sur la terre ; ils se retrouvent, se réunissent et s'intéressent à ce qui faisait l'objet de leurs préoccupations. On dira sans doute que s'ils se rappellent ce qui faisait leur joie, ils se rappellent aussi les sujets de douleur, et que cela doit altérer leur félicité. Ce souvenir produit un effet tout contraire, car la satisfaction d'être délivré des maux terrestres est une jouissance d'autant plus douce que le contraste est plus grand ; on apprécie mieux les bienfaits de la santé après une maladie, le calme après la tempête. Le guerrier rentré dans ses foyers ne se plait-il pas à raconter les dangers qu'il a courus, les fatigues qu'il a éprouvées ? De même, pour les Esprits, le souvenir des luttes terrestres est une jouissance quand ils en sont sortis victorieux. Mais ce souvenir se perd dans le lointain, ou tout au moins diminue d'importance à leurs yeux, à mesure qu'ils se dégagent des fluides matériels des mondes inférieurs et se rapprochent de la perfection ; ces souvenirs sont pour eux des rêves éloignés, comme sont chez l'homme fait les souvenirs de la première enfance.
- Il serait à désirer que le théâtre, où grands et petits vont puiser des enseignements, se préoccupât un peu moins de flatter le goût des mœurs faciles et l'exaltation des côtés véniels d'une jeunesse ardente, mais que l'amélioration sociale fût poursuivie par des pièces élevées et morales, où la fine plaisanterie remplacerait le gros sel de cuisine dont se servent les vaudevillistes du jour. Mais non ; suivant le théâtre, et suivant le public, on flatte les passions humaines. Ici, on préconise la blouse aux dépens de l'habit noir dont on fait le bouc émissaire de toutes les iniquités sociales ; là, c'est la blouse qui est honnie et conspuée, car elle recouvre toujours, dit-on, le fripon ou l'assassin. Mensonge des deux côtés.
Quelques auteurs commencent bien à prendre le taureau par les cornes, et, comme Émile Augier, à clouer les manieurs d'argent au pilori de l'opinion publique. Bah ! qu'importe ! Le public n'en continue pas moins à se précipiter vers les théâtres, où une plastique effrontée et sans pudeur fait tous les frais du spectacle. Ah ! il est temps que les idées spirites soient propagées dans toutes les couches sociales, parce qu'alors le théâtre se moralisera de lui-même, et, aux exhibitions féminines succéderont des pièces consciencieuses, jouées consciencieusement par des artistes de talent ; tous y gagneront. Espérons que bientôt surgira un auteur dramatique capable de chasser du théâtre et de l'engouement du public tous ces faiseurs, proxénètes immoraux des dames aux camélias de toute sorte. Travaillez donc à répandre le Spiritisme qui doit produire un aussi louable résultat.
E. Scribe.
Dem. Dans une communication que vous avez dictée il y a peu de temps à mademoiselle J…, et qui a été lue à la Société, vous dites que ce qui a fait votre réputation sur la terre ne l'a pas faite au ciel, et que vous auriez pu mieux employer les dons que vous aviez reçus de Dieu. Seriez-vous assez bon pour nous développer cette pensée, et nous dire en quoi vos œuvres sont répréhensibles ; il nous semble qu'elles ont un côté moral, et qu'elles ont ouvert une voie au progrès dans un certain sens ?
Rép. Tout est relatif ; aujourd'hui, dans le monde élevé où je me trouve, je ne vois plus avec mes yeux terrestres, et je pense qu'avec les dons que j'avais reçus du Tout-Puissant, je pouvais arriver à mieux pour l'humanité ; voilà pourquoi j'ai dit que je n'avais pas travaillé pour le ciel. Mais je ne peux pas exprimer en quelques mots ce que je voudrais vous dire là-dessus, car, vous le savez, j'étais un peu verbeux.
D. Vous dites encore que vous voudriez composer un ouvrage plus utile et plus sérieux, mais que cette joie vous est refusée. Est-ce comme Esprit que vous auriez voulu faire cet ouvrage, et dans ce cas, comment auriez-vous fait pour en faire profiter les hommes ?
R. Mon Dieu ! de la manière toute simple qu'emploient les Esprits, en inspirant les écrivains qui s'imaginent souvent puiser dans leur propre fonds, hélas ! quelquefois bien vide.
D. Peut-on savoir quel est le sujet que vous vous proposiez de traiter ?
R. Je n'avais point de but arrêté, mais, vous le savez, on aime un peu à faire ce que l'on n'a jamais fait. J'aurais voulu m'occuper de philosophie et de spiritualisme, parce que je me suis un peu trop occupé de réalisme. Ne prenez pas ce mot réalisme comme on l'entend aujourd'hui ; j'ai voulu seulement dire que je me suis plus spécialement occupé de ce qui amusait les yeux et l'oreille des Esprits frivoles de la terre que de ce qui pouvait satisfaire les Esprits sérieux et philosophes.
D. Vous avez dit à mademoiselle J…, que vous n'étiez pas heureux. Vous pouvez ne pas avoir le sort des bienheureux ; mais tout à l'heure, dans le comité, on a raconté une foule de bonnes actions que vous avez faites et qui doivent certainement vous compter.
R. Non, je ne suis pas heureux, parce que, hélas ! j'ai encore de l'ambition, et qu'ayant été académicien sur la terre, j'aurais bien voulu également faire partie de celle des élus.
D. Il nous semble qu'à défaut de l'ouvrage que vous ne pouvez pas faire encore, vous pourriez atteindre le même but, pour vous et pour les autres, en venant ici nous faire une série de dissertations.
R. Je ne demande pas mieux, et je viendrai avec plaisir, si on me le permet, ce que j'ignore, parce que je n'ai pas encore de position bien déterminée dans le monde spirituel. Tout est si nouveau pour moi, qui ai passé ma vie à marier des sous-lieutenants avec de riches héritières, que je n'ai pas encore eu le temps de connaître et d'admirer ce monde éthéré que j'avais oublié dans mon incarnation. Je reviendrai donc, si les Grands Esprits le permettent.
D. Dans le monde où vous êtes, aviez-vous déjà revu madame de Girardin qui, de son vivant, s'occupait beaucoup d'Esprits et d'évocations ?
R. Elle a eu la bonté de venir m'attendre au seuil de la véritable vie avec les Esprits de la pléiade à laquelle nous appartenions.
D. Est-elle plus heureuse que vous ?
R. Plus heureuse que moi est son Esprit, parce qu'elle a contribué aux ouvrages d'éducation pour l'enfance, composés par Sophie Gay, sa mère.
Remarque d'Éraste. Non, c'est parce qu'elle a lutté, tandis que Scribe s'est laissé aller au courant de sa vie facile.
D. Allez-vous quelquefois assister à la représentation de vos œuvres, ainsi que madame de Girardin ou Casimir Delavigne ?
R. Comment voulez-vous que nous n'allions pas voir ces enfants chéris, que nous avons laissés sur la terre ? c'est encore une de nos pures jouissances.
Remarque. La mort ne sépare donc point ceux qui se sont connus sur la terre ; ils se retrouvent, se réunissent et s'intéressent à ce qui faisait l'objet de leurs préoccupations. On dira sans doute que s'ils se rappellent ce qui faisait leur joie, ils se rappellent aussi les sujets de douleur, et que cela doit altérer leur félicité. Ce souvenir produit un effet tout contraire, car la satisfaction d'être délivré des maux terrestres est une jouissance d'autant plus douce que le contraste est plus grand ; on apprécie mieux les bienfaits de la santé après une maladie, le calme après la tempête. Le guerrier rentré dans ses foyers ne se plait-il pas à raconter les dangers qu'il a courus, les fatigues qu'il a éprouvées ? De même, pour les Esprits, le souvenir des luttes terrestres est une jouissance quand ils en sont sortis victorieux. Mais ce souvenir se perd dans le lointain, ou tout au moins diminue d'importance à leurs yeux, à mesure qu'ils se dégagent des fluides matériels des mondes inférieurs et se rapprochent de la perfection ; ces souvenirs sont pour eux des rêves éloignés, comme sont chez l'homme fait les souvenirs de la première enfance.
Enseignements et dissertations spirites
Les Crétins. (Société spirite de Paris. - Méd. Madame Costel.)Notre collègue, madame Costel, étant allée faire une excursion dans la
partie des Alpes où le crétinisme semble avoir établi un de ses
principaux foyers, y reçut d'un de ses Esprits habituels la
communication suivante :
- Les crétins sont des êtres punis sur la terre pour le mauvais usage qu'ils ont fait de puissantes facultés ; leur âme est emprisonnée dans un corps dont les organes impuissants ne peuvent exprimer leurs pensées ; ce mutisme moral et physique est une des plus cruelles punitions terrestres ; souvent elle est choisie par les Esprits repentants qui veulent racheter leurs fautes. Cette épreuve n'est point stérile, car l'Esprit ne reste pas stationnaire dans sa prison de chair ; ces yeux hébétés voient, ce cerveau déprimé conçoit, mais rien ne peut se traduire ni par la parole ni par le regard, et, sauf le mouvement, ils sont moralement dans l'état des léthargiques et des cataleptiques qui voient et entendent ce qui se passe autour d'eux sans pouvoir l'exprimer. Quand vous avez en rêve ces terribles cauchemars où vous voulez fuir un danger, que vous poussez des cris pour appeler au secours, tandis que votre langue reste attachée au palais et vos pieds au sol, vous éprouvez un instant ce que le crétin éprouve toujours : paralysie du corps jointe à la vie de l'Esprit.
Presque toutes les infirmités ont ainsi leur raison d'être ; rien ne se fait sans cause, et ce que vous appelez l'injustice du sort est l'application de la plus haute justice. La folie est aussi une punition de l'abus de hautes facultés ; le fou a deux personnalités : celle qui extravague et celle qui a la conscience de ses actes, sans pouvoir les diriger. Quant aux crétins, la vie contemplative et isolée de leur âme, qui n'a pas les distractions du corps, peut être aussi agitée que les existences les plus compliquées par les événements ; quelques-uns se révoltent contre leur supplice volontaire ; ils regrettent de l'avoir choisi et éprouvent un désir furieux de revenir à une autre vie, désir qui leur fait oublier la résignation à la vie présente, et le remords de la vie passée dont ils ont la conscience, car les crétins et les fous savent plus que vous, et sous leur impuissance physique se cache une puissance morale dont vous n'avez nulle idée. Les actes de fureur ou d'imbécillité auxquels leur corps se livre sont jugés par l'être intérieur qui en souffre et qui en rougit. Ainsi, les bafouer, les injurier, les maltraiter même, comme on le fait quelquefois, c'est augmenter leurs souffrances, car c'est leur faire sentir plus durement leur faiblesse et leur abjection, et s'ils le pouvaient, ils accuseraient de lâcheté ceux qui n'agissent de cette façon que parce qu'ils savent que leur victime ne peut se défendre.
Le crétinisme n'est pas une des lois de Dieu, et la science peut le faire disparaître, car il est le résultat matériel de l'ignorance, de la misère et de la malpropreté. Les nouveaux moyens d'hygiène que la science, devenue plus pratique, a mis à la portée de tous, tendent à le détruire. Le progrès étant la condition expresse de l'humanité, les épreuves imposées se modifieront et suivront la marche des siècles ; elles deviendront toutes morales, et lorsque votre terre, jeune encore, aura accompli toutes les phases de son existence, elle deviendra un séjour de félicité comme d'autres planètes plus avancées.
Pierre Jouty, père du médium.
Remarque. Il fut un temps où l'on avait mis en question l'âme des crétins, et l'on se demandait s'ils appartenaient véritablement à l'espèce humaine. La manière dont le Spiritisme les fait envisager n'est-elle pas d'une haute moralité et d'un grand enseignement ? N'y a-t-il pas matière à sérieuses réflexions en songeant que ces corps disgraciés renferment des âmes qui ont peut-être brillé dans le monde, qui sont aussi lucides et aussi pensantes que les nôtres sous l'épaisse enveloppe qui en étouffe les manifestations, et qu'il peut en être de même un jour de nous, si nous abusons des facultés que nous a départies la Providence ?
Comment en outre le crétinisme pourrait-il s'expliquer ; comment le faire concorder avec la justice et la bonté de Dieu, sans admettre la pluralité des existences, autrement dit la réincarnation ? Si l'âme n'a pas déjà vécu, c'est qu'elle est créée en même temps que le corps ; dans cette hypothèse, comment justifier la création d'âmes aussi déshéritées que celles des crétins de la part d'un Dieu juste et bon ? car ici, il ne s'agit point d'un de ces accidents, comme la folie, par exemple, que l'on peut ou prévenir ou guérir ; ces êtres naissent et meurent dans le même état ; n'ayant aucune notion du bien et du mal, quel est leur sort dans l'éternité ? Seront-ils heureux à l'égal des hommes intelligents et travailleurs ? Mais pourquoi cette faveur, puisqu'ils n'ont rien fait de bien ? Seront-ils dans ce qu'on appelle les limbes, c'est-à-dire dans un état mixte qui n'est ni le bonheur ni le malheur ? Mais pourquoi cette infériorité éternelle ? Est-ce leur faute si Dieu les a créés crétins ? Nous défions tous ceux qui repoussent la doctrine de la réincarnation de sortir de cette impasse. Avec la réincarnation, au contraire, ce qui parait une injustice devient une admirable justice ; ce qui est inexplicable s'explique de la manière la plus rationnelle. Au reste, nous ne sachons pas que ceux qui repoussent cette doctrine l'aient jamais combattue avec des arguments plus péremptoires que celui de leur répugnance personnelle à revenir sur la terre. Ils sont donc bien sûrs d'avoir assez de vertus pour gagner le ciel d'emblée ! Nous leur souhaitons bonne chance. Mais les crétins ? mais les enfants qui meurent en bas âge ? quels titres auront-ils à faire valoir ?
- Les crétins sont des êtres punis sur la terre pour le mauvais usage qu'ils ont fait de puissantes facultés ; leur âme est emprisonnée dans un corps dont les organes impuissants ne peuvent exprimer leurs pensées ; ce mutisme moral et physique est une des plus cruelles punitions terrestres ; souvent elle est choisie par les Esprits repentants qui veulent racheter leurs fautes. Cette épreuve n'est point stérile, car l'Esprit ne reste pas stationnaire dans sa prison de chair ; ces yeux hébétés voient, ce cerveau déprimé conçoit, mais rien ne peut se traduire ni par la parole ni par le regard, et, sauf le mouvement, ils sont moralement dans l'état des léthargiques et des cataleptiques qui voient et entendent ce qui se passe autour d'eux sans pouvoir l'exprimer. Quand vous avez en rêve ces terribles cauchemars où vous voulez fuir un danger, que vous poussez des cris pour appeler au secours, tandis que votre langue reste attachée au palais et vos pieds au sol, vous éprouvez un instant ce que le crétin éprouve toujours : paralysie du corps jointe à la vie de l'Esprit.
Presque toutes les infirmités ont ainsi leur raison d'être ; rien ne se fait sans cause, et ce que vous appelez l'injustice du sort est l'application de la plus haute justice. La folie est aussi une punition de l'abus de hautes facultés ; le fou a deux personnalités : celle qui extravague et celle qui a la conscience de ses actes, sans pouvoir les diriger. Quant aux crétins, la vie contemplative et isolée de leur âme, qui n'a pas les distractions du corps, peut être aussi agitée que les existences les plus compliquées par les événements ; quelques-uns se révoltent contre leur supplice volontaire ; ils regrettent de l'avoir choisi et éprouvent un désir furieux de revenir à une autre vie, désir qui leur fait oublier la résignation à la vie présente, et le remords de la vie passée dont ils ont la conscience, car les crétins et les fous savent plus que vous, et sous leur impuissance physique se cache une puissance morale dont vous n'avez nulle idée. Les actes de fureur ou d'imbécillité auxquels leur corps se livre sont jugés par l'être intérieur qui en souffre et qui en rougit. Ainsi, les bafouer, les injurier, les maltraiter même, comme on le fait quelquefois, c'est augmenter leurs souffrances, car c'est leur faire sentir plus durement leur faiblesse et leur abjection, et s'ils le pouvaient, ils accuseraient de lâcheté ceux qui n'agissent de cette façon que parce qu'ils savent que leur victime ne peut se défendre.
Le crétinisme n'est pas une des lois de Dieu, et la science peut le faire disparaître, car il est le résultat matériel de l'ignorance, de la misère et de la malpropreté. Les nouveaux moyens d'hygiène que la science, devenue plus pratique, a mis à la portée de tous, tendent à le détruire. Le progrès étant la condition expresse de l'humanité, les épreuves imposées se modifieront et suivront la marche des siècles ; elles deviendront toutes morales, et lorsque votre terre, jeune encore, aura accompli toutes les phases de son existence, elle deviendra un séjour de félicité comme d'autres planètes plus avancées.
Pierre Jouty, père du médium.
Remarque. Il fut un temps où l'on avait mis en question l'âme des crétins, et l'on se demandait s'ils appartenaient véritablement à l'espèce humaine. La manière dont le Spiritisme les fait envisager n'est-elle pas d'une haute moralité et d'un grand enseignement ? N'y a-t-il pas matière à sérieuses réflexions en songeant que ces corps disgraciés renferment des âmes qui ont peut-être brillé dans le monde, qui sont aussi lucides et aussi pensantes que les nôtres sous l'épaisse enveloppe qui en étouffe les manifestations, et qu'il peut en être de même un jour de nous, si nous abusons des facultés que nous a départies la Providence ?
Comment en outre le crétinisme pourrait-il s'expliquer ; comment le faire concorder avec la justice et la bonté de Dieu, sans admettre la pluralité des existences, autrement dit la réincarnation ? Si l'âme n'a pas déjà vécu, c'est qu'elle est créée en même temps que le corps ; dans cette hypothèse, comment justifier la création d'âmes aussi déshéritées que celles des crétins de la part d'un Dieu juste et bon ? car ici, il ne s'agit point d'un de ces accidents, comme la folie, par exemple, que l'on peut ou prévenir ou guérir ; ces êtres naissent et meurent dans le même état ; n'ayant aucune notion du bien et du mal, quel est leur sort dans l'éternité ? Seront-ils heureux à l'égal des hommes intelligents et travailleurs ? Mais pourquoi cette faveur, puisqu'ils n'ont rien fait de bien ? Seront-ils dans ce qu'on appelle les limbes, c'est-à-dire dans un état mixte qui n'est ni le bonheur ni le malheur ? Mais pourquoi cette infériorité éternelle ? Est-ce leur faute si Dieu les a créés crétins ? Nous défions tous ceux qui repoussent la doctrine de la réincarnation de sortir de cette impasse. Avec la réincarnation, au contraire, ce qui parait une injustice devient une admirable justice ; ce qui est inexplicable s'explique de la manière la plus rationnelle. Au reste, nous ne sachons pas que ceux qui repoussent cette doctrine l'aient jamais combattue avec des arguments plus péremptoires que celui de leur répugnance personnelle à revenir sur la terre. Ils sont donc bien sûrs d'avoir assez de vertus pour gagner le ciel d'emblée ! Nous leur souhaitons bonne chance. Mais les crétins ? mais les enfants qui meurent en bas âge ? quels titres auront-ils à faire valoir ?
Si c'était un homme de bien, il se serait tué. (Société spirite de Sens.)
Vous dites souvent en parlant d'un mauvais homme qui échappe à un danger
: Si c'était un homme de bien, il se serait tué. Eh bien, en disant
cela vous êtes dans le vrai, car effectivement il arrive bien souvent
que Dieu donne à un Esprit, jeune encore dans les voies du progrès, une
plus longue épreuve qu'à un bon qui recevra, comme une récompense due à
son mérite, que son épreuve soit aussi courte que possible. Ainsi donc,
quand vous vous servez de cet axiome, vous ne vous doutez pas que vous
commettez un blasphème. S'il meurt un homme de bien, et qu'à côté de sa
maison soit celle d'un méchant, vous vous hâtez de dire : Il vaudrait
bien mieux que ce fût celui-là. Vous êtes grandement dans l'erreur, car
celui qui part a fini sa tâche, et celui qui reste ne l'a peut-être pas
encore commencée. Pourquoi voudriez-vous donc que celui-ci n'eût pas le
temps de l'achever, et que l'autre restât attaché à la glèbe terrestre ?
Que diriez-vous d'un prisonnier qui aurait fini son temps et qu'on
retiendrait en prison, tandis qu'on donnerait la liberté à celui qui n'y
a pas droit ? Sachez donc que la vraie liberté est dans
l'affranchissement des liens du corps, et que tant que vous êtes sur la
terre, vous êtes en captivité.
Habituez-vous à ne pas blâmer ce que vous ne pouvez comprendre, et croyez que Dieu est juste en toutes choses ; souvent ce qui vous paraît un mal est un bien, mais vos facultés sont si bornées que l'ensemble du grand tout échappe à vos sens obtus. Efforcez-vous de sortir par la pensée de votre étroite sphère, et à mesure que vous vous élèverez, l'importance de la vie matérielle diminuera à vos yeux, car elle ne vous apparaîtra que comme un incident dans la durée infinie de votre existence spirituelle, la seule véritable existence.
Fénelon.
Habituez-vous à ne pas blâmer ce que vous ne pouvez comprendre, et croyez que Dieu est juste en toutes choses ; souvent ce qui vous paraît un mal est un bien, mais vos facultés sont si bornées que l'ensemble du grand tout échappe à vos sens obtus. Efforcez-vous de sortir par la pensée de votre étroite sphère, et à mesure que vous vous élèverez, l'importance de la vie matérielle diminuera à vos yeux, car elle ne vous apparaîtra que comme un incident dans la durée infinie de votre existence spirituelle, la seule véritable existence.
Fénelon.
Les pauvres et les riches. (Société spirite de Lyon.)
Nota. Bien que les Spirites de Lyon soient
divisés en plusieurs groupes, qui se réunissent séparément, nous les
considérons comme ne formant qu'une seule société, que nous désignons
sous le nom général de Société spirite de Lyon. Les deux communications
suivantes ont été obtenues en notre présence.
La jalousie est la compagne de l'orgueil et de l'envie ; elle vous porte à désirer tout ce que les autres possèdent, sans vous rendre compte si, en enviant leur position, vous ne demandez pas qu'on vous fasse présent d'un aspic que vous réchaufferiez dans votre sein. Vous enviez et vous jalousez toujours les riches ; votre ambition et votre égoïsme vous portent à avoir soif de l'or des autres. « Si j'étais riche, dites-vous, je ferais un tout autre usage de mes biens que je ne le vois faire à tel ou tel ; » et savez-vous si, quand vous tiendriez cet or, vous n'en feriez pas un plus mauvais usage encore ? A cela vous répondez : « Celui qui est à l'abri des besoins quotidiens de la vie n'a que des peines bien minimes en comparaison de moi. » Qu'en savez-vous ? Apprenez que le riche n'est que l'intendant de Dieu ; s'il fait un mauvais usage de sa fortune, il lui en sera demandé un compte sévère. Cette fortune que Dieu lui donne et dont il profite sur la terre, c'est sa punition, c'est son épreuve, c'est son expiation. Que de tourments le riche se donne pour conserver cet or auquel il tient tant ; et quand arrive sa dernière heure, quand il lui faut rendre ses comptes, et qu'il comprend, à cette heure suprême, qui lui révèle presque toujours toute la conduite qu'il aurait dû tenir, comme il tremble ! comme il a peur ! C'est qu'il commence à comprendre qu'il a failli à sa mission, qu'il a été un mandataire infidèle, et que ses comptes vont être embrouillés. Les pauvres travailleurs, au contraire, qui ayant souffert toute leur vie, qu'ils aient été attachés à l'enclume ou à la charrue, voient arriver la mort, cette délivrance de tous les maux, avec reconnaissance, surtout s'ils ont supporté leurs misères avec résignation, et sans murmurer. Croyez-moi, mes amis, s'il vous était donné de voir le rude pilori auquel la fortune attache les riches, vous, dont le cœur est bon, parce que vous avez passé par toutes les étamines du malheur, vous diriez avec le Christ, quand votre amour-propre a été froissé par le luxe des opulents de la terre : « Pardonnez-leur, mon Dieu, ils ne savent ce qu'ils font, » et vous vous endormiriez sur votre dur oreiller en ajoutant : « Mon Dieu, bénissez-moi et que votre volonté soit faite ! ! ! »
L'Esprit protecteur du médium.
La jalousie est la compagne de l'orgueil et de l'envie ; elle vous porte à désirer tout ce que les autres possèdent, sans vous rendre compte si, en enviant leur position, vous ne demandez pas qu'on vous fasse présent d'un aspic que vous réchaufferiez dans votre sein. Vous enviez et vous jalousez toujours les riches ; votre ambition et votre égoïsme vous portent à avoir soif de l'or des autres. « Si j'étais riche, dites-vous, je ferais un tout autre usage de mes biens que je ne le vois faire à tel ou tel ; » et savez-vous si, quand vous tiendriez cet or, vous n'en feriez pas un plus mauvais usage encore ? A cela vous répondez : « Celui qui est à l'abri des besoins quotidiens de la vie n'a que des peines bien minimes en comparaison de moi. » Qu'en savez-vous ? Apprenez que le riche n'est que l'intendant de Dieu ; s'il fait un mauvais usage de sa fortune, il lui en sera demandé un compte sévère. Cette fortune que Dieu lui donne et dont il profite sur la terre, c'est sa punition, c'est son épreuve, c'est son expiation. Que de tourments le riche se donne pour conserver cet or auquel il tient tant ; et quand arrive sa dernière heure, quand il lui faut rendre ses comptes, et qu'il comprend, à cette heure suprême, qui lui révèle presque toujours toute la conduite qu'il aurait dû tenir, comme il tremble ! comme il a peur ! C'est qu'il commence à comprendre qu'il a failli à sa mission, qu'il a été un mandataire infidèle, et que ses comptes vont être embrouillés. Les pauvres travailleurs, au contraire, qui ayant souffert toute leur vie, qu'ils aient été attachés à l'enclume ou à la charrue, voient arriver la mort, cette délivrance de tous les maux, avec reconnaissance, surtout s'ils ont supporté leurs misères avec résignation, et sans murmurer. Croyez-moi, mes amis, s'il vous était donné de voir le rude pilori auquel la fortune attache les riches, vous, dont le cœur est bon, parce que vous avez passé par toutes les étamines du malheur, vous diriez avec le Christ, quand votre amour-propre a été froissé par le luxe des opulents de la terre : « Pardonnez-leur, mon Dieu, ils ne savent ce qu'ils font, » et vous vous endormiriez sur votre dur oreiller en ajoutant : « Mon Dieu, bénissez-moi et que votre volonté soit faite ! ! ! »
L'Esprit protecteur du médium.
Différentes manières de faire la charité. (Société spirite de Lyon)
Nota. La communication suivante a été obtenue en notre présence dans le groupe de Perrache :
Oui, mes amis, je viendrai toujours au milieu de vous, chaque fois que j'y serai appelé. Hier, j'ai été bien heureux pour vous, quand j'ai entendu l'auteur des livres qui vous ont ouvert les yeux témoigner le désir de vous voir réunis, pour vous adresser de bienveillantes paroles. C'est pour vous tous à la fois un grand enseignement et un puissant souvenir. Seulement, quand il vous a parlé amour et charité, j'ai entendu plusieurs d'entre vous se dire : Comment faire la charité ? Je n'ai souvent pas même le nécessaire.
La charité, mes amis, se fait de bien des manières ; vous pouvez faire la charité en pensées, en paroles, et en actions. En pensées : en priant pour les pauvres délaissés qui sont morts sans avoir été à même de voir la lumière ; une prière du cœur les soulage. En paroles : en adressant à vos compagnons de tous les jours, quelques bons avis ; dites aux hommes aigris par le désespoir, les privations, et qui blasphèment le nom du Très-Haut : « J'étais comme vous ; je souffrais, j'étais malheureux, mais j'ai cru au Spiritisme, et voyez, je suis radieux maintenant. » Aux vieillards qui vous diront : « C'est inutile ; je suis au bout de ma carrière ; je mourrai comme j'ai vécu. » Dites à ceux-là : « Dieu a pour vous tous une justice égale ; rappelez-vous les ouvriers de la dixième heure. » Aux petits enfants qui, déjà viciés par leur entourage, s'en vont rôder par les chemins, tout prêts à succomber aux mauvaises tentations, dites-leur : « Dieu vous voit, mes chers petits, » et ne craignez pas de leur répéter souvent cette douce parole ; elle finira par prendre germe dans leur jeune intelligence, et au lieu de petits vagabonds, vous aurez fait des hommes. C'est encore là une charité.
Plusieurs d'entre vous disent aussi : « Bah ! nous sommes si nombreux sur la terre, Dieu ne peut pas nous voir tous. » Ecoutez bien ceci, mes amis : quand vous êtes sur le sommet d'une montagne, est-ce que votre regard n'embrasse pas les milliards de grains de sable qui forment cette montagne ? Eh bien ! Dieu vous voit de même ; il vous laisse votre libre arbitre, comme vous laissez ces grains de sable libres d'aller au gré du vent qui les disperse ; seulement Dieu, dans sa miséricorde infinie, a mis au fond de votre cœur, une sentinelle vigilante qu'on appelle la conscience. Ecoutez-la ; elle ne vous donnera que de bons conseils. Parfois vous l'engourdissez en lui opposant l'Esprit du mal ; elle se tait alors ; mais soyez sûrs que la pauvre délaissée se fera entendre aussitôt que vous lui aurez laissé apercevoir l'ombre du remords. Ecoutez-la ; interrogez-la, et souvent vous vous trouverez consolés du conseil que vous en aurez reçu.
Mes amis, à chaque régiment nouveau le général remet un drapeau ; je vous donne, moi, cette maxime du Christ : « Aimez-vous les uns les autres. » Pratiquez cette maxime ; réunissez-vous tous autour de cet étendard, et vous en recevrez le bonheur et la consolation.
Votre Esprit protecteur.
Oui, mes amis, je viendrai toujours au milieu de vous, chaque fois que j'y serai appelé. Hier, j'ai été bien heureux pour vous, quand j'ai entendu l'auteur des livres qui vous ont ouvert les yeux témoigner le désir de vous voir réunis, pour vous adresser de bienveillantes paroles. C'est pour vous tous à la fois un grand enseignement et un puissant souvenir. Seulement, quand il vous a parlé amour et charité, j'ai entendu plusieurs d'entre vous se dire : Comment faire la charité ? Je n'ai souvent pas même le nécessaire.
La charité, mes amis, se fait de bien des manières ; vous pouvez faire la charité en pensées, en paroles, et en actions. En pensées : en priant pour les pauvres délaissés qui sont morts sans avoir été à même de voir la lumière ; une prière du cœur les soulage. En paroles : en adressant à vos compagnons de tous les jours, quelques bons avis ; dites aux hommes aigris par le désespoir, les privations, et qui blasphèment le nom du Très-Haut : « J'étais comme vous ; je souffrais, j'étais malheureux, mais j'ai cru au Spiritisme, et voyez, je suis radieux maintenant. » Aux vieillards qui vous diront : « C'est inutile ; je suis au bout de ma carrière ; je mourrai comme j'ai vécu. » Dites à ceux-là : « Dieu a pour vous tous une justice égale ; rappelez-vous les ouvriers de la dixième heure. » Aux petits enfants qui, déjà viciés par leur entourage, s'en vont rôder par les chemins, tout prêts à succomber aux mauvaises tentations, dites-leur : « Dieu vous voit, mes chers petits, » et ne craignez pas de leur répéter souvent cette douce parole ; elle finira par prendre germe dans leur jeune intelligence, et au lieu de petits vagabonds, vous aurez fait des hommes. C'est encore là une charité.
Plusieurs d'entre vous disent aussi : « Bah ! nous sommes si nombreux sur la terre, Dieu ne peut pas nous voir tous. » Ecoutez bien ceci, mes amis : quand vous êtes sur le sommet d'une montagne, est-ce que votre regard n'embrasse pas les milliards de grains de sable qui forment cette montagne ? Eh bien ! Dieu vous voit de même ; il vous laisse votre libre arbitre, comme vous laissez ces grains de sable libres d'aller au gré du vent qui les disperse ; seulement Dieu, dans sa miséricorde infinie, a mis au fond de votre cœur, une sentinelle vigilante qu'on appelle la conscience. Ecoutez-la ; elle ne vous donnera que de bons conseils. Parfois vous l'engourdissez en lui opposant l'Esprit du mal ; elle se tait alors ; mais soyez sûrs que la pauvre délaissée se fera entendre aussitôt que vous lui aurez laissé apercevoir l'ombre du remords. Ecoutez-la ; interrogez-la, et souvent vous vous trouverez consolés du conseil que vous en aurez reçu.
Mes amis, à chaque régiment nouveau le général remet un drapeau ; je vous donne, moi, cette maxime du Christ : « Aimez-vous les uns les autres. » Pratiquez cette maxime ; réunissez-vous tous autour de cet étendard, et vous en recevrez le bonheur et la consolation.
Votre Esprit protecteur.
Rome. (Envoi de M. Sabô, de Bordeaux.)
Ville de Romulus, ville des Césars, berceau du christianisme, tombeau
des apôtres, tu es la ville éternelle, et Dieu veut que la longue
léthargie où tu es tombée cesse enfin ; l'heure de ton retour à la vie
va sonner ; secoue l'engourdissement de tes membres ; relève-toi forte
et vaillante pour obéir aux destinées qui t'attendent, car depuis de
longs siècles tu n'es qu'une cité déserte. Les nombreuses ruines de tes
vastes arènes, qui contenaient à grande peine les flots de spectateurs
avides, sont à peine visitées par de rares étrangers qui passent de
temps en temps dans tes rues solitaires. Tes catacombes, où reposent les
dépouilles de tant de vaillants soldats morts pour la foi, les tirent à
peine de leur indifférence. Mais la crise que tu subis sera la
dernière, et tu vas sortir de ce pénible et douloureux travail, grande,
forte, puissante, transformée par la volonté de Dieu, et du haut de ta
vieille basilique, la voix du successeur de saint Pierre étendra sur toi
les mains qui t'apporteront la bénédiction du ciel, et il appellera
dans son conseil suprême les Esprits du Seigneur ; il se soumettra à
leurs leçons, il donnera le signal du progrès en arborant franchement la
bannière du Spiritisme. Alors, soumis à leurs enseignements, l'univers
catholique accourra en foule se ranger autour de la houlette de son
premier pasteur, et, cet élan donné, tous les cœurs seront tournés vers
toi ; tu seras le phare lumineux qui doit éclairer le monde, et tes
habitants, dans la joie et le bonheur de te voir donner aux nations
l'exemple de l'amélioration et du progrès, rediront dans leurs chants :
Oui, Rome est la ville éternelle.
Massillon.
Massillon.
Le Colisée. (Envoi de M. le comte X… de Rome ; traduit de l'italien.)
Quel sentiment la vue du Colisée fait-elle naître en vous ? celui que
produit l'aspect de toute ruine : la tristesse. Ses vastes et belles
proportions rappellent tout un monde de grandeur ; mais sa décrépitude
reporte involontairement la pensée sur la fragilité des choses humaines.
Tout passe ; et les monuments, qui semblaient défier le temps,
s'écroulent, comme pour prouver qu'il n'y a de durables que les œuvres
de Dieu ; et quand les décombres, semés de toutes parts, protestent
contre l'éternité des œuvres de l'homme, vous osez appeler éternelle une
ville jonchée des débris du passé !
« Où êtes-vous, Babylone ? où êtes-vous, Ninive ? où sont vos immenses et splendides palais ? Voyageur, tu les cherches en vain sous le sable du désert ; ne vois-tu pas que Dieu les a effacés de dessus la terre ? Rome ! espères-tu donc braver les lois de la nature ? Je suis chrétienne, dis-tu, et Babylone était païenne. Oui, mais tu es de pierres comme elle, et d'un souffle Dieu peut disperser ces pierres amoncelées. Le sol qui tremble autour de toi n'est-il pas là pour t'avertir que ton berceau, qui est sous tes pieds, peut devenir ton tombeau ? Je suis chrétienne, dis-tu, et Dieu me protège ! Mais oses-tu te comparer à ces premiers chrétiens qui mouraient pour la foi, et dont toutes les pensées n'étaient déjà plus de ce monde, toi qui vis de plaisirs, de luxe et de mollesse ? Jette les yeux sur ces arènes devant lesquelles tu passes avec tant d'indifférence ; interroge ces pierres encore debout et elles te parleront, et l'ombre des martyrs t'apparaîtra pour te dire : Qu'as-tu fait de la simplicité dont notre divin Maître nous a fait une loi, de l'humilité et de la charité dont il nous a donné l'exemple ? Avaient-ils des palais, étaient-ils vêtus d'or et de soie, ces premiers propagateurs de l'Évangile ? leurs tables regorgeaient-elles de superflu ? avaient-ils des cohortes de serviteurs inutiles pour flatter leur orgueil ? Qu'y a-t-il de commun entre eux et toi ? Ils ne cherchaient que les trésors du ciel, et tu cherches les trésors de la terre ! Oh ! hommes, qui vous dites chrétiens, à voir votre attachement aux biens périssables de ce monde, on dirait vraiment que vous ne comptez pas sur ceux de l'éternité. Rome ! qui te dis immortelle, puissent les siècles futurs ne pas chercher ta place, comme aujourd'hui on cherche celle de Babylone !
« Dante. »
Remarque. Par une singulière coïncidence, ces deux dernières communications nous sont arrivées le même jour. Quoique traitant le même sujet, on voit que les Esprits l'ont envisagé chacun à son point de vue personnel. Le premier voit la Rome religieuse, et, selon lui, elle est éternelle, parce qu'elle sera toujours la capitale du monde chrétien ; le second voit la Rome matérielle, et dit que rien de ce qu'élèvent les hommes ne peut être éternel. Au reste, on sait que les Esprits ont leurs opinions, et qu'ils peuvent différer entre eux de manière de voir lorsqu'ils sont encore imbus des idées terrestres : les Esprits les plus purs sont seuls exempts de préjugés ; mais à part l'opinion qui peut être controversée, on ne peut refuser à ces deux communications une grande élévation de style et de pensée et nous croyons qu'elles ne seraient pas désavouées par les écrivains dont elles portent le nom.
« Où êtes-vous, Babylone ? où êtes-vous, Ninive ? où sont vos immenses et splendides palais ? Voyageur, tu les cherches en vain sous le sable du désert ; ne vois-tu pas que Dieu les a effacés de dessus la terre ? Rome ! espères-tu donc braver les lois de la nature ? Je suis chrétienne, dis-tu, et Babylone était païenne. Oui, mais tu es de pierres comme elle, et d'un souffle Dieu peut disperser ces pierres amoncelées. Le sol qui tremble autour de toi n'est-il pas là pour t'avertir que ton berceau, qui est sous tes pieds, peut devenir ton tombeau ? Je suis chrétienne, dis-tu, et Dieu me protège ! Mais oses-tu te comparer à ces premiers chrétiens qui mouraient pour la foi, et dont toutes les pensées n'étaient déjà plus de ce monde, toi qui vis de plaisirs, de luxe et de mollesse ? Jette les yeux sur ces arènes devant lesquelles tu passes avec tant d'indifférence ; interroge ces pierres encore debout et elles te parleront, et l'ombre des martyrs t'apparaîtra pour te dire : Qu'as-tu fait de la simplicité dont notre divin Maître nous a fait une loi, de l'humilité et de la charité dont il nous a donné l'exemple ? Avaient-ils des palais, étaient-ils vêtus d'or et de soie, ces premiers propagateurs de l'Évangile ? leurs tables regorgeaient-elles de superflu ? avaient-ils des cohortes de serviteurs inutiles pour flatter leur orgueil ? Qu'y a-t-il de commun entre eux et toi ? Ils ne cherchaient que les trésors du ciel, et tu cherches les trésors de la terre ! Oh ! hommes, qui vous dites chrétiens, à voir votre attachement aux biens périssables de ce monde, on dirait vraiment que vous ne comptez pas sur ceux de l'éternité. Rome ! qui te dis immortelle, puissent les siècles futurs ne pas chercher ta place, comme aujourd'hui on cherche celle de Babylone !
« Dante. »
Remarque. Par une singulière coïncidence, ces deux dernières communications nous sont arrivées le même jour. Quoique traitant le même sujet, on voit que les Esprits l'ont envisagé chacun à son point de vue personnel. Le premier voit la Rome religieuse, et, selon lui, elle est éternelle, parce qu'elle sera toujours la capitale du monde chrétien ; le second voit la Rome matérielle, et dit que rien de ce qu'élèvent les hommes ne peut être éternel. Au reste, on sait que les Esprits ont leurs opinions, et qu'ils peuvent différer entre eux de manière de voir lorsqu'ils sont encore imbus des idées terrestres : les Esprits les plus purs sont seuls exempts de préjugés ; mais à part l'opinion qui peut être controversée, on ne peut refuser à ces deux communications une grande élévation de style et de pensée et nous croyons qu'elles ne seraient pas désavouées par les écrivains dont elles portent le nom.
La Terre Promise. (Envoi de M. Rodolphe, de Mulhouse.)
Le Spiritisme se lève, sa lumière féconde va bientôt illuminer le monde ;
son éclat magnifique protestera contre les attaques de ceux qui sont
intéressés à conserver les abus, et contre l'incrédulité du
matérialisme. Ceux qui doutent seront heureux de trouver dans cette
doctrine nouvelle, si belle, si pure, le baume consolateur qui les
guérira de leur scepticisme, et les rendra aptes à s'améliorer et à
progresser comme toutes les autres créatures. Les privilégiés seront
ceux qui, renonçant aux impuretés de la matière, s'élanceront d'un vol
rapide jusqu'au faîte des idées les plus pures, et chercheront à se
dématérialiser complètement.
Peuples ! levez-vous pour assister à l'aurore de cette vie nouvelle qui vient pour vous régénérer ; qui vient, envoyée par Dieu, pour vous unir dans une sainte communion fraternelle. Oh ! qu'ils seront heureux ceux qui, écoutant cette voix bénie du Spiritisme, suivront sa bannière, et rempliront l'apostolat qui doit ramener les frères égarés par le doute, l'ignorance, ou abrutis par le vice !
Revenez, brebis égarées, revenez au bercail ; relevez la tête, contemplez votre Créateur, et vous rendrez hommage à son amour pour vous. Rejetez promptement le voile qui vous cachait l'Esprit de la Divinité ; admirez sa toute bonté ; prosternez-vous la face contre terre, et repentez-vous. Le repentir vous ouvrira les portes du bonheur : celles d'un monde meilleur où règnent l'amour le plus pur, la fraternité la plus étroite, où chacun fait sa joie de la joie du prochain.
Ne sentez-vous pas que le moment approche où des choses nouvelles vont surgir ? Ne sentez-vous pas que la terre est en travail d'enfantement ? Que veulent ces peuples qui se remuent, qui s'agitent, qui s'apprêtent à la lutte ? Pourquoi vont-ils combattre ? Pour briser les chaînes qui arrêtent l'essor de leur intelligence, absorbent leur sève, sèment la défiance et la discorde, arment le fils contre le père, le frère contre le frère, corrompent les nobles aspirations et tuent le génie. O liberté ! ô indépendance ! nobles attributs des enfants de Dieu, qui élargissez le cœur et élevez l'âme, c'est par vous que les hommes deviennent bons, grands et généreux ; par vous nos aspirations tournent vers le bien, par vous l'injustice disparaît, les haines s'éteignent, et la discorde fuit honteuse, éteignant son flambeau, craignant qu'il ne l'éclaire de trop sinistres lueurs. Frères ! écoutez la voix qui vous dit : Marchez ! Marchez vers ce but que vous voyez poindre là-bas ! Marchez vers cet éclatant rayon de lumière qui est devant vous, comme jadis la colonne lumineuse devant le peuple d'Israël ; il vous conduira dans la véritable Terre Promise, celle où règne le bonheur éternel, réservé aux purs Esprits. Armez-vous de vertus ; purifiez-vous de vos impuretés, et alors la route vous semblera facile, et vous la trouverez jonchée de fleurs ; vous la parcourrez avec un sentiment ineffable de joie, car à chaque pas vous comprendrez que vous approchez du but où vous pourrez conquérir les palmes éternelles.
Mardochée
Peuples ! levez-vous pour assister à l'aurore de cette vie nouvelle qui vient pour vous régénérer ; qui vient, envoyée par Dieu, pour vous unir dans une sainte communion fraternelle. Oh ! qu'ils seront heureux ceux qui, écoutant cette voix bénie du Spiritisme, suivront sa bannière, et rempliront l'apostolat qui doit ramener les frères égarés par le doute, l'ignorance, ou abrutis par le vice !
Revenez, brebis égarées, revenez au bercail ; relevez la tête, contemplez votre Créateur, et vous rendrez hommage à son amour pour vous. Rejetez promptement le voile qui vous cachait l'Esprit de la Divinité ; admirez sa toute bonté ; prosternez-vous la face contre terre, et repentez-vous. Le repentir vous ouvrira les portes du bonheur : celles d'un monde meilleur où règnent l'amour le plus pur, la fraternité la plus étroite, où chacun fait sa joie de la joie du prochain.
Ne sentez-vous pas que le moment approche où des choses nouvelles vont surgir ? Ne sentez-vous pas que la terre est en travail d'enfantement ? Que veulent ces peuples qui se remuent, qui s'agitent, qui s'apprêtent à la lutte ? Pourquoi vont-ils combattre ? Pour briser les chaînes qui arrêtent l'essor de leur intelligence, absorbent leur sève, sèment la défiance et la discorde, arment le fils contre le père, le frère contre le frère, corrompent les nobles aspirations et tuent le génie. O liberté ! ô indépendance ! nobles attributs des enfants de Dieu, qui élargissez le cœur et élevez l'âme, c'est par vous que les hommes deviennent bons, grands et généreux ; par vous nos aspirations tournent vers le bien, par vous l'injustice disparaît, les haines s'éteignent, et la discorde fuit honteuse, éteignant son flambeau, craignant qu'il ne l'éclaire de trop sinistres lueurs. Frères ! écoutez la voix qui vous dit : Marchez ! Marchez vers ce but que vous voyez poindre là-bas ! Marchez vers cet éclatant rayon de lumière qui est devant vous, comme jadis la colonne lumineuse devant le peuple d'Israël ; il vous conduira dans la véritable Terre Promise, celle où règne le bonheur éternel, réservé aux purs Esprits. Armez-vous de vertus ; purifiez-vous de vos impuretés, et alors la route vous semblera facile, et vous la trouverez jonchée de fleurs ; vous la parcourrez avec un sentiment ineffable de joie, car à chaque pas vous comprendrez que vous approchez du but où vous pourrez conquérir les palmes éternelles.
Mardochée
Egoïsme et orgueil. (Société spirite de Sens.)
Si les hommes s'aimaient d'un commun amour, la charité serait mieux
pratiquée ; mais il faudrait pour cela que vous vous efforçassiez de
vous débarrasser de cette cuirasse qui couvre vos cœurs, afin d'être
plus sensibles envers les cœurs qui souffrent. La rigidité tue les bons
sentiments ; le Christ ne se rebutait pas ; celui qui s'adressait à lui,
quel qu'il fût, n'était pas repoussé : la femme adultère, le criminel
étaient secourus par lui ; il ne craignait jamais que sa propre
considération eût à en souffrir. Quand donc le prendrez-vous pour modèle
de toutes vos actions ? Si la charité régnait sur la terre, le méchant
n'aurait plus d'empire ; il fuirait honteux ; il se cacherait, car il se
trouverait déplacé partout. C'est alors que le mal disparaîtrait de la
surface de la terre ; soyez bien pénétrés de ceci. Commencez par donner
l'exemple vous-mêmes ; soyez charitables envers tous indistinctement ;
efforcez-vous de prendre l'habitude de ne plus remarquer ceux qui vous
regardent avec dédain ; croyez toujours qu'ils méritent votre sympathie,
et laissez à Dieu le soin de toute justice, car chaque jour, dans son
royaume, il sépare le bon grain de l'ivraie. L'égoïsme est la négation
de la charité ; or sans la charité, point de repos dans la société ; je
dis plus : point de sécurité ; avec l'égoïsme et l'orgueil qui se
donnent la main, ce sera toujours une course au plus adroit, une lutte
d'intérêts où sont foulées aux pieds les plus saintes affections, où les
liens sacrés de la famille ne sont pas même respectés.
Pascal.
Pascal.
Société spirite de Metz.
Au retour de notre voyage nous trouvons une lettre de l'honorable président de la Société spirite de Metz, ainsi que la première publication de cette Société ; nous en rendrons compte dans notre prochain numéro, celui-ci étant composé et au moment d'être mis sous presse. Il nous reste tout juste la place et le temps d'adresser nos sincères félicitations à cette Société et à son digne président.
Allan Kardec.
Allan Kardec.