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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1861 > Février
Février
Bulletin de la société parisienne des études spiritesVendredi 21 décembre 1860 (Séance particulière.)
Admission de deux nouveaux membres.
Rapports divers.
1° Lecture de plusieurs communications obtenues hors des séances.
2° M. Allan Kardec donne lecture d'une lettre de Bordeaux par laquelle on propose l'évocation d'une demoiselle M. H… décédée récemment. La Société consultée ne pense pas qu'elle doive s'occuper de cette évocation.
Travaux de la séance.
1° Dictée spontanée signée Lazare, obtenue par madame Costel. - Autre, signée Gérard de Nerval, obtenue par M. A. Didier. L'Esprit développe la proposition dont il a posé les bases dans la communication des Trois types : Hamlet, Don Juan et Tartufe, le 14 décembre. Il développe le type d'Hamlet. Sur la demande qui lui en est faite, il donne son appréciation sur Lafontaine. - Autre, signée Torquato Tasso, par mademoiselle H… L'Esprit donne également son appréciation sur Lafontaine.
2° Evocation de lady Esther Stanhope, qui a passé la plus grande partie de sa vie sur les hauteurs du Liban, au milieu des populations arabes qui lui avaient donné le titre de reine de Palmyre.
Vendredi 28 décembre 1860. (Séance générale.)
Rapports divers.
1° Lecture de plusieurs communications obtenues hors des séances, entre autres un conte fantastique signé Hoffmann, par madame Costel, et l'évocation d'un nègre faite à la Nouvelle-Orléans, par madame de B… Elle est remarquable par la naïveté des idées, et la reproduction du langage usité parmi les nègres.
2° Lettre de madame T. D… de Cracovie qui constate les progrès du Spiritisme en Pologne, dans la Podolie et l'Ukraine. Cette dame est médium depuis sept ans ; elle joint à sa lettre quatre communications qui attestent la bonté et la supériorité de l'Esprit qui les a faites, et demande en outre à faire partie de la Société.
3° M. Allan Kardec adresse aux Esprits l'allocution suivante, pour les remercier de leur concours pendant l'année qui vient de s'écouler :
« Nous ne voulons pas terminer l'année sans adresser nos remerciements aux bons Esprits qui ont bien voulu venir nous instruire. Nous remercions surtout saint Louis, notre président spirituel, dont la protection a été si évidente sur la Société qu'il a prise sous son patronage, et qui, nous l'espérons, voudra bien nous la continuer, le priant de nous inspirer à tous les sentiments qui peuvent nous en rendre dignes. Nous remercions également tous ceux qui sont venus spontanément nous donner leurs avis et leurs instructions, soit à nos séances, soit dans les communications qu'ils ont données en particulier à nos médiums et qui nous ont été transmises. Dans le nombre, nous ne saurions oublier Lamennais qui a dicté à M. Didier des pages si éloquentes ; Channing ; Georges, dont les belles communications ont été admirées de tous les lecteurs de la Revue ; Mme Delphine de Girardin, Charles Nodier, Gérard de Nerval, Lazare, Le Tasse, Alfred de Musset, Rousseau, etc., etc. L'année 1860 a été éminemment prospère pour les idées spirites ; espérons qu'avec le concours des bons Esprits, l'année qui va s'ouvrir ne sera pas moins favorable. Quant aux Esprits souffrants qui sont venus, soit spontanément, soit à notre appel, nous continuerons, par nos prières, d'appeler sur eux la miséricorde de Dieu, le priant de soutenir ceux qui sont dans la voie du repentir, et d'éclairer ceux qui sont encore dans la voie ténébreuse du mal. »
Travaux de la séance.
1° Dictée spontanée sur l'année 1860, signée J.-J. Rousseau, par Mme Costel. - Autre, signée Necker, par mademoiselle H… - Autre, sur l'année 1861, signée saint Louis.
2° Évocation de lady Stanhope, Hoffmann, le nègre de la Nouvelle-Orléans.
3° Questions diverses : Sur le souvenir des existences antérieures dans Jupiter ; - Sur diverses apparitions qu'a eues la belle-mère de M. Pr…, présent à la séance.
Vendredi 4 janvier 1861. (Séance particulière.)
Admission de M. W…, artiste peintre.
Rapports divers.
1° Lettre de M. Kond…, docteur-médecin (Vaucluse), qui exprime le regret que tout ce qui est mentionné dans les procès-verbaux de la Société ne soit pas publié intégralement dans la Revue. « Les partisans du Spiritisme, dit-il, qui ne peuvent assister aux séances, se trouvent étrangers aux questions qui sont étudiées et résolues dans cette assemblée scientifique. Tous les mois nous attendons avec une impatience fiévreuse l'arrivée de la Revue ; quand nous la tenons, nous ne perdons pas une minute pour la lire ; nous la lisons et relisons, puis nous apprenons avec tristesse une foule de questions dont nous n'aurons jamais la solution. » Il demande s'il n'y aurait pas moyen de remédier à cet inconvénient.
Mme Costel dit avoir reçu des lettres dans le même sens.
Cela prouve, dit M. Allan Kardec, une chose dont nous devons être très satisfaits, c'est le prix que l'on attache aux travaux de la Société, et le crédit dont elle jouit parmi les vrais Spirites. La publication de l'extrait des procès-verbaux montre aux étrangers qu'elle ne s'occupe que de choses graves et d'études sérieuses ; la considération qu'elle s'est acquise au dehors tient à sa modération et à sa marche prudente sur un terrain nouveau, à l'ordre et à la gravité qui président à ses réunions, et au caractère essentiellement moral et scientifique de ses travaux ; c'est donc pour elle un encouragement de ne pas s'écarter d'une voie qui lui mérite l'estime, puisque de l'étranger, de la Pologne même, on écrit pour demander à en faire partie.
A la réclamation spéciale et très flatteuse pour nous de M. le docteur K…, je répondrai d'abord que, pour publier intégralement tout ce qui se fait et se discute dans la Société, il faudrait des volumes. Parmi les évocations qui y sont faites, il en est beaucoup, ou qui ne répondent pas à l'attente, ou qui n'offrent pas un intérêt assez général pour être publiées ; on les conserve dans les archives pour être consultées au besoin, et le bulletin se contente de les mentionner. Il en est de même des communications spontanées : on ne publie que les plus instructives. Quant aux questions diverses et problèmes moraux, qui ont souvent un grand intérêt, M. le docteur K… est dans l'erreur s'il pense que les Spirites du dehors en sont privés. Ce qui lui donne cette opinion, c'est que l'abondance des matières, et la nécessité de les coordonner, permettent assez rarement de publier toutes ces questions dans le numéro de la Revue où elles sont mentionnées au bulletin ; mais elles y trouvent tôt ou tard leur place. D'ailleurs, elles constituent un des éléments essentiels des ouvrages sur le Spiritisme ; elles ont été mises à profit dans le Livre des Esprits et dans le Livre des Médiums où elles sont classées selon leur objet, et aucune de celles qui sont essentielles n'a été omise. Que M. K…, et les autres Spirites se rassurent donc ; s'ils ne peuvent, par la lecture de la Revue, assister de loin aux séances de la Société, et n'en pas perdre une parole, tout ce que l'on y obtient d'important n'est jamais mis sous le boisseau. Néanmoins, la Revue s'efforcera de répondre, autant que possible, au désir exprimé par l'honorable correspondant.
2° M. Allan Kardec signale, d'après le récit d'un négociant de New-York, présent à la séance, le progrès que fait aux États-Unis du nord les principes formulés dans le Livre des Esprits. Ce livre y est traduit en anglais par fragments, et la doctrine de la réincarnation y compte maintenant de nombreux partisans.
3° Lecture d'une gracieuse et charmante communication en vieux style du moyen-âge, obtenue par mademoiselle S… - Autre, sur l'immatérialité des Esprits, par madame Costel.
Travaux de la séance.
1° Observations critiques sur la dictée faite dans la dernière séance par l'Esprit de Necker. L'Esprit de Mme de Staël se manifeste spontanément et justifie, en en expliquent le sens, les paroles de son père.
2° Évocation de Léon X, qui s'est manifesté spontanément le 14 décembre. Répondant à plusieurs questions qui lui sont faites, il explique et développe ses idées sur le caractère comparé des Américains, des Français et des Anglais ; la manière de voir de ces peuples touchant le Spiritisme ; les progrès inévitables de cette doctrine, etc.
3° Dialogue spontané entre Mgr Sibour et son meurtrier.
4° Questions adressées à saint Louis sur le nègre évoqué le 28 décembre, son caractère et son origine.
5° Évocation de mademoiselle J. B., pour sa mère présente à la séance. Cette communication, d'un intérêt tout privé, offre une peinture touchante de l'affection que certains Esprits conservent pour ceux qu'ils ont aimés sur la terre.
M. Squire
Plusieurs journaux ont parlé avec plus ou moins de dérision,
selon leur habitude, de ce nouveau médium, compatriote de M. Home, sous
l'influence duquel se produisent aussi des phénomènes d'un ordre en quelque
sorte exceptionnel. Ils ont cela de particulier, que les effets n'ont lieu que
dans la plus profonde obscurité, circonstance dont ne manquent pas d'exciper
les incrédules. M. Home, comme on le sait, produisait des phénomènes très
variés, dont le plus remarquable était, sans contredit, celui des apparitions
tangibles ; nous en avons rendu un compte détaillé dans la Revue Spirite
des mois de février, mars et avril 1868. M. Squire n'en produit que deux, ou,
pour mieux dire, qu'un seul avec certaines variantes, mais qui n'en est pas
moins digne d'attention. L'obscurité étant une condition essentielle pour l'obtention
du phénomène, il va sans dire que l'on prend toutes les précautions nécessaires
pour s'assurer de la réalité. Voici en quoi il consiste :
M. Squire se place devant une table, pesant 35 à 40 kilog., semblable à une forte table de cuisine ; on lui attache solidement les deux jambes ensemble, afin qu'il ne puisse s'en servir, et, dans cette position même, sa force musculaire, s'il y avait recours, serait considérablement paralysée. Une autre personne, la première venue, la plus incrédule si l'on veut, lui tient une main, de manière à n'en laisser libre qu'une seule. Il pose alors légèrement celle-ci sur le bord de la table ; cela étant, on enlève les lumières, et à l'instant même, la table est soulevée, passe par-dessus sa tête, et va retomber derrière lui, les pieds en l'air, sur un divan ou des coussins disposés pour la recevoir, afin qu'elle ne se brise pas dans sa chute ; l'effet produit, on rapporte immédiatement la lumière : c'est l'affaire de quelques secondes. Il peut répéter l'expérience autant de fois qu'il le veut dans la même séance.
Une variété de ce phénomène est celle-ci : une personne se place à côté de M. Squire ; la table étant soulevée et renversée comme il vient d'être dit, au lieu de retomber par derrière, se pose à plat et en équilibre sur la tête de la personne, qui ne sent qu'une très légère pression ; mais à peine la lumière vient-elle à frapper la table que celle-ci pèse de tout son poids, et tomberait si deux autres personnes n'étaient là prêtes à la recevoir et à la soutenir par les deux extrémités.
Tel est en substance, et dans sa plus grande simplicité, sans emphases comme sans réticence, le récit de ces faits singuliers que nous empruntons à la Patrie du 23 décembre 1860, et que nous tenons également d'un grand nombre de témoins, car nous avouons ne les avoir pas vus ; mais l'honorabilité de ceux qui nous les ont rapportés ne nous laisse aucun doute sur leur exactitude. Nous avons un autre motif plus puissant peut-être d'y ajouter foi, c'est que la théorie nous en démontre la possibilité ; or, rien n'est propre à asseoir une conviction comme de se rendre compte ; rien ne provoque le doute comme de dire : j'ai vu, mais je ne comprends pas. Essayons donc de faire comprendre.
Commençons d'abord par lever quelques objections préjudicielles. La première qui vient assez naturellement à la pensée, c'est que M. Squire emploie quelque moyen secret, autrement dit, qu'il est un habile prestidigitateur ; ou bien, comme le disent plus crûment les gens qui ne tiennent pas à passer pour polis, que c'est un charlatan. Un seul mot répond à cette supposition, c'est que M. Squire, venu à Paris en simple touriste, ne tire aucun profit de son étrange faculté ; or, comme il n'y a pas de charlatans désintéressés, c'est pour nous la meilleure garantie de sincérité. Si M. Squire donnait des séances à tant la place, s'il était mû par un intérêt quelconque, nous trouverions toutes les suspicions parfaitement légitimes ; nous n'avons pas l'honneur de le connaître, mais nous tenons de personnes dignes de toute notre confiance, qui le connaissent particulièrement depuis plusieurs années, que c'est un homme des plus honorables, d'un caractère doux et bienveillant, un littérateur distingué, qui écrit dans plusieurs journaux d'Amérique. La critique tient rarement compte du caractère des personnes et du mobile qui les fait agir ; elle a tort, car c'est assurément une base essentielle d'appréciation ; il est des cas où l'accusation de supercherie est non-seulement une offense, mais un manque de logique.
Ceci posé, et toute supposition de moyens frauduleux écartée, reste à savoir si le phénomène pourrait se produire à l'aide de la force musculaire. L'essai en a été fait par des hommes doués d'une force exceptionnelle, et tous ont reconnu l'impossibilité absolue de soulever cette table avec une main, et encore moins de la faire pirouetter en l'air ; ajoutons que la complexion physique de M. Squire ne saurait s'allier avec une puissance herculéenne. Puisque l'emploi de la force physique est impossible, qu'un examen scrupuleux garantit contre l'usage de tout moyen mécanique, il faut bien admettre l'action d'une force surhumaine. Tout effet a une cause ; si la cause n'est pas dans l'humanité, il faut, de toute nécessité, qu'elle soit hors de l'humanité, autrement dit, dans l'intervention des êtres invisibles qui nous entourent, c'est-à-dire des Esprits.
Pour les Spirites, le phénomène produit par M. Squire n'a de nouveau que la forme selon laquelle il se produit, mais quant au fond, il rentre dans la catégorie de tous les autres phénomènes connus d'enlèvement et de déplacement d'objets, avec ou sans contact, de suspension des corps graves dans l'espace ; il a son principe dans le phénomène élémentaire des tables tournantes, dont la théorie complète se trouve dans notre nouvel ouvrage : le Livre des Médiums. Quiconque aura bien médité cette théorie pourra facilement s'expliquer l'effet produit par M. Squire ; car, certes, le fait d'une table qui, sans le contact d'aucune personne, se détache du sol, se soulève et se maintient dans l'espace sans point d'appui, est plus extraordinaire encore ; si l'on peut s'en rendre compte, on s'expliquera d'autant plus facilement l'autre phénomène.
Dans tout cela, dira-t-on, qu'est-ce qui prouve l'intervention des Esprits ? Si les effets étaient purement mécaniques, rien, il est vrai, ne prouverait cette intervention, et il suffirait de recourir à l'hypothèse d'un fluide électrique ou autre ; mais du moment qu'un effet est intelligent, il doit avoir une cause intelligente ; or, c'est aux signes d'intelligence de ces effets que l'on a reconnu que leur cause n'est pas exclusivement matérielle. Nous parlons des effets spirites en général, car il en est dont le caractère intelligent est presque nul, et c'est le cas de M. Squire. On pourrait donc le supposer doué, à l'instar de certaines personnes, d'une puissance électrique naturelle ; mais nous ne sachions pas que jamais la lumière ait été un obstacle à l'action de l'électricité ou du fluide magnétique. D'un autre côté, l'examen attentif des circonstances du phénomène exclut cette supposition, tandis que son analogie avec ceux qui ne peuvent être produits que par l'intervention d'intelligences occultes est manifeste ; il est donc plus rationnel de le ranger parmi ces derniers. Reste à savoir comment l'Esprit, ou l'être invisible, s'y prend pour agir sur la matière inerte.
Lorsqu'une table se meut, ce n'est pas l'Esprit qui la prend avec les mains et la soulève à force de bras, par la raison très simple que, quoiqu'il ait un corps comme nous, ce corps est fluidique et ne peut exercer une action musculaire proprement dite. Il sature la table avec son propre fluide combiné avec le fluide animalisé du médium ; par ce moyen, la table est momentanément animée d'une vie factice ; elle obéit alors à la volonté, comme le ferait un être vivant ; elle exprime, par ses mouvements, la joie, la colère et les divers sentiments de l'Esprit qui s'en sert ; ce n'est pas elle qui pense, elle n'est ni joyeuse ni colère ; ce n'est pas l'Esprit qui s'incorpore en elle, car il ne se métamorphose pas en table ; elle n'est pour lui qu'un instrument docile, obéissant à sa volonté, comme le bâton qu'un homme agite, et avec lequel il exprime la menace ou divers signaux. Le bâton, dans ce cas, est soutenu par les muscles ; mais la table, ne pouvant être mise en mouvement par les muscles de l'Esprit, celui-ci l'agite par son propre fluide qui lui tient lieu de force musculaire. Tel est le principe fondamental de tous les mouvements en pareil cas.
Une question, plus difficile au premier abord, est celle-ci : comment un corps lourd peut-il se détacher du sol et se maintenir dans l'espace contrairement à la loi de gravitation ? Pour nous en rendre compte, il suffit de nous reporter à ce qui se passe journellement sous nos yeux. On sait qu'il faut distinguer dans un corps solide le poids de la pesanteur ; le poids est toujours le même, il dépend de la somme des molécules ; la pesanteur varie en raison de la densité du milieu ; c'est pourquoi un corps pèse moins dans l'eau que dans l'air, et encore moins dans le mercure. Supposons qu'une chambre, sur le sol de laquelle repose une lourde table, soit tout-à-coup remplie d'eau, la table se soulèvera d'elle-même, ou tout au moins, un homme, un enfant même la soulèvera sans effort. Autre comparaison : Que l'on fasse le vide sous la cloche pneumatique, et à l'instant l'air de dessous ne faisant plus équilibre à la colonne atmosphérique, la cloche acquiert une pesanteur telle que l'homme le plus fort ne peut l'enlever ; et pourtant, quoique ni la table ni la cloche n'aient gagné ou perdu un atome de leur substance, leur poids relatif a augmenté ou diminué en raison du milieu, que ce milieu soit un liquide ou un fluide.
Connaissons-nous tous les fluides de la nature, ou même toutes les propriétés de ceux que nous connaissons ? Il faudrait être bien présomptueux pour le croire. Les exemples que nous venons de citer sont des comparaisons : nous ne disons pas des similitudes ; c'est uniquement pour montrer que les phénomènes spirites qui nous paraissent si étranges ne le sont pas plus que ceux que nous venons de citer, et qu'ils peuvent s'expliquer, sinon par les mêmes causes, du moins par des causes analogues. En effet, voici une table qui perd évidemment de son poids apparent à un moment donné, et qui, dans une autre circonstance, acquiert un surcroît de pesanteur, et ce fait ne peut s'expliquer par les lois connues ; mais comme il se renouvelle, cela prouve qu'il est soumis à une loi qui, pour être inconnue, n'en existe pas moins. Quelle est cette loi ? Les Esprits la donnent ; mais à défaut de l'explication donnée par eux, on peut la déduire par analogie, sans recourir à des causes miraculeuses ou surnaturelles.
Le fluide universel, ainsi que l'appellent les Esprits, est le véhicule et l'agent de tous les phénomènes spirites ; on sait que les Esprits peuvent en modifier les propriétés selon les circonstances ; qu'il est l'élément constitutif du périsprit ou enveloppe semi-matérielle de l'Esprit ; que, dans ce dernier état, il peut acquérir la visibilité, et même la tangibilité ; est-il donc irrationnel d'admettre qu'un Esprit, à un moment donné, puisse envelopper un corps solide d'une atmosphère fluidique, dont les propriétés modifiées en conséquence produisent sur ce corps l'effet d'un milieu plus dense ou plus rare ? Dans cette hypothèse, l'enlèvement si facile d'une lourde table par M. Squire s'explique tout naturellement, ainsi que tous les phénomènes analogues.
La nécessité de l'obscurité est plus embarrassante. Pourquoi l'effet cesse-t-il au moindre contact de la lumière ? Le fluide lumineux exerce-t-il ici une action mécanique quelconque ? Cela n'est pas probable, puisque des faits du même genre se produisent parfaitement au grand jour. On ne peut attribuer cette singularité qu'à la nature toute spéciale des Esprits qui se manifestent par ce médium. Pourquoi par ce médium plutôt que par d'autres ? c'est encore là un de ces mystères que peuvent seuls pénétrer ceux qui se sont identifiés avec les phénomènes si nombreux et souvent si bizarres du monde des invisibles ; seuls, ils peuvent comprendre les sympathies et les antipathies qui existent entre les morts et les vivants.
A quel ordre appartiennent ces Esprits ? Sont-ils bons ou mauvais ? Nous savons que nous avons froissé certains amours-propres terrestres, en dépréciant la valeur des Esprits qui produisent des manifestations physiques ; on nous a fortement critiqué de les avoir qualifiés de saltimbanques du monde invisible ; pour notre excuse, nous dirons que le mot n'est pas de nous, mais des Esprits eux-mêmes ; nous leur en demandons bien pardon, mais il ne pourra jamais entrer dans notre pensée que des Esprits élevés viennent s'amuser à faire des tours de force ou autres choses de ce genre, pas plus qu'on ne parviendra à nous faire croire que les clowns, les hercules, les danseurs de corde et les baladins de la place publique sont des membres de l'Institut. Quiconque connaît la hiérarchie des Esprits sait qu'il y en a de tous les degrés d'intelligence et de moralité, et que l'on y rencontre autant de variétés d'aptitudes et de caractères que parmi les hommes, ce qui n'est pas étonnant, puisque les Esprits ne sont autre chose que les âmes de ceux qui ont vécu ; or, jusqu'à preuve contraire, on nous permettra de douter que des Esprits tels que ceux de Pascal, de Bossuet ou autres, même moins élevés, se mettent à nos ordres pour faire tourner ou voltiger des tables, et amuser un cercle de curieux ; nous demandons à ceux qui pensent autrement, s'ils croient qu'après leur mort, ils se résigneraient volontiers à ce rôle de parade. Il y a même chez ceux qui sont aux ordres de M. Squire une servilité incompatible avec la moindre supériorité intellectuelle, d'où nous concluons qu'ils doivent appartenir aux classes inférieures, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient mauvais ; on peut être très bon et très honnête sans savoir ni lire ni écrire. Les mauvais Esprits sont généralement indociles, colères, et se plaisent à faire le mal ; or, il ne nous est pas revenu que ceux de M. Squire lui aient jamais joué de mauvais tours ; ils lui obéissent avec une docilité pacifique qui exclut tout soupçon de malveillance, mais ils ne sont pas pour cela aptes à donner des dissertations philosophiques. Nous croyons M. Squire trop homme de bon sens pour se formaliser de cette appréciation. Cette sujétion des Esprits qui l'assistent a fait dire à un de nos collègues, qu'ils l'avaient probablement connu dans une autre existence, où M. Squire aurait exercé sur eux une grande autorité, et qu'ils conservent envers lui, dans son existence présente, une obéissance passive. Du reste il ne faut pas confondre les Esprits qui s'occupent d'effets physiques proprement dits et que l'on désigne plus spécialement sous le nom d'Esprits frappeurs, avec ceux qui se communiquent par des coups frappés ; ce dernier moyen étant un langage, peut être employé par les Esprits de tous ordres comme l'écriture.
Comme nous l'avons dit, nous avons vu beaucoup de personnes qui ont assisté aux expériences de M. Squire ; mais, parmi celles qui n'étaient pas déjà initiées à la science spirite, beaucoup en sont sorties très peu convaincues, tant il est vrai que la vue seule des effets les plus extraordinaires ne suffit pas pour amener la conviction ; après avoir entendu les explications que nous leur avons données, leur manière de voir a été toute différente. Assurément, nous ne donnons pas cette théorie comme le dernier mot, la solution définitive ; mais à défaut de pouvoir expliquer ces faits par les lois connues, on conviendra que le système que nous émettons n'est pas dénué de vraisemblance ; admettons-le, si l'on veut, à titre de simple hypothèse, et quand on donnera une solution meilleure, nous serons un des premiers à l'accepter.
M. Squire se place devant une table, pesant 35 à 40 kilog., semblable à une forte table de cuisine ; on lui attache solidement les deux jambes ensemble, afin qu'il ne puisse s'en servir, et, dans cette position même, sa force musculaire, s'il y avait recours, serait considérablement paralysée. Une autre personne, la première venue, la plus incrédule si l'on veut, lui tient une main, de manière à n'en laisser libre qu'une seule. Il pose alors légèrement celle-ci sur le bord de la table ; cela étant, on enlève les lumières, et à l'instant même, la table est soulevée, passe par-dessus sa tête, et va retomber derrière lui, les pieds en l'air, sur un divan ou des coussins disposés pour la recevoir, afin qu'elle ne se brise pas dans sa chute ; l'effet produit, on rapporte immédiatement la lumière : c'est l'affaire de quelques secondes. Il peut répéter l'expérience autant de fois qu'il le veut dans la même séance.
Une variété de ce phénomène est celle-ci : une personne se place à côté de M. Squire ; la table étant soulevée et renversée comme il vient d'être dit, au lieu de retomber par derrière, se pose à plat et en équilibre sur la tête de la personne, qui ne sent qu'une très légère pression ; mais à peine la lumière vient-elle à frapper la table que celle-ci pèse de tout son poids, et tomberait si deux autres personnes n'étaient là prêtes à la recevoir et à la soutenir par les deux extrémités.
Tel est en substance, et dans sa plus grande simplicité, sans emphases comme sans réticence, le récit de ces faits singuliers que nous empruntons à la Patrie du 23 décembre 1860, et que nous tenons également d'un grand nombre de témoins, car nous avouons ne les avoir pas vus ; mais l'honorabilité de ceux qui nous les ont rapportés ne nous laisse aucun doute sur leur exactitude. Nous avons un autre motif plus puissant peut-être d'y ajouter foi, c'est que la théorie nous en démontre la possibilité ; or, rien n'est propre à asseoir une conviction comme de se rendre compte ; rien ne provoque le doute comme de dire : j'ai vu, mais je ne comprends pas. Essayons donc de faire comprendre.
Commençons d'abord par lever quelques objections préjudicielles. La première qui vient assez naturellement à la pensée, c'est que M. Squire emploie quelque moyen secret, autrement dit, qu'il est un habile prestidigitateur ; ou bien, comme le disent plus crûment les gens qui ne tiennent pas à passer pour polis, que c'est un charlatan. Un seul mot répond à cette supposition, c'est que M. Squire, venu à Paris en simple touriste, ne tire aucun profit de son étrange faculté ; or, comme il n'y a pas de charlatans désintéressés, c'est pour nous la meilleure garantie de sincérité. Si M. Squire donnait des séances à tant la place, s'il était mû par un intérêt quelconque, nous trouverions toutes les suspicions parfaitement légitimes ; nous n'avons pas l'honneur de le connaître, mais nous tenons de personnes dignes de toute notre confiance, qui le connaissent particulièrement depuis plusieurs années, que c'est un homme des plus honorables, d'un caractère doux et bienveillant, un littérateur distingué, qui écrit dans plusieurs journaux d'Amérique. La critique tient rarement compte du caractère des personnes et du mobile qui les fait agir ; elle a tort, car c'est assurément une base essentielle d'appréciation ; il est des cas où l'accusation de supercherie est non-seulement une offense, mais un manque de logique.
Ceci posé, et toute supposition de moyens frauduleux écartée, reste à savoir si le phénomène pourrait se produire à l'aide de la force musculaire. L'essai en a été fait par des hommes doués d'une force exceptionnelle, et tous ont reconnu l'impossibilité absolue de soulever cette table avec une main, et encore moins de la faire pirouetter en l'air ; ajoutons que la complexion physique de M. Squire ne saurait s'allier avec une puissance herculéenne. Puisque l'emploi de la force physique est impossible, qu'un examen scrupuleux garantit contre l'usage de tout moyen mécanique, il faut bien admettre l'action d'une force surhumaine. Tout effet a une cause ; si la cause n'est pas dans l'humanité, il faut, de toute nécessité, qu'elle soit hors de l'humanité, autrement dit, dans l'intervention des êtres invisibles qui nous entourent, c'est-à-dire des Esprits.
Pour les Spirites, le phénomène produit par M. Squire n'a de nouveau que la forme selon laquelle il se produit, mais quant au fond, il rentre dans la catégorie de tous les autres phénomènes connus d'enlèvement et de déplacement d'objets, avec ou sans contact, de suspension des corps graves dans l'espace ; il a son principe dans le phénomène élémentaire des tables tournantes, dont la théorie complète se trouve dans notre nouvel ouvrage : le Livre des Médiums. Quiconque aura bien médité cette théorie pourra facilement s'expliquer l'effet produit par M. Squire ; car, certes, le fait d'une table qui, sans le contact d'aucune personne, se détache du sol, se soulève et se maintient dans l'espace sans point d'appui, est plus extraordinaire encore ; si l'on peut s'en rendre compte, on s'expliquera d'autant plus facilement l'autre phénomène.
Dans tout cela, dira-t-on, qu'est-ce qui prouve l'intervention des Esprits ? Si les effets étaient purement mécaniques, rien, il est vrai, ne prouverait cette intervention, et il suffirait de recourir à l'hypothèse d'un fluide électrique ou autre ; mais du moment qu'un effet est intelligent, il doit avoir une cause intelligente ; or, c'est aux signes d'intelligence de ces effets que l'on a reconnu que leur cause n'est pas exclusivement matérielle. Nous parlons des effets spirites en général, car il en est dont le caractère intelligent est presque nul, et c'est le cas de M. Squire. On pourrait donc le supposer doué, à l'instar de certaines personnes, d'une puissance électrique naturelle ; mais nous ne sachions pas que jamais la lumière ait été un obstacle à l'action de l'électricité ou du fluide magnétique. D'un autre côté, l'examen attentif des circonstances du phénomène exclut cette supposition, tandis que son analogie avec ceux qui ne peuvent être produits que par l'intervention d'intelligences occultes est manifeste ; il est donc plus rationnel de le ranger parmi ces derniers. Reste à savoir comment l'Esprit, ou l'être invisible, s'y prend pour agir sur la matière inerte.
Lorsqu'une table se meut, ce n'est pas l'Esprit qui la prend avec les mains et la soulève à force de bras, par la raison très simple que, quoiqu'il ait un corps comme nous, ce corps est fluidique et ne peut exercer une action musculaire proprement dite. Il sature la table avec son propre fluide combiné avec le fluide animalisé du médium ; par ce moyen, la table est momentanément animée d'une vie factice ; elle obéit alors à la volonté, comme le ferait un être vivant ; elle exprime, par ses mouvements, la joie, la colère et les divers sentiments de l'Esprit qui s'en sert ; ce n'est pas elle qui pense, elle n'est ni joyeuse ni colère ; ce n'est pas l'Esprit qui s'incorpore en elle, car il ne se métamorphose pas en table ; elle n'est pour lui qu'un instrument docile, obéissant à sa volonté, comme le bâton qu'un homme agite, et avec lequel il exprime la menace ou divers signaux. Le bâton, dans ce cas, est soutenu par les muscles ; mais la table, ne pouvant être mise en mouvement par les muscles de l'Esprit, celui-ci l'agite par son propre fluide qui lui tient lieu de force musculaire. Tel est le principe fondamental de tous les mouvements en pareil cas.
Une question, plus difficile au premier abord, est celle-ci : comment un corps lourd peut-il se détacher du sol et se maintenir dans l'espace contrairement à la loi de gravitation ? Pour nous en rendre compte, il suffit de nous reporter à ce qui se passe journellement sous nos yeux. On sait qu'il faut distinguer dans un corps solide le poids de la pesanteur ; le poids est toujours le même, il dépend de la somme des molécules ; la pesanteur varie en raison de la densité du milieu ; c'est pourquoi un corps pèse moins dans l'eau que dans l'air, et encore moins dans le mercure. Supposons qu'une chambre, sur le sol de laquelle repose une lourde table, soit tout-à-coup remplie d'eau, la table se soulèvera d'elle-même, ou tout au moins, un homme, un enfant même la soulèvera sans effort. Autre comparaison : Que l'on fasse le vide sous la cloche pneumatique, et à l'instant l'air de dessous ne faisant plus équilibre à la colonne atmosphérique, la cloche acquiert une pesanteur telle que l'homme le plus fort ne peut l'enlever ; et pourtant, quoique ni la table ni la cloche n'aient gagné ou perdu un atome de leur substance, leur poids relatif a augmenté ou diminué en raison du milieu, que ce milieu soit un liquide ou un fluide.
Connaissons-nous tous les fluides de la nature, ou même toutes les propriétés de ceux que nous connaissons ? Il faudrait être bien présomptueux pour le croire. Les exemples que nous venons de citer sont des comparaisons : nous ne disons pas des similitudes ; c'est uniquement pour montrer que les phénomènes spirites qui nous paraissent si étranges ne le sont pas plus que ceux que nous venons de citer, et qu'ils peuvent s'expliquer, sinon par les mêmes causes, du moins par des causes analogues. En effet, voici une table qui perd évidemment de son poids apparent à un moment donné, et qui, dans une autre circonstance, acquiert un surcroît de pesanteur, et ce fait ne peut s'expliquer par les lois connues ; mais comme il se renouvelle, cela prouve qu'il est soumis à une loi qui, pour être inconnue, n'en existe pas moins. Quelle est cette loi ? Les Esprits la donnent ; mais à défaut de l'explication donnée par eux, on peut la déduire par analogie, sans recourir à des causes miraculeuses ou surnaturelles.
Le fluide universel, ainsi que l'appellent les Esprits, est le véhicule et l'agent de tous les phénomènes spirites ; on sait que les Esprits peuvent en modifier les propriétés selon les circonstances ; qu'il est l'élément constitutif du périsprit ou enveloppe semi-matérielle de l'Esprit ; que, dans ce dernier état, il peut acquérir la visibilité, et même la tangibilité ; est-il donc irrationnel d'admettre qu'un Esprit, à un moment donné, puisse envelopper un corps solide d'une atmosphère fluidique, dont les propriétés modifiées en conséquence produisent sur ce corps l'effet d'un milieu plus dense ou plus rare ? Dans cette hypothèse, l'enlèvement si facile d'une lourde table par M. Squire s'explique tout naturellement, ainsi que tous les phénomènes analogues.
La nécessité de l'obscurité est plus embarrassante. Pourquoi l'effet cesse-t-il au moindre contact de la lumière ? Le fluide lumineux exerce-t-il ici une action mécanique quelconque ? Cela n'est pas probable, puisque des faits du même genre se produisent parfaitement au grand jour. On ne peut attribuer cette singularité qu'à la nature toute spéciale des Esprits qui se manifestent par ce médium. Pourquoi par ce médium plutôt que par d'autres ? c'est encore là un de ces mystères que peuvent seuls pénétrer ceux qui se sont identifiés avec les phénomènes si nombreux et souvent si bizarres du monde des invisibles ; seuls, ils peuvent comprendre les sympathies et les antipathies qui existent entre les morts et les vivants.
A quel ordre appartiennent ces Esprits ? Sont-ils bons ou mauvais ? Nous savons que nous avons froissé certains amours-propres terrestres, en dépréciant la valeur des Esprits qui produisent des manifestations physiques ; on nous a fortement critiqué de les avoir qualifiés de saltimbanques du monde invisible ; pour notre excuse, nous dirons que le mot n'est pas de nous, mais des Esprits eux-mêmes ; nous leur en demandons bien pardon, mais il ne pourra jamais entrer dans notre pensée que des Esprits élevés viennent s'amuser à faire des tours de force ou autres choses de ce genre, pas plus qu'on ne parviendra à nous faire croire que les clowns, les hercules, les danseurs de corde et les baladins de la place publique sont des membres de l'Institut. Quiconque connaît la hiérarchie des Esprits sait qu'il y en a de tous les degrés d'intelligence et de moralité, et que l'on y rencontre autant de variétés d'aptitudes et de caractères que parmi les hommes, ce qui n'est pas étonnant, puisque les Esprits ne sont autre chose que les âmes de ceux qui ont vécu ; or, jusqu'à preuve contraire, on nous permettra de douter que des Esprits tels que ceux de Pascal, de Bossuet ou autres, même moins élevés, se mettent à nos ordres pour faire tourner ou voltiger des tables, et amuser un cercle de curieux ; nous demandons à ceux qui pensent autrement, s'ils croient qu'après leur mort, ils se résigneraient volontiers à ce rôle de parade. Il y a même chez ceux qui sont aux ordres de M. Squire une servilité incompatible avec la moindre supériorité intellectuelle, d'où nous concluons qu'ils doivent appartenir aux classes inférieures, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient mauvais ; on peut être très bon et très honnête sans savoir ni lire ni écrire. Les mauvais Esprits sont généralement indociles, colères, et se plaisent à faire le mal ; or, il ne nous est pas revenu que ceux de M. Squire lui aient jamais joué de mauvais tours ; ils lui obéissent avec une docilité pacifique qui exclut tout soupçon de malveillance, mais ils ne sont pas pour cela aptes à donner des dissertations philosophiques. Nous croyons M. Squire trop homme de bon sens pour se formaliser de cette appréciation. Cette sujétion des Esprits qui l'assistent a fait dire à un de nos collègues, qu'ils l'avaient probablement connu dans une autre existence, où M. Squire aurait exercé sur eux une grande autorité, et qu'ils conservent envers lui, dans son existence présente, une obéissance passive. Du reste il ne faut pas confondre les Esprits qui s'occupent d'effets physiques proprement dits et que l'on désigne plus spécialement sous le nom d'Esprits frappeurs, avec ceux qui se communiquent par des coups frappés ; ce dernier moyen étant un langage, peut être employé par les Esprits de tous ordres comme l'écriture.
Comme nous l'avons dit, nous avons vu beaucoup de personnes qui ont assisté aux expériences de M. Squire ; mais, parmi celles qui n'étaient pas déjà initiées à la science spirite, beaucoup en sont sorties très peu convaincues, tant il est vrai que la vue seule des effets les plus extraordinaires ne suffit pas pour amener la conviction ; après avoir entendu les explications que nous leur avons données, leur manière de voir a été toute différente. Assurément, nous ne donnons pas cette théorie comme le dernier mot, la solution définitive ; mais à défaut de pouvoir expliquer ces faits par les lois connues, on conviendra que le système que nous émettons n'est pas dénué de vraisemblance ; admettons-le, si l'on veut, à titre de simple hypothèse, et quand on donnera une solution meilleure, nous serons un des premiers à l'accepter.
Pénurie des médiums
Quoique paru depuis peu de temps, le Livre des Médiums
a déjà provoqué, dans plusieurs localités, le désir de former des réunions
spirites intimes comme nous conseillons de le faire ; mais on nous écrit
qu'on est arrêté par la pénurie des médiums ; c'est pourquoi nous croyons
devoir donner quelques conseils sur les moyens d'y suppléer.
Un médium, et surtout un bon médium, est sans contredit un des éléments essentiels de toute assemblée qui s'occupe de Spiritisme, mais on serait dans l'erreur si l'on croyait qu'à son défaut, il n'y a rien à faire qu'à se croiser les bras ou à lever la séance. Nous ne partageons nullement l'opinion d'une personne qui comparait une séance spirite sans médium à un concert sans musiciens. Il y a, à notre avis, une comparaison beaucoup plus juste, c'est celle de l'Institut et de toutes les sociétés savantes qui savent utiliser leur temps sans avoir constamment devant eux les moyens d'expérimentation. On va au concert pour entendre de la musique ; il est donc évident que si les musiciens sont absents, le but est manqué ; mais dans une réunion spirite on va, ou du moins on doit aller, pour s'instruire : la question est de savoir si on ne peut le faire sans médium. Assurément, pour ceux qui vont dans ces sortes de réunions dans le seul but de voir des effets, le médium est aussi indispensable que le musicien dans un concert ; mais pour ceux qui recherchent avant tout l'instruction, qui veulent approfondir les diverses parties de la science, à défaut de l'instrument expérimentateur, ils ont plus d'un moyen d'y suppléer, c'est ce que nous allons essayer d'expliquer.
Nous dirons d'abord que, si les médiums sont communs, les bons médiums, dans la véritable acception du mot, sont rares. L'expérience prouve chaque jour qu'il ne suffit pas de posséder la faculté médianimique pour avoir de bonnes communications ; mieux vaut donc se passer d'un instrument que d'en avoir un défectueux. Certainement pour ceux qui, dans les communications, recherchent plus le fait que la qualité, qui y assistent plus pour se distraire que pour s'éclairer, le choix du médium est assez indifférent, et celui qui produira le plus d'effet sera le plus intéressant ; mais nous parlons de ceux qui ont un but plus sérieux et voient plus loin ; c'est à eux que nous nous adressons, parce que nous sommes certain d'en être compris.
D'un autre côté, les meilleurs médiums sont sujets à des intermittences plus ou moins longues, pendant lesquelles il y a suspension totale ou partielle de la faculté médianimique, sans parler des nombreuses causes accidentelles qui peuvent momentanément priver de leur concours. Ajoutons également que les médiums complètement flexibles, ceux qui se prêtent à tous les genres de communications sont plus rares encore ; ils ont généralement des aptitudes spéciales dont il importe de ne pas les détourner. On voit donc, qu'à moins d'en avoir une provision de rechange, on peut se trouver au dépourvu au moment où l'on s'y attend le moins, et il serait fâcheux qu'en pareil cas on fût obligé d'interrompre ses travaux.
L'enseignement fondamental que l'on vient chercher dans les réunions spirites sérieuses est sans doute donné par les Esprits ; mais quel fruit un élève retirerait-il des leçons du plus habile professeur si, de son côté, il ne travaillait pas ; s'il ne méditait pas sur ce qu'il a entendu ? Quels progrès ferait son intelligence s'il avait constamment le maître à ses côtés pour lui mâcher la besogne, et lui épargner la peine de penser ? Dans les assemblées spirites les Esprits remplissent deux rôles : les uns sont les professeurs qui développent les principes de la science, élucident les points douteux, enseignent surtout les lois de la vraie morale ; les autres sont les sujets d'observation et d'étude, qui servent d'application ; la leçon dominée, leur tâche est finie et la nôtre commence : c'est de travailler sur ce qui nous a été enseigné, afin de le mieux comprendre, d'en mieux saisir le sens et la portée. C'est afin de nous laisser le loisir de faire notre devoir (qu'on nous passe cette comparaison classique) que les Esprits suspendent quelquefois leurs communications. Ils veulent bien nous instruire, mais à une condition, c'est que nous les seconderons par nos efforts ; ils se lassent de répéter sans cesse la même chose inutilement ; ils avertissent ; si on ne les écoute pas, ils se retirent pour donner le temps de la réflexion.
En l'absence de médiums, une réunion qui se propose autre chose que de voir manœuvrer un crayon, a mille moyens d'utiliser son temps d'une manière profitable. Nous nous bornons à en indiquer sommairement quelques-uns :
1° Relire et commenter les anciennes communications, dont une étude plus approfondie fera mieux apprécier la valeur.
Si l'on objectait que ce serait une occupation fastidieuse et monotone, nous dirions qu'on ne se lasse pas d'entendre un beau morceau de musique ou de poésie ; qu'après avoir écouté un éloquent sermon, on voudrait pouvoir le lire à tête reposée ; qu'il est certains ouvrages qu'on relit vingt fois, parce que chaque fois on y découvre quelque chose de nouveau. Celui qui n'est frappé que par les mots s'ennuie d'entendre seulement deux fois la même chose, fût-elle sublime ; il lui faut toujours du nouveau pour l'intéresser, ou mieux pour l'amuser ; celui qui pense a un sens de plus : il est frappé par les idées plus que par les paroles ; c'est pourquoi il aime à entendre encore ce qui va jusqu'à son esprit sans s'arrêter à son oreille.
2° Raconter les faits dont on a connaissance, les discuter, les commenter, les expliquer par les lois de la science spirite ; en examiner la possibilité ou l'impossibilité ; voir ce qu'ils ont de probable ou d'exagéré ; faire la part de l'imagination et de la superstition, etc.
3° Lire, commenter et développer chaque article du Livre des Esprits, du Livre des Médiums, ainsi que tous autres ouvrages sur le Spiritisme.
Nous pensons qu'on nous excusera de citer ici nos propres ouvrages, ce qui est assez naturel puisqu'ils sont écrits pour cela ; ce n'est, au reste, de notre part qu'une indication et non une recommandation expresse ; ceux à qui ils ne conviendraient pas sont parfaitement libres de les mettre de côté. Loin de nous la prétention de croire qu'on ne puisse faire mieux ni aussi bien, nous croyons seulement que la science y est, jusqu'à ce jour, envisagée d'une manière plus complète que dans beaucoup d'autres, et qu'ils répondent à un plus grand nombre de questions et d'objections ; c'est à ce titre que nous les recommandons ; quant à leur mérite intrinsèque, l'avenir seul en sera le grand juge.
Nous donnerons un jour un catalogue raisonné des ouvrages qui ont trait, directement ou indirectement, à la science spirite, dans l'antiquité et dans les temps modernes, en France ou à l'étranger, parmi les auteurs sacrés ou profanes, lorsque nous aurons pu réunir les éléments nécessaires. Ce travail est naturellement fort long, et nous serons très reconnaissants envers les personnes qui voudront bien nous le faciliter en nous fournissant des documents et des indications.
4° Discuter les différents systèmes sur l'interprétation des phénomènes spirites.
Nous recommandons à ce sujet l'ouvrage de M. de Mirville et celui de M. Louis Figuier, qui sont les plus importants. Le premier est riche en faits du plus haut intérêt et puisés aux sources authentiques. La conclusion de l'auteur est seule contestable, car il ne voit partout que des démons. Il est vrai que le hasard l'a servi selon ses goûts, en lui mettant sous les yeux ceux qui pouvaient le mieux y prêter la main, tandis qu'il lui a caché les innombrables faits que la religion elle-même regarde comme l'œuvre des anges et des saints.
L'histoire du merveilleux dans les temps modernes par M. Figuier est intéressante à un autre point de vue. Il y a aussi des faits longuement et minutieusement narrés qui s'y trouvent, on ne sait trop pourquoi, mais qu'il est bon de connaître. Quant aux phénomènes spirites proprement dits, ils occupent la partie la moins considérable de ses quatre volumes. Tandis que M. de Mirville explique tout par le diable, que d'autres expliquent tout par les anges, M. Figuier, qui ne croit ni aux diables, ni aux anges, ni aux Esprits bons ou mauvais, explique tout, ou croit tout expliquer, par l'organisme humain. M. Figuier est un savant ; il écrit sérieusement, et s'appuie sur le témoignage de quelques savants ; on peut donc regarder son livre comme le dernier mot de la science officielle sur le Spiritisme, et ce mot est : La négation de tout principe intelligent en dehors de la matière. Nous sommes fâchés que la science soit mise au service d'une si triste cause, mais elle n'en est pas responsable, elle qui nous dévoile sans cesse les merveilles de la création et qui écrit le nom de Dieu sur chaque feuille, sur l'aile de chaque insecte ; les coupables sont ceux qui s'efforcent de persuader en son nom qu'après la mort il n'y a plus d'espérance.
Les Spirites verront donc par ce livre à quoi se réduisent ces foudres terribles qui devaient anéantir leurs croyances ; ceux que la crainte d'un échec aurait pu ébranler, seront affermis en voyant la pauvreté des arguments qu'on leur oppose, les contradictions sans nombre qui résultent de l'ignorance et de l'inobservation des faits. Sous ce rapport cette lecture peut leur être utile, ne serait-ce que pour pouvoir en parler avec plus de connaissance de cause que ne le fait l'auteur à l'égard du Spiritisme qu'il nie sans l'avoir étudié, par ce seul motif qu'il nie toute puissance extra-humaine. La contagion de pareilles idées n'est pas à craindre ; elles portent avec elles leur antidote : la répulsion instinctive de l'homme pour le néant. Défendre un livre, c'est prouver qu'on le redoute ; nous engageons à lire celui de M. Figuier.
Si la pauvreté des arguments contre le Spiritisme est manifeste dans les ouvrages sérieux, leur nullité est absolue dans les diatribes et articles diffamatoires où la rage impuissante se trahit par la grossièreté, l'injure et la calomnie. Ce serait faire trop d'honneur à de pareils écrits de les lire dans des réunions sérieuses ; il n'y a rien à réfuter, rien à discuter, par conséquent rien à apprendre ; il n'y a qu'à les mépriser.
On voit donc qu'en dehors des instructions données par les Esprits, il y a ample matière à un travail utile ; nous ajouterons même qu'on puisera dans ce travail de nombreux éléments d'étude à soumettre aux Esprits par les questions auxquelles il donnera inévitablement lieu. Mais si, au besoin, on peut suppléer à l'absence momentanée de médiums, on aurait tort d'en induire qu'on peut s'en passer indéfiniment ; il ne faut donc rien négliger pour s'en procurer ; le mieux, pour une réunion, est de les puiser dans son propre sein, et si l'on veut bien se reporter à ce que nous disons à ce sujet dans notre dernier ouvrage, pages 306 et 307, on verra que le moyen est plus facile qu'on ne croit.
Un médium, et surtout un bon médium, est sans contredit un des éléments essentiels de toute assemblée qui s'occupe de Spiritisme, mais on serait dans l'erreur si l'on croyait qu'à son défaut, il n'y a rien à faire qu'à se croiser les bras ou à lever la séance. Nous ne partageons nullement l'opinion d'une personne qui comparait une séance spirite sans médium à un concert sans musiciens. Il y a, à notre avis, une comparaison beaucoup plus juste, c'est celle de l'Institut et de toutes les sociétés savantes qui savent utiliser leur temps sans avoir constamment devant eux les moyens d'expérimentation. On va au concert pour entendre de la musique ; il est donc évident que si les musiciens sont absents, le but est manqué ; mais dans une réunion spirite on va, ou du moins on doit aller, pour s'instruire : la question est de savoir si on ne peut le faire sans médium. Assurément, pour ceux qui vont dans ces sortes de réunions dans le seul but de voir des effets, le médium est aussi indispensable que le musicien dans un concert ; mais pour ceux qui recherchent avant tout l'instruction, qui veulent approfondir les diverses parties de la science, à défaut de l'instrument expérimentateur, ils ont plus d'un moyen d'y suppléer, c'est ce que nous allons essayer d'expliquer.
Nous dirons d'abord que, si les médiums sont communs, les bons médiums, dans la véritable acception du mot, sont rares. L'expérience prouve chaque jour qu'il ne suffit pas de posséder la faculté médianimique pour avoir de bonnes communications ; mieux vaut donc se passer d'un instrument que d'en avoir un défectueux. Certainement pour ceux qui, dans les communications, recherchent plus le fait que la qualité, qui y assistent plus pour se distraire que pour s'éclairer, le choix du médium est assez indifférent, et celui qui produira le plus d'effet sera le plus intéressant ; mais nous parlons de ceux qui ont un but plus sérieux et voient plus loin ; c'est à eux que nous nous adressons, parce que nous sommes certain d'en être compris.
D'un autre côté, les meilleurs médiums sont sujets à des intermittences plus ou moins longues, pendant lesquelles il y a suspension totale ou partielle de la faculté médianimique, sans parler des nombreuses causes accidentelles qui peuvent momentanément priver de leur concours. Ajoutons également que les médiums complètement flexibles, ceux qui se prêtent à tous les genres de communications sont plus rares encore ; ils ont généralement des aptitudes spéciales dont il importe de ne pas les détourner. On voit donc, qu'à moins d'en avoir une provision de rechange, on peut se trouver au dépourvu au moment où l'on s'y attend le moins, et il serait fâcheux qu'en pareil cas on fût obligé d'interrompre ses travaux.
L'enseignement fondamental que l'on vient chercher dans les réunions spirites sérieuses est sans doute donné par les Esprits ; mais quel fruit un élève retirerait-il des leçons du plus habile professeur si, de son côté, il ne travaillait pas ; s'il ne méditait pas sur ce qu'il a entendu ? Quels progrès ferait son intelligence s'il avait constamment le maître à ses côtés pour lui mâcher la besogne, et lui épargner la peine de penser ? Dans les assemblées spirites les Esprits remplissent deux rôles : les uns sont les professeurs qui développent les principes de la science, élucident les points douteux, enseignent surtout les lois de la vraie morale ; les autres sont les sujets d'observation et d'étude, qui servent d'application ; la leçon dominée, leur tâche est finie et la nôtre commence : c'est de travailler sur ce qui nous a été enseigné, afin de le mieux comprendre, d'en mieux saisir le sens et la portée. C'est afin de nous laisser le loisir de faire notre devoir (qu'on nous passe cette comparaison classique) que les Esprits suspendent quelquefois leurs communications. Ils veulent bien nous instruire, mais à une condition, c'est que nous les seconderons par nos efforts ; ils se lassent de répéter sans cesse la même chose inutilement ; ils avertissent ; si on ne les écoute pas, ils se retirent pour donner le temps de la réflexion.
En l'absence de médiums, une réunion qui se propose autre chose que de voir manœuvrer un crayon, a mille moyens d'utiliser son temps d'une manière profitable. Nous nous bornons à en indiquer sommairement quelques-uns :
1° Relire et commenter les anciennes communications, dont une étude plus approfondie fera mieux apprécier la valeur.
Si l'on objectait que ce serait une occupation fastidieuse et monotone, nous dirions qu'on ne se lasse pas d'entendre un beau morceau de musique ou de poésie ; qu'après avoir écouté un éloquent sermon, on voudrait pouvoir le lire à tête reposée ; qu'il est certains ouvrages qu'on relit vingt fois, parce que chaque fois on y découvre quelque chose de nouveau. Celui qui n'est frappé que par les mots s'ennuie d'entendre seulement deux fois la même chose, fût-elle sublime ; il lui faut toujours du nouveau pour l'intéresser, ou mieux pour l'amuser ; celui qui pense a un sens de plus : il est frappé par les idées plus que par les paroles ; c'est pourquoi il aime à entendre encore ce qui va jusqu'à son esprit sans s'arrêter à son oreille.
2° Raconter les faits dont on a connaissance, les discuter, les commenter, les expliquer par les lois de la science spirite ; en examiner la possibilité ou l'impossibilité ; voir ce qu'ils ont de probable ou d'exagéré ; faire la part de l'imagination et de la superstition, etc.
3° Lire, commenter et développer chaque article du Livre des Esprits, du Livre des Médiums, ainsi que tous autres ouvrages sur le Spiritisme.
Nous pensons qu'on nous excusera de citer ici nos propres ouvrages, ce qui est assez naturel puisqu'ils sont écrits pour cela ; ce n'est, au reste, de notre part qu'une indication et non une recommandation expresse ; ceux à qui ils ne conviendraient pas sont parfaitement libres de les mettre de côté. Loin de nous la prétention de croire qu'on ne puisse faire mieux ni aussi bien, nous croyons seulement que la science y est, jusqu'à ce jour, envisagée d'une manière plus complète que dans beaucoup d'autres, et qu'ils répondent à un plus grand nombre de questions et d'objections ; c'est à ce titre que nous les recommandons ; quant à leur mérite intrinsèque, l'avenir seul en sera le grand juge.
Nous donnerons un jour un catalogue raisonné des ouvrages qui ont trait, directement ou indirectement, à la science spirite, dans l'antiquité et dans les temps modernes, en France ou à l'étranger, parmi les auteurs sacrés ou profanes, lorsque nous aurons pu réunir les éléments nécessaires. Ce travail est naturellement fort long, et nous serons très reconnaissants envers les personnes qui voudront bien nous le faciliter en nous fournissant des documents et des indications.
4° Discuter les différents systèmes sur l'interprétation des phénomènes spirites.
Nous recommandons à ce sujet l'ouvrage de M. de Mirville et celui de M. Louis Figuier, qui sont les plus importants. Le premier est riche en faits du plus haut intérêt et puisés aux sources authentiques. La conclusion de l'auteur est seule contestable, car il ne voit partout que des démons. Il est vrai que le hasard l'a servi selon ses goûts, en lui mettant sous les yeux ceux qui pouvaient le mieux y prêter la main, tandis qu'il lui a caché les innombrables faits que la religion elle-même regarde comme l'œuvre des anges et des saints.
L'histoire du merveilleux dans les temps modernes par M. Figuier est intéressante à un autre point de vue. Il y a aussi des faits longuement et minutieusement narrés qui s'y trouvent, on ne sait trop pourquoi, mais qu'il est bon de connaître. Quant aux phénomènes spirites proprement dits, ils occupent la partie la moins considérable de ses quatre volumes. Tandis que M. de Mirville explique tout par le diable, que d'autres expliquent tout par les anges, M. Figuier, qui ne croit ni aux diables, ni aux anges, ni aux Esprits bons ou mauvais, explique tout, ou croit tout expliquer, par l'organisme humain. M. Figuier est un savant ; il écrit sérieusement, et s'appuie sur le témoignage de quelques savants ; on peut donc regarder son livre comme le dernier mot de la science officielle sur le Spiritisme, et ce mot est : La négation de tout principe intelligent en dehors de la matière. Nous sommes fâchés que la science soit mise au service d'une si triste cause, mais elle n'en est pas responsable, elle qui nous dévoile sans cesse les merveilles de la création et qui écrit le nom de Dieu sur chaque feuille, sur l'aile de chaque insecte ; les coupables sont ceux qui s'efforcent de persuader en son nom qu'après la mort il n'y a plus d'espérance.
Les Spirites verront donc par ce livre à quoi se réduisent ces foudres terribles qui devaient anéantir leurs croyances ; ceux que la crainte d'un échec aurait pu ébranler, seront affermis en voyant la pauvreté des arguments qu'on leur oppose, les contradictions sans nombre qui résultent de l'ignorance et de l'inobservation des faits. Sous ce rapport cette lecture peut leur être utile, ne serait-ce que pour pouvoir en parler avec plus de connaissance de cause que ne le fait l'auteur à l'égard du Spiritisme qu'il nie sans l'avoir étudié, par ce seul motif qu'il nie toute puissance extra-humaine. La contagion de pareilles idées n'est pas à craindre ; elles portent avec elles leur antidote : la répulsion instinctive de l'homme pour le néant. Défendre un livre, c'est prouver qu'on le redoute ; nous engageons à lire celui de M. Figuier.
Si la pauvreté des arguments contre le Spiritisme est manifeste dans les ouvrages sérieux, leur nullité est absolue dans les diatribes et articles diffamatoires où la rage impuissante se trahit par la grossièreté, l'injure et la calomnie. Ce serait faire trop d'honneur à de pareils écrits de les lire dans des réunions sérieuses ; il n'y a rien à réfuter, rien à discuter, par conséquent rien à apprendre ; il n'y a qu'à les mépriser.
On voit donc qu'en dehors des instructions données par les Esprits, il y a ample matière à un travail utile ; nous ajouterons même qu'on puisera dans ce travail de nombreux éléments d'étude à soumettre aux Esprits par les questions auxquelles il donnera inévitablement lieu. Mais si, au besoin, on peut suppléer à l'absence momentanée de médiums, on aurait tort d'en induire qu'on peut s'en passer indéfiniment ; il ne faut donc rien négliger pour s'en procurer ; le mieux, pour une réunion, est de les puiser dans son propre sein, et si l'on veut bien se reporter à ce que nous disons à ce sujet dans notre dernier ouvrage, pages 306 et 307, on verra que le moyen est plus facile qu'on ne croit.
Lettre sur l'incrédulité - Suite et fin. Voyez numéro de janvier 1861, page 15
Depuis que l'homme existe sur terre il y existe des Esprits ; et, depuis lors aussi, des Esprits se sont manifestés aux hommes. L'histoire et la tradition fourmillent de preuves à ce sujet ; mais, soit que les uns ne comprissent pas les phénomènes de ces manifestations, soit que les autres n'osassent pas les divulguer, de peur de la prison ou du bûcher, soit que ces faits fussent mis sur le compte de la superstition ou du charlatanisme par des gens trop prévenus, ou qui avaient intérêt à ce que la lumière ne se fît pas ; soit enfin qu'ils fussent mis sur le compte du démon par une autre classe d'intéressés, il est certain que, jusqu'à ces derniers temps, ces phénomènes, quoique bien constatés, n'avaient point encore été expliqués d'une manière satisfaisante, ou que, du moins, la véritable théorie n'avait pas encore pénétré dans le domaine public, probablement parce que l'humanité n'était pas mûre encore pour cela, comme pour bien d'autres choses merveilleuses qui s'accomplissent de nos jours. Il était réservé à notre époque de voir éclore, dans le même demi-siècle, la vapeur, l'électricité, le magnétisme animal, j'entends, du moins, comme sciences d'application, et enfin le spiritisme, le plus merveilleux de tous, c'est-à-dire, non seulement la constatation matérielle de notre existence immatérielle et de notre immortalité, mais encore l'établissement de relations matérielles, pour ainsi dire, et constantes entre le monde invisible et nous. Quelles conséquences incalculables ne doivent pas naître d'un événement aussi prodigieux ! Mais pour ne parler que de ce qui, pour l'heure, frappe le plus la généralité des hommes, de la mort, par exemple ; ne la voilà-t-il pas réduite à son vrai rôle d'accident naturel, nécessaire, et je dirai même heureux, et perdant ainsi tout son caractère d'événement douloureux et terrible, puisque, pour celui qui la subit, elle est le moment du réveil ; puisque, dès le lendemain de la mort d'un être chéri, nous autres qui restons, nous pouvons continuer nos relations intimes comme par le passé ! il n'y a de changé que nos rapports matériels ; nous ne le voyons plus, nous ne le touchons plus, nous n'entendons plus sa voix ; mais nous continuons d'échanger avec lui nos pensées comme de son vivant, et souvent même beaucoup plus fructueusement pour nous. Que reste-t-il après cela de si douloureux ? Et, si l'on ajoute à ce qui précède cette certitude que nous ne sommes plus séparés de lui que par quelques années, quelques mois, quelques jours peut-être, tout cela n'est-il pas fait pour transformer en un simple événement utile celui que jusqu'à ce jour, à peu d'exceptions près, les plus décidés ne pouvaient envisager sans effroi, et qui, certainement, fait le tourment incessant de toute l'existence de bien des hommes ? Mais je m'éloigne du sujet.
Avant de t'expliquer la pratique fort simple des communications, je voudrais essayer de te donner une idée de la théorie physiologique que je m'en fais. Je ne te la donne pas pour certaine, car je ne l'ai pas vue encore expliquée par la science ; mais il me semble, du moins, que ce doit être quelque chose approchant de cela.
L'esprit agit sur la matière d'autant plus facilement qu'elle est disposée d'une certaine façon plus propre à recevoir son action, c'est pourquoi il n'agit pas directement sur toute espèce de matière, mais il pourrait agir indirectement, s'il se trouvait, entre cette matière et lui, certaines substances d'une organisation graduée qui missent les deux extrêmes en rapport, c'est-à-dire la matière la plus brute en rapport avec l'esprit. C'est ainsi que l'esprit d'un homme vivant déplace des blocs de pierre fort lourds, les façonne, les coordonne avec d'autres et en forme un tout que l'on nomme une maison, une colonne, une église, un palais, etc. Est-ce l'homme-corps qui a fait tout cela ? Qui oserait le dire ?… Oui, c'est lui qui a fait cela, comme c'est ma plume qui écrit cette lettre ; mais je reviens, car je me sens encore aller à la dérive.
Comment l'esprit se met-il en rapport avec le lourd bloc qu'il veut déplacer ? Par le moyen de la matière échelonnée entre lui et ce bloc ; le levier met le bloc en rapport avec la main ; la main met le levier en rapport avec les muscles ; les muscles mettent la main en rapport avec les nerfs ; les nerfs mettent les muscles en rapport avec le cerveau, et le cerveau met les nerfs en rapport avec l'esprit, à moins qu'il n'y ait encore une matière plus délicate, un fluide qui mette le cerveau en rapport avec l'esprit. Quoi qu'il en soit, un intermédiaire de plus ou de moins n'infirme pas la théorie ; que l'esprit agisse de première ou de seconde main sur le cerveau, il agit toujours de très près ; de sorte que, reprenant la mise en rapport à rebours, ou plutôt, dans son ordre naturel, voilà l'esprit agissant sur une matière extrêmement délicate, organisée par la sagesse du Créateur d'une manière propre à recevoir directement, ou presque directement, l'action de sa volonté ; cette matière qui est le cerveau agit, par le moyen de ses ramifications que nous nommons les nerfs, sur une autre matière moins délicate, mais qui l'est encore assez pour recevoir l'action de ceux-ci, ce sont les muscles ; les muscles imprimant le mouvement à la partie solide qui sont les os du bras et de la main, tandis que les autres parties de la charpente osseuse recevant la même action servent de point d'appui ou d'arc-boutant. La partie osseuse, quand elle n'est pas encore assez forte par elle-même, ou pas assez étendue pour agir directement, multiplie sa force en s'aidant du levier, et, voilà le lourd bloc inerte, obéissant docilement à la volonté de l'esprit qui, sans cette hiérarchie intermédiaire, n'aurait eu aucune action sur lui.
En procédant du plus au moins, voilà les plus petits faits de l'esprit expliqués, de même qu'en procédant dans le sens contraire, on voit comment l'esprit peut arriver à transposer les montagnes, dessécher les lacs, etc., et dans tout cela, le corps disparaît presque au milieu de la multitude d'instruments nécessaires, parmi lesquels il ne fait que jouer le premier rôle.
Je veux écrire une lettre ; que me faut-il faire ? mettre une feuille de papier en rapport avec mon esprit, comme tout à l'heure j'y mettais un bloc de pierre ; je remplace le levier par la plume et la chose est faite. Voilà la feuille de papier répétant la pensée de mon esprit, comme tout à l'heure le mouvement imprimé au bloc manifestait sa volonté.
Si mon esprit veut transmettre plus directement, plus instantanément sa pensée au tien, et que rien ne s'y oppose, telles que la distance ou l'interposition d'un corps solide, toujours par le moyen du cerveau et des nerfs, il met en mouvement l'organe de la voix qui, frappant l'air de diverses manières, produit certains sons variés et convenus représentant la pensée, lesquels vont se répercuter dans ton organe auditif qui les transmet à ton esprit par le moyen de tes nerfs et de ton cerveau ; et c'est toujours la pensée manifestée et transmise par une série d'agents matériels gradués et interposés entre son principe et son objet.
Si la théorie qui précède est vraie, il me semble que rien n'est plus facile maintenant que d'expliquer le phénomène des manifestations spirites, et particulièrement de l'écriture médianimique qui seule nous occupe en ce moment.
La substance psychique étant identique chez tous les esprits, leur mode d'action sur la matière doit être le même pour tous ; leur puissance seule peut varier de degrés. La matière des nerfs étant organisée de manière à pouvoir recevoir l'action d'un esprit, il n'y a pas de raison pour qu'elle ne puisse recevoir l'action d'un autre esprit dont la nature ne diffère pas de celle du premier ; et puisque la substance de tous les esprits est de même nature, tous les esprits doivent être aptes à exercer, je ne dirai pas la même action, mais le même mode d'action sur la même substance, toutes les fois qu'ils sont mis en mesure de pouvoir le faire ; or, c'est ce qui arrive dans l'évocation.
Qu'est-ce que l'évocation ?
C'est un acte par lequel un Esprit titulaire d'un corps, prie un autre Esprit, ou, tout simplement, lui permet de se servir de son propre organe, de son propre instrument, pour manifester sa pensée ou sa volonté.
L'Esprit titulaire n'abandonne pas pour cela son corps, mais il peut bien neutraliser momentanément sa propre action sur l'organe de la transmission, et le laisser ainsi à la disposition de l'autre qui ne peut, toutefois, s'en servir qu'autant qu'il plaît au premier de le permettre, en vertu de cet axiome de droit naturel que chacun doit être maître chez soi. Cependant, il faut bien le dire, il arrive dans le Spiritisme, comme dans les sociétés humaines, que ce droit de propriété n'est pas toujours scrupuleusement respecté par messieurs les Esprits, et que plus d'un médium s'est trouvé plus d'une fois fort surpris d'avoir donné l'hospitalité à des hôtes qu'il n'avait point conviés et encore moins désirés ; mais c'est là un des mille petits désagréments de la vie qu'il faut savoir supporter, d'autant plus que, dans l'espèce, ils ont toujours un côté utile, n'eussent-ils pour but que celui de nous éprouver, en même temps qu'ils sont la preuve la plus manifeste de l'action d'un Esprit étranger sur notre organe, nous faisant écrire des choses que nous étions loin de prévoir, ou que nous ne sommes nullement jaloux d'entendre. Toutefois, cela n'arrive aux médiums qu'à leurs débuts ; quand ils sont formés, cela ne leur arrive plus, ou, du moins, ils ne s'y laissent plus prendre.
Chacun est-il apte à être médium ? Naturellement cela devrait être, à des degrés différents toutefois, comme avec des aptitudes diverses ; c'est là l'opinion de M. Kardec. Il y a des médiums écrivains ; des médiums voyants ; des médiums auditifs ; des médiums intuitifs ; c'est-à-dire, des médiums qui écrivent, ce sont les plus nombreux et les plus utiles ; des médiums qui voient les Esprits ; d'autres qui les entendent, et conversent avec eux comme avec les vivants : ceux-ci sont rares ; d'autres qui reçoivent la pensée de l'Esprit évoqué dans leur cerveau et la transmettent par la parole. Un médium possède rarement plusieurs de ces facultés à la fois. Il y a encore des médiums d'un autre genre, c'est-à-dire dont la présence seule en un lieu quelconque permet aux Esprits de s'y manifester, soit par un bruit tel que des coups frappés, soit par le mouvement des corps, tel que le déplacement d'un guéridon, le soulèvement d'une chaise, d'une table ou de tout autre objet. C'est par ce moyen que les Esprits ont commencé à se manifester et à révéler leur existence. Tu as entendu parler des tables tournantes et de la danse des tables, tu en as ri et moi aussi ; eh bien ! ce sont les premiers moyens que les Esprits ont employés pour attirer l'attention ; c'est ainsi qu'on a reconnu leur présence ; après quoi, l'observation et l'étude aidant, on est arrivé à découvrir chez l'homme des facultés jusqu'alors ignorées, au moyen desquelles il peut entrer en communication directe avec les Esprits. Tout cela n'est-il pas merveilleux ? Et pourtant ce n'est que naturel, seulement, et je te le répète, il était réservé à notre époque de faire la découverte et l'application de cette science, comme de bien d'autres secrets merveilleux de la nature.
Maintenant, pour se mettre en rapport avec les Esprits, ou tout au moins pour voir si on est apte à le faire par l'écriture, on prend une feuille de papier blanc et un crayon qui marque bien, et on se met en position d'écrire. Il est toujours bon de commencer par adresser une prière à Dieu, puis on évoque un Esprit, c'est-à-dire on le prie de bien vouloir se communiquer à nous et de nous faire écrire ; puis on attend, toujours dans la même position.
Il y a des personnes qui ont la faculté médianimique tellement développée qu'elles écrivent tout d'abord ; d'autres, au contraire, ne voient cette faculté se développer chez elles qu'avec le temps et la persévérance. Dans ce dernier cas, on renouvelle la séance chaque jour, et pour cela un quart d'heure suffit ; il est inutile d'y passer plus de temps ; mais, autant que possible, il faut la renouveler tous les jours, la persévérance étant une des premières conditions de succès. Il faut aussi faire sa prière et son évocation avec ferveur ; la répéter même quelquefois pendant l'exercice ; avoir une volonté ferme, un grand désir de réussir, et surtout, point de distractions. Quand une fois on a réussi à écrire, ces dernières précautions deviennent inutiles.
Quand on doit bientôt écrire, on sent ordinairement un léger frémissement dans la main, précédé quelquefois d'un léger engourdissement dans la main et dans le bras, quelquefois même d'une légère douleur dans les muscles du bras et de la main ; ce sont des signes précurseurs et presque toujours certains que le moment du succès n'est pas éloigné ; il est quelquefois immédiat, d'autres fois, il se fait encore attendre un ou plusieurs jours, mais il ne tarde jamais beaucoup ; seulement, pour en arriver là, il faut plus ou moins de temps, ce qui peut varier d'un instant à six mois, mais, je te le répète, un quart d'heure d'exercice par jour suffit.
Quant aux Esprits que l'on peut évoquer pour ces sortes d'exercices préparatoires, il est préférable de s'adresser à son Esprit familier qui est toujours là et ne nous quitte jamais, tandis que les autres Esprits peuvent n'y être que momentanément et ne pas s'y trouver au moment où nous les évoquons, et être alors, par une cause quelconque, dans l'impossibilité de se rendre à notre appel, ce qui arrive quelquefois.
L'Esprit familier, qui vérifie jusqu'à un certain point la théorie catholique de l'ange gardien, n'est point cependant tout à fait tel que nous le représente le dogme catholique. C'est tout simplement l'Esprit d'un mortel qui a vécu comme nous, mais qui est beaucoup plus avancé que nous et nous est, par conséquent, infiniment supérieur en bonté et en intelligence ; qui accomplit là une mission méritoire pour lui, profitable pour nous, et nous accompagne ainsi dans ce monde et dans l'autre, jusqu'à ce qu'il soit appelé à une nouvelle incarnation, ou jusqu'à ce que nous-mêmes, arrivés à un certain dégré de supériorité, soyons appelés à remplir, dans l'autre vie, une mission semblable près d'un mortel moins avancé que nous.
Tout ceci, mon cher ami, entre merveilleusement comme tu le vois, dans nos idées de solidarité universelle. Tout ceci, en nous montrant cette solidarité établie de tout temps et fonctionnant constamment entre le monde invisible et nous, nous prouve, certes, que ce n'est pas une utopie de conception humaine, mais bien une des lois de la nature ; que les premiers penseurs qui l'ont prêchée ne l'ont pas inventée, mais seulement découverte ; et qu'enfin, étant dans les lois de la nature, elle est appelée fatalement à se développer dans les sociétés humaines, malgré les résistances et les obstacles que pourront encore lui opposer ses aveugles adversaires[1].
Il ne me reste plus qu'à te parler de la manière d'évoquer. C'est la chose la plus simple. Il n'y a pour cela aucune forme cabalistique, aucune formule obligée ; tu t'adresses à l'Esprit dans les termes qui te conviennent ; voilà tout.
Pour te faire mieux comprendre, toutefois, la simplicité de la chose, je vais te dire la formule que j'emploie moi-même :
« Dieu tout-puissant ! permettez à mon bon ange (ou à l'Esprit d'un tel, si on préfère évoquer un autre Esprit), de se communiquer à moi et de me faire écrire. » Ou bien encore :
« Au nom du Dieu tout-puissant, je prie mon bon ange (ou l'Esprit de…) de se communiquer à moi. »
Maintenant, tu veux savoir le résultat de ma propre expérience, le voici :
Après six semaines environ d'exercices infructueux, j'ai senti un jour ma main trembler, s'agiter et tracer tout à coup, avec le crayon, des caractères informes. Dans les exercices suivants, ces caractères, quoique toujours inintelligibles, sont devenus plus réguliers ; j'écrivais des lignes, et des pages avec la rapidité de mon écriture ordinaire, mais toujours illisibles. D'autres fois, je traçais des paraphes de toutes sortes, petits, grands, quelquefois à plein papier. Quelquefois c'étaient des lignes droites, tantôt de haut en bas, tantôt en travers. D'autres fois, c'étaient des cercles, tantôt grands, tantôt petits, et quelquefois si répétés les uns sur les autres, que la feuille de papier était toute noircie par le crayon.
Enfin, après un mois de l'exercice le plus varié, mais aussi le plus insignifiant, je commençai à m'ennuyer, et je demandai à mon Esprit familier de me faire faire des lettres, au moins, s'il ne pouvait me faire écrire des mots ; j'obtins alors toutes les lettres de l'alphabet, mais je n'ai pu obtenir davantage.
Sur ces entrefaites, ma femme, qui avait toujours eu le pressentiment de ne point posséder la faculté médianimique, se décida néanmoins à en essayer, et au bout de quinze jours d'attente, elle se mit à écrire couramment et avec une grande facilité ; mais, plus heureuse que moi, elle le faisait, elle, très correctement et très lisiblement.
Un de nos amis a réussi, dès le second exercice, à griffonner comme moi, mais ça été tout. Nous ne nous décourageons pas pour cela, nous sommes convaincus que c'est une épreuve, et que, tôt ou tard, nous écrirons ; il ne faut que de la patience, c'est facile.
Dans une autre lettre, je t'entretiendrai des communications que nous avons obtenues par ma femme, et qui, assez singulières par elles-mêmes, sont surtout très concluantes pour l'existence des Esprits. En voilà assez pour aujourd'hui ; je tenais à te faire un exposé qui, bien que très sommaire, pût néanmoins embrasser l'ensemble de la théorie spirite. Cela suffira, je l'espère, à exciter ta curiosité, et surtout à éveiller ton intérêt ; la lecture des ouvrages spéciaux à laquelle cela va te disposer fera le reste.
En attendant l'ouvrage pratique dont je t'ai parlé, je t'enverrai très prochainement l'ouvrage philosophique intitulé : Le Livre des Esprits.
Étudie, lis, relis, essaie, travaille, et surtout ne te rebute pas, la chose en vaut la peine.
Et de plus, ne fais pas attention aux rieurs ; il y en a déjà beaucoup qui ne rient plus, bien qu'ils soient encore en possession de tous les organes qui leur servaient à cela naguère.
A toi et à bientôt,
Canu.
[1] Pour peu que les faits les plus naturels, mais non encore expliqués, prêtent au merveilleux, chacun sait avec quelle adresse la jonglerie s'en empare et avec quelle audace elle les exploite ; c'est là peut-être encore un des plus grands obstacles à la découverte et surtout à la vulgarisation de la vérité.
Avant de t'expliquer la pratique fort simple des communications, je voudrais essayer de te donner une idée de la théorie physiologique que je m'en fais. Je ne te la donne pas pour certaine, car je ne l'ai pas vue encore expliquée par la science ; mais il me semble, du moins, que ce doit être quelque chose approchant de cela.
L'esprit agit sur la matière d'autant plus facilement qu'elle est disposée d'une certaine façon plus propre à recevoir son action, c'est pourquoi il n'agit pas directement sur toute espèce de matière, mais il pourrait agir indirectement, s'il se trouvait, entre cette matière et lui, certaines substances d'une organisation graduée qui missent les deux extrêmes en rapport, c'est-à-dire la matière la plus brute en rapport avec l'esprit. C'est ainsi que l'esprit d'un homme vivant déplace des blocs de pierre fort lourds, les façonne, les coordonne avec d'autres et en forme un tout que l'on nomme une maison, une colonne, une église, un palais, etc. Est-ce l'homme-corps qui a fait tout cela ? Qui oserait le dire ?… Oui, c'est lui qui a fait cela, comme c'est ma plume qui écrit cette lettre ; mais je reviens, car je me sens encore aller à la dérive.
Comment l'esprit se met-il en rapport avec le lourd bloc qu'il veut déplacer ? Par le moyen de la matière échelonnée entre lui et ce bloc ; le levier met le bloc en rapport avec la main ; la main met le levier en rapport avec les muscles ; les muscles mettent la main en rapport avec les nerfs ; les nerfs mettent les muscles en rapport avec le cerveau, et le cerveau met les nerfs en rapport avec l'esprit, à moins qu'il n'y ait encore une matière plus délicate, un fluide qui mette le cerveau en rapport avec l'esprit. Quoi qu'il en soit, un intermédiaire de plus ou de moins n'infirme pas la théorie ; que l'esprit agisse de première ou de seconde main sur le cerveau, il agit toujours de très près ; de sorte que, reprenant la mise en rapport à rebours, ou plutôt, dans son ordre naturel, voilà l'esprit agissant sur une matière extrêmement délicate, organisée par la sagesse du Créateur d'une manière propre à recevoir directement, ou presque directement, l'action de sa volonté ; cette matière qui est le cerveau agit, par le moyen de ses ramifications que nous nommons les nerfs, sur une autre matière moins délicate, mais qui l'est encore assez pour recevoir l'action de ceux-ci, ce sont les muscles ; les muscles imprimant le mouvement à la partie solide qui sont les os du bras et de la main, tandis que les autres parties de la charpente osseuse recevant la même action servent de point d'appui ou d'arc-boutant. La partie osseuse, quand elle n'est pas encore assez forte par elle-même, ou pas assez étendue pour agir directement, multiplie sa force en s'aidant du levier, et, voilà le lourd bloc inerte, obéissant docilement à la volonté de l'esprit qui, sans cette hiérarchie intermédiaire, n'aurait eu aucune action sur lui.
En procédant du plus au moins, voilà les plus petits faits de l'esprit expliqués, de même qu'en procédant dans le sens contraire, on voit comment l'esprit peut arriver à transposer les montagnes, dessécher les lacs, etc., et dans tout cela, le corps disparaît presque au milieu de la multitude d'instruments nécessaires, parmi lesquels il ne fait que jouer le premier rôle.
Je veux écrire une lettre ; que me faut-il faire ? mettre une feuille de papier en rapport avec mon esprit, comme tout à l'heure j'y mettais un bloc de pierre ; je remplace le levier par la plume et la chose est faite. Voilà la feuille de papier répétant la pensée de mon esprit, comme tout à l'heure le mouvement imprimé au bloc manifestait sa volonté.
Si mon esprit veut transmettre plus directement, plus instantanément sa pensée au tien, et que rien ne s'y oppose, telles que la distance ou l'interposition d'un corps solide, toujours par le moyen du cerveau et des nerfs, il met en mouvement l'organe de la voix qui, frappant l'air de diverses manières, produit certains sons variés et convenus représentant la pensée, lesquels vont se répercuter dans ton organe auditif qui les transmet à ton esprit par le moyen de tes nerfs et de ton cerveau ; et c'est toujours la pensée manifestée et transmise par une série d'agents matériels gradués et interposés entre son principe et son objet.
Si la théorie qui précède est vraie, il me semble que rien n'est plus facile maintenant que d'expliquer le phénomène des manifestations spirites, et particulièrement de l'écriture médianimique qui seule nous occupe en ce moment.
La substance psychique étant identique chez tous les esprits, leur mode d'action sur la matière doit être le même pour tous ; leur puissance seule peut varier de degrés. La matière des nerfs étant organisée de manière à pouvoir recevoir l'action d'un esprit, il n'y a pas de raison pour qu'elle ne puisse recevoir l'action d'un autre esprit dont la nature ne diffère pas de celle du premier ; et puisque la substance de tous les esprits est de même nature, tous les esprits doivent être aptes à exercer, je ne dirai pas la même action, mais le même mode d'action sur la même substance, toutes les fois qu'ils sont mis en mesure de pouvoir le faire ; or, c'est ce qui arrive dans l'évocation.
Qu'est-ce que l'évocation ?
C'est un acte par lequel un Esprit titulaire d'un corps, prie un autre Esprit, ou, tout simplement, lui permet de se servir de son propre organe, de son propre instrument, pour manifester sa pensée ou sa volonté.
L'Esprit titulaire n'abandonne pas pour cela son corps, mais il peut bien neutraliser momentanément sa propre action sur l'organe de la transmission, et le laisser ainsi à la disposition de l'autre qui ne peut, toutefois, s'en servir qu'autant qu'il plaît au premier de le permettre, en vertu de cet axiome de droit naturel que chacun doit être maître chez soi. Cependant, il faut bien le dire, il arrive dans le Spiritisme, comme dans les sociétés humaines, que ce droit de propriété n'est pas toujours scrupuleusement respecté par messieurs les Esprits, et que plus d'un médium s'est trouvé plus d'une fois fort surpris d'avoir donné l'hospitalité à des hôtes qu'il n'avait point conviés et encore moins désirés ; mais c'est là un des mille petits désagréments de la vie qu'il faut savoir supporter, d'autant plus que, dans l'espèce, ils ont toujours un côté utile, n'eussent-ils pour but que celui de nous éprouver, en même temps qu'ils sont la preuve la plus manifeste de l'action d'un Esprit étranger sur notre organe, nous faisant écrire des choses que nous étions loin de prévoir, ou que nous ne sommes nullement jaloux d'entendre. Toutefois, cela n'arrive aux médiums qu'à leurs débuts ; quand ils sont formés, cela ne leur arrive plus, ou, du moins, ils ne s'y laissent plus prendre.
Chacun est-il apte à être médium ? Naturellement cela devrait être, à des degrés différents toutefois, comme avec des aptitudes diverses ; c'est là l'opinion de M. Kardec. Il y a des médiums écrivains ; des médiums voyants ; des médiums auditifs ; des médiums intuitifs ; c'est-à-dire, des médiums qui écrivent, ce sont les plus nombreux et les plus utiles ; des médiums qui voient les Esprits ; d'autres qui les entendent, et conversent avec eux comme avec les vivants : ceux-ci sont rares ; d'autres qui reçoivent la pensée de l'Esprit évoqué dans leur cerveau et la transmettent par la parole. Un médium possède rarement plusieurs de ces facultés à la fois. Il y a encore des médiums d'un autre genre, c'est-à-dire dont la présence seule en un lieu quelconque permet aux Esprits de s'y manifester, soit par un bruit tel que des coups frappés, soit par le mouvement des corps, tel que le déplacement d'un guéridon, le soulèvement d'une chaise, d'une table ou de tout autre objet. C'est par ce moyen que les Esprits ont commencé à se manifester et à révéler leur existence. Tu as entendu parler des tables tournantes et de la danse des tables, tu en as ri et moi aussi ; eh bien ! ce sont les premiers moyens que les Esprits ont employés pour attirer l'attention ; c'est ainsi qu'on a reconnu leur présence ; après quoi, l'observation et l'étude aidant, on est arrivé à découvrir chez l'homme des facultés jusqu'alors ignorées, au moyen desquelles il peut entrer en communication directe avec les Esprits. Tout cela n'est-il pas merveilleux ? Et pourtant ce n'est que naturel, seulement, et je te le répète, il était réservé à notre époque de faire la découverte et l'application de cette science, comme de bien d'autres secrets merveilleux de la nature.
Maintenant, pour se mettre en rapport avec les Esprits, ou tout au moins pour voir si on est apte à le faire par l'écriture, on prend une feuille de papier blanc et un crayon qui marque bien, et on se met en position d'écrire. Il est toujours bon de commencer par adresser une prière à Dieu, puis on évoque un Esprit, c'est-à-dire on le prie de bien vouloir se communiquer à nous et de nous faire écrire ; puis on attend, toujours dans la même position.
Il y a des personnes qui ont la faculté médianimique tellement développée qu'elles écrivent tout d'abord ; d'autres, au contraire, ne voient cette faculté se développer chez elles qu'avec le temps et la persévérance. Dans ce dernier cas, on renouvelle la séance chaque jour, et pour cela un quart d'heure suffit ; il est inutile d'y passer plus de temps ; mais, autant que possible, il faut la renouveler tous les jours, la persévérance étant une des premières conditions de succès. Il faut aussi faire sa prière et son évocation avec ferveur ; la répéter même quelquefois pendant l'exercice ; avoir une volonté ferme, un grand désir de réussir, et surtout, point de distractions. Quand une fois on a réussi à écrire, ces dernières précautions deviennent inutiles.
Quand on doit bientôt écrire, on sent ordinairement un léger frémissement dans la main, précédé quelquefois d'un léger engourdissement dans la main et dans le bras, quelquefois même d'une légère douleur dans les muscles du bras et de la main ; ce sont des signes précurseurs et presque toujours certains que le moment du succès n'est pas éloigné ; il est quelquefois immédiat, d'autres fois, il se fait encore attendre un ou plusieurs jours, mais il ne tarde jamais beaucoup ; seulement, pour en arriver là, il faut plus ou moins de temps, ce qui peut varier d'un instant à six mois, mais, je te le répète, un quart d'heure d'exercice par jour suffit.
Quant aux Esprits que l'on peut évoquer pour ces sortes d'exercices préparatoires, il est préférable de s'adresser à son Esprit familier qui est toujours là et ne nous quitte jamais, tandis que les autres Esprits peuvent n'y être que momentanément et ne pas s'y trouver au moment où nous les évoquons, et être alors, par une cause quelconque, dans l'impossibilité de se rendre à notre appel, ce qui arrive quelquefois.
L'Esprit familier, qui vérifie jusqu'à un certain point la théorie catholique de l'ange gardien, n'est point cependant tout à fait tel que nous le représente le dogme catholique. C'est tout simplement l'Esprit d'un mortel qui a vécu comme nous, mais qui est beaucoup plus avancé que nous et nous est, par conséquent, infiniment supérieur en bonté et en intelligence ; qui accomplit là une mission méritoire pour lui, profitable pour nous, et nous accompagne ainsi dans ce monde et dans l'autre, jusqu'à ce qu'il soit appelé à une nouvelle incarnation, ou jusqu'à ce que nous-mêmes, arrivés à un certain dégré de supériorité, soyons appelés à remplir, dans l'autre vie, une mission semblable près d'un mortel moins avancé que nous.
Tout ceci, mon cher ami, entre merveilleusement comme tu le vois, dans nos idées de solidarité universelle. Tout ceci, en nous montrant cette solidarité établie de tout temps et fonctionnant constamment entre le monde invisible et nous, nous prouve, certes, que ce n'est pas une utopie de conception humaine, mais bien une des lois de la nature ; que les premiers penseurs qui l'ont prêchée ne l'ont pas inventée, mais seulement découverte ; et qu'enfin, étant dans les lois de la nature, elle est appelée fatalement à se développer dans les sociétés humaines, malgré les résistances et les obstacles que pourront encore lui opposer ses aveugles adversaires[1].
Il ne me reste plus qu'à te parler de la manière d'évoquer. C'est la chose la plus simple. Il n'y a pour cela aucune forme cabalistique, aucune formule obligée ; tu t'adresses à l'Esprit dans les termes qui te conviennent ; voilà tout.
Pour te faire mieux comprendre, toutefois, la simplicité de la chose, je vais te dire la formule que j'emploie moi-même :
« Dieu tout-puissant ! permettez à mon bon ange (ou à l'Esprit d'un tel, si on préfère évoquer un autre Esprit), de se communiquer à moi et de me faire écrire. » Ou bien encore :
« Au nom du Dieu tout-puissant, je prie mon bon ange (ou l'Esprit de…) de se communiquer à moi. »
Maintenant, tu veux savoir le résultat de ma propre expérience, le voici :
Après six semaines environ d'exercices infructueux, j'ai senti un jour ma main trembler, s'agiter et tracer tout à coup, avec le crayon, des caractères informes. Dans les exercices suivants, ces caractères, quoique toujours inintelligibles, sont devenus plus réguliers ; j'écrivais des lignes, et des pages avec la rapidité de mon écriture ordinaire, mais toujours illisibles. D'autres fois, je traçais des paraphes de toutes sortes, petits, grands, quelquefois à plein papier. Quelquefois c'étaient des lignes droites, tantôt de haut en bas, tantôt en travers. D'autres fois, c'étaient des cercles, tantôt grands, tantôt petits, et quelquefois si répétés les uns sur les autres, que la feuille de papier était toute noircie par le crayon.
Enfin, après un mois de l'exercice le plus varié, mais aussi le plus insignifiant, je commençai à m'ennuyer, et je demandai à mon Esprit familier de me faire faire des lettres, au moins, s'il ne pouvait me faire écrire des mots ; j'obtins alors toutes les lettres de l'alphabet, mais je n'ai pu obtenir davantage.
Sur ces entrefaites, ma femme, qui avait toujours eu le pressentiment de ne point posséder la faculté médianimique, se décida néanmoins à en essayer, et au bout de quinze jours d'attente, elle se mit à écrire couramment et avec une grande facilité ; mais, plus heureuse que moi, elle le faisait, elle, très correctement et très lisiblement.
Un de nos amis a réussi, dès le second exercice, à griffonner comme moi, mais ça été tout. Nous ne nous décourageons pas pour cela, nous sommes convaincus que c'est une épreuve, et que, tôt ou tard, nous écrirons ; il ne faut que de la patience, c'est facile.
Dans une autre lettre, je t'entretiendrai des communications que nous avons obtenues par ma femme, et qui, assez singulières par elles-mêmes, sont surtout très concluantes pour l'existence des Esprits. En voilà assez pour aujourd'hui ; je tenais à te faire un exposé qui, bien que très sommaire, pût néanmoins embrasser l'ensemble de la théorie spirite. Cela suffira, je l'espère, à exciter ta curiosité, et surtout à éveiller ton intérêt ; la lecture des ouvrages spéciaux à laquelle cela va te disposer fera le reste.
En attendant l'ouvrage pratique dont je t'ai parlé, je t'enverrai très prochainement l'ouvrage philosophique intitulé : Le Livre des Esprits.
Étudie, lis, relis, essaie, travaille, et surtout ne te rebute pas, la chose en vaut la peine.
Et de plus, ne fais pas attention aux rieurs ; il y en a déjà beaucoup qui ne rient plus, bien qu'ils soient encore en possession de tous les organes qui leur servaient à cela naguère.
A toi et à bientôt,
Canu.
[1] Pour peu que les faits les plus naturels, mais non encore expliqués, prêtent au merveilleux, chacun sait avec quelle adresse la jonglerie s'en empare et avec quelle audace elle les exploite ; c'est là peut-être encore un des plus grands obstacles à la découverte et surtout à la vulgarisation de la vérité.
Entretiens familiers d'outre-tombe - Le Suicide d'un athée
M. J. B. D…, évoqué sur la demande d'un de ses
parents, était un homme instruit, mais imbu au dernier degré des idées
matérialistes, ne croyant ni à son âme, ni à Dieu. Il s'est noyé volontairement
il y a deux ans.
1. Évocation. - R… Je souffre ! Je suis réprouvé.
2. Nous sommes priés de vous appeler de la part d'un de vos parents qui désire connaître votre sort ; veuillez nous dire si notre évocation vous est agréable ou pénible ? - R. Pénible.
3. Votre mort a-t-elle été volontaire ? - R. Oui.
Remarque. L'Esprit écrit avec une extrême difficulté ; l'écriture est très grosse, irrégulière, convulsive et presque illisible. A son début il montre de la colère, casse le crayon et déchire le papier.
4. Soyez plus calme ; nous prierons tous Dieu pour vous. - R. Je suis forcé de croire à Dieu.
5. Quel motif a pu vous porter à vous détruire ? - R. Ennui de la vie sans espérance.
Remarque. On conçoit le suicide quand la vie est sans espoir ; on veut échapper au malheur à tout prix ; avec le Spiritisme l'avenir se déroule et l'espérance se légitime : le suicide n'a donc plus d'objet ; bien plus, on reconnaît que, par ce moyen, on n'échappe à un mal que pour retomber dans un autre qui est cent fois pire. Voilà pourquoi le Spiritisme a déjà arraché tant de victimes à la mort volontaire. Ont-ils donc tort, et sont-ils des rêveurs ceux qui en recherchent avant tout le but moral et philosophique ? Ils sont bien coupables ceux qui s'efforcent d'accréditer par des sophismes scientifiques, et soi-disant au nom de la raison, cette idée désespérante, source de tant de maux et de crimes, que tout finit avec la vie ! Ils seront responsables, non seulement de leurs propres erreurs, mais de tous les maux dont ils auront été la cause.
6. Vous avez voulu échapper aux vicissitudes de la vie ; y avez-vous gagné quelque chose ? êtes-vous plus heureux maintenant ? - R. Pourquoi le néant n'existe-t-il pas !
7. Veuillez être assez bon pour nous décrire votre situation le mieux que vous pourrez. - R. Je souffre d'être obligé de croire tout ce que je niais. Mon âme est comme dans un brasier ; elle est tourmentée horriblement.
8. D'où vous venaient les idées matérialistes que vous aviez de votre vivant ? - R. Dans une autre existence j'avais été méchant, et mon Esprit était condamné à souffrir les tourments du doute pendant ma vie ; aussi me suis-je tué.
Remarque. - Il y a ici tout un ordre d'idées. On se demande souvent comment il peut y avoir des matérialistes, puisque ayant déjà passé par le monde Spirite on devrait en avoir l'intuition ; or, c'est précisément cette intuition qui est refusée, comme châtiment, à certains Esprits qui ont conservé leur orgueil, et ne se sont pas repentis de leurs fautes. La terre, il ne faut pas l'oublier, est un lieu d'expiation ; voilà pourquoi elle renferme tant de mauvais Esprits incarnés.
9. Quand vous vous êtes noyé, que pensiez-vous qu'il adviendrait de vous ? quelles réflexions avez-vous faites à ce moment ? - R. Aucune ; c'était le néant pour moi. J'ai vu après que n'ayant pas subi toute ma condamnation, j'allais encore bien souffrir.
10. Maintenant, êtes-vous bien convaincu de l'existence de Dieu, de l'âme et de la vie future ? - R. Hélas ! je ne suis que trop tourmenté pour cela !
11. Avez-vous revu votre femme et votre frère ? - R. Oh ! non.
12. Pourquoi cela ? - R. Pourquoi réunir nos tourments ? on s'exile dans le malheur, on ne se réunit que dans le bonheur ; hélas !
13. Seriez-vous bien aise de revoir votre frère que nous pourrions appeler là, à côté de vous ? - R. Non, non ; je suis trop bas.
14. Pourquoi ne voulez-vous pas que nous l'appelions ? - R. C'est qu'il n'est pas heureux, lui non plus.
15. Vous redoutez sa vue ; cela ne pourrait cependant que vous faire du bien ? - R. Non ; plus tard.
16. Votre parent me prie de vous demander si vous avez assisté à votre enterrement, et si vous ayez été satisfait de ce qu'il a fait à cette occasion ? - R. Oui.
17. Désirez-vous lui faire dire quelque chose ? - R. Qu'on prie un peu pour moi.
18. Il paraît que, dans la société que vous fréquentiez, quelques personnes partagent les opinions que vous aviez de votre vivant ; auriez-vous quelque chose à leur dire à ce sujet ? - R. Ah ! les malheureux ! Puissent-ils croire à une autre vie ! c'est ce que je peux leur souhaiter de plus heureux ; s'ils pouvaient comprendre ma triste position, cela les ferait bien réfléchir.
Évocation du frère du précédent, professant les mêmes idées, mais qui ne s'est pas suicidé. Quoique malheureux, il est plus calme ; son écriture est nette et lisible.
19. Évocation. - R. Puisse le tableau de nos souffrances vous être une utile leçon, et vous persuader qu'une autre vie existe, où l'on expie ses fautes, son incrédulité !
20. Vous voyez-vous réciproquement avec votre frère que nous venons d'appeler ? - R. Non, il me fuit.
21. Vous êtes plus calme que lui ; pourriez-vous nous donner une description plus précise de vos souffrances ? - R. Sur la terre ne souffrez-vous pas dans votre amour-propre, dans votre orgueil, quand vous êtes obligés de convenir de vos torts ? Votre esprit ne se révolte-t-il pas à la pensée de vous humilier devant celui qui vous démontre que vous êtes dans l'erreur ? Eh bien ! que croyez-vous que souffre l'Esprit qui, pendant toute une existence, s'est persuadé que rien n'existe après lui, qu'il a raison contre tous ? Quand tout à coup il se trouve en face de l'éclatante vérité, il est anéanti, il est humilié. A cela vient se joindre le remords d'avoir pu si longtemps oublier l'existence d'un Dieu si bon, si indulgent. Son état est insupportable ; il ne trouve ni calme, ni repos ; il ne retrouvera un peu de tranquillité qu'au moment où la grâce sainte, c'est-à-dire l'amour de Dieu le touchera, car l'orgueil s'empare tellement de notre pauvre esprit, qu'il l'enveloppe tout entier, et il lui faut encore bien du temps pour se défaire de ce vêtement fatal ; ce n'est que la prière de nos frères qui peut nous aider à nous en débarrasser.
22. Voulez-vous parler de vos frères vivants ou en Esprits ? - R. Des uns et des autres.
23. Pendant que nous nous entretenions avec votre frère, une personne ici présente a prié pour lui ; cette prière lui a-t-elle été utile ? - R. Elle ne sera pas perdue. S'il repousse la grâce maintenant, cela lui reviendra, quand il sera en état de recourir à cette divine panacée.
Le résultat de ces deux évocations ayant été transmis à la personne qui nous avait prié de les faire, nous reçûmes de cette dernière la réponse suivante :
« Vous ne pouvez croire, monsieur, le grand bien produit par l'évocation de mon beau-père et de mon oncle. Nous les avons parfaitement reconnus ; l'écriture du premier surtout a une analogie frappante avec celle qu'il avait de son vivant, d'autant mieux que pendant les derniers mois qu'il a passés avec nous, elle était saccadée et indéchiffrable ; on y retrouve la même forme des jambages, du paraphe, et de certaines lettres, principalement les d, f, o, p, q, t. Quant aux paroles, aux expressions et au style, c'est encore plus frappant ; pour nous, l'analogie est parfaite, si ce n'est qu'il est plus éclairé sur Dieu, l'âme et l'éternité qu'il niait si formellement autrefois. Nous sommes donc parfaitement convaincus de son identité ; Dieu en sera glorifié par notre croyance plus ferme au Spiritisme, et nos frères, Esprits et vivants, en deviendront meilleurs. L'identité de son frère n'est pas moins évidente ; à la différence immense de l'athée au croyant nous avons reconnu son caractère, son style, ses tournures de phrases ; un mot surtout nous a frappés, c'est celui de panacée ; c'était son mot d'habitude ; il le disait et répétait à tous et à chaque instant.
« J'ai communiqué ces deux évocations à plusieurs personnes qui ont été frappées de leur véracité ; mais les incrédules, ceux qui partagent les opinions de mes deux parents, auraient voulu des réponses encore plus catégoriques : que M. D…, par exemple, précisât l'endroit où il a été enterré, celui où il s'est noyé, de quelle manière il s'y est pris, etc. Pour les satisfaire et les convaincre, ne pourriez-vous l'évoquer de nouveau, et dans ce cas, vous voudriez bien lui adresser les questions suivantes : où et comment il a accompli son suicide ? - combien de temps il est resté sous l'eau ? - à quel endroit son corps a été retrouvé ? - à quelle place il a été enseveli ? - de quelle manière civile ou religieuse on a procédé à son inhumation, etc. ?
« Veuillez, je vous prie, monsieur, faire répondre catégoriquement à ces demandes qui sont essentielles pour ceux qui doutent encore ; je suis persuadé du bien immense que cela produira. Je fais en sorte que ma lettre vous parvienne demain vendredi, afin que vous puissiez faire cette évocation dans la séance de la Société qui doit avoir lieu ce jour-là… etc. »
Nous avons reproduit cette lettre à cause du fait d'identité qu'elle constate ; nous y joignons la réponse que nous y avons faite, pour l'instruction des personnes qui ne sont pas familiarisées avec les communications d'outre-tombe.
« … Les questions que vous nous priez d'adresser de nouveau à l'Esprit de votre beau-père sont sans doute dictées par une louable intention, celle de convaincre des incrédules ; car, chez vous, il ne s'y mêle aucun sentiment de doute et de curiosité ; mais une plus parfaite connaissance de la science spirite vous eût fait comprendre qu'elles sont superflues. - D'abord, en me priant de faire répondre catégoriquement M. votre beau-père, vous ignorez sans doute qu'on ne gouverne pas les Esprits à son gré ; ils répondent quand ils veulent, comme ils veulent, et souvent comme ils peuvent ; leur liberté d'action est encore plus grande que de leur vivant, et ils ont plus de moyens d'échapper à la contrainte morale qu'on voudrait exercer sur eux. Les meilleures preuves d'identité sont celles qu'ils donnent spontanément, de leur propre volonté, ou qui naissent des circonstances, et c'est, la plupart du temps, en vain qu'on cherche à les provoquer. Votre parent a prouvé son identité d'une manière irrécusable selon vous ; il est donc plus que probable qu'il refuserait de répondre à des questions qu'à bon droit il peut regarder comme superflues, et faites en vue de satisfaire la curiosité de gens qui lui sont indifférents. Il pourrait répondre, comme l'ont souvent fait d'autres Esprits en pareil cas : « A quoi bon me demander des choses que vous savez ? » J'ajouterai même que l'état de trouble et de souffrance où il se trouve doit lui rendre plus pénibles les recherches de ce genre ; c'est absolument comme si l'on voulait contraindre un malade qui peut à peine penser et parler à raconter les détails de sa vie ; ce serait assurément manquer aux égards que l'on doit à sa position.
« Quant au résultat que vous en espériez, il serait nul, soyez-en persuadé. Les preuves d'identité qui ont été fournies ont une bien plus grande valeur, par cela même qu'elles sont spontanées, et que rien ne pouvait mettre sur la voie ; si les incrédules n'en sont pas satisfaits, ils ne le seraient pas davantage, moins encore peut-être, par des questions prévues et qu'ils pourraient suspecter de connivence. Il y a des gens que rien ne peut convaincre ; ils verraient de leurs yeux M. votre beau-père en personne, qu'ils se diraient le jouet d'une hallucination. Ce qu'il y a de mieux à faire avec eux, c'est de les laisser tranquilles et ne pas perdre son temps en discours superflus ; il n'y a qu'à les plaindre, car ils n'apprendront que trop tôt à leurs dépens ce qu'il en coûte d'avoir repoussé la lumière que Dieu leur envoyait ; c'est contre ceux-là surtout que Dieu fait éclater sa sévérité.
« Deux mots encore, monsieur, sur la demande que vous me faites de faire cette évocation le jour même où je devais recevoir votre lettre. Les évocations ne se font pas ainsi à la baguette ; les Esprits ne répondent pas toujours à notre appel ; il faut pour cela qu'ils le puissent ou qu'ils le veuillent ; il faut, de plus, un médium qui leur convienne, et qui ait l'aptitude spéciale nécessaire ; que ce médium soit disponible à un moment donné ; que le milieu soit sympathique à l'Esprit, etc. Toutes circonstances dont on ne peut jamais répondre, et qu'il importe de connaître quand on veut faire la chose sérieusement. »
1. Évocation. - R… Je souffre ! Je suis réprouvé.
2. Nous sommes priés de vous appeler de la part d'un de vos parents qui désire connaître votre sort ; veuillez nous dire si notre évocation vous est agréable ou pénible ? - R. Pénible.
3. Votre mort a-t-elle été volontaire ? - R. Oui.
Remarque. L'Esprit écrit avec une extrême difficulté ; l'écriture est très grosse, irrégulière, convulsive et presque illisible. A son début il montre de la colère, casse le crayon et déchire le papier.
4. Soyez plus calme ; nous prierons tous Dieu pour vous. - R. Je suis forcé de croire à Dieu.
5. Quel motif a pu vous porter à vous détruire ? - R. Ennui de la vie sans espérance.
Remarque. On conçoit le suicide quand la vie est sans espoir ; on veut échapper au malheur à tout prix ; avec le Spiritisme l'avenir se déroule et l'espérance se légitime : le suicide n'a donc plus d'objet ; bien plus, on reconnaît que, par ce moyen, on n'échappe à un mal que pour retomber dans un autre qui est cent fois pire. Voilà pourquoi le Spiritisme a déjà arraché tant de victimes à la mort volontaire. Ont-ils donc tort, et sont-ils des rêveurs ceux qui en recherchent avant tout le but moral et philosophique ? Ils sont bien coupables ceux qui s'efforcent d'accréditer par des sophismes scientifiques, et soi-disant au nom de la raison, cette idée désespérante, source de tant de maux et de crimes, que tout finit avec la vie ! Ils seront responsables, non seulement de leurs propres erreurs, mais de tous les maux dont ils auront été la cause.
6. Vous avez voulu échapper aux vicissitudes de la vie ; y avez-vous gagné quelque chose ? êtes-vous plus heureux maintenant ? - R. Pourquoi le néant n'existe-t-il pas !
7. Veuillez être assez bon pour nous décrire votre situation le mieux que vous pourrez. - R. Je souffre d'être obligé de croire tout ce que je niais. Mon âme est comme dans un brasier ; elle est tourmentée horriblement.
8. D'où vous venaient les idées matérialistes que vous aviez de votre vivant ? - R. Dans une autre existence j'avais été méchant, et mon Esprit était condamné à souffrir les tourments du doute pendant ma vie ; aussi me suis-je tué.
Remarque. - Il y a ici tout un ordre d'idées. On se demande souvent comment il peut y avoir des matérialistes, puisque ayant déjà passé par le monde Spirite on devrait en avoir l'intuition ; or, c'est précisément cette intuition qui est refusée, comme châtiment, à certains Esprits qui ont conservé leur orgueil, et ne se sont pas repentis de leurs fautes. La terre, il ne faut pas l'oublier, est un lieu d'expiation ; voilà pourquoi elle renferme tant de mauvais Esprits incarnés.
9. Quand vous vous êtes noyé, que pensiez-vous qu'il adviendrait de vous ? quelles réflexions avez-vous faites à ce moment ? - R. Aucune ; c'était le néant pour moi. J'ai vu après que n'ayant pas subi toute ma condamnation, j'allais encore bien souffrir.
10. Maintenant, êtes-vous bien convaincu de l'existence de Dieu, de l'âme et de la vie future ? - R. Hélas ! je ne suis que trop tourmenté pour cela !
11. Avez-vous revu votre femme et votre frère ? - R. Oh ! non.
12. Pourquoi cela ? - R. Pourquoi réunir nos tourments ? on s'exile dans le malheur, on ne se réunit que dans le bonheur ; hélas !
13. Seriez-vous bien aise de revoir votre frère que nous pourrions appeler là, à côté de vous ? - R. Non, non ; je suis trop bas.
14. Pourquoi ne voulez-vous pas que nous l'appelions ? - R. C'est qu'il n'est pas heureux, lui non plus.
15. Vous redoutez sa vue ; cela ne pourrait cependant que vous faire du bien ? - R. Non ; plus tard.
16. Votre parent me prie de vous demander si vous avez assisté à votre enterrement, et si vous ayez été satisfait de ce qu'il a fait à cette occasion ? - R. Oui.
17. Désirez-vous lui faire dire quelque chose ? - R. Qu'on prie un peu pour moi.
18. Il paraît que, dans la société que vous fréquentiez, quelques personnes partagent les opinions que vous aviez de votre vivant ; auriez-vous quelque chose à leur dire à ce sujet ? - R. Ah ! les malheureux ! Puissent-ils croire à une autre vie ! c'est ce que je peux leur souhaiter de plus heureux ; s'ils pouvaient comprendre ma triste position, cela les ferait bien réfléchir.
Évocation du frère du précédent, professant les mêmes idées, mais qui ne s'est pas suicidé. Quoique malheureux, il est plus calme ; son écriture est nette et lisible.
19. Évocation. - R. Puisse le tableau de nos souffrances vous être une utile leçon, et vous persuader qu'une autre vie existe, où l'on expie ses fautes, son incrédulité !
20. Vous voyez-vous réciproquement avec votre frère que nous venons d'appeler ? - R. Non, il me fuit.
21. Vous êtes plus calme que lui ; pourriez-vous nous donner une description plus précise de vos souffrances ? - R. Sur la terre ne souffrez-vous pas dans votre amour-propre, dans votre orgueil, quand vous êtes obligés de convenir de vos torts ? Votre esprit ne se révolte-t-il pas à la pensée de vous humilier devant celui qui vous démontre que vous êtes dans l'erreur ? Eh bien ! que croyez-vous que souffre l'Esprit qui, pendant toute une existence, s'est persuadé que rien n'existe après lui, qu'il a raison contre tous ? Quand tout à coup il se trouve en face de l'éclatante vérité, il est anéanti, il est humilié. A cela vient se joindre le remords d'avoir pu si longtemps oublier l'existence d'un Dieu si bon, si indulgent. Son état est insupportable ; il ne trouve ni calme, ni repos ; il ne retrouvera un peu de tranquillité qu'au moment où la grâce sainte, c'est-à-dire l'amour de Dieu le touchera, car l'orgueil s'empare tellement de notre pauvre esprit, qu'il l'enveloppe tout entier, et il lui faut encore bien du temps pour se défaire de ce vêtement fatal ; ce n'est que la prière de nos frères qui peut nous aider à nous en débarrasser.
22. Voulez-vous parler de vos frères vivants ou en Esprits ? - R. Des uns et des autres.
23. Pendant que nous nous entretenions avec votre frère, une personne ici présente a prié pour lui ; cette prière lui a-t-elle été utile ? - R. Elle ne sera pas perdue. S'il repousse la grâce maintenant, cela lui reviendra, quand il sera en état de recourir à cette divine panacée.
Le résultat de ces deux évocations ayant été transmis à la personne qui nous avait prié de les faire, nous reçûmes de cette dernière la réponse suivante :
« Vous ne pouvez croire, monsieur, le grand bien produit par l'évocation de mon beau-père et de mon oncle. Nous les avons parfaitement reconnus ; l'écriture du premier surtout a une analogie frappante avec celle qu'il avait de son vivant, d'autant mieux que pendant les derniers mois qu'il a passés avec nous, elle était saccadée et indéchiffrable ; on y retrouve la même forme des jambages, du paraphe, et de certaines lettres, principalement les d, f, o, p, q, t. Quant aux paroles, aux expressions et au style, c'est encore plus frappant ; pour nous, l'analogie est parfaite, si ce n'est qu'il est plus éclairé sur Dieu, l'âme et l'éternité qu'il niait si formellement autrefois. Nous sommes donc parfaitement convaincus de son identité ; Dieu en sera glorifié par notre croyance plus ferme au Spiritisme, et nos frères, Esprits et vivants, en deviendront meilleurs. L'identité de son frère n'est pas moins évidente ; à la différence immense de l'athée au croyant nous avons reconnu son caractère, son style, ses tournures de phrases ; un mot surtout nous a frappés, c'est celui de panacée ; c'était son mot d'habitude ; il le disait et répétait à tous et à chaque instant.
« J'ai communiqué ces deux évocations à plusieurs personnes qui ont été frappées de leur véracité ; mais les incrédules, ceux qui partagent les opinions de mes deux parents, auraient voulu des réponses encore plus catégoriques : que M. D…, par exemple, précisât l'endroit où il a été enterré, celui où il s'est noyé, de quelle manière il s'y est pris, etc. Pour les satisfaire et les convaincre, ne pourriez-vous l'évoquer de nouveau, et dans ce cas, vous voudriez bien lui adresser les questions suivantes : où et comment il a accompli son suicide ? - combien de temps il est resté sous l'eau ? - à quel endroit son corps a été retrouvé ? - à quelle place il a été enseveli ? - de quelle manière civile ou religieuse on a procédé à son inhumation, etc. ?
« Veuillez, je vous prie, monsieur, faire répondre catégoriquement à ces demandes qui sont essentielles pour ceux qui doutent encore ; je suis persuadé du bien immense que cela produira. Je fais en sorte que ma lettre vous parvienne demain vendredi, afin que vous puissiez faire cette évocation dans la séance de la Société qui doit avoir lieu ce jour-là… etc. »
Nous avons reproduit cette lettre à cause du fait d'identité qu'elle constate ; nous y joignons la réponse que nous y avons faite, pour l'instruction des personnes qui ne sont pas familiarisées avec les communications d'outre-tombe.
« … Les questions que vous nous priez d'adresser de nouveau à l'Esprit de votre beau-père sont sans doute dictées par une louable intention, celle de convaincre des incrédules ; car, chez vous, il ne s'y mêle aucun sentiment de doute et de curiosité ; mais une plus parfaite connaissance de la science spirite vous eût fait comprendre qu'elles sont superflues. - D'abord, en me priant de faire répondre catégoriquement M. votre beau-père, vous ignorez sans doute qu'on ne gouverne pas les Esprits à son gré ; ils répondent quand ils veulent, comme ils veulent, et souvent comme ils peuvent ; leur liberté d'action est encore plus grande que de leur vivant, et ils ont plus de moyens d'échapper à la contrainte morale qu'on voudrait exercer sur eux. Les meilleures preuves d'identité sont celles qu'ils donnent spontanément, de leur propre volonté, ou qui naissent des circonstances, et c'est, la plupart du temps, en vain qu'on cherche à les provoquer. Votre parent a prouvé son identité d'une manière irrécusable selon vous ; il est donc plus que probable qu'il refuserait de répondre à des questions qu'à bon droit il peut regarder comme superflues, et faites en vue de satisfaire la curiosité de gens qui lui sont indifférents. Il pourrait répondre, comme l'ont souvent fait d'autres Esprits en pareil cas : « A quoi bon me demander des choses que vous savez ? » J'ajouterai même que l'état de trouble et de souffrance où il se trouve doit lui rendre plus pénibles les recherches de ce genre ; c'est absolument comme si l'on voulait contraindre un malade qui peut à peine penser et parler à raconter les détails de sa vie ; ce serait assurément manquer aux égards que l'on doit à sa position.
« Quant au résultat que vous en espériez, il serait nul, soyez-en persuadé. Les preuves d'identité qui ont été fournies ont une bien plus grande valeur, par cela même qu'elles sont spontanées, et que rien ne pouvait mettre sur la voie ; si les incrédules n'en sont pas satisfaits, ils ne le seraient pas davantage, moins encore peut-être, par des questions prévues et qu'ils pourraient suspecter de connivence. Il y a des gens que rien ne peut convaincre ; ils verraient de leurs yeux M. votre beau-père en personne, qu'ils se diraient le jouet d'une hallucination. Ce qu'il y a de mieux à faire avec eux, c'est de les laisser tranquilles et ne pas perdre son temps en discours superflus ; il n'y a qu'à les plaindre, car ils n'apprendront que trop tôt à leurs dépens ce qu'il en coûte d'avoir repoussé la lumière que Dieu leur envoyait ; c'est contre ceux-là surtout que Dieu fait éclater sa sévérité.
« Deux mots encore, monsieur, sur la demande que vous me faites de faire cette évocation le jour même où je devais recevoir votre lettre. Les évocations ne se font pas ainsi à la baguette ; les Esprits ne répondent pas toujours à notre appel ; il faut pour cela qu'ils le puissent ou qu'ils le veuillent ; il faut, de plus, un médium qui leur convienne, et qui ait l'aptitude spéciale nécessaire ; que ce médium soit disponible à un moment donné ; que le milieu soit sympathique à l'Esprit, etc. Toutes circonstances dont on ne peut jamais répondre, et qu'il importe de connaître quand on veut faire la chose sérieusement. »
Questions et problèmes divers
1. Dans un monde supérieur, comme Jupiter ou autre, l'Esprit incarné a-t-il le souvenir de ses existences passées comme à l'état errant ? - R. Non ; du moment que l'Esprit revêt une enveloppe matérielle, il perd le souvenir de ses existences antérieures.
- Cependant l'enveloppe corporelle dans Jupiter est très peu matérielle, et, par cette raison, l'Esprit n'est-il pas plus libre ? - R. Oui, mais elle l'est assez pour éteindre, dans l'Esprit, le souvenir du passé.
- Alors les Esprits qui habitent Jupiter, et qui se sont communiqués à nous, s'y trouvaient, à ces moments-là, dans un état de sommeil ? - R. Certainement. Dans ce monde, l'Esprit étant beaucoup plus élevé, comprend bien mieux Dieu et l'univers ; mais son passé est effacé pour l'instant, car tout cela obscurcirait son intelligence ; il ne se comprendrait plus lui-même ; serait-il l'homme de l'Afrique, celui de l'Europe ou de l'Amérique ; celui de la Terre, de Mars ou de Vénus ? Ne se souvenant plus, il est lui-même, l'homme de Jupiter, intelligent, supérieur, comprenant Dieu, voilà tout.
Remarque. Si l'oubli du passé est nécessaire dans un monde avancé comme l'est Jupiter, à plus forte raison doit-il en être ainsi dans notre monde matériel. Il est évident que le souvenir de nos existences précédentes apporterait une fâcheuse confusion dans nos idées, sans parler de tous les autres inconvénients qui ont été signalés à ce sujet. Tout ce que Dieu fait porte l'empreinte de sa sagesse et de sa bonté ; il ne nous appartient pas de le critiquer, alors même que nous n'en comprendrions pas le but.
2. Mademoiselle Eugénie, l'un des médiums de la Société, offre une particularité remarquable et en quelque sorte exceptionnelle, c'est la prodigieuse volubilité avec laquelle elle écrit, et la promptitude incroyable avec laquelle les Esprits les plus divers se communiquent par son entremise. Il y a peu de médiums d'une aussi grande flexibilité ; à quoi cela tient-il ? - R. Cette cause tient plutôt au médium qu'à l'Esprit ; celui-ci écrirait par un autre médium qu'il irait moins vite, par la raison que la nature de l'instrument ne serait plus la même. Ainsi, il y a des médiums dessinateurs, d'autres sont plus aptes à la médecine, etc. ; selon la médiumnité, l'Esprit agit ; c'est donc une cause physique plutôt qu'une cause morale. Les Esprits se communiquent d'autant plus facilement par un médium, qu'il y a chez ce dernier une combinaison plus rapide de son propre fluide avec celui de l'Esprit ; il se prête plus que d'autres à la rapidité de la pensée, et l'Esprit en profite comme vous profitez d'une voiture rapide quand vous êtes pressés ; cette vivacité du médium est toute physique : son propre Esprit n'y est pour rien.
- Les qualités morales du médium sont-elles sans influence ? - R. Elles en ont une très grande sur les sympathies des Esprits, car il faut que vous sachiez que quelques-uns ont une telle antipathie pour certains médiums, que ce n'est qu'avec la plus grande répugnance qu'ils se communiquent par eux.
- Cependant l'enveloppe corporelle dans Jupiter est très peu matérielle, et, par cette raison, l'Esprit n'est-il pas plus libre ? - R. Oui, mais elle l'est assez pour éteindre, dans l'Esprit, le souvenir du passé.
- Alors les Esprits qui habitent Jupiter, et qui se sont communiqués à nous, s'y trouvaient, à ces moments-là, dans un état de sommeil ? - R. Certainement. Dans ce monde, l'Esprit étant beaucoup plus élevé, comprend bien mieux Dieu et l'univers ; mais son passé est effacé pour l'instant, car tout cela obscurcirait son intelligence ; il ne se comprendrait plus lui-même ; serait-il l'homme de l'Afrique, celui de l'Europe ou de l'Amérique ; celui de la Terre, de Mars ou de Vénus ? Ne se souvenant plus, il est lui-même, l'homme de Jupiter, intelligent, supérieur, comprenant Dieu, voilà tout.
Remarque. Si l'oubli du passé est nécessaire dans un monde avancé comme l'est Jupiter, à plus forte raison doit-il en être ainsi dans notre monde matériel. Il est évident que le souvenir de nos existences précédentes apporterait une fâcheuse confusion dans nos idées, sans parler de tous les autres inconvénients qui ont été signalés à ce sujet. Tout ce que Dieu fait porte l'empreinte de sa sagesse et de sa bonté ; il ne nous appartient pas de le critiquer, alors même que nous n'en comprendrions pas le but.
2. Mademoiselle Eugénie, l'un des médiums de la Société, offre une particularité remarquable et en quelque sorte exceptionnelle, c'est la prodigieuse volubilité avec laquelle elle écrit, et la promptitude incroyable avec laquelle les Esprits les plus divers se communiquent par son entremise. Il y a peu de médiums d'une aussi grande flexibilité ; à quoi cela tient-il ? - R. Cette cause tient plutôt au médium qu'à l'Esprit ; celui-ci écrirait par un autre médium qu'il irait moins vite, par la raison que la nature de l'instrument ne serait plus la même. Ainsi, il y a des médiums dessinateurs, d'autres sont plus aptes à la médecine, etc. ; selon la médiumnité, l'Esprit agit ; c'est donc une cause physique plutôt qu'une cause morale. Les Esprits se communiquent d'autant plus facilement par un médium, qu'il y a chez ce dernier une combinaison plus rapide de son propre fluide avec celui de l'Esprit ; il se prête plus que d'autres à la rapidité de la pensée, et l'Esprit en profite comme vous profitez d'une voiture rapide quand vous êtes pressés ; cette vivacité du médium est toute physique : son propre Esprit n'y est pour rien.
- Les qualités morales du médium sont-elles sans influence ? - R. Elles en ont une très grande sur les sympathies des Esprits, car il faut que vous sachiez que quelques-uns ont une telle antipathie pour certains médiums, que ce n'est qu'avec la plus grande répugnance qu'ils se communiquent par eux.
Saint Louis.
Enseignement des Esprits - Dictées spontanées obtenues ou lues dans la Société par divers Médiums
L'année 1860 - (Médium, madame Costel.)Je parlerai de la nécessité philosophique où se trouvent les Esprits de
faire de fréquents retours sur eux-mêmes, d'apporter enfin à l'état de
leurs cerveaux le même soin que chacun prend de son corps. Voilà une
année terminée ; quels progrès a-t-elle apportés dans le monde
intellectuel ? De très grands, de très sérieux résultats, surtout dans
l'ordre scientifique. La littérature, moins heureuse, n'a eu que des
fragments, des détails charmants ; mais comme une statue mutilée qu'on
retrouve enfouie, et qu'on admire, tout en regrettant l'ensemble de sa
beauté, la littérature n'offre aucune œuvre sérieuse. En France,
ordinairement, elle marche à la tête des autres arts ; cette année, elle
est devancée par la peinture qui fleurit, glorieuse, au-dessus des
écoles rivales. Pourquoi ce temps d'arrêt parmi nos jeunes écrivains ?
L'explication en est facile. Ils manquent du souffle généreux
qu'inspirent les luttes ; l'indifférence pèse sur eux ; on les
feuillette, on les critique, on ne les discute pas passionnément comme
dans mon temps où la lutte littéraire dominait presque toutes les
préoccupations. Puis, on ne s'improvise pas écrivain, et c'est un peu ce
que chacun fait. Pour écrire, il faut de longues et profondes études ;
elles manquent absolument à votre génération impatiente de jouir, et
préoccupée avant tout du succès facile. Je termine en admirant la marche
ascensionnelle des sciences et des arts, et en regrettant l'absence de
généreux élans dans les esprits et dans les cœurs.
J.-J. Rousseau
Remarque. Cette communication, obtenue spontanément, prouve que les Esprits qui ont quitté la terre s'occupent encore de ce qui s'y passe, qu'ils s'y intéressent, et suivent le mouvement du progrès intellectuel et moral. Ce n'est pas des profondeurs infinies de l'espace qu'ils pourraient le faire ; il faut pour cela qu'ils soient parmi nous, au milieu de nous, et témoins invisibles de ce qui se passe. Cette communication et la suivante ont été données dans la séance de la Société du 28 décembre, où il avait été question de l'année qui finissait et de celle qui allait commencer ; c'était, par conséquent, un à propos.
J.-J. Rousseau
Remarque. Cette communication, obtenue spontanément, prouve que les Esprits qui ont quitté la terre s'occupent encore de ce qui s'y passe, qu'ils s'y intéressent, et suivent le mouvement du progrès intellectuel et moral. Ce n'est pas des profondeurs infinies de l'espace qu'ils pourraient le faire ; il faut pour cela qu'ils soient parmi nous, au milieu de nous, et témoins invisibles de ce qui se passe. Cette communication et la suivante ont été données dans la séance de la Société du 28 décembre, où il avait été question de l'année qui finissait et de celle qui allait commencer ; c'était, par conséquent, un à propos.
L'année 1861
L'année qui s'envole a vu progresser sensiblement les croyances au
Spiritisme. C'est un grand bonheur pour les hommes, car cela les retient
un peu au bord de l'abîme qui menace d'engloutir l'esprit humain.
L'année nouvelle sera meilleure encore, car elle verra de graves
changements matériels, une révolution dans les idées, et le Spiritisme
ne sera pas oublié, croyez-le bien ; au contraire, on s'y rattachera
comme à une pierre de salut. Je prierai Dieu de bénir votre œuvre et de
la faire progresser.
Saint Louis
Remarque. Dans une séance intime, un autre médium a eu spontanément, sur le même sujet, la communication suivante :
L'année qui va s'ouvrir contient dans ses replis les plus grandes choses. La réaction va donner tête baissée dans le piège qui lui est tendu. Pourquoi pensez-vous que la terre se couvre de voies ferrées, et que la mer s'entrouvre à l'électricité, si ce n'est pour répandre la bonne nouvelle ? Le vrai, le bon, le beau seront enfin compris de tous. Ne vous lassez donc pas, vrais Spirites, car votre tâche est marquée dans l'œuvre de la régénération ; heureux ceux qui sauront l'accomplir !
Léon J… (frère du médium)
Saint Louis
Remarque. Dans une séance intime, un autre médium a eu spontanément, sur le même sujet, la communication suivante :
L'année qui va s'ouvrir contient dans ses replis les plus grandes choses. La réaction va donner tête baissée dans le piège qui lui est tendu. Pourquoi pensez-vous que la terre se couvre de voies ferrées, et que la mer s'entrouvre à l'électricité, si ce n'est pour répandre la bonne nouvelle ? Le vrai, le bon, le beau seront enfin compris de tous. Ne vous lassez donc pas, vrais Spirites, car votre tâche est marquée dans l'œuvre de la régénération ; heureux ceux qui sauront l'accomplir !
Léon J… (frère du médium)
Le changement est de toute nécessité ; le progrès est la loi divine ; il
semble qu'il ait été lancé ces dernières années plus que les autres.
Relativement à 1860, 1861 sera magnifique, et pâle si l'on regarde 1862,
car vous voulez partir, chers frères, et quand une fois le souffle
divin fait aller la locomotive, il n'y a pas de déraillement possible.
Léon X.
Léon X.
Commentaire sur la dictée publiée sous le titre de : le Réveil de l'Esprit
Dans une communication que l'Esprit Georges a dictée à madame Costel, et
qui a été publiée dans la Revue de 1860, page 332, sous le titre de Le
Réveil de l'Esprit, il est dit qu'il n'y a pas de relations amicales
entre les Esprits errants ; que ceux mêmes qui se sont aimés n'échangent
pas de signes de reconnaissance. Cette théorie a fait sur beaucoup de
personnes une impression d'autant plus pénible, que les lecteurs de la
Revue considèrent cet Esprit comme élevé, et ont admiré la plupart de
ses communications. Si cette théorie était absolue, elle serait en
contradiction avec ce qui a été dit si souvent, qu'au moment de la mort,
les Esprits amis viennent recevoir le nouvel arrivant, l'aident à se
dégager des liens terrestres, et l'initient en quelque sorte à sa
nouvelle vie. D'un autre côté, si les Esprits inférieurs ne
communiquaient pas avec des Esprits plus avancés ils ne pourraient
s'améliorer.
Nous avons essayé de réfuter ces objections dans un article de la Revue de 1860, page 342, sous le titre de Relations affectueuses des Esprits, mais voici le commentaire que, sur notre demande, Georges lui-même a donné de sa communication :
« Lorsqu'un homme surpris par la mort dans les habitudes matérialistes d'une vie qui ne lui a jamais laissé le temps de s'occuper de Dieu ; lorsque, tout palpitant encore des angoisses et des craintes terrestres, il arrive dans le monde des Esprits, il ressemble à un voyageur qui ignore la langue et les mœurs du pays qu'il visite. Plongé dans le trouble, il est incapable de se communiquer et de comprendre ni ses propres sensations, ni celles des autres ; il erre enveloppé de silence ; alors il sent germer, éclore et se développer lentement des pensées inconnues, et une nouvelle âme fleurit en la sienne. Arrivée à ce point, l'âme captive sent tomber ses liens, et comme un oiseau rendu à la liberté, elle s'élance vers Dieu, en jetant un cri d'allégresse et d'amour ; alors se pressent autour d'elle les Esprits des parents, des amis purifiés qui avaient silencieusement accueilli sa venue parmi eux. Ils sont en petit nombre ceux qui peuvent, aussitôt après la délivrance du corps communiquer avec leurs amis retrouvés ; il faut l'avoir mérité, et ce ne sont que ceux qui ont accompli glorieusement leurs dernières migrations qui sont, dès le premier moment, assez dématérialisés pour jouir de cette faveur que Dieu accorde comme récompense.
J'ai présenté une des phases de la vie spirite ; je n'ai point entendu généraliser, et, comme on le voit, je n'ai parlé que de l'état des premiers instants qui suivent la mort, et cet état peut durer plus ou moins longtemps, selon la nature de l'Esprit ; il dépend de chacun de l'abréger en se détachant des liens terrestres dès la vie corporelle, car ce n'est que l'attachement aux choses matérielles qui empêche de jouir du bonheur de la vie spirituelle. »
Georges.
Remarque. Rien n'est plus moral que cette doctrine, car elle montre qu'aucune des jouissances que nous promet la vie future n'est obtenue sans l'avoir méritée ; que le bonheur même de revoir les êtres qui nous sont chers et de s'entretenir avec eux peut être ajourné ; en un mot que la situation dans la vie spirite est en toutes choses, ce que nous la faisons par notre conduite dans la vie corporelle.
Nous avons essayé de réfuter ces objections dans un article de la Revue de 1860, page 342, sous le titre de Relations affectueuses des Esprits, mais voici le commentaire que, sur notre demande, Georges lui-même a donné de sa communication :
« Lorsqu'un homme surpris par la mort dans les habitudes matérialistes d'une vie qui ne lui a jamais laissé le temps de s'occuper de Dieu ; lorsque, tout palpitant encore des angoisses et des craintes terrestres, il arrive dans le monde des Esprits, il ressemble à un voyageur qui ignore la langue et les mœurs du pays qu'il visite. Plongé dans le trouble, il est incapable de se communiquer et de comprendre ni ses propres sensations, ni celles des autres ; il erre enveloppé de silence ; alors il sent germer, éclore et se développer lentement des pensées inconnues, et une nouvelle âme fleurit en la sienne. Arrivée à ce point, l'âme captive sent tomber ses liens, et comme un oiseau rendu à la liberté, elle s'élance vers Dieu, en jetant un cri d'allégresse et d'amour ; alors se pressent autour d'elle les Esprits des parents, des amis purifiés qui avaient silencieusement accueilli sa venue parmi eux. Ils sont en petit nombre ceux qui peuvent, aussitôt après la délivrance du corps communiquer avec leurs amis retrouvés ; il faut l'avoir mérité, et ce ne sont que ceux qui ont accompli glorieusement leurs dernières migrations qui sont, dès le premier moment, assez dématérialisés pour jouir de cette faveur que Dieu accorde comme récompense.
J'ai présenté une des phases de la vie spirite ; je n'ai point entendu généraliser, et, comme on le voit, je n'ai parlé que de l'état des premiers instants qui suivent la mort, et cet état peut durer plus ou moins longtemps, selon la nature de l'Esprit ; il dépend de chacun de l'abréger en se détachant des liens terrestres dès la vie corporelle, car ce n'est que l'attachement aux choses matérielles qui empêche de jouir du bonheur de la vie spirituelle. »
Georges.
Remarque. Rien n'est plus moral que cette doctrine, car elle montre qu'aucune des jouissances que nous promet la vie future n'est obtenue sans l'avoir méritée ; que le bonheur même de revoir les êtres qui nous sont chers et de s'entretenir avec eux peut être ajourné ; en un mot que la situation dans la vie spirite est en toutes choses, ce que nous la faisons par notre conduite dans la vie corporelle.
Les trois types - Suite
Nota. Dans les trois dictées suivantes, l'Esprit développe chacun des
trois types qu'il a esquissés dans la première. (Voyez le n° de janvier
1861, page 29.)
I
Dans votre monde, ici-bas, l'intérêt, l'égoïsme et l'orgueil étouffent la générosité, la charité et la simplicité. L'intérêt et l'égoïsme sont les deux mauvais génies du financier et du parvenu ; l'orgueil est le vice de celui qui sait, et surtout de celui qui peut. Lorsqu'un cœur vraiment penseur examine ces trois vices hideux, il souffre ; car soyez-en sûrs, l'homme qui pense sur le néant et la méchanceté de ce monde est ordinairement un homme dont les sentiments et les instincts sont délicats et charitables ; et, vous le savez, les délicats sont malheureux, a dit Lafontaine, que j'ai oublié de mettre à côté de Molière ; les délicats seuls sont malheureux, parce qu'ils sentent.
Hamlet est la personnification de cette partie malheureuse de l'humanité qui pleure et qui souffre toujours, et qui se venge en vengeant Dieu et la morale. Hamlet a eu des vices honteux à punir dans sa famille : l'orgueil et la luxure, c'est-à-dire l'égoïsme. Cette âme tendre et mélancolique, aspirant à la vérité, s'est ternie au souffle du monde, comme un miroir qui ne peut plus refléter ce qui est bon et ce qui est juste ; et cette âme si pure a versé le sang de sa mère et vengé son honneur. Hamlet est l'intelligence impuissante, la pensée profonde luttant contre l'orgueil stupide, et contre l'impudicité maternelle. L'homme qui pense, et qui venge un vice de la terre, quel qu'il soit, est coupable aux yeux des hommes, et souvent il ne l'est pas devant Dieu. Ne croyez pas que je veuille idéaliser le désespoir : j'ai été assez puni ! mais il y a de tels brouillards devant les yeux du monde !
Nota. L'Esprit, prié de donner son appréciation sur Lafontaine dont il vient de parler, ajoute :
Lafontaine, on ne le connaît pas plus qu'on ne connaît Corneille et Racine. Vous connaissez à peine vos littérateurs, et les Allemands connaissent cependant Shakespeare, comme Goethe. Lafontaine, pour en revenir à mon sujet, est le Français par excellence, cachant son originalité et sa sensibilité sous les noms d'Esope et de joyeux penseur ; mais, soyez-en sûrs, Lafontaine était un délicat, comme je vous le disais tout à l'heure ; voyant qu'il n'était pas compris, il affecta cette bonhomie que vous appelez fausse ; de vos jours on l'aurait enrôlé dans le régiment des faux bonshommes. La véritable intelligence n'est pas fausse, mais il faut souvent hurler avec les loups, c'est ce qui a perdu Lafontaine dans l'opinion de bien des gens. Je ne vous parle pas de son génie : il est égal, s'il n'est supérieur à celui de Molière.
II
Don Juan, pour en revenir à notre petit cours de littérature très familier, est, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire déjà, le type le plus parfaitement peint du gentilhomme corrompu et blasphémateur. Molière l'a élevé jusqu'au drame, parce qu'effectivement la punition de don Juan ne devait pas être humaine, mais divine ; c'est par des coups inattendus de la vengeance, céleste que tombent ces têtes orgueilleuses ; l'effet en est d'autant plus dramatique et plus imprévu.
J'ai dit que don Juan était un type ; mais, à vrai dire, c'est un type rare ; car, en réalité, on voit peu d'hommes de cette trempe, parce qu'ils sont presque tous lâches ; j'entends la classe des blasés et des corrompus.
Beaucoup blasphèment, peu, je vous assure, osent blasphémer sans crainte. La conscience est un écho qui leur rejette leur blasphème, et ils l'écoutent grelottant de peur, mais ils rient devant le monde ; c'est ce qu'on appelle aujourd'hui les fanfarons du vice. Cette sorte de libertins est nombreuse à votre époque, mais ils sont loin d'être les fils de Voltaire.
Molière, pour en revenir à notre sujet, étant l'auteur le plus sage, et l'observateur le plus profond, a non seulement châtié les vices qui attaquent l'humanité, mais il châtie aussi ceux qui osent s'adresser à Dieu.
III
Jusqu'à présent nous avons vu deux types : l'un généreux et malheureux ; l'autre heureux selon le monde, mais bien misérable devant Dieu. Il nous reste à voir le plus laid, le plus ignoble, le plus repoussant ; je veux dire Tartufe.
Dans l'antiquité, le masque de la vertu était déjà hideux, car, sans être épuré par la morale chrétienne, le paganisme avait aussi des vertus et des sages ; mais devant l'autel du Christ, ce masque est plus hideux encore, car c'est celui de l'égoïsme et de l'hypocrisie. Le paganisme a peut-être eu moins de Tartufes que la religion chrétienne ; exploiter le cœur de l'homme sage et bon, le flatter dans toutes ses actions, tromper les gens confiants par une apparente piété, pousser la profanation jusqu'à recevoir l'Eucharistie avec l'orgueil et le blasphème dans le cœur, voilà ce que fait Tartufe, ce qu'il a fait et ce qu'il fera toujours.
O vous ! hommes imparfaits et mondains qui condamnez un principe divin et une morale surhumaine, parce que vous en voyez faire abus, vous êtes aveugles lorsque vous confondez les hommes et ce principe, c'est-à-dire Dieu et l'humanité. C'est parce qu'il cache ses turpitudes sous un manteau sacré que Tartufe est hideux et repoussant. Malédiction sur lui, car il maudissait alors qu'il se faisait pardonner, il méditait la trahison alors qu'il prêchait la charité.
Gérard de Nerval.
L'harmonie (Méd. M. Alfred Didier.)
Vous avez vu souvent, dans certaines contrées, particulièrement en
Provence, les ruines de grands châteaux ; un donjon se dresse
quelquefois au milieu d'une immense solitude, et ses débris tristes et
mornes, nous reportent à un âge où la foi était peut-être ignorante,
mais où l'art et la poésie s'étaient élevés avec cette même foi si naïve
et si pure. Nous sommes, vous le voyez, en plein moyen âge. Avez-vous
souvent pensé qu'autour de ces murailles démantelées, l'élégant caprice
d'une châtelaine avait fait courir des cordes harmonieuses que l'on
appelait la harpe d'Eole ? Hélas ! aussi vite que le vent qui les
faisait frémir, aussi vite ont disparu donjon, châtelaine, harmonie !
Cette harpe d'Éole berçait la pensée des trouvères et des dames ;
c'était avec un religieux recueillement qu'on l'écoutait.
Tout finit sur votre terre ; la poésie y descend rarement du ciel, et s'envole aussitôt ; dans les autres mondes, au contraire, l'harmonie est éternelle, et ce que l'imagination humaine peut inventer, n'égale pas cette constante poésie qui, non seulement est dans le cœur des purs Esprits, mais aussi dans toute la nature.
Réné de Provence
Tout finit sur votre terre ; la poésie y descend rarement du ciel, et s'envole aussitôt ; dans les autres mondes, au contraire, l'harmonie est éternelle, et ce que l'imagination humaine peut inventer, n'égale pas cette constante poésie qui, non seulement est dans le cœur des purs Esprits, mais aussi dans toute la nature.
Réné de Provence