REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1863

Allan Kardec

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Février

Etude sur les possédés de Morzine

Les causes de l'obsession et les moyens de la combattre

Troisième article. (1)


L'étude des phénomènes de Morzine n'offrira pour ainsi dire aucune difficulté quand on se sera bien pénétré des faits particuliers que nous avons cités, et des considérations qu'une étude attentive a permis d'en déduire. Il nous suffira de les relater pour que chacun en trouve soi-même l'application par analogie. Les deux faits suivants nous aideront encore à mettre le lecteur sur la voie. Le premier nous est transmis par M. le docteur Chaigneau, membre honoraire de la Société de Paris, président de la Société spirite de Saint-Jean d'Angély.

« Une famille s'occupait d'évocations avec une ardeur effrénée, poussée qu'elle était par un Esprit qui nous fut signalé comme très dangereux ; c'était un de leurs parents, décédé après une vie peu honorable, terminée par plusieurs années d'aliénation mentale. Sous un nom d'emprunt, par des épreuves mécaniques surprenantes, de belles promesses et des conseils d'une moralité sans reproches, il était parvenu à fasciner tellement ces gens trop crédules, qu'il les soumettait à ses exigences et les contraignait aux actes les plus excentriques. Ne pouvant plus satisfaire tous ses désirs, ils nous demandèrent conseil, et nous eûmes beaucoup de peine à les dissuader, et à leur prouver qu'ils avaient affaire à un Esprit de la pire espèce. Nous y parvînmes cependant, et nous pûmes obtenir d'eux que, pour quelque temps du moins, ils s'abstiendraient. De ce moment l'obsession prit un autre caractère : l'Esprit s'emparait complètement du plus jeune enfant, âgé de quatorze ans, le réduisait à l'état de catalepsie, et, par sa bouche, sollicitait encore des entretiens, donnait des ordres, proférait des menaces. Nous avons conseillé le mutisme le plus absolu ; il fut rigoureusement observé. Les parents se livraient à la prière et venaient chercher l'un de nous pour les assister ; le recueillement et la force de volonté nous en ont toujours rendus maîtres en peu de minutes.

Aujourd'hui tout est à peu près cessé. Nous espérons que, dans la maison, l'ordre succédera au désordre. Loin de se dégoûter du Spiritisme, on y croit plus que jamais, mais on y croit plus sérieusement ; on en comprend maintenant le but et les conséquences morales. Tous comprennent qu'ils ont reçu une leçon ; quelques-uns une punition, peut-être méritée. »

Cet exemple prouve une fois de plus l'inconvénient de se livrer aux évocations sans connaissance de cause et sans but sérieux. Grâce aux conseils de l'expérience que ces personnes ont bien voulu écouter, elles ont pu se débarrasser d'un ennemi peut-être redoutable.

Il en ressort un autre enseignement non moins important. Aux yeux de gens étrangers à la science spirite, ce jeune garçon eût passé pour fou ; on n'aurait pas manqué de lui appliquer un traitement en conséquence, qui eût peut-être développé une folie réelle ; par les soins d'un médecin spirite, le mal, attaqué dans sa véritable cause, n'a eu aucune suite.

Il n'en a pas été de même dans le fait suivant. Un monsieur de notre connaissance, qui habite une ville de province assez réfractaire aux idées spirites, fut pris subitement d'une sorte de délire dans lequel il dit des choses absurdes. Comme il s'occupait de Spiritisme, tout naturellement il parla des Esprits. Son entourage effrayé, sans approfondir la chose, n'eut rien de plus pressé que d'appeler des médecins, qui le déclarèrent atteint de folie, à la grande satisfaction des ennemis du Spiritisme, et l'on parlait déjà de le mettre dans une maison de santé. Ce que nous avons appris des circonstances de cet événement prouve que ce monsieur s'est trouvé sous l'empire d'une subjugation subite momentanée, favorisée peut-être par certaines dispositions physiques. C'est la pensée qui lui vint ; il nous en écrivit, et nous lui répondîmes dans ce sens ; malheureusement notre lettre ne lui parvint pas à temps, et il n'en eut connaissance que beaucoup plus tard. « Il est très fâcheux, nous dit-il depuis, que je n'aie pas reçu votre consolante lettre ; à ce moment elle m'eût fait un bien immense en me confirmant dans la pensée que j'étais le jouet d'une obsession, ce qui m'eût tranquillisé ; tandis que j'entendais si souvent répéter autour de moi que j'étais fou, que je finis par le croire ; cette idée me torturait au point que si cela eût continué, je ne sais ce qui serait arrivé. » — Un Esprit consulté à ce sujet répondit : « Ce monsieur n'est point fou ; mais, à la manière dont on s'y prend, il pourrait le devenir ; bien plus, on pourrait le tuer. Le remède à son mal est dans le Spiritisme même, et on le prend à contre-sens. » — Dem. Pourrait-on agir sur lui d'ici ? — Rép. — Oui, sans doute ; vous pouvez lui faire du bien, mais votre action est paralysée par le mauvais vouloir de ceux qui l'entourent.

Des cas analogues se sont présentés à toutes les époques, et l'on a enfermé plus d'un fou qui ne l'était pas du tout.

Un observateur expérimenté sur ces matières peut seul les apprécier, et comme il se trouve aujourd'hui beaucoup de médecins spirites, il est utile d'avoir recours à eux en pareille circonstance. L'obsession sera un jour rangée parmi les causes pathologiques, comme l'est aujourd'hui l'action des animalcules microscopiques dont on ne soupçonnait pas l'existence avant l'invention du microscope ; mais alors on reconnaîtra que ce n'est ni par les douches ni par les saignées qu'on peut les guérir. Le médecin qui n'admet et ne cherche que les causes purement matérielles, est aussi impropre à comprendre et à traiter ces sortes d'affections qu'un aveugle l'est de discerner les couleurs.

Le second fait nous est rapporté par un de nos correspondants de Boulogne-sur-Mer.

« La femme d'un marin de cette ville, âgée de quarante-cinq ans, est depuis quinze ans sous l'empire d'une triste subjugation. Presque chaque nuit, sans même en excepter ses moments de grossesse, vers le milieu de la nuit, elle est réveillée, et aussitôt elle est prise de tremblements dans les membres, comme s'ils étaient agités par une pile galvanique, elle a l'estomac étreint comme dans un cercle de fer, et brûlé comme par un fer rouge ; le cerveau est dans un état d'exaltation furieuse, et elle se sent jetée hors de son lit, puis, quelquefois, à moitié habillée, elle est poussée hors de sa maison et forcée de courir la campagne ; elle marche sans savoir où elle va pendant deux ou trois heures, et ce n'est que quand elle peut s'arrêter qu'elle reconnaît l'endroit où elle se trouve. Elle ne peut prier Dieu, et, dès qu'elle se met à genoux pour le faire, ses idées sont de suite traversées par des choses bizarres et parfois même sales. Elle ne peut entrer dans aucune église ; elle en a bonne envie et un grand désir ; mais, lorsqu'elle arrive à la porte, elle sent comme une barrière qui l'arrête. Quatre hommes ont cherché à la faire entrer dans l'église des Rédemptoristes, et n'ont pu y parvenir ; elle criait qu'on la tuait, qu'on lui écrasait la poitrine.

Pour se soustraire à cette terrible position, cette pauvre femme a essayé plusieurs fois de s'ôter la vie sans pouvoir y parvenir. Elle a pris du café dans lequel elle avait fait infuser des allumettes chimiques ; elle a bu de l'eau de javelle, et en a été quitte pour des souffrances ; elle s'est jetée deux fois à l'eau, et chaque fois elle a surnagé à la surface jusqu'à ce qu'on soit venu la secourir. Hors les moments de crise dont j'ai parlé, cette femme a tout son bon sens, et encore, dans ces moments elle a parfaitement conscience de ce qu'elle fait, et de la force extérieure qui agit sur elle. Tout son voisinage dit qu'elle a été frappée par un maléfice ou un sort. »

Le fait de subjugation ne saurait être mieux caractérisé que dans ces phénomènes qui, bien certainement, ne peuvent être l'œuvre que d'un Esprit de la pire espèce. Dira-t-on que c'est le Spiritisme qui l'a attiré vers elle, ou qui lui a troublé le cerveau ? Mais il y a quinze ans il n'en était pas question ; et d'ailleurs, cette femme n'est point folle, et ce qu'elle éprouve n'est pas une illusion.

La médecine ordinaire ne verra dans ces symptômes qu'une de ces affections auxquelles elle donne le nom de névrose, et dont la cause est encore pour elle un mystère. Cette affection est réelle, mais à tout effet il y a une cause ; or, quelle est la cause première ? Là est le problème sur la voie duquel peut mettre le Spiritisme en démontrant un nouvel agent dans le périsprit, et l'action du monde invisible sur le monde visible. Nous ne généralisons point, et reconnaissons que, dans certains cas, la cause peut être purement matérielle, mais il en est d'autres où l'intervention d'une intelligence occulte est évidente, puisqu'en combattant cette intelligence on arrête le mal, tandis qu'en n'attaquant que la cause matérielle présumée, on ne produit rien.

Il y a un trait caractéristique chez les Esprits pervers, c'est leur aversion pour tout ce qui tient à la religion. La plupart des médiums, non obsédés, qui ont eu des communications d'Esprits mauvais, ont maintes fois vu ceux-ci blasphémer contre les choses les plus sacrées, se rire de la prière ou la repousser, s'irriter même quand on leur parle de Dieu. Chez le médium subjugué, l'Esprit, empruntant en quelque sorte le corps d'un tiers pour agir, exprime ses pensées, non plus par l'écriture, mais par les gestes et les paroles qu'il provoque chez le médium ; or, comme tout phénomène spirite ne peut se produire sans une aptitude médianimique, on peut dire que la femme dont on vient de parler est un médium spontané, inconscient et involontaire. L'impossibilité où elle s'est trouvée de prier et d'entrer à l'église vient de la répulsion de l'Esprit qui s'en est emparé, sachant que la prière est un moyen de lui faire lâcher prise. Au lieu d'une personne, supposez-en, dans une même localité, dix, vingt, trente et plus en cet état, et vous aurez la reproduction de ce qui s'est passé à Morzine.

N'est-ce pas là une preuve évidente que ce sont des démons ? diront certaines personnes. Nommons-les démons, si cela peut vous faire plaisir : ce nom ne saurait les calomnier. Mais ne voyez-vous pas tous les jours des hommes qui ne valent pas mieux, et qu'à bon droit on pourrait appeler des démons incarnés ? N'y en a-t-il pas qui blasphèment et qui renient Dieu ? qui semblent faire le mal avec délices ? qui se repaissent de la vue des souffrances de leurs semblables ? Pourquoi voudriez-vous qu'une fois dans le monde des Esprits, ils fussent subitement transformés ? Ceux que vous appelez démons, nous les appelons mauvais Esprits, et nous vous concédons toute la perversité qu'il vous plaira de leur attribuer ; toutefois la différence est que, selon vous, les démons sont des anges déchus, c'est-à-dire des êtres parfaits devenus mauvais, et à tout jamais voués au mal et à la souffrance ; selon nous ce sont des êtres appartenant à l'humanité primitive, sorte de sauvages encore arriérés, mais à qui l'avenir n'est point fermé, et qui s'amélioreront à mesure que le sens moral se développera en eux, dans la suite de leurs existences successives, ce qui nous paraît plus conforme à la loi du progrès et à la justice de Dieu. Nous avons de plus pour nous l'expérience qui prouve la possibilité d'améliorer et d'amener au repentir les Esprits du plus bas étage, et ceux qu'on range dans la catégorie des démons.

Voyons une phase spéciale de ces Esprits, et dont l'étude est d'une haute importance pour le sujet qui nous occupe.

On sait que les Esprits inférieurs sont encore sous l'influence de la matière, et qu'on trouve parmi eux tous les vices et toutes les passions de l'humanité ; passions qu'ils emportent en quittant la terre, et qu'ils rapportent en se réincarnant, quand ils ne se sont pas amendés, ce qui produit les hommes pervers. L'expérience prouve qu'il y en a de sensuels, à divers degrés, d'orduriers, de lascifs, se plaisant dans les mauvais lieux, poussant et excitant à l'orgie et à la débauche dont ils repaissent leur vue. Nous demanderons à quelle catégorie d'Esprits ont pu appartenir après leur mort des êtres tels que les Tibère, les Néron, les Claude, les Messaline, les Galigula, les Héliogabale, etc. ? Quel genre d'obsession ils ont pu faire éprouver, et s'il est nécessaire pour expliquer ces obsessions de recourir à des êtres spéciaux que Dieu aurait créés tout exprès pour pousser l'homme au mal ? Il est certains genres d'obsessions qui ne peuvent laisser de doutes sur la qualitédes Esprits qui les produisent ; ce sont des obsessions de ce genre qui ont donné lieu à la fable des incubes et des succubes à laquelle croyait fermement saint Augustin. Nous pourrions citer plus d'un exemple récent à l'appui de cette assertion. Quand on étudie les diverses impressions corporelles et les attouchements sensibles que produisent parfois certains Esprits ; quand on connaît les goûts et les tendances de quelques-uns d'entre eux ; et, si d'un autre côté on examine le caractère de certains phénomènes hystériques, on se demande s'ils ne joueraient pas un rôle dans cette affection, comme ils en jouent un dans la folie obsessionnelle ? Nous l'avons vue plus d'une fois accompagnée des symptômes les moins équivoques de la subjugation.

Voyons maintenant ce qui s'est passé à Morzine, et disons d'abord quelques mots du pays, ce qui n'est pas sans importance. Morzine est une commune du Chablais, dans la Haute-Savoie, située à huit lieues de Thonon, à l'extrémité de la vallée de la Drance, sur les confins du Valais, en Suisse, dont elle n'est séparée que par une montagne. Sa population, d'environ 2 500 âmes, comprend, outre le village principal, plusieurs hameaux disséminés sur les hauteurs environnantes. Elle est entourée et dominée de tous côtés par de très hautes montagnes dépendantes de la chaîne des Alpes, mais pour la plupart boisées et cultivées jusqu'à des hauteurs considérables. Du reste on n'y voit nulle part de neiges ni de glaces perpétuelles, et, d'après ce qu'on nous a dit, la neige y serait même moins persistante que dans le Jura.

M. le docteur Constant, envoyé en 1861 par le gouvernement français pour étudier la maladie, y a séjourné trois mois. Il fait du pays et des habitants un tableau peu flatteur. Venu avec l'idée que le mal était un effet purement physique, il n'a cherché que des causes physiques ; sa préoccupation même le portait à s'appesantir sur ce qui pouvait corroborer son opinion, et cette idée lui a probablement fait voir les hommes et les choses sous un jour défavorable. Selon lui, la maladie est une affection nerveuse dont la source première est dans la constitution des habitants, débilitée par l'insalubrité des habitations, l'insuffisance et la mauvaise qualité de la nourriture, et dont la cause immédiate est dans l'état hystérique de la plupart des malades du sexe féminin. Sans contester l'existence de cette affection, il est bon de remarquer que, si le mal a sévi en grande partie sur les femmes, des hommes aussi en ont été atteints, ainsi que des femmes d'un âge avancé. On ne saurait donc voir dans l'hystérie une cause exclusive ; et d'ailleurs quelle est la cause de l'hystérie ?

Nous n'avons fait qu'un court séjour à Morzine, mais nous devons dire que nos observations et les renseignements que nous avons recueillis auprès de personnes notables, d'un médecin du pays et des autorités locales, diffèrent quelque peu de celles de M. Constant. Le village principal est généralement bien bâti ; les maisons des hameaux circonvoisins ne sont certes pas des hôtels, mais elles n'ont pas l'aspect misérable qu'on voit dans maintes campagnes de la France, en Bretagne, par exemple, où le paysan loge dans de véritables huttes. La population ne nous a semblé ni étiolée, ni rachitique, ni surtout goitreuse comme le dit M. Constant ; nous avons vu quelques goitres rudimentaires, mais pas un seul goitre prononcé, comme on en voit chez toutes les femmes de la Maurienne. Les idiots et les crétins y sont rares, quoi qu'en dise aussi M. Constant, tandis que sur l'autre versant de la montagne, dans le Valais, ils sont excessivement nombreux. Quant à la nourriture, le pays produit au-delà de la consommation des habitants ; s'il n'y a pas partout de l'aisance, il n'y a pas non plus de misère proprement dite, ni surtout cette hideuse misère qu'on rencontre dans d'autres contrées ; il en est où les gens de la campagne sont infiniment plus mal nourris ; un fait caractéristique, c'est que nous n'avons pas vu un seul mendiant nous tendre la main pour demander l'aumône. Le pays même offre d'importantes ressources par ses bois et ses carrières, mais qui restent improductives par l'impossibilité des transports ; la difficulté dans les communications est la plaie du pays, qui sans cela serait un des plus riches de la contrée. On peut juger de cette difficulté par ce fait que le courrier de Thonon ne peut aller que jusqu'à deux lieues de cette ville ; au-delà, ce n'est plus une route, mais un chemin qui, alternativement monte à pic à travers les forêts, et redescend au bord de la Drance, torrent furieux dans les grandes eaux, qui roule à travers des masses énormes de rochers de granit précipités dans son lit du haut des montagnes, au fond d'une gorge étroite. Pendant plusieurs lieues c'est l'image du chaos. Ce passage franchi, la vallée prend un aspect riant jusqu'à Morzine où elle finit ; mais l'impossibilité d'y arriver facilement en éloigne les voyageurs, de sorte que le pays n'est guère visité que par les chasseurs assez robustes pour escalader les rochers. Depuis l'annexion les chemins ont été améliorés ; auparavant ils n'étaient praticables qu'aux chevaux ; on dit que le gouvernement fait étudier le prolongement de la route de Thonon jusqu'à Morzine en longeant la rivière ; c'est un travail difficile, mais qui transformera le pays, en permettant l'exportation de ses produits.

Tel est l'aspect général de la contrée qui n'offre, du reste, aucune cause d'insalubrité. En admettant que le principal village de Morzine, situé au fond de la vallée et au bord de la rivière, soit humide, ce que nous n'avons pas remarqué, il est à considérer que la majeure partie des malades appartient aux hameaux circonvoisins situés sur les hauteurs, et, par conséquent, dans des positions aérées et très salubres.

Si la maladie tenait, comme le prétend M. Constant, à des causes locales, à la constitution des habitants, à leurs habitudes et à leur genre de vie, ces causes permanentes devraient produire des effets permanents, et le mal serait endémique, comme les fièvres intermittentes de la Camargue et des marais Pontins. Si le crétinisme et le goitre sont endémiques dans la vallée du Rhône, et non dans celle de la Drance qui lui est limitrophe, c'est que dans l'une il y une cause locale permanente qui n'existe pas dans l'autre.

Si ce qu'on appelle la possession de Morzine n'est que temporaire, c'est qu'elle tient à une cause accidentelle. M. Constant dit que ses observations ne lui ont révélé aucune cause surnaturelle ; mais lui, qui ne croit qu'à des causes matérielles, est-il apte à juger des effets qui résulteraient de l'action d'une puissance extra-matérielle ? a-t-il étudié les effets de cette puissance ? Sait-il en quoi ils consistent? à quels symptômes on peut les reconnaître ? Non, et dès lors il se les figure tout autres qu'ils ne sont, croyant sans doute qu'ils consistent en miracles et en apparitions fantastiques. Ces symptômes, il les a vus, il les a décrits dans son mémoire, mais n'admettant pas de cause occulte, il l'a cherchée ailleurs, dans le monde matériel, où il ne l'a pas trouvée. Les malades se disaient tourmentés par des êtres invisibles, mais comme il n'a vu ni lutins ni farfadets, il en a conclu que les malades étaient fous, et ce qui le confirmait dans cette idée, c'est que ces malades disaient parfois des choses notoirement absurdes, même aux yeux du plus ferme croyant aux Esprits ; mais pour lui tout devait être absurde. Il devrait pourtant savoir, lui médecin, qu'au milieu même des divagations de la folie, il se trouve parfois des révélations de la vérité. Ces malheureux, dit-il, et les habitants en général, sont imbus d'idées superstitieuses ; mais qu'y a-t-il là d'étonnant dans une population rurale, ignorante et isolée au milieu des montagnes ? Quoi encore de plus naturel que ces gens, terrifiés par ces phénomènes étranges, les aient amplifiés? Et parce qu'à leurs récits il s'est mêlé des faits et des appréciations ridicules, partant de son point de vue, il en a conclu que tout devait être ridicule, sans compter qu'aux yeux de quiconque n'admet pas l'action du monde invisible, tous les effets résultant de cette action sont relégués parmi les croyances superstitieuses. A l'appui de cette dernière thèse il insiste beaucoup sur un fait raconté dans le temps par les journaux, sur le récit sans doute de quelque imagination effrayée, exaltée ou malade, et selon lequel certains malades grimpaient avec l'agilité des chats sur des arbres de quarante mètres, marchaient sur les branches sans les faire plier, se posaient sur la cime flexible les pieds en l'air, et redescendaient ainsi la tête en bas sans se faire aucun mal. Il discute longuement pour prouver l'impossibilité de la chose, et démontrer que, selon la direction du rayon visuel, l'arbre signalé ne pouvait être aperçu des maisons d'où l'on disait avoir vu le fait. Tant de peine était inutile, car dans le pays on nous a dit que le fait n'était pas vrai, et se réduisait à un jeune garçon qui, en effet, avait grimpé sur un arbre d'une taille ordinaire, mais sans faire aucun tour d'équilibriste.

M. Constant décrit ainsi qu'il suit l'historique et les effets de la maladie.

La suite au prochain numéro


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(1) Voy. les numéros de décembre 1862 et janvier (863.

Sermons contre le Spiritisme

Une lettre de Lyon, en date du 7 décembre 1862, contient le passage suivant, qu'un témoin oculaire et auriculaire nous a confirmé de vive voix :

« Nous avons eu ici l'évêque du Texas, en Amérique, qui a prêché, mardi dernier, 2 décembre, à huit heures du soir, dans l'église Saint-Nizier, devant un auditoire de près de deux mille personnes, parmi lesquelles se trouvaient un grand nombre de Spirites. Hélas ! il ne paraît pas fort instruit dans notre doctrine ; on en peut juger par ce court aperçu :

Les Spirites n'admettent pas l'enfer ni les prières dans les églises ; ils s'enferment dans leurs chambres, et là ils prient, Dieu sait quelles prières !… Il n'y a que deux catégories d'Esprits : les parfaits et les voleurs ; les assassins et les canailles… Je viens de l'Amérique, où ces infamies ont commencé ; eh bien ! je puis vous assurer que depuis deux ans on ne s'en occupe plus du tout dans ce pays. On m'a dit qu'ici, dans cette ville de Lyon, si renommée par sa piété, il y avait beaucoup de Spirites ; cela ne peut pas être ; je ne le crois pas. Je suis bien sûr, chers frères et chères sœurs, qu'il n'y a pas parmi vous un seul médium, ni une seule médium, parce que, voyez-vous, les Spirites n'admettent ni mariage, ni baptême, et tous les Spirites sont séparés d'avec leurs femmes, etc., etc…

Ces quelques phrases peuvent donner une idée du reste. Qu'aurait dit l'orateur s'il avait su que près du quart de ses auditeurs était composé de Spirites? Quant à son éloquence, je ne puis dire qu'une chose, c'est que, par moments, elle ressemblait à de la frénésie ; il semblait perdre le fil de ses idées et ne savait ce qu'il voulait dire ; si je ne craignais de me servir d'un terme irrévérencieux, je dirais qu'il pataugeait. Je crois vraiment qu'il était poussé par quelques Esprits à dire toutes ces absurdités, et d'une telle manière que, je vous assure, on ne se serait pas douté être dans un lieu saint ; aussi tout le monde riait. Quelques-uns de ses partisans sont sortis les premiers pour juger de l'effet qu'avait produit le sermon, mais ils n'ont pas dû être fort satisfaits, car, une fois dehors, chacun de rire et de dire sa pensée ; plusieurs même de ses amis déploraient les écarts auxquels il s'est livré, et comprenaient que le but était complètement manqué. En effet, il ne pouvait mieux faire pour recruter des adeptes, et c'est ce qui a eu lieu séance tenante. Une dame, qui se trouvait à côté d'une très bonne Spirite de ma connaissance, lui dit : « Mais qu'est-ce donc que ce Spiritisme et ces médiums dont on parle tant, et contre lesquels ces messieurs sont si furieux ? » La chose lui ayant été expliquée : « Oh ! dit-elle, en arrivant chez moi, je vais me procurer les livres et j'essayerai d'écrire. »

Je puis vous assurer que si les Spirites sont si nombreux à Lyon, c'est grâce à quelques sermons dans le genre de celui-ci. Vous vous rappelez qu'il y a trois ans, alors que l'on ne comptait ici que quelques centaines de Spirites, je vous écrivis, à la suite d'une prédication furibonde contre la doctrine, et qui produisit un excellent effet. « Encore quelques sermons comme celui-ci, et dans un an le nombre des adeptes sera décuplé. » Eh bien ! aujourd'hui il est centuplé, grâce aussi aux ignobles et mensongères attaques de quelques organes de la presse. Tout le monde, jusqu'au simple ouvrier qui, sous son grossier vêtement, a plus de bon sens qu'on ne croit, s'est dit qu'on n'attaque pas avec tant de fureur une chose qui n'en vaut pas la peine, c'est pourquoi on a voulu voir par soi-même, et quand on a reconnu la fausseté de certaines assertions, qui dénotaient l'ignorance ou la malveillance, la critique a perdu tout crédit, et, au lieu d'éloigner du Spiritisme, elle lui a conquis des partisans. Il en sera de même, nous l'espérons bien, du sermon de monseigneur du Texas, dont la plus grande maladresse a été de dire que « tous les Spirites sont séparés de leurs femmes, » quand nous avons ici, sous nos yeux, de nombreux exemples de ménages jadis divisés, et où le Spiritisme a ramené l'union et la concorde. Chacun se dit naturellement que puisque les adversaires du Spiritisme lui attribuent des enseignements et des résultats dont la fausseté est démontrée par les faits et la lecture des livres qui disent tout le contraire, rien ne prouve la vérité des autres critiques. Je crois que si les Spirites lyonnais n'eussent craint de manquer de respect à monseigneur du Texas, ils lui auraient voté une adresse de remerciements. Mais le Spiritisme nous rend charitables, même envers nos ennemis. »

Une autre lettre d'un témoin oculaire contient le passage suivant :

« L'orateur de Saint-Nizier est parti de cette donnée que le Spiritisme avait fait son temps aux Etats-Unis, et qu'on n'en parlait plus depuis deux ans. C'était donc, selon lui, une affaire de mode ; ces phénomènes étaient sans consistance, et ne valaient pas la peine d'être étudiés ; il avait cherché à voir et n'avait rien vu. Toutefois, il signalait la nouvelle doctrine comme attentatoire aux liens de famille, à la propriété, à la constitution de la société, et la dénonçait comme telle aux autorités compétentes.

Les adversaires s'attendaient à un effet plus saisissant, et non à une simple négation débitée d'une manière assez ridicule ; car ils n'ignorent pas ce qui se passe dans la cité, la marche du progrès et la nature des manifestations. Aussi la question est-elle revenue, dimanche 14, à Saint-Jean, et cette fois un peu mieux traitée.

L'orateur de Saint-Nizier avait nié les phénomènes ; celui de Saint-Jean les a reconnus, affirmés : On entend, a-t-il dit, des coups dans les murs ; dans l'air, des voix mystérieuses ; on a réellement affaire à des Esprits, mais quels Esprits ? Ils ne peuvent être bons, car les bons sont dociles et soumis aux ordres de Dieu, qui a défendu lui-même l'évocation des Esprits ; donc ceux qui viennent ne peuvent être que mauvais.

On comptait bien trois mille personnes à Saint-Jean ; dans le nombre, trois cents au moins iront à la découverte.

Ce qui contribuera certainement à faire réfléchir les gens honnêtes ou intelligents qui composaient l'auditoire, ce sont les assertions singulières de l'orateur, — je dis singulières par politesse. — « Le Spiritisme, a-t-il dit, vient détruire la famille, avilir la femme, prêcher le suicide, l'adultère et l'avortement, préconiser le communisme, dissoudre la société. » Puis il a invité les paroissiens qui auraient par hasard des livres spirites à les apporter à ces messieurs, qui les brûleraient, comme saint Paul le fit à Ephèse à l'égard des ouvrages hérétiques.

Je ne sais si ces messieurs trouveront beaucoup de personnes assez zélées pour aller dévaliser, l'argent à la main, les boutiques de nos libraires. Quelques Spirites étaient furieux ; la plupart se réjouissaient, parce qu'ils comprenaient que c'était une bonne journée.

Ainsi, du haut de la seconde chaire de France on vient de proclamer que les phénomènes spirites sont vrais ; toute la question se réduit donc à savoir si ce sont de bons ou de mauvais Esprits, et s'il n'y a qu'aux mauvais que Dieu permet de venir. »

L'orateur de Saint-Jean affirme qu'ils ne peuvent être que mauvais ; en voici un autre qui modifie quelque peu la solution. On nous écrit d'Angoulême que le jeudi 5 décembre dernier un prédicateur s'est exprimé ainsi dans son sermon : « Nous savions tous que l'on pouvait évoquer les Esprits, et cela depuis longtemps ; mais l'Eglise seule doit le faire ; il n'est pas permis aux autres hommes d'essayer de correspondre avec eux par des moyens physiques ; pour moi, c'est une hérésie. » L'effet produit a été tout le contraire de ce que l'on attendait. »

Il est donc bien évident que les bons et les mauvais peuvent se communiquer, car si les mauvais seuls avaient ce pouvoir, il n'est pas probable que l'Eglise se réservât le privilège de les appeler.

Nous doutons que deux sermons, prêchés à Bordeaux en octobre dernier, aient mieux servi la cause de nos antagonistes. Voici l'analyse qui en a été faite par un auditeur ; les Spirites pourront voir si, sous ce travestissement, ils reconnaissent leur doctrine, et si les arguments qu'on leur oppose sont de nature à ébranler leur foi. Quant à nous, nous répétons ce que nous avons déjà dit ailleurs : Tant qu'on n'attaquera pas le Spiritisme avec de meilleures armes, il n'aura rien à craindre.

Je regretterai toujours, dit le narrateur, de n'avoir pas entendu le premier de ces sermons, qui a eu lieu à la chapelle Margaux, le 15 octobre dernier, si mes renseignements sont justes. Selon ce que des témoins dignes de foi m'ont rapporté, la thèse développée a été celle-ci :

« Les Esprits peuvent se communiquer aux hommes. Les bons se communiquent à l'Eglise seulement. Tous ceux qui se manifestent en dehors de l'Eglise sont mauvais, car hors de l'Eglise point de salut. — Les médiums sont des malheureux qui ont fait pacte avec le diable et en obtiennent, pour prix de leur âme, qu'ils lui ont vendue, des manifestations de toutes sortes, fussent-elles extraordinaires pour ne pas dire miraculeuses. » — Je passe sous silence d'autres citations plus étranges encore ; ne les ayant pas entendues moi-même, je craindrais qu'on eut exagéré.

Le dimanche suivant, 19 octobre, j'eus le bonheur d'assister au second sermon. Je m'informai du nom du prédicateur ; il me fut répondu que c'était le père Lapeyre, de la compagnie de Jésus.

Le Père Lapeyre fait la critique du Livre des Esprits, et certes, il fallait une fameuse dose de bonne volonté pour reconnaître cet admirable ouvrage dans les théories dépourvues de bon sens que le prédicateur prétendait y avoir trouvées. Je me bornerai à vous signaler les points qui m'ont le plus frappé, préférant rester au-dessous de la vérité plutôt que d'attribuer à notre adversaire ce qu'il n'aurait pas dit, ou ce que j'aurais mal compris.

Selon le Père Lapeyre, « le Livre des Esprits prêche le communisme, le partage des biens, le divorce, l'égalité entre tous les hommes et surtout entre l'homme et la femme, l'égalité entre l'homme et son Dieu, car l'homme, poussé par cet orgueil qui a perdu les anges, n'aspire à rien moins qu'à devenir semblable à Jésus-Christ ; il entraîne les hommes dans le matérialisme et les plaisirs sensuels, car le travail de perfectionnement peut se faire sans le concours de Dieu, malgré lui-même, par l'effet de cette force qui veut que tout se perfectionne graduellement ; il préconise la métempsycose, cette folie des Anciens, etc. »

Passant ensuite à la rapidité avec laquelle les idées nouvelles se propagent, il constate avec effroi combien le diable qui les a dictées est habile et rusé, combien il a su les façonner avec art, de manière à les faire vibrer avec force dans les cœurs pervertis des enfants de ce siècle d'incrédulité et d'hérésies. « Ce siècle, s'écrie-t-il, il aime tant la liberté ! et on vient lui offrir le libre examen, le libre arbitre, la liberté de conscience ! Ce siècle, il aime tant l'égalité ! et on lui a montré l'homme à la hauteur de Dieu ! Il aime tant la lumière ! et d'un seul trait de plume on déchire le voile qui cachait les saints mystères ! »

Puis il a attaqué la question des peines éternelles, et il a eu sur ce sujet, palpitant d'émotions, de magnifiques mouvements oratoires : « Le croiriez-vous, mes très chers frères ; croiriez-vous jusqu'où est allée l'impudence de ces philosophes nouveaux, qui croient faire crouler sous le poids des sophismes la sainte religion du Christ ! Eh bien, les malheureux ! ils disent qu'il n'y a point d'enfer ! ils disent qu'il n'y a point de purgatoire ! Pour eux plus de relations bénies qui relient les vivants aux âmes de ceux qu'ils ont perdus ! Plus de saint sacrifice de la messe ! Et pourquoi le célébreraient-ils ? ces âmes ne se purifieront-elles pas d'elles-mêmes et sans travail aucun, par l'efficacité de cette force irrésistible qui sans cesse les attire vers la perfection ?

Et savez-vous quelles sont les autorités qui viennent proclamer ces doctrines impies, marquées au front du signe ineffaçable de cet enfer qu'elles voudraient anéantir ? Ah ! mes frères, ce sont les plus solides colonnes de l'Église : les saint Paul, les saint Augustin, les saint Louis, les saint Vincent de Paul, les Bossuet, les Fénelon, les Lamennais, et, tous ces hommes d'élite, de saints hommes qui ont, durant leur vie, combattu pour l'établissement des vérités inébranlables, sur lesquelles l'Église a bâti ses fondements, et qui viennent déclarer aujourd'hui que leur Esprit, dégagé de la matière, étant plus clairvoyant, ils se sont aperçus que leurs opinions étaient erronées, et que c'est tout le contraire qu'il faut croire.

Le prédicateur, passant ensuite à la question que l'auteur de la Lettre d'un catholique adresse à un Esprit pour savoir si, en pratiquant le Spiritisme, il est hérétique, ajoute :

Voici la réponse, mes frères ; elle est curieuse, et ce qui est le plus curieux encore, ce qui nous montre de la manière la plus évidente que le diable, malgré ses ruses et son habileté, laisse toujours percer le bout de l'oreille, c'est le nom même de l'Esprit qui a donné cette réponse ; je vous le dirai tout à l'heure.

Suit la citation de cette réponse qui se termine ainsi : « Es-tu d'accord avec l'Église sur toutes les vérités qui te raffermissent dans le bien, qui augmentent dans ton âme l'amour de Dieu et le dévouement à tes frères ? Oui ; eh bien ! tu es catholique. » Puis il ajoute : « Signé… Zénon !… Zénon ! un philosophe grec, un païen, un idolâtre qui, du fond de l'enfer où il brûle depuis vingt siècles, vient nous dire que l'on peut être catholique et ne pas croire à cet enfer qui le torture, et qui attend tous ceux qui, comme lui, ne seront pas morts humbles et soumis dans le giron de la sainte Église… Mais, insensés et aveugles que vous êtes ! avec toute votre philosophie, n'auriez-vous que cette preuve, cette seule preuve que la doctrine que vous proclamez émane du démon, qu'elle serait mille fois suffisante !

Après de longs développements sur cette question et sur le privilège exclusif qu'a l'Église de chasser les démons, il ajoute :

« Pauvres insensés, qui vous amusez à parler aux Esprits et prétendez exercer sur eux quelque influence ! ne craignez-vous donc pas que, comme celui dont parle saint Luc, ces Esprits frappeurs, tapageurs, — et ils sont bien nommés, mes très chers frères, — ne vous demandent aussi : Et vous, qui êtes-vous? Qui êtes-vous pour venir nous troubler? Croyez-vous impunément nous soumettre à vos caprices sacrilèges? et que, saisissant les chaises et les tables que vous faites tourner, ils ne s'emparent de vous, comme ils s'emparèrent des fils de Sceva, et ne vous maltraitent tellement que vous ne soyez forcés de vous enfuir nus et blessés, et reconnaissant, mais trop tard, toute l'abomination qu'il y a à jouer ainsi avec les morts.

Devant ces faits si patents et qui parlent si haut, que nous reste-t-il à faire ? Qu'avons-nous à dire ? Ah ! très chers frères ! gardez-vous avec soin de la contagion ! Repoussez avec horreur toutes les tentatives que les méchants ne manqueront pas de faire auprès de vous pour vous entraîner avec eux dans l'abîme ! Mais, hélas ! il est déjà bien tard pour faire de telles recommandations ; déjà le mal a fait de rapides progrès. Ces livres infâmes dictés par le prince des ténèbres, afin d'attirer dans son royaume une foule de pauvres ignorants, se sont tellement répandus que si, comme jadis à Ephèse, on supputait le prix de ceux qui circulent dans Bordeaux, on dépasserait, j'en suis sûr, la somme énorme de cinquante mille deniers d'argent (170 000 francs de notre monnaie ; rappel d'une citation faite dans une autre partie de son sermon) ; et je ne serais pas étonné que parmi les nombreux fidèles qui m'écoutent, il y en ait quelques-uns qui déjà se soient laissé entraîner à les lire. A ceux-là, nous ne pouvons dire que ceci : Vite ! approchez du tribunal de la pénitence ; vite ! venez ouvrir vos cœurs à vos guides spirituels. Pleins de douceur et de bonté, et suivant en tout point le magnanime exemple de saint Paul, nous nous empresserons de vous donner l'absolution. Mais, comme lui, nous ne vous la donnerons qu'à la condition expresse de nous apporter ces livres de magie qui ont failli vous perdre. Et de ces livres, très chers frères, qu'en ferons-nous? oui, qu'en ferons-nous? Comme saint Paul, nous en ferons un grand tas sur la place publique, et, comme lui, nous y mettrons nous-mêmes le feu. »

Nous ne ferons qu'une courte observation sur ce sermon, c'est que l'auteur s'est trompé de date, et que peut-être, nouvel Epiménide, a-t-il dormi depuis le quatorzième siècle. Un autre fait qui en ressort, c'est la constatation du rapide développement du Spiritisme. Les adversaires d'une autre école le constatent aussi avec désespoir, tant est grand leur amour pour la raison humaine. On lit dans le Moniteur de la Moselle, du 7 novembre 1862 : « Le Spiritisme fait de dangereux progrès. Il envahit le grand, le petit, le moyen et le demi-monde. Des magistrats, des médecins, des gens sérieux donnent aussi dans ce travers. » Nous trouvons cette assertion répétée dans la plupart des critiques actuelles ; c'est qu'en présence d'un fait aussi patent, il faudrait revenir du fond du Texas pour avancer devant un auditoire où se trouvent plus de mille Spirites que depuis deux ans on ne s'en occupe plus. Alors, pourquoi tant de colère si le Spiritisme est mort et enterré ? Le P. Lapeyre au moins ne se fait pas illusion ; sa frayeur même lui exagère l'étendue de ce prétendu mal, puisqu'il évalue à un chiffre fabuleux la valeur des livres spirites répandus dans Bordeaux seul ; dans tous les cas, c'est reconnaître une bien grande puissance à l'idée. Quoi qu'il en soit, en présence de toutes ces affirmations, personne ne nous taxera d'exagération, quand nous parlons des rapides progrès de la doctrine ; que les uns les attribuent à la puissance du diable, luttant avec avantage contre Dieu, les autres à un accès de folie qui envahit toutes les classes de la société, de telle sorte que le cercle des gens sensés va tous les jours se rétrécissant, et n'aura bientôt plus de place que pour quelques individus ; que les uns et les autres déplorent cet état de choses chacun à leur point de vue, et se demandent : « Où allons-nous ? grand Dieu ! » libre à eux ; il n'en ressort pas moins ce fait que le Spiritisme passe par-dessus toutes les barrières qu'on lui oppose ; donc, si c'est une folie, bientôt il n'y aura plus que des fous sur la terre : on connaît le proverbe ; si c'est l'œuvre du diable, bientôt il n'y aura plus que des damnés, et si ceux qui parlent au nom de Dieu ne peuvent l'arrêter, c'est que le diable est plus fort que Dieu. Les Spirites sont plus respectueux que cela envers la Divinité ; ils n'admettent pas qu'il y ait un être pouvant lutter avec elle de puissance à puissance, et surtout l'emporter sur elle ; autrement les rôles seraient changés, et le diable deviendrait le véritable maître de l'univers. Les Spirites disent que Dieu étant souverain sans partage, rien n'arrive dans le monde sans sa permission ; donc, si le Spiritisme se répand avec la rapidité de l'éclair, quoi qu'on fasse pour l'arrêter, il faut y voir un effet de la volonté de Dieu ; or Dieu, étant souverainement juste et bon, ne peut vouloir la perte de ses créatures, ni les faire tenter, avec la certitude, en vertu de sa prescience, qu'elles succomberont, pour les précipiter dans les tourments éternels. Aujourd'hui, le dilemme est posé ; il est soumis à la conscience de tous ; l'avenir se charge de la conclusion.

Si nous faisons ces citations, c'est pour montrer à quels arguments les adversaires du Spiritisme en sont réduits pour l'attaquer ; il faut en effet être bien au dépourvu de bonnes raisons pour avoir recours à une calomnie comme celle qui le représente prêchant la désunion des familles, l'adultère, l'avortement, le communisme, le renversement de l'ordre social. Avons-nous besoin de réfuter de semblables assertions ? Non, car il suffit de renvoyer à l'étude de la doctrine, à la lecture de ce qu'elle enseigne, et c'est ce que l'on fait de tous côtés. Qui pourra croire que nous prêchons le communisme après les instructions que nous donnons sur ce sujet dans le discours rapporté in extenso dans la relation de notre voyage en 1862 ? Qui pourra voir une excitation à l'anarchie dans les paroles suivantes, qui se trouvent dans la même brochure, page 58 : « En tout état de cause, les Spirites doivent être les premiers à donner l'exemple de la soumission aux lois, dans le cas où ils en seraient requis. »

Avancer de pareilles choses dans un pays lointain, où le Spiritisme serait inconnu, où il n'y aurait aucun moyen de contrôle, cela pourrait produire quelque effet ; mais les affirmer du haut de la chaire de vérité, au milieu d'une population spirite qui y donne incessamment un démenti par ses enseignements et son exemple, c'est de la maladresse, et l'on ne peut s'empêcher de dire qu'il faut être pris d'un singulier vertige pour se faire illusion à ce point, et ne pas comprendre que parler ainsi, c'est servir la cause du Spiritisme.

On aurait tort cependant de croire que c'est l'opinion de tous les membres du clergé ; il en est beaucoup, au contraire, qui ne la partagent pas, et nous en connaissons bon nombre qui déplorent ces écarts, plus nuisibles à la religion qu'à la doctrine spirite. Ce sont donc des opinions individuelles qui ne peuvent faire loi ; et ce qui prouve que ce sont des appréciations personnelles, c'est la contradiction qui existe entre eux. Ainsi, tandis que l'un déclare que tous les Esprits qui se manifestent sont nécessairement mauvais, puisqu'ils désobéissent à Dieu en se communiquant, un autre reconnaît qu'il y en a de bons et de mauvais, mais que les bons seuls vont à l'église, et les mauvais au vulgaire. L'un accuse le Spiritisme d'avilir la femme, un autre lui reproche de l'élever au niveau des droits de l'homme ; l'un prétend qu'il « entraîne les hommes dans le matérialisme et les plaisirs sensuels ; » et un autre, M. le curé Marouzeau, reconnaît qu'il détruit le matérialisme.

M. l'abbé Marouzeau, dans sa brochure, s'exprime, ainsi : « Vraiment, à entendre les partisans des communications d'outre-tombe, ce serait un parti pris de la part du clergé de combattre quand même le Spiritisme. Pourquoi donc supposer aux prêtres si peu d'intelligence et de bon sens, un entêtement stupide? Pourquoi croire que l'Église qui, dans tous les temps, a donné tant de preuves de prudence, de sagesse et de haute intelligence pour discerner le vrai du faux, soit incapable aujourd'hui de comprendre l'intérêt de ses enfants ? Pourquoi la condamner sans l'entendre ? Si elle refuse de reconnaître votre bannière, c'est que votre drapeau n'est pas le sien ; il a des couleurs qui lui sont essentiellement hostiles ; c'est qu'à coté du bien que vous faites en combattant le hideux matérialisme, elle voit un danger réel pour les âmes et la société. » Et ailleurs : « Concluons de tout cela que le Spiritisme doit se borner à combattre le matérialisme, à donner à l'homme des preuves palpables de son immortalité au moyen des manifestations d'outre-tombe bien constatées. »

De tout ceci, il ressort un fait capital, c'est que tous ces messieurs sont d'accord sur la réalité des manifestations ; seulement chacun les apprécie à sa manière. Les nier, en effet, serait nier la vérité des Ecritures, et les faits mêmes sur lesquels s'appuient la plupart des dogmes. Quant à la manière d'envisager la chose, on peut dès à présent constater dans quel sens se fait l'unité et se prononce l'opinion publique qui a aussi son veto. Il en ressort encore cet autre fait, c'est que la doctrine spirite remue profondément les masses ; que tandis que les uns voient en elle un fantôme effrayant, d'autres y voient l'ange de la consolation et de la délivrance, et une nouvelle ère de progrès moral pour l'humanité.

Puisque nous citons la brochure de M. l'abbé Marouzeau, on nous demandera peut-être pourquoi nous n'y avons pas encore répondu, puisqu'elle nous était personnellement adressée. On a pu en voir le motif dans la relation de notre voyage, à propos des réfutations. Quand nous traitons une question, nous le faisons à un point de vue général, abstraction des personnes qui ne sont à nos yeux que des individualités s'effaçant devant les questions de principes. Nous parlerons de M. Marouzeau à l'occasion, ainsi que de quelques autres quand nous examinerons l'ensemble des objections ; pour cela il était utile d'attendre que chacun eût dit son mot, gros ou petit, — on en a vu ci-dessus quelques-uns d'assez gros, — pour apprécier la force de l'opposition. Des réponses spéciales et individuelles eussent été prématurées et sans cesse à recommencer. La brochure de M. Marouzeau était un coup de fusil ; nous lui demandons pardon de le placer au rang des simples tirailleurs, mais sa modestie chrétienne ne s'en offensera pas. Prévenu d'une levée de boucliers, il nous a paru convenable de laisser décharger toutes les armes, même la grosse artillerie qui, comme on le voit, vient de donner, afin de juger sa portée ; or, jusqu'à présent, nous n'avons pas à nous plaindre des vides qu'elle a faits dans nos rangs, puisque, au contraire, ses coups ont ricoché contre elle. D'un autre coté il n'était pas moins utile de laisser la situation se dessiner, et l'on conviendra que, depuis deux ans, l'état des choses, loin d'empirer pour nous, vient chaque jour nous prêter une nouvelle force. Nous répondrons donc quand nous le jugerons à propos ; jusqu'à présent il n'y a pas eu de temps perdu, puisque nous avons sans cesse gagné du terrain sans cela, et que nos adversaires se chargent eux-mêmes de rendre notre tâche plus facile. Nous n'avons donc qu'à les laisser faire.

Sur la folie spirite Réponse à M. Burlet de Lyon

Le feuilleton de la Presse du 8 janvier 1863 contient l'article suivant, tiré du Salut public de Lyon, et que la Gironde de Bordeaux s'est empressée de reproduire, croyant y trouver une bonne fortune contre le Spiritisme :

SCIENCES.

« M. Philibert Burlet, interne des hôpitaux de Lyon, a lu récemment à la Société des sciences médicales de cette ville un intéressant travail sur le Spiritisme considéré comme cause d'aliénation mentale. En présence de l'épidémie qui sévit en ce moment sur la société française, il ne sera sans doute pas dépourvu d'utilité de signaler les faits contenus dans le mémoire de M. Burlet.

L'auteur a décrit avec soin six cas de folie, dite aiguë, observés par lui-même à l'hôpital de l'Antiquaille, et dans lesquels on suit sans aucune difficulté la relation directe entre l'aliénation mentale et les pratiques spirites. M. le docteur Carrier, dit-il, a eu pour sa part l'occasion, et depuis peu de temps, de traiter et de voir guérir, dans son service, trois femmes que le Spiritisme avait rendues folles. Au reste, il n'est pas un seul médecin, s'occupant spécialement d'aliénation mentale, qui n'ait eu à observer en plus ou en moins grand nombre des cas analogues, sans parler, bien entendu, des troubles intellectuels ou affectifs qui, sans aller jusqu'au point que l'on est convenu d'appeler la folie, ne laissent pas que d'altérer la raison et de rendre le commerce de ceux qui les présentent désagréable et bizarre. Cette influence de la prétendue doctrine spirite est aujourd'hui bien démontrée par la science. Les observations qui l'établissent se compteraient par milliers, « Si, dit M. Burlet, dans les autres parties de la France, les cas de folie causés par la doctrine des médiums sont aussi fréquents que dans le département que nous habitons, et il n'y a pas de raison pour qu'il n'en soit pas ainsi, il nous semble hors de doute que le Spiritisme peut prendre place au rang des causes les plus fécondes d'aliénation mentale. » En terminant, l'auteur exhorte les pères et mères de famille, les chefs d'atelier, etc., à veiller à ce que leurs enfants ou leurs employés ne se rendent jamais dans « ces réunions spirites appelées des groupes, et dans lesquelles, ajoute-t-il, le péril pour la raison n'est certainement pas le seul à craindre.

Il est donc d'une incontestable utilité de donner de la publicité aux faits de ce genre consciencieusement recueillis, comme ceux de l'interne des hôpitaux de Lyon. Non pas qu'il y ait la moindre chance pour qu'ils agissent sur les individus frappés déjà par l'épidémie ; le caractère de leur folie est précisément la forte conviction d'être seuls en possession de la vérité. Dans leur humilité, ils se croient le don de communiquer avec les Esprits, et ils traitent d'orgueilleuse la science qui ose douter de leur puissance. Victimes de l'hallucination qui les possède, leur prémisse admise, ils raisonnent ensuite avec une logique irréprochable, qui ne fait que les affermir dans leur aberration. Mais on peut conserver l'espoir d'agir sur les intelligences encore saines qui seraient tentées de s'exposer aux séductions du Spiritisme, en leur signalant le danger, et les garantir ainsi contre ce danger. Il est bon de savoir que les pratiques spirites et la fréquentation des médiums, — qui sont de véritables hallucinés, — est nécessairement malsaine pour la raison. Les seuls caractères fortement trempés peuvent y résister. Les autres y laissent toujours une partie, petite ou grande, de leur bon sens.

A. Sanson. »



Cet article peut faire le pendant des sermons relatés dans l'article précédent ; on peut y voir, sinon une communauté d'origine, du moins une intention identique : celle de soulever l'opinion contre le Spiritisme par des moyens où percent la même bonne foi ou la même ignorance des choses. Remarquez la gradation qu'ont suivie les attaques depuis le fameux et maladroit article de la Gazette de Lyon (voir la Revue spirite du mois d'octobre 1860, page 254) ; ce n'était alors qu'une plate raillerie où les ouvriers de cette ville étaient bafoués, ridiculisés, et leurs métiers comparés à des potences. N'était-ce pas en effet une maladresse insigne que de déverser le mépris sur les travailleurs et les instruments qui font la prospérité d'une ville comme Lyon ? Depuis lors l'agression a pris un autre caractère : voyant l'impuissance du ridicule, et ne pouvant s'empêcher de constater le terrain que gagnent chaque jour les idées spirites, elle le prend sur un ton plus lamentable ; c'est au nom de l'humanité, en présence de l'épidémie qui sévit en ce moment sur la société française, qu'elle vient signaler les dangers de cette prétendue doctrine qui rend le commerce de ceux qui la professent désagréable et bizarre. Compliment peu flatteur pour les dames de tous rangs, voire même les princesses, qui croient aux Esprits. Il nous semble pourtant que les personnes violentes et irascibles devenues douces et bonnes par le Spiritisme ne font pas preuve d'un trop mauvais caractère et sont moins désagréables qu'auparavant, et que parmi les non-spirites on ne rencontre pas que des gens aimables et bienveillants. Bien que l'on voie de nombreuses familles où le Spiritisme a ramené la paix et l'union, c'est au nom de leur intérêt que l'on adjure les ouvriers de ne point se rendre dans « ces réunions appelées groupes, où ils peuvent perdre leur raison, et bien d'autres choses, » trouvant sans doute qu'ils la conserveraient bien mieux en allant au cabaret qu'en restant chez eux.

Le persiflage n'ayant pas réussi, voilà maintenant que les adversaires appellent la science à leur aide ; non plus la science railleuse représentée par le muscle craqueur de M. Jobert (de Lamballe) (voir la Revue spirite de juin 1859, page 141), mais la science sérieuse, condamnant le Spiritisme aussi gravement qu'elle a condamné jadis l'application de la vapeur à la marine, et tant d'autres utopies que l'on a eu plus tard la faiblesse de prendre pour des vérités. Et quel est son représentant dans cette grave question ? Est-ce l'Institut de France ? Non, c'est M. Philibert Burlet, interne des hôpitaux de Lyon, c'est-à-dire étudiant en médecine, qui fait ses premières armes en lançant un mémoire contre le Spiritisme. Il a parlé, et de par lui et M. Sanson (de la Presse), la science a rendu son arrêt, arrêt qui, probablement, ne sera pas plus sans appel que celui des docteurs qui condamnèrent la théorie d'Harvey sur la circulation du sang et lancèrent contre son auteur « des libelles et des diatribes plus ou moins virulentes et grossières. » (Dictionnaire des origines.) Soit dit entre parenthèse, un travail curieux à faire serait une monographie des erreurs des savants.

M. Burlet a observé, dit-il, six cas de folie aiguë produite par le Spiritisme ; mais comme c'est peu sur une population de 300 000 âmes, dont le dixième au moins est spirite, il a soin d'ajouter « qu'on les compterait par milliers si, dans les autres parties de la France, les cas de folie causés par la doctrine des médiums sont aussi fréquents que dans le département que nous habitons, et il n'y a pas de raison pour qu'il n'en soit pas ainsi. »

Avec le système des suppositions on va fort loin, comme on le voit. Eh bien ! nous allons plus loin que lui, et nous dirons, non par hypothèse, mais par affirmation, que, dans un temps donné, on ne comptera des fous que parmi les Spirites. En effet, la folie est une des infirmités de l'espèce humaine ; mille causes accidentelles peuvent la produire, et la preuve en est, c'est qu'il y a eu des fous avant qu'il ne fût question de Spiritisme, et que tous les fous ne sont pas Spirites. M. Burlet nous concédera bien ce point. De tout temps il y a donc eu des fous, et il y en aura toujours ; donc si tous les habitants de Lyon étaient Spirites, on ne trouverait de fous que parmi les Spirites, absolument comme dans un pays tout catholique, il n'y a de fous que parmi les catholiques. En observant la marche de la doctrine depuis quelques années, on pourrait, jusqu'à un certain point, prévoir le temps qu'il faut pour cela. Mais ne parlons que du présent.

Les fous parlent de ce qui les préoccupe ; il est bien certain que celui qui n'aurait jamais entendu parler du Spiritisme, n'en parlera pas, tandis que, dans le cas contraire, il en parlera comme il le ferait de religion, d'amour, etc. Quelle que soit la cause de la folie, le nombre des fous parlant des Esprits augmentera donc naturellement avec le nombre des adeptes. La question est de savoir si le Spiritisme est une cause efficiente de folie. M. Burlet l'affirme du haut de son autorité d'interne en disant que : « Cette influence est aujourd'hui bien démontrée par la science. » De là, criant au feu, il fait appel aux rigueurs de l'autorité, comme si une autorité quelconque pouvait empêcher le cours d'une idée, et sans songer que les idées ne sont jamais plus propagées que sous l'empire de la persécution. Prend-il donc son opinion et celle de quelques hommes qui pensent comme lui pour les arrêts de la science ? Il paraît ignorer que le Spiritisme compte dans ses rangs un très grand nombre de médecins distingués, que beaucoup de groupes et sociétés sont présidés par des médecins qui, eux aussi, sont des hommes de science, et qui prennent des conclusions toutes contraires aux siennes. Qui donc a raison de lui ou des autres ? Dans ce conflit entre l'affirmation et la négation, qui est-ce qui prononcera en dernier ressort ? Le temps, l'opinion, la conscience de la majorité, et la science elle-même qui se rendra à l'évidence, comme elle s'y est rendue en d'autres circonstances.

Nous dirons à M. Burlet : il est contraire aux plus simples préceptes de la logique de déduire une conséquence générale de quelques faits isolés, et à laquelle d'autres faits peuvent donner un démenti. Pour appuyer votre thèse, il faudrait un autre travail que celui que vous avez fait. Vous avez, dites-vous, observé six cas ; je vous crois sur parole ; mais qu'est-ce que cela prouve ? Vous en auriez observé le double ou le triple, que cela ne prouverait pas davantage, si le total des fous n'a pas dépassé la moyenne. Supposons cette moyenne de 1000 pour prendre un nombre rond ; les causes habituelles de folie étant toujours les mêmes, si le Spiritisme peut la provoquer, c'est une cause de plus ajoutée à toutes les autres, et qui doit augmenter le chiffre de la moyenne. Si depuis l'introduction des idées spirites, cette moyenne, de 1000 se trouvait portée à 1200, par exemple, et que cette différence fût précisément celle des cas de folie spirite, la question changerait de face, mais tant qu'il ne sera pas prouvé que, sous l'influence du Spiritisme, la moyenne des aliénés a augmenté, l'étalage que l'on fait de quelques cas isolés ne prouve rien, sinon l'intention de jeter du discrédit sur les idées spirites, et d'effrayer l'opinion.

Dans l'état actuel des choses, il reste même à connaître la valeur des cas isolés que l'on met en avant, et de savoir si tout aliéné qui parle des Esprits doit sa folie au Spiritisme, et pour cela il faudrait un juge impartial et désintéressé. Supposons que M. Burlet devienne fou, ce qui peut lui arriver tout comme à un autre ; — qui sait même? plutôt qu'à un autre, peut-être ; — y aurait-il rien d'étonnant à ce que, préoccupé de l'idée qu'il a combattue, il en parlât dans sa démence ? Faudrait-il en conclure que c'est la croyance aux Esprits qui l'aura rendu fou ? Nous pourrions citer plusieurs cas, dont on fait grand bruit, et où il a été prouvé, ou que les individus s'étaient peu ou point occupés de Spiritisme, ou avaient eu des attaques de folie caractérisée bien antérieures. A cela il faut ajouter les cas d'obsession et de subjugation que l'on confond avec la folie, et que l'on traite comme tels au grand préjudice de la santé des personnes qui en sont affectées, ainsi que nous l'avons expliqué dans nos articles sur Morzine. Ce sont les seuls qu'on pourrait, au premier abord, attribuer au Spiritisme, bien qu'il soit prouvé qu'ils se rencontrent en grand nombre chez les individus qui y sont le plus étrangers, et que, par l'ignorance de la cause, on traite à contre-sens.

Il est vraiment curieux de voir certains adversaires qui ne croient ni aux Esprits, ni à leurs manifestations, prétendre que le Spiritisme soit une cause de folie. Si les Esprits n'existent pas, ou s'ils ne peuvent se communiquer aux hommes, toutes ces croyances sont des chimères qui n'ont rien de réel. Nous demandons alors comment rien peut produire quelque chose ? C'est l'idée, diront-ils ; cette idée est fausse ; or tout homme qui professe une idée fausse déraisonne. Quelle est donc cette idée si funeste à la raison ? la voici : Nous avons une âme qui vit après la mort du corps ; cette âme conserve ses affections de la vie terrestre, et elle peut se communiquer aux vivants. Selon eux, il est plus sain de croire au néant après la mort ; ou bien, ce qui revient au même, que l'âme perdant son individualité se confond dans le tout universel, comme les gouttes d'eau dans l'Océan. Il est de fait qu'avec cette dernière idée on n'a plus besoin de s'inquiéter du sort de ses proches, et que l'on n'a qu'à songer à soi, à bien boire, à bien manger en cette vie, ce qui est tout profit pour l'égoïsme. Si la croyance contraire est une cause de folie, pourquoi y a-t-il tant de fous parmi les gens qui ne croient à rien ? C'est, direz-vous, que cette cause n'est pas la seule. D'accord ; mais alors pourquoi voudriez-vous que ces causes ne pussent frapper un Spirite tout comme un autre ; et pourquoi prétendriez-vous rendre le Spiritisme responsable d'une fièvre chaude ou d'un coup de soleil ? Vous engagez l'autorité à sévir contre les idées spirites parce que, selon vous, elles détraquent le cerveau ; mais que n'appelez-vous aussi la vigilance de l'autorité sur les autres causes ? Dans votre sollicitude pour la raison humaine, dont vous vous faites le type, avez-vous fait le relevé des innombrables cas de folie produits par les désespoirs d'amour ? Que n'engagez-vous l'autorité à proscrire le sentiment amoureux ? Il est avéré que toutes les révolutions sont marquées par une recrudescence notable dans les affections mentales ; c'est donc là une cause efficiente bien manifeste, puisqu'elle augmente le chiffre de la moyenne ; que ne conseillez-vous aux gouvernements d'interdire les révolutions comme chose malsaine ? Puisque M. Burlet a fait le relevé énorme de six cas de folie soi-disant spirite, sur une population de 300000 âmes, nous engageons les médecins spirites à faire celui de tous les cas de folie, d'épilepsie et autres afflictions causées par la peur du diable, l'effrayant tableau des tortures éternelles de l'enfer, et l'ascétisme des réclusions claustrales.

Loin d'admettre le Spiritisme comme une cause d'accroissement dans la folie, nous disons que c'est une cause atténuante qui doit diminuer le nombre des cas produits par les causes ordinaires. En effet, parmi ces causes, il faut placer en première ligne les chagrins de toute nature, les déceptions, les affections contrariées, les revers de fortune, les ambitions déçues. L'effet de ces causes est en raison de l'impressionnabilité de l'individu, si l'on avait un moyen d'atténuer cette impressionnabilité, ce serait sans contredit le meilleur préservatif ; eh bien ! ce moyen est dans le Spiritisme qui amortit le contrecoup moral, qui fait prendre avec résignation les vicissitudes de la vie ; tel qui se serait suicidé pour un revers, puise dans la croyance spirite une force morale qui lui fait prendre son mal en patience ; non seulement il ne se tuera pas, mais en présence de la plus grande adversité, il conservera sa froide raison, parce qu'il a une foi inaltérable en l'avenir. Lui donnerez-vous ce calme avec la perspective du néant ? Non, car il n'entrevoit aucune compensation, et s'il n'a pas à manger, il pourra vous manger. La faim est une terrible conseillère pour celui qui croit que tout finit avec la vie ; eh bien ! le Spiritisme fait endurer même la faim, car il fait voir, comprendre et attendre la vie qui suit la mort du corps ; voilà sa folie.

La manière dont le vrai Spirite envisage les choses de ce monde et de l'autre, le porte à dompter en lui les plus violentes passions, même la colère et la vengeance. Après l'article insultant de la Gazette de Lyon, que nous avons rappelé plus haut, un groupe d'une douzaine d'ouvriers nous dit : « Si nous n'étions pas Spirites, nous irions donner une volée à l'auteur pour lui apprendre à vivre, et si nous étions en révolution, nous mettrions le feu à la boutique de son journal ; mais nous sommes Spirites ; nous le plaignons et nous prions Dieu de lui pardonner. » Que dites-vous de cette folie, M. Burlet ? En pareil cas qu'eussiez-vous préféré, d'avoir affaire à des fous de cette espèce, ou à des hommes ne craignant rien ? Songez qu'aujourd'hui il y en a plus de vingt mille à Lyon. Vous prétendez servir les intérêts de l'humanité, et vous ne comprenez pas les vôtres ! Priez Dieu qu'un jour vous n'ayez pas à regretter que tous les hommes ne soient pas Spirites ; c'est à quoi vous et les vôtres travaillez de toutes vos forces. En semant l'incrédulité, vous sapez les fondements de l'ordre social ; vous poussez à l'anarchie, aux réactions sanglantes ; nous, nous travaillons à donner la foi à ceux qui ne croient à rien ; à répandre une croyance qui rend les hommes meilleurs les uns pour les autres, qui leur apprend à pardonner à leurs ennemis, à se regarder comme frères sans distinction de races, de castes, de sectes, de couleur, d'opinion politique ou religieuse ; une croyance en un mot qui fait naître le véritable sentiment de la charité, de la fraternité et des devoirs sociaux. Demandez à tous les chefs militaires qui ont des subordonnés spirites sous leurs ordres, quels sont ceux qu'ils conduisent avec le plus de facilité, qui observent le mieux la discipline sans l'emploi de la rigueur ? Demandez aux magistrats, aux agents de l'autorité qui ont des administrés spirites dans les rangs inférieurs de la société, quels sont ceux chez lesquels il y a le plus d'ordre et de tranquillité ; sur lesquels la loi a le moins à sévir ; où il y a le moins de tumulte à apaiser, de désordres à réprimer ?

Dans une ville du Midi, un commissaire de police nous disait : « Depuis que le Spiritisme s'est répandu dans ma circonscription, j'ai dix fois moins de mal qu'auparavant. » Demandez enfin aux médecins spirites quels sont les malades chez lesquels ils rencontrent le moins d'affections causées par les excès de tous genres ? Voilà une statistique un peu plus concluante, je crois, que vos six cas d'aliénation mentale. Si de tels résultats sont une folie, je me fais gloire de la propager. Où ces résultats sont-ils puisés ? Dans les livres que quelques-uns voudraient jeter aux flammes ; dans les groupes que vous recommandez aux ouvriers de fuir. Que voit-on dans ces groupes, que vous dépeignez comme le tombeau de la raison ? Des hommes, des femmes, des enfants qui écoutent avec recueillement une douce et consolante morale, au lieu d'aller au cabaret perdre leur argent et leur santé ou faire du tapage sur la place publique ; qui en sortent avec l'amour de leurs semblables dans le cœur, au lieu de la haine et de la vengeance.

Voici de la part de l'auteur de l'article précité un singulier aveu : Victimes de l'hallucination qui les possède, leur prémisse admise, ils raisonnent ensuite avec une logique irréprochable qui ne fait que les affermir dans leur aberration. Singulière folie en vérité, que celle qui raisonne avec une logique irréprochable ! Or, quelle est cette prémisse ? nous l'avons dit tout à l'heure : L'âme survit au corps, conserve son individualité et ses affections, et peut se communiquer aux vivants. Qu'est-ce qui peut prouver la vérité d'une prémisse, si ce n'est la logique irréprochable des déductions? Qui dit irréprochable, dit inattaquable, irréfutable ; donc, si les déductions d'une prémisse sont inattaquables, c'est qu'elles satisfont à tout, qu'on ne peut rien y opposer ; donc, si ces déductions sont vraies, c'est que la prémisse est vraie, parce que la vérité ne peut avoir pour principe une erreur. D'un principe faux, on peut sans doute déduire des conséquences en apparence logiques, mais ce n'est qu'une logique apparente, autrement dit des sophismes, et non une logique irréprochable, car elle laissera toujours une porte ouverte à la réfutation. La vraie logique est celle qui satisfait pleinement la raison : elle ne peut être contestée ; la fausse logique n'est qu'un faux raisonnement toujours contestable. Ce qui caractérise les déductions de notre prémisse, c'est d'abord qu'elles sont basées sur l'observation des faits ; en second lieu qu'elles expliquent d'une manière rationnelle ce qui, sans cela, est inexplicable. A notre prémisse substituez la négation, et vous vous heurtez à chaque pas contre des difficultés insolubles. La théorie spirite, disons-nous, est basée sur des faits, mais sur des milliers de faits, se reproduisant tous les jours, et observés par des millions de personnes ; la vôtre sur une demi-douzaine observés par vous. Voilà une prémisse dont chacun peut tirer la conclusion.





Cercle spirite de Tours Discours prononcé par le président dans la séance d'installation

Mardi, 12 novembre 1862.

« Messieurs,

Je dois tout d'abord remercier les Esprits protecteurs de notre petite société naissante d'avoir bien voulu me désigner à vous pour la présidence ; je tâcherai de justifier ce choix, qui m'honore, en veillant scrupuleusement à ce que les travaux de nos réunions aient toujours un caractère sérieux et moral, but que nous ne devrons jamais perdre de vue, sous peine de nous exposer à bien des déceptions.

Que venons-nous chercher ici, messieurs, loin du bruit des affaires mondaines ? La science de nos destinées. Oui, tous tant que nous sommes dans cette modeste enceinte qui s'agrandira, qui s'élèvera, je l'espère, par la grandeur et la hauteur du but que nous poursuivons, nous cédons au désir bien naturel de déchirer le voile épais qui cache aux pauvres humains le redoutable mystère de la mort, et de savoir s'il est vrai, comme l'enseigne une fausse science, et comme le croient, hélas ! tant de malheureux Esprits égarés, que la tombe ferme le livre des destinées de l'homme.

Je sais bien que Dieu a placé dans le cœur de chacun un flambeau destiné à éclairer ses pas à travers les rudes sentiers de la vie : la raison ; et une balance propre à peser toutes choses selon leur exacte valeur : la justice ; mais quand la vive et pure lumière de ce flambeau directeur, de plus en plus affaiblie par le souffle impur des passions perverties, est sur le point de s'éteindre ; quand cette
balance de la justice a été faussée par l'erreur et le mensonge ; quand le chancre du matérialisme, après avoir tout envahi, jusqu'aux religions, menace de tout dévorer, il faut bien que le Juge suprême vienne enfin, par des prodiges de sa toute-puissance, par des manifestations insolites, capable de frapper violemment l'attention, redresser les voies de l'humanité et la retirer de l'abîme.

Au point de dégradation morale où sont tombées les sociétés modernes, sous l'influence des fausses et pernicieuses doctrines tolérées, sinon encouragées, par ceux-là mêmes qui ont mission spéciale de les réprimer ; au milieu de cet indifférentisme général pour tout ce qui n'est pas matière, de ce sensualisme outré, exclusif, de cette fureur, inconnue jusqu'à nous, d'enrichissement à tout prix, de ce culte effréné du veau d'or, de cette passion désordonnée du lucre, qui engendre l'égoïsme, glace tous les cœurs en faussant toutes les intelligences, et tend à la dissolution des liens sociaux, les communications d'outre-tombe peuvent être considérées comme une révélation divine, devenue nécessaire au rappel à l'ordre, de la part de la Providence qui ne peut pas laisser périr sans secours sa créature de prédilection. Et, à la rapidité avec laquelle se répandent sur tous les points du globe les enseignements de la doctrine spirite, il est facile de prévoir que l'heure approche où l'humanité, après un temps d'arrêt, va franchir une nouvelle étape, subir une nouvelle phase de développement dans sa progression intermittente à travers les siècles.

Quant à nous, messieurs, remercions la Providence d'avoir daigné nous choisir pour répandre et faire fructifier sur ce petit coin de terre la semence spirite, et coopérer ainsi, dans la mesure de nos forces, à la grande oeuvre de régénération morale qui se prépare.

Je m'occupe en ce moment, à propos d'une question médicale, quelques-uns d'entre vous le savent, d'un travail philosophique important où j'essaye d'expliquer rationnellement les phénomènes physiologiques du Spiritisme, et de les rattacher à la philosophie générale. Avant de publier ce travail, essentiellement anti-matérialiste, qui n'est guère du reste encore qu'une ébauche, je me propose de vous le communiquer pour prendre votre avis sur l'opportunité de soumettre à l'approbation des Esprits élevés qui veulent bien nous assister, les principaux points de doctrine qu'il renferme. Nous pourrions trouver là, d'ailleurs, toutes préparées et méthodiquement disposées d'avance, la plupart des questions qui doivent faire le sujet de nos entretiens Spirites.

« Il ne faut jamais perdre de vue, Messieurs, le but essentiel du Spiritisme, qui est la destruction du matérialisme par la preuve expérimentale de la survivance de l'âme humaine. Si les morts répondent à notre appel, s'ils viennent se mettre en communication avec nous, c'est qu'évidemment ils ne sont pas tout à fait morts ; c'est que le dernier râle de l'agonie n'a pas marqué pour eux le terme définitif de leur existence. Tous les sermons du monde ne valent pas à cet égard un argument comme celui-là.

C'est pourquoi il est de notre devoir, à nous croyants, de répandre la lumière autour de nous et de ne pas la tenir enfermée sous le boisseau, c'est-à-dire, dans cette étroite enceinte qui doit, au contraire, devenir par notre zèle un foyer rayonnant. Est-ce à dire que nous devions convier tout le monde à nos réunions, accueillir le premier venu qui manifeste la curiosité de nous voir à l'œuvre, comme s'il s'agissait de voir opérer un prestidigitateur ? Ce serait maladroitement exposer aux chances du ridicule la chose la plus sérieuse du monde et nous compromettre en même temps nous-mêmes. Mais toutes les fois qu'une personne dont nous n'aurons aucun motif de suspecter la bonne foi, et qui aura puisé dans la lecture des ouvrages spéciaux des notions sur le Spiritisme, désirera se rendre témoin des faits, nous devrons adhérer à sa demande, seulement il sera bon de réglementer ces sortes d'admissions, et de n'admettre à nos séances aucune personne étrangère sans que la société, consultée, ait émis préalablement son avis à cet égard.

Messieurs, lorsqu'il y a deux ans à peine nous constations avec un de nos sociétaires, chez un ami commun, les phénomènes spirites de l'ordre mécanique et de l'ordre intellectuel les plus étonnants, malgré l'évidence des faits dont nous étions témoins, malgré notre conviction profonde que ces manifestations extraordinaires se passaient en dehors des lois naturelles connues, nous osions à peine en faire timidement part à nos connaissances intimes, tant nous craignions que l'on mit en doute l'intégrité de notre raison. Le Livre des Esprits, alors à peu près inconnu à Tours, n'en était encore qu'à sa première ou, tout au plus, à sa deuxième édition, à cette époque, en un mot, il n'avait guère franchi les limites de la capitale. Eh bien, voyez donc quel immense progrès dans l'espace de trois ans ! Aujourd'hui le Spiritisme a pénétré partout, a des adeptes dans tous les rangs de la société ; des réunions, des groupes plus ou moins nombreux s'organisent dans toutes les villes, grandes ou petites, en attendant le tour des villages ; aujourd'hui les ouvrages spirites sont étalés chez tous les libraires, qui ont de la peine à satisfaire aux demandes de leur clientèle, avide de s'initier aux grands mystères des évocations ; aujourd'hui, enfin le Spiritisme vulgarisé, connu de tous à un titre quelconque, n'est plus un épouvantail, un signe de réprobation ou de dédain, et nous pouvons hardiment, sans crainte de passer pour fous, avouer le but de nos réunions ; nous pouvons défier la raillerie et le sarcasme et dire aux persifleurs : « Avant de nous tourner en ridicule, veuillez du moins nous compter, sinon nous peser. »

Quant à l'anathème d'un parti, nous apprécions trop sa faible portée pour nous en inquiéter. Ils disent que nous avons pactisé avec le diable, soit ; mais alors il faut convenir que les diables ne sont pas tous de trop mauvais diables. Notre vrai crime, à leurs yeux, c'est notre prétention, assurément fort légitime, de communiquer avec Dieu et ses saints sans leur intermédiaire obligé. Prouvons-leur que, grâce aux enseignements de ceux qu'ils appellent Démons, nous comprenons la morale sublime de l'Évangile, qui se résume dans l'amour de Dieu et de ses semblables, dans la charité universelle. Embrassons l'humanité tout entière, sans distinction de culte, de race, d'origine, et, à plus forte raison, de famille, de fortune et de condition sociale. Qu'ils sachent bien que notre Dieu, à nous Spirites, n'est pas un tyran cruel et vengeur qui punit un instant d'égarement par des tortures éternelles, mais un père bon et miséricordieux qui veille sur ses enfants égarés avec une sollicitude incessante, et cherche à les rapprocher de lui par une série d'épreuves destinées à les laver de toutes leurs souillures. N'est-il pas écrit : que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion ?

Au surplus, nous nous réservons expressément, ici comme partout, les droits imprescriptibles de la raison qui doit tout dominer, tout juger en dernier ressort. Nous ne disons pas aux récalcitrants, en les conduisant, au pied du bûcher : Crois ou meurs, mais crois si la raison le veut.

Encore un mot pour terminer, messieurs, car je ne voudrais pas abuser de votre attention. L'institution de notre société n'ayant, ne pouvant avoir d'autre but que notre instruction et notre amélioration morale, nous devons écarter avec le plus grand soin de nos séances toute question se rattachant d'une manière directe ou indirecte, soit aux personnes, soit à la politique, soit aux intérêts matériels. Etude de l'homme par rapport à ses destinées futures, tel est notre programme, et nous ne devrons jamais nous en départir. »

Chauvet, docteur médecin.



Ce discours est suivi de la communication ci-après, obtenue spontanément par l'un des médiums de la société :

« Mes amis, le but de votre société est de vous instruire et de ramener l'homme égaré à la lumière depuis si longtemps obscurcie par les ténèbres qui règnent dans ce siècle. Vous ne devez pas regarder cette institution comme venant vous instruire sur des questions de droit ou de science ; elle vient tout simplement vous disposer à entrer dans la nouvelle voie de régénération que vous devez parcourir sans crainte, en mettant votre confiance dans les instructions que vous recevrez. Vous ne devez rien craindre, car Dieu veille sur l'homme qui fait le bien, et ne l'abandonne pas.

Je vous ai entendus discuter à propos d'un article du règlement sur l'admission des personnes étrangères à votre société. Écoutez un peu les conseils d'un ami, ou plutôt d'un frère qui vous parle, non de bouche mais de cœur, non matériellement mais spirituellement ; car, croyez-le, quand je franchis pour venir à vous tous les degrés des Esprits impurs, cet espace à parcourir ne me paraît pas pénible si je vois votre cœur animé des sentiments du bien.

Lorsqu'une personne étrangère demandera à assister à vos séances, avant de l'admettre, faites-la venir en particulier dans votre cabinet, et, dans la conversation, sondez ses sentiments et voyez si elle est instruite dans la nouvelle doctrine. Si vous découvrez en elle le désir du bien et non une simple curiosité ; si elle vient animée d'intentions sérieuses, alors vous pourrez sans crainte l'admettre, mais repoussez quiconque ne viendrait qu'avec la pensée de troubler vos séances et de mépriser vos enseignements. Songez aussi que les espions se glissent partout : Jésus en a bien eu.

Si quelqu'un se présente en se disant Spirite ou médium, ne le recevez pas sans savoir à qui vous avez affaire. Vous n'ignorez pas qu'il existe des médiums pleins de frivolité et d'orgueil, et qui, par cela même, n'attirent que des Esprits légers. On l'a dit souvent : qui se ressemble s'assemble. Un vrai Spirite ne doit avoir d'autre sentiment que le bien et la charité, sans cela il ne peut être assisté par des Esprits sages.

Sans doute la perte d'un médium peut faire un vide parmi vous, mais il ne faut pas croire pour cela que vous n'aurez plus d'instructions de notre part, car nous serons toujours prêts à venir vous assister dans vos travaux autant que Dieu le permettra. Si un bon médium vous est enlevé, c'est que Dieu sans doute le destine à une autre mission, qu'il croit plus utile. Qui sait ce qui l'attend ? Il est de ces choses que l'homme ne peut comprendre, et qu'il lui faut cependant accepter.

La route que vous allez parcourir, mes amis, est rude à gravir, mais, avec l'aide de vos frères, qui sont au-dessus de vous, vous y parviendrez.

Une autre fois, je l'espère, nous vous instruirons sur des questions plus graves. »

Signé : Fénelon.





Variété - Guérison par un Esprit

Nous avons reçu plusieurs lettres qui constatent l'heureuse application que l'on a faite du remède indiqué dans la Revue spirite de novembre 1862, page 335 (voir aussi l'erratum du mois de décembre), et dont la recette a été donnée par un Esprit. Un officier de cavalerie nous a dit que le pharmacien de son régiment a eu soin d'en préparer pour les cas très fréquents des accidents causés par les coups de pieds des chevaux. Nous savons que d'autres pharmaciens ont fait de même dans certaines villes.

A propos de l'origine de ce remède, un de nos abonnés d'Eure-et-Loir nous transmet le fait suivant, qui est à sa connaissance personnelle.


« Autheusel, 6 novembre 1862.

Un homme de peine, nommé Paquine, qui habite une commune des environs, vint me voir il y a un mois, armé de deux béquilles. Etonné de le voir ainsi, je m'enquis de l'accident qui lui était arrivé. Il me répondit que, depuis quelque temps ses jambes étaient enflées prodigieusement et couvertes d'ulcères, et qu'aucun remède n'y faisait. Cet homme est Spirite et quelque peu médium. Je lui dis qu'il fallait s'adresser aux Esprits bons et le faire avec ferveur. Le jour de la Toussaint, je le vis reparaître à la messe avec un simple bâton. Le lendemain il vint me voir et me raconta ce qui suit :

— Monsieur, me dit-il, depuis que vous m'avez recommandé d'employer les bons Esprits pour obtenir ma guérison, je n'ai pas manqué chaque soir et souvent dans la journée de les invoquer et de leur représenter combien mon mal me portait préjudice pour gagner ma vie. Il y avait à peine cinq ou six jours que je priais ainsi lorsqu'une nuit, étant assoupi, je vis un homme tout blanc apparaître au milieu de ma chambre. Il s'avança vers mon dressoir, y prit un pot dans lequel il y avait de la graisse dont je me servais pour tempérer les douleurs que me causaient mes jambes. Il me montra ce pot, puis ayant pris du tabac que je conservais dans un papier, il me le montra également. Ensuite il fut chercher une petite fiole d'extrait de Saturne, puis une bouteille d'essence de térébenthine, et, me montrant le tout, il me fit signe qu'il fallait en faire un mélange ; m'indiqua la dose en en versant devant moi dans le pot ; puis m'ayant fait des signes d'amitié, il disparut. Le lendemain, je fis ce que l'Esprit m'avait prescrit, et de ce moment mes jambes entrèrent dans une excellente voie de guérison. Il ne me reste plus aujourd'hui qu'une enflure au pied qui disparaît petit à petit par l'efficacité de ce remède, et j'espère bientôt être quitte de tout mal.

Voilà, messieurs, un fait qui pourrait presque être classé au nombre des guérisons miraculeuses, je crois qu'il faudrait pousser loin l'esprit de parti pour n'y voir qu'un fait démoniaque.

En examinant la vulgarité et presque toujours la simplicité des remèdes indiqués par les Esprits en général, je me suis demandé si l'on ne pourrait pas en conclure que le remède en lui-même n'est qu'une simple formule, et que c'est l'influence fluidique de l'Esprit qui opère la guérison. Cette question pourrait, je crois, être étudiée.

L. de Tarragon. »

Cette dernière question ne nous paraît pas douteuse, lorsque l'on connaît surtout les propriétés que l'action magnétique peut donner aux substances les plus bénignes, à l'eau par exemple ; or, comme les Esprits magnétisent aussi, ils peuvent certainement donner à certaines substances des propriétés curatives selon les circonstances. Si le Spiritisme nous révèle tout un monde d'êtres pensant et agissant, il nous révèle aussi des forces matérielles inconnues et que la science mettra un jour à profit.


Dissertations spirites - Paix aux hommes de bonne volonté

Poitiers. Réunion préparatoire d'ouvriers spirites ; médium, M. X…

Mes chers amis, la vie est courte ; grand est ce qui la précède, grand est ce qui la suit ; rien n'est que par la volonté de Dieu ; rien n'est, en conséquence, que légitime et de haute justice. Votre misère, lorsqu'elle vous étreint, est un mal mérité, une punition, n'en doutez pas, de vos fautes antérieures. Envisagez-la bravement, et levez les yeux en haut avec résignation : la bénédiction et le soulagement descendront. Vos chagrins, parfois, sont l'épreuve demandée par votre Esprit lui-même, par votre Esprit désireux d'arriver promptement au but final, toujours entrevu à l'état non incarné.

Au moment où le monde s'agite et souffre, où les sociétés, en quête de ce qui est le vrai, se tordent dans un enfantement laborieux, Dieu permet que le Spiritisme, c'est-à-dire un rayon de l'éternelle vérité, descende des hautes régions et vous éclaire. Notre but est de vous montrer la voie, mais de vous laisser votre liberté, c'est-à-dire le mérite et le démérite de vos actions. Écoutez-nous donc, et soyez certains que votre bonheur est pour nous une vive préoccupation. Si vous saviez combien vos mauvaises actions nous affligent ! combien vos efforts vers la loi de Dieu nous remplissent de joie ! Le Seigneur nous a dit : « Serviteurs de mon empire, apôtres dévoués de ma loi, à tous portez ma parole ; à tous expliquez que la vie éternelle sera à ceux qui pratiquent l'Évangile ; à tous les hommes faites entendre que le bien, le beau, le grand, marchepieds de mon éternité, sont renfermés dans ce mot : Amour. » Le Seigneur nous a dit : « Légers Esprits, courez à tous : aux plus malheureux et aux plus heureux ; du roi à l'artisan ; du pharisien à celui que brûle l'ardente foi. » Et nous allons de tous côtés, et nous crions au malheureux : Résignation ; à l'heureux Charité, humilité ; aux rois : Amour des peuples ; à l'artisan : Respect de la loi !

Mes amis, le jour où l'on fera mieux que nous écouter, c'est-à-dire le jour où l'on pratiquera nos préceptes, plus d'égoïsme, plus de jalousie ; partant de là plus de misères, plus de ce luxe qui est le ver rongeur des sociétés et les ébranle ; plus de ces erreurs morales qui troublent les consciences ; plus de révolutions, plus de sang ! plus ce triste préjugé qui a fait croire longtemps aux familles princières que les peuples étaient leur chose et qu'elles étaient d'un autre sang que les peuples, plus rien que le bonheur ! Vos gouvernements seront bons, parce que le gouvernant et le gouverné auront profité du Spiritisme. Les sciences et les arts, portés sur les ailes de la divine charité, s'élèveront à une hauteur dont vous ne vous doutez pas ; votre climat assaini par les travaux agricoles ; vos récoltes devenues plus abondantes ; ces mots si profonds d'égalité et de fraternité enfin interprétés sans que nul songe à dépouiller celui qui possède, réaliseront, je vous l'affirme, les promesses de votre Dieu.

« Paix, a dit son Christ, aux hommes de bonne volonté ! » Vous n'avez pas eu la paix, parce que vous n'avez pas eu la bonne volonté. La bonne volonté, et pour les pauvres et pour les riches, s'appellera charité. Il y a charité morale, comme il y a charité matérielle, et vous ne l'avez pas eue ; et le pauvre a été aussi coupable que le riche !

Entendez-moi bien : Croyez et aimez ! aimez : il sera beaucoup pardonné à celui qui a beaucoup aimé. Croyez : la foi soulève les montagnes. Prudence et douceur dans l'apostolat nouveau : votre meilleure prédication sera le bon exemple. Plaignez les aveugles : ceux qui ne veulent pas regarder la lumière. Plaignez, ne blâmez pas ! Priez, mes amis, et la bénédiction de Dieu sera avec vos âmes. Le flambeau de vie rayonne ; à tous les coins de l'horizon s'allument les phares ; la tempête va secouer et peut-être briser les barques ! Mais le nocher qui, sur la lame furieuse, regardera toujours le phare, abordera au rivage, et le Seigneur lui dira : « Paix aux hommes de bonne volonté ; sois béni, toi qui as aimé ; sois heureux, puisque tu as travaillé au bonheur d'autrui. Mon fils, à chacun selon ses œuvres ! »

F. D.,
ancien magistrat.



Poésie spirite - Le Malade et son Médecin

Conte dédié à M. le rédacteur du Renard, de Bordeaux, par l'Esprit frappeur de Carcassonne.

« C'est à n'y plus tenir, docteur ; c'est par trop fort,

S'écriait l'autre jour un sieur de Rochefort !

Tâtez-moi donc le pouls, docteur, j'en suis malade ;

Le globe tout entier est pris d'une toquade.

Il faut croire que Dieu ne sait plus son métier ;

Il baisse… et je maudis le globe tout entier.

Et d'abord la vapeur… Est-ce ainsi qu'on chemine?

Qu'est devenu le temps de ma douce berline?

Ce temps où, sans danger de nous casser le cou,

Nous partions de Paris vingt pour Sceaux en coucou ?

L'on parle de progrès !… Docteur, c'est ridicule !

Lancée à fond de train, la planète recule ;

Quel horrible chaos !… Un câble, un fil de fer,

De Calais à Pékin babille dans la mer.

Un tailleur sans aiguille a l'audace de coudre ;

De l'eau on fait du feu ; du coton de la poudre ;

Un rapin, pour pinceaux n'ayant qu'un appareil,

Vous vendra des portraits fabriqués au soleil !

Gloire, gloire au passé ! Dans ce siècle frivole

L'égalité rugit ; le peuple a la parole !

D'écrire en plein Bordeaux, Sabò s'est avisé !

Vous le voyez, docteur, tout est bouleversé.

Des jongleurs je saurai découvrir la ficelle ;

J'aviserai, morbleu ! le chef de l'Etincelle ;

C'est là que, sabre en main, un crâne nous défend,

Ce n'est pas tout, docteur, ô scandale ! on prétend

Que, du bon La Fontaine empruntant la formule,

Un vrai mort, un Esprit, nous donne la férule. »

— Ici, de Rochefort cracha, puis il reprit :

« Docteur, de bonne foi, croyez-vous à l'Esprit ?

— Bah ! lui dit le docteur ! faisant le bon apôtre,

L'Esprit ?… je n'y crois pas, très cher… pas même au vôtre. »

Nota. Ce conte, sur le mérite duquel nous laissons juges nos lecteurs, a été obtenu spontanément par la typtologie, commettant d'autres charmantes poésies du même médium, à propos d'un spirituel article de M. Aug. Bez, inséré dans le Renard, qui veut bien ouvrir ses colonnes aux adeptes du Spiritisme. L'Etincelle est un autre journal de Bordeaux, rédigé par M. de Rattier, et qui lance contre le Spiritisme force flammèches dans le but de l'incendier, mais qui, jusqu'à présent, n'a réussi qu'à produire une illumination semblable à celles de ces étincelles des feux d'artifice qui s'éteignent avant d'avoir touché la terre. Quant à M. de Rochefort, il trouvera sans doute cette poésie malsaine.

Souscription rouennaise

Versements faits au bureau de la Revue fpirile, au 27 janvier 1863 :

Société spirite de Paris : 423 fr. — Le prince de Géorgie, 20 fr. ; MM. Aumont, libr., 5 fr.; Courtois, 2 fr.; Dolé, dessina- teur-lith., 5fr.; Roger, 20 fr. ; Yvose, 10 fr.; madame Hilaire, 20 fr. 505 fr. 00

Sociétés et groupes spiritea : de Sens, 60 fr. 05; d'Orléans, 40 fr.; de Marennes, 34 fr. 50; de Saint-Malo, 15fr.—MM. Bodin, (de Cognac), 20 fr.; Borreau (de Niort), 3 fr. ; Bitaubé (de Blaye), 5 fr.; Bourges, lieut. (de Provins), 10 fr. ; Blin, cap. (de Mar seille), 20 fr.; Lausat(deCondom), 5fr.; Viseur (d'Orthez), lOfr.; Saint-Martin, arqueb. (de Maubourguet), 5 fr. ; Petitjean, tail leur, et son ouvrier (de Joinville H.-M.), 7 fr. ; Auzanneau (de Neuvic), 10 fr.; Lafage (de Tarbes), 5 fr. ; Jouffroy (de Gaillon), 6 fr.; Noël (de Bone), 10 fr. ; D... (Guelma), 2 fr. 50; N... (île de Ré), 9 fr. — De Poitiers : M. Barbault de la Motte, anc. magistrat, 100 fr. ; Madame Barbault de la Motte, 100 fr.; M. Frothier, sculpteur, 20 fr. ; M. Bonvalet, ouvrier, 10 fr. — Société Spirite de Montreuil- sur-Mer, 74 fr 497 05

Spirites et colonie française de Barcelone [Espagne] : MM. Henri de Vincio, François Nerici, Ernest Lalaux, Ed. Hardy, Désiré Maigrin, Maurice Lachâtre, mademoiselle Marie Garette, 100 fr. — MM. Achon, Ziegler, Ed. Bettiz, G. Sins, J.-C. Carpentier, Hol- der, Muller, J. Arto, Devenel, 80 fr.; mademoiselle Nérici, 5 fr. ; MM. Rovira, père et fils, 2 fr. 60 c. ; Louis Borel, chapelier, 5 fr. ; Simonnet, batteur d'or, 10 fr. ; mademoiselle Caroline Vignes, 10 fr. ; madame Guizy, 20 fr. ; MM. Guizy, 30 fr. ; E. B., 5 fr.; Emprin, commissionnaire, 10 fr. ; Marius Brunos, bottier, 5 fr. ; Leconte, frères, 25 fr. ; Hardy, père, 6 f.; Flocon, voyageur de commerce, 5 fr. ; Bonsignori, bijoutier, 1 fr.; Louis Pintrau, fon deur, 1 fr. ; Canals et C", nég., 15 fr. ; Cousseau et C", tapissiers, 10 fr.; Tasimez Bion, 1 fr.; Subernie, 1 fr.; Dupont, 2fr.; Paul, frères, fabricants, 50 fr.; Garcerie, nouveautés, lOfr. ; mesdames Curel, modes, 10 fr.; Antoinette Fournols, couturière, 10 fr. ; MM. Emile Cousoles, bandagiste, 5 fr. ; J. Hugon, 10 fr. ; Louis Verdereau, nouveautés, 20 fr. ; Torri, chapelier, 5 fr. ; Joseph Faur, 1 fr. ; A. C , 5 fr.; Gustave Fouquel, 1 fr. ; Lavallée, 5 fr. ; Fournier, 3 fr. 75; J.-J. Maumus, 3 fr. ; Thiébault, 2 fr. . . . 489 35

Total 1491 fr. 40

La souscription reste ouverte.

ALLAN KARDEC.


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