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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1863 > Octobre
Octobre
Depuis un siècle la société était travaillée par les
idées matérialistes, reproduites sous toutes les formes, se traduisant dans la
plupart des œuvres littéraires et artistiques ; l'incrédulité était de
mode, et il était de bon ton d'afficher la négation de tout, même de Dieu. La
vie présente, voilà le positif ; hors cela tout est chimère ou
incertitude ; vivons donc le mieux possible, puis après, advienne que pourra.
Tel était le raisonnement de tous ceux qui prétendaient être au-dessus des
préjugés, et s'appelaient pour cette raison esprits forts ; c'était, il
faut en convenir, celui du plus grand nombre, de ceux mêmes qui donnaient le
mouvement à la société et avaient charge de la conduire, et dont l'exemple
devait nécessairement avoir une grande influence. Le clergé lui-même subissait
cette influence ; la conduite privée ou publique de beaucoup de ses
membres, en complet désaccord avec leurs enseignements et ceux du Christ,
prouvait qu'ils ne croyaient pas à ce qu'ils prêchaient, puisque, s'ils avaient
cru fermement à la vie future et aux châtiments, ils auraient moins négligé les
intérêts du ciel pour ceux de la terre.
On avait donc cherché toutes les bases des institutions humaines dans l'ordre des choses matérielles ; cependant on finit par reconnaître qu'il manquait à ces institutions un point d'appui solide, dès lors que celles qui semblaient le mieux assises s'écroulaient en un jour de tempête ; que les lois répressives masquaient les vices, mais ne rendaient pas les hommes meilleurs. Quel était ce point d'appui ? Là était la question ; mais on cherchait, et quelques-uns finirent par croire que Dieu pourrait bien être pour quelque chose dans l'univers. Puis quelques esprits forts se sont pris à avoir peur, et par ne plus rire de l'avenir que du bout des lèvres, se disant : On prétend que tout finit à la mort ; mais qu'en savent, en définitive, ceux qui l'affirment ? ce n'est, après tout, que leur opinion. Avant Christophe Colomb on croyait aussi qu'il n'y avait rien au delà de l'Océan ; si donc il y avait quelque chose au delà de la tombe ? il serait cependant intéressant de le savoir ; car, s'il y a quelque chose, il faut que nous y passions tous, puisque tous nous mourons ? Comment y est-on ? y est-on bien ? y est-on mal ? La question est importante, et c'est à considérer. Mais si nous survivons, ce n'est pas notre corps assurément ; nous avons donc une âme ? L'âme ne serait donc point une chimère ? Alors cette âme, comment est-elle ? d'où vient-elle ? où va-t-elle ?
De là une vague inquiétude s'est emparée des plus fanfarons vis-à-vis de la mort ; on s'est pris à chercher, à discuter ; puis, reconnaissant que, quoi qu'on fît, on n'était jamais complètement bien sur la terre, qu'on y était parfois très mal, on a jeté ses vues et ses espérances sur l'avenir. Toutes les choses extrêmes ont leur réaction, quand elles ne sont pas dans le vrai ; la vérité seule est immuable. Les idées matérialistes étaient arrivées à leur apogée ; on s'est alors aperçu qu'elles ne donnaient pas ce qu'on en attendait ; qu'elles laissaient le vide dans le cœur ; qu'elles ouvraient un gouffre insondable dont on s'est reculé avec effroi, comme devant un précipice ; de là une aspiration vers l'inconnu, et, par suite, une réaction inévitable vers les idées spiritualistes, comme seule issue possible.
C'est cette réaction qui se manifeste depuis quelques années ; mais l'homme est arrivé à l'un des points culminants de l'intelligence ; or, à cet âge où la faculté de comprendre est adulte, il ne peut plus être conduit comme dans l'enfance ou l'adolescence. Le positivisme de la vie lui a appris à chercher, disons plus, lui a rendu nécessaire le pourquoi et le comment de chaque chose, parce que, dans notre siècle mathématique, on a besoin de se rendre compte de tout, de tout calculer, de tout mesurer, pour savoir où l'on pose le pied. On veut la certitude, sinon matérielle, du moins morale, jusque dans l'abstraction ; il ne suffit pas de dire qu'une chose est bonne ou mauvaise, on veut savoir pourquoi elle est bonne ou mauvaise, et si l'on a tort ou raison de la prescrire ou de la défendre ; voilà pourquoi la foi aveugle n'a plus cours dans notre siècle raisonneur. On ne demande pas mieux que d'avoir la foi, on la désire, on en a soif aujourd'hui, parce qu'elle est un besoin ; mais on veut une foi raisonnée. Discuter sa croyance est une nécessité de l'époque, à laquelle il faut bon gré mal gré se résigner.
Les idées spiritualistes répondent bien aux aspirations générales, on les préfère au scepticisme et à l'idée du néant, parce qu'on sait instinctivement qu'elles sont dans le vrai, mais elles ne satisfont qu'imparfaitement, parce qu'elles laissent encore l'âme dans le vague, et que seules elles sont impuissantes à donner la solution d'une foule de problèmes. Le simple Spiritualiste est dans la position d'un homme qui aperçoit le but, mais qui ne sait encore par quel chemin y arriver, et qui trouve des écueils sur ses pas. Voilà pourquoi dans ces derniers temps un si grand nombre d'écrivains et de philosophes ont tâché de sonder ces mystérieuses arcanes, pourquoi tant de systèmes ont été créés en vue de résoudre les innombrables questions restées insolubles. Que ces systèmes soient rationnels ou absurdes, ils n'en témoignent pas moins des tendances spiritualistes de l'époque, tendances dont on ne fait plus mystère, que l'on ne cherche point à cacher, dont se fait gloire, au contraire, comme jadis on se glorifiait ce son incrédulité. Si tous ces systèmes ne sont pas arrivés à la vérité complète, il est incontestable que plusieurs en ont approché ou l'ont effleurée, et que la discussion qui en a été la suite a préparé la voie en disposant les esprits à cette sorte d'étude.
C'est dans ces circonstances, éminemment favorables, qu'est arrivé le Spiritisme ; plus tôt, il se fût heurté contre le matérialisme tout-puissant ; dans un temps plus reculé, il eût été étouffé par le fanatisme aveugle. Il se présente dans le moment où le fanatisme, tué par l'incrédulité qu'il a lui-même provoquée, ne peut plus lui opposer de barrière sérieuse, et où l'on est fatigué du vide laissé par le matérialisme ; au moment où la réaction spiritualiste, provoquée par les excès mêmes du matérialisme, s'empare de tous les esprits, où l'on est à la recherche des grandes solutions qui intéressent l'avenir de l'humanité. C'est donc à ce moment qu'il vient résoudre ces problèmes, non par des hypothèses, mais par des preuves effectives, en donnant au Spiritualisme le caractère positif qui seul convient à notre époque. On y trouve ce qu'on cherche, et ce qu'on n'a point trouvé ailleurs : voilà, pourquoi on l'accepte si facilement. Des milliers d'organes lui ont frayé et lui frayent encore la voie, en semant partie par partie les idées qu'il professe ; et il ne faut pas croire qu'il n'y ait dans ce cas que les ouvrages sérieux, lus par un petit nombre d'érudits ! Remarquez combien, sous une forme légère, celle du roman ou du feuilleton, les pensées spirites abondent en ce moment : par là elles pénètrent partout, chez ceux même qui y songent le moins ; ce sont autant de germes latents qui écloront quand la grande lumière leur sera venue, car ils se seront familiarisés avec les idées nouvelles.
Un des principes les plus importants du Spiritisme, c'est sans contredit celui de la pluralité des existences corporelles, c'est-à-dire de la réincarnation, que les sceptiques confondent, volontairement ou par ignorance, avec le dogme de la métempsycose. Sans ce principe on se heurte à tant de difficultés insolubles dans l'ordre moral et physiologique, que beaucoup de philosophes modernes y ont été conduits par la force du raisonnement, comme à une loi nécessaire de la nature ; tels sont Charles Fourier, Jean Reynaud, et bien d'autres. Ce principe, discuté aujourd'hui ouvertement par des hommes d'une grande valeur, sans être pour cela Spirites, a une tendance manifeste à s'introduire dans la philosophie moderne ; une fois en possession de cette clef, elle verra s'ouvrir devant elle des horizons nouveaux et les difficultés les plus ardues s'aplanir comme par enchantement ; or elle ne peut manquer d'y arriver ; elle y sera conduite par la force des choses, car la pluralité des existences n'est pas un système, mais une loi de nature qui ressort de l'évidence des faits.
Sans être aussi nettement formulé que dans Fourier et Reynaud, ni érigé en doctrine, le principe de la pluralité des existences se trouve maintenant dans une multitude d'écrivains, et de là dans toutes les bouches ; de sorte qu'on peut dire qu'il est à l'ordre du jour, et tend à prendre rang parmi les croyances vulgaires, quoique, chez beaucoup, il précède la connaissance du Spiritisme ; c'est une conséquence naturelle de la réaction spiritualiste qui s'opère en ce moment, et à laquelle le Spiritisme vient donner une puissante impulsion. Pour les citations, nous n'aurions que l'embarras du choix ; nous nous bornerons au passage suivant d'un des derniers romans de madame George Sand : Mademoiselle de La Quintinie ; œuvre philosophique remarquable, mise à l'index par la cour de Rome, ainsi que la Revue des Deux Mondes, qui l'a publiée dans ses numéros des 1er et 15 mars, avril et mai 1863. Dans ce passage, il s'agit d'un prêtre très coupable amené au repentir, à la réparation et à l'expiation terrestres par les sévères conseils d'un laïque qui lui dit entre autres choses ceci :
« Vous avez passé l'âge des passions, dites-vous !… Non, car vous entrez dans celui des vengeances et des persécutions. Prenez-y garde ! Quel que soit cependant votre sort parmi nous, vous verrez clair un jour au delà de la tombe, et comme je ne crois pas plus aux châtiments sans fin qu'aux épreuves sans fruit, je vous annonce que nous nous retrouverons quelque part où nous nous entendrons mieux et où nous nous aimerons au lieu de nous combattre ; mais pas plus que vous je ne crois à l'impunité du mal et à l'efficacité de l'erreur. Je crois que vous expierez l'endurcissement volontaire de votre cœur par de grands déchirements de cœur dans quelque autre existence. Il ne tiendrait pourtant qu'à vous de rentrer dans la voie directe du bonheur progressif, car je suis certain qu'on peut tout racheter dès cette vie. L'âme humaine est douée de magnifiques puissances de repentir et de réhabilitation. Ceci n'est pas contraire à vos dogmes, et votre mot de contrition dit beaucoup. »
Dans un prochain article nous examinerons l'ouvrage de M. Renan sur la vie de Jésus, et nous montrerons que, malgré les apparences et à l'insu de l'auteur, c'est encore un produit de la réaction spiritualiste. Le matérialisme a beau proclamer le néant, il secoue en vain le cercle de la logique et de la conscience universelle qui l'enserre, ses derniers cris sont étouffés par la voix qui lui crie des quatre coins du monde : « Nous avons une âme immortelle ! » Mais au profit de qui sera la réaction ? C'est ce qu'un avenir qui n'est pas éloigné nous apprendra.
En attendant que nous parlions de l'ouvrage de M. Renan, nous recommandons avec instance à nos lecteurs une petite brochure où la question nous paraît envisagée à un point de vue très rationnel, et qui contient des observations fort judicieuses sur cette question délicate. Elle est intitulée : Réflexions d'un orthodoxe de l'Eglise grecque sur la Vie de Jésus, par M. Renan. (Chez MM. Didier et Ce. Prix, 50 cent.)
On avait donc cherché toutes les bases des institutions humaines dans l'ordre des choses matérielles ; cependant on finit par reconnaître qu'il manquait à ces institutions un point d'appui solide, dès lors que celles qui semblaient le mieux assises s'écroulaient en un jour de tempête ; que les lois répressives masquaient les vices, mais ne rendaient pas les hommes meilleurs. Quel était ce point d'appui ? Là était la question ; mais on cherchait, et quelques-uns finirent par croire que Dieu pourrait bien être pour quelque chose dans l'univers. Puis quelques esprits forts se sont pris à avoir peur, et par ne plus rire de l'avenir que du bout des lèvres, se disant : On prétend que tout finit à la mort ; mais qu'en savent, en définitive, ceux qui l'affirment ? ce n'est, après tout, que leur opinion. Avant Christophe Colomb on croyait aussi qu'il n'y avait rien au delà de l'Océan ; si donc il y avait quelque chose au delà de la tombe ? il serait cependant intéressant de le savoir ; car, s'il y a quelque chose, il faut que nous y passions tous, puisque tous nous mourons ? Comment y est-on ? y est-on bien ? y est-on mal ? La question est importante, et c'est à considérer. Mais si nous survivons, ce n'est pas notre corps assurément ; nous avons donc une âme ? L'âme ne serait donc point une chimère ? Alors cette âme, comment est-elle ? d'où vient-elle ? où va-t-elle ?
De là une vague inquiétude s'est emparée des plus fanfarons vis-à-vis de la mort ; on s'est pris à chercher, à discuter ; puis, reconnaissant que, quoi qu'on fît, on n'était jamais complètement bien sur la terre, qu'on y était parfois très mal, on a jeté ses vues et ses espérances sur l'avenir. Toutes les choses extrêmes ont leur réaction, quand elles ne sont pas dans le vrai ; la vérité seule est immuable. Les idées matérialistes étaient arrivées à leur apogée ; on s'est alors aperçu qu'elles ne donnaient pas ce qu'on en attendait ; qu'elles laissaient le vide dans le cœur ; qu'elles ouvraient un gouffre insondable dont on s'est reculé avec effroi, comme devant un précipice ; de là une aspiration vers l'inconnu, et, par suite, une réaction inévitable vers les idées spiritualistes, comme seule issue possible.
C'est cette réaction qui se manifeste depuis quelques années ; mais l'homme est arrivé à l'un des points culminants de l'intelligence ; or, à cet âge où la faculté de comprendre est adulte, il ne peut plus être conduit comme dans l'enfance ou l'adolescence. Le positivisme de la vie lui a appris à chercher, disons plus, lui a rendu nécessaire le pourquoi et le comment de chaque chose, parce que, dans notre siècle mathématique, on a besoin de se rendre compte de tout, de tout calculer, de tout mesurer, pour savoir où l'on pose le pied. On veut la certitude, sinon matérielle, du moins morale, jusque dans l'abstraction ; il ne suffit pas de dire qu'une chose est bonne ou mauvaise, on veut savoir pourquoi elle est bonne ou mauvaise, et si l'on a tort ou raison de la prescrire ou de la défendre ; voilà pourquoi la foi aveugle n'a plus cours dans notre siècle raisonneur. On ne demande pas mieux que d'avoir la foi, on la désire, on en a soif aujourd'hui, parce qu'elle est un besoin ; mais on veut une foi raisonnée. Discuter sa croyance est une nécessité de l'époque, à laquelle il faut bon gré mal gré se résigner.
Les idées spiritualistes répondent bien aux aspirations générales, on les préfère au scepticisme et à l'idée du néant, parce qu'on sait instinctivement qu'elles sont dans le vrai, mais elles ne satisfont qu'imparfaitement, parce qu'elles laissent encore l'âme dans le vague, et que seules elles sont impuissantes à donner la solution d'une foule de problèmes. Le simple Spiritualiste est dans la position d'un homme qui aperçoit le but, mais qui ne sait encore par quel chemin y arriver, et qui trouve des écueils sur ses pas. Voilà pourquoi dans ces derniers temps un si grand nombre d'écrivains et de philosophes ont tâché de sonder ces mystérieuses arcanes, pourquoi tant de systèmes ont été créés en vue de résoudre les innombrables questions restées insolubles. Que ces systèmes soient rationnels ou absurdes, ils n'en témoignent pas moins des tendances spiritualistes de l'époque, tendances dont on ne fait plus mystère, que l'on ne cherche point à cacher, dont se fait gloire, au contraire, comme jadis on se glorifiait ce son incrédulité. Si tous ces systèmes ne sont pas arrivés à la vérité complète, il est incontestable que plusieurs en ont approché ou l'ont effleurée, et que la discussion qui en a été la suite a préparé la voie en disposant les esprits à cette sorte d'étude.
C'est dans ces circonstances, éminemment favorables, qu'est arrivé le Spiritisme ; plus tôt, il se fût heurté contre le matérialisme tout-puissant ; dans un temps plus reculé, il eût été étouffé par le fanatisme aveugle. Il se présente dans le moment où le fanatisme, tué par l'incrédulité qu'il a lui-même provoquée, ne peut plus lui opposer de barrière sérieuse, et où l'on est fatigué du vide laissé par le matérialisme ; au moment où la réaction spiritualiste, provoquée par les excès mêmes du matérialisme, s'empare de tous les esprits, où l'on est à la recherche des grandes solutions qui intéressent l'avenir de l'humanité. C'est donc à ce moment qu'il vient résoudre ces problèmes, non par des hypothèses, mais par des preuves effectives, en donnant au Spiritualisme le caractère positif qui seul convient à notre époque. On y trouve ce qu'on cherche, et ce qu'on n'a point trouvé ailleurs : voilà, pourquoi on l'accepte si facilement. Des milliers d'organes lui ont frayé et lui frayent encore la voie, en semant partie par partie les idées qu'il professe ; et il ne faut pas croire qu'il n'y ait dans ce cas que les ouvrages sérieux, lus par un petit nombre d'érudits ! Remarquez combien, sous une forme légère, celle du roman ou du feuilleton, les pensées spirites abondent en ce moment : par là elles pénètrent partout, chez ceux même qui y songent le moins ; ce sont autant de germes latents qui écloront quand la grande lumière leur sera venue, car ils se seront familiarisés avec les idées nouvelles.
Un des principes les plus importants du Spiritisme, c'est sans contredit celui de la pluralité des existences corporelles, c'est-à-dire de la réincarnation, que les sceptiques confondent, volontairement ou par ignorance, avec le dogme de la métempsycose. Sans ce principe on se heurte à tant de difficultés insolubles dans l'ordre moral et physiologique, que beaucoup de philosophes modernes y ont été conduits par la force du raisonnement, comme à une loi nécessaire de la nature ; tels sont Charles Fourier, Jean Reynaud, et bien d'autres. Ce principe, discuté aujourd'hui ouvertement par des hommes d'une grande valeur, sans être pour cela Spirites, a une tendance manifeste à s'introduire dans la philosophie moderne ; une fois en possession de cette clef, elle verra s'ouvrir devant elle des horizons nouveaux et les difficultés les plus ardues s'aplanir comme par enchantement ; or elle ne peut manquer d'y arriver ; elle y sera conduite par la force des choses, car la pluralité des existences n'est pas un système, mais une loi de nature qui ressort de l'évidence des faits.
Sans être aussi nettement formulé que dans Fourier et Reynaud, ni érigé en doctrine, le principe de la pluralité des existences se trouve maintenant dans une multitude d'écrivains, et de là dans toutes les bouches ; de sorte qu'on peut dire qu'il est à l'ordre du jour, et tend à prendre rang parmi les croyances vulgaires, quoique, chez beaucoup, il précède la connaissance du Spiritisme ; c'est une conséquence naturelle de la réaction spiritualiste qui s'opère en ce moment, et à laquelle le Spiritisme vient donner une puissante impulsion. Pour les citations, nous n'aurions que l'embarras du choix ; nous nous bornerons au passage suivant d'un des derniers romans de madame George Sand : Mademoiselle de La Quintinie ; œuvre philosophique remarquable, mise à l'index par la cour de Rome, ainsi que la Revue des Deux Mondes, qui l'a publiée dans ses numéros des 1er et 15 mars, avril et mai 1863. Dans ce passage, il s'agit d'un prêtre très coupable amené au repentir, à la réparation et à l'expiation terrestres par les sévères conseils d'un laïque qui lui dit entre autres choses ceci :
« Vous avez passé l'âge des passions, dites-vous !… Non, car vous entrez dans celui des vengeances et des persécutions. Prenez-y garde ! Quel que soit cependant votre sort parmi nous, vous verrez clair un jour au delà de la tombe, et comme je ne crois pas plus aux châtiments sans fin qu'aux épreuves sans fruit, je vous annonce que nous nous retrouverons quelque part où nous nous entendrons mieux et où nous nous aimerons au lieu de nous combattre ; mais pas plus que vous je ne crois à l'impunité du mal et à l'efficacité de l'erreur. Je crois que vous expierez l'endurcissement volontaire de votre cœur par de grands déchirements de cœur dans quelque autre existence. Il ne tiendrait pourtant qu'à vous de rentrer dans la voie directe du bonheur progressif, car je suis certain qu'on peut tout racheter dès cette vie. L'âme humaine est douée de magnifiques puissances de repentir et de réhabilitation. Ceci n'est pas contraire à vos dogmes, et votre mot de contrition dit beaucoup. »
Dans un prochain article nous examinerons l'ouvrage de M. Renan sur la vie de Jésus, et nous montrerons que, malgré les apparences et à l'insu de l'auteur, c'est encore un produit de la réaction spiritualiste. Le matérialisme a beau proclamer le néant, il secoue en vain le cercle de la logique et de la conscience universelle qui l'enserre, ses derniers cris sont étouffés par la voix qui lui crie des quatre coins du monde : « Nous avons une âme immortelle ! » Mais au profit de qui sera la réaction ? C'est ce qu'un avenir qui n'est pas éloigné nous apprendra.
En attendant que nous parlions de l'ouvrage de M. Renan, nous recommandons avec instance à nos lecteurs une petite brochure où la question nous paraît envisagée à un point de vue très rationnel, et qui contient des observations fort judicieuses sur cette question délicate. Elle est intitulée : Réflexions d'un orthodoxe de l'Eglise grecque sur la Vie de Jésus, par M. Renan. (Chez MM. Didier et Ce. Prix, 50 cent.)
Un de nos frères en Spiritisme, membre de la Société
de Paris, M. Costeau, vient de mourir ; il a été inhumé le 12
septembre 1863 au cimetière de Montmartre. C'était un homme de cœur que le
Spiritisme a ramené à Dieu ; sa foi en l'avenir était complète, sincère et
profonde ; c'était un simple ouvrier paveur pratiquant la charité en
pensées, en paroles et en actions, selon ses faibles ressources, car il
trouvait encore moyen d'assister ceux qui avaient moins que lui.
On serait dans l'erreur si l'on se figurait la Société de Paris comme une réunion exclusivement aristocratique, car elle compte plus d'un prolétaire dans son sein ; elle accueille tous les dévouements à la cause qu'elle soutient, qu'ils viennent du haut ou du bas de l'échelle sociale ; le grand seigneur et l'artisan s'y donnent fraternellement la main. Il y a quelque temps, au mariage d'un de nos collègues, modeste travailleur aussi, assistaient un haut dignitaire étranger et la princesse sa femme, tous les deux membres de la Société, qui n'avaient pas cru déroger en venant s'asseoir côte à côte avec les autres assistants, quoique le luxe de la cérémonie, célébrée à une chapelle obscure d'une opulente paroisse, fût réduit à sa plus simple expression. C'est que le Spiritisme, sans rêver une égalité chimérique, sans confondre les rangs, sans prétendre faire passer tous les hommes sous un même niveau social impossible, les fait apprécier à un tout autre point de vue que le prisme fascinateur du monde ; il apprend que le petit peut avoir été grand sur la terre, que le grand peut devenir petit, et que dans le royaume céleste les rangs terrestres ne sont comptés pour rien. C'est ainsi qu'en détruisant logiquement les préjugés sociaux de castes et de couleur, il conduit à la véritable fraternité.
Notre frère Costeau était pauvre ; il laisse une veuve dans le besoin, aussi a-t-il été mis dans la fosse commune, porte qui conduit au ciel tout aussi bien que le somptueux mausolée. M. d'Ambel, vice-président, et M. Canu, secrétaire de la Société, ont conduit le deuil ; ils ont l'un et l'autre prononcé sur la tombe des paroles qui ont fait une vive impression sur l'auditoire et sur les fossoyeurs eux-mêmes, visiblement émus, quoique blasés sur ces sortes de cérémonies. Voici l'allocution de M. Canu :
« Cher frère Costeau, il y a quelques années à peine, beaucoup d'entre nous, et, je le confesse, moi tout le premier, n'aurions vu devant cette tombe ouverte que la fin des misères humaines, et, après, le néant, l'affreux néant ! C’est-à-dire point d'âme pour mériter ou expier, et conséquemment point de Dieu pour récompenser, châtier ou pardonner. Aujourd'hui, grâce à notre divine doctrine, nous y voyons la fin des épreuves, et pour vous, cher frère, dont nous rendons à la terre la dépouille mortelle, le triomphe de vos labeurs et le commencement des récompenses que vous ont méritées votre courage, votre résignation, votre charité, en un mot vos vertus, et, par-dessus tout, la glorification d'un Dieu sage, tout-puissant, juste et bon. Portez donc, cher frère, nos actions de grâces aux pieds de l'Eternel, qui a bien voulu dissiper autour de nous les ténèbres de l'erreur et de l'incrédulité, car il y a peu de temps encore, nous vous aurions dit en cette circonstance, le front morne et le découragement au cœur : « Adieu, ami, pour toujours. » Aujourd'hui nous vous disons, le front haut et rayonnant d'espérance, le cœur plein de courage et d'amour : « Cher frère, au revoir, et priez pour nous. »
Allocution de M. d'Ambel :
« Mesdames, messieurs, et vous, chers collègues de la Société de Paris, c'est la seconde fois que nous conduisons un de nos collègues à sa dernière demeure. Celui à qui nous venons dire adieu fut un de ces obscurs lutteurs que les traverses de la vie ont toujours trouvé inébranlable ; cependant la certitude absolue lui avait longtemps manqué ; aussi, dès que le Spiritisme lui fut connu, il s'empressa d'embrasser une doctrine qui lui apportait la vérité, et dont les enseignements sont si propres à consoler de leurs épreuves les affligés de ce monde. Modeste travailleur, il a toujours accompli sa tâche avec la sérénité du juste, et l'adversité qui a frappé si cruellement, et à notre insu, les derniers jours de sa vie, lui a ouvert, soyez-en convaincus, vous tous qui m'écoutez, une prochaine carrière de prospérité et de bonheur.
Ah ! combien je regrette que notre maître vénéré ne soit pas à Paris : sa voix autorisée eût été bien plus agréable que la mienne au frère que nous avons perdu, et lui eût rendu un hommage plus considérable que mon obscurité ne peut lui rendre. J'aurais désiré donner au convoi de notre collègue une plus grande solennité, mais j'ai été prévenu trop tard pour en faire part à tous les membres de la Société présents à Paris ; mais si peu que nous soyons ici, nous représentons la grande famille spirite, qu'une foi commune en l'avenir unit d'un bout du monde à l'autre ; nous sommes les délégués de plusieurs millions d'adeptes, au nom desquels nous venons vous prier, cher et regretté collègue, de vouloir bien contribuer désormais, dans la limite de vos nouvelles facultés, à la propagande de notre grande doctrine, qui, au milieu de vos dernières et cruelles épreuves, vous a si énergiquement soutenu. Ah ! comme l'a dit si éloquemment notre cher président Allan Kardec au convoi de notre frère Sanson, c'est que la foi spirite donne, dans ces moments suprêmes, une force dont seul peut se rendre compte celui qui la possède, et, cette foi, M. Costeau la possédait au plus haut degré.
Cher monsieur Costeau, vous savez combien la Société spirite de Paris vous portait un vif intérêt ; elle regrettera toujours en vous un de ses membres les plus assidus, et c'est en son nom, au nom de son président, au nom de votre femme et de votre sœur désolées, que je viens vous dire, comme notre ami, M. Canu, non point adieu, mais au revoir dans un monde plus heureux. Puissiez-vous jouir dans celui où vous êtes maintenant du bonheur que vous méritez, et venir nous tendre la main, quand notre tour viendra d'y entrer.
Chers Esprits de MM. Jobard et Sanson, accueillez, je vous prie, notre collègue Costeau, et facilitez-lui l'accès de vos sereines régions ; chers Esprits, priez pour lui, priez pour nous. Ainsi soit-il.
Après cette allocution, M. d'Ambel a prononcé textuellement la prière pour ceux qui viennent de mourir, et qui a été dite sur la tombe de M. Sanson (Revue spirite, mai 1862, page 137). »
M. Vézy, un des médiums de la Société, dont le nom est connu de nos lecteurs par les belles communications de saint Augustin, est alors descendu dans la fosse, et M. d'Ambel a fait à haute voix l'évocation de M. Costeau, qui a donné, par M. Vézy, la communication suivante, dont tous les assistants, y compris les fossoyeurs, ont écouté la lecture tête nue et avec une profonde émotion. C'était, en effet, un spectacle nouveau et saisissant d'entendre les paroles d'un mort recueillies au sein même de la tombe.
« Merci, amis, merci ; ma tombe n'est pas encore fermée, et pourtant, une seconde de plus et la terre va recouvrir mes restes. Mais, vous le savez, sous cette poussière, mon âme ne sera pas enfouie, elle va planer dans l'espace pour monter à Dieu !
Aussi, qu'il est consolant de pouvoir se dire encore, malgré l'enveloppe brisée : Oh ! non, je ne suis point mort ! je vis de la vraie vie, de la vie éternelle !
Le convoi du pauvre n'est point suivi d'un grand nombre ; d'orgueilleuses manifestations n'ont pas lieu sur sa tombe, et pourtant, amis, croyez-moi, la foule immense ne manque point ici, et de bons Esprits ont suivi avec vous et avec ces femmes pieuses le corps de celui qui est là, couché ! Tous, au moins, vous croyez, et vous aimez le bon Dieu !
Oh ! certes non ! nous ne mourons point parce que notre corps se brise, femme bien-aimée ! et désormais je serai toujours près de toi, pour te consoler et t'aider à supporter l'épreuve. Elle sera rude pour toi, la vie ; mais, avec l'idée de l'éternité et de l'amour de Dieu plein ton cœur, comme les souffrances te seront légères !
Parents qui entourez ma bien-aimée compagne, aimez-la, respectez-la ; soyez pour elle des frères et des sœurs. N'oubliez pas que vous vous devez tous assistance sur la terre, si vous voulez entrer dans le séjour du Seigneur.
Et vous, Spirites ! frères, amis, merci d'être venus me dire adieu jusqu'à cette demeure de poussière et de boue ; mais vous savez, vous, vous savez bien que mon âme vit immortelle, et qu'elle ira quelquefois vous demander des prières, qui ne me seront point refusées, pour m'aider à marcher dans cette voie magnifique que vous m'avez ouverte pendant ma vie.
Adieu tous, qui êtes ici, nous pourrons nous revoir ailleurs que sur cette tombe. Les âmes m'appellent à leur rendez-vous. Adieu ! priez pour celles qui souffrent. Au revoir.
Costeau. »
Après les dernières formalités funèbres accomplies, ces messieurs ont été, dans le même cimetière, faire une visite spirite à la tombe de Georges, cet éminent Esprit qui a donné, par l'entremise de madame Costel, les belles communications que nos lecteurs ont souvent admirées. M. Georges, de son vivant, était le beau-frère de M. d'Ambel. Là ils ont, par l'intermédiaire de M. Vézy, recueilli les paroles suivantes :
« Quoique nous ne vivions point ici, (au lieu d'inhumation), nous aimons pourtant y venir vous remercier des prières que vous venez y adresser pour nous, et des quelques fleurs que vous répandez sur nos tombes.
Qu'on a bien fait de créer ces lieux de repos et de prière ! les âmes peuvent se parler plus à l'aise, et se disent mieux, dans ces élans intimes, les sentiments qui les animent : l'une près d'un tombeau, l'autre planant au-dessus !
Vous venez de dire adieu à l'un de vos amis ; je vous remercie de ne point m'avoir oublié. J'étais avec vous dans cette foule d'Esprits qui se pressaient vers la tombe qui vient de s'ouvrir, et j'étais heureux de lire dans vos cœurs votre conviction et votre foi. J'ai mêlé mes prières à vos prières, et les Esprits bienheureux les ont montées vers Dieu !
La foi spirite, mes bons amis, fera le tour du monde et finira par rendre sages les fous ; elle pénètrera même au cœur de ces prêtres que vous avez vus tout à l'heure sourire, et qui vous ont causé une véritable douleur… (allusion à la manière dont s'est accomplie la cérémonie religieuse). Leur scandale a fait saigner vos cœurs, mais vous avez surmonté votre indignation en pensant au bien que vous alliez vous-mêmes répandre sur l'âme de votre ami. Elle est là, près de moi, et me prie de vous remercier en son nom.
On vous l'a déjà dit, la tombe, c'est la vie. Venez quelquefois, souvent, à l'ombre du saule, au pied de la croix mortuaire ; au milieu du silence, du calme, vous entendrez une harmonie divine, vous entendrez, au milieu des brises, les concerts de nos âmes chanter Dieu… l'éternité… puis quelques-uns de nous se détacheront des chœurs sacrés pour venir vous instruire sur vos destinées. Ce qui, jusqu'à ce jour, est resté mystère pour vous, se dévoilera peu à peu à vos regards, et vous pourrez comprendre et votre commencement et vos grandeurs futures.
Prenez donc rendez-vous ici, vous qui voulez devenir sages ; vous y lirez les pages de l'éternité, et le livre de la vie sera toujours ouvert pour vous. Dans ce lieu de calme et de paix la voix de l'Esprit semble mieux se faire entendre à celui qu'elle veut instruire ; elle prend des proportions magiques et sonores, et ses accents pénètrent davantage celui sur qui elle veut agir.
Travaillez avec zèle et ferveur à la propagande de l'idée nouvelle, je vous y aiderai sans cesse, et si la tranquillité de la tombe en effraye quelques-uns, qu'ils sachent que les bons Esprits sont heureux d'instruire partout.
Adieu et merci ! Que je voudrais pouvoir communiquer au monde entier la foi dont vous êtes remplis ! mais, en vérité, je vous le dis, le Spiritisme est le levier avec lequel Archimède soulèvera le monde !
Quelques mots à vous, mon frère, particulièrement, puisque l'occasion s'en présente. Dites à ma sœur de toujours aimer les devoirs imposés par Dieu, si lourds que soient ces devoirs ; dites-lui d'aimer notre mère et de me remplacer auprès d'elle ; dites-lui de veiller sur ma fille, de sourire au ciel et de trouver des parfums dans chaque fleur de la terre… A vous, mon frère, je serre les deux mains.
Georges. »
Il ressort de là un double enseignement. On pourrait s'étonner qu'un Esprit aussi voisin de l'époque de la mort ait pu s'exprimer avec autant de lucidité, mais on doit se rappeler que M. Sanson a été évoqué dans la chambre mortuaire avant la levée du corps, et qu'il a donné, à ce moment, la belle communication qu'on a pu voir dans la Revue. Son trouble n'avait duré que quelques heures, et l'on sait d'ailleurs que le dégagement est prompt chez les Esprits avancés moralement.
D'un autre côté, pourquoi M. Vézy est-il descendu dans la fosse ? Y avait-il utilité ou était-ce une simple mise en scène ? Ecartons d'abord ce dernier motif, car les Spirites sérieux agissent sérieusement et religieusement, et ne font point de parade ; dans un pareil moment, c'eût été une profanation. L'utilité, assurément, n'était pas absolue ; il faut y voir un témoignage plus spécial de sympathie, en raison même de ce que le défunt était dans la fosse commune. On sait d'ailleurs que l'accès de ces fosses est plus facile que celui des fosses particulières, dont l'entrée est étroite, et M. Vézy s'y trouvait plus commodément pour écrire.
Cela pouvait avoir cependant sa raison d'être, à un autre point de vue qui, probablement, n'est pas venu à la pensée de M. Vézy. On sait que l'évocation facilite le dégagement de l'Esprit, et peut abréger la durée du trouble. On sait également que les liens qui unissent l'Esprit au corps ne sont pas toujours entièrement brisés aussitôt après la mort. En voici un remarquable exemple :
Un jeune homme avait péri accidentellement d'une manière très malheureuse. Sa vie avait été celle de beaucoup de jeunes gens riches, désœuvrés, c'est-à-dire très matérielle. Il se communiqua spontanément à un médium de notre connaissance, qui l'avait connu de son vivant, demandant à ce qu'on allât l'évoquer et prier sur sa tombe pour aider à rompre les liens qui le retenaient à son corps, dont il ne pouvait parvenir à se débarrasser. Il doit évidemment y avoir dans ce cas une action magnétique facilitée par la proximité du corps, et là est peut-être une des causes qui portent instinctivement les amis des défunts à aller prier au lieu où leur corps repose.
On serait dans l'erreur si l'on se figurait la Société de Paris comme une réunion exclusivement aristocratique, car elle compte plus d'un prolétaire dans son sein ; elle accueille tous les dévouements à la cause qu'elle soutient, qu'ils viennent du haut ou du bas de l'échelle sociale ; le grand seigneur et l'artisan s'y donnent fraternellement la main. Il y a quelque temps, au mariage d'un de nos collègues, modeste travailleur aussi, assistaient un haut dignitaire étranger et la princesse sa femme, tous les deux membres de la Société, qui n'avaient pas cru déroger en venant s'asseoir côte à côte avec les autres assistants, quoique le luxe de la cérémonie, célébrée à une chapelle obscure d'une opulente paroisse, fût réduit à sa plus simple expression. C'est que le Spiritisme, sans rêver une égalité chimérique, sans confondre les rangs, sans prétendre faire passer tous les hommes sous un même niveau social impossible, les fait apprécier à un tout autre point de vue que le prisme fascinateur du monde ; il apprend que le petit peut avoir été grand sur la terre, que le grand peut devenir petit, et que dans le royaume céleste les rangs terrestres ne sont comptés pour rien. C'est ainsi qu'en détruisant logiquement les préjugés sociaux de castes et de couleur, il conduit à la véritable fraternité.
Notre frère Costeau était pauvre ; il laisse une veuve dans le besoin, aussi a-t-il été mis dans la fosse commune, porte qui conduit au ciel tout aussi bien que le somptueux mausolée. M. d'Ambel, vice-président, et M. Canu, secrétaire de la Société, ont conduit le deuil ; ils ont l'un et l'autre prononcé sur la tombe des paroles qui ont fait une vive impression sur l'auditoire et sur les fossoyeurs eux-mêmes, visiblement émus, quoique blasés sur ces sortes de cérémonies. Voici l'allocution de M. Canu :
« Cher frère Costeau, il y a quelques années à peine, beaucoup d'entre nous, et, je le confesse, moi tout le premier, n'aurions vu devant cette tombe ouverte que la fin des misères humaines, et, après, le néant, l'affreux néant ! C’est-à-dire point d'âme pour mériter ou expier, et conséquemment point de Dieu pour récompenser, châtier ou pardonner. Aujourd'hui, grâce à notre divine doctrine, nous y voyons la fin des épreuves, et pour vous, cher frère, dont nous rendons à la terre la dépouille mortelle, le triomphe de vos labeurs et le commencement des récompenses que vous ont méritées votre courage, votre résignation, votre charité, en un mot vos vertus, et, par-dessus tout, la glorification d'un Dieu sage, tout-puissant, juste et bon. Portez donc, cher frère, nos actions de grâces aux pieds de l'Eternel, qui a bien voulu dissiper autour de nous les ténèbres de l'erreur et de l'incrédulité, car il y a peu de temps encore, nous vous aurions dit en cette circonstance, le front morne et le découragement au cœur : « Adieu, ami, pour toujours. » Aujourd'hui nous vous disons, le front haut et rayonnant d'espérance, le cœur plein de courage et d'amour : « Cher frère, au revoir, et priez pour nous. »
Allocution de M. d'Ambel :
« Mesdames, messieurs, et vous, chers collègues de la Société de Paris, c'est la seconde fois que nous conduisons un de nos collègues à sa dernière demeure. Celui à qui nous venons dire adieu fut un de ces obscurs lutteurs que les traverses de la vie ont toujours trouvé inébranlable ; cependant la certitude absolue lui avait longtemps manqué ; aussi, dès que le Spiritisme lui fut connu, il s'empressa d'embrasser une doctrine qui lui apportait la vérité, et dont les enseignements sont si propres à consoler de leurs épreuves les affligés de ce monde. Modeste travailleur, il a toujours accompli sa tâche avec la sérénité du juste, et l'adversité qui a frappé si cruellement, et à notre insu, les derniers jours de sa vie, lui a ouvert, soyez-en convaincus, vous tous qui m'écoutez, une prochaine carrière de prospérité et de bonheur.
Ah ! combien je regrette que notre maître vénéré ne soit pas à Paris : sa voix autorisée eût été bien plus agréable que la mienne au frère que nous avons perdu, et lui eût rendu un hommage plus considérable que mon obscurité ne peut lui rendre. J'aurais désiré donner au convoi de notre collègue une plus grande solennité, mais j'ai été prévenu trop tard pour en faire part à tous les membres de la Société présents à Paris ; mais si peu que nous soyons ici, nous représentons la grande famille spirite, qu'une foi commune en l'avenir unit d'un bout du monde à l'autre ; nous sommes les délégués de plusieurs millions d'adeptes, au nom desquels nous venons vous prier, cher et regretté collègue, de vouloir bien contribuer désormais, dans la limite de vos nouvelles facultés, à la propagande de notre grande doctrine, qui, au milieu de vos dernières et cruelles épreuves, vous a si énergiquement soutenu. Ah ! comme l'a dit si éloquemment notre cher président Allan Kardec au convoi de notre frère Sanson, c'est que la foi spirite donne, dans ces moments suprêmes, une force dont seul peut se rendre compte celui qui la possède, et, cette foi, M. Costeau la possédait au plus haut degré.
Cher monsieur Costeau, vous savez combien la Société spirite de Paris vous portait un vif intérêt ; elle regrettera toujours en vous un de ses membres les plus assidus, et c'est en son nom, au nom de son président, au nom de votre femme et de votre sœur désolées, que je viens vous dire, comme notre ami, M. Canu, non point adieu, mais au revoir dans un monde plus heureux. Puissiez-vous jouir dans celui où vous êtes maintenant du bonheur que vous méritez, et venir nous tendre la main, quand notre tour viendra d'y entrer.
Chers Esprits de MM. Jobard et Sanson, accueillez, je vous prie, notre collègue Costeau, et facilitez-lui l'accès de vos sereines régions ; chers Esprits, priez pour lui, priez pour nous. Ainsi soit-il.
Après cette allocution, M. d'Ambel a prononcé textuellement la prière pour ceux qui viennent de mourir, et qui a été dite sur la tombe de M. Sanson (Revue spirite, mai 1862, page 137). »
M. Vézy, un des médiums de la Société, dont le nom est connu de nos lecteurs par les belles communications de saint Augustin, est alors descendu dans la fosse, et M. d'Ambel a fait à haute voix l'évocation de M. Costeau, qui a donné, par M. Vézy, la communication suivante, dont tous les assistants, y compris les fossoyeurs, ont écouté la lecture tête nue et avec une profonde émotion. C'était, en effet, un spectacle nouveau et saisissant d'entendre les paroles d'un mort recueillies au sein même de la tombe.
« Merci, amis, merci ; ma tombe n'est pas encore fermée, et pourtant, une seconde de plus et la terre va recouvrir mes restes. Mais, vous le savez, sous cette poussière, mon âme ne sera pas enfouie, elle va planer dans l'espace pour monter à Dieu !
Aussi, qu'il est consolant de pouvoir se dire encore, malgré l'enveloppe brisée : Oh ! non, je ne suis point mort ! je vis de la vraie vie, de la vie éternelle !
Le convoi du pauvre n'est point suivi d'un grand nombre ; d'orgueilleuses manifestations n'ont pas lieu sur sa tombe, et pourtant, amis, croyez-moi, la foule immense ne manque point ici, et de bons Esprits ont suivi avec vous et avec ces femmes pieuses le corps de celui qui est là, couché ! Tous, au moins, vous croyez, et vous aimez le bon Dieu !
Oh ! certes non ! nous ne mourons point parce que notre corps se brise, femme bien-aimée ! et désormais je serai toujours près de toi, pour te consoler et t'aider à supporter l'épreuve. Elle sera rude pour toi, la vie ; mais, avec l'idée de l'éternité et de l'amour de Dieu plein ton cœur, comme les souffrances te seront légères !
Parents qui entourez ma bien-aimée compagne, aimez-la, respectez-la ; soyez pour elle des frères et des sœurs. N'oubliez pas que vous vous devez tous assistance sur la terre, si vous voulez entrer dans le séjour du Seigneur.
Et vous, Spirites ! frères, amis, merci d'être venus me dire adieu jusqu'à cette demeure de poussière et de boue ; mais vous savez, vous, vous savez bien que mon âme vit immortelle, et qu'elle ira quelquefois vous demander des prières, qui ne me seront point refusées, pour m'aider à marcher dans cette voie magnifique que vous m'avez ouverte pendant ma vie.
Adieu tous, qui êtes ici, nous pourrons nous revoir ailleurs que sur cette tombe. Les âmes m'appellent à leur rendez-vous. Adieu ! priez pour celles qui souffrent. Au revoir.
Costeau. »
Après les dernières formalités funèbres accomplies, ces messieurs ont été, dans le même cimetière, faire une visite spirite à la tombe de Georges, cet éminent Esprit qui a donné, par l'entremise de madame Costel, les belles communications que nos lecteurs ont souvent admirées. M. Georges, de son vivant, était le beau-frère de M. d'Ambel. Là ils ont, par l'intermédiaire de M. Vézy, recueilli les paroles suivantes :
« Quoique nous ne vivions point ici, (au lieu d'inhumation), nous aimons pourtant y venir vous remercier des prières que vous venez y adresser pour nous, et des quelques fleurs que vous répandez sur nos tombes.
Qu'on a bien fait de créer ces lieux de repos et de prière ! les âmes peuvent se parler plus à l'aise, et se disent mieux, dans ces élans intimes, les sentiments qui les animent : l'une près d'un tombeau, l'autre planant au-dessus !
Vous venez de dire adieu à l'un de vos amis ; je vous remercie de ne point m'avoir oublié. J'étais avec vous dans cette foule d'Esprits qui se pressaient vers la tombe qui vient de s'ouvrir, et j'étais heureux de lire dans vos cœurs votre conviction et votre foi. J'ai mêlé mes prières à vos prières, et les Esprits bienheureux les ont montées vers Dieu !
La foi spirite, mes bons amis, fera le tour du monde et finira par rendre sages les fous ; elle pénètrera même au cœur de ces prêtres que vous avez vus tout à l'heure sourire, et qui vous ont causé une véritable douleur… (allusion à la manière dont s'est accomplie la cérémonie religieuse). Leur scandale a fait saigner vos cœurs, mais vous avez surmonté votre indignation en pensant au bien que vous alliez vous-mêmes répandre sur l'âme de votre ami. Elle est là, près de moi, et me prie de vous remercier en son nom.
On vous l'a déjà dit, la tombe, c'est la vie. Venez quelquefois, souvent, à l'ombre du saule, au pied de la croix mortuaire ; au milieu du silence, du calme, vous entendrez une harmonie divine, vous entendrez, au milieu des brises, les concerts de nos âmes chanter Dieu… l'éternité… puis quelques-uns de nous se détacheront des chœurs sacrés pour venir vous instruire sur vos destinées. Ce qui, jusqu'à ce jour, est resté mystère pour vous, se dévoilera peu à peu à vos regards, et vous pourrez comprendre et votre commencement et vos grandeurs futures.
Prenez donc rendez-vous ici, vous qui voulez devenir sages ; vous y lirez les pages de l'éternité, et le livre de la vie sera toujours ouvert pour vous. Dans ce lieu de calme et de paix la voix de l'Esprit semble mieux se faire entendre à celui qu'elle veut instruire ; elle prend des proportions magiques et sonores, et ses accents pénètrent davantage celui sur qui elle veut agir.
Travaillez avec zèle et ferveur à la propagande de l'idée nouvelle, je vous y aiderai sans cesse, et si la tranquillité de la tombe en effraye quelques-uns, qu'ils sachent que les bons Esprits sont heureux d'instruire partout.
Adieu et merci ! Que je voudrais pouvoir communiquer au monde entier la foi dont vous êtes remplis ! mais, en vérité, je vous le dis, le Spiritisme est le levier avec lequel Archimède soulèvera le monde !
Quelques mots à vous, mon frère, particulièrement, puisque l'occasion s'en présente. Dites à ma sœur de toujours aimer les devoirs imposés par Dieu, si lourds que soient ces devoirs ; dites-lui d'aimer notre mère et de me remplacer auprès d'elle ; dites-lui de veiller sur ma fille, de sourire au ciel et de trouver des parfums dans chaque fleur de la terre… A vous, mon frère, je serre les deux mains.
Georges. »
Il ressort de là un double enseignement. On pourrait s'étonner qu'un Esprit aussi voisin de l'époque de la mort ait pu s'exprimer avec autant de lucidité, mais on doit se rappeler que M. Sanson a été évoqué dans la chambre mortuaire avant la levée du corps, et qu'il a donné, à ce moment, la belle communication qu'on a pu voir dans la Revue. Son trouble n'avait duré que quelques heures, et l'on sait d'ailleurs que le dégagement est prompt chez les Esprits avancés moralement.
D'un autre côté, pourquoi M. Vézy est-il descendu dans la fosse ? Y avait-il utilité ou était-ce une simple mise en scène ? Ecartons d'abord ce dernier motif, car les Spirites sérieux agissent sérieusement et religieusement, et ne font point de parade ; dans un pareil moment, c'eût été une profanation. L'utilité, assurément, n'était pas absolue ; il faut y voir un témoignage plus spécial de sympathie, en raison même de ce que le défunt était dans la fosse commune. On sait d'ailleurs que l'accès de ces fosses est plus facile que celui des fosses particulières, dont l'entrée est étroite, et M. Vézy s'y trouvait plus commodément pour écrire.
Cela pouvait avoir cependant sa raison d'être, à un autre point de vue qui, probablement, n'est pas venu à la pensée de M. Vézy. On sait que l'évocation facilite le dégagement de l'Esprit, et peut abréger la durée du trouble. On sait également que les liens qui unissent l'Esprit au corps ne sont pas toujours entièrement brisés aussitôt après la mort. En voici un remarquable exemple :
Un jeune homme avait péri accidentellement d'une manière très malheureuse. Sa vie avait été celle de beaucoup de jeunes gens riches, désœuvrés, c'est-à-dire très matérielle. Il se communiqua spontanément à un médium de notre connaissance, qui l'avait connu de son vivant, demandant à ce qu'on allât l'évoquer et prier sur sa tombe pour aider à rompre les liens qui le retenaient à son corps, dont il ne pouvait parvenir à se débarrasser. Il doit évidemment y avoir dans ce cas une action magnétique facilitée par la proximité du corps, et là est peut-être une des causes qui portent instinctivement les amis des défunts à aller prier au lieu où leur corps repose.
Nous avons déjà parlé de la maison de retraite fondée
à Cempuis, près Grandvilliers, dans le département de l'Oise, par M. Prévost,
membre de la Société spirite de Paris. Cette construction est aujourd'hui
terminée ainsi que les installations intérieures. Attenant à l'établissement,
quoique formant un corps de bâtiment isolé, est une chapelle de style gothique
et d'un aspect monumental. L'inauguration de cette chapelle a eu lieu le
dimanche 19 juillet dernier, jour de Saint-Vincent de Paul, à qui elle est
dédiée, par une cérémonie toute de charité, c'est-à-dire par une distribution
de pain, de vin et de viande aux pauvres de la paroisse. M. Prévost a
prononcé à ce sujet le discours suivant, que nous sommes heureux de pouvoir
reproduire :
« Messieurs,
Le but de cette réunion vous est connu ; je ne m'étendrai donc pas sur des détails sans utilité, et qui ne vous apprendraient rien que vous ne sachiez déjà. L'œuvre matérielle est aujourd'hui à peu près accomplie, grâce à la protection évidente du Tout-Puissant, qui a daigné seconder mes efforts. Nous sommes ici en famille, tous, je n'en doute pas, animés des mêmes sentiments pour sa divine bonté ; unissons-nous donc dans un commun élan de gratitude ; prions-le de nous continuer son assistance et de nous donner les lumières qui nous manquent.
Dieu du ciel et de la terre, souverain maître de toutes choses, aie pitié de notre faiblesse ; élève nos cœurs vers toi, afin que nous apprenions à remplir nos devoirs selon ta volonté, et pour que toutes nos actions soient en rapport avec ta loi universelle. Seigneur, fais que notre âme soit remplie de ton amour ; qu'elle se passionne du feu sacré de la conviction, et qu'elle prouve sa foi par des actes d'une véritable charité. Toutes paroles, quelque bonnes qu'elles soient, si elles ne sont suivies des effets de la bienveillance envers tes créatures, ressemblent à un bel arbre qui ne rapporte pas de fruits.
Aide-nous donc, Puissance infinie, à surmonter les obstacles qui pourraient s'élever sur nos pas, et entraver notre désir de nous rendre utiles dans la mission pour laquelle tu nous as choisis ; donne-nous la force nécessaire pour l'accomplir avec amour et sincérité.
Les bons secours donnés à la vieillesse te sont agréables, mon Dieu, parce qu'ils sont un acte de justice ; elle nous a précédés dans la voie ; le sillon qu'elle a tracé a été arrosé de ses sueurs, et nous en recueillons les fruits ; aujourd'hui son expérience est un champ déjà moissonné, mais où nous trouvons encore à glaner ; il est donc juste que nous la dédommagions de ses sacrifices en lui assurant le repos après le travail. C'est un devoir pour nous, car nous voudrions qu'on le remplît envers nous-mêmes ; mais pour l'accomplir dignement il nous faut ton assistance, car nous avons conscience de notre faiblesse.
C'est aussi en ton nom, Seigneur, que l'orphelin trouvera ici une nouvelle famille ; l'enfant abandonné grandira chez nous à la douce chaleur du feu divin dont tu as favorisé saint Vincent de Paul, que nous prions de nous assister, afin que nous puissions accomplir cet acte à son exemple.
Esprit infini, tout est en toi, tout est par toi, rien n'est hors de toi ; les châtiments, comme les récompenses, nous viennent de ta main bénie ; tu connais nos besoins, nous sommes tes enfants, et nous nous en remettons à ta divine Providence.
Les bons Esprits qui président sous ton regard paternel aux destinées de la terre, les anges gardiens des hommes, ont mérité ta confiance, Seigneur ; nous espérons que, par toi, ils nous aideront à conserver intact le sublime code moral promulgué par le Christ, ton fils bien-aimé. - Aimez Dieu, nous dit-il du haut de la croix, depuis dix-huit siècles ; aimez-vous les uns les autres ; aimez votre prochain comme vous-mêmes ; pratiquez la charité envers tous et en toutes choses. Voilà sa loi, Seigneur, et cette loi est la tienne ; puisse-t-elle se graver dans nos cœurs, et nous faire voir des frères dans tous nos semblables, qui comme nous sont tes enfants. Ainsi soit-il.
Mes amis, mes frères, suivons ce grand exemple, et ayons une foi sincère en Dieu ; il nous aidera à supporter les suites de la mauvaise direction que l'oubli de ces devoirs a imprimée à la société, dans des temps déjà loin de nous. Aujourd'hui beaucoup de choses rentrent dans l'ordre prescrit par le Créateur ; malgré l'égoïsme qui domine encore chez un grand nombre, l'amour fraternel se comprend mieux ; les préjugés de castes, de sectes et de nationalités s'effacent peu à peu ; la tolérance, une des filles de la charité évangélique, fait peu à peu disparaître ces antagonismes qui ont si longtemps divisé les enfants d'un même Dieu ; les sentiments d'humanité s'infiltrent dans le cœur des masses et ont déjà réalisé de grandes choses sur divers points de la terre. En France, de nombreuses fabriques restées sans ouvrage ont éprouvé naguère les doux effets de cet amour du prochain. Cet élan pour la souffrance parle bien haut en faveur de notre pays ; il faut y voir la main de Dieu. C'est avec joie que nous voyons la première nation du monde civilisé porter jusque sur les plages les plus lointaines les fruits de cet amour de l'humanité qui seul donne la véritable grandeur, et qu'elle a puisé au centre rayonnant de la croix, aidée par la lumière du progrès qui oblige l'homme à être meilleur envers son semblable et à le devenir lui-même.
« J'espère, mes amis, avec le concours des hommes instruits et bienveillants, former ultérieurement une bibliothèque morale et instructive annexée à cet établissement, où chacun pourra puiser les moyens de s'améliorer autant sous le rapport de l'esprit que sous celui du cœur.
Je vous remercie bien sincèrement, vous tous qui êtes venus à mon appel offrir en commun des actions de grâce à la Divinité, en reconnaissance de l'inspiration qu'elle a donnée de la fondation de l'établissement.
A partir de ce jour, 19 juillet 1863, cette chapelle, dédiée à saint Vincent de Paul, dont elle retrace sur ses vitraux la douce et immortelle image, lui est publiquement consacrée par son fondateur, qui veut que désormais elle soit considérée comme un lieu saint, un lieu de prière. Dieu doit y être adoré, et devant le symbole de son amour pour les hommes, devant cette vénérable et grande figure de l'apôtre de la charité chrétienne, on devra se pénétrer que l'amour du prochain doit être pratiqué par des actes, qu'il doit être dans le cœur et non sur les lèvres.
Avant de nous séparer, nous allons répéter l'Oraison dominicale.
Notre Père, qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne nous laissez point succomber à la tentation, mais préservez-nous du mal. Ainsi soit-il. »
M. Prévost a bien voulu, à cette occasion, nous remettre personnellement une somme de 200 fr. pour des œuvres de bienfaisance, et dont l'emploi n'était malheureusement pas difficile à trouver.
La Société spirite de Paris, au sujet du discours ci-dessus, a voté à l'unanimité et par acclamation la lettre suivante qui lui a été adressée :
« Monsieur et très cher collègue,
La Société spirite de Paris, dont vous faites partie, a entendu avec le plus vif intérêt la lecture du discours que vous avez prononcé pour l'inauguration de la chapelle de la maison de retraite que vous avez fondée dans votre propriété de Cempuis. Ce discours est l'expression des nobles sentiments qui vous animent ; il est digne de celui qui fait un si bon usage de la fortune acquise par son travail, et qui n'attend pas, pour en faire profiter les malheureux, que la mort la lui ait rendue inutile, car c'est de votre vivant que vous vous imposez des privations pour faire leur part plus large. La Société s'honore de compter parmi ses membres un adepte qui fait une application aussi chrétienne des principes de la doctrine spirite ; elle a décidé à l'unanimité de vous transmettre officiellement l'expression de sa vive et fraternelle sympathie pour l'œuvre d'humanité que vous avez entreprise, et pour votre personne en particulier.
Recevez, etc., »
La fortune de M. Prévost est entièrement le fruit de ses œuvres, et il n'en a que plus de mérite ; après avoir subi le contre-coup des révolutions qui la lui ont fait perdre, il l'a réédifiée par son courage et sa persévérance. Aujourd'hui que l'âge du repos est arrivé, qu'il pourrait se donner largement le luxe et les jouissances de la vie, il se contente du strict nécessaire, et, à l'encontre de beaucoup d'autres, il n'attend pas, pour faire part de son superflu à ses frères en Jésus-Christ, de n'avoir plus besoin de rien. Aussi sa récompense sera belle, et il en goûte les prémices par le plaisir que procure le bien que l'on fait.
M. Prévost a pourtant un grand tort aux yeux de certaines personnes : c'est d'être Spirite, de professer la doctrine du démon. Son discours cependant n'est pas celui d'un athée, tant s'en faut, ni même d'un déiste, c'est celui d'un chrétien ; sa modération même est une preuve de charité, car il s'est abstenu de médire de son prochain, ni même de faire aucune allusion à ceux qui mettaient à leur concours des conditions que sa conscience ne lui permettait pas d'accepter.
« Messieurs,
Le but de cette réunion vous est connu ; je ne m'étendrai donc pas sur des détails sans utilité, et qui ne vous apprendraient rien que vous ne sachiez déjà. L'œuvre matérielle est aujourd'hui à peu près accomplie, grâce à la protection évidente du Tout-Puissant, qui a daigné seconder mes efforts. Nous sommes ici en famille, tous, je n'en doute pas, animés des mêmes sentiments pour sa divine bonté ; unissons-nous donc dans un commun élan de gratitude ; prions-le de nous continuer son assistance et de nous donner les lumières qui nous manquent.
Dieu du ciel et de la terre, souverain maître de toutes choses, aie pitié de notre faiblesse ; élève nos cœurs vers toi, afin que nous apprenions à remplir nos devoirs selon ta volonté, et pour que toutes nos actions soient en rapport avec ta loi universelle. Seigneur, fais que notre âme soit remplie de ton amour ; qu'elle se passionne du feu sacré de la conviction, et qu'elle prouve sa foi par des actes d'une véritable charité. Toutes paroles, quelque bonnes qu'elles soient, si elles ne sont suivies des effets de la bienveillance envers tes créatures, ressemblent à un bel arbre qui ne rapporte pas de fruits.
Aide-nous donc, Puissance infinie, à surmonter les obstacles qui pourraient s'élever sur nos pas, et entraver notre désir de nous rendre utiles dans la mission pour laquelle tu nous as choisis ; donne-nous la force nécessaire pour l'accomplir avec amour et sincérité.
Les bons secours donnés à la vieillesse te sont agréables, mon Dieu, parce qu'ils sont un acte de justice ; elle nous a précédés dans la voie ; le sillon qu'elle a tracé a été arrosé de ses sueurs, et nous en recueillons les fruits ; aujourd'hui son expérience est un champ déjà moissonné, mais où nous trouvons encore à glaner ; il est donc juste que nous la dédommagions de ses sacrifices en lui assurant le repos après le travail. C'est un devoir pour nous, car nous voudrions qu'on le remplît envers nous-mêmes ; mais pour l'accomplir dignement il nous faut ton assistance, car nous avons conscience de notre faiblesse.
C'est aussi en ton nom, Seigneur, que l'orphelin trouvera ici une nouvelle famille ; l'enfant abandonné grandira chez nous à la douce chaleur du feu divin dont tu as favorisé saint Vincent de Paul, que nous prions de nous assister, afin que nous puissions accomplir cet acte à son exemple.
Esprit infini, tout est en toi, tout est par toi, rien n'est hors de toi ; les châtiments, comme les récompenses, nous viennent de ta main bénie ; tu connais nos besoins, nous sommes tes enfants, et nous nous en remettons à ta divine Providence.
Les bons Esprits qui président sous ton regard paternel aux destinées de la terre, les anges gardiens des hommes, ont mérité ta confiance, Seigneur ; nous espérons que, par toi, ils nous aideront à conserver intact le sublime code moral promulgué par le Christ, ton fils bien-aimé. - Aimez Dieu, nous dit-il du haut de la croix, depuis dix-huit siècles ; aimez-vous les uns les autres ; aimez votre prochain comme vous-mêmes ; pratiquez la charité envers tous et en toutes choses. Voilà sa loi, Seigneur, et cette loi est la tienne ; puisse-t-elle se graver dans nos cœurs, et nous faire voir des frères dans tous nos semblables, qui comme nous sont tes enfants. Ainsi soit-il.
Mes amis, mes frères, suivons ce grand exemple, et ayons une foi sincère en Dieu ; il nous aidera à supporter les suites de la mauvaise direction que l'oubli de ces devoirs a imprimée à la société, dans des temps déjà loin de nous. Aujourd'hui beaucoup de choses rentrent dans l'ordre prescrit par le Créateur ; malgré l'égoïsme qui domine encore chez un grand nombre, l'amour fraternel se comprend mieux ; les préjugés de castes, de sectes et de nationalités s'effacent peu à peu ; la tolérance, une des filles de la charité évangélique, fait peu à peu disparaître ces antagonismes qui ont si longtemps divisé les enfants d'un même Dieu ; les sentiments d'humanité s'infiltrent dans le cœur des masses et ont déjà réalisé de grandes choses sur divers points de la terre. En France, de nombreuses fabriques restées sans ouvrage ont éprouvé naguère les doux effets de cet amour du prochain. Cet élan pour la souffrance parle bien haut en faveur de notre pays ; il faut y voir la main de Dieu. C'est avec joie que nous voyons la première nation du monde civilisé porter jusque sur les plages les plus lointaines les fruits de cet amour de l'humanité qui seul donne la véritable grandeur, et qu'elle a puisé au centre rayonnant de la croix, aidée par la lumière du progrès qui oblige l'homme à être meilleur envers son semblable et à le devenir lui-même.
« J'espère, mes amis, avec le concours des hommes instruits et bienveillants, former ultérieurement une bibliothèque morale et instructive annexée à cet établissement, où chacun pourra puiser les moyens de s'améliorer autant sous le rapport de l'esprit que sous celui du cœur.
Je vous remercie bien sincèrement, vous tous qui êtes venus à mon appel offrir en commun des actions de grâce à la Divinité, en reconnaissance de l'inspiration qu'elle a donnée de la fondation de l'établissement.
A partir de ce jour, 19 juillet 1863, cette chapelle, dédiée à saint Vincent de Paul, dont elle retrace sur ses vitraux la douce et immortelle image, lui est publiquement consacrée par son fondateur, qui veut que désormais elle soit considérée comme un lieu saint, un lieu de prière. Dieu doit y être adoré, et devant le symbole de son amour pour les hommes, devant cette vénérable et grande figure de l'apôtre de la charité chrétienne, on devra se pénétrer que l'amour du prochain doit être pratiqué par des actes, qu'il doit être dans le cœur et non sur les lèvres.
Avant de nous séparer, nous allons répéter l'Oraison dominicale.
Notre Père, qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne nous laissez point succomber à la tentation, mais préservez-nous du mal. Ainsi soit-il. »
M. Prévost a bien voulu, à cette occasion, nous remettre personnellement une somme de 200 fr. pour des œuvres de bienfaisance, et dont l'emploi n'était malheureusement pas difficile à trouver.
La Société spirite de Paris, au sujet du discours ci-dessus, a voté à l'unanimité et par acclamation la lettre suivante qui lui a été adressée :
« Monsieur et très cher collègue,
La Société spirite de Paris, dont vous faites partie, a entendu avec le plus vif intérêt la lecture du discours que vous avez prononcé pour l'inauguration de la chapelle de la maison de retraite que vous avez fondée dans votre propriété de Cempuis. Ce discours est l'expression des nobles sentiments qui vous animent ; il est digne de celui qui fait un si bon usage de la fortune acquise par son travail, et qui n'attend pas, pour en faire profiter les malheureux, que la mort la lui ait rendue inutile, car c'est de votre vivant que vous vous imposez des privations pour faire leur part plus large. La Société s'honore de compter parmi ses membres un adepte qui fait une application aussi chrétienne des principes de la doctrine spirite ; elle a décidé à l'unanimité de vous transmettre officiellement l'expression de sa vive et fraternelle sympathie pour l'œuvre d'humanité que vous avez entreprise, et pour votre personne en particulier.
Recevez, etc., »
La fortune de M. Prévost est entièrement le fruit de ses œuvres, et il n'en a que plus de mérite ; après avoir subi le contre-coup des révolutions qui la lui ont fait perdre, il l'a réédifiée par son courage et sa persévérance. Aujourd'hui que l'âge du repos est arrivé, qu'il pourrait se donner largement le luxe et les jouissances de la vie, il se contente du strict nécessaire, et, à l'encontre de beaucoup d'autres, il n'attend pas, pour faire part de son superflu à ses frères en Jésus-Christ, de n'avoir plus besoin de rien. Aussi sa récompense sera belle, et il en goûte les prémices par le plaisir que procure le bien que l'on fait.
M. Prévost a pourtant un grand tort aux yeux de certaines personnes : c'est d'être Spirite, de professer la doctrine du démon. Son discours cependant n'est pas celui d'un athée, tant s'en faut, ni même d'un déiste, c'est celui d'un chrétien ; sa modération même est une preuve de charité, car il s'est abstenu de médire de son prochain, ni même de faire aucune allusion à ceux qui mettaient à leur concours des conditions que sa conscience ne lui permettait pas d'accepter.
Le fait suivant est rapporté par la Patrie du mois
d'avril dernier :
« Le propriétaire d'une maison de la rue du Cherche-Midi avait permis avant-hier à un locataire de déménager sans l'avoir soldé, moyennant cependant une reconnaissance de sa dette ; mais, pendant qu'on chargeait les meubles, le propriétaire se ravisa et voulut être payé avant le départ du mobilier. Le locataire se désespérait, sa femme pleurait, et deux enfants en bas âge imitaient leur mère. Un monsieur, décoré de la Légion d'honneur, passait en ce moment dans la rue ; il s'arrêta. Touché de ce désolant spectacle, il s'approcha du malheureux débiteur, et, s'étant informé de la somme due pour le loyer, il lui remit deux billets de banque et disparut, suivi par les bénédictions de cette famille qu'il sauvait du désespoir. »
L'Opinion du Midi, journal de Nîmes, relatait au mois de juillet un autre trait du même genre :
« Il vient de se passer un fait aussi étrange par le mystère avec lequel il s'est accompli que touchant par son but et par la délicatesse du procédé de la personne qui en est l'auteur.
Nous avons rapporté, il y a trois jours, qu'un violent incendie avait consumé presque entièrement la boutique et les ateliers du sieur Marteau, menuisier à Nîmes. Nous avons raconté la douleur de ce malheureux homme en présence d'un sinistre qui consommait sa ruine, car l'assurance mobilière qu'il avait souscrite était infiniment au-dessous de la valeur des marchandises détruites.
Nous apprenons qu'aujourd'hui trois charrettes contenant des bois de diverses sortes et qualités et des instruments de travail ont été conduites devant la maison du sieur Marteau, et déchargées dans ses ateliers à demi dévorés par les flammes.
L'individu chargé de la conduite de ces charrettes a répondu aux interpellations dont il était l'objet en alléguant l'ignorance où il était, relativement au nom du donateur dont il exécutait la volonté. Il a prétendu ne pas connaître la personne qui lui avait donné commission de conduire les bois et les outils chez Marteau, et ne rien savoir en dehors de cette commission. Il s'est retiré après avoir vidé complètement ses trois voitures.
La joie et le bonheur ont remplacé chez Marteau l'abattement dont il était impossible de le tirer depuis le jour de l'incendie.
Que le généreux inconnu qui est si noblement venu au secours d'une infortune qui, sans lui, eût peut-être été irréparable, reçoive ici les remerciements et les bénédictions d'une famille qui lui doit dès aujourd'hui la plus douce des consolations et qui bientôt peut-être lui devra sa prospérité. »
Le cœur est rasséréné en lisant de pareils faits qui viennent de temps en temps faire la contre-partie des récits de crimes et de turpitudes que les journaux étalent dans leurs colonnes. Des traits comme ceux relatés ci-dessus prouvent que la vertu n'est pas entièrement bannie de la terre, comme le pensent certains pessimistes. Sans doute le mal y domine encore, mais, quand on cherche dans l'ombre, on trouve que, sous la mauvaise herbe, il y a plus de violettes, c'est-à-dire plus de bonnes âmes qu'on ne croit. Si elles paraissent si clairsemées, c'est que la vraie vertu ne se met pas en évidence, parce qu'elle est humble ; elle se contente des jouissances du cœur et de l'approbation de sa conscience, tandis que le vice s'étale effrontément au grand jour ; il fait du bruit, parce qu'il est orgueilleux. L'orgueil et l'humilité sont les deux pôles du cœur humain : l'un attire tout le bien, et l'autre tout le mal ; l'un a le calme, et l'autre la tempête ; la conscience est la boussole qui indique la route conduisant à chacun des deux.
Le bienfaiteur anonyme, de même que celui qui n'attend pas après sa mort pour donner à ceux qui n'ont pas, est sans contredit le type de l'homme de bien par excellence ; c'est la vertu modeste personnifiée, celle qui ne cherche point les applaudissements des hommes. Faire le bien sans ostentation est un signe incontestable d'une grande, supériorité morale, car il faut une foi vive en Dieu et en l'avenir, il faut faire abstraction de la vie présente et s'identifier avec la vie future pour attendre l'approbation de Dieu, et renoncer à la satisfaction que procure le témoignage actuel des hommes. L'obligé bénit en son cœur la main généreuse inconnue qui l'a secouru, et cette bénédiction monte au ciel plus que les applaudissements de la foule. Celui qui prise le suffrage des hommes plus que celui de Dieu prouve qu'il a plus de foi dans les hommes qu'en Dieu, et que la vie présente est plus pour lui que la vie future ; s'il dit le contraire, il agit comme s'il ne croyait pas ce qu'il dit. Combien y en a-t-il qui n'obligent qu'avec l'espoir que l'obligé ira crier le bienfait sur les toits ; qui, au grand jour, donneraient une grosse somme, et dans l'ombre ne donneraient pas une pièce de monnaie ! C'est pourquoi Jésus a dit : « Ceux qui font le bien avec ostentation ont déjà reçu leur récompense. » En effet, à celui qui cherche sa glorification sur la terre, Dieu ne doit rien ; il ne lui reste à recevoir que le prix de son orgueil.
Quel rapport cela a-t-il avec le Spiritisme ? diront peut-être certains critiques ; que ne racontez-vous des faits plus amusants que cette morale endormante ! (Jugement de la morale spirite, par M. Figuier, IVe vol., page 369.) Cela a du rapport, en ce sens que le Spiritisme donnant une foi inébranlable en la bonté de Dieu et en la vie future, grâce à lui, les hommes faisant le bien pour le bien seront un jour moins clair-semés qu'ils ne le sont aujourd'hui ; que les journaux auront à enregistrer moins de crimes et de suicides et plus d'actes de la nature de ceux qui ont donné lieu à ces réflexions.
« Le propriétaire d'une maison de la rue du Cherche-Midi avait permis avant-hier à un locataire de déménager sans l'avoir soldé, moyennant cependant une reconnaissance de sa dette ; mais, pendant qu'on chargeait les meubles, le propriétaire se ravisa et voulut être payé avant le départ du mobilier. Le locataire se désespérait, sa femme pleurait, et deux enfants en bas âge imitaient leur mère. Un monsieur, décoré de la Légion d'honneur, passait en ce moment dans la rue ; il s'arrêta. Touché de ce désolant spectacle, il s'approcha du malheureux débiteur, et, s'étant informé de la somme due pour le loyer, il lui remit deux billets de banque et disparut, suivi par les bénédictions de cette famille qu'il sauvait du désespoir. »
L'Opinion du Midi, journal de Nîmes, relatait au mois de juillet un autre trait du même genre :
« Il vient de se passer un fait aussi étrange par le mystère avec lequel il s'est accompli que touchant par son but et par la délicatesse du procédé de la personne qui en est l'auteur.
Nous avons rapporté, il y a trois jours, qu'un violent incendie avait consumé presque entièrement la boutique et les ateliers du sieur Marteau, menuisier à Nîmes. Nous avons raconté la douleur de ce malheureux homme en présence d'un sinistre qui consommait sa ruine, car l'assurance mobilière qu'il avait souscrite était infiniment au-dessous de la valeur des marchandises détruites.
Nous apprenons qu'aujourd'hui trois charrettes contenant des bois de diverses sortes et qualités et des instruments de travail ont été conduites devant la maison du sieur Marteau, et déchargées dans ses ateliers à demi dévorés par les flammes.
L'individu chargé de la conduite de ces charrettes a répondu aux interpellations dont il était l'objet en alléguant l'ignorance où il était, relativement au nom du donateur dont il exécutait la volonté. Il a prétendu ne pas connaître la personne qui lui avait donné commission de conduire les bois et les outils chez Marteau, et ne rien savoir en dehors de cette commission. Il s'est retiré après avoir vidé complètement ses trois voitures.
La joie et le bonheur ont remplacé chez Marteau l'abattement dont il était impossible de le tirer depuis le jour de l'incendie.
Que le généreux inconnu qui est si noblement venu au secours d'une infortune qui, sans lui, eût peut-être été irréparable, reçoive ici les remerciements et les bénédictions d'une famille qui lui doit dès aujourd'hui la plus douce des consolations et qui bientôt peut-être lui devra sa prospérité. »
Le cœur est rasséréné en lisant de pareils faits qui viennent de temps en temps faire la contre-partie des récits de crimes et de turpitudes que les journaux étalent dans leurs colonnes. Des traits comme ceux relatés ci-dessus prouvent que la vertu n'est pas entièrement bannie de la terre, comme le pensent certains pessimistes. Sans doute le mal y domine encore, mais, quand on cherche dans l'ombre, on trouve que, sous la mauvaise herbe, il y a plus de violettes, c'est-à-dire plus de bonnes âmes qu'on ne croit. Si elles paraissent si clairsemées, c'est que la vraie vertu ne se met pas en évidence, parce qu'elle est humble ; elle se contente des jouissances du cœur et de l'approbation de sa conscience, tandis que le vice s'étale effrontément au grand jour ; il fait du bruit, parce qu'il est orgueilleux. L'orgueil et l'humilité sont les deux pôles du cœur humain : l'un attire tout le bien, et l'autre tout le mal ; l'un a le calme, et l'autre la tempête ; la conscience est la boussole qui indique la route conduisant à chacun des deux.
Le bienfaiteur anonyme, de même que celui qui n'attend pas après sa mort pour donner à ceux qui n'ont pas, est sans contredit le type de l'homme de bien par excellence ; c'est la vertu modeste personnifiée, celle qui ne cherche point les applaudissements des hommes. Faire le bien sans ostentation est un signe incontestable d'une grande, supériorité morale, car il faut une foi vive en Dieu et en l'avenir, il faut faire abstraction de la vie présente et s'identifier avec la vie future pour attendre l'approbation de Dieu, et renoncer à la satisfaction que procure le témoignage actuel des hommes. L'obligé bénit en son cœur la main généreuse inconnue qui l'a secouru, et cette bénédiction monte au ciel plus que les applaudissements de la foule. Celui qui prise le suffrage des hommes plus que celui de Dieu prouve qu'il a plus de foi dans les hommes qu'en Dieu, et que la vie présente est plus pour lui que la vie future ; s'il dit le contraire, il agit comme s'il ne croyait pas ce qu'il dit. Combien y en a-t-il qui n'obligent qu'avec l'espoir que l'obligé ira crier le bienfait sur les toits ; qui, au grand jour, donneraient une grosse somme, et dans l'ombre ne donneraient pas une pièce de monnaie ! C'est pourquoi Jésus a dit : « Ceux qui font le bien avec ostentation ont déjà reçu leur récompense. » En effet, à celui qui cherche sa glorification sur la terre, Dieu ne doit rien ; il ne lui reste à recevoir que le prix de son orgueil.
Quel rapport cela a-t-il avec le Spiritisme ? diront peut-être certains critiques ; que ne racontez-vous des faits plus amusants que cette morale endormante ! (Jugement de la morale spirite, par M. Figuier, IVe vol., page 369.) Cela a du rapport, en ce sens que le Spiritisme donnant une foi inébranlable en la bonté de Dieu et en la vie future, grâce à lui, les hommes faisant le bien pour le bien seront un jour moins clair-semés qu'ils ne le sont aujourd'hui ; que les journaux auront à enregistrer moins de crimes et de suicides et plus d'actes de la nature de ceux qui ont donné lieu à ces réflexions.
Certaines personnes se figurent que les Esprits ne
viennent qu'à l'appel qui en est fait ; c'est une erreur que ne partagent
pas ceux qui connaissent le Spiritisme, car ils savent que maintes fois ils se
présentent spontanément, sans être appelés, ce qui nous a fait dire que si on
interdit d'appeler les Esprits, on ne peut les empêcher de venir. Mais,
dira-t-on, ils viennent parce que vous pratiquez la médiumnité, et que vous en
appelez d'autres ; si vous vous absteniez, ils ne viendraient pas. C'est
encore là une grave erreur, et les faits sont là pour prouver combien de fois
des Esprits se sont manifestés par la vue, l'audition, ou de toute autre
manière, à des personnes qui n'avaient jamais entendu parler du Spiritisme. Ce
n'est donc pas contre les médiums qu'il aurait fallu lancer un mandement
d'interdiction, main bien contre les Esprits, pour leur faire la défense de se
communiquer, même par la permission de Dieu.
Ces communications spontanées ont un intérêt bien plus saisissant quand ce sont des Esprits que l'on n'attend ni ne connaît, et dont plus tard on peut vérifier l'identité. Nous en avons cité un exemple remarquable dans l'histoire de Simon Louvet, rapportée dans la Revue de mars 1863, page 87 ; voici un autre fait non moins instructif obtenu par un médium de notre connaissance.
Un Esprit se présente sous le nom de François Franckowski, et dicte ce qui suit :
« L'amour de Dieu est le sentiment qui résume tous les amours, toutes les abnégations. L'amour de la patrie est un rayon de ce sublime sentiment. O mon pauvre pays ! ô malheureuse Pologne ! que de malheurs sont venus fondre sur toi ! que les crimes de ceux qui se croient civilisés sont affreux, et que les malheureux qui veulent entraver la liberté seront châtiés ! O Dieu ! jette un regard sur ce malheureux pays, et fais grâce à ceux qui, tout entiers à la vengeance, ne pensent pas que tu les puniras au delà de leur vie. La Pologne est une terre bénie, car elle engendre de grands dévouements, et aucun de ses enfants n'est lâche. Dieu aime ceux qui s'oublient pour le bien de tous. C'est en récompense du dévouement des Polonais qu'il fera grâce, et que leur joug sera brisé. Je suis mort victime de nos oppresseurs, que tous les nôtres ont en exécration. J'étais jeune, j'avais vingt-quatre ans ; ma pauvre mère est mourante de douleur d'avoir perdu tout ce qu'elle aimait en ce monde : son fils. Je vous en prie, priez pour elle, pour qu'elle oublie et qu'elle pardonne à mon bourreau, car sans ce pardon elle serait à jamais séparée de moi… Pauvre mère ! je l'ai revue seulement le matin de ma mort, et c'était si affreux de se sentir séparés !… Dieu a eu pitié de moi, et je ne la quitte pas depuis que j'ai pu secouer le reste de vitalité qui attachait mon Esprit à mon corps… Je viens à vous, parce que je sais que vous prierez pour elle ; elle si bonne, si résignée ordinairement, et si révoltée contre Dieu depuis que je ne suis plus là !… Il faut qu'elle pardonne. Priez pour que ce sublime pardon d'une mère au bourreau de son fils vienne achever une vie si glorieusement commencée. Adieu ! vous prierez, n'est-ce pas ?
François Franckowski. »
Le médium n'avait jamais entendu parler de cette personne, et pensait que peut-être il était le jouet d'une mystification, lorsque, à quelques jours de là, il reçut divers objets de lingerie qu'il avait commandés enveloppés dans un fragment du Petit Journal du 7 juillet dernier. Machinalement il le parcourt, et, sous la rubrique de Exécutions capitales, il lit un article commençant ainsi :
« Nous trouvons de curieux détails sur l'exécution d'un jeune Polonais, prisonnier des Russes. Franckowsky était un jeune homme de vingt-quatre ans. Il a encore ses parents, qui avaient même reçu la permission de le visiter dans sa prison. N'ayant pas été pris les armes à la main, il fut condamné par le conseil de guerre à être pendu. J'ai assisté à l'exécution, et je ne puis penser sans émotion à cet événement terrible… »
Suit le récit détaillé de l'exécution et des derniers moments de la victime, morte avec le courage de l'héroïsme.
A ceux qui nient les manifestations, – le nombre en diminue tous les jours, – à ceux qui attribuent les communications médianimiques à l'imagination, au reflet de la pensée, même inconsciente, nous demanderons d'où pouvait venir au médium l'intuition du nom de Franckowsky, de l'âge de vingt-quatre ans, de la mère venant voir son fils dans sa prison, du fait, en un mot, dont il n'avait nullement connaissance, dont il doutait même, et dont il trouve la confirmation dans un morceau de journal enveloppant un paquet ? Et il faut que ce morceau soit précisément celui qui contient le récit. « Oui, direz-vous, c'est du hasard. » Soit, pour vous, qui ne voyez en toutes choses que le hasard ; mais le reste ? »
A ceux qui prétendent interdire les communications sous le prétexte qu'elles viennent du diable, ou tout autre, nous demanderons s'il y a quelque chose de plus beau, de plus noble, de plus évangélique que l'âme de ce fils qui pardonne à son bourreau, qui supplie sa mère de lui pardonner aussi, qui donne ce pardon comme une condition de salut ! Et pourquoi vient-il à ce médium qu'il ne connaissait pas, mais à qui plus tard il donne une preuve irrécusable de son identité ? Pour lui demander de prier pour que sa mère pardonne. Et vous dites que c'est là le langage du démon ? Plût au ciel alors que tous ceux qui parlent au nom de Dieu parlassent de la sorte ! ils toucheraient plus de cœurs qu'avec l'anathème et la malédiction.
Ces communications spontanées ont un intérêt bien plus saisissant quand ce sont des Esprits que l'on n'attend ni ne connaît, et dont plus tard on peut vérifier l'identité. Nous en avons cité un exemple remarquable dans l'histoire de Simon Louvet, rapportée dans la Revue de mars 1863, page 87 ; voici un autre fait non moins instructif obtenu par un médium de notre connaissance.
Un Esprit se présente sous le nom de François Franckowski, et dicte ce qui suit :
« L'amour de Dieu est le sentiment qui résume tous les amours, toutes les abnégations. L'amour de la patrie est un rayon de ce sublime sentiment. O mon pauvre pays ! ô malheureuse Pologne ! que de malheurs sont venus fondre sur toi ! que les crimes de ceux qui se croient civilisés sont affreux, et que les malheureux qui veulent entraver la liberté seront châtiés ! O Dieu ! jette un regard sur ce malheureux pays, et fais grâce à ceux qui, tout entiers à la vengeance, ne pensent pas que tu les puniras au delà de leur vie. La Pologne est une terre bénie, car elle engendre de grands dévouements, et aucun de ses enfants n'est lâche. Dieu aime ceux qui s'oublient pour le bien de tous. C'est en récompense du dévouement des Polonais qu'il fera grâce, et que leur joug sera brisé. Je suis mort victime de nos oppresseurs, que tous les nôtres ont en exécration. J'étais jeune, j'avais vingt-quatre ans ; ma pauvre mère est mourante de douleur d'avoir perdu tout ce qu'elle aimait en ce monde : son fils. Je vous en prie, priez pour elle, pour qu'elle oublie et qu'elle pardonne à mon bourreau, car sans ce pardon elle serait à jamais séparée de moi… Pauvre mère ! je l'ai revue seulement le matin de ma mort, et c'était si affreux de se sentir séparés !… Dieu a eu pitié de moi, et je ne la quitte pas depuis que j'ai pu secouer le reste de vitalité qui attachait mon Esprit à mon corps… Je viens à vous, parce que je sais que vous prierez pour elle ; elle si bonne, si résignée ordinairement, et si révoltée contre Dieu depuis que je ne suis plus là !… Il faut qu'elle pardonne. Priez pour que ce sublime pardon d'une mère au bourreau de son fils vienne achever une vie si glorieusement commencée. Adieu ! vous prierez, n'est-ce pas ?
François Franckowski. »
Le médium n'avait jamais entendu parler de cette personne, et pensait que peut-être il était le jouet d'une mystification, lorsque, à quelques jours de là, il reçut divers objets de lingerie qu'il avait commandés enveloppés dans un fragment du Petit Journal du 7 juillet dernier. Machinalement il le parcourt, et, sous la rubrique de Exécutions capitales, il lit un article commençant ainsi :
« Nous trouvons de curieux détails sur l'exécution d'un jeune Polonais, prisonnier des Russes. Franckowsky était un jeune homme de vingt-quatre ans. Il a encore ses parents, qui avaient même reçu la permission de le visiter dans sa prison. N'ayant pas été pris les armes à la main, il fut condamné par le conseil de guerre à être pendu. J'ai assisté à l'exécution, et je ne puis penser sans émotion à cet événement terrible… »
Suit le récit détaillé de l'exécution et des derniers moments de la victime, morte avec le courage de l'héroïsme.
A ceux qui nient les manifestations, – le nombre en diminue tous les jours, – à ceux qui attribuent les communications médianimiques à l'imagination, au reflet de la pensée, même inconsciente, nous demanderons d'où pouvait venir au médium l'intuition du nom de Franckowsky, de l'âge de vingt-quatre ans, de la mère venant voir son fils dans sa prison, du fait, en un mot, dont il n'avait nullement connaissance, dont il doutait même, et dont il trouve la confirmation dans un morceau de journal enveloppant un paquet ? Et il faut que ce morceau soit précisément celui qui contient le récit. « Oui, direz-vous, c'est du hasard. » Soit, pour vous, qui ne voyez en toutes choses que le hasard ; mais le reste ? »
A ceux qui prétendent interdire les communications sous le prétexte qu'elles viennent du diable, ou tout autre, nous demanderons s'il y a quelque chose de plus beau, de plus noble, de plus évangélique que l'âme de ce fils qui pardonne à son bourreau, qui supplie sa mère de lui pardonner aussi, qui donne ce pardon comme une condition de salut ! Et pourquoi vient-il à ce médium qu'il ne connaissait pas, mais à qui plus tard il donne une preuve irrécusable de son identité ? Pour lui demander de prier pour que sa mère pardonne. Et vous dites que c'est là le langage du démon ? Plût au ciel alors que tous ceux qui parlent au nom de Dieu parlassent de la sorte ! ils toucheraient plus de cœurs qu'avec l'anathème et la malédiction.
Quelques membres de l'Église s'appuient sur la défense
de Moïse pour proscrire les communications avec les Esprits ; mais si sa
loi doit être rigoureusement observée sur ce point, elle doit l'être également
sur tous les autres, car pourquoi serait-elle bonne en ce qui concerne les
évocations, et mauvaise en d'autres parties ? Il faut être
conséquent ; si l'on reconnaît que sa loi n'est plus en harmonie avec nos
mœurs et notre époque pour certaines choses, il n'y a pas de raison pour qu'il
n'en soit pas ainsi de sa défense à l'égard des évocations. Il faut d'ailleurs
se reporter aux motifs qui lui ont fait faire cette défense, motifs qui avaient
alors leur raison d'être, mais qui n'existent assurément plus aujourd'hui.
Quant à la peine de mort qui devait suivre l'infraction à cette défense, il
faut considérer qu'il en était très prodigue, et que dans sa législation
draconienne la sévérité du châtiment n'était pas toujours un indice de la
gravité de la faute. Le peuple hébreu était turbulent, difficile à conduire, et
ne pouvait être dompté que par la terreur. Moïse, d'ailleurs, n'avait pas grand
choix dans ses moyens de répression ; il n'avait ni prisons, ni maisons de
correction, et son peuple n'était pas de nature à subir la crainte de peines
purement morales ; il ne pouvait donc graduer sa pénalité comme on le fait
de nos jours. Or, faudrait-il, par respect pour sa loi, maintenir la peine de
mort pour tous les cas où il l'appliquait ? Pourquoi d'ailleurs fait-on
revivre avec tant d'insistance cet article, alors qu'on passe sous silence le
commencement du chapitre qui défend aux prêtres de posséder les biens de la
terre et d'avoir part à aucun héritage, parce que le Seigneur est lui-même leur
héritage ? (Deutéronome, ch. xviii.)
Il y a deux parties distinctes dans la loi de Moïse : la loi de Dieu proprement dite, promulguée sur le mont Sinaï, et la loi civile ou disciplinaire, appropriée aux mœurs et au caractère du peuple ; l'une est invariable, l'autre se modifie selon les temps, et il ne peut venir à la pensée de personne que nous puissions être gouvernés par les mêmes moyens que les Hébreux dans le désert, pas plus que la législation du moyen âge ne pourrait s'appliquer à la France du dix-neuvième siècle. Qui songerait, par exemple, à faire revivre aujourd'hui cet article de la loi mosaïque : « Si un bœuf heurte de sa corne un homme ou une femme, et que la personne en meure, le bœuf sera lapidé sans aucune rémission, et on ne mangera point de sa chair, et le maître du bœuf sera absous. » Or, que dit Dieu dans ses commandements ? « Tu n'auras point d'autre Dieu que moi ; tu ne prendras point le nom de Dieu en vain ; honore ton père et ta mère ; tu ne tueras point ; tu ne commettras point d'adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain. » Voilà une loi qui est de tous les temps et de tous les pays, et qui, par cela même, a un caractère divin ; mais il n'y est pas question de la défense d'évoquer les morts ; d'où il faut conclure que cette défense était une simple mesure disciplinaire et de circonstance.
Mais Jésus n'est-il pas venu modifier la loi mosaïque, et sa loi n'est-elle pas le code des chrétiens ? N'a-t-il pas dit : « Vous avez appris qu'il a été dit aux Anciens telle et telle chose ; et moi je vous dis telle autre chose ? » Or, nulle part, dans l'Évangile, il n'est fait mention de la défense d'évoquer les morts ; c'est un point assez grave pour que le Christ ne l'ait pas omis dans ses instructions, alors qu'il a traité des questions d'un ordre bien plus secondaire ; ou bien faut-il penser, avec un ecclésiastique à qui on faisait cette objection, que « Jésus a oublié d'en parler ? »
Le prétexte de la défense de Moïse n'étant pas admissible, on s'appuie sur ce que l'évocation est un manque de respect pour les morts, dont il ne faut pas troubler la cendre. Quand cette évocation est faite religieusement et avec recueillement, on ne voit pas ce qu'elle a d'irrespectueux ; mais il y a une réponse péremptoire à faire à cette objection, c'est que les Esprits viennent volontiers quand on les appelle, et même spontanément sans être appelés ; qu'ils témoignent leur satisfaction de se communiquer aux hommes, et se plaignent souvent de l'oubli où on les laisse parfois. S'ils étaient troublés dans leur quiétude ou mécontents de notre appel, ils le diraient ou ne viendraient pas. S'ils viennent, c'est donc que cela leur convient, car nous ne sachions pas qu'il soit au pouvoir de qui que ce soit de contraindre des Esprits, êtres impalpables, à se déranger s'ils ne le veulent pas, puisqu'on ne peut les appréhender au corps.
On allègue une autre raison : les âmes, dit-on, sont dans l'enfer ou dans le paradis ; celles qui sont dans l'enfer n'en peuvent sortir ; celles qui sont dans le paradis sont tout entières à leur béatitude, et trop au-dessus des mortels pour s'occuper d'eux ; reste celles qui sont dans le purgatoire ; mais celles-là sont souffrantes et ont à songer à leur salut avant tout ; donc, ni les unes ni les autres ne pouvant venir, c'est le diable seul qui vient à leur place. Dans le premier cas, il serait assez rationnel de supposer que le diable, l'auteur et l'instigateur de la première révolte contre Dieu, en rébellion perpétuelle, qui n'éprouve ni regret ni repentir de ce qu'il fait, soit plus rigoureusement puni que les pauvres âmes qu'il entraîne au mal, et qui souvent ne sont coupables que d'une faute temporaire dont elles ont d'amers regrets ; loin de là, c'est tout le contraire qui a lieu ; ces âmes malheureuses sont condamnées à des souffrances atroces, sans trêve ni merci durant l'éternité, sans avoir un seul instant de soulagement, et pendant ce temps, le diable, auteur de tout ce mal, jouit de toute sa liberté, court le monde recruter des victimes, prend toutes les formes, se donne toutes les joies, fait des espiègleries, s'amuse même à interrompre le cours des lois de Dieu, puisqu'il peut faire des miracles ; en vérité, pour les âmes coupables, c'est à envier le sort du diable ; et Dieu le laisse faire sans rien dire, sans lui opposer aucun frein, sans permettre aux bons Esprits de venir au moins contre-balancer ses tentatives criminelles ! De bonne foi, cela est-il logique ? et ceux qui professent une telle doctrine peuvent-ils jurer la main sur la conscience qu'ils se mettraient au feu pour soutenir que c'est la vérité ?
Le second cas soulève une difficulté tout aussi grande. Si les âmes qui sont dans la béatitude ne peuvent quitter leur séjour fortuné pour venir au secours des mortels, ce qui, soit dit en passant, serait un bonheur bien égoïste, pourquoi l'Église invoque-t-elle l'assistance des saints qui, eux, doivent jouir de la plus grande somme possible de béatitude ? Pourquoi dit-elle aux fidèles de les invoquer dans les maladies, les afflictions, et pour se préserver des fléaux ? Pourquoi, selon elle, les saints, la Vierge elle-même, viennent-ils se montrer aux hommes et faire des miracles ? Ils quittent donc le ciel pour venir sur la terre ? S'ils peuvent le quitter, pourquoi d'autres ne le feraient-ils pas ?
Tous les motifs allégués pour justifier la défense de communiquer avec les Esprits ne pouvant soutenir un examen sérieux, il faut qu'il y en ait un autre non avoué ; ce motif pourrait bien être la crainte que les Esprits, trop clairvoyants, ne vinssent éclairer les hommes sur certains points, et leur faire connaître au juste ce qu'il en est de l'autre monde, et des véritables conditions pour être heureux ou malheureux ; c'est pourquoi, de même qu'on dit à un enfant : « Ne va pas là ; il y a un loup-garou ; » on dit aux hommes : « N'appelez pas les Esprits, c'est le diable. » Mais on aura beau faire ; si l'on interdit aux hommes d'appeler les Esprits, on n'empêchera par les Esprits de venir vers les hommes, ôter la lampe de dessous le boisseau.
Il y a deux parties distinctes dans la loi de Moïse : la loi de Dieu proprement dite, promulguée sur le mont Sinaï, et la loi civile ou disciplinaire, appropriée aux mœurs et au caractère du peuple ; l'une est invariable, l'autre se modifie selon les temps, et il ne peut venir à la pensée de personne que nous puissions être gouvernés par les mêmes moyens que les Hébreux dans le désert, pas plus que la législation du moyen âge ne pourrait s'appliquer à la France du dix-neuvième siècle. Qui songerait, par exemple, à faire revivre aujourd'hui cet article de la loi mosaïque : « Si un bœuf heurte de sa corne un homme ou une femme, et que la personne en meure, le bœuf sera lapidé sans aucune rémission, et on ne mangera point de sa chair, et le maître du bœuf sera absous. » Or, que dit Dieu dans ses commandements ? « Tu n'auras point d'autre Dieu que moi ; tu ne prendras point le nom de Dieu en vain ; honore ton père et ta mère ; tu ne tueras point ; tu ne commettras point d'adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain. » Voilà une loi qui est de tous les temps et de tous les pays, et qui, par cela même, a un caractère divin ; mais il n'y est pas question de la défense d'évoquer les morts ; d'où il faut conclure que cette défense était une simple mesure disciplinaire et de circonstance.
Mais Jésus n'est-il pas venu modifier la loi mosaïque, et sa loi n'est-elle pas le code des chrétiens ? N'a-t-il pas dit : « Vous avez appris qu'il a été dit aux Anciens telle et telle chose ; et moi je vous dis telle autre chose ? » Or, nulle part, dans l'Évangile, il n'est fait mention de la défense d'évoquer les morts ; c'est un point assez grave pour que le Christ ne l'ait pas omis dans ses instructions, alors qu'il a traité des questions d'un ordre bien plus secondaire ; ou bien faut-il penser, avec un ecclésiastique à qui on faisait cette objection, que « Jésus a oublié d'en parler ? »
Le prétexte de la défense de Moïse n'étant pas admissible, on s'appuie sur ce que l'évocation est un manque de respect pour les morts, dont il ne faut pas troubler la cendre. Quand cette évocation est faite religieusement et avec recueillement, on ne voit pas ce qu'elle a d'irrespectueux ; mais il y a une réponse péremptoire à faire à cette objection, c'est que les Esprits viennent volontiers quand on les appelle, et même spontanément sans être appelés ; qu'ils témoignent leur satisfaction de se communiquer aux hommes, et se plaignent souvent de l'oubli où on les laisse parfois. S'ils étaient troublés dans leur quiétude ou mécontents de notre appel, ils le diraient ou ne viendraient pas. S'ils viennent, c'est donc que cela leur convient, car nous ne sachions pas qu'il soit au pouvoir de qui que ce soit de contraindre des Esprits, êtres impalpables, à se déranger s'ils ne le veulent pas, puisqu'on ne peut les appréhender au corps.
On allègue une autre raison : les âmes, dit-on, sont dans l'enfer ou dans le paradis ; celles qui sont dans l'enfer n'en peuvent sortir ; celles qui sont dans le paradis sont tout entières à leur béatitude, et trop au-dessus des mortels pour s'occuper d'eux ; reste celles qui sont dans le purgatoire ; mais celles-là sont souffrantes et ont à songer à leur salut avant tout ; donc, ni les unes ni les autres ne pouvant venir, c'est le diable seul qui vient à leur place. Dans le premier cas, il serait assez rationnel de supposer que le diable, l'auteur et l'instigateur de la première révolte contre Dieu, en rébellion perpétuelle, qui n'éprouve ni regret ni repentir de ce qu'il fait, soit plus rigoureusement puni que les pauvres âmes qu'il entraîne au mal, et qui souvent ne sont coupables que d'une faute temporaire dont elles ont d'amers regrets ; loin de là, c'est tout le contraire qui a lieu ; ces âmes malheureuses sont condamnées à des souffrances atroces, sans trêve ni merci durant l'éternité, sans avoir un seul instant de soulagement, et pendant ce temps, le diable, auteur de tout ce mal, jouit de toute sa liberté, court le monde recruter des victimes, prend toutes les formes, se donne toutes les joies, fait des espiègleries, s'amuse même à interrompre le cours des lois de Dieu, puisqu'il peut faire des miracles ; en vérité, pour les âmes coupables, c'est à envier le sort du diable ; et Dieu le laisse faire sans rien dire, sans lui opposer aucun frein, sans permettre aux bons Esprits de venir au moins contre-balancer ses tentatives criminelles ! De bonne foi, cela est-il logique ? et ceux qui professent une telle doctrine peuvent-ils jurer la main sur la conscience qu'ils se mettraient au feu pour soutenir que c'est la vérité ?
Le second cas soulève une difficulté tout aussi grande. Si les âmes qui sont dans la béatitude ne peuvent quitter leur séjour fortuné pour venir au secours des mortels, ce qui, soit dit en passant, serait un bonheur bien égoïste, pourquoi l'Église invoque-t-elle l'assistance des saints qui, eux, doivent jouir de la plus grande somme possible de béatitude ? Pourquoi dit-elle aux fidèles de les invoquer dans les maladies, les afflictions, et pour se préserver des fléaux ? Pourquoi, selon elle, les saints, la Vierge elle-même, viennent-ils se montrer aux hommes et faire des miracles ? Ils quittent donc le ciel pour venir sur la terre ? S'ils peuvent le quitter, pourquoi d'autres ne le feraient-ils pas ?
Tous les motifs allégués pour justifier la défense de communiquer avec les Esprits ne pouvant soutenir un examen sérieux, il faut qu'il y en ait un autre non avoué ; ce motif pourrait bien être la crainte que les Esprits, trop clairvoyants, ne vinssent éclairer les hommes sur certains points, et leur faire connaître au juste ce qu'il en est de l'autre monde, et des véritables conditions pour être heureux ou malheureux ; c'est pourquoi, de même qu'on dit à un enfant : « Ne va pas là ; il y a un loup-garou ; » on dit aux hommes : « N'appelez pas les Esprits, c'est le diable. » Mais on aura beau faire ; si l'on interdit aux hommes d'appeler les Esprits, on n'empêchera par les Esprits de venir vers les hommes, ôter la lampe de dessous le boisseau.
Dissertations spirites
(Bordeaux : Médium, madame Collignon.)
Nota. - Cette communication a été donnée
dans un groupe spirite de Bordeaux, en réponse à la question ci-dessus.
Avant d'en avoir connaissance, nous avions fait l'article qui précède
sur le même sujet ; nous la publions malgré cela, précisément à cause de
la concordance des idées. Beaucoup d'autres, en divers lieux, ont été
obtenues dans le même sens, ce qui prouve l'accord des Esprits à cet
égard. Cette objection, n'étant pas plus soutenable que toutes celles
que l'on oppose aux relations avec les Esprits, tombera de même.
L'homme est-il donc si parfait qu'il croie inutile de mesurer ses forces ? et son intelligence est-elle si développée qu'elle puisse supporter toute la lumière ?
Quand Moïse apporta aux Hébreux une loi qui pût les sortir de l'état d'asservissement dans lequel ils vivaient, et raviver en eux le souvenir de leur Dieu qu'ils avaient oublié, il fut obligé de mesurer la lumière à la force de leur vue, et la science à la force de leur entendement.
Pourquoi ne demandez-vous pas aussi : Pourquoi Jésus s'est-il permis de refaire la loi ? Pourquoi a-t-il dit : « Moïse vous a dit : Dent pour dent, oeil pour oeil, et moi je vous dis : Faites du bien à ceux qui vous veulent du mal ; bénissez ceux qui vous maudissent ; pardonnez à ceux qui vous persécutent. »
Pourquoi Jésus a-t-il dit : « Moïse a dit : Que celui qui veut quitter sa femme lui donne la lettre de divorce. Mais moi je vous dis : Ne séparez pas ce que Dieu a uni. »
Pourquoi ? C'est que Jésus parlait à des Esprits plus avancés dans l'incarnation qu'ils ne l'étaient du temps de Moïse. C'est qu'il faut proportionner la leçon à l'intelligence de l'élève. C'est que vous, qui questionnez, qui doutez, n'êtes pas encore venus au point où vous devez être, et ne savez pas encore ce que vous saurez un jour.
Pourquoi ? Mais demandez donc à Dieu pourquoi il a créé l'herbe des champs, dont l'homme civilisé est parvenu à faire sa nourriture ? pourquoi il a fait des arbres qui ne devraient croître que dans certains climats, sous certaines latitudes, et que l'homme est parvenu à acclimater partout ?
Moïse a dit aux Hébreux : « N'évoquez pas les morts ! » comme on dit aux enfants : Ne touchez pas au feu !
N'était-ce pas l'évocation qui, petit à petit ; avait dégénéré parmi les Égyptiens, les Chaldéens, les Moabites et tous les peuples de l'antiquité, en idolâtrie ? Ils n'avaient pas eu la force de supporter la science, ils s'étaient brûlés, et le Seigneur avait voulu préserver quelques hommes afin qu'ils pussent servir et perpétuer son nom et sa foi.
Les hommes étaient pervers et disposés aux évocations dangereuses. Moïse a prévenu le mal. Le progrès devait se faire parmi les Esprits comme parmi les hommes ; mais l'évocation est restée connue et pratiquée par les princes de l'Église ; la vanité, l'orgueil, sont aussi vieux que l'humanité ; donc les chefs de la synagogue usaient de l'évocation, et bien souvent en usaient mal ; aussi la colère du Seigneur s'est-elle souvent appesantie sur eux.
Voilà pourquoi Moïse a dit : « N'évoquez pas les morts. » Mais cette défense même prouve que l'évocation était usuelle parmi le peuple, et c'est au peuple qu'il l'a défendue.
Laissez donc dire ceux qui demandent pourquoi ? Ouvrez-leur l'histoire du globe qu'ils couvrent de leurs petits pas, et demandez-leur pourquoi, depuis tant de siècles accumulés, ils piétinent tant pour si peu avancer ? C'est que leur intelligence n'est pas assez développée ; c'est que la routine les étreint ; c'est qu'ils veulent fermer les yeux malgré les efforts que l'on fait pour les leur ouvrir.
Demandez-leur pourquoi Dieu est Dieu ? pourquoi le soleil les éclaire ?
Qu'ils étudient, qu'ils cherchent, et dans l'histoire de l'antiquité ils verront pourquoi Dieu a voulu que cette connaissance disparût en partie, afin de revivre avec plus d'éclat, alors que les Esprits chargés de la rapporter auraient plus de force et ne failliraient pas sous le poids.
Ne vous inquiétez pas, mes amis, des questions oiseuses, des objections sans sujet que l'on vous adresse. Faites toujours ce que vous venez de faire : questionnez et nous vous répondrons avec plaisir. La science est à celui qui la cherche ; elle surgit alors pour se montrer à lui. La lumière éclaire ceux qui ouvrent leurs yeux, mais les ténèbres s'épaississent pour ceux qui veulent les fermer. Ce n'est pas à ceux qui demandent qu'il faut refuser, mais à ceux qui font des objections dans le seul but d'éteindre la lumière ou qui n'osent pas la regarder. Courage, mes amis, nous sommes prêts à vous répondre toutes les fois qu'il en sera besoin.
Siméon pour Mathieu.
L'homme est-il donc si parfait qu'il croie inutile de mesurer ses forces ? et son intelligence est-elle si développée qu'elle puisse supporter toute la lumière ?
Quand Moïse apporta aux Hébreux une loi qui pût les sortir de l'état d'asservissement dans lequel ils vivaient, et raviver en eux le souvenir de leur Dieu qu'ils avaient oublié, il fut obligé de mesurer la lumière à la force de leur vue, et la science à la force de leur entendement.
Pourquoi ne demandez-vous pas aussi : Pourquoi Jésus s'est-il permis de refaire la loi ? Pourquoi a-t-il dit : « Moïse vous a dit : Dent pour dent, oeil pour oeil, et moi je vous dis : Faites du bien à ceux qui vous veulent du mal ; bénissez ceux qui vous maudissent ; pardonnez à ceux qui vous persécutent. »
Pourquoi Jésus a-t-il dit : « Moïse a dit : Que celui qui veut quitter sa femme lui donne la lettre de divorce. Mais moi je vous dis : Ne séparez pas ce que Dieu a uni. »
Pourquoi ? C'est que Jésus parlait à des Esprits plus avancés dans l'incarnation qu'ils ne l'étaient du temps de Moïse. C'est qu'il faut proportionner la leçon à l'intelligence de l'élève. C'est que vous, qui questionnez, qui doutez, n'êtes pas encore venus au point où vous devez être, et ne savez pas encore ce que vous saurez un jour.
Pourquoi ? Mais demandez donc à Dieu pourquoi il a créé l'herbe des champs, dont l'homme civilisé est parvenu à faire sa nourriture ? pourquoi il a fait des arbres qui ne devraient croître que dans certains climats, sous certaines latitudes, et que l'homme est parvenu à acclimater partout ?
Moïse a dit aux Hébreux : « N'évoquez pas les morts ! » comme on dit aux enfants : Ne touchez pas au feu !
N'était-ce pas l'évocation qui, petit à petit ; avait dégénéré parmi les Égyptiens, les Chaldéens, les Moabites et tous les peuples de l'antiquité, en idolâtrie ? Ils n'avaient pas eu la force de supporter la science, ils s'étaient brûlés, et le Seigneur avait voulu préserver quelques hommes afin qu'ils pussent servir et perpétuer son nom et sa foi.
Les hommes étaient pervers et disposés aux évocations dangereuses. Moïse a prévenu le mal. Le progrès devait se faire parmi les Esprits comme parmi les hommes ; mais l'évocation est restée connue et pratiquée par les princes de l'Église ; la vanité, l'orgueil, sont aussi vieux que l'humanité ; donc les chefs de la synagogue usaient de l'évocation, et bien souvent en usaient mal ; aussi la colère du Seigneur s'est-elle souvent appesantie sur eux.
Voilà pourquoi Moïse a dit : « N'évoquez pas les morts. » Mais cette défense même prouve que l'évocation était usuelle parmi le peuple, et c'est au peuple qu'il l'a défendue.
Laissez donc dire ceux qui demandent pourquoi ? Ouvrez-leur l'histoire du globe qu'ils couvrent de leurs petits pas, et demandez-leur pourquoi, depuis tant de siècles accumulés, ils piétinent tant pour si peu avancer ? C'est que leur intelligence n'est pas assez développée ; c'est que la routine les étreint ; c'est qu'ils veulent fermer les yeux malgré les efforts que l'on fait pour les leur ouvrir.
Demandez-leur pourquoi Dieu est Dieu ? pourquoi le soleil les éclaire ?
Qu'ils étudient, qu'ils cherchent, et dans l'histoire de l'antiquité ils verront pourquoi Dieu a voulu que cette connaissance disparût en partie, afin de revivre avec plus d'éclat, alors que les Esprits chargés de la rapporter auraient plus de force et ne failliraient pas sous le poids.
Ne vous inquiétez pas, mes amis, des questions oiseuses, des objections sans sujet que l'on vous adresse. Faites toujours ce que vous venez de faire : questionnez et nous vous répondrons avec plaisir. La science est à celui qui la cherche ; elle surgit alors pour se montrer à lui. La lumière éclaire ceux qui ouvrent leurs yeux, mais les ténèbres s'épaississent pour ceux qui veulent les fermer. Ce n'est pas à ceux qui demandent qu'il faut refuser, mais à ceux qui font des objections dans le seul but d'éteindre la lumière ou qui n'osent pas la regarder. Courage, mes amis, nous sommes prêts à vous répondre toutes les fois qu'il en sera besoin.
Siméon pour Mathieu.
Réunion particulière, 10 mars 1863. - Médium, madame Costel
Mon souvenir vient d'être évoqué par mon portrait et par mes vers ; deux
fois touchée dans ma vanité féminine et dans mon amour-propre de poète,
je viens reconnaître votre bienveillance en esquissant à grands traits
la silhouette des faux dévots, qui sont à la religion ce qu'est la
fausse honnête femme à la société. Ce sujet rentre dans le cadre de mes
études littéraires dont lady Tartufe exprimait une nuance.
Les faux dévots sacrifient aux apparences, et trahissent le vrai ; ils ont le cœur sec et les yeux humides, la bourse fermée et la main ouverte ; ils parlent volontiers du prochain en critiquant ses actions d'une façon doucereuse qui exagère le mal et amoindrit le mérite. Très ardents à la conquête des biens matériels ou mondains, ils se cramponnent aux trésors imaginaires que la mort disperse, et négligent les vrais biens qui servent à la fin de l'homme et sont la richesse de l'éternité. Les hypocrites de la dévotion sont les reptiles de la nature morale ; vils, bas, ils évitent les fautes châtiées par la vindicte publique, et commettent dans l'ombre des actes sinistres. Que de familles désunies, spoliées ! que de confiances trahies ! que de larmes, et même que de sang !…
La comédie est l'envers de la tragédie ; derrière le scélérat marche le bouffon, et les faux dévots ont pour acolytes des êtres ineptes qui n'agissent que par imitation ; ils reflètent, à la façon des miroirs, la physionomie de leurs voisins. Ils se prennent au sérieux, se trompent eux-mêmes, raillent par timidité ce qu'ils croient, exaltent ce dont ils doutent, communient avec ostentation, et brûlent en cachette de petits cierges auxquels ils attribuent beaucoup plus de vertu qu'à la sainte hostie.
Les faux dévots sont les vrais athées de la vertu, de l'espérance, de la nature et de Dieu ; ils nient le vrai et affirment le faux. Cependant la mort les emportera barbouillés du fard et couverts des oripeaux qui les déguisaient, et les jettera pantelants en pleine lumière.
Delphine de Girardin.
Les faux dévots sacrifient aux apparences, et trahissent le vrai ; ils ont le cœur sec et les yeux humides, la bourse fermée et la main ouverte ; ils parlent volontiers du prochain en critiquant ses actions d'une façon doucereuse qui exagère le mal et amoindrit le mérite. Très ardents à la conquête des biens matériels ou mondains, ils se cramponnent aux trésors imaginaires que la mort disperse, et négligent les vrais biens qui servent à la fin de l'homme et sont la richesse de l'éternité. Les hypocrites de la dévotion sont les reptiles de la nature morale ; vils, bas, ils évitent les fautes châtiées par la vindicte publique, et commettent dans l'ombre des actes sinistres. Que de familles désunies, spoliées ! que de confiances trahies ! que de larmes, et même que de sang !…
La comédie est l'envers de la tragédie ; derrière le scélérat marche le bouffon, et les faux dévots ont pour acolytes des êtres ineptes qui n'agissent que par imitation ; ils reflètent, à la façon des miroirs, la physionomie de leurs voisins. Ils se prennent au sérieux, se trompent eux-mêmes, raillent par timidité ce qu'ils croient, exaltent ce dont ils doutent, communient avec ostentation, et brûlent en cachette de petits cierges auxquels ils attribuent beaucoup plus de vertu qu'à la sainte hostie.
Les faux dévots sont les vrais athées de la vertu, de l'espérance, de la nature et de Dieu ; ils nient le vrai et affirment le faux. Cependant la mort les emportera barbouillés du fard et couverts des oripeaux qui les déguisaient, et les jettera pantelants en pleine lumière.
Delphine de Girardin.
Société spirite de Paris, 11 juillet 1862. - Médium, M. A. Didier
Que vous importe l'âge des patriarches en général, et celui de
Mathusalem en particulier ! La nature, sachez-le donc bien, n'a jamais
eu de contre-sens et d'irrégularités ; et si la machine humaine a
quelquefois varié, elle n'a jamais repoussé aussi longtemps la
destruction matérielle : la mort. La Bible, comme je vous l'ai déjà dit,
est un magnifique poème oriental où les passions humaines sont
divinisées, comme les passions qu'idéalisaient les Grecs, les grandes
colonies de l'Asie Mineure. On a tort de marier la concision avec
l'emphase, la netteté avec la diffusion, la froideur du raisonnement et
de la logique moderne avec l'exaltation orientale. Les chérubins de la
Bible avaient six ailes, vous le savez : presque monstres ! Le Dieu des
Juifs se baignait dans le sang ; vous le savez, et vous voulez que vos
anges soient les mêmes anges, et que votre Dieu, souverainement bon et
souverainement juste, soit le même Dieu ? N'alliez donc pas votre
analyse poétique moderne avec la poésie mensongère des anciens Juifs ou
païens. L'âge des patriarches est une figure morale, et non une réalité ;
l'autorité, le souvenir de ces grands noms, de ces vrais pasteurs de
peuples, enrichis de mystères et des légendes qu'on faisait rayonner
autour d'eux, existaient parmi ces nomades superstitieux et idolâtres du
souvenir. Il est probable que Mathusalem vécut longtemps dans le cœur
de ses descendants. Remarquez que dans la poésie orientale toute idée
morale est incorporée, incarnée, revêtue d'une forme éclatante,
rayonnante, splendide, contrairement à la poésie moderne qui désincarne,
qui brise l'enveloppe pour laisser échapper l'idée jusqu'au ciel. La
poésie moderne est exprimée non seulement par l'éclat et la couleur de
l'image, mais aussi par le dessin ferme et correct de la logique, par
l'idée, en un mot. Comment voulez-vous allier ces deux grands principes
si contraires ? Quand vous lisez la Bible aux rayons de l'Orient, au
milieu des images dorées, aux horizons interminables et diffus des
déserts, des steppes, faites donc courir l'électricité qui traverse tous
les abîmes, toutes les ténèbres ; c'est-à-dire servez-vous de votre
raison, et jugez toujours la différence des temps, des formes et des
compréhensions.
Lamennais.
Lamennais.
Société spirite de Paris, 11 juillet 1862. - Médium, M. Flammarion
Avez-vous entendu le bruit confus de la mer retentissante lorsque
l'aquilon gonfle les vagues ou lorsqu'elle brise en mugissant ses lames
argentées sur le rivage ? Avez-vous entendu le fracas sonore de la
foudre dans les nues assombries ou le murmure de la forêt sous le
souffle du vent du soir ? Avez-vous entendu au fond de l'âme cette
multiple harmonie qui ne parle aux sens que pour les traverser et
arriver jusqu'à l'être pensant et aimant ? Si donc vous n'avez pas
entendu et compris ces muettes paroles, vous n'êtes pas enfants de la
révélation, et vous ne croyez pas encore. A ceux-là je dirai : « Sortez
de la ville à cette heure silencieuse où les rayons étoilés descendent
du ciel et, recueillant en vous-mêmes vos intimes pensées, contemplez le
spectacle qui vous entoure, et vous arriverez avant l'aube à partager
la foi de vos frères. » A ceux qui croient déjà à la grande voix de la
nature je dirai : « Enfants de la nouvelle alliance, c'est la voix du
Créateur et du conservateur des êtres qui parle dans le tumulte des
flots, dans le retentissement du tonnerre ; c'est la voix de Dieu qui
parle dans le souffle des vents : amis, écoutez encore, écoutez souvent,
écoutez longtemps, écoutez toujours, et le Seigneur vous recevra les
bras ouverts. » O vous, qui avez déjà entendu sa voix puissante ici-bas,
vous la comprendrez mieux dans l'autre monde.
Galilée
Galilée
Thionville, 5 janvier 1863. - Médium, M. le docteur R…
Il est une grande loi qui domine tout l'univers, la loi du progrès.
C'est en vertu de cette loi que l'homme, créature essentiellement
imparfaite, doit, comme tout ce qui existe sur notre globe, parcourir
toutes les phases qui le séparent de la perfection. Sans doute Dieu sait
combien de temps chacun mettra pour arriver au but ; mais comme tout
progrès doit résulter d'un effort tenté pour l'accomplir, il n'y aurait
aucun mérite si l'homme n'avait la liberté de prendre telle ou telle
voie. Le vrai mérite, en effet, ne peut résulter que d'un travail opéré
par l'esprit pour vaincre une résistance plus ou moins considérable.
Comme chacun ignore le nombre d'existences consacrées par lui à son avancement moral, nul ne peut rien préjuger sur cette grande question, et c'est là surtout qu'éclate d'une manière admirable l'infinie bonté de notre Père céleste qui, à côté du libre arbitre qu'il nous a laissé, a néanmoins semé notre route de poteaux indicateurs qui en éclairent les détours. C'est donc par un reste de prédominance de la matière que beaucoup d'hommes s'obstinent à rester sourds aux avertissements qui leur arrivent de tous côtés, et préfèrent user dans des plaisirs trompeurs et éphémères une vie qui leur avait été accordée pour l'avancement de leur esprit.
On ne saurait donc sans blasphème affirmer que Dieu ait voulu le malheur de ses créatures, puisque les malheureux expient toujours soit une vie antérieure mal employée, soit leur refus de suivre la bonne voie, alors qu'elle leur était clairement indiquée.
Il dépend donc de chacun d'abréger l'épreuve qu'il doit subir, et pour cela des guides sûrs assez nombreux lui sont accordés pour qu'il soit entièrement responsable de son refus de suivre leurs conseils ; et encore dans ce cas existe-t-il un moyen certain d'adoucir une punition méritée, en donnant des marques d'un repentir sincère, et en ayant recours à la prière, qui ne manque jamais d'être exaucée lorsqu'elle est faite avec ferveur. Le libre arbitre existe donc bien réellement chez l'homme, mais avec un guide : la conscience.
Vous tous qui avez accès au grand foyer de la nouvelle science, ne négligez pas de vous pénétrer des éloquentes vérités qu'elle vous révèle, et des admirables principes qui en sont les conséquences ; suivez-les fidèlement, c'est là qu'éclate surtout votre libre arbitre.
Pensez d'une part aux fatales suites qu'entraînerait pour vous le refus de suivre la bonne voie, comme aux récompenses magnifiques qui vous attendent dans le cas où vous obéirez aux instructions des bons Esprits ; c'est là qu'éclatera à son tour la prescience divine.
Les hommes s'efforcent vainement de chercher la vérité par tous les moyens qu'ils croient tenir de la science ; cette vérité qui paraît leur échapper les côtoie toujours, et les aveugles ne l'aperçoivent pas !
Esprits sages de tous les pays, auxquels il est donné de soulever un coin du voile, ne négligez pas les moyens qui vous sont offerts par la Providence ! Provoquez nos manifestations, faites-en profiter surtout vos frères moins bien partagés que vous ; inculquez à tous les préceptes qui vous viennent du monde spirite, et vous aurez bien mérité, car vous aurez contribué pour une large part à l'accomplissement des desseins de la Providence.
Esprit familier.
Comme chacun ignore le nombre d'existences consacrées par lui à son avancement moral, nul ne peut rien préjuger sur cette grande question, et c'est là surtout qu'éclate d'une manière admirable l'infinie bonté de notre Père céleste qui, à côté du libre arbitre qu'il nous a laissé, a néanmoins semé notre route de poteaux indicateurs qui en éclairent les détours. C'est donc par un reste de prédominance de la matière que beaucoup d'hommes s'obstinent à rester sourds aux avertissements qui leur arrivent de tous côtés, et préfèrent user dans des plaisirs trompeurs et éphémères une vie qui leur avait été accordée pour l'avancement de leur esprit.
On ne saurait donc sans blasphème affirmer que Dieu ait voulu le malheur de ses créatures, puisque les malheureux expient toujours soit une vie antérieure mal employée, soit leur refus de suivre la bonne voie, alors qu'elle leur était clairement indiquée.
Il dépend donc de chacun d'abréger l'épreuve qu'il doit subir, et pour cela des guides sûrs assez nombreux lui sont accordés pour qu'il soit entièrement responsable de son refus de suivre leurs conseils ; et encore dans ce cas existe-t-il un moyen certain d'adoucir une punition méritée, en donnant des marques d'un repentir sincère, et en ayant recours à la prière, qui ne manque jamais d'être exaucée lorsqu'elle est faite avec ferveur. Le libre arbitre existe donc bien réellement chez l'homme, mais avec un guide : la conscience.
Vous tous qui avez accès au grand foyer de la nouvelle science, ne négligez pas de vous pénétrer des éloquentes vérités qu'elle vous révèle, et des admirables principes qui en sont les conséquences ; suivez-les fidèlement, c'est là qu'éclate surtout votre libre arbitre.
Pensez d'une part aux fatales suites qu'entraînerait pour vous le refus de suivre la bonne voie, comme aux récompenses magnifiques qui vous attendent dans le cas où vous obéirez aux instructions des bons Esprits ; c'est là qu'éclatera à son tour la prescience divine.
Les hommes s'efforcent vainement de chercher la vérité par tous les moyens qu'ils croient tenir de la science ; cette vérité qui paraît leur échapper les côtoie toujours, et les aveugles ne l'aperçoivent pas !
Esprits sages de tous les pays, auxquels il est donné de soulever un coin du voile, ne négligez pas les moyens qui vous sont offerts par la Providence ! Provoquez nos manifestations, faites-en profiter surtout vos frères moins bien partagés que vous ; inculquez à tous les préceptes qui vous viennent du monde spirite, et vous aurez bien mérité, car vous aurez contribué pour une large part à l'accomplissement des desseins de la Providence.
Esprit familier.
Société spirite de Paris. - Médium, madame Costel
Le panthéisme, ou l'incarnation de l'Esprit dans la matière, de l'idée
dans la forme, est le premier pas du paganisme vers la loi d'amour qui
fut révélée et prêchée par Jésus. L'antiquité, avide de jouissances,
éprise de la beauté extérieure, ne regardait guère au delà de ce qu'elle
voyait ; sensuelle, ardente, elle ignorait les mélancolies qui naissent
du doute inquiet et des tendresses refoulées ; elle craignait les dieux
dont elle plaçait l'image adoucie aux foyers de ses demeures ;
l'esclavage et la guerre la rongeaient au dedans, l'épuisaient au dehors
; en vain la nature sonore et magnifique conviait les hommes à
comprendre sa splendeur ; ils la redoutaient, ou l'adoraient à l'égal
des dieux. Les bois sacrés participaient de la terreur des oracles, et
nul mortel ne séparait le bienfait de leur solitude des idées
religieuses qui faisaient palpiter l'arbre et frémir la pierre.
Le panthéisme a deux faces sous lesquelles il convient de l'étudier. D'abord, la séparation infinie de la nature divine, morcelée dans toutes les parties de la création et se retrouvant dans les plus infimes détails aussi bien que dans sa magnificence, c'est-à-dire une confusion flagrante entre l'œuvre et l'ouvrier. En second lieu, l'assimilation de l'humanité, ou plutôt son absorption dans la matière. Le panthéisme antique incarnait les divinités ; le moderne panthéisme assimile l'homme au règne animal et fait jaillir les molécules créatrices de l'ardente fournaise où s'élabore la végétation, confondant ainsi les résultats avec le principe.
Dieu est l'ordre, que la confusion humaine ne saurait troubler ; tout vient à point : la sève aux arbres et la pensée aux cerveaux ; aucune idée, fille du temps, n'est abandonnée au hasard ; elle a sa filière, une étroite parenté qui lui donne sa raison d'être, la relie au passé et l'engage dans l'avenir. L'histoire des croyances religieuses est la preuve de cette vérité absolue ; pas une idolâtrie, pas un système, pas un fanatisme qui n'ait eu sa puissante et impérieuse raison d'exister ; tous avançaient vers la lumière, tous convergeaient vers le même but, et tous viendront se confondre, comme les eaux des fleuves lointains, dans la vaste et profonde mer de l'unité spirite.
Ainsi le panthéisme, précurseur du catholicisme, portait en lui le germe de l'universalité de Dieu ; il inspirait aux hommes la fraternité envers la nature, cette fraternité que Jésus devait leur enseigner à pratiquer les uns envers les autres ; fraternité sacrée, affermie aujourd'hui par le Spiritisme qui relie victorieusement les êtres terrestres au monde spirituel.
Je vous le dis en vérité, la loi d'amour déroule lentement et d'une façon continue ses spirales infinies ; c'est elle qui, dans les rites mystérieux des religions indiennes, divinise l'animal, le sacrant par sa faiblesse et ses humbles services ; c'est elle qui peuplait de dieux familiers les foyers purifiés ; c'est elle qui, dans chacune des croyances diverses, fait épeler aux générations un mot de l'alphabet divin ; mais il était réservé au seul Jésus de proclamer l'idée universelle qui les résume toutes. Le Sauveur annonça l'amour et le rendit plus fort que la mort ; il dit aux hommes : « Aimez-vous les uns les autres ; aimez-vous dans la douleur, dans la joie, dans l'opprobre ; aimez la nature, votre première initiatrice ; aimez les animaux, vos humbles compagnons ; aimez ce qui commence, aimez ce qui finit. »
Le Verbe de l'Éternel s'appelle amour, et il embrasse, dans une inextinguible tendresse, la terre où vous passez et les cieux où vous entrerez, purifiés et triomphants.
Lazare.
Le panthéisme a deux faces sous lesquelles il convient de l'étudier. D'abord, la séparation infinie de la nature divine, morcelée dans toutes les parties de la création et se retrouvant dans les plus infimes détails aussi bien que dans sa magnificence, c'est-à-dire une confusion flagrante entre l'œuvre et l'ouvrier. En second lieu, l'assimilation de l'humanité, ou plutôt son absorption dans la matière. Le panthéisme antique incarnait les divinités ; le moderne panthéisme assimile l'homme au règne animal et fait jaillir les molécules créatrices de l'ardente fournaise où s'élabore la végétation, confondant ainsi les résultats avec le principe.
Dieu est l'ordre, que la confusion humaine ne saurait troubler ; tout vient à point : la sève aux arbres et la pensée aux cerveaux ; aucune idée, fille du temps, n'est abandonnée au hasard ; elle a sa filière, une étroite parenté qui lui donne sa raison d'être, la relie au passé et l'engage dans l'avenir. L'histoire des croyances religieuses est la preuve de cette vérité absolue ; pas une idolâtrie, pas un système, pas un fanatisme qui n'ait eu sa puissante et impérieuse raison d'exister ; tous avançaient vers la lumière, tous convergeaient vers le même but, et tous viendront se confondre, comme les eaux des fleuves lointains, dans la vaste et profonde mer de l'unité spirite.
Ainsi le panthéisme, précurseur du catholicisme, portait en lui le germe de l'universalité de Dieu ; il inspirait aux hommes la fraternité envers la nature, cette fraternité que Jésus devait leur enseigner à pratiquer les uns envers les autres ; fraternité sacrée, affermie aujourd'hui par le Spiritisme qui relie victorieusement les êtres terrestres au monde spirituel.
Je vous le dis en vérité, la loi d'amour déroule lentement et d'une façon continue ses spirales infinies ; c'est elle qui, dans les rites mystérieux des religions indiennes, divinise l'animal, le sacrant par sa faiblesse et ses humbles services ; c'est elle qui peuplait de dieux familiers les foyers purifiés ; c'est elle qui, dans chacune des croyances diverses, fait épeler aux générations un mot de l'alphabet divin ; mais il était réservé au seul Jésus de proclamer l'idée universelle qui les résume toutes. Le Sauveur annonça l'amour et le rendit plus fort que la mort ; il dit aux hommes : « Aimez-vous les uns les autres ; aimez-vous dans la douleur, dans la joie, dans l'opprobre ; aimez la nature, votre première initiatrice ; aimez les animaux, vos humbles compagnons ; aimez ce qui commence, aimez ce qui finit. »
Le Verbe de l'Éternel s'appelle amour, et il embrasse, dans une inextinguible tendresse, la terre où vous passez et les cieux où vous entrerez, purifiés et triomphants.
Lazare.
Cet ouvrage remarquable et consciencieux est l'œuvre
d'un savant distingué qui s'est proposé de tirer de la science même et de
l'observation des faits la démonstration de la réalité des idées
spiritualistes. C'est une pièce de plus à l'appui de la thèse que nous avons
soutenue ci-dessus. C'est plus encore, car c'est un premier pas presque
officiel de la science dans la voie spirite ; du reste, il sera bientôt
suivi, nous en avons la certitude, d'autres adhésions plus retentissantes
encore, qui donneront sérieusement à réfléchir aux négateurs et aux adversaires
de toutes les écoles. Il nous suffira de citer le fragment suivant pour montrer
dans quel esprit l'ouvrage est conçu. Il se trouve à la page 331.
« On voit, - et c'est à coup sûr un signe du temps, - la secte spiritiste, que j'ai eu l'occasion de mentionner déjà, § 15, prendre une extension rapide parmi les gens de toutes les classes et les plus éclairés, sans compter le regrettable et regretté Jobard, de Bruxelles, qui était devenu un des champions les plus alertes de la nouvelle doctrine.
« Le fait est que si l'on examine cette doctrine, ne serait-ce, comme je l'ai fait d'abord, que dans la petite brochure de M. Allan Kardec, Qu'est-ce que le Spiritisme ? il est impossible de ne pas remarquer combien sa morale est claire, homogène, conséquente avec elle-même, combien elle donne de satisfaction à l'esprit et au cœur. Quand on lui enlèverait la réalité des communications avec le monde invisible, il lui resterait toujours cela, et c'est beaucoup ; c'est assez pour entraîner de nombreuses adhésions et expliquer son succès toujours croissant. Quant aux communications avec le monde invisible, je crois avoir démontré scientifiquement qu'elles étaient non seulement possibles, mais qu'elles devaient avoir lieu tous les jours dans le sommeil. L'inspiration pendant la veille, dont il est impossible de révoquer l'authenticité ou la nature, d'après ce que j'en ai dit, est d'ailleurs une communication de ce genre, bien qu'il puisse y avoir des cas où elle ne soit que le résultat d'un plus grand degré d'activité de l'esprit. Maintenant, que l'on en rencontre où cette communication se traduit par des notions étrangères au médium qui les reçoit, je ne vois rien là-dedans qui ne soit éminemment probable, et c'est dans tous les cas une question qui peut se résoudre en l'absence des savants, que chaque médium, qui a la mesure de ses connaissances dans l'état normal, et les personnes de sa famille et de son entourage peuvent juger mieux que qui que ce soit, de telle sorte que si le Spiritisme fait tous les jours des prosélytes en dehors de la question morale, c'est qu'apparemment il se produit assez de médiums pour fournir la preuve de leur état particulier à quiconque veut les examiner sans parti pris.
« La morale, telle que je la comprends et telle que je l'ai déduite de notions scientifiques, je ne crains pas de le reconnaître, a de nombreux points de contact avec celle transmise par les médiums de M. Allan Kardec ; je ne suis pas éloigné non plus d'admettre que si dans les pages écrites par eux il y en a beaucoup qui ne dépassent pas la portée ordinaire de l'esprit humain, et même du leur, il doit y en avoir, et il y en a, d'une portée telle qu'il leur serait impossible d'en écrire de pareilles dans leurs moments ordinaires. Tout cela ne me porte pas peu à désirer qu'une doctrine qui n'offre pas le moindre danger, et qui au contraire élève l'esprit et le cœur autant qu'il est possible de le désirer dans l'intérêt de la société, se répande tous les jours de plus en plus. Car d'après ce que j'en ai lu, j'estime qu'il est impossible d'être un bon Spirite sans être un honnête homme et un bon citoyen. Je ne connais pas beaucoup de religions dont on puisse en dire autant.
« On voit, - et c'est à coup sûr un signe du temps, - la secte spiritiste, que j'ai eu l'occasion de mentionner déjà, § 15, prendre une extension rapide parmi les gens de toutes les classes et les plus éclairés, sans compter le regrettable et regretté Jobard, de Bruxelles, qui était devenu un des champions les plus alertes de la nouvelle doctrine.
« Le fait est que si l'on examine cette doctrine, ne serait-ce, comme je l'ai fait d'abord, que dans la petite brochure de M. Allan Kardec, Qu'est-ce que le Spiritisme ? il est impossible de ne pas remarquer combien sa morale est claire, homogène, conséquente avec elle-même, combien elle donne de satisfaction à l'esprit et au cœur. Quand on lui enlèverait la réalité des communications avec le monde invisible, il lui resterait toujours cela, et c'est beaucoup ; c'est assez pour entraîner de nombreuses adhésions et expliquer son succès toujours croissant. Quant aux communications avec le monde invisible, je crois avoir démontré scientifiquement qu'elles étaient non seulement possibles, mais qu'elles devaient avoir lieu tous les jours dans le sommeil. L'inspiration pendant la veille, dont il est impossible de révoquer l'authenticité ou la nature, d'après ce que j'en ai dit, est d'ailleurs une communication de ce genre, bien qu'il puisse y avoir des cas où elle ne soit que le résultat d'un plus grand degré d'activité de l'esprit. Maintenant, que l'on en rencontre où cette communication se traduit par des notions étrangères au médium qui les reçoit, je ne vois rien là-dedans qui ne soit éminemment probable, et c'est dans tous les cas une question qui peut se résoudre en l'absence des savants, que chaque médium, qui a la mesure de ses connaissances dans l'état normal, et les personnes de sa famille et de son entourage peuvent juger mieux que qui que ce soit, de telle sorte que si le Spiritisme fait tous les jours des prosélytes en dehors de la question morale, c'est qu'apparemment il se produit assez de médiums pour fournir la preuve de leur état particulier à quiconque veut les examiner sans parti pris.
« La morale, telle que je la comprends et telle que je l'ai déduite de notions scientifiques, je ne crains pas de le reconnaître, a de nombreux points de contact avec celle transmise par les médiums de M. Allan Kardec ; je ne suis pas éloigné non plus d'admettre que si dans les pages écrites par eux il y en a beaucoup qui ne dépassent pas la portée ordinaire de l'esprit humain, et même du leur, il doit y en avoir, et il y en a, d'une portée telle qu'il leur serait impossible d'en écrire de pareilles dans leurs moments ordinaires. Tout cela ne me porte pas peu à désirer qu'une doctrine qui n'offre pas le moindre danger, et qui au contraire élève l'esprit et le cœur autant qu'il est possible de le désirer dans l'intérêt de la société, se répande tous les jours de plus en plus. Car d'après ce que j'en ai lu, j'estime qu'il est impossible d'être un bon Spirite sans être un honnête homme et un bon citoyen. Je ne connais pas beaucoup de religions dont on puisse en dire autant.
Prêchés à la cathédrale de Metz, les 27, 28 et 29 mai 1863, par le R. P. Letierce, de la compagnie de Jésus, réfutés par un spirite de Metz.
Précédés de considérations sur la folie spirite[1].
Nous sommes toujours heureux de voir des adeptes sérieux entrer dans la lice quand, à la logique de l'argumentation, ils joignent le calme et la modération dont on ne doit jamais s'écarter, même envers ceux qui n'usent pas des mêmes procédés à notre égard. Nous félicitons l'auteur de cet opuscule d'avoir su réunir ces deux qualités dans son très intéressant et très consciencieux travail, qui sera, nous n'en doutons pas, accueilli avec la faveur qu'il mérite. La lettre placée en tête de sa brochure est un témoignage de sympathie que nous ne saurions mieux reconnaître qu'en la citant textuellement, parce qu'elle est une preuve de la manière dont il comprend la doctrine, de même que les pensées suivantes, qu'il prend pour épigraphe :
« Nous croyons qu'il y a des faits qui ne sont point visibles à l'œil, point tangibles à la main ; que le microscope ni le scalpel ne peuvent atteindre, si parfaits qu'on les suppose ; qui échappent également au goût, à l'odorat et à l'ouïe, et qui cependant sont susceptibles d'être constatés avec une certitude absolue. (Ch. Jouffroy, préface des Esquisses de philosophie morale, p. 5.)
Ne croyez pas à tout Esprit, mais mettez-les à l'épreuve pour voir s'ils viennent de Dieu. » (Évangile.)
« Monsieur et cher maître,
Daignerez-vous accepter la dédicace de cette modeste plaidoirie en faveur du Spiritisme, de ce cri d'indignation contre les attaques qu'il a entendu diriger contre notre sublime morale ? Ce serait pour moi le témoignage le plus certain que ces pages sont dictées par cet esprit de modération que nous admirons tous les jours dans vos écrits, et qui devrait nous guider dans toutes nos luttes. Acceptez-le comme l'essai inexpérimenté d'un de vos récents adeptes, comme la profession de foi d'un vrai croyant. Si mes efforts sont heureux, j'en attribuerai le succès à votre haut patronage ; si ma voix inhabile ne trouve pas d'échos, le Spiritisme ne manquera pas d'autres défenseurs, et j'aurai pour moi, avec la satisfaction de ma conscience, le bonheur d'avoir été approuvé par l'apôtre immortel de notre philosophie. »
Nous extrayons de cette brochure le passage suivant d'un des sermons du R. P. Letierce, afin de donner une idée de la puissance de sa logique.
« Il n'y a rien de choquant pour la raison, à admettre, dans une certaine limite, la communication des Esprits des morts avec les vivants ; cette communication est toute compatible avec la nature de l'âme humaine, et on en trouverait d'assez nombreux exemples dans l'Evangile et dans la Vie des saints ; mais c'étaient des saints, c'étaient des apôtres. Pour nous, pauvres pécheurs, qui, sur la pente glissante de la corruption, n'aurions souvent besoin que d'une main secourable pour nous ramener vers le bien, n'est-ce pas un sacrilège, une insulte à la justice divine, que d'aller demander aux bons Esprits que Dieu a répandus autour de nous, des conseils et des préceptes pour notre instruction morale et philosophique ? N'est-ce pas une audace impie de prier le Créateur de nous envoyer des anges gardiens pour nous rappeler sans cesse l'observation de ses lois, la charité, l'amour pour nos semblables, et nous apprendre ce qu'il faut faire, dans la mesure de nos forces, pour arriver le plus rapidement possible à ce degré de perfection qu'ils ont atteint eux-mêmes ?
Cet appel que nous faisons aux âmes des justes, au nom de la bonté de Dieu, n'est entendu que des âmes des méchants, au nom des puissances infernales. Oui, les Esprits se communiquent à nous, mais ce sont les Esprits des réprouvés ; leurs communications et leurs préceptes sont, il est vrai, tels que pourraient nous les dicter les anges les plus purs ; tous leurs discours respirent les vertus les plus sublimes, dont les moindres doivent être pour nous un idéal de perfection auquel nous pouvons à peine atteindre dans cette vie ; mais ce n'est qu'un piège pour mieux nous attirer, un miel recouvrant le poison par lequel le démon veut tuer notre âme.
En effet, les âmes des morts, avec Allan Kardec, sont de trois classes : celles qui sont parvenues à l'état de purs Esprits, celles qui sont sur le chemin de la perfection, et les âmes des méchants. Les premières, par leur nature même, ne peuvent se rendre à notre appel ; leur état de pureté leur rend impossible toute communication avec celle de l'homme, enfermée dans une si grossière enveloppe. Que viendraient-elles faire d'ailleurs sur la terre ? pour nous prêcher des exhortations que nous ne saurions comprendre ? Les deuxièmes ont trop à travailler à leur perfectionnement moral pour pouvoir perdre du temps à converser avec nous ; ce ne sont pas elles encore qui nous assistent dans nos réunions. Que reste-t-il donc pour nous ? Je l'ai dit, les âmes des réprouvés, et celles-ci au moins ne se font pas prier pour venir ; toutes disposées à profiter de notre erreur et de notre besoin d'instruction, elles se rendent en foule auprès de nous pour nous entraîner avec elles dans l'abîme où les a plongées la juste punition de Dieu. »
Précédés de considérations sur la folie spirite[1].
Nous sommes toujours heureux de voir des adeptes sérieux entrer dans la lice quand, à la logique de l'argumentation, ils joignent le calme et la modération dont on ne doit jamais s'écarter, même envers ceux qui n'usent pas des mêmes procédés à notre égard. Nous félicitons l'auteur de cet opuscule d'avoir su réunir ces deux qualités dans son très intéressant et très consciencieux travail, qui sera, nous n'en doutons pas, accueilli avec la faveur qu'il mérite. La lettre placée en tête de sa brochure est un témoignage de sympathie que nous ne saurions mieux reconnaître qu'en la citant textuellement, parce qu'elle est une preuve de la manière dont il comprend la doctrine, de même que les pensées suivantes, qu'il prend pour épigraphe :
« Nous croyons qu'il y a des faits qui ne sont point visibles à l'œil, point tangibles à la main ; que le microscope ni le scalpel ne peuvent atteindre, si parfaits qu'on les suppose ; qui échappent également au goût, à l'odorat et à l'ouïe, et qui cependant sont susceptibles d'être constatés avec une certitude absolue. (Ch. Jouffroy, préface des Esquisses de philosophie morale, p. 5.)
Ne croyez pas à tout Esprit, mais mettez-les à l'épreuve pour voir s'ils viennent de Dieu. » (Évangile.)
« Monsieur et cher maître,
Daignerez-vous accepter la dédicace de cette modeste plaidoirie en faveur du Spiritisme, de ce cri d'indignation contre les attaques qu'il a entendu diriger contre notre sublime morale ? Ce serait pour moi le témoignage le plus certain que ces pages sont dictées par cet esprit de modération que nous admirons tous les jours dans vos écrits, et qui devrait nous guider dans toutes nos luttes. Acceptez-le comme l'essai inexpérimenté d'un de vos récents adeptes, comme la profession de foi d'un vrai croyant. Si mes efforts sont heureux, j'en attribuerai le succès à votre haut patronage ; si ma voix inhabile ne trouve pas d'échos, le Spiritisme ne manquera pas d'autres défenseurs, et j'aurai pour moi, avec la satisfaction de ma conscience, le bonheur d'avoir été approuvé par l'apôtre immortel de notre philosophie. »
Nous extrayons de cette brochure le passage suivant d'un des sermons du R. P. Letierce, afin de donner une idée de la puissance de sa logique.
« Il n'y a rien de choquant pour la raison, à admettre, dans une certaine limite, la communication des Esprits des morts avec les vivants ; cette communication est toute compatible avec la nature de l'âme humaine, et on en trouverait d'assez nombreux exemples dans l'Evangile et dans la Vie des saints ; mais c'étaient des saints, c'étaient des apôtres. Pour nous, pauvres pécheurs, qui, sur la pente glissante de la corruption, n'aurions souvent besoin que d'une main secourable pour nous ramener vers le bien, n'est-ce pas un sacrilège, une insulte à la justice divine, que d'aller demander aux bons Esprits que Dieu a répandus autour de nous, des conseils et des préceptes pour notre instruction morale et philosophique ? N'est-ce pas une audace impie de prier le Créateur de nous envoyer des anges gardiens pour nous rappeler sans cesse l'observation de ses lois, la charité, l'amour pour nos semblables, et nous apprendre ce qu'il faut faire, dans la mesure de nos forces, pour arriver le plus rapidement possible à ce degré de perfection qu'ils ont atteint eux-mêmes ?
Cet appel que nous faisons aux âmes des justes, au nom de la bonté de Dieu, n'est entendu que des âmes des méchants, au nom des puissances infernales. Oui, les Esprits se communiquent à nous, mais ce sont les Esprits des réprouvés ; leurs communications et leurs préceptes sont, il est vrai, tels que pourraient nous les dicter les anges les plus purs ; tous leurs discours respirent les vertus les plus sublimes, dont les moindres doivent être pour nous un idéal de perfection auquel nous pouvons à peine atteindre dans cette vie ; mais ce n'est qu'un piège pour mieux nous attirer, un miel recouvrant le poison par lequel le démon veut tuer notre âme.
En effet, les âmes des morts, avec Allan Kardec, sont de trois classes : celles qui sont parvenues à l'état de purs Esprits, celles qui sont sur le chemin de la perfection, et les âmes des méchants. Les premières, par leur nature même, ne peuvent se rendre à notre appel ; leur état de pureté leur rend impossible toute communication avec celle de l'homme, enfermée dans une si grossière enveloppe. Que viendraient-elles faire d'ailleurs sur la terre ? pour nous prêcher des exhortations que nous ne saurions comprendre ? Les deuxièmes ont trop à travailler à leur perfectionnement moral pour pouvoir perdre du temps à converser avec nous ; ce ne sont pas elles encore qui nous assistent dans nos réunions. Que reste-t-il donc pour nous ? Je l'ai dit, les âmes des réprouvés, et celles-ci au moins ne se font pas prier pour venir ; toutes disposées à profiter de notre erreur et de notre besoin d'instruction, elles se rendent en foule auprès de nous pour nous entraîner avec elles dans l'abîme où les a plongées la juste punition de Dieu. »
[1] Brochure in-18. - Prix : 1 fr. ; par la poste, 1 fr. 10 c. - A Paris, Didier et Compagnie, Ledoyen ; - à Metz : Linden, Verronnais, libraires.