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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1863 > Janvier
Janvier
Etude sur les possédés de Morzine Les causes de l'obsession et les moyens de la combattre
Deuxième article
Dans notre précédent article[1], nous avons exposé la manière dont s'exerce l'action des Esprits sur l'homme, action pour ainsi dire matérielle. Sa cause est tout entière dans le périsprit, principe non seulement de tous les phénomènes spirites proprement dits, mais d'une foule d'effets moraux, physiologiques et pathologiques incompris avant la connaissance de cet agent, dont la découverte, si l'on peut s'exprimer ainsi, ouvrira des horizons nouveaux à la science quand celle-ci voudra bien reconnaître l'existence du monde invisible.
Le périsprit, comme on l'a vu, joue un rôle important dans tous les phénomènes de la vie ; il est la source d'une multitude d'affections dont le scalpel cherche en vain la cause dans l'altération des organes, et contre lesquelles la thérapeutique est impuissante. Par son expansion, s'expliquent encore les réactions d'individu à individu, les attractions et les répulsions instinctives, l'action magnétique etc. Chez l'Esprit libre, c'est-à-dire désincarné, il remplace le corps matériel ; c'est l'agent sensitif, l'organe à l'aide duquel il agit. Par la nature fluidique et expansive du périsprit, l'Esprit atteint l'individu sur lequel il veut agir, l'entoure, l'enveloppe, le pénètre et le magnétise. L'homme vivant au milieu du monde invisible est incessamment soumis à ces influences comme à celles de l'atmosphère qu'il respire, et cette influence se traduit par des effets moraux et physiologiques dont il ne se rend pas compte, et qu'il attribue souvent à des causes toutes contraires. Cette influence diffère naturellement selon les qualités bonnes ou mauvaises de l'Esprit, ainsi que nous l'avons expliqué dans notre précédent article. Celui-ci est-il bon et bienveillant, l'influence, ou si l'on veut l'impression, est agréable, salutaire : c'est comme les caresses d'une tendre mère qui enlace son enfant dans ses bras ; est-il mauvais et malveillant, elle est dure, pénible, anxieuse et parfois malfaisante : elle n'embrasse pas, elle étreint. Nous vivons dans cet océan fluidique, incessamment en butte à des courants contraires, que nous attirons, que nous repoussons, ou auxquels nous nous abandonnons selon nos qualités personnelles, mais au milieu desquels l'homme conserve toujours son libre arbitre, attribut essentiel de sa nature, en vertu duquel il peut toujours choisir sa route.
Ceci, comme on le voit, est tout à fait indépendant de la faculté médianimique telle qu'on la conçoit vulgairement. L'action du monde invisible, étant dans l'ordre des choses naturelles, s'exerce sur l'homme, abstraction faite de toute connaissance spirite ; on y est soumis comme on l'est à l'influence de l'électricité atmosphérique sans savoir la physique, comme on est malade sans savoir la médecine. Or, de même que la physique nous apprend la cause de certains phénomènes, et celle de la médecine, la cause de certaines maladies, l'étude de la science spirite nous apprend la cause des phénomènes dus aux influences occultes du monde invisible, et nous explique ce qui, sans cela, nous paraissait inexplicable. La médiumnité est le moyen direct d'observation ; le médium — qu'on nous passe cette comparaison — est l'instrument de laboratoire par lequel l'action du monde invisible se traduit d'une manière patente ; et, par la facilité qu'il nous donne de répéter les expériences, il nous permet d'étudier le mode et les diverses nuances de cette action ; c'est de cette étude et de ces observations qu'est née la science spirite.
Tout individu qui subit d'une manière quelconque l'influence des Esprits est, par cela même, médium, et c'est à ce titre qu'on peut dire que tout le monde est médium ; mais c'est par la médiumnité effective, consciente et facultative qu'on est arrivé à constater l'existence du monde invisible, et par la diversité des manifestations obtenues ou provoquées qu'on a pu s'éclairer sur la qualité des êtres qui le composent, et sur le rôle qu'ils jouent dans la nature ; le médium a fait pour le monde invisible ce que le microscope a fait pour le monde des infiniment petits.
C'est donc une nouvelle force, une nouvelle puissance, une nouvelle loi, en un mot, qui nous est révélée. Il est vraiment inconcevable que l'incrédulité en repousse même l'idée, parce que cette idée suppose en nous une âme, un principe intelligent survivant au corps. S'il s'agissait de la découverte d'une substance matérielle et inintelligente, ils l'accepteraient sans difficulté ; mais une action intelligente en dehors de l'homme, c'est pour eux de la superstition. Si, de l'observation des faits qui se produisent par la médiumnité, on remonte aux faits généraux, on peut, par la similitude des effets, conclure à la similitude des causes ; or, c'est en constatant l'analogie des phénomènes de Morzine avec ceux que la médiumnité met tous les jours sous nos yeux, que la participation d'Esprits malfaisants nous paraît évidente dans cette circonstance, et elle ne le sera pas moins pour ceux qui auront médité sur les nombreux cas isolés rapportés dans la Revue Spirite. Toute la différence est dans le caractère épidémique de l'affection ; mais l'histoire rapporte plus d'un fait semblable, parmi lesquels figurent ceux des religieuses de Loudun, des convulsionnaires de Saint-Médard, des camisards des Cévennes et des possédés du temps du Christ ; ces derniers surtout ont une analogie frappante avec ceux de Morzine ; et une chose digne de remarque, c'est que partout où ces phénomènes se sont produits, l'idée qu'ils étaient dus à des Esprits a été la pensée dominante et comme intuitive chez ceux qui en étaient affectés.
Si l'on veut bien se reporter à notre premier article, à la théorie de l'obsession contenue dans le Livre des Médiums, et aux faits relatés dans la Revue, on verra que l'action des mauvais Esprits sur les individus dont ils s'emparent, présente des nuances extrêmement variées d'intensité et de durée selon le degré de malignité et de perversité de l'Esprit, et aussi selon l'état moral de la personne qui leur donne un accès plus ou moins facile. Cette action n'est souvent que temporaire et accidentelle, plus malicieuse et désagréable que dangereuse, comme dans le fait que nous avons relaté dans notre précédent article. Le fait suivant appartient à cette catégorie.
M. Indermühle, de Berne, membre de la Société Spirite de Paris, nous a raconté que, dans sa propriété de Zimmerwald, son fermier, homme d'une force herculéenne, se sentit une nuit saisir par un individu qui le secouait vigoureusement. C'était un cauchemar, dira-t-on ; non, car cet homme était si bien éveillé qu'il se leva et lutta quelque temps contre celui qui l'étreignait ; lorsqu'il se sentit libre, il prit son sabre accroché à côté de son lit, et se mit à sabrer dans l'ombre, mais sans rien atteindre. Il alluma sa chandelle, chercha partout et ne trouva personne ; la porte était parfaitement close. A peine recouché, le jardinier, qui était dans la chambre à côté, se mit à appeler au secours en se débattant et en criant qu'on l'étranglait. Le fermier court chez son voisin, mais, comme chez lui, on ne trouve personne. Une servante qui couchait dans le même bâtiment avait entendu tout ce tapage. Tous ces gens effrayés vinrent le lendemain rendre compte à M. Indermühle de ce qui s'était passé. Celui-ci, après s'être enquis de tous les détails et s'être assuré qu'aucun étranger n'avait pu s'introduire dans les chambres, fut d'autant plus porté à croire à un mauvais tour de quelque Esprit, que depuis quelque temps des manifestations physiques non équivoques et de diverse nature se produisaient dans sa propre maison. Il tranquillisa ses gens et leur dit d'observer avec soin ce qui se passerait, si pareille chose se renouvelait. Comme il est médium, ainsi que sa femme, il évoqua l'Esprit perturbateur, qui convint du fait, et s'excusa en disant : « Je voulais vous parler, parce que je suis malheureux et que j'ai besoin de vos prières ; depuis longtemps je fais tout ce que je peux pour appeler votre attention ; je frappe chez vous ; je vous ai même tiré par l'oreille (M. Indermühle se rappela la chose) : rien n'y a fait. Alors j'ai pensé qu'en faisant la scène de la nuit dernière, vous songeriez à m'appeler ; vous l'avez fait, je suis content ; mais je vous assure que je n'avais aucune mauvaise intention. Promettez-moi de m'appeler quelquefois et de prier pour moi. » M. Indermühle lui fit une verte semonce, renouvela l'entretien, lui fit de la morale qu'il écoutait avec plaisir, pria pour lui, dit à ses gens d'en faire autant, ce qu'ils firent en gens pieux qu'ils sont, et depuis lors tout est resté dans l'ordre.
Malheureusement tous ne sont pas d'aussi bonne composition ; celui-ci n'était pas mauvais ; mais il en est dont l'action est tenace, permanente, et peut même avoir des conséquences fâcheuses pour la santé de l'individu, nous dirons plus : pour ses facultés intellectuelles, si l'Esprit parvient à subjuguer sa victime au point de neutraliser son libre arbitre, et de la contraindre à dire et à faire des extravagances. Tel est le cas de la folie obsessionnelle, bien différente dans ses causes, sinon dans ses effets, de la folie pathologique.
Nous avons vu, dans notre voyage, le jeune obsédé dont il est parlé dans la Revue de janvier 1861 sous le titre de l'Esprit frappeur de l'Aube, et nous avons acquis de la bouche du père et de témoins oculaires la confirmation de tous les faits. Ce jeune homme a présentement seize ans ; il est frais, grand, parfaitement constitué, et cependant il se plaint de maux d'estomac et de faiblesse dans les membres, ce qui, dit-il, l'empêche de travailler. A le voir on peut croire aisément que la paresse est sa principale maladie, ce qui n'ôte rien à la réalité des phénomènes qui se sont produits depuis cinq ans, et qui rappellent, à beaucoup d'égards, ceux de Bergzabern (Revue : mai, juin et juillet 1858). Il n'en est pas ainsi de sa santé morale ; étant enfant il était très intelligent et apprenait à l'école avec facilité ; depuis lors ses facultés ont sensiblement faibli. Il est bon d'ajouter que ce n'est que depuis peu que lui et ses parents ont connaissance du Spiritisme, et encore par ouï-dire et très superficiellement, car ils n'ont jamais rien lu ; auparavant, jamais ils n'en avaient entendu parler ; on ne saurait donc y voir une cause provocatrice. Les phénomènes matériels ont à peu près cessé, ou du moins sont plus rares aujourd'hui, mais l'état moral est le même, ce qui est d'autant plus fâcheux pour les parents qu'ils ne vivent que de leur travail. On connaît l'influence de la prière en pareil cas ; mais comme on ne peut rien attendre de l'enfant sous ce rapport, il faudrait le concours des parents ; ils sont bien persuadés que leur fils est sous une mauvaise influence occulte, mais leur croyance ne va guère au-delà, et leur foi religieuse est des plus faibles. Nous dîmes au père qu'il faudrait prier, mais prier sérieusement et avec ferveur. « C'est ce qu'on m'a déjà dit, a-t-il répondu ; j'ai prié quelquefois, mais ça n'a rien fait. Si je savais qu'en priant une bonne fois pendant vingt-quatre heures et que ça soit fini, je le ferais bien encore. » On voit par-là de quelle manière on peut être secondé dans cette circonstance par ceux qui y sont le plus intéressés.
Voici la contre-partie de ce fait, et une preuve de l'efficacité de la prière quand elle est faite avec le cœur et non avec les lèvres.
Une jeune femme, contrariée dans ses inclinations, avait été unie à un homme avec lequel elle ne pouvait sympathiser. Le chagrin qu'elle en conçut amena un dérangement dans ses facultés mentales ; sous l'empire d'une idée fixe elle perdit la raison, et l'on fut obligé de la séquestrer. Cette dame n'avait jamais entendu parler du Spiritisme ; si elle s'en fût occupée, on n'aurait pas manqué de dire que les Esprits lui avaient tourné la tête. Le mal provenait donc d'une cause morale accidentelle toute personnelle, et, en pareil cas, on conçoit que les remèdes ordinaires ne pouvaient être d'aucun secours ; comme il n'y avait aucune obsession apparente, on pouvait douter également de l'efficacité de la prière.
Un membre de la Société Spirite de Paris, ami de la famille, crut devoir interroger à son sujet un Esprit supérieur, qui répondit : « L'idée fixe de cette dame, par sa cause même, attire autour d'elle une foule d'Esprits mauvais qui l'enveloppent de leur fluide, l'entretiennent dans ses idées, et empêchent les bonnes influences d'arriver à elle. Les Esprits de cette nature abondent toujours dans les milieux semblables à celui où elle se trouve, et sont souvent un obstacle à la guérison des malades. Cependant vous pouvez la guérir, mais il faut pour cela une puissance morale capable de vaincre la résistance, et cette puissance n'est pas donnée à un seul. Que cinq ou six Spirites sincères se réunissent tous les jours, pendant quelques instants, et prient avec ferveur Dieu et les bons Esprits de l'assister ; que votre ardente prière soit en même temps une magnétisation mentale ; vous n'avez pas, pour cela, besoin d'être auprès d'elle, au contraire ; par la pensée, vous pouvez porter sur elle un courant fluidique salutaire dont la puissance sera en raison de votre intention et augmentée par le nombre ; par ce moyen, vous pourrez neutraliser le mauvais fluide qui l'environne. Faites cela ; ayez foi et confiance en Dieu, et espérez. »
Six personnes se dévouèrent à cette œuvre de charité, et ne faillirent pas un seul jour, pendant un mois, à la mission qu'elles avaient acceptée. Au bout de quelques jours la malade était sensiblement plus calme ; quinze jours après, l'amélioration était manifeste, et aujourd'hui cette femme est rentrée chez elle dans un état parfaitement normal, ignorant encore, ainsi que son mari, d'où lui est venue sa guérison.
Le mode d'action est ici clairement indiqué, et nous ne saurions rien ajouter de plus précis à l'explication donnée par l'Esprit. La prière n'a donc pas seulement l'effet d'appeler sur le patient un secours étranger, mais celui d'exercer une action magnétique. Que ne pourrait donc pas le magnétisme secondé par la prière ! Malheureusement, certains magnétiseurs font trop, à l'exemple de beaucoup de médecins, abstraction de l'élément spirituel ; ils ne voient que l'action mécanique, et se privent ainsi d'un puissant auxiliaire. Nous espérons que les vrais Spirites verront dans ce fait une preuve de plus du bien qu'ils peuvent faire dans une pareille circonstance.
Une question d'une grande importance se présente naturellement ici : L'exercice de la médiumnité peut-il provoquer le dérangement de la santé et des facultés mentales ?
Il est à remarquer que cette question ainsi formulée est celle que posent la plupart des antagonistes du Spiritisme, ou, pour mieux dire, au lieu d'une question, ils formulent le principe en axiome en affirmant que la médiumnité pousse à la folie ; nous parlons de la folie réelle et non de celle, plus burlesque que sérieuse, dont on gratifie les adeptes. On concevrait cette question de la part de celui qui croirait à l'existence des Esprits et à l'action qu'ils peuvent exercer, parce que, pour eux, c'est quelque chose de réel ; mais pour ceux qui n'y croient pas, la question est un non-sens, car, s'il n'y a rien, ce rien ne peut pas produire quelque chose. Cette thèse n'étant pas soutenable, ils se retranchent sur les dangers de la surexcitation cérébrale que, selon eux, peut causer la seule croyance aux Esprits. Nous ne reviendrons pas sur ce point déjà traité, mais nous demanderons si l'on a fait le dénombrement de tous les cerveaux tournés par la peur du diable et les effrayants tableaux des tortures de l'enfer et de la damnation éternelle, et s'il est plus malsain de croire qu'on a près de soi des Esprits bons et bienveillants, ses parents, ses amis et son ange gardien, que le démon.
La question formulée de la manière suivante est plus rationnelle et plus sérieuse, dès lors qu'on admet l'existence et l'action des Esprits : L'exercice de la médiumnité peut-il provoquer chez un individu l'invasion de mauvais Esprits et ses conséquences ?
Nous n'avons jamais dissimulé les écueils que l'on rencontre dans la médiumnité, c'est pourquoi nous avons multiplié les instructions à ce sujet dans le Livre des Médiums, et nous n'avons cessé d'en recommander l'étude préalable avant de se livrer à la pratique ; aussi, depuis la publication de ce livre, le nombre des obsédés a sensiblement et notoirement diminué, parce qu'il épargne une expérience que les novices n'acquièrent souvent qu'à leurs dépens. Nous le disons encore, oui, sans expérience, la médiumnité a des inconvénients dont le moindre serait d'être mystifié par des Esprits trompeurs ou légers ; faire du Spiritisme expérimental sans étude, c'est vouloir faire des manipulations chimiques sans savoir la chimie.
Les exemples si nombreux de personnes obsédées et subjuguées de la manière la plus fâcheuse, sans avoir jamais entendu parler de Spiritisme, prouvent surabondamment que l'exercice de la médiumnité n'a pas le privilège d'attirer les mauvais Esprits ; bien plus, l'expérience prouve que c'est un moyen de les écarter, en permettant de les reconnaître. Toutefois, comme il y en a souvent qui rôdent autour de nous, il peut arriver que, trouvant une occasion de se manifester, ils en profitent, s'ils rencontrent dans le médium une prédisposition physique ou morale qui le rende accessible à leur influence ; or, cette prédisposition tient à l'individu et à des causes personnelles antérieures, et ce n'est pas la médiumnité qui la fait naître ; on peut dire que l'exercice de la faculté est une occasion et non une cause ; mais si quelques individus sont dans ce cas, on en voit d'autres qui offrent aux mauvais Esprits une résistance insurmontable, et auxquels ces derniers ne s'adressent pas. Nous parlons des Esprits réellement mauvais et malfaisants, les seuls vraiment dangereux, et non des Esprits légers et moqueurs qui se glissent partout.
La présomption de se croire invulnérable contre les mauvais Esprits a plus d'une fois été punie d'une manière cruelle, car on ne les brave jamais impunément par l'orgueil ; l'orgueil est la porte qui leur donne l'accès le plus facile, parce que nul n'offre moins de résistance que l'orgueilleux quand on le prend par son côté faible. Avant de s'adresser aux Esprits, il convient donc de se cuirasser contre l'atteinte des mauvais, comme lorsqu'on marche sur un terrain où l'on craint la morsure des serpents. On y parvient d'abord par l'étude préalable qui indique la route et les précautions à prendre, puis par la prière ; mais il faut bien se pénétrer de vérité que le seul préservatif est en soi, dans sa propre force, et jamais dans les choses extérieures, et qu'il n'y a ni talismans, ni amulettes, ni paroles sacramentelles, ni formules sacrées ou profanes qui puissent avoir la moindre efficacité si l'on ne possède pas en soi les qualités nécessaires ; c'est donc ces qualités qu'il faut s'efforcer d'acquérir.
Si l'on était bien pénétré du but essentiel et sérieux du Spiritisme, si l'on se préparait toujours à l'exercice de la médiumnité par un appel fervent à son ange gardien et à ses Esprits protecteurs, si l'on s'étudiait soi-même en s'efforçant de se purifier de ses imperfections, les cas d'obsessions médianimiques seraient encore plus rares ; malheureusement, beaucoup n'y voient que le fait des manifestations ; non contents des preuves morales qui surabondent autour d'eux, ils veulent à tout prix se donner la satisfaction de communiquer eux-mêmes avec les Esprits, en poussant au développement d'une faculté qui souvent n'existe pas en eux, guidés en cela plus souvent par la curiosité que par le désir sincère de s'améliorer. Il en résulte qu'au lieu de s'envelopper d'une atmosphère fluidique salutaire, de se couvrir des ailes protectrices de leurs anges gardiens, de chercher à dompter leurs faiblesses morales, ils ouvrent à deux battants la porte aux Esprits obsesseurs qui les eussent peut-être tourmentés d'une autre façon et dans un autre temps, mais qui profitent de l'occasion qui leur est offerte. Que dire alors de ceux qui se font un jeu des manifestations et n'y voient qu'un sujet de distraction ou de curiosité, ou qui n'y cherchent que les moyens de satisfaire leur ambition, leur cupidité ou des intérêts matériels ? C'est dans ce sens qu'on peut dire que l'exercice de la médiumnité peut provoquer l'invasion des mauvais Esprits. Oui, il est dangereux de jouer avec ces choses-là. Que de personnes lisent le Livre des Médiums uniquement pour savoir comment on s'y prend, parce que la recette ou le procédé est la chose qui les intéresse le plus ! Quant au côté moral de la question, c'est l'accessoire. Il ne faut donc pas imputer au Spiritisme ce qui est le fait de leur imprudence.
Revenons aux possédés de Morzine. Ce qu'un Esprit peut faire sur un individu, plusieurs Esprits peuvent le faire sur plusieurs individus simultanément, et donner à l'obsession un caractère épidémique. Une nuée de mauvais Esprits peut faire invasion dans une localité, et s'y manifester de diverses manières. C'est une épidémie de ce genre qui sévissait en Judée du temps du Christ, et, à notre avis, c'est une épidémie semblable qui a sévi à Morzine.
C'est ce que nous chercherons à établir dans un prochain article, où nous ferons ressortir les caractères essentiellement obsessionnels de cette affection. Nous analyserons les mémoires des médecins qui l'ont observée, entre autres celui du docteur Constant, ainsi que les moyens curatifs employés soit par la médecine, soit par la voie des exorcismes.
[1] Voy. décembre 1862.
Deuxième article
Dans notre précédent article[1], nous avons exposé la manière dont s'exerce l'action des Esprits sur l'homme, action pour ainsi dire matérielle. Sa cause est tout entière dans le périsprit, principe non seulement de tous les phénomènes spirites proprement dits, mais d'une foule d'effets moraux, physiologiques et pathologiques incompris avant la connaissance de cet agent, dont la découverte, si l'on peut s'exprimer ainsi, ouvrira des horizons nouveaux à la science quand celle-ci voudra bien reconnaître l'existence du monde invisible.
Le périsprit, comme on l'a vu, joue un rôle important dans tous les phénomènes de la vie ; il est la source d'une multitude d'affections dont le scalpel cherche en vain la cause dans l'altération des organes, et contre lesquelles la thérapeutique est impuissante. Par son expansion, s'expliquent encore les réactions d'individu à individu, les attractions et les répulsions instinctives, l'action magnétique etc. Chez l'Esprit libre, c'est-à-dire désincarné, il remplace le corps matériel ; c'est l'agent sensitif, l'organe à l'aide duquel il agit. Par la nature fluidique et expansive du périsprit, l'Esprit atteint l'individu sur lequel il veut agir, l'entoure, l'enveloppe, le pénètre et le magnétise. L'homme vivant au milieu du monde invisible est incessamment soumis à ces influences comme à celles de l'atmosphère qu'il respire, et cette influence se traduit par des effets moraux et physiologiques dont il ne se rend pas compte, et qu'il attribue souvent à des causes toutes contraires. Cette influence diffère naturellement selon les qualités bonnes ou mauvaises de l'Esprit, ainsi que nous l'avons expliqué dans notre précédent article. Celui-ci est-il bon et bienveillant, l'influence, ou si l'on veut l'impression, est agréable, salutaire : c'est comme les caresses d'une tendre mère qui enlace son enfant dans ses bras ; est-il mauvais et malveillant, elle est dure, pénible, anxieuse et parfois malfaisante : elle n'embrasse pas, elle étreint. Nous vivons dans cet océan fluidique, incessamment en butte à des courants contraires, que nous attirons, que nous repoussons, ou auxquels nous nous abandonnons selon nos qualités personnelles, mais au milieu desquels l'homme conserve toujours son libre arbitre, attribut essentiel de sa nature, en vertu duquel il peut toujours choisir sa route.
Ceci, comme on le voit, est tout à fait indépendant de la faculté médianimique telle qu'on la conçoit vulgairement. L'action du monde invisible, étant dans l'ordre des choses naturelles, s'exerce sur l'homme, abstraction faite de toute connaissance spirite ; on y est soumis comme on l'est à l'influence de l'électricité atmosphérique sans savoir la physique, comme on est malade sans savoir la médecine. Or, de même que la physique nous apprend la cause de certains phénomènes, et celle de la médecine, la cause de certaines maladies, l'étude de la science spirite nous apprend la cause des phénomènes dus aux influences occultes du monde invisible, et nous explique ce qui, sans cela, nous paraissait inexplicable. La médiumnité est le moyen direct d'observation ; le médium — qu'on nous passe cette comparaison — est l'instrument de laboratoire par lequel l'action du monde invisible se traduit d'une manière patente ; et, par la facilité qu'il nous donne de répéter les expériences, il nous permet d'étudier le mode et les diverses nuances de cette action ; c'est de cette étude et de ces observations qu'est née la science spirite.
Tout individu qui subit d'une manière quelconque l'influence des Esprits est, par cela même, médium, et c'est à ce titre qu'on peut dire que tout le monde est médium ; mais c'est par la médiumnité effective, consciente et facultative qu'on est arrivé à constater l'existence du monde invisible, et par la diversité des manifestations obtenues ou provoquées qu'on a pu s'éclairer sur la qualité des êtres qui le composent, et sur le rôle qu'ils jouent dans la nature ; le médium a fait pour le monde invisible ce que le microscope a fait pour le monde des infiniment petits.
C'est donc une nouvelle force, une nouvelle puissance, une nouvelle loi, en un mot, qui nous est révélée. Il est vraiment inconcevable que l'incrédulité en repousse même l'idée, parce que cette idée suppose en nous une âme, un principe intelligent survivant au corps. S'il s'agissait de la découverte d'une substance matérielle et inintelligente, ils l'accepteraient sans difficulté ; mais une action intelligente en dehors de l'homme, c'est pour eux de la superstition. Si, de l'observation des faits qui se produisent par la médiumnité, on remonte aux faits généraux, on peut, par la similitude des effets, conclure à la similitude des causes ; or, c'est en constatant l'analogie des phénomènes de Morzine avec ceux que la médiumnité met tous les jours sous nos yeux, que la participation d'Esprits malfaisants nous paraît évidente dans cette circonstance, et elle ne le sera pas moins pour ceux qui auront médité sur les nombreux cas isolés rapportés dans la Revue Spirite. Toute la différence est dans le caractère épidémique de l'affection ; mais l'histoire rapporte plus d'un fait semblable, parmi lesquels figurent ceux des religieuses de Loudun, des convulsionnaires de Saint-Médard, des camisards des Cévennes et des possédés du temps du Christ ; ces derniers surtout ont une analogie frappante avec ceux de Morzine ; et une chose digne de remarque, c'est que partout où ces phénomènes se sont produits, l'idée qu'ils étaient dus à des Esprits a été la pensée dominante et comme intuitive chez ceux qui en étaient affectés.
Si l'on veut bien se reporter à notre premier article, à la théorie de l'obsession contenue dans le Livre des Médiums, et aux faits relatés dans la Revue, on verra que l'action des mauvais Esprits sur les individus dont ils s'emparent, présente des nuances extrêmement variées d'intensité et de durée selon le degré de malignité et de perversité de l'Esprit, et aussi selon l'état moral de la personne qui leur donne un accès plus ou moins facile. Cette action n'est souvent que temporaire et accidentelle, plus malicieuse et désagréable que dangereuse, comme dans le fait que nous avons relaté dans notre précédent article. Le fait suivant appartient à cette catégorie.
M. Indermühle, de Berne, membre de la Société Spirite de Paris, nous a raconté que, dans sa propriété de Zimmerwald, son fermier, homme d'une force herculéenne, se sentit une nuit saisir par un individu qui le secouait vigoureusement. C'était un cauchemar, dira-t-on ; non, car cet homme était si bien éveillé qu'il se leva et lutta quelque temps contre celui qui l'étreignait ; lorsqu'il se sentit libre, il prit son sabre accroché à côté de son lit, et se mit à sabrer dans l'ombre, mais sans rien atteindre. Il alluma sa chandelle, chercha partout et ne trouva personne ; la porte était parfaitement close. A peine recouché, le jardinier, qui était dans la chambre à côté, se mit à appeler au secours en se débattant et en criant qu'on l'étranglait. Le fermier court chez son voisin, mais, comme chez lui, on ne trouve personne. Une servante qui couchait dans le même bâtiment avait entendu tout ce tapage. Tous ces gens effrayés vinrent le lendemain rendre compte à M. Indermühle de ce qui s'était passé. Celui-ci, après s'être enquis de tous les détails et s'être assuré qu'aucun étranger n'avait pu s'introduire dans les chambres, fut d'autant plus porté à croire à un mauvais tour de quelque Esprit, que depuis quelque temps des manifestations physiques non équivoques et de diverse nature se produisaient dans sa propre maison. Il tranquillisa ses gens et leur dit d'observer avec soin ce qui se passerait, si pareille chose se renouvelait. Comme il est médium, ainsi que sa femme, il évoqua l'Esprit perturbateur, qui convint du fait, et s'excusa en disant : « Je voulais vous parler, parce que je suis malheureux et que j'ai besoin de vos prières ; depuis longtemps je fais tout ce que je peux pour appeler votre attention ; je frappe chez vous ; je vous ai même tiré par l'oreille (M. Indermühle se rappela la chose) : rien n'y a fait. Alors j'ai pensé qu'en faisant la scène de la nuit dernière, vous songeriez à m'appeler ; vous l'avez fait, je suis content ; mais je vous assure que je n'avais aucune mauvaise intention. Promettez-moi de m'appeler quelquefois et de prier pour moi. » M. Indermühle lui fit une verte semonce, renouvela l'entretien, lui fit de la morale qu'il écoutait avec plaisir, pria pour lui, dit à ses gens d'en faire autant, ce qu'ils firent en gens pieux qu'ils sont, et depuis lors tout est resté dans l'ordre.
Malheureusement tous ne sont pas d'aussi bonne composition ; celui-ci n'était pas mauvais ; mais il en est dont l'action est tenace, permanente, et peut même avoir des conséquences fâcheuses pour la santé de l'individu, nous dirons plus : pour ses facultés intellectuelles, si l'Esprit parvient à subjuguer sa victime au point de neutraliser son libre arbitre, et de la contraindre à dire et à faire des extravagances. Tel est le cas de la folie obsessionnelle, bien différente dans ses causes, sinon dans ses effets, de la folie pathologique.
Nous avons vu, dans notre voyage, le jeune obsédé dont il est parlé dans la Revue de janvier 1861 sous le titre de l'Esprit frappeur de l'Aube, et nous avons acquis de la bouche du père et de témoins oculaires la confirmation de tous les faits. Ce jeune homme a présentement seize ans ; il est frais, grand, parfaitement constitué, et cependant il se plaint de maux d'estomac et de faiblesse dans les membres, ce qui, dit-il, l'empêche de travailler. A le voir on peut croire aisément que la paresse est sa principale maladie, ce qui n'ôte rien à la réalité des phénomènes qui se sont produits depuis cinq ans, et qui rappellent, à beaucoup d'égards, ceux de Bergzabern (Revue : mai, juin et juillet 1858). Il n'en est pas ainsi de sa santé morale ; étant enfant il était très intelligent et apprenait à l'école avec facilité ; depuis lors ses facultés ont sensiblement faibli. Il est bon d'ajouter que ce n'est que depuis peu que lui et ses parents ont connaissance du Spiritisme, et encore par ouï-dire et très superficiellement, car ils n'ont jamais rien lu ; auparavant, jamais ils n'en avaient entendu parler ; on ne saurait donc y voir une cause provocatrice. Les phénomènes matériels ont à peu près cessé, ou du moins sont plus rares aujourd'hui, mais l'état moral est le même, ce qui est d'autant plus fâcheux pour les parents qu'ils ne vivent que de leur travail. On connaît l'influence de la prière en pareil cas ; mais comme on ne peut rien attendre de l'enfant sous ce rapport, il faudrait le concours des parents ; ils sont bien persuadés que leur fils est sous une mauvaise influence occulte, mais leur croyance ne va guère au-delà, et leur foi religieuse est des plus faibles. Nous dîmes au père qu'il faudrait prier, mais prier sérieusement et avec ferveur. « C'est ce qu'on m'a déjà dit, a-t-il répondu ; j'ai prié quelquefois, mais ça n'a rien fait. Si je savais qu'en priant une bonne fois pendant vingt-quatre heures et que ça soit fini, je le ferais bien encore. » On voit par-là de quelle manière on peut être secondé dans cette circonstance par ceux qui y sont le plus intéressés.
Voici la contre-partie de ce fait, et une preuve de l'efficacité de la prière quand elle est faite avec le cœur et non avec les lèvres.
Une jeune femme, contrariée dans ses inclinations, avait été unie à un homme avec lequel elle ne pouvait sympathiser. Le chagrin qu'elle en conçut amena un dérangement dans ses facultés mentales ; sous l'empire d'une idée fixe elle perdit la raison, et l'on fut obligé de la séquestrer. Cette dame n'avait jamais entendu parler du Spiritisme ; si elle s'en fût occupée, on n'aurait pas manqué de dire que les Esprits lui avaient tourné la tête. Le mal provenait donc d'une cause morale accidentelle toute personnelle, et, en pareil cas, on conçoit que les remèdes ordinaires ne pouvaient être d'aucun secours ; comme il n'y avait aucune obsession apparente, on pouvait douter également de l'efficacité de la prière.
Un membre de la Société Spirite de Paris, ami de la famille, crut devoir interroger à son sujet un Esprit supérieur, qui répondit : « L'idée fixe de cette dame, par sa cause même, attire autour d'elle une foule d'Esprits mauvais qui l'enveloppent de leur fluide, l'entretiennent dans ses idées, et empêchent les bonnes influences d'arriver à elle. Les Esprits de cette nature abondent toujours dans les milieux semblables à celui où elle se trouve, et sont souvent un obstacle à la guérison des malades. Cependant vous pouvez la guérir, mais il faut pour cela une puissance morale capable de vaincre la résistance, et cette puissance n'est pas donnée à un seul. Que cinq ou six Spirites sincères se réunissent tous les jours, pendant quelques instants, et prient avec ferveur Dieu et les bons Esprits de l'assister ; que votre ardente prière soit en même temps une magnétisation mentale ; vous n'avez pas, pour cela, besoin d'être auprès d'elle, au contraire ; par la pensée, vous pouvez porter sur elle un courant fluidique salutaire dont la puissance sera en raison de votre intention et augmentée par le nombre ; par ce moyen, vous pourrez neutraliser le mauvais fluide qui l'environne. Faites cela ; ayez foi et confiance en Dieu, et espérez. »
Six personnes se dévouèrent à cette œuvre de charité, et ne faillirent pas un seul jour, pendant un mois, à la mission qu'elles avaient acceptée. Au bout de quelques jours la malade était sensiblement plus calme ; quinze jours après, l'amélioration était manifeste, et aujourd'hui cette femme est rentrée chez elle dans un état parfaitement normal, ignorant encore, ainsi que son mari, d'où lui est venue sa guérison.
Le mode d'action est ici clairement indiqué, et nous ne saurions rien ajouter de plus précis à l'explication donnée par l'Esprit. La prière n'a donc pas seulement l'effet d'appeler sur le patient un secours étranger, mais celui d'exercer une action magnétique. Que ne pourrait donc pas le magnétisme secondé par la prière ! Malheureusement, certains magnétiseurs font trop, à l'exemple de beaucoup de médecins, abstraction de l'élément spirituel ; ils ne voient que l'action mécanique, et se privent ainsi d'un puissant auxiliaire. Nous espérons que les vrais Spirites verront dans ce fait une preuve de plus du bien qu'ils peuvent faire dans une pareille circonstance.
Une question d'une grande importance se présente naturellement ici : L'exercice de la médiumnité peut-il provoquer le dérangement de la santé et des facultés mentales ?
Il est à remarquer que cette question ainsi formulée est celle que posent la plupart des antagonistes du Spiritisme, ou, pour mieux dire, au lieu d'une question, ils formulent le principe en axiome en affirmant que la médiumnité pousse à la folie ; nous parlons de la folie réelle et non de celle, plus burlesque que sérieuse, dont on gratifie les adeptes. On concevrait cette question de la part de celui qui croirait à l'existence des Esprits et à l'action qu'ils peuvent exercer, parce que, pour eux, c'est quelque chose de réel ; mais pour ceux qui n'y croient pas, la question est un non-sens, car, s'il n'y a rien, ce rien ne peut pas produire quelque chose. Cette thèse n'étant pas soutenable, ils se retranchent sur les dangers de la surexcitation cérébrale que, selon eux, peut causer la seule croyance aux Esprits. Nous ne reviendrons pas sur ce point déjà traité, mais nous demanderons si l'on a fait le dénombrement de tous les cerveaux tournés par la peur du diable et les effrayants tableaux des tortures de l'enfer et de la damnation éternelle, et s'il est plus malsain de croire qu'on a près de soi des Esprits bons et bienveillants, ses parents, ses amis et son ange gardien, que le démon.
La question formulée de la manière suivante est plus rationnelle et plus sérieuse, dès lors qu'on admet l'existence et l'action des Esprits : L'exercice de la médiumnité peut-il provoquer chez un individu l'invasion de mauvais Esprits et ses conséquences ?
Nous n'avons jamais dissimulé les écueils que l'on rencontre dans la médiumnité, c'est pourquoi nous avons multiplié les instructions à ce sujet dans le Livre des Médiums, et nous n'avons cessé d'en recommander l'étude préalable avant de se livrer à la pratique ; aussi, depuis la publication de ce livre, le nombre des obsédés a sensiblement et notoirement diminué, parce qu'il épargne une expérience que les novices n'acquièrent souvent qu'à leurs dépens. Nous le disons encore, oui, sans expérience, la médiumnité a des inconvénients dont le moindre serait d'être mystifié par des Esprits trompeurs ou légers ; faire du Spiritisme expérimental sans étude, c'est vouloir faire des manipulations chimiques sans savoir la chimie.
Les exemples si nombreux de personnes obsédées et subjuguées de la manière la plus fâcheuse, sans avoir jamais entendu parler de Spiritisme, prouvent surabondamment que l'exercice de la médiumnité n'a pas le privilège d'attirer les mauvais Esprits ; bien plus, l'expérience prouve que c'est un moyen de les écarter, en permettant de les reconnaître. Toutefois, comme il y en a souvent qui rôdent autour de nous, il peut arriver que, trouvant une occasion de se manifester, ils en profitent, s'ils rencontrent dans le médium une prédisposition physique ou morale qui le rende accessible à leur influence ; or, cette prédisposition tient à l'individu et à des causes personnelles antérieures, et ce n'est pas la médiumnité qui la fait naître ; on peut dire que l'exercice de la faculté est une occasion et non une cause ; mais si quelques individus sont dans ce cas, on en voit d'autres qui offrent aux mauvais Esprits une résistance insurmontable, et auxquels ces derniers ne s'adressent pas. Nous parlons des Esprits réellement mauvais et malfaisants, les seuls vraiment dangereux, et non des Esprits légers et moqueurs qui se glissent partout.
La présomption de se croire invulnérable contre les mauvais Esprits a plus d'une fois été punie d'une manière cruelle, car on ne les brave jamais impunément par l'orgueil ; l'orgueil est la porte qui leur donne l'accès le plus facile, parce que nul n'offre moins de résistance que l'orgueilleux quand on le prend par son côté faible. Avant de s'adresser aux Esprits, il convient donc de se cuirasser contre l'atteinte des mauvais, comme lorsqu'on marche sur un terrain où l'on craint la morsure des serpents. On y parvient d'abord par l'étude préalable qui indique la route et les précautions à prendre, puis par la prière ; mais il faut bien se pénétrer de vérité que le seul préservatif est en soi, dans sa propre force, et jamais dans les choses extérieures, et qu'il n'y a ni talismans, ni amulettes, ni paroles sacramentelles, ni formules sacrées ou profanes qui puissent avoir la moindre efficacité si l'on ne possède pas en soi les qualités nécessaires ; c'est donc ces qualités qu'il faut s'efforcer d'acquérir.
Si l'on était bien pénétré du but essentiel et sérieux du Spiritisme, si l'on se préparait toujours à l'exercice de la médiumnité par un appel fervent à son ange gardien et à ses Esprits protecteurs, si l'on s'étudiait soi-même en s'efforçant de se purifier de ses imperfections, les cas d'obsessions médianimiques seraient encore plus rares ; malheureusement, beaucoup n'y voient que le fait des manifestations ; non contents des preuves morales qui surabondent autour d'eux, ils veulent à tout prix se donner la satisfaction de communiquer eux-mêmes avec les Esprits, en poussant au développement d'une faculté qui souvent n'existe pas en eux, guidés en cela plus souvent par la curiosité que par le désir sincère de s'améliorer. Il en résulte qu'au lieu de s'envelopper d'une atmosphère fluidique salutaire, de se couvrir des ailes protectrices de leurs anges gardiens, de chercher à dompter leurs faiblesses morales, ils ouvrent à deux battants la porte aux Esprits obsesseurs qui les eussent peut-être tourmentés d'une autre façon et dans un autre temps, mais qui profitent de l'occasion qui leur est offerte. Que dire alors de ceux qui se font un jeu des manifestations et n'y voient qu'un sujet de distraction ou de curiosité, ou qui n'y cherchent que les moyens de satisfaire leur ambition, leur cupidité ou des intérêts matériels ? C'est dans ce sens qu'on peut dire que l'exercice de la médiumnité peut provoquer l'invasion des mauvais Esprits. Oui, il est dangereux de jouer avec ces choses-là. Que de personnes lisent le Livre des Médiums uniquement pour savoir comment on s'y prend, parce que la recette ou le procédé est la chose qui les intéresse le plus ! Quant au côté moral de la question, c'est l'accessoire. Il ne faut donc pas imputer au Spiritisme ce qui est le fait de leur imprudence.
Revenons aux possédés de Morzine. Ce qu'un Esprit peut faire sur un individu, plusieurs Esprits peuvent le faire sur plusieurs individus simultanément, et donner à l'obsession un caractère épidémique. Une nuée de mauvais Esprits peut faire invasion dans une localité, et s'y manifester de diverses manières. C'est une épidémie de ce genre qui sévissait en Judée du temps du Christ, et, à notre avis, c'est une épidémie semblable qui a sévi à Morzine.
C'est ce que nous chercherons à établir dans un prochain article, où nous ferons ressortir les caractères essentiellement obsessionnels de cette affection. Nous analyserons les mémoires des médecins qui l'ont observée, entre autres celui du docteur Constant, ainsi que les moyens curatifs employés soit par la médecine, soit par la voie des exorcismes.
[1] Voy. décembre 1862.
Les serviteurs - Histoire d'un domestique
Le fait rapporté dans le numéro précédent, sous le titre de la Loge et le Salon (décembre 1862, page 377) nous en rappelle un qui nous est en quelque sorte personnel. Dans un voyage que nous fîmes il y a deux ans, nous vîmes, dans une famille de haut rang, un tout jeune domestique dont la figure intelligente et fine nous frappa par son air de distinction ; rien, dans ses manières, ne sentait la bassesse ; son empressement pour le service de ses maîtres n'avait rien de cette obséquiosité servile propre aux gens de cette condition. L'année suivante étant retourné dans cette famille, nous n'y vîmes plus ce garçon et nous demandâmes si on l'avait renvoyé. « Non, nous fût-il répondu ; il était allé passer quelques jours dans son pays, et il y est mort. Nous le regrettons beaucoup, car c'était un excellent sujet, et qui avait des sentiments vraiment au-dessus de sa position. Il nous était très attaché, et nous a donné des preuves du plus grand dévouement. »
Plus tard la pensée nous vint d'évoquer ce jeune homme, et voici ce qu'il nous dit :
Dans mon avant-dernière incarnation, j'étais, comme on le dit sur terre, d'une très bonne famille, mais ruinée par les prodigalités de mon père. Je suis resté orphelin très jeune et sans ressources. M. de G… a été mon bienfaiteur ; il m'a élevé comme son fils, et m'a fait donner une belle éducation dont j'ai tiré un peu trop de vanité. J'ai voulu, dans ma dernière existence, expier mon orgueil en naissant dans une condition servile, et j'y ai trouvé l'occasion de prouver mon dévouement à mon bienfaiteur. Je lui ai même sauvé la vie sans qu'il s'en soit jamais douté. C'était en même temps une épreuve dont je suis sorti à mon avantage, puisque j'ai eu assez de force pour ne pas me laisser corrompre par le contact d'un entourage presque toujours vicieux ; malgré les mauvais exemples, je suis resté pur, et j'en remercie Dieu, car j'en suis récompensé par le bonheur dont je jouis.
D. Dans quelles circonstances avez-vous sauvé la vie à M. de G… ? — R. Dans une promenade à cheval où je le suivais seul, j'aperçus un gros arbre qui tombait de son côté et qu'il ne voyait pas ; je l'appelle en poussant un cri terrible ; il se retourne vivement, et pendant ce temps l'arbre tombe à ses pieds ; sans le mouvement que j'ai provoqué, il était écrasé.
Remarque. — M. de G…, auquel le fait fut rapporté, se l'est parfaitement rappelé.
D. Pourquoi êtes-vous mort si jeune? — R. Dieu avait jugé mon épreuve suffisante.
D. Comment avez-vous pu profiter de cette épreuve, puisque vous n'aviez pas souvenir de votre précédente existence et de la cause qui avait motivé cette épreuve ? — R. Dans mon humble position, il me restait un instinct d'orgueil que j'ai été assez heureux de pouvoir maîtriser, ce qui a fait que l'épreuve m'a été profitable, sans cela j'aurais encore à recommencer. Mon Esprit se souvenait dans ses moments de liberté, et il m'en restait au réveil un désir intuitif de résister à mes tendances que je sentais être mauvaises. J'ai eu plus de mérite à lutter ainsi que si je m'étais clairement souvenu du passé. Le souvenir de mon ancienne position aurait exalté mon orgueil et m'aurait troublé, tandis que je n'ai eu à combattre que les entraînements de ma nouvelle position.
D. Vous aviez reçu une brillante éducation, à quoi cela vous a-t-il servi dans votre dernière existence, puisque vous ne vous souveniez pas des connaissances que vous aviez acquises ? — R. Ces connaissances auraient été inutiles, un contre-sens même dans ma nouvelle position ; elles sont restées latentes, et aujourd'hui je les retrouve. Cependant elles ne m'ont pas été inutiles, car elles ont développé mon intelligence ; j'avais instinctivement le goût des choses élevées, ce qui m'inspirait de la répulsion pour les exemples bas et ignobles que j'avais sous les yeux ; sans cette éducation je n'aurais été qu'un valet.
D. Les exemples des serviteurs dévoués à leurs maîtres jusqu'à l'abnégation, ont-ils pour cause des relations antérieures ? — R. N'en doutez pas ; c'est du moins le cas le plus ordinaire. Ces serviteurs sont quelquefois des membres même de la famille, ou, comme moi, des obligés qui payent une dette de reconnaissance, et que leur dévouement aide à s'avancer. Vous ne savez pas tous les effets de sympathie et d'antipathie que ces relations antérieures produisent dans le monde. Non, la mort n'interrompt pas ces relations qui se perpétuent souvent de siècle en siècle.
D. Pourquoi ces exemples de dévouement de serviteurs sont-ils si rares aujourd'hui? — R. Il faut en accuser l'esprit d'égoïsme et d'orgueil de votre siècle, développé par l'incrédulité et les idées matérialistes. La foi vraie sen va par la cupidité et le désir du gain, et avec elle les dévouements. Le Spiritisme, en ramenant les hommes au sentiment du vrai, fera renaître les vertus oubliées.
Remarque. — Rien ne peut mieux que cet exemple faire ressortir le bienfait de l'oubli des existences antérieures. Si M. de G… s'était souvenu de ce qu'avait été son jeune domestique, il eût été très gêné avec lui, et ne l'aurait même pas gardé dans cette condition ; il aurait ainsi entravé l'épreuve qui a été profitable à tous les deux.
Plus tard la pensée nous vint d'évoquer ce jeune homme, et voici ce qu'il nous dit :
Dans mon avant-dernière incarnation, j'étais, comme on le dit sur terre, d'une très bonne famille, mais ruinée par les prodigalités de mon père. Je suis resté orphelin très jeune et sans ressources. M. de G… a été mon bienfaiteur ; il m'a élevé comme son fils, et m'a fait donner une belle éducation dont j'ai tiré un peu trop de vanité. J'ai voulu, dans ma dernière existence, expier mon orgueil en naissant dans une condition servile, et j'y ai trouvé l'occasion de prouver mon dévouement à mon bienfaiteur. Je lui ai même sauvé la vie sans qu'il s'en soit jamais douté. C'était en même temps une épreuve dont je suis sorti à mon avantage, puisque j'ai eu assez de force pour ne pas me laisser corrompre par le contact d'un entourage presque toujours vicieux ; malgré les mauvais exemples, je suis resté pur, et j'en remercie Dieu, car j'en suis récompensé par le bonheur dont je jouis.
D. Dans quelles circonstances avez-vous sauvé la vie à M. de G… ? — R. Dans une promenade à cheval où je le suivais seul, j'aperçus un gros arbre qui tombait de son côté et qu'il ne voyait pas ; je l'appelle en poussant un cri terrible ; il se retourne vivement, et pendant ce temps l'arbre tombe à ses pieds ; sans le mouvement que j'ai provoqué, il était écrasé.
Remarque. — M. de G…, auquel le fait fut rapporté, se l'est parfaitement rappelé.
D. Pourquoi êtes-vous mort si jeune? — R. Dieu avait jugé mon épreuve suffisante.
D. Comment avez-vous pu profiter de cette épreuve, puisque vous n'aviez pas souvenir de votre précédente existence et de la cause qui avait motivé cette épreuve ? — R. Dans mon humble position, il me restait un instinct d'orgueil que j'ai été assez heureux de pouvoir maîtriser, ce qui a fait que l'épreuve m'a été profitable, sans cela j'aurais encore à recommencer. Mon Esprit se souvenait dans ses moments de liberté, et il m'en restait au réveil un désir intuitif de résister à mes tendances que je sentais être mauvaises. J'ai eu plus de mérite à lutter ainsi que si je m'étais clairement souvenu du passé. Le souvenir de mon ancienne position aurait exalté mon orgueil et m'aurait troublé, tandis que je n'ai eu à combattre que les entraînements de ma nouvelle position.
D. Vous aviez reçu une brillante éducation, à quoi cela vous a-t-il servi dans votre dernière existence, puisque vous ne vous souveniez pas des connaissances que vous aviez acquises ? — R. Ces connaissances auraient été inutiles, un contre-sens même dans ma nouvelle position ; elles sont restées latentes, et aujourd'hui je les retrouve. Cependant elles ne m'ont pas été inutiles, car elles ont développé mon intelligence ; j'avais instinctivement le goût des choses élevées, ce qui m'inspirait de la répulsion pour les exemples bas et ignobles que j'avais sous les yeux ; sans cette éducation je n'aurais été qu'un valet.
D. Les exemples des serviteurs dévoués à leurs maîtres jusqu'à l'abnégation, ont-ils pour cause des relations antérieures ? — R. N'en doutez pas ; c'est du moins le cas le plus ordinaire. Ces serviteurs sont quelquefois des membres même de la famille, ou, comme moi, des obligés qui payent une dette de reconnaissance, et que leur dévouement aide à s'avancer. Vous ne savez pas tous les effets de sympathie et d'antipathie que ces relations antérieures produisent dans le monde. Non, la mort n'interrompt pas ces relations qui se perpétuent souvent de siècle en siècle.
D. Pourquoi ces exemples de dévouement de serviteurs sont-ils si rares aujourd'hui? — R. Il faut en accuser l'esprit d'égoïsme et d'orgueil de votre siècle, développé par l'incrédulité et les idées matérialistes. La foi vraie sen va par la cupidité et le désir du gain, et avec elle les dévouements. Le Spiritisme, en ramenant les hommes au sentiment du vrai, fera renaître les vertus oubliées.
Remarque. — Rien ne peut mieux que cet exemple faire ressortir le bienfait de l'oubli des existences antérieures. Si M. de G… s'était souvenu de ce qu'avait été son jeune domestique, il eût été très gêné avec lui, et ne l'aurait même pas gardé dans cette condition ; il aurait ainsi entravé l'épreuve qui a été profitable à tous les deux.
Boïeldieu à la millième representation de la Dame Blanche
Les stances suivantes, de M. Méry, ont été récitées à la millième représentation de la Dame Blanche, au théâtre de l'Opéra-Comique, le 16 décembre 1862 :
A BOÏELDIEU !
Gloire à l'œuvre ou partout chante la mélodie.
Œuvre de Boïeldieu, mille fois applaudie,
Et comme aux jours passés, si jeune aux jours présents !
Paris la voit encor dans une salle pleine,
La Dame d'Avenel, la dame châtelaine !
Centenaire dix fois, après trente-six ans !
C'est que Scribe a donné tout ce que le poète
Peut inventer de mieux pour la lyre interprète,
Et le maître inspiré prodigua, tour à tour,
Le charme que les mots n'ont jamais su décrire :
L'accent qui fait rêver, l'accent qui fait sourire,
La gaîté de l'esprit, l'extase de l'amour !
C'est que tous ces accords dont la grâce suprême
Eclate dans la voix, l'orchestre, le poème,
L'art savant de sa nuit ne les a pas couverts ;
Car Boïeldieu, c'est là sa plus belle victoire,
Rend tout public artiste et parle à l'auditoire
Cette langue du cœur que comprend l'univers !
Puis avec quel bonheur le grand maître varie
Les accents inspirés par sa muse chérie !
Quel fleuve d'or tombé de son luth souverain !
Que de rayons venus de la brume écossaise !
Par cette œuvre, surtout, la musique française
N'a rien à redouter des Alpes ou du Rhin !
C'est à nous de fêter ce noble millésime,
Qui semble élever l'œuvre à sa plus haute cime ;
Et puis… connaissons-nous les secrets du trépas ?…
Qui sait ? peut-être ici plane sous cette voûte
Un ombre qui, ce soir, joyeuse nous écoute,
Un auditeur de plus que nous ne voyons pas !
Tous les Spirites ont remarqué cette dernière stance, qui ne saurait mieux répondre à leur pensée, ni mieux exprimer la présence au milieu de nous de l'Esprit de ceux qui ont quitté leur dépouille mortelle. Pour les matérialistes, c'est un simple jeu de l'imagination du poète ; car, selon eux, de l'homme de génie dont on célébrait la mémoire il ne reste rien, et les paroles qu'on lui adressait se perdaient dans le vide sans trouver un écho ; les souvenirs et les regrets qu'il a laissés sont nuls pour lui ; bien plus, sa vaste intelligence est elle-même un hasard de la nature et de son organisation. Où serait alors son mérite ? Il n'en aurait pas plus à avoir composé ses chefs-d'œuvre que n'en ont les orgues de Barbarie qui les exécutent. Cette pensée n'a-t-elle pas quelque chose de glacial, disons plus, de profondément immoral ? Et n'est-il pas triste de voir des hommes de talent et de science les préconiser dans leurs écrits, et l'enseigner à la jeunesse des écoles du haut de la chaire, en cherchant en lui prouver que le néant seul nous attend, et que, par conséquent, celui qui a pu ou su se soustraire à la justice humaine n'a plus rien à redouter ? Cette idée, on ne saurait trop le répéter, est éminemment subversive de l'ordre social, et les peuples subissent tôt ou tard les terribles conséquences de sa prédominance par le déchaînement des passions ; car autant vaudrait leur dire : Vous pouvez faire impunément tout ce que vous voudrez, pourvu que vous soyez les plus forts. Cette idée pourtant, il faut en convenir à la louange de l'humanité, rencontre un sentiment de répulsion dans les masses. Nous demandons l'effet que le poète aurait produit sur le publie si, au lieu de cette image si vraie, si saisissante et si consolante de la présence de l'Esprit de Boïeldieu au milieu de ce nombreux auditoire, heureux des suffrages donnés à son œuvre, il fût venu dire : De l'homme que nous regrettons, il ne reste que ce qui a été mis dans la tombe et qui se détruit tous les jours ; encore quelques années, et sa poussière même n'existera plus ; mais de son être pensant il ne reste rien ; il est rentré dans le néant d'où il était sorti ; il ne nous voit plus, ne nous entend plus. Et vous, son fils ici présent, qui vénérez sa mémoire, vos regrets ne le touchent plus ; c'est en vain que vous rappelez dans vos ardentes prières : il ne peut venir, car il n'existe plus ; la tombe s'est fermée sur lui pour toujours ; c'est en vain que vous espérez le revoir en quittant la terre, car vous aussi vous rentrerez comme lui dans le néant ; c'est en vain que vous lui demandez son appui et ses conseils : il vous a laissé seul et bien seul ; vous croyez qu'il continue à s'occuper de vous, qu'il est à vos côtés, qu'il est ici, au milieu de nous ? Illusion d'un esprit faible. Vous êtes médium, dites-vous, et vous croyez qu'il peut se manifester à vous ! Superstition renouvelée du moyen âge ; effet de votre imagination qui se reflète dans vos écrits.
Nous le demandons, qu'aurait dit l'auditoire à un pareil tableau? C'est pourtant là l'idéal de l'incrédulité.
En entendant ces vers, quelques-uns des assistants se sont dit sans doute : « Jolie idée ! cela fait de l'effet ; » mais d'autres, et le plus grand nombre, auront dit : « Douce et consolante pensée ! elle réchauffe le cœur ! Cependant, auront-ils pu ajouter, si l'âme de Boïeldieu est ici présente, comment y est-elle ? Sous quelle forme ? Est-ce une flamme, une étincelle, une vapeur, un souffle ? Comment voit-elle et entend-elle? » C'est précisément cette incertitude sur l'état de l'âme qui fait naître le doute ; or, cette incertitude, le Spiritisme vient la dissiper en disant : Boïeldieu, en mourant, n'a quitté que sa lourde et grossière enveloppe ; mais son âme a conservé son enveloppe fluidique indestructible ; et désormais, délivré de l'entrave qui le retenait au sol, il peut s'élever et franchir l'espace. Il est ici, sous sa forme humaine mais aérienne, et si le voile qui le dérobe à la vue pouvait être levé, on verrait Boïeldieu, allant et venant ou planant sur la foule, et avec lui des milliers d'Esprits aux corps éthérés, venant s'associer à son triomphe.
Or, si l'Esprit de Boïeldieu est là, c'est qu'il s'intéresse à ce qui s'y passe, c'est qu'il s'associe aux pensées des assistants ; pourquoi donc ne ferait-il pas connaître sa propre pensée s'il en a le pouvoir ? C'est ce pouvoir que constate et qu'explique le Spiritisme. Son enveloppe fluidique, tout invisible et éthérée qu'elle est, n'en est pas moins une sorte de matière ; de son vivant, elle servait d'intermédiaire entre son âme et son corps ; c'est par elle qu'elle transmettait sa volonté à laquelle obéissait le corps, et par elle que l'âme recevait les sensations éprouvées par le corps ; c'est, en un mot, le trait d'union entre l'Esprit et la matière proprement dite. Aujourd'hui qu'il est débarrassé de son enveloppe corporelle, en s'associant, par sympathie, à un autre Esprit incarné, il peut, en quelque sorte, lui emprunter momentanément son corps pour exprimer sa pensée par la parole ou l'écriture, autrement dit par voie médianimique, c'est-à-dire par intermédiaire.
Ainsi, de la survivance de l'âme à l'idée qu'elle peut être au milieu de nous, il n'y a qu'un pas ; de cette idée à la possibilité de se communiquer, la distance n'est pas grande ; le tout est de se rendre compte de la manière dont s'opère le phénomène. On voit donc que la doctrine spirite, en donnant comme une vérité les rapports du monde visible et du monde invisible, n'avance pas une chose aussi excentrique que quelques-uns veulent bien le dire, et la solidarité qu'elle prouve exister entre ces deux mondes est la porte qui ouvre les horizons de l'avenir.
Les stances de M. Méry ayant été lues à la Société Spirite de Paris, dans la séance du 19 décembre 1862, madame Costel obtint, à la suite de cette séance, la communication suivante de l'Esprit de Boïeldieu :
« Je suis heureux de pouvoir manifester ma reconnaissance à ceux qui, en célébrant le vieux musicien, n'ont pas oublié l'homme. Un poète, — les poètes sont devins, — a senti le souffle de mon âme, encore éprise d'harmonie. La musique résonnait dans ses vers éclatants d'inspiration, mais dans lesquels vibrait aussi une note émue qui faisait planer au-dessus des vivants l'ombre heureuse de celui qu'on fêtait.
Oui, j'assistais à cette fête commémorative de mon talent humain, et au-dessus des instruments j'entendais une voix, plus mélodieuse que la mélodie terrestre, qui chantait la mort dépouillée de son antique terreur, et apparaissant, non plus comme une sombre divinité de l'Erèbe, mais comme la brillante étoile de l'espérance et de la résurrection.
La voix chantait aussi l'union des Esprits avec leurs frères incarnés ; doux mystère ! fécond accouplement qui complète l'homme, et lui rend les âmes qu'il demandait en vain du silence du tombeau.
Le poète, précurseur des temps, est béni par Dieu. Alouette matinale, il célèbre l'aurore des idées longtemps avant qu'elles n'aient paru à l'horizon. Mais voici que la révélation sacrée se répand comme une bénédiction sur tous, et tous, comme le poète aimé, vous sentez autour de vous la présence de ceux que votre souvenir évoque. »
Boieldieu.
Nous le demandons, qu'aurait dit l'auditoire à un pareil tableau? C'est pourtant là l'idéal de l'incrédulité.
En entendant ces vers, quelques-uns des assistants se sont dit sans doute : « Jolie idée ! cela fait de l'effet ; » mais d'autres, et le plus grand nombre, auront dit : « Douce et consolante pensée ! elle réchauffe le cœur ! Cependant, auront-ils pu ajouter, si l'âme de Boïeldieu est ici présente, comment y est-elle ? Sous quelle forme ? Est-ce une flamme, une étincelle, une vapeur, un souffle ? Comment voit-elle et entend-elle? » C'est précisément cette incertitude sur l'état de l'âme qui fait naître le doute ; or, cette incertitude, le Spiritisme vient la dissiper en disant : Boïeldieu, en mourant, n'a quitté que sa lourde et grossière enveloppe ; mais son âme a conservé son enveloppe fluidique indestructible ; et désormais, délivré de l'entrave qui le retenait au sol, il peut s'élever et franchir l'espace. Il est ici, sous sa forme humaine mais aérienne, et si le voile qui le dérobe à la vue pouvait être levé, on verrait Boïeldieu, allant et venant ou planant sur la foule, et avec lui des milliers d'Esprits aux corps éthérés, venant s'associer à son triomphe.
Or, si l'Esprit de Boïeldieu est là, c'est qu'il s'intéresse à ce qui s'y passe, c'est qu'il s'associe aux pensées des assistants ; pourquoi donc ne ferait-il pas connaître sa propre pensée s'il en a le pouvoir ? C'est ce pouvoir que constate et qu'explique le Spiritisme. Son enveloppe fluidique, tout invisible et éthérée qu'elle est, n'en est pas moins une sorte de matière ; de son vivant, elle servait d'intermédiaire entre son âme et son corps ; c'est par elle qu'elle transmettait sa volonté à laquelle obéissait le corps, et par elle que l'âme recevait les sensations éprouvées par le corps ; c'est, en un mot, le trait d'union entre l'Esprit et la matière proprement dite. Aujourd'hui qu'il est débarrassé de son enveloppe corporelle, en s'associant, par sympathie, à un autre Esprit incarné, il peut, en quelque sorte, lui emprunter momentanément son corps pour exprimer sa pensée par la parole ou l'écriture, autrement dit par voie médianimique, c'est-à-dire par intermédiaire.
Ainsi, de la survivance de l'âme à l'idée qu'elle peut être au milieu de nous, il n'y a qu'un pas ; de cette idée à la possibilité de se communiquer, la distance n'est pas grande ; le tout est de se rendre compte de la manière dont s'opère le phénomène. On voit donc que la doctrine spirite, en donnant comme une vérité les rapports du monde visible et du monde invisible, n'avance pas une chose aussi excentrique que quelques-uns veulent bien le dire, et la solidarité qu'elle prouve exister entre ces deux mondes est la porte qui ouvre les horizons de l'avenir.
Les stances de M. Méry ayant été lues à la Société Spirite de Paris, dans la séance du 19 décembre 1862, madame Costel obtint, à la suite de cette séance, la communication suivante de l'Esprit de Boïeldieu :
« Je suis heureux de pouvoir manifester ma reconnaissance à ceux qui, en célébrant le vieux musicien, n'ont pas oublié l'homme. Un poète, — les poètes sont devins, — a senti le souffle de mon âme, encore éprise d'harmonie. La musique résonnait dans ses vers éclatants d'inspiration, mais dans lesquels vibrait aussi une note émue qui faisait planer au-dessus des vivants l'ombre heureuse de celui qu'on fêtait.
Oui, j'assistais à cette fête commémorative de mon talent humain, et au-dessus des instruments j'entendais une voix, plus mélodieuse que la mélodie terrestre, qui chantait la mort dépouillée de son antique terreur, et apparaissant, non plus comme une sombre divinité de l'Erèbe, mais comme la brillante étoile de l'espérance et de la résurrection.
La voix chantait aussi l'union des Esprits avec leurs frères incarnés ; doux mystère ! fécond accouplement qui complète l'homme, et lui rend les âmes qu'il demandait en vain du silence du tombeau.
Le poète, précurseur des temps, est béni par Dieu. Alouette matinale, il célèbre l'aurore des idées longtemps avant qu'elles n'aient paru à l'horizon. Mais voici que la révélation sacrée se répand comme une bénédiction sur tous, et tous, comme le poète aimé, vous sentez autour de vous la présence de ceux que votre souvenir évoque. »
Boieldieu.
Lettre sur le Spiritisme Extraite du Renard, journal hebdomadaire de Bordeaux, du 1er novembre 1862
A M. le Rédacteur en chef du Renard.
Monsieur le Rédacteur,
Si le sujet que j'aborde ici ne vous paraît ni trop rebattu, ni trop longuement traité, je vous prie d'insérer cette lettre dans le plus prochain numéro de votre estimable journal :
Quelques mots sur le Spiritisme : C'est une question si controversée et qui occupe aujourd'hui tant d'esprits que tout ce que peut écrire, sur ce sujet, un homme loyal et sérieusement convaincu ne peut paraître, à personne, ni oiseux ni ridicule.
Je ne veux imposer mes convictions à qui que ce soit ; je n'ai ni l'âge, ni l'expérience, ni l'intelligence nécessaires pour faire un Mentor ; je veux dire seulement à tous ceux qui, ne connaissant de cette théorie que le nom, sont disposés à accueillir le Spiritisme par des railleries ou un dédain systématique : Faites comme j'ai fait ; essayez d'abord de vous instruire, et vous aurez ensuite le droit d'être dédaigneux ou railleurs.
Il y a un mois, monsieur le rédacteur, j'avais à peine une idée vague du Spiritisme ; je savais seulement que cette découverte ou cette utopie, pour laquelle un mot nouveau avait été inventé, reposait sur des faits (vrais ou faux), tellement surnaturels qu'ils étaient rejetés d'avance par tous les hommes qui ne croient à rien de ce qui les étonne, qui ne suivent jamais un progrès qu'à la remorque de tout leur siècle, et qui, nouveaux Saint-Thomas, ne sont persuadés que quand ils ont touché. Comme eux, je l'avoue, j'étais tout disposé à rire de cette théorie et de ses adeptes ; mais avant de rire, je voulus savoir de quoi je riais, et je me fis présenter dans une société de Spirites, chez M. E. B. Soit dit en passant, M. B., qui m'a paru un esprit droit, sérieux et éclairé, est plein d'une conviction assez forte pour arrêter le sourire sur les lèvres d'un mauvais plaisant ; car, quoi qu'on en dise, une conviction solide impose toujours.
A la fin de la première séance, je ne riais plus, mais je doutais encore, et ce que je ressentais surtout, c'était un extrême désir de m'instruire, une impatience fébrile d'assister à de nouvelles épreuves.
C'est ce que j'ai fait hier, monsieur le rédacteur, et je ne doute plus maintenant. Sans parler de quelques communications personnelles qui m'ont été faites sur des choses ignorées aussi bien du médium que de tous les membres de la Société, j'ai vu des faits, selon moi irrécusables.
Sans faire ici, vous comprendrez pourquoi, aucune réflexion sur le degré d'instruction ou d'intelligence du médium, je déclare qu'il est impossible à tout autre qu'à un Bossuet ou à un Pascal de répondre immédiatement, d'une manière aussi nette que possible, avec une vitesse pour ainsi dire mécanique, et dans un style concis, élégant et correct, plusieurs pages sur des questions telles que celle-ci : « Comment on peut concilier le libre arbitre avec la prescience divine, » c'est-à-dire sur les problèmes les plus ardus de la métaphysique.
Voilà ce que j'ai vu, monsieur le rédacteur, et bien d'autres choses encore que je n'ajouterai pas sur cette lettre, déjà trop longue ; j'écris ceci, je le répète, afin d'inspirer, si je le puis, à quelques-uns de vos lecteurs, le désir de s'instruire ; peut-être ensuite seront-ils convaincus comme moi.
Quelques mots sur le Spiritisme : C'est une question si controversée et qui occupe aujourd'hui tant d'esprits que tout ce que peut écrire, sur ce sujet, un homme loyal et sérieusement convaincu ne peut paraître, à personne, ni oiseux ni ridicule.
Je ne veux imposer mes convictions à qui que ce soit ; je n'ai ni l'âge, ni l'expérience, ni l'intelligence nécessaires pour faire un Mentor ; je veux dire seulement à tous ceux qui, ne connaissant de cette théorie que le nom, sont disposés à accueillir le Spiritisme par des railleries ou un dédain systématique : Faites comme j'ai fait ; essayez d'abord de vous instruire, et vous aurez ensuite le droit d'être dédaigneux ou railleurs.
Il y a un mois, monsieur le rédacteur, j'avais à peine une idée vague du Spiritisme ; je savais seulement que cette découverte ou cette utopie, pour laquelle un mot nouveau avait été inventé, reposait sur des faits (vrais ou faux), tellement surnaturels qu'ils étaient rejetés d'avance par tous les hommes qui ne croient à rien de ce qui les étonne, qui ne suivent jamais un progrès qu'à la remorque de tout leur siècle, et qui, nouveaux Saint-Thomas, ne sont persuadés que quand ils ont touché. Comme eux, je l'avoue, j'étais tout disposé à rire de cette théorie et de ses adeptes ; mais avant de rire, je voulus savoir de quoi je riais, et je me fis présenter dans une société de Spirites, chez M. E. B. Soit dit en passant, M. B., qui m'a paru un esprit droit, sérieux et éclairé, est plein d'une conviction assez forte pour arrêter le sourire sur les lèvres d'un mauvais plaisant ; car, quoi qu'on en dise, une conviction solide impose toujours.
A la fin de la première séance, je ne riais plus, mais je doutais encore, et ce que je ressentais surtout, c'était un extrême désir de m'instruire, une impatience fébrile d'assister à de nouvelles épreuves.
C'est ce que j'ai fait hier, monsieur le rédacteur, et je ne doute plus maintenant. Sans parler de quelques communications personnelles qui m'ont été faites sur des choses ignorées aussi bien du médium que de tous les membres de la Société, j'ai vu des faits, selon moi irrécusables.
Sans faire ici, vous comprendrez pourquoi, aucune réflexion sur le degré d'instruction ou d'intelligence du médium, je déclare qu'il est impossible à tout autre qu'à un Bossuet ou à un Pascal de répondre immédiatement, d'une manière aussi nette que possible, avec une vitesse pour ainsi dire mécanique, et dans un style concis, élégant et correct, plusieurs pages sur des questions telles que celle-ci : « Comment on peut concilier le libre arbitre avec la prescience divine, » c'est-à-dire sur les problèmes les plus ardus de la métaphysique.
Voilà ce que j'ai vu, monsieur le rédacteur, et bien d'autres choses encore que je n'ajouterai pas sur cette lettre, déjà trop longue ; j'écris ceci, je le répète, afin d'inspirer, si je le puis, à quelques-uns de vos lecteurs, le désir de s'instruire ; peut-être ensuite seront-ils convaincus comme moi.
Tibulle Lang
Ancien élève de l'Ecole polytechnique.
Quelques mots sur le Spiritisme - Extrait de l'Écho de Sétif, Algérie, du 9 novembre 1862
Depuis quelque temps déjà, le monde s'agite, frissonne et cherche ; le monde a l'âme en peine, il a de très grands besoins.
Admettons que le Spiritisme n'existe pas, que tout ce qu'on en dit soit le résultat de l'erreur, de l'hallucination de quelques esprits malades ; mais n'est-ce rien que de voir six millions d'hommes atteints de la même maladie en sept à huit ans?
Pour moi, j'y vois beaucoup de choses : j'y vois le pressentiment de grands événements, parce que dans tous les temps, à la veille d'époques marquantes, le monde a toujours été inquiet, turbulent même, sans se rendre compte de son malaise. Ce qu'il y a de certain aujourd'hui, c'est qu'après avoir traversé une époque de matérialisme effrayant, il éprouve le besoin d'une croyance spiritualiste raisonnée ; il veut croire avec connaissance de cause, si je puis m'exprimer ainsi. Voilà les causes de sa maladie, si nous admettons qu'il y ait maladie.
Dire qu'il n'y a rien au fond de ce mouvement, c'est être téméraire.
Un écrivain, que je n'ai pas l'honneur de connaître, vient de donner un article, profondément pensé, dans l'Écho de Sétif du 18 septembre dernier. Il confesse lui-même qu'il ne connaît pas le Spiritisme. Il recherche s'il est possible, s'il peut exister, et ses recherches l'ont amené à conclure que le Spiritisme n'est pas impossible.
Quoi qu'il en soit, les Spirites ont le droit de se réjouir aujourd'hui, puisque des hommes d'élite veulent bien consacrer une partie de leurs études à la recherche de ce que les uns appellent une vérité et les autres une erreur.
En ce qui me concerne, je puis attester un fait : c'est que j'ai vu des choses que l'on ne peut pas croire sans les avoir vues.
Il y a une partie très éclairée de la société qui ne nie pas précisément le fait, mais elle prétend que les communications que l'on obtient viennent directement de l'enfer. C'est ce que je ne puis admettre en présence de communications comme celle-ci : « Croyez en Dieu créateur et organisateur des sphères, aimez Dieu créateur et protecteur des âmes…
Galilée. »
Le diable n'a pas dû parler toujours comme cela ; car, s'il en était ainsi, les hommes lui auraient fait une réputation qu'il n'aurait pas méritée. Et s'il est vrai qu'il ait manqué de respect envers Dieu, avouons qu'il a bien mis de l'eau dans son vin.
Moi aussi j'ai été incrédule, je ne pouvais pas me persuader que Dieu permettrait jamais à notre Esprit de communiquer à notre insu avec l'Esprit d'une personne vivante ; cependant il a bien fallu me rendre à l'évidence. J'ai pensé, et un dormeur m'a répondu clairement, catégoriquement ; aucun son, aucun frémissement ne s'est produit dans mon cerveau. L'Esprit du dormeur a donc correspondu avec le mien à mon insu ! Voilà ce que j'atteste.
Avant cette découverte, je pensais que Dieu avait mis une barrière infranchissable entre le monde matériel et le monde spirituel. Je me suis trompé, voilà tout. Et il semble que plus j'étais incrédule, plus Dieu ait voulu me détromper en mettant sous mes yeux des faits extraordinaires et patents.
J'ai voulu écrire moi-même, afin de n'être pas mystifié par un tiers ; ma main n'a jamais fait le moindre mouvement. J'ai mis la plume dans la main d'un enfant de quatorze ans, il s'est endormi sans que je le désirasse. Voyant cela, je me suis retiré dans mon jardin, avec la conviction que cette prétendue vérité n'était qu'un rêve ; mais en rentrant dans ma maison je remarquai que l'enfant avait écrit. Je m'approchai pour lire, et je vis à ma très grande surprise que l'enfant avait répondu à toutes mes pensées. Protestant toujours, malgré ce fait et voulant dérouter le dormeur, je fis mentalement une question sur l'histoire ancienne. Sans hésiter, le dormeur y répondit catégoriquement.
Arrêtons-nous ici, et présentons en peu de mots quelques observations.
Supposons qu'il n'y ait pas eu l'intervention des Esprits d'un autre monde, toujours est-il que l'Esprit du dormeur et le mien étaient en parfaite correspondance. Voilà donc un fait, suivant moi, qui mérite qu'on l'étudie. Mais il y a des hommes si savants qu'ils n'ont plus rien à étudier et qui préfèrent me dire que je suis un fou.
Un fou, soit, mais plus tard nous verrons bien celui ou ceux qui seront dans l'erreur.
Si j'avais articulé une seule parole, si j'avais fait le moindre signe, je ne me serais pas rendu ; mais je n'ai pas bougé, je n'ai pas parlé : que dis-je, je n'ai pas respiré !
Eh bien ! y a-t-il un savant qui veuille causer avec moi sans dire une parole ou sans m'écrire ? y en a-t-il un qui veuille traduire ma pensée sans me connaître, sans m'avoir vu ? Et ce qui est plus fort, ne puis-je pas le tromper même en lui parlant, et cela, sans qu'il s'en doute ? Ceci ne pouvait pas se faire avec le médium en question. J'ai essayé maintes fois, je n'ai pas réussi.
Si vous le permettez, je vous donnerai dans la suite quelques-unes des communications que j'ai obtenues.
C***.
Admettons que le Spiritisme n'existe pas, que tout ce qu'on en dit soit le résultat de l'erreur, de l'hallucination de quelques esprits malades ; mais n'est-ce rien que de voir six millions d'hommes atteints de la même maladie en sept à huit ans?
Pour moi, j'y vois beaucoup de choses : j'y vois le pressentiment de grands événements, parce que dans tous les temps, à la veille d'époques marquantes, le monde a toujours été inquiet, turbulent même, sans se rendre compte de son malaise. Ce qu'il y a de certain aujourd'hui, c'est qu'après avoir traversé une époque de matérialisme effrayant, il éprouve le besoin d'une croyance spiritualiste raisonnée ; il veut croire avec connaissance de cause, si je puis m'exprimer ainsi. Voilà les causes de sa maladie, si nous admettons qu'il y ait maladie.
Dire qu'il n'y a rien au fond de ce mouvement, c'est être téméraire.
Un écrivain, que je n'ai pas l'honneur de connaître, vient de donner un article, profondément pensé, dans l'Écho de Sétif du 18 septembre dernier. Il confesse lui-même qu'il ne connaît pas le Spiritisme. Il recherche s'il est possible, s'il peut exister, et ses recherches l'ont amené à conclure que le Spiritisme n'est pas impossible.
Quoi qu'il en soit, les Spirites ont le droit de se réjouir aujourd'hui, puisque des hommes d'élite veulent bien consacrer une partie de leurs études à la recherche de ce que les uns appellent une vérité et les autres une erreur.
En ce qui me concerne, je puis attester un fait : c'est que j'ai vu des choses que l'on ne peut pas croire sans les avoir vues.
Il y a une partie très éclairée de la société qui ne nie pas précisément le fait, mais elle prétend que les communications que l'on obtient viennent directement de l'enfer. C'est ce que je ne puis admettre en présence de communications comme celle-ci : « Croyez en Dieu créateur et organisateur des sphères, aimez Dieu créateur et protecteur des âmes…
Galilée. »
Le diable n'a pas dû parler toujours comme cela ; car, s'il en était ainsi, les hommes lui auraient fait une réputation qu'il n'aurait pas méritée. Et s'il est vrai qu'il ait manqué de respect envers Dieu, avouons qu'il a bien mis de l'eau dans son vin.
Moi aussi j'ai été incrédule, je ne pouvais pas me persuader que Dieu permettrait jamais à notre Esprit de communiquer à notre insu avec l'Esprit d'une personne vivante ; cependant il a bien fallu me rendre à l'évidence. J'ai pensé, et un dormeur m'a répondu clairement, catégoriquement ; aucun son, aucun frémissement ne s'est produit dans mon cerveau. L'Esprit du dormeur a donc correspondu avec le mien à mon insu ! Voilà ce que j'atteste.
Avant cette découverte, je pensais que Dieu avait mis une barrière infranchissable entre le monde matériel et le monde spirituel. Je me suis trompé, voilà tout. Et il semble que plus j'étais incrédule, plus Dieu ait voulu me détromper en mettant sous mes yeux des faits extraordinaires et patents.
J'ai voulu écrire moi-même, afin de n'être pas mystifié par un tiers ; ma main n'a jamais fait le moindre mouvement. J'ai mis la plume dans la main d'un enfant de quatorze ans, il s'est endormi sans que je le désirasse. Voyant cela, je me suis retiré dans mon jardin, avec la conviction que cette prétendue vérité n'était qu'un rêve ; mais en rentrant dans ma maison je remarquai que l'enfant avait écrit. Je m'approchai pour lire, et je vis à ma très grande surprise que l'enfant avait répondu à toutes mes pensées. Protestant toujours, malgré ce fait et voulant dérouter le dormeur, je fis mentalement une question sur l'histoire ancienne. Sans hésiter, le dormeur y répondit catégoriquement.
Arrêtons-nous ici, et présentons en peu de mots quelques observations.
Supposons qu'il n'y ait pas eu l'intervention des Esprits d'un autre monde, toujours est-il que l'Esprit du dormeur et le mien étaient en parfaite correspondance. Voilà donc un fait, suivant moi, qui mérite qu'on l'étudie. Mais il y a des hommes si savants qu'ils n'ont plus rien à étudier et qui préfèrent me dire que je suis un fou.
Un fou, soit, mais plus tard nous verrons bien celui ou ceux qui seront dans l'erreur.
Si j'avais articulé une seule parole, si j'avais fait le moindre signe, je ne me serais pas rendu ; mais je n'ai pas bougé, je n'ai pas parlé : que dis-je, je n'ai pas respiré !
Eh bien ! y a-t-il un savant qui veuille causer avec moi sans dire une parole ou sans m'écrire ? y en a-t-il un qui veuille traduire ma pensée sans me connaître, sans m'avoir vu ? Et ce qui est plus fort, ne puis-je pas le tromper même en lui parlant, et cela, sans qu'il s'en doute ? Ceci ne pouvait pas se faire avec le médium en question. J'ai essayé maintes fois, je n'ai pas réussi.
Si vous le permettez, je vous donnerai dans la suite quelques-unes des communications que j'ai obtenues.
C***.
Réponse à une question sur le Spiritisme au point de vue religieux
La question suivante nous a été adressée par une personne de Bordeaux, que nous n'avons pas l'honneur de connaître, et à laquelle nous avons cru devoir répondre par la Revue, pour l'instruction de tous :
« J'ai lu dans un de vos ouvrages : « Le Spiritisme ne s'adresse pas à ceux qui ont une foi religieuse quelconque, dans le but de les en détourner, et à qui cette foi suffit à leur raison et à leur conscience, mais à la nombreuse catégorie des incertains et des incrédules, etc. »
Eh ! pourquoi pas ? Le Spiritisme, qui est la vérité, ne devrait-il pas s'adresser à tout le monde? à tous ceux qui sont dans l'erreur ? Or, ceux qui croient à une religion quelconque, protestante, juive, catholique ou toute autre, ne sont-ils pas dans l'erreur ? Ils y sont indubitablement, puisque les diverses religions professées aujourd'hui donnent comme des vérités incontestables et nous font une obligation de croire à des choses complètement fausses, ou tout au moins à des choses qui peuvent venir de sources vraies, mais tout à fait mal interprétées. S'il est prouvé que les peines ne sont que temporaires, — et Dieu sait si c'est une légère erreur de confondre le temporaire avec l'éternel, — que le feu de l'enfer est une fiction, et qu'au lieu d'une création en six jours il s'agit de millions de siècles, etc. ; si tout cela est prouvé, dis-je, partant de ce principe que la vérité est une, les croyances auxquelles a donné lieu l'interprétation si fausse de ces dogmes ne sont ni plus ni moins que fausses, car une chose est ou n'est pas ; il n'y a pas de milieu.
Pourquoi donc le Spiritisme ne s'adresserait-il pas tout aussi bien à ceux qui croient à des absurdités, pour les en dissuader, qu'à ceux qui ne croient à rien ou qui doutent? etc. »
Nous saisissons l'occasion de la lettre dont nous avons extrait les passages ci-dessus, pour rappeler une fois de plus le but essentiel du Spiritisme, sur lequel l'auteur de cette lettre ne paraît pas complètement édifié.
Par les preuves patentes qu'il donne de l'existence de l'âme et de la vie future, bases de toutes les religions, il est la négation du matérialisme, et s'adresse, par conséquent, à ceux qui nient ou qui doutent. Il est bien évident que celui qui ne croit ni à Dieu ni à son âme, n'est ni catholique, ni juif, ni protestant, quelle que soit la religion dans laquelle il est né, car il ne serait même ni mahométan ni bouddhiste ; or, par l'évidence des faits, il est amené à croire à la vie future avec toutes ses conséquences morales ; libre à lui d'adopter ensuite le culte qui conviendra le mieux à sa raison ou à sa conscience ; mais là s'arrête le rôle du Spiritisme ; il fait faire les trois quarts du chemin ; il fait franchir le pas le plus difficile, celui de l'incrédulité, c'est aux autres à faire le reste.
Mais, pourra dire l'auteur de la lettre, si aucun culte ne me convient ? Eh bien ! Alors, restez ce que vous êtes ; le Spiritisme n'y peut rien ; il ne se charge pas de vous faire embrasser un culte de force, ni de discuter pour vous la valeur intrinsèque des dogmes de chacun : il laisse cela à votre conscience. Si ce que le Spiritisme donne ne vous suffit pas, cherchez, parmi toutes les philosophies qui existent, une doctrine qui satisfasse mieux vos aspirations.
Les incrédules et les douteurs forment une catégorie immensément nombreuse, et quand le Spiritisme dit qu'il ne s'adresse pas à ceux qui ont une foi quelconque et à qui cette foi suffit, il entend qu'il ne s'impose à personne et ne violente aucune conscience. En s'adressant aux incrédules, il arrive à les convaincre par les moyens qui lui sont propres, par les raisonnements qu'il sait avoir accès sur leur raison, puisque les autres ont été impuissants ; en un mot, il a sa méthode avec laquelle il obtient tous les jours d'assez beaux résultats ; mais il n'a point de doctrine secrète ; il ne dit pas aux uns : ouvrez vos oreilles, et aux autres : fermez-les ; il parle à tout le monde par ses écrits, et chacun est libre d'adopter ou de rejeter sa manière d'envisager les choses. Par cette manière, il fait des croyants fervents de ceux qui étaient incrédules ; c'est tout ce qu'il veut. A celui donc qui dirait : « J'ai ma foi et n'en veux pas changer ; je crois à l'éternité absolue des peines, aux flammes de l'enfer et aux démons ; je persiste même à croire que c'est le soleil qui tourne parce que la Bible le dit, et je crois que mon salut est à ce prix, » le Spiritisme répond : « Gardez vos croyances, puisqu'elles vous conviennent ; nul ne cherche à vous en imposer d'autres ; je ne m'adresse pas à vous, puisque vous ne voulez pas de moi ; » et en cela il est fidèle à son principe de respecter la liberté de conscience. S'il en est qui croient être dans l'erreur, ils sont libres de regarder la lumière, qui luit pour tout le monde ; ceux qui croient être dans le vrai sont libres de détourner les yeux.
Encore une fois, le Spiritisme a un but dont il ne veut pas et ne doit pas s'écarter ; il sait la route qui doit l'y conduire, et il la suivra sans se laisser dévoyer par les suggestions des impatients : chaque chose vient en son temps, et vouloir aller trop vite, c'est souvent reculer au lieu d'avancer.
Deux mots encore à l'auteur de la lettre : Il nous paraît avoir fait une fausse application de ce principe que la vérité est une, en concluant de ce que certains dogmes, comme ceux des peines futures et de la création, ont reçu une interprétation erronée, tout doit être faux dans la religion. Ne voyons-nous pas tous les jours les sciences positives elles-mêmes reconnaître certaines erreurs de détail, sans que, pour cela, la science soit radicalement fausse? L'Église ne s'est-elle pas mise d'accord avec la science sur certaines croyances dont elle faisait jadis des articles de foi ? Ne reconnaît-elle pas aujourd'hui la loi du mouvement de la terre et celle des périodes géologiques de la création, qu'elle avait condamnées comme des hérésies ? Quant aux flammes de l'enfer, toute la haute théologie est d'accord pour reconnaître que c'est une figure, et qu'il faut entendre par-là un feu moral et non un feu matériel. Sur plusieurs autres points, les doctrines sont aussi moins absolues qu'autrefois ; d'où l'on peut conclure qu'un jour, cédant à l'évidence des faits et des preuves matérielles, elle comprendra la nécessité d'une interprétation, en harmonie avec les lois de la nature, de quelques points encore controversés ; car nulle croyance ne saurait valablement ni rationnellement prévaloir contre ces lois. Dieu ne peut se contredire en établissant des dogmes contraires à ses lois éternelles et immuables, et l'homme ne peut prétendre se mettre au-dessus de Dieu en décrétant la nullité de ces lois. Or, l'Église, qui a compris cette vérité pour certaines choses, la comprendra également pour les autres, notamment en ce qui concerne le Spiritisme, fondé de tous points sur les lois de la nature, encore mal comprises, mais que l'on comprend mieux chaque jour.
Il ne faut donc pas se hâter de rejeter un tout, parce que certaines parties sont obscures ou défectueuses, et nous croyons utile, à ce propos, de se rappeler la fable de : La Guenon, le Singe et la Noix.
Identité d'un Esprit incarné
Notre collègue M. Delanne, étant en voyage, nous transmet le récit suivant de l'évocation qu'il a faite de l'Esprit de sa femme, vivante, restée à Paris.
… Le 11 décembre dernier, étant à Lille, j'évoquai l'Esprit de ma femme à onze heures et demie du soir ; elle m'apprit qu'une de ses parentes était, par hasard, couchée avec elle. Ce fait me laissa des doutes, ne le croyant pas possible, lorsque deux jours après je reçus d'elle une lettre constatant la réalité de la chose. Je vous envoie notre entretien, quoiqu'il n'ait rien de particulier, mais parce qu'il offre une preuve évidente d'identité.
1. Demande. Es-tu là, chère amie ? — Réponse. Oui, mon gros. (C'est son terme favori.)
2. Vois-tu les objets qui m'entourent ? — R. Je les vois bien. Je suis heureuse d'être vers toi. J'espère que tu es bien enveloppé ! (Il était onze heures et demie ; j'arrivais d'Arras ; pas de feu dans la chambre ; j'étais enveloppé de mon manteau de voyage et je n'avais même pas ôté mon cache-nez.)
3. Es-tu contente d'être venue sans ton corps ? — R. Oui, mon ami ; je t'en remercie. J'ai mon corps fluidique, mon périsprit.
4. Est-ce toi qui me fais écrire, et où te tiens-tu ? — R. Vers toi ; certainement ta main a encore bien du mal à marcher.
5. Es-tu bien endormie ? — R. Non, pas encore très bien.
6. Ton corps te retient-il ? - R. Oui, je le sens qui me retient. Mon corps est un peu malade, mais mon Esprit ne souffre pas.
7. As-tu eu dans la journée l'intuition que je t'évoquerais ce soir ? — R. Non, et pourtant je ne puis définir ce qui me disait que je te verrais. (A ce moment j'eus une quinte de toux.) Tu tousses toujours, ami ; soigne-toi donc un peu.
8. Peux-tu voir mon périsprit ? — R. Non, je ne puis distinguer que ton corps matériel.
9. Te sens-tu plus libre et mieux qu'avec ton corps ? — R. Oui, car je ne souffre plus. (Dans une lettre postérieure j'appris qu'effectivement elle avait été indisposée.)
10. Vois-tu des Esprits autour de moi ? — R. Non ; je désire pourtant bien les voir.
11. T'effrayes-tu d'être seule à la maison ? — R. Adèle est avec moi. (Cette personne, une de nos parentes, ne couche jamais à la maison ; nous ne la voyons que très rarement.)
12. Comment se fait-il qu'Adèle soit avec toi ? Est-elle couchée avec toi ? — R. Oui, par hasard.
13. C'est bien toi, ma chère femme, qui me parles ? — R. Oui, ami ; c'est bien moi.
14. Vois-tu bien clair ici? — R. Oui, tout rayonne mieux que ta faible lumière. (Je n'avais qu'une bougie dans une grande chambre.)
15. Te communiques-tu à moi par intuition ou mécaniquement ? — R. Je frappe plus particulièrement sur ton cerveau qui est propre à recevoir plus facilement, mais malgré cela je dirige ta main en même temps.
16. Comment peux-tu voir que mon cerveau est apte à recevoir les communications spirites ? — R. C'est par le développement que tes organes ont acquis depuis peu, ce qui prouve qu'il a fallu… (A ce moment minuit sonne et l'Esprit s'arrête.)
17. Entends-tu les sons de la pendule ? — R. Oui, mais je reste saisie de ce son inaccoutumé ; il est pareil à la musique céleste que j'ai entendue dans le rêve que je t'ai raconté. (En effet, quelque temps avant mon départ elle avait eu un rêve délicieux dans lequel elle avait entendu une harmonie sans pareille. A ce moment, je ne pensais assurément pas à ce rêve que j'avais totalement oublié ; ce ne pouvait donc être le reflet de ma pensée ; car, comme personne autre n'en avait connaissance, et que j'étais seul à ce moment, je vis dans cette révélation spontanée une nouvelle preuve de l'identité de l'Esprit de ma femme. L'Esprit achève spontanément la phrase commencée plus haut.)
… Beaucoup de puissance en si peu de temps.
18. Veux-tu que j'évoque mon ange gardien pour contrôler ton identité ? Cela te gênera-t-il ? — R. Tu peux le faire.
19. (A mon ange gardien.) Est-ce bien l'Esprit de ma femme qui vient de me parler? — R. C'est ta femme qui te parle et qui est satisfaite de te voir.
20. (A ma femme.) As-tu vu mon ange gardien ? — R. Oui, il est resplendissant de lumière ; il n'a fait qu'apparaître et disparaître.
21. T'a-t-il vue lui-même ? — R. Oui, il m'a regardée avec des yeux d'une céleste clémence ; et moi, toute confuse, je me suis prosternée.
Adieu, mon gros, je me sens forcée de te quitter.
Remarque. Si ce contrôle se fût borné à la réponse de l'ange gardien, il eût été tout à fait insuffisant, car il aurait fallu contrôler à son tour l'identité de l'ange gardien, dont un Esprit trompeur aurait parfaitement pu usurper le nom. Il n'y a rien dans sa simple affirmation qui révèle sa qualité. En pareil cas, il est toujours préférable de faire contrôler par un médium étranger qui ne serait pas sous la même influence ; invoquer soi-même un Esprit pour en contrôler un autre n'offre pas toujours une garantie suffisante, surtout si l'on en demande la permission à celui que l'on suspecte. Dans la circonstance dont il s'agit, nous en trouvons une dans la description que l'Esprit donne de l'ange gardien ; un Esprit trompeur n'aurait pu prendre cet aspect céleste ; on reconnaît d'ailleurs, dans toutes ses réponses, un caractère de vérité que ne saurait simuler la supercherie.
Séance du lendemain soir
22. Es-tu là ? — R. Oui ; je vais te dire ce qui te préoccupe ; c'est Adèle. Eh bien ! oui ; elle a couché réellement avec moi, je te le jure.
23. Ton corps va-t-il mieux? — R. Oui ; ce n'était rien.
24. Vois-tu des Esprits vers toi, aujourd'hui? — R. Je ne vois rien encore, mais je pressens quelqu'un, car je suis tout inquiète d'être seule.
25. Prie, ma bonne amie, et tu seras peut-être mieux. — R. Oui, c'est ce que je vais faire. Dis avec moi : « Mon Dieu, grand et juste, veuillez nous bénir, et nous absoudre de nos iniquités ; faites grâce à vos enfants qui vous aiment ; daignez les inspirer de vos vertus, et accordez-leur la grâce insigne d'être un jour comptés parmi vos élus. Que la douleur terrestre ne leur paraisse rien en comparaison du bonheur que vous réservez à ceux qui vous aiment sincèrement. Absolvez-nous, Seigneur, et continuez-nous vos bienfaits par l'intercession toute divine de la pure et angélique sainte Marie, mère des pécheurs et la miséricorde incarnée. »
Remarque. Cette prière improvisée par l'Esprit est d'une touchante simplicité. M. Delanne ne connaissait le fait concernant Adèle que par ce que lui en avait dit l'Esprit de sa femme, et c'est ce fait qui lui inspirait des doutes ; ayant écrit à celle-ci à ce sujet, il reçut la réponse suivante :
« … Adèle est bien venue hier soir, par hasard ; je l'ai engagée à rester, non par peur, j'en ris, mais pour l'avoir avec moi ; tu vois bien qu'elle est restée couchée avec moi. J'ai été troublée un peu ces deux nuits dernières ; j'ai éprouvé une espèce de malaise dont je ne me rendais pas compte parfaitement ; c'était comme une force invincible qui me forçait à dormir ; j'étais comme anéantie ; mais je suis si heureuse d'être allée vers toi !… »
… Le 11 décembre dernier, étant à Lille, j'évoquai l'Esprit de ma femme à onze heures et demie du soir ; elle m'apprit qu'une de ses parentes était, par hasard, couchée avec elle. Ce fait me laissa des doutes, ne le croyant pas possible, lorsque deux jours après je reçus d'elle une lettre constatant la réalité de la chose. Je vous envoie notre entretien, quoiqu'il n'ait rien de particulier, mais parce qu'il offre une preuve évidente d'identité.
1. Demande. Es-tu là, chère amie ? — Réponse. Oui, mon gros. (C'est son terme favori.)
2. Vois-tu les objets qui m'entourent ? — R. Je les vois bien. Je suis heureuse d'être vers toi. J'espère que tu es bien enveloppé ! (Il était onze heures et demie ; j'arrivais d'Arras ; pas de feu dans la chambre ; j'étais enveloppé de mon manteau de voyage et je n'avais même pas ôté mon cache-nez.)
3. Es-tu contente d'être venue sans ton corps ? — R. Oui, mon ami ; je t'en remercie. J'ai mon corps fluidique, mon périsprit.
4. Est-ce toi qui me fais écrire, et où te tiens-tu ? — R. Vers toi ; certainement ta main a encore bien du mal à marcher.
5. Es-tu bien endormie ? — R. Non, pas encore très bien.
6. Ton corps te retient-il ? - R. Oui, je le sens qui me retient. Mon corps est un peu malade, mais mon Esprit ne souffre pas.
7. As-tu eu dans la journée l'intuition que je t'évoquerais ce soir ? — R. Non, et pourtant je ne puis définir ce qui me disait que je te verrais. (A ce moment j'eus une quinte de toux.) Tu tousses toujours, ami ; soigne-toi donc un peu.
8. Peux-tu voir mon périsprit ? — R. Non, je ne puis distinguer que ton corps matériel.
9. Te sens-tu plus libre et mieux qu'avec ton corps ? — R. Oui, car je ne souffre plus. (Dans une lettre postérieure j'appris qu'effectivement elle avait été indisposée.)
10. Vois-tu des Esprits autour de moi ? — R. Non ; je désire pourtant bien les voir.
11. T'effrayes-tu d'être seule à la maison ? — R. Adèle est avec moi. (Cette personne, une de nos parentes, ne couche jamais à la maison ; nous ne la voyons que très rarement.)
12. Comment se fait-il qu'Adèle soit avec toi ? Est-elle couchée avec toi ? — R. Oui, par hasard.
13. C'est bien toi, ma chère femme, qui me parles ? — R. Oui, ami ; c'est bien moi.
14. Vois-tu bien clair ici? — R. Oui, tout rayonne mieux que ta faible lumière. (Je n'avais qu'une bougie dans une grande chambre.)
15. Te communiques-tu à moi par intuition ou mécaniquement ? — R. Je frappe plus particulièrement sur ton cerveau qui est propre à recevoir plus facilement, mais malgré cela je dirige ta main en même temps.
16. Comment peux-tu voir que mon cerveau est apte à recevoir les communications spirites ? — R. C'est par le développement que tes organes ont acquis depuis peu, ce qui prouve qu'il a fallu… (A ce moment minuit sonne et l'Esprit s'arrête.)
17. Entends-tu les sons de la pendule ? — R. Oui, mais je reste saisie de ce son inaccoutumé ; il est pareil à la musique céleste que j'ai entendue dans le rêve que je t'ai raconté. (En effet, quelque temps avant mon départ elle avait eu un rêve délicieux dans lequel elle avait entendu une harmonie sans pareille. A ce moment, je ne pensais assurément pas à ce rêve que j'avais totalement oublié ; ce ne pouvait donc être le reflet de ma pensée ; car, comme personne autre n'en avait connaissance, et que j'étais seul à ce moment, je vis dans cette révélation spontanée une nouvelle preuve de l'identité de l'Esprit de ma femme. L'Esprit achève spontanément la phrase commencée plus haut.)
… Beaucoup de puissance en si peu de temps.
18. Veux-tu que j'évoque mon ange gardien pour contrôler ton identité ? Cela te gênera-t-il ? — R. Tu peux le faire.
19. (A mon ange gardien.) Est-ce bien l'Esprit de ma femme qui vient de me parler? — R. C'est ta femme qui te parle et qui est satisfaite de te voir.
20. (A ma femme.) As-tu vu mon ange gardien ? — R. Oui, il est resplendissant de lumière ; il n'a fait qu'apparaître et disparaître.
21. T'a-t-il vue lui-même ? — R. Oui, il m'a regardée avec des yeux d'une céleste clémence ; et moi, toute confuse, je me suis prosternée.
Adieu, mon gros, je me sens forcée de te quitter.
Remarque. Si ce contrôle se fût borné à la réponse de l'ange gardien, il eût été tout à fait insuffisant, car il aurait fallu contrôler à son tour l'identité de l'ange gardien, dont un Esprit trompeur aurait parfaitement pu usurper le nom. Il n'y a rien dans sa simple affirmation qui révèle sa qualité. En pareil cas, il est toujours préférable de faire contrôler par un médium étranger qui ne serait pas sous la même influence ; invoquer soi-même un Esprit pour en contrôler un autre n'offre pas toujours une garantie suffisante, surtout si l'on en demande la permission à celui que l'on suspecte. Dans la circonstance dont il s'agit, nous en trouvons une dans la description que l'Esprit donne de l'ange gardien ; un Esprit trompeur n'aurait pu prendre cet aspect céleste ; on reconnaît d'ailleurs, dans toutes ses réponses, un caractère de vérité que ne saurait simuler la supercherie.
Séance du lendemain soir
22. Es-tu là ? — R. Oui ; je vais te dire ce qui te préoccupe ; c'est Adèle. Eh bien ! oui ; elle a couché réellement avec moi, je te le jure.
23. Ton corps va-t-il mieux? — R. Oui ; ce n'était rien.
24. Vois-tu des Esprits vers toi, aujourd'hui? — R. Je ne vois rien encore, mais je pressens quelqu'un, car je suis tout inquiète d'être seule.
25. Prie, ma bonne amie, et tu seras peut-être mieux. — R. Oui, c'est ce que je vais faire. Dis avec moi : « Mon Dieu, grand et juste, veuillez nous bénir, et nous absoudre de nos iniquités ; faites grâce à vos enfants qui vous aiment ; daignez les inspirer de vos vertus, et accordez-leur la grâce insigne d'être un jour comptés parmi vos élus. Que la douleur terrestre ne leur paraisse rien en comparaison du bonheur que vous réservez à ceux qui vous aiment sincèrement. Absolvez-nous, Seigneur, et continuez-nous vos bienfaits par l'intercession toute divine de la pure et angélique sainte Marie, mère des pécheurs et la miséricorde incarnée. »
Remarque. Cette prière improvisée par l'Esprit est d'une touchante simplicité. M. Delanne ne connaissait le fait concernant Adèle que par ce que lui en avait dit l'Esprit de sa femme, et c'est ce fait qui lui inspirait des doutes ; ayant écrit à celle-ci à ce sujet, il reçut la réponse suivante :
« … Adèle est bien venue hier soir, par hasard ; je l'ai engagée à rester, non par peur, j'en ris, mais pour l'avoir avec moi ; tu vois bien qu'elle est restée couchée avec moi. J'ai été troublée un peu ces deux nuits dernières ; j'ai éprouvé une espèce de malaise dont je ne me rendais pas compte parfaitement ; c'était comme une force invincible qui me forçait à dormir ; j'étais comme anéantie ; mais je suis si heureuse d'être allée vers toi !… »
La barbarie dans la civilisation
Horrible supplice d'un Nègre
Une lettre de New-York, adressée, en date du 5 novembre, à la Gazette des Tribunaux, contient les détails suivants d'une horrible tragédie qui a eu lieu à Dalton, dans le comté de Caroline (Maryland) :
« On avait arrêté dernièrement un jeune nègre sous l'accusation d'attentat à la pudeur sur la personne d'une petite fille blanche. De graves soupçons pesaient sur lui. L'enfant objet de ses criminelles violences déclarait le reconnaître parfaitement. L'accusé avait été enfermé dans la prison de Dalton. Il y était à peine depuis quelques heures, qu'une foule nombreuse, poussant des cris de colère et de vengeance, demandait qu'on lui livrât le malheureux nègre.
Les représentants de l'ordre et de l'autorité, voyant qu'il leur serait impossible de défendre de vive force leur prisonnier contre cette foule irritée, cherchèrent en vain, par les plus pressants discours, à la calmer. Des sifflets accueillirent leurs paroles en faveur de la loi et de la justice régulière.
Le peuple, dont le nombre allait sans cesse grossissant, commença à jeter des pierres contre la prison. Quelques coups de revolver furent déchargés sur les agents de l'autorité, mais aucune balle ne les atteignit. Comprenant que la résistance était impossible de leur part, ils ouvrirent les portes de la prison. La foule, après avoir jeté un immense hourra en signe de satisfaction, s'y précipite avec fureur. Elle s'empare du prisonnier et le traîne, au milieu des cris de colère des assistants et des supplications de la victime, au milieu de la principale place du village.
Un jury est immédiatement nommé. Après avoir examiné, pour la forme, les faits du procès, il déclare l'accusé coupable, et le condamne à être pendu sans retard. On attache aussitôt une corde à un arbre et, cela fait, on procède à l'exécution. Le nègre, pendant que son corps se débattait dans les convulsions de l'agonie, était en butte aux insultes et aux violences des spectateurs. Plusieurs coups de pistolet furent tirés sur lui et contribuèrent à augmenter les tortures de sa mort.
La foule, ivre de colère et de vengeance, n'attendit pas que le corps fût complètement immobile pour le détacher de la corde. Elle promena son ignoble trophée dans les rues de Dalton. Hommes et femmes, les enfants eux-mêmes applaudissaient aux outrages prodigués au cadavre du jeune nègre.
Mais là ne devait pas s'arrêter la fureur du peuple. Après avoir parcouru le village de Dalton dans tous les sens, il s'est rendu devant une église de noirs. Un immense bûcher y fut élevé, et après avoir coupé et mutilé le cadavre, la foule jeta, au milieu des manifestations de joie les plus bruyantes, les membres et les fragments de chair dans les flammes. »
Ce récit a donné lieu à la question suivante proposée dans la Société Spirite de Paris, le 28 novembre 1862 :
« On comprend que des exemples de férocité isolés et individuels se rencontrent chez les peuples civilisés ; le Spiritisme en donne l'explication en disant qu'ils proviennent d'Esprits inférieurs, en quelque sorte fourvoyés dans une société plus avancée ; mais alors ces individus ont, pendant toute leur vie, révélé la bassesse de leurs instincts. Ce que l'on comprend plus difficilement, c'est qu'une population tout entière qui a donné des preuves de la supériorité de son intelligence, et même en d'autres circonstances de sentiments d'humanité, qui professe une religion de douceur et de paix, puisse être prise d'un tel vertige sanguinaire, et se repaître avec une rage sauvage des tortures d'une victime. Il y a là un problème moral sur lequel nous prierons les Esprits de vouloir bien nous donner une instruction. »
Société spirite de Paris, 28 novembre 1862. - Médium, M. A. de B…
Le sang versé dans les contrées renommées jusqu'à ce jour par leurs tendances vers le progrès humain, est une pluie de malédiction, et le courroux du Dieu juste ne saurait tarder plus longtemps de s'appesantir sur le séjour où s'accomplissent aussi fréquemment des abominations semblables à celle dont vous venez d'entendre la lecture. En vain veut-on se dissimuler à soi-même les conséquences qu'elles entraînent forcément ; en vain veut-on atténuer la portée du crime ; s'il est affreux par lui-même, il ne l'est pas moins par l'intention qui l'a fait commettre avec d'aussi horribles raffinements, avec un acharnement si bestial. L'intérêt ! l'intérêt humain ! les jouissances sensuelles, les satisfactions de l'orgueil et de la vanité en ont été là encore le mobile comme en toute autre occasion, et les mêmes causes feront naître des effets semblables, causes, à leur tour, des effets de la colère céleste, dont sont menacées tant d'iniquités. Croyez-vous qu'il n'y ait de progrès réel que celui de l'industrie, de toutes les ressources et de tous les arts qui tendent à amortir les rigueurs de la vie matérielle et à accroître les jouissances dont on veut se rassasier ? Non ; là n'est pas uniquement le progrès nécessaire à l'élévation des Esprits, qui ne sont humains que temporairement, et ne doivent attacher aux choses humaines que l'intérêt secondaire qu'elles méritent. Le perfectionnement du cœur, des lumières de la conscience ; la diffusion du sentiment de solidarité universelle des êtres, de celui de la fraternité entre les humains, sont les seules marques authentiques qui distinguent un peuple dans la marche du progrès général. A ces seuls caractères se reconnaît une nation comme la plus avancée. Mais celles qui nourrissent encore dans leur sein des sentiments d'orgueil exclusif, et ne voient telle portion de l'humanité que comme une race servile faite pour obéir et souffrir, celles-là éprouveront, n'en doutez pas, le néant de leurs prétentions et le poids de la vengeance du Ciel.
Ton père, V. de B.
Une lettre de New-York, adressée, en date du 5 novembre, à la Gazette des Tribunaux, contient les détails suivants d'une horrible tragédie qui a eu lieu à Dalton, dans le comté de Caroline (Maryland) :
« On avait arrêté dernièrement un jeune nègre sous l'accusation d'attentat à la pudeur sur la personne d'une petite fille blanche. De graves soupçons pesaient sur lui. L'enfant objet de ses criminelles violences déclarait le reconnaître parfaitement. L'accusé avait été enfermé dans la prison de Dalton. Il y était à peine depuis quelques heures, qu'une foule nombreuse, poussant des cris de colère et de vengeance, demandait qu'on lui livrât le malheureux nègre.
Les représentants de l'ordre et de l'autorité, voyant qu'il leur serait impossible de défendre de vive force leur prisonnier contre cette foule irritée, cherchèrent en vain, par les plus pressants discours, à la calmer. Des sifflets accueillirent leurs paroles en faveur de la loi et de la justice régulière.
Le peuple, dont le nombre allait sans cesse grossissant, commença à jeter des pierres contre la prison. Quelques coups de revolver furent déchargés sur les agents de l'autorité, mais aucune balle ne les atteignit. Comprenant que la résistance était impossible de leur part, ils ouvrirent les portes de la prison. La foule, après avoir jeté un immense hourra en signe de satisfaction, s'y précipite avec fureur. Elle s'empare du prisonnier et le traîne, au milieu des cris de colère des assistants et des supplications de la victime, au milieu de la principale place du village.
Un jury est immédiatement nommé. Après avoir examiné, pour la forme, les faits du procès, il déclare l'accusé coupable, et le condamne à être pendu sans retard. On attache aussitôt une corde à un arbre et, cela fait, on procède à l'exécution. Le nègre, pendant que son corps se débattait dans les convulsions de l'agonie, était en butte aux insultes et aux violences des spectateurs. Plusieurs coups de pistolet furent tirés sur lui et contribuèrent à augmenter les tortures de sa mort.
La foule, ivre de colère et de vengeance, n'attendit pas que le corps fût complètement immobile pour le détacher de la corde. Elle promena son ignoble trophée dans les rues de Dalton. Hommes et femmes, les enfants eux-mêmes applaudissaient aux outrages prodigués au cadavre du jeune nègre.
Mais là ne devait pas s'arrêter la fureur du peuple. Après avoir parcouru le village de Dalton dans tous les sens, il s'est rendu devant une église de noirs. Un immense bûcher y fut élevé, et après avoir coupé et mutilé le cadavre, la foule jeta, au milieu des manifestations de joie les plus bruyantes, les membres et les fragments de chair dans les flammes. »
Ce récit a donné lieu à la question suivante proposée dans la Société Spirite de Paris, le 28 novembre 1862 :
« On comprend que des exemples de férocité isolés et individuels se rencontrent chez les peuples civilisés ; le Spiritisme en donne l'explication en disant qu'ils proviennent d'Esprits inférieurs, en quelque sorte fourvoyés dans une société plus avancée ; mais alors ces individus ont, pendant toute leur vie, révélé la bassesse de leurs instincts. Ce que l'on comprend plus difficilement, c'est qu'une population tout entière qui a donné des preuves de la supériorité de son intelligence, et même en d'autres circonstances de sentiments d'humanité, qui professe une religion de douceur et de paix, puisse être prise d'un tel vertige sanguinaire, et se repaître avec une rage sauvage des tortures d'une victime. Il y a là un problème moral sur lequel nous prierons les Esprits de vouloir bien nous donner une instruction. »
Société spirite de Paris, 28 novembre 1862. - Médium, M. A. de B…
Le sang versé dans les contrées renommées jusqu'à ce jour par leurs tendances vers le progrès humain, est une pluie de malédiction, et le courroux du Dieu juste ne saurait tarder plus longtemps de s'appesantir sur le séjour où s'accomplissent aussi fréquemment des abominations semblables à celle dont vous venez d'entendre la lecture. En vain veut-on se dissimuler à soi-même les conséquences qu'elles entraînent forcément ; en vain veut-on atténuer la portée du crime ; s'il est affreux par lui-même, il ne l'est pas moins par l'intention qui l'a fait commettre avec d'aussi horribles raffinements, avec un acharnement si bestial. L'intérêt ! l'intérêt humain ! les jouissances sensuelles, les satisfactions de l'orgueil et de la vanité en ont été là encore le mobile comme en toute autre occasion, et les mêmes causes feront naître des effets semblables, causes, à leur tour, des effets de la colère céleste, dont sont menacées tant d'iniquités. Croyez-vous qu'il n'y ait de progrès réel que celui de l'industrie, de toutes les ressources et de tous les arts qui tendent à amortir les rigueurs de la vie matérielle et à accroître les jouissances dont on veut se rassasier ? Non ; là n'est pas uniquement le progrès nécessaire à l'élévation des Esprits, qui ne sont humains que temporairement, et ne doivent attacher aux choses humaines que l'intérêt secondaire qu'elles méritent. Le perfectionnement du cœur, des lumières de la conscience ; la diffusion du sentiment de solidarité universelle des êtres, de celui de la fraternité entre les humains, sont les seules marques authentiques qui distinguent un peuple dans la marche du progrès général. A ces seuls caractères se reconnaît une nation comme la plus avancée. Mais celles qui nourrissent encore dans leur sein des sentiments d'orgueil exclusif, et ne voient telle portion de l'humanité que comme une race servile faite pour obéir et souffrir, celles-là éprouveront, n'en doutez pas, le néant de leurs prétentions et le poids de la vengeance du Ciel.
Ton père, V. de B.
Dissertations spirites
Les approches de l'hiver Société spirite de Paris, 27 décembre 1862. - Médium, M. LeymarieMes bons amis, quand le froid arrive et que tout manque chez de braves
gens, pourquoi ne viendrais-je pas, moi, votre ancien condisciple, vous
rappeler notre mot d'ordre, le mot de charité
? Donnez, donnez tout ce que votre cœur peut donner, en paroles, en
consolations, en soins bienveillants. L'amour de Dieu est en vous, si
vous savez, en Spirites fervents, remplir le mandat qu'il vous a
délégué.
Aux instants libres, lorsque le travail vous laisse le repos, cherchez celui qui souffre moralement ou corporellement ; à l'un donnez cette force qui console et grandit l'esprit, à l'autre donnez ce qui sustente et fait taire, soit les appréhensions de la mère dont les bras sont inoccupés, soit la plainte de l'enfant qui demande du pain.
Les frimas sont venus, une brise froide roule la poussière : à bientôt la neige. C'est l'heure où vous devez marcher et chercher. Combien de pauvres honteux se cachent et gémissent en secret, surtout le pauvre en habit noir qui a toutes les aspirations et manque des premiers besoins. Pour celui-là, mes amis, agissez sagement ; que votre main soulage et guérisse, mais aussi puisse la voix du cœur présenter délicatement l'obole qui peut péniblement blesser l'amour-propre de l'homme bien élevé. Il faut, je le répète, donner, mais savoir bien donner ; Dieu, le dispensateur de tout, cache ses trésors, ses épis, ses fleurs et ses fruits, et pourtant ses dons, qui ont secrètement et laborieusement germé dans la sève du tronc et de la tige, nous arrivent sans que nous sentions la main qui les a dispensés. Faites comme Dieu, imitez-le, et vous serez bénis.
Oh ! Que c'est bon et beau d'être utile et charitable, de savoir se relever en relevant les autres, d'oublier les égoïstes petits besoins de la vie pour pratiquer la plus noble attribution de l'humanité, celle qui fait de nous les véritables fils du Créateur !
Et quel enseignement pour les vôtres ! Vos enfants vous imitent ; votre exemple porte ses fruits, car toute branche bien greffée, c'est l'abondance. L'avenir spirituel de la famille dépend toujours de la forme que vous donnez à toutes vos actions.
Je vous le dis, et ne saurai jamais assez le répéter, vous gagnez spirituellement si vous donnez et consolez ; car Dieu vous donnera et vous consolera dans son royaume qui n'est pas de ce monde. Dans celui-ci, la famille qui honore et bénit son chef intelligent dans cette parcelle de royauté que Dieu lui a laissée est une atténuation de toutes les douleurs qui accompagnent la vie.
Adieu, mes amis, soyez tout amour, toute charité.
Sanson.
Aux instants libres, lorsque le travail vous laisse le repos, cherchez celui qui souffre moralement ou corporellement ; à l'un donnez cette force qui console et grandit l'esprit, à l'autre donnez ce qui sustente et fait taire, soit les appréhensions de la mère dont les bras sont inoccupés, soit la plainte de l'enfant qui demande du pain.
Les frimas sont venus, une brise froide roule la poussière : à bientôt la neige. C'est l'heure où vous devez marcher et chercher. Combien de pauvres honteux se cachent et gémissent en secret, surtout le pauvre en habit noir qui a toutes les aspirations et manque des premiers besoins. Pour celui-là, mes amis, agissez sagement ; que votre main soulage et guérisse, mais aussi puisse la voix du cœur présenter délicatement l'obole qui peut péniblement blesser l'amour-propre de l'homme bien élevé. Il faut, je le répète, donner, mais savoir bien donner ; Dieu, le dispensateur de tout, cache ses trésors, ses épis, ses fleurs et ses fruits, et pourtant ses dons, qui ont secrètement et laborieusement germé dans la sève du tronc et de la tige, nous arrivent sans que nous sentions la main qui les a dispensés. Faites comme Dieu, imitez-le, et vous serez bénis.
Oh ! Que c'est bon et beau d'être utile et charitable, de savoir se relever en relevant les autres, d'oublier les égoïstes petits besoins de la vie pour pratiquer la plus noble attribution de l'humanité, celle qui fait de nous les véritables fils du Créateur !
Et quel enseignement pour les vôtres ! Vos enfants vous imitent ; votre exemple porte ses fruits, car toute branche bien greffée, c'est l'abondance. L'avenir spirituel de la famille dépend toujours de la forme que vous donnez à toutes vos actions.
Je vous le dis, et ne saurai jamais assez le répéter, vous gagnez spirituellement si vous donnez et consolez ; car Dieu vous donnera et vous consolera dans son royaume qui n'est pas de ce monde. Dans celui-ci, la famille qui honore et bénit son chef intelligent dans cette parcelle de royauté que Dieu lui a laissée est une atténuation de toutes les douleurs qui accompagnent la vie.
Adieu, mes amis, soyez tout amour, toute charité.
Sanson.
La loi du progrès - Lyon, 17 septembre 1862. – Médium, M. Émile V…
Nota. — Cette communication a été obtenue dans la séance générale présidée par M. Allan Kardec.
Il semble, si on considère l'humanité à son état primitif et à son état présent, lorsque sa première apparition sur la terre marquait son point de départ, et maintenant qu'elle a parcouru une partie du chemin qui mène à la perfection, il semble, dis-je, que tout bien, tout progrès, toute philosophie enfin, ne puisse naître que de ce qui lui est contraire.
En effet, toute formation est le produit d'une réaction, de même que tout effet est engendré par une cause. Tous les phénomènes moraux, toutes les formations intelligentes, sont dus à une perturbation momentanée de l'intelligence même. Seulement, dans l'intelligence, on doit considérer deux principes : l'un immuable, essentiellement bon, éternel comme tout ce qui est infini ; l'autre temporaire, momentané et qui n'est que l'agent employé pour produire la réaction d'où sort chaque fois la progression des hommes.
Le progrès embrasse l'univers pendant l'éternité, et il n'est jamais plus répandu que lorsqu'il se concentre en un point quelconque. Vous ne pouvez envisager d'un seul regard l'immensité qui vit, par conséquent qui progresse ; mais regardez autour de vous ; qu'y voyez-vous ?
A certaines époques, on peut dire à des moments prévus, désignés, il surgit un homme qui ouvre une voie nouvelle, qui escarpe les rochers arides dont est toujours semé le monde connu de l'intelligence. Cet homme est souvent le dernier d'entre les humbles, d'entre les petits, et cependant il pénètre dans les hautes sphères de l'inconnu. Il s'arme de courage, car il lui en faut pour lutter corps à corps avec les préjugés, avec les usages reçus ; il lui en faut pour vaincre les obstacles que la mauvaise foi sème sous ses pas, car tant qu'il reste des préjugés à renverser, il reste des abus et des intéressés aux abus ; il lui en faut, parce qu'il doit lutter en même temps contre les besoins matériels de sa personnalité, et sa victoire, dans ce cas, est la meilleure preuve de sa mission et de sa prédestination.
Arrivé à ce point où la lumière s'échappe assez forte du cercle dont il est le centre, tous les regards se portent sur lui ; il s'assimile tout le principe intelligent et bon ; il reforme, régénère le principe contraire, malgré les préjugés, malgré la mauvaise foi, malgré les besoins, il arrive à son but, il fait franchir un degré à l'humanité, il fait connaître ce qui n'était pas connu.
Ce fait s'est répété bien des fois déjà, et se répétera bien des fois encore avant que la terre ait acquis le degré de perfection qui convient à sa nature. Mais autant de fois qu'il sera nécessaire, Dieu fournira la semence et le laboureur. Ce laboureur, c'est chaque homme en particulier, comme chacun des génies qui l'illustrent par une science souvent surhumaine. En tout temps il y a eu de ces centres de lumière, de ces points de ralliement, et le devoir de tous est de s'approcher, d'aider et de protéger les apôtres de la vérité. C'est ce que le Spiritisme vient dire encore.
Hâtez-vous donc, vous tous qui êtes frères par la charité ; hâtez-vous, et le bonheur promis à la perfection vous sera bien plus tôt accordé.
Esprit protecteur.
Il semble, si on considère l'humanité à son état primitif et à son état présent, lorsque sa première apparition sur la terre marquait son point de départ, et maintenant qu'elle a parcouru une partie du chemin qui mène à la perfection, il semble, dis-je, que tout bien, tout progrès, toute philosophie enfin, ne puisse naître que de ce qui lui est contraire.
En effet, toute formation est le produit d'une réaction, de même que tout effet est engendré par une cause. Tous les phénomènes moraux, toutes les formations intelligentes, sont dus à une perturbation momentanée de l'intelligence même. Seulement, dans l'intelligence, on doit considérer deux principes : l'un immuable, essentiellement bon, éternel comme tout ce qui est infini ; l'autre temporaire, momentané et qui n'est que l'agent employé pour produire la réaction d'où sort chaque fois la progression des hommes.
Le progrès embrasse l'univers pendant l'éternité, et il n'est jamais plus répandu que lorsqu'il se concentre en un point quelconque. Vous ne pouvez envisager d'un seul regard l'immensité qui vit, par conséquent qui progresse ; mais regardez autour de vous ; qu'y voyez-vous ?
A certaines époques, on peut dire à des moments prévus, désignés, il surgit un homme qui ouvre une voie nouvelle, qui escarpe les rochers arides dont est toujours semé le monde connu de l'intelligence. Cet homme est souvent le dernier d'entre les humbles, d'entre les petits, et cependant il pénètre dans les hautes sphères de l'inconnu. Il s'arme de courage, car il lui en faut pour lutter corps à corps avec les préjugés, avec les usages reçus ; il lui en faut pour vaincre les obstacles que la mauvaise foi sème sous ses pas, car tant qu'il reste des préjugés à renverser, il reste des abus et des intéressés aux abus ; il lui en faut, parce qu'il doit lutter en même temps contre les besoins matériels de sa personnalité, et sa victoire, dans ce cas, est la meilleure preuve de sa mission et de sa prédestination.
Arrivé à ce point où la lumière s'échappe assez forte du cercle dont il est le centre, tous les regards se portent sur lui ; il s'assimile tout le principe intelligent et bon ; il reforme, régénère le principe contraire, malgré les préjugés, malgré la mauvaise foi, malgré les besoins, il arrive à son but, il fait franchir un degré à l'humanité, il fait connaître ce qui n'était pas connu.
Ce fait s'est répété bien des fois déjà, et se répétera bien des fois encore avant que la terre ait acquis le degré de perfection qui convient à sa nature. Mais autant de fois qu'il sera nécessaire, Dieu fournira la semence et le laboureur. Ce laboureur, c'est chaque homme en particulier, comme chacun des génies qui l'illustrent par une science souvent surhumaine. En tout temps il y a eu de ces centres de lumière, de ces points de ralliement, et le devoir de tous est de s'approcher, d'aider et de protéger les apôtres de la vérité. C'est ce que le Spiritisme vient dire encore.
Hâtez-vous donc, vous tous qui êtes frères par la charité ; hâtez-vous, et le bonheur promis à la perfection vous sera bien plus tôt accordé.
Esprit protecteur.
Bibliographie - La Pluralité des mondes habités
Etude où l'on expose les conditions d'habitabilité des terres célestes discutées au point de vue de l'astronomie et de la physiologie ; par Camille Flammarion, calculateur à l'Observatoire impérial de Paris, attaché au Bureau des longitudes, etc.[1]
Quoiqu'il ne soit pas question de Spiritisme dans cet ouvrage, le sujet est de ceux qui rentrent dans le cadre de nos observations et des principes de la doctrine, et nos lecteurs nous sauront gré de l'avoir signalé à leur attention, persuadé d'avance du puissant intérêt qu'ils apporteront à cette lecture doublement attachante par la forme et par le fond. Ils y trouveront confirmée par la science une des révélations capitales faites par les Esprits. M. Flammarion est un des membres de la Société spirite de Paris, et son nom figure comme médium dans les remarquables dissertations signées Galilée, et que nous avons publiées en septembre dernier sous le titre d'Etudes uranographiques. A ce double titre nous sommes heureux de lui donner une mention spéciale, qui sera ratifiée, nous n'en doutons nullement.
L'auteur s'est attaché à recueillir tous les éléments de nature à appuyer l'opinion de la pluralité des mondes habités, en même temps qu'il combat l'opinion contraire, et, après l'avoir lu, on se demande comment il est possible de mettre en doute cette question. Ajoutons que les considérations de l'ordre scientifique le plus élevé n'excluent ni la grâce ni la poésie du style. On peut en juger par le passage suivant où il parle de l'intuition que la plupart des hommes, en contemplation devant la voûte céleste, ont de l'habitabilité des mondes :
« … Mais l'admiration qu'excite en nous la scène la plus émouvante du spectacle de la nature se transforme bientôt en un sentiment indescriptible de tristesse, parce que nous sommes étrangers à ces mondes où règne une solitude apparente, et qui ne peuvent faire naître l'impression immédiate par laquelle la vie nous rattache à la Terre. Nous sentons en nous le besoin de peupler ces globes en apparence oubliés par la vie, et sur ces plages éternellement désertes et silencieuses nous cherchons des regards qui répondent aux nôtres. Tel un hardi navigateur explora longtemps en rêve les déserts de l'Océan, cherchant la terre qui lui était révélée, perçant de ses regards d'aigle les plus vastes distances, et franchissant audacieusement les limites du monde connu, pour s'égarer enfin dans les plaines immenses où le Nouveau-Monde était assis depuis des périodes séculaires. Son rêve se réalisa. Que le nôtre se dégage du mystère qui l'enveloppe encore, et, sur le vaisseau de la pensée, nous monterons aux cieux y chercher d'autres terres. »
L'ouvrage est divisé en trois parties ; dans la première, intitulée Etude historique, l'auteur passe en revue l'innombrable série des savants et philosophes anciens et modernes, religieux ou profanes, qui ont professé la doctrine de la pluralité des mondes, depuis Orphée jusqu'à Herschel et au savant Laplace.
« La plupart des sectes grecques, dit-il, l'enseignèrent, soit ouvertement à tous leurs disciples indistinctement, soit en secret aux initiés de la philosophie. Si les poésies attribuées à Orphée sont bien de lui, on le peut compter pour le premier qui ait enseigné la pluralité des mondes. Elle est implicitement renfermée dans les vers orphiques, où il est dit que chaque étoile est un monde, et notamment dans ces paroles conservées par Proclus : « Dieu bâtit une terre immense que les immortels appellent Séléné, et que les hommes appellent Lune, dans laquelle s'élèvent un grand nombre d'habitations, de montagnes et de cités. »
Le premier des Grecs qui porta le nom de philosophe, Pythagore, enseignait en public l'immobilité de la Terre et le mouvement des astres autour d'elle comme centre unique de la création, tandis qu'il déclarait aux adeptes avancés de sa doctrine sa croyance au mouvement de la Terre comme planète et à la pluralité des mondes. Plus tard, Démocrite, Héraclite et Métrodore de Chio, les plus illustres de ses disciples, propagèrent du haut de la chaire l'opinion de leur maître, qui devint celle de tous les pythagoriciens et de la plupart des philosophes grecs. Philolaüs, Nicétas, Héraclides, furent des plus ardents défenseurs de cette croyance ; ce dernier alla même jusqu'à prétendre que chaque étoile est un monde qui a, comme le nôtre, une terre, une atmosphère et une immense étendue de matière éthérée. »
Plus loin il ajoute :
« L'action bienfaisante du Soleil, dit Laplace, fait éclore les animaux et les plantes qui couvrent la terre, et l'analogie nous porte à croire qu'elle produit de semblables effets sur les autres planètes ; car il n'est pas naturel de penser que la matière dont nous voyons la fécondité se développer de tant de façons, soit stérile sur une aussi grosse planète que Jupiter qui, comme le globe terrestre, a ses jours, ses nuits et ses années, et sur lequel les observations indiquent des changements qui supposent des forces très actives… L'homme, fait pour la température dont il jouit sur la Terre, ne pourrait pas, selon toute apparence, vivre sur les autres planètes. Mais ne doit-il pas y avoir une infinité d'organisations relatives aux diverses températures des globes et des univers ? Si la seule différence des éléments et des climats met tant de variétés dans les productions terrestres, combien plus doivent différer celles des planètes et des satellites ! »
La seconde partie est consacrée à l'étude astronomique de la constitution des divers globes célestes, d'après les données les plus positives de la science, et de laquelle il résulte que la Terre n'est, ni par sa position, ni par son volume, ni par les éléments dont elle se compose, dans une situation exceptionnelle qui ait pu lui valoir le privilège d'être habitée à l'exclusion de tant d'autres mondes plus favorisés à plusieurs égards. La première partie est de l'érudition, la seconde est de la science.
La troisième partie traite la question au point de vue physiologique. Les observations astronomiques faisant connaître le mouvement des saisons, les fluctuations de l'atmosphère, et la variabilité de la température dans la plupart des mondes qui composent notre tourbillon solaire, il en ressort que la Terre est dans une des conditions les moins avantageuses, un de ceux dont les habitants doivent éprouver le plus de vicissitudes, et où la vie doit être le plus pénible ; d'où l'auteur conclut qu'il n'est pas rationnel d'admettre que Dieu ait réservé, pour l'habitation de l'homme un des mondes les moins favorisés, tandis que ceux qui sont les mieux doués seraient condamnés à n'abriter aucun être vivant. Tout ceci est établi, non sur une idée systématique, mais sur des données positives pour lesquelles toutes les sciences ont été mises à contribution : astronomie, physique, chimie, météorologie, géologie, zoologie, physiologie, mécanique, etc.
« Mais, ajoute-t-il, de toutes les planètes, la plus favorisée sous tous les rapports est le magnifique Jupiter, dont les saisons, à peine distinctes, ont encore l'avantage de durer douze fois plus que les nôtres. Ce géant planétaire semble planer dans les cieux comme un défi aux faibles habitants de la Terre, en leur faisant entrevoir les tableaux pompeux d'une longue et douce existence.
Pour nous, qui sommes attachés au boulet terrestre par des chaînes qu'il ne nous est pas donné de rompre, nous voyons s'éteindre successivement nos jours avec le temps rapide qui les consume, avec les capricieuses périodes qui les partagent, avec ces saisons disparates dont l'antagonisme se perpétue dans l'inégalité continuelle du jour et de la nuit et dans l'inconstance de la température. »
Après un éloquent tableau des luttes que l'homme a à soutenir contre la nature pour pourvoir à sa subsistance, des révolutions géologiques qui bouleversent la surface du globe et menacent de l'anéantir, il ajoute : « A la suite de telles considérations, peut-on prétendre encore que ce globe soit, même pour l'homme, le meilleur des mondes possibles, et que bien d'autres corps célestes ne puissent lui être infiniment supérieurs, et réunir mieux que lui les conditions favorables au développement et à la longue durée de l'existence humaine ? »
Puis, conduisant le lecteur à travers les mondes dans l'infini de l'espace, il lui fait voir un panorama d'une telle immensité, que l'on ne peut s'empêcher de trouver ridicule et indigne de la puissance de Dieu la supposition qu'entre tant de milliards, notre petit globe, inconnu d'une grande partie même de notre système planétaire, soit la seule terre habitée, et l'on s'identifie à la pensée de l'auteur quand il dit en terminant :
« Ah ! si notre vue était assez perçante pour découvrir, là où nous ne distinguons que des points brillants sur le fond noir du ciel, les soleils resplendissants qui gravitent dans l'étendue, et les mondes habités qui les suivent dans leurs cours ; s'il nous était donné d'embrasser sous un coup d'œil général ces myriades de systèmes solidaires, et si, nous avançant avec la vitesse de la lumière, nous traversions pendant des siècles de siècles ce nombre illimité de soleils et de sphères sans jamais rencontrer nul terme à cette immensité prodigieuse où Dieu fit germer les mondes et les êtres, retournant nos regards en arrière, mais ne sachant plus dans quel point de l'infini retrouver ce grain de poussière que l'on nomme la Terre, nous nous arrêterions fascinés et confondus par un tel spectacle, et unissant notre voix au concert de la nature universelle, nous dirions du fond de notre âme : Dieu puissant ! que nous étions insensés de croire qu'il n'y avait rien au-delà de la Terre, et que notre pauvre séjour avait seul le privilège de refléter ta grandeur et ta puissance ! »
Nous terminerons à notre tour par une remarque, c'est qu'en voyant la somme d'idées contenue dans ce petit ouvrage, on s'étonne qu'un jeune homme, d'un âge où d'autres sont encore sur les bancs de l'école, ait eu le temps de se les approprier, et à plus forte raison de les approfondir ; c'est pour nous la preuve évidente que son Esprit n'en est pas à son début, ou qu'à son insu il a été assisté par un autre Esprit.
[1] Brochure grand in-8. Prix : 2 fr. ; par la poste, 2 fr. 10 ; chez Bachelier, imprimeur-libraire de l'Observatoire, 55, quai des Grands-Augustins.
Quoiqu'il ne soit pas question de Spiritisme dans cet ouvrage, le sujet est de ceux qui rentrent dans le cadre de nos observations et des principes de la doctrine, et nos lecteurs nous sauront gré de l'avoir signalé à leur attention, persuadé d'avance du puissant intérêt qu'ils apporteront à cette lecture doublement attachante par la forme et par le fond. Ils y trouveront confirmée par la science une des révélations capitales faites par les Esprits. M. Flammarion est un des membres de la Société spirite de Paris, et son nom figure comme médium dans les remarquables dissertations signées Galilée, et que nous avons publiées en septembre dernier sous le titre d'Etudes uranographiques. A ce double titre nous sommes heureux de lui donner une mention spéciale, qui sera ratifiée, nous n'en doutons nullement.
L'auteur s'est attaché à recueillir tous les éléments de nature à appuyer l'opinion de la pluralité des mondes habités, en même temps qu'il combat l'opinion contraire, et, après l'avoir lu, on se demande comment il est possible de mettre en doute cette question. Ajoutons que les considérations de l'ordre scientifique le plus élevé n'excluent ni la grâce ni la poésie du style. On peut en juger par le passage suivant où il parle de l'intuition que la plupart des hommes, en contemplation devant la voûte céleste, ont de l'habitabilité des mondes :
« … Mais l'admiration qu'excite en nous la scène la plus émouvante du spectacle de la nature se transforme bientôt en un sentiment indescriptible de tristesse, parce que nous sommes étrangers à ces mondes où règne une solitude apparente, et qui ne peuvent faire naître l'impression immédiate par laquelle la vie nous rattache à la Terre. Nous sentons en nous le besoin de peupler ces globes en apparence oubliés par la vie, et sur ces plages éternellement désertes et silencieuses nous cherchons des regards qui répondent aux nôtres. Tel un hardi navigateur explora longtemps en rêve les déserts de l'Océan, cherchant la terre qui lui était révélée, perçant de ses regards d'aigle les plus vastes distances, et franchissant audacieusement les limites du monde connu, pour s'égarer enfin dans les plaines immenses où le Nouveau-Monde était assis depuis des périodes séculaires. Son rêve se réalisa. Que le nôtre se dégage du mystère qui l'enveloppe encore, et, sur le vaisseau de la pensée, nous monterons aux cieux y chercher d'autres terres. »
L'ouvrage est divisé en trois parties ; dans la première, intitulée Etude historique, l'auteur passe en revue l'innombrable série des savants et philosophes anciens et modernes, religieux ou profanes, qui ont professé la doctrine de la pluralité des mondes, depuis Orphée jusqu'à Herschel et au savant Laplace.
« La plupart des sectes grecques, dit-il, l'enseignèrent, soit ouvertement à tous leurs disciples indistinctement, soit en secret aux initiés de la philosophie. Si les poésies attribuées à Orphée sont bien de lui, on le peut compter pour le premier qui ait enseigné la pluralité des mondes. Elle est implicitement renfermée dans les vers orphiques, où il est dit que chaque étoile est un monde, et notamment dans ces paroles conservées par Proclus : « Dieu bâtit une terre immense que les immortels appellent Séléné, et que les hommes appellent Lune, dans laquelle s'élèvent un grand nombre d'habitations, de montagnes et de cités. »
Le premier des Grecs qui porta le nom de philosophe, Pythagore, enseignait en public l'immobilité de la Terre et le mouvement des astres autour d'elle comme centre unique de la création, tandis qu'il déclarait aux adeptes avancés de sa doctrine sa croyance au mouvement de la Terre comme planète et à la pluralité des mondes. Plus tard, Démocrite, Héraclite et Métrodore de Chio, les plus illustres de ses disciples, propagèrent du haut de la chaire l'opinion de leur maître, qui devint celle de tous les pythagoriciens et de la plupart des philosophes grecs. Philolaüs, Nicétas, Héraclides, furent des plus ardents défenseurs de cette croyance ; ce dernier alla même jusqu'à prétendre que chaque étoile est un monde qui a, comme le nôtre, une terre, une atmosphère et une immense étendue de matière éthérée. »
Plus loin il ajoute :
« L'action bienfaisante du Soleil, dit Laplace, fait éclore les animaux et les plantes qui couvrent la terre, et l'analogie nous porte à croire qu'elle produit de semblables effets sur les autres planètes ; car il n'est pas naturel de penser que la matière dont nous voyons la fécondité se développer de tant de façons, soit stérile sur une aussi grosse planète que Jupiter qui, comme le globe terrestre, a ses jours, ses nuits et ses années, et sur lequel les observations indiquent des changements qui supposent des forces très actives… L'homme, fait pour la température dont il jouit sur la Terre, ne pourrait pas, selon toute apparence, vivre sur les autres planètes. Mais ne doit-il pas y avoir une infinité d'organisations relatives aux diverses températures des globes et des univers ? Si la seule différence des éléments et des climats met tant de variétés dans les productions terrestres, combien plus doivent différer celles des planètes et des satellites ! »
La seconde partie est consacrée à l'étude astronomique de la constitution des divers globes célestes, d'après les données les plus positives de la science, et de laquelle il résulte que la Terre n'est, ni par sa position, ni par son volume, ni par les éléments dont elle se compose, dans une situation exceptionnelle qui ait pu lui valoir le privilège d'être habitée à l'exclusion de tant d'autres mondes plus favorisés à plusieurs égards. La première partie est de l'érudition, la seconde est de la science.
La troisième partie traite la question au point de vue physiologique. Les observations astronomiques faisant connaître le mouvement des saisons, les fluctuations de l'atmosphère, et la variabilité de la température dans la plupart des mondes qui composent notre tourbillon solaire, il en ressort que la Terre est dans une des conditions les moins avantageuses, un de ceux dont les habitants doivent éprouver le plus de vicissitudes, et où la vie doit être le plus pénible ; d'où l'auteur conclut qu'il n'est pas rationnel d'admettre que Dieu ait réservé, pour l'habitation de l'homme un des mondes les moins favorisés, tandis que ceux qui sont les mieux doués seraient condamnés à n'abriter aucun être vivant. Tout ceci est établi, non sur une idée systématique, mais sur des données positives pour lesquelles toutes les sciences ont été mises à contribution : astronomie, physique, chimie, météorologie, géologie, zoologie, physiologie, mécanique, etc.
« Mais, ajoute-t-il, de toutes les planètes, la plus favorisée sous tous les rapports est le magnifique Jupiter, dont les saisons, à peine distinctes, ont encore l'avantage de durer douze fois plus que les nôtres. Ce géant planétaire semble planer dans les cieux comme un défi aux faibles habitants de la Terre, en leur faisant entrevoir les tableaux pompeux d'une longue et douce existence.
Pour nous, qui sommes attachés au boulet terrestre par des chaînes qu'il ne nous est pas donné de rompre, nous voyons s'éteindre successivement nos jours avec le temps rapide qui les consume, avec les capricieuses périodes qui les partagent, avec ces saisons disparates dont l'antagonisme se perpétue dans l'inégalité continuelle du jour et de la nuit et dans l'inconstance de la température. »
Après un éloquent tableau des luttes que l'homme a à soutenir contre la nature pour pourvoir à sa subsistance, des révolutions géologiques qui bouleversent la surface du globe et menacent de l'anéantir, il ajoute : « A la suite de telles considérations, peut-on prétendre encore que ce globe soit, même pour l'homme, le meilleur des mondes possibles, et que bien d'autres corps célestes ne puissent lui être infiniment supérieurs, et réunir mieux que lui les conditions favorables au développement et à la longue durée de l'existence humaine ? »
Puis, conduisant le lecteur à travers les mondes dans l'infini de l'espace, il lui fait voir un panorama d'une telle immensité, que l'on ne peut s'empêcher de trouver ridicule et indigne de la puissance de Dieu la supposition qu'entre tant de milliards, notre petit globe, inconnu d'une grande partie même de notre système planétaire, soit la seule terre habitée, et l'on s'identifie à la pensée de l'auteur quand il dit en terminant :
« Ah ! si notre vue était assez perçante pour découvrir, là où nous ne distinguons que des points brillants sur le fond noir du ciel, les soleils resplendissants qui gravitent dans l'étendue, et les mondes habités qui les suivent dans leurs cours ; s'il nous était donné d'embrasser sous un coup d'œil général ces myriades de systèmes solidaires, et si, nous avançant avec la vitesse de la lumière, nous traversions pendant des siècles de siècles ce nombre illimité de soleils et de sphères sans jamais rencontrer nul terme à cette immensité prodigieuse où Dieu fit germer les mondes et les êtres, retournant nos regards en arrière, mais ne sachant plus dans quel point de l'infini retrouver ce grain de poussière que l'on nomme la Terre, nous nous arrêterions fascinés et confondus par un tel spectacle, et unissant notre voix au concert de la nature universelle, nous dirions du fond de notre âme : Dieu puissant ! que nous étions insensés de croire qu'il n'y avait rien au-delà de la Terre, et que notre pauvre séjour avait seul le privilège de refléter ta grandeur et ta puissance ! »
Nous terminerons à notre tour par une remarque, c'est qu'en voyant la somme d'idées contenue dans ce petit ouvrage, on s'étonne qu'un jeune homme, d'un âge où d'autres sont encore sur les bancs de l'école, ait eu le temps de se les approprier, et à plus forte raison de les approfondir ; c'est pour nous la preuve évidente que son Esprit n'en est pas à son début, ou qu'à son insu il a été assisté par un autre Esprit.
[1] Brochure grand in-8. Prix : 2 fr. ; par la poste, 2 fr. 10 ; chez Bachelier, imprimeur-libraire de l'Observatoire, 55, quai des Grands-Augustins.
Souscription en faveur des ouvriers de Rouen
Une souscription est ouverte, au bureau de la Revue Spirite, 59, rue et passage Sainte-Anne, au profit des ouvriers rouennais, aux souffrances desquels nul ne saurait rester indifférent. Déjà plusieurs groupes et sociétés spirites nous ont envoyé le produit de leurs cotisations ; nous invitons ceux qui seraient dans l'intention d'y concourir de hâter leur envoi, car l'hiver est là ! La liste en sera publiée. (Voir ci-dessus, page 26, la communication de M. Sanson.)
Allan Kardec
Allan Kardec