Un château hanté
La relation du fait ci-après nous a été remise par un de nos correspondants de Saint-Pétersbourg.
Un vieux général hongrois, bien connu par sa bravoure, fait un grand
héritage, donne sa démission et écrit à son intendant de lui acheter une
propriété qui était à vendre et qu'il lui désigne.
L'intendant
répond immédiatement en conseillant au général de ne pas acheter ladite
propriété, vu qu'elle était hantée par les Esprits.
Le vieux
brave insiste, disant que c'est une raison de plus pour lui de faire cet
achat, et lui enjoint de terminer à l'instant.
La propriété
est donc achetée, et le nouveau maître se met en en route pour aller s'y
installer. Il arrive à onze heures du soir dans la maison de son
intendant, non loin du château où il veut se rendre immédiatement. – De
grâce, lui dit son vieux serviteur, attendez à demain matin et
faites-moi l'honneur de passer la nuit chez moi. – Non, lui dit son
maître, je veux la passer dans mon château. L'intendant est donc obligé
de l'y accompagner avec plusieurs paysans portant des torches ; mais ils
ne veulent pas y entrer et se retirent, laissant seul le nouveau
seigneur.
Celui-ci avait avec lui un vieux soldat qui ne
l'avait jamais quitté, et un énorme chien qui aurait étranglé un homme
d'un seul coup.
Le vieux général s'installe dans la
bibliothèque du château, fait château allumer des bougies, pose une
paire de pistolets sur la table, prend un livre et s'étend sur un canapé
en attendant les revenants, car il est sûr que, s'il y en a
véritablement dans le château, ce ne sont point des morts, mais bien des
vivants ; c'est aussi pour cela qu'il avait armé les pistolets et qu'il
avait fait coucher son chien sous le canapé ; quant au vieux soldat, il
ronflait déjà dans une chambre attenante à la bibliothèque.
Peu de temps s'écoule ; le général croit entendre du bruit dans le
salon, écoute attentivement, et le bruit redouble. Sûr de son fait, il
prend d'une main une bougie, de l'autre un pistolet, et entre dans le
salon où il ne voit personne ; il cherche partout, soulève même les
draperies : il n'y a rien, absolument rien. Il revient donc à la
bibliothèque, reprend son livre, et à peine en a-t-il lu quelques lignes
que le bruit se fait entendre avec beaucoup plus de force que la
première fois. Il reprend une bougie et un pistolet, entre de nouveau
dans le salon et voit qu'on a ouvert le tiroir d'une commode. Convaincu
cette fois qu'il avait affaire à des voleurs et ne voyant pourtant
personne, il appelle son chien et lui dit : Cherche ! Le chien se met à
trembler de tous ses membres et retourne se cacher sous le canapé. Le
général commence à trembler lui-même, rentre dans la bibliothèque, se
couche sur le canapé, mais ne peut fermer l'œil de toute la nuit. En
nous racontant ce fait, le général nous dit : « Je n'ai eu peur que deux
fois, à dix-huit ans, lorsque, sur le champ de bataille, une bombe
éclata à mes pieds ; la seconde fois, lorsque j'ai vu la peur s'emparer
de mon chien. »
Nous nous abstiendrons de tout commentaire sur
le fait très authentique rapporté ci-dessus, et nous nous contenterons
de demander aux adversaires du Spiritisme comment le système nerveux du
chien a été ébranlé.
Nous demanderons en outre comment la
surexcitation nerveuse d'un médium, aussi forte qu'elle soit, peut
produire l'écriture directe, c'est-à-dire peut forcer un crayon à écrire
de lui-même.
Autre question : Nous croyons que le fluide
nerveux retenu, et concentré dans un récipient, pourrait égaler et
surpasser même la force de la vapeur ; mais le dit fluide, étant libre,
pourrait-il soulever et déplacer des meubles pesants, comme cela a si
souvent lieu ?
Ch. Péreyra.