Vous êtes ici:
REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1863 > Juin > L'Os à ronger (Mention honorable)
Orné d'un casque à mèche et plein de bienveillance,
Un disciple de feu Vatel,
Dans la cour de son vaste hôtel,
A ses chiens donnait audience.
« A vous, leur disait-il, j'ai bien voulu songer ;
Je vous aime et je vous destine,
Tout frais sortant de ma cuisine,
Cet os, ce bel os à ronger !
Mais un seul l'obtiendra de ma faveur insigne ;
Je suis juste, et j'entends le donner au plus digne.
Le concours est ouvert ; faites valoir vos droits. »
Un barbet, renommé parmi les plus adroits,
D'une troupe canine autrefois premier rôle,
A l'instant salua, risqua la cabriole,
Promena sur la foule un oeil triomphateur,
Aboya, fit le mort, sauta pour l'empereur.
Un dogue s'écria : « Qu'importe ta souplesse !
Sur toute la maison, moi je veille sans cesse.
Maître, n'oubliez pas qu'un voleur imprudent
L'an passé tomba sous ma dent. »
Un caniche disait : « Vaillamment, sans reproche,
Depuis bientôt dix ans je tourne votre broche ;
Pour vous, depuis dix ans, muni d'un petit sac,
Au plus voisin débit j'achète le tabac. »
– « J'aime, hurla Tayaut, la fanfare sonore ;
En chasse me vit-on dans les rangs des traînards ?
Vous me devez au moins cent lièvres, vingt renards ;
Je suis sobre, soumis ; jamais je ne dévore
La perdrix trouvée au lacet. »
Enfin, qui rongea l'os ? Ce fut un vieux basset !
Comme l'eût fait jadis un député du centre,
Comme sans plus rougir on le fera demain,
Devant le marmiton se traînant à plat ventre,
Il lui lécha les pieds et… fit ouvrir sa main.
Bassets de grands seigneurs, héros de réfectoire,
Vils flatteurs, voilà votre histoire.
Un disciple de feu Vatel,
Dans la cour de son vaste hôtel,
A ses chiens donnait audience.
« A vous, leur disait-il, j'ai bien voulu songer ;
Je vous aime et je vous destine,
Tout frais sortant de ma cuisine,
Cet os, ce bel os à ronger !
Mais un seul l'obtiendra de ma faveur insigne ;
Je suis juste, et j'entends le donner au plus digne.
Le concours est ouvert ; faites valoir vos droits. »
Un barbet, renommé parmi les plus adroits,
D'une troupe canine autrefois premier rôle,
A l'instant salua, risqua la cabriole,
Promena sur la foule un oeil triomphateur,
Aboya, fit le mort, sauta pour l'empereur.
Un dogue s'écria : « Qu'importe ta souplesse !
Sur toute la maison, moi je veille sans cesse.
Maître, n'oubliez pas qu'un voleur imprudent
L'an passé tomba sous ma dent. »
Un caniche disait : « Vaillamment, sans reproche,
Depuis bientôt dix ans je tourne votre broche ;
Pour vous, depuis dix ans, muni d'un petit sac,
Au plus voisin débit j'achète le tabac. »
– « J'aime, hurla Tayaut, la fanfare sonore ;
En chasse me vit-on dans les rangs des traînards ?
Vous me devez au moins cent lièvres, vingt renards ;
Je suis sobre, soumis ; jamais je ne dévore
La perdrix trouvée au lacet. »
Enfin, qui rongea l'os ? Ce fut un vieux basset !
Comme l'eût fait jadis un député du centre,
Comme sans plus rougir on le fera demain,
Devant le marmiton se traînant à plat ventre,
Il lui lécha les pieds et… fit ouvrir sa main.
Bassets de grands seigneurs, héros de réfectoire,
Vils flatteurs, voilà votre histoire.