REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868

Allan Kardec

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Mars

Commentaire sur les messies du Spiritisme

Voir le numéro de février 1868

Plusieurs questions nous ayant été adressées au sujet des communications sur les messies, publiées dans le dernier numéro de la Revue, nous croyons devoir les compléter par quelques développements qui en feront mieux comprendre le sens et la portée.

1° La première de ces communications portant recommandation de la tenir secrète jusqu'à nouvel ordre, quoique la même chose fût enseignée dans différentes contrées, sinon quant à la forme et aux circonstances du détail, du moins pour le fond de l'idée, on nous a demandé si les Esprits, d'un consentement général, avaient reconnu l'urgence de cette publication, ce qui aurait une signification d'une certaine gravité.

L'opinion de la majorité des Esprits est un contrôle puissant pour la valeur des principes de la doctrine, mais qui n'exclut pas celui du jugement et de la raison, dont tous les Esprits sérieux recommandent sans cesse de faire usage. Lorsque l'enseignement se généralise spontanément sur une question dans un sens déterminé, c'est un indice certain que cette question est arrivée à son temps ; mais l'opportunité, dans le cas dont il s'agit, n'est pas une question de principe, et nous n'avons pas cru devoir attendre l'avis de la majorité pour cette publication dès lors que l'utilité nous en était démontrée. Il y aurait de la puérilité à croire que, faisant abnégation de notre initiative, nous n'obéissons, en instrument passif, qu'à une pensée qui s'imposerait à nous.

L'idée de la venue d'un ou de plusieurs messies était à peu près générale, mais envisagée à des points de vue plus ou moins erronés, par suite des circonstances de détail contenues dans certaines communications, et d'une assimilation trop littérale, de la part de quelques-uns, avec les paroles de l'Évangile sur le même sujet. Ces erreurs pouvaient avoir des inconvénients matériels dont les symptômes se faisaient déjà sentir. Il importait donc de ne pas les laisser s'accréditer ; c'est pourquoi nous avons jugé utile de faire connaître le véritable sens dans lequel cette prévision était entendue par la majorité des Esprits, rectifiant ainsi, par l'enseignement général, ce que l'enseignement isolé pouvait avoir de partiellement défectueux.

2° On a dit que les messies du Spiritisme venant après sa constitution, leur rôle ne serait que secondaire, et l'on s'est demandé si c'était bien là le caractère des messies. Celui que Dieu charge d'une mission peut-il venir utilement quand l'objet de la mission est accompli ? Ne serait-ce pas comme si Christ fût venu après l'établissement du christianisme, ou comme si l'architecte chargé de la construction d'une maison arrivait quand la maison serait bâtie ?

La révélation spirite devait s'accomplir dans des conditions différentes de ses aînées, parce que les conditions de l'humanité ne sont plus les mêmes. Sans revenir sur ce qui a été dit au sujet des caractères de cette révélation, nous rappelons qu'au lieu d'être individuelle, elle devait être collective, et tout à la fois le produit de l'enseignement des Esprits et du travail intelligent de l'homme ; elle ne devait pas être localisée, mais prendre racine simultanément sur tous les points du globe. Ce travail s'accomplit sous la direction des grands Esprits qui ont reçu mission de présider à la régénération de l'humanité. S'ils ne coopèrent pas à l'œuvre comme incarnés, ils n'en dirigent pas moins les travaux comme Esprits, ainsi que nous en avons la preuve. Leur rôle de messies n'est donc point effacé, puisqu'ils le remplissent avant leur incarnation, et il n'en est que plus grand. Leur action, comme Esprits, est même plus efficace, parce qu'ils peuvent l'étendre partout, tandis que, comme incarnés, elle est nécessairement circonscrite. Aujourd'hui ils font, comme Esprits, ce que Christ faisait comme homme : ils enseignent, mais par les mille voix de la médiumnité ; ils viendront ensuite faire comme hommes ce que Christ n'a pu faire : installer leur doctrine.

L'installation d'une doctrine appelée à régénérer le monde ne peut être l'œuvre d'un jour, et la vie d'un homme n'y suffirait pas. Il faut d'abord élaborer les principes, ou si l'on veut confectionner l'instrument ; puis déblayer le terrain des obstacles et poser les premières assises. Que feraient ces Esprits sur la terre pendant le travail en quelque sorte matériel du défrichement ? Leur vie s'userait dans la lutte. Ils viendront donc plus utilement quand l'œuvre sera élaborée et le terrain préparé ; à eux alors incombera de mettre la dernière main à l'édifice et de le consolider ; en un mot, de faire fructifier l'arbre qui aura été planté. Mais, en attendant, ils ne sont pas inactifs : ils dirigent les travailleurs ; l'incarnation ne sera donc qu'une phase de leur mission. Le Spiritisme seul pouvait faire comprendre la coopération des Esprits de l'erraticité à une œuvre terrestre.

3° On a demandé, en outre, s'il n'y aurait pas à craindre que l'annonce de ces messies ne tentât des ambitieux qui se donneraient de prétendues missions, et réaliseraient cette prédiction : Il y aura de faux christs et de faux prophètes ?

A cela la réponse est bien simple ; elle est tout entière dans le chapitre XXI de l'Evangile selon le Spiritisme. En lisant ce chapitre on verra que le rôle de faux christ n'est pas aussi facile qu'on pourrait le supposer, car c'est ici le cas de dire que l'habit ne fait pas le moine. De tout temps il y a eu des intrigants qui ont voulu se faire passer pour ce qu'ils n'étaient pas ; ils peuvent sans doute imiter la forme extérieure ; mais, quand il s'agit de justifier le fond, il en advient d'eux comme de l'âne vêtu de la peau du lion.

Le bon sens dit que Dieu ne peut choisir ses messies parmi les Esprits vulgaires, mais parmi ceux qu'il sait capables d'accomplir ses desseins. Celui qui prétendrait avoir reçu une telle faveur devrait donc la justifier par l'éminence de ses capacités et de ses vertus, et sa présomption serait le premier démenti donné à ces mêmes vertus. Que dirait-on d'un rimailleur qui se donnerait pour le prince des poètes ? Se donner pour christ ou messie serait se dire l'homme le plus vertueux de l'univers, et l'on n'est pas vertueux quand on n'est pas modeste.

On simule, il est vrai, la vertu par l'hypocrisie ; mais il est une chose qui défie toute imitation : c'est le génie, parce qu'il doit s'affirmer par des œuvres positives ; quant à la vertu de parade, c'est une comédie qu'on ne peut jouer longtemps sans se trahir. Au premier rang des qualités morales qui distinguent le véritable missionnaire de Dieu, il faut placer l'humilité sincère, le dévouement sans bornes et sans arrière-pensée, le désintéressement matériel et moral absolu, l'abnégation de la personnalité, vertus par lesquelles ne brillent ni les ambitieux, ni les charlatans, qui recherchent avant tout la gloire ou le profit. Ils peuvent avoir de l'intelligence ; il leur en faut pour réussir par l'intrigue ; mais ce n'est pas cette intelligence qui place l'homme au-dessus de l'humanité terrestre. Si Christ revenait s'incarner sur la terre, il y reviendrait avec toutes ses vertus. Si donc quelqu'un se donnait pour lui, il devrait l'égaler en tout ; une seule qualité de moins suffirait pour dévoiler l'imposture.

De même qu'on reconnaît la qualité de l'arbre à son fruit, on reconnaîtra les vrais messies à la qualité de leurs œuvres, et non à leurs prétentions. Ce ne sont pas eux qui se proclameront, car peut-être ils s'ignoreront eux-mêmes ; plusieurs pas seront sur la terre, sans avoir été reconnus ; c'est en voyant ce qu'ils auront été et ce qu'ils auront fait que les hommes se diront, comme ils ont dit du Christ : Celui-là devait être un messie.

Il y a cent pierres de touche pour reconnaître les messies et les prophètes de contrebande. La définition du caractère de ceux qui sont véritables est plutôt faite pour décourager les contrefacteurs que pour les exciter à jouer un rôle qu'ils ne sont pas de force à remplir, et ne leur vaudrait que des déboires. C'est en même temps donner à ceux qu'ils tenteraient d'abuser les moyens d'éviter d'être dupes de leur fourberie.

4° Quelques personnes ont paru craindre que la qualification de messie ne répandît sur la doctrine spirite un vernis de mysticisme.

Pour qui connaît la doctrine, elle est d'un bout à l'autre une protestation contre le mysticisme, puisqu'elle tend à ramener toutes les croyances sur le terrain positif des lois de la nature. Mais, parmi ceux qui ne la connaissent pas, il y a des gens pour lesquels tout ce qui sort de l'humanité tangible est mystique ; pour eux, adorer Dieu, prier, croire à la Providence c'est être mystique. Nous n'avons pas à nous préoccuper de leur opinion.

Le mot messie est employé, par le Spiritisme, dans son acception littérale de messager, envoyé, abstraction faite de l'idée de rédemption et de mystère particulière aux cultes chrétiens. Le Spiritisme n'a pas à discuter ces dogmes qui ne sont pas de son ressort ; il dit le sens dans lequel il emploie ce mot pour éviter toute méprise, laissant chacun croire selon sa conscience, qu'il ne cherche point à troubler.

Pour le Spiritisme, donc, tout Esprit incarné en vue d'accomplir une mission spéciale auprès de l'humanité est un messie, dans l'acception générale du mot, c'est-à-dire un missionnaire ou envoyé, avec cette différence, toutefois, que le mot messie implique plus particulièrement l'idée d'une mission directe de la divinité, et par suite celle de la supériorité de l'Esprit et de l'importance de la mission ; d'où il suit qu'il y a une distinction à faire entre les messies proprement dits, et les Esprits simples missionnaires. Ce qui les distingue, c'est que, pour les uns, la mission est encore une épreuve, parce qu'ils peuvent y faillir, tandis que pour les autres c'est un attribut de leur supériorité. Au point de vue de la vie corporelle, les messies rentrent dans la catégorie des incarnations ordinaires d'Esprits, et le mot n'a aucun caractère de mysticité.

Toutes les grandes époques de rénovation ont vu paraître des messies chargés de donner l'impulsion au mouvement régénérateur et de le diriger. L'époque actuelle, étant celle d'une des plus grandes transformations de l'humanité, aura aussi ses messies qui y président déjà comme Esprits, et achèveront leur mission comme incarnés. Leur venue ne sera marquée par aucun prodige, et Dieu, pour les faire reconnaître, ne troublera pas l'ordre des lois de la nature. Aucun signe extraordinaire n'apparaîtra dans le ciel ni sur la terre, et on ne les verra pas descendre des nuées accompagnées des anges. Ils naîtront, vivront et mourront comme le commun des hommes, et leur mort ne sera annoncée au monde ni par des tremblements de terre, ni par l'obscurcissement du soleil ; aucun signe extérieur ne les distinguera, pas plus que Christ n'était distingué des autres hommes de son vivant. Rien donc ne les signalera à l'attention publique que la grandeur de leurs œuvres, la sublimité de leurs vertus, et la part active et féconde qu'ils prendront à la fondation du nouvel ordre de choses. L'antiquité païenne en eût fait des dieux ; l'histoire les placera au Panthéon des grands hommes, des hommes de génie, mais surtout parmi les hommes de bien dont la postérité honorera la mémoire.

Tels seront les messies du Spiritisme ; grands hommes parmi les hommes, grands Esprits parmi les Esprits, ils marqueront leur passage par les prodiges de l'intelligence et de la vertu, qui attestent la vraie supériorité, bien plus que la production d'effets matériels que le premier venu peut accomplir. Ce tableau un peu prosaïque fera peut-être tomber quelques illusions ; mais c'est ainsi que les choses se passeront, tout naturellement, et les résultats n'en seront pas moins importants pour n'être pas entourés des formes idéales et quelque peu merveilleuses dont certaines imaginations se plaisaient à les entourer.

Nous avons dit les messies, parce qu'en effet les prévisions des Esprits annoncent qu'il y en aura plusieurs, ce qui n'a rien d'étonnant d'après le sens attaché à ce mot, et en raison de la grandeur de la tâche, puisqu'il s'agit, non de l'avancement d'un peuple ou d'une race, mais de la régénération de l'humanité entière. Combien y en aura-t-il ? Les uns disent trois, d'autres plus, d'autres moins, ce qui prouve que la chose est dans les secrets de Dieu. L'un d'eux aura-t-il la suprématie ? C'est encore ce qu'il importe peu, ce qu'il serait même dangereux de savoir d'avance.

La venue des Messies, comme fait général, est annoncée, parce qu'il était utile qu'on en fût prévenu ; c'est un gage d'avenir et un sujet de tranquillité, mais les individualités ne doivent se révéler que par leurs actes. Si quelqu'un doit abriter l'enfance de l'un d'eux, il le fera inconsciemment, comme pour le premier venu ; il l'assistera et le protégera par pure charité, sans y être sollicité par un sentiment d'orgueil, dont il ne pourrait peut-être pas se défendre, qui glisserait à son insu dans son cœur, et lui ferait perdre le fruit de son action ; son dévouement ne serait peut-être pas aussi désintéressé moralement qu'il se le figurerait lui-même.

La sécurité du prédestiné exige en outre qu'il soit couvert d'un voile impénétrable, car il aura ses Hérodes ; or un secret n'est jamais mieux gardé que lorsqu'il n'est connu de personne. Nul donc ne doit connaître sa famille, ni le lieu de sa naissance, et les Esprits vulgaires eux-mêmes ne le savent pas. Aucun ange ne viendra annoncer sa venue à sa mère, parce qu'elle ne doit point faire de différence entre lui et ses autres enfants ; des mages ne viendront point l'adorer à son berceau et lui offrir de l'or et de l'encens, car il ne doit être salué que lorsqu'il aura fait ses preuves. Il sera protégé par les invisibles chargés de veiller sur lui, et conduit à la porte où il doit frapper, et le maître de la maison ne connaîtra pas celui qu'il recevra à son foyer.

Jésus a dit en parlant du nouveau Messie : « Si quelqu'un vous dit : Christ est ici ou il est là, » n'y allez pas, car il n'y sera pas. » Il faut donc se défier des fausses indications qui ont pour but de donner le change en vue de le faire chercher où il n'est pas. Puisqu'il n'est pas permis aux Esprits de révéler ce qui doit rester secret, toute communication circonstanciée sur ce point doit être tenue pour suspecte, ou comme une épreuve pour celui qui la reçoit.

Peu importe donc le nombre des messies ; Dieu seul sait ce qui est nécessaire ; mais ce qui est indubitable, c'est qu'à côté des messies proprement dits, des Esprits supérieurs en nombre illimité s'incarneront, ou sont déjà incarnés, avec missions spéciales pour les seconder. Il en surgira dans toutes les classes, dans toutes les positions sociales, dans toutes les sectes et chez tous les peuples ; il y en aura dans les sciences, dans les arts, dans la littérature, dans la politique, dans les chefs d'états, partout enfin où leur influence pourra être utile à la diffusion des idées nouvelles, et aux réformes qui en seront la conséquence. L'autorité de leur parole sera d'autant plus grande qu'elle sera fondée sur l'estime et la considération dont ils seront entourés.

Mais, dira-t-on, dans cette foule de missionnaires de tous rangs, comment distinguer les messies ? Qu'importe qu'on les distingue ou non ! Ils ne viennent pas sur la terre pour s'y faire adorer, ni pour recevoir les hommages des hommes. Ils ne porteront donc aucun signe sur le front ; mais de même qu'à l'œuvre on reconnaît l'ouvrier, on dira après leur départ : Celui-là qui a fait le plus de bien doit être le plus grand.

Le Spiritisme étant le principal élément régénérateur, il importait que l'instrument fût prêt quand viendront ceux qui doivent s'en servir. C'est le travail qui s'accomplit en ce moment, et qui les précède de peu ; mais il faut auparavant que la herse ait passé sur la terre pour la purger des herbes parasites qui étoufferaient le bon grain.

C'est le vingtième siècle surtout qui verra fleurir les grands apôtres du Spiritisme, et qui pourra être appelé le siècle des messies. Alors l'ancienne génération aura disparu, et la nouvelle sera dans toute sa force ; l'humanité, remise de ses convulsions, formée d'éléments nouveaux ou régénérés, entrera définitivement et paisiblement dans la phase du progrès moral qui doit élever la terre dans la hiérarchie des mondes.

Correspondance inédite de Lavater avec l'Impératrice Marie de Russie


Les Spirites sont nombreux à Saint-Pétersbourg, et ils comptent parmi eux des hommes sérieux très éclairés, qui comprennent le but et la haute portée humanitaire de la doctrine. L'un d'eux, que nous n'avions pas l'honneur de connaître, a bien voulu nous adresser un document d'autant plus précieux pour l'histoire du Spiritisme, qu'il était inconnu, et qu'il touche aux plus hautes régions sociales. Voici ce que dit notre honorable correspondant dans sa lettre d'envoi :

« La bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg a publié, en 1858, à un très petit nombre d'exemplaires, un recueil de lettres inédites du célèbre physionomiste Lavater ; ces lettres, jusqu'alors inconnues en Allemagne, ont été adressées à l'impératrice Marie de Russie, épouse de Paul Ier et aïeule de l'empereur régnant. La lecture de ces lettres m'a frappé par les idées philosophiques, éminemment spirites, qu'elles renferment, sur les rapports qui existent entre le monde visible et le monde invisible, la médiumnité intuitive et l'influence des fluides qui la produisent.

Présumant que ces lettres, probablement inconnues en France, pourraient intéresser les Spirites éclairés de ce pays, en leur apprenant que leurs convictions intimes étaient partagées par l'éminent philosophe suisse et deux têtes couronnées, je prends la liberté, monsieur, de vous envoyer ci-joint la traduction exacte et presque littérale de ces lettres, que vous jugerez peut-être opportun d'insérer dans votre savante et si intéressante publication mensuelle.

Je profite de cette occasion, monsieur, pour vous exprimer les sentiments de ma profonde et parfaite estime, partagée par les Spirites sincères de tous les pays, qui savent dignement apprécier les services éminents que votre zèle infatigable a rendus au développement scientifique et à la propagation de la sublime et si consolante doctrine spirite. Cette troisième révélation aura pour conséquence la régénération, le progrès moral et la consolidation de la foi dans la pauvre humanité, malheureusement fourvoyée, et qui flotte entre le doute et l'indifférence en matière de religion et de morale. » ‑ W. de F.

Nous publions intégralement le manuscrit de M. de F. Son étendue nous oblige à en faire l'objet de trois articles.



PRÉAMBULE

Au château grand-ducal de Pawlowsk, situé à vingt-quatre verstes de Pétersbourg, où l'empereur Paul de Russie passa les plus heureuses années de sa vie, et qui, dans la suite, devint la résidence favorite de l'impératrice Marie, son auguste veuve, véritable bienfaitrice de l'humanité souffrante, se trouve une bibliothèque choisie, fondée par le couple impérial, dans laquelle, entre beaucoup de trésors scientifiques et littéraires, se trouve un paquet de lettres autographes de Lavater, restées inconnues aux biographes du célèbre physionomiste.


Ces lettres sont datées de Zurich, en 1798. Seize ans auparavant, Lavater avait eu l'occasion de faire, à Zurich et à Schaffouse, la connaissance du comte et de la comtesse du Nord (c'est sous ce titre que le grand-duc de Russie et son épouse voyageaient alors en Europe), et, de 1796 à 1800, il envoyait en Russie, à l'adresse de l'impératrice Marie, des réflexions sur la physionomie, auxquelles joignait des lettres ayant pour but de dépeindre l'état de l'âme après la mort.

Dans ces lettres, Lavater prend pour point de départ qu'une âme, ayant quitté son corps, inspire ses idées à un homme de son choix, apte à la lumière (lichtfæhig), et lui fait écrire des lettres adressées à un ami laissé sur la terre, pour l'instruire de l'état dans lequel elle se trouve.

Ces lettres inédites de Lavater furent découvertes pendant une révision de la bibliothèque grand-ducale, par le docteur Minzloff, bibliothécaire de la bibliothèque impériale de Pétersbourg et mise en ordre par ce dernier. Avec l'autorisation du possesseur actuel château du Pawlowsk, S. A. I. le grand-duc Constantin, et sous les auspices éclairés du baron de Korff, actuellement membre du conseil de l'empire, ancien directeur en chef de cette bibliothèque qui lui doit ses plus notables améliorations, elles furent publiées en 1858, à Pétersbourg, sous le titre : Johann-Kaspar Lavater's briefe, an die kaïserin Maria Feodorowna, gemahlin kaïser Paul I von Russland (Lettres de Jean-Gaspard Lavater à l'impératrice Marie Féodorowna, épouse de l'empereur Paul I de Russie. Cet ouvrage fut imprimé aux frais de la bibliothèque impériale, et offert en hommage au sénat de l'Université de Iéna, à l'occasion du 300e anniversaire de sa fondation.

Ces lettres, au nombre de six, présentent le plus haut intérêt, en ce qu'elles prouvent positivement que les idées spirites, et notamment celles de la possibilité des rapports entre le monde spirituel et le monde matériel, germaient en Europe il y a bientôt soixante et dix ans, et que non seulement le célèbre physionomiste avait la conviction de ces rapports, mais qu'il était lui-même ce que, dans le Spiritisme, on appelle un médium intuitif, c'est-à-dire un homme recevant par intuition les idées des Esprits et transcrivant leurs communications. Les lettres d'un ami défunt que Lavater avait jointes à ses propres lettres, sont éminemment spirites ; elles développent et éclaircissent, d'une manière aussi ingénieuse que spirituelle, les idées fondamentales du Spiritisme, et viennent à l'appui de tout ce que cette doctrine offre de plus rationnel, de plus profondément philosophique, religieux et consolant pour l'humanité. Les personnes qui ne connaissent pas le Spiritisme, pourront supposer que ces lettres d'un Esprit à son ami sur la terre, ne sont qu'une forme poétique que Lavater donne à ses propres idées spiritualistes ; mais ceux qui sont initiés aux vérités du Spiritisme, les retrouveront dans ces communications, telles qu'elles ont été et sont encore données par les Esprits, par l'entremise de différents médiums intuitifs, auditifs, écrivains, parlants, extatiques, etc. Il n'est pas naturel de supposer que Lavater ait pu concevoir lui-même et exposer avec une si grande lucidité et tant de précision, des idées abstraites et si élevées sur l'état de l'âme après la mort et ses moyens de communication avec les Esprits incarnés, c'est-à-dire les hommes. Ces idées ne pouvaient provenir que des Esprits désincarnés eux-mêmes. Il est indubitable que l'un deux, ayant gardé des sentiments d'affection pour un ami encore habitant de la terre, lui a donné, par l'intermédiaire d'un médium intuitif (peut-être Lavater lui-même était-il cet ami), des notions sur ce sujet, pour l'initier aux mystères de la tombe dans la mesure de ce qu'il est permis à un Esprit de dévoiler aux hommes, et de ce que ces derniers sont en état de comprendre.

Nous donnons ici la traduction exacte des lettres de Lavater, écrites en allemand, ainsi que celle des communications d'outre-tombe, qu'il adressait à l'impératrice Marie, d'après le désir que celle-ci avait exprimé de connaître les idées du philosophe allemand sur l'état de l'âme après la mort du corps.





LETTRE PREMIÈRE SUR L'ÉTAT DE L'AME APRÈS LA MORT

Idées générales

Très vénérée Marie de Russie !

Daignez m'accorder la permission de ne pas vous donner le titre de majesté, qui vous est dû de la part du monde, mais ne s'harmonise pas avec la sainteté du sujet dont vous avez désiré que je vous entretinsse, et afin de pouvoir vous écrire avec franchise et toute liberté.

Vous désirez connaître quelques-unes des mes idées sur l'état des âmes après la mort.

Malgré le peu qu'il est donné au plus sage et au plus docte d'entre nous d'en savoir, puisqu'aucun de ceux qui sont partis pour le pays inconnu n'en est revenu, l'homme pensant, le disciple de Celui qui est descendu chez nous du ciel, est pourtant en état d'en dire autant qu'il nous est nécessaire de savoir pour nous encourager, nous tranquilliser et nous faire réfléchir.

Pour cette fois-ci je me bornerai à vous exposer, à ce sujet, quelques-unes des idées les plus générales.

Je pense qu'il doit exister une grande différence entre l'état, la manière de penser et de sentir d'une âme séparée de son corps matériel, et l'état dans lequel elle se trouvait pendant son union avec ce dernier. Cette différence doit être au moins aussi grande que celle qui existe entre l'état d'un enfant nouveau-né et celui d'un enfant vivant dans le sein de sa mère.

Nous sommes liés à la matière, et ce sont nos sens et nos organes qui donnent à notre âme les perceptions et l'entendement.

D'après la différence qui existe entre la construction du télescope, du microscope et des lunettes, dont se servent nos yeux pour voir, les objets que nous regardons par leur entremise nous apparaissent sous une forme différente. Nos sens sont les télescopes, les microscopes et les lunettes nécessaires à notre vie actuelle, qui est une vie matérielle.

Je pense que le monde visible doit disparaître pour l'âme séparée de son corps, tout comme il lui échappe pendant le sommeil. Ou bien le monde, que l'âme entrevoyait pendant son existence corporelle, doit apparaître à l'âme dématérialisée sous un aspect tout autre.

Si, pendant quelque temps, elle pouvait rester sans corps, le monde matériel n'existerait pas pour elle. Mais si elle est, aussitôt après avoir quitté son corps, ce que je trouve très vraisemblable, pourvue d'un corps spirituel, qu'elle aurait retiré de son corps matériel, le nouveau corps lui donnera indispensablement une tout autre perception des choses. Si, ce qui peut aisément arriver aux âmes impures, ce corps restait, pendant quelque temps, imparfait et peu développé, tout l'univers apparaîtrait à l'âme dans un état trouble, comme vu à travers un verre dépoli.

Mais si le corps spirituel, le conducteur et l'intermédiaire de ses nouvelles impressions, était ou devenait plus développé ou mieux organisé, le monde de l'âme lui paraîtrait, d'après la nature et les qualités de ses nouveaux organes, ainsi que d'après le degré de son harmonie et de sa perfection, plus régulier et plus beau.

Les organes se simplifient, acquièrent de l'harmonie entre eux et sont plus appropriés à la nature, au caractère, aux besoins et aux forces de l'âme, selon qu'elle se concentre, s'enrichit et s'épure ici-bas, en poursuivant un seul but et agissant dans un sens déterminé. L'âme perfectionne elle-même, en existant sur la terre, les qualités du corps spirituel, du véhicule dans lequel elle continuera d'exister après la mort de son corps matériel, et qui lui servira d'organe pour concevoir, sentir et agir dans sa nouvelle existence. Ce nouveau corps approprié à sa nature intime, la rendra pure, aimante, vivace et apte à mille belles sensations, impressions, contemplations, actions et jouissances.

Tout ce qu'on peut, et tout ce que nous ne pouvons pas encore dire sur l'état de l'âme après la mort, se basera toujours sur ce seul axiome permanent et général : L'homme récolte ce qu'il a semé.

Il est difficile de trouver un principe plus simple, plus clair, plus abondant et plus propre à être appliqué à tous les cas possibles.

Il existe une loi générale de la nature, étroitement liée, même identique, au principe ci-dessus mentionné, concernant l'état de l'âme après la mort, une loi équivalente dans tous les mondes, dans tous les états possibles, dans le monde matériel et dans le monde spirituel, visible et invisible, savoir :

« Ce qui se ressemble tend à se réunir. Tout ce qui est identique s'attire réciproquement, s'il n'existe pas d'obstacles qui s'opposent à leur union. »

Toute la doctrine sur l'état de l'âme après la mort est basée sur ce simple principe ; tout ce que nous appelons ordinairement : jugement préalable, compensation, félicité suprême, damnation, peut être expliqué de cette manière : « Selon que tu as semé le bien en toi-même, en d'autres et en dehors de toi, tu appartiendras à la société de ceux qui, comme toi, ont semé le bien en eux-mêmes et en dehors d'eux ; tu jouiras de l'amitié de ceux auxquels tu as ressemblé dans leur manière de semer le bien. »

Chaque âme séparée de son corps, délivrée des chaînes de la matière, s'apparaît à elle-même telle qu'elle est en réalité. Toutes les illusions, toutes les séductions qui l'empêchaient de se reconnaître et de voir ses forces, ses faiblesses et ses défauts disparaîtront. Elle éprouvera une tendance irrésistible à se diriger vers les âmes qui lui ressemblent et à s'éloigner de celles qui lui sont dissemblables. Son propre poids intérieur, comme obéissant à la loi de la gravitation, l'attirera dans des abîmes sans fond (au moins c'est ainsi que cela lui semblera) ; ou bien, d'après le degré de sa pureté, elle s'élancera, comme une étincelle emportée par sa légèreté dans les airs, et passera rapidement dans les régions lumineuses, fluidiques et éthérées.

L'âme se donne à elle-même un poids qui lui est propre, par son sens intérieur ; son état de perfection la pousse en avant, en arrière ou de côté ; son propre caractère, moral ou religieux, lui inspire certaines tendances particulières. Le bon s'élèvera vers les bons ; le besoin qu'il ressent du bien l'attirera vers eux. Le méchant est forcément poussé vers les méchants. La chute précipitée des âmes grossières, immorales et irréligieuses vers des âmes qui leur ressemblent, sera tout aussi rapide et inévitable que la chute d'une enclume dans un abîme, quand rien ne l'arrête.

C'est assez pour cette fois-ci.

Zurich, 1. VIII. 1798

Jean-Gaspar Lavater.

Avec la permission de Dieu, la suite tous les huit jours.



LETTRE DEUXIÈME

Les besoins éprouvés par l'esprit humain, durant son exil dans le corps matériel, restent les mêmes aussitôt après qu'il l'a quitté. Sa félicité consistera dans la possibilité de pouvoir satisfaire ses besoins spirituels ; sa damnation dans l'impossibilité de pouvoir satisfaire ses appétits charnels, dans un monde moins matériel.

Les besoins non satisfaits constituent la damnation ; leur satisfaction constitue la félicité suprême.

Je voudrais dire à chaque homme : « Analyse la nature de tes besoins ; donne-leur leur véritable nom ; demande à toi-même : sont-ils admissibles dans un monde moins matériel ? Peuvent-ils y trouver leur satisfaction ? Et si véritablement ils pouvaient y être contentés, seraient-ils de ceux qu'un Esprit intellectuel et immortel puisse avouer honorablement et en désirer la satisfaction, sans ressentir une honte profonde devant d'autres êtres intellectuels et immortels comme lui ?

Le besoin que ressent l'âme de satisfaire les aspirations spirituelles d'autres âmes immortelles ; de leur procurer les pures jouissances de la vie, de leur inspirer l'assurance de la continuation de leur existence après la mort, de coopérer par là au grand plan de la sagesse et de l'amour suprêmes, le progrès acquis par cette noble activité, si digne de l'homme, ainsi que le désir désintéressé du bien, donnent aux âmes humaines l'aptitude, et, partant, le droit d'être reçues dans les groupes et les cercles d'Esprits plus élevés, plus purs, plus saints.

Quand nous avons, très vénérée impératrice, l'intime persuasion que le besoin le plus naturel, et pourtant bien rare, qui puisse naître dans une âme immortelle : celui de Dieu, la nécessité de s'en approcher de plus en plus sous tous les rapports, et de ressembler au Père invisible de toutes les créatures, est une fois devenu prédominant en nous, oh ! alors, nous ne devons pas éprouver la moindre crainte concernant notre état futur, quand la mort nous aura débarrassé de notre corps, ce mur épais qui nous cachait Dieu. Ce corps matériel qui nous séparait de lui est abattu, et le voile qui nous dérobait la vue du plus saint des saints est déchiré. L'Être adorable que nous aimions au-dessus de tout, avec toutes ses grâces resplendissantes, aura alors libre entrée dans notre âme affamée de lui et le recevant avec joie et amour.

Aussitôt que l'amour sans bornes pour Dieu aura pris le dessus dans notre âme, par suite des efforts qu'elle aura faits pour s'en approcher et lui ressembler dans son amour vivifiant de l'humanité, et par tous les moyens qu'elle avait en son pouvoir, cette âme, débarrassée de son corps, passant nécessairement par bien des degrés pour se perfectionner toujours davantage, montera avec une facilité et une rapidité étonnantes vers l'objet de sa plus profonde vénération et de son amour illimité, vers la source inépuisable et la seule suffisante pour la satisfaction de tous ses besoins, de toutes ses aspirations.

Aucun œil faible, malade ou voilé, n'est en état de regarder le soleil en face ; de même aucun Esprit non épuré, encore enveloppé du brouillard matériel dont une vie exclusivement matérielle l'entourait, même au moment de sa séparation du corps, ne serait en état de supporter la vue du plus pur soleil des Esprits, dans sa clarté resplendissante, son symbole, son foyer, d'où s'échappent ces flots de lumière qui pénètrent même les êtres finis du sentiment de leur infinité.

Qui mieux que vous, madame, sait que les bons ne sont attirés que par les bons ! Que seules les âmes élevées savent jouir de la présence d'autres âmes d'élite ! Tout homme connaissant la vie et les hommes, celui qui souvent fut obligé de se trouver dans la société de ces flatteurs malhonnêtes, efféminés, manquant de caractère, toujours empressés à relever et faire valoir la parole la plus insignifiante, la moindre allusion de ceux dont ils briguent la faveur, ou bien de ces hypocrites, tâchant de pénétrer astucieusement les idées des autres, pour les interpréter ensuite dans un sens tout à fait contraire, celui-là, dis-je, doit savoir combien ces âmes viles et esclaves s'embarrassent subitement d'une simple parole prononcée avec fermeté et dignité ; combien un seul regard sévère les confond, en leur faisant sentir profondément qu'on les connaît et qu'on les juge à leur juste valeur ! Comme il leur devient pénible alors de supporter la présence d'un honnête homme ! Aucune âme fourbe et hypocrite n'est heureuse par le contact d'une âme probe et énergique qui la pénètre. Chaque âme impure ayant quitté son corps, doit, selon sa nature intime, comme poussée par une puissance occulte et invincible, fuir la présence de tout être pur et lumineux, pour lui dérober, autant que possible, la vue de ses nombreuses imperfections qu'elle n'est pas en état de cacher à elle-même, ni à d'autres.

Quand même il ne serait pas écrit : « Personne, sans être épuré, ne pourra voir le Seigneur, » ce serait parfaitement dans l'ordre des choses. Une âme impure se trouve dans une impossibilité absolue d'entrer en rapport quelconque avec une âme pure, ni de ressentir pour elle la moindre sympathie. Une âme effrayée de la lumière ne peut, par cela même, être attirée par la source de la lumière. La clarté privée de toute obscurité doit la brûler comme un feu dévorant.

Et quelles sont les âmes, madame, que nous appelons impures ? Je pense que ce sont celles dans lesquelles le désir de s'épurer, de se corriger, de se perfectionner, n'a jamais prédominé. Je pense que ce sont celles qui ne se sont pas soumises au principe élevé du désintéressement en toutes choses ; celles qui se sont choisies elles-mêmes pour centre unique de tous leurs désirs et de toutes leurs idées ; celles qui se regardent comme le but de tout ce qui est en dehors d'elles, qui ne cherchent que le moyen de satisfaire leurs passions et leurs sens ; celles enfin dans lesquelles règnent l'égoïsme, l'orgueil, l'amour-propre et l'intérêt personnel, qui veulent servir deux maîtres qui se contredisent, et cela simultanément.

De pareilles âmes doivent se trouver, je pense, après leur séparation d'avec leur corps, dans le misérable état d'une horrible contemplation d'elles-mêmes ; ou bien, ce qui revient au même, du mépris profond qu'elles ressentent pour elles-mêmes, et être entraînées par une force irrésistible vers l'affreuse société d'autres âmes égoïstes, se condamnant elles-mêmes sans cesse.

C'est l'égoïsme qui produit l'impureté de l'âme et la fait souffrir. Il est combattu dans toutes les âmes humaines par quelque chose qui lui est contraire, quelque chose de pur, de divin : le sentiment moral. Sans ce sentiment, l'homme n'est capable d'aucune jouissance morale, d'aucune estime, ni d'aucun mépris pour lui-même, ne comprenant ni le ciel ni l'enfer. Cette lumière divine lui rend insupportable toute obscurité qu'il découvre en lui, et c'est la raison pour laquelle les âmes délicates, celles qui possèdent le sens moral, souffrent plus cruellement quand l'égoïsme s'empare d'elles et subjugue ce sentiment.

De la concordance et de l'harmonie qui subsistent dans l'homme, entre lui-même et sa loi intérieure, dépendent sa pureté, son aptitude à recevoir la lumière, son bonheur, son ciel, son Dieu. Son Dieu lui apparaît dans sa ressemblance avec lui-même. A celui qui sait aimer, Dieu apparaît comme le suprême amour, sous mille formes aimantes. Son degré de félicité et son aptitude à rendre heureux les autres sont proportionnés au principe d'amour qui règne en lui. Celui qui aime avec désintéressement reste en harmonie incessante avec la source de tout amour et tous ceux qui y puisent l'amour.

Tâchons de conserver en nous l'amour dans toute sa pureté, madame, et nous serons toujours entraînés par lui vers les âmes les plus aimantes. Purifions-nous tous les jours davantage des souillures de l'égoïsme, et alors, dussions-nous quitter ce monde aujourd'hui même ou demain, en rendant à la terre notre enveloppe mortelle, notre âme prendra son vol avec la rapidité de l'éclair vers le modèle de tous ceux qui aiment, et se réunira à eux avec un bonheur inexprimable.

Personne de nous, ne peut savoir ce que deviendra son âme après la mort de son corps, et pourtant je suis pleinement persuadé que l'amour épuré doit nécessairement donner à notre Esprit, délivré de son corps, une liberté sans bornes, une existence centuple, une jouissance continuelle de Dieu, et une puissance illimitée pour rendre heureux tous ceux qui sont aptes à goûter la félicité suprême.

Oh ! que la liberté morale de l'Esprit dépouillé de son corps est incomparable ! avec quelle légèreté l'âme de l'être aimant, entourée d'une lumière resplendissante, effectue son ascension ! Quelle science infinie, quelle puissance de se communiquer aux autres, deviennent son apanage ! Quelle lumière jaillit d'elle-même ! Quelle vie anime tous les atomes dont elle est formée ! Des flots de jouissances s'élancent de tous côtés à sa rencontre pour satisfaire ses besoins les plus purs et les plus élevés ! Des légions innombrables d'êtres aimants lui tendent les bras ! Des voix harmonieuses se font entendre dans ces chœurs nombreux et rayonnants de joie et lui disent : « Esprit de notre Esprit ! Cœur de notre cœur ! Amour puisé à la source de tout amour ! Ame aimante, tu nous appartiens à nous tous, et nous sommes tous à toi ! Chacun de nous est à toi et tu appartiens à chacun de nous. Dieu est amour et Dieu est à nous. Nous sommes tous remplis de Dieu, et l'amour trouve sa félicité dans la félicité de tous. »

Je désire ardemment, très vénérée impératrice, que vous, votre noble et généreux époux, l'empereur, si portés l'un et l'autre pour le bien, et moi avec vous, nous puissions tous ne jamais devenir étrangers à l'amour qui est Dieu et homme à la fois ; qu'il nous soit accordé de nous former pour les jouissances de l'amour par nos actions, nos prières et nos souffrances, en nous rapprochant de celui qui s'est laissé attacher sur la croix du Golgotha.

Jean-Gaspar Lavater.

La suite prochainement, si Dieu veut le permettre.

Zurich, le 18 VIII 1798.

On peut voir déjà dans quel ordre d'idées Lavater écrivait à l'impératrice Marie, et jusqu'à quel point il possédait l'intuition des principes du Spiritisme moderne. On en jugera mieux encore par le complément de cette correspondance remarquable. En attendant les réflexions dont nous devrons suivre, nous croyons devoir, dès à présent, faire remarquer un fait important : c'est que pour entretenir une correspondance sur un pareil sujet avec l'impératrice, il fallait que celle-ci partageât ces idées, et plusieurs circonstances ne permettent pas de douter qu'il en était de même du czar, son époux. C'est sur sa demande, ou mieux sur leur demande, que Lavater écrivait, et le ton de ses lettres prouve qu'il s'adressait à des personnes convaincues. Comme on le voit, les croyances spirites, dans les hautes régions, ne datent pas d'aujourd'hui. On peut d'ailleurs voir, dans la Revue d'avril 1866, page 120, le récit d'une apparition tangible de Pierre le Grand à ce même Paul Ier.

Les lettres de Lavater ayant été lues à la société de Paris et une conversation s'étant engagée à ce sujet, Paul Ier, attiré sans doute par la pensée qui était dirigée vers lui à cette occasion, se manifesta spontanément et sans évocation par l'un des médiums auquel il dicta la communication suivante :



Société de Paris, 7 février 1868 ; médium M. Leymarie

Le pouvoir est chose lourde, et les ennuis qu'il laisse impressionnent douloureusement notre âme ! Les déboires sont continuels ; il faut se conformer aux habitudes, aux vieilles institutions, au parti pris, et Dieu sait ce qu'il faut de résistance pour s'opposer à tous les appétits qui viennent battre le trône comme des flots tumultueux. Aussi quel bonheur quand, laissant un instant cette robe de Nessus appelée royauté, on peut s'enfermer dans un lieu paisible, où l'on puisse reposer en paix loin du bruit et du tumulte des ambitions !

Ma chère Marie aimait le calme. Nature solide, douce, résignée, aimante, elle eût préféré l'oubli des grandeurs pour se vouer complètement à la charité, pour étudier les hautes questions philosophiques qui étaient du ressort de ses facultés. Comme elle, j'aimais ces délassements intellectuels ; ils étaient un baume pour mes blessures de souverain, une force nouvelle pour me guider dans le dédale de la politique européenne.

Lavater, ce grand cœur, ce grand Esprit, ce frère prédestiné, nous initiait à sa sublime doctrine ; ses lettres, que vous possédez aujourd'hui, étaient attendues par nous avec une fiévreuse anxiété. Tout ce qu'elles renferment était le mirage de nos idées personnelles ; nous les lisions, ces chères lettres, avec une joie enfantine, heureux de déposer notre couronne, sa gravité, son étiquette, pour discuter les droits de l'âme, son émancipation et sa course divine vers l'éternel.

Toutes ces questions, brûlantes aujourd'hui, nous les avons acceptées il y a soixante-dix ans ; elles faisaient partie de notre vie, de notre repos. Bien des effets étranges, des apparitions, des bruits, avaient fortifié notre opinion à ce sujet. L'impératrice Marie voyait et entendait les Esprits ; par eux, elle avait su des événements passés à de grandes distances. Un prince Lopoukine, mort à Kiew, à plusieurs centaines de lieues, était venu nous annoncer sa mort, les incidents qui avaient précédé son départ, l'expression de ses dernières volontés ; l'impératrice avait écrit sous la dictée de l'Esprit Lopoukine, et vingt jours après, on savait seulement à la cour tous les détails que nous possédions. Ils furent pour nous une confirmation éclatante, et aussi la preuve que Lavater et nous, étions initiés aux grandes vérités.

Aujourd'hui, nous connaissons mieux par vous la doctrine dont vous avez élargi la base ; nous reviendrons vous demander quelques instants, et nous vous remercions à l'avance, si vous voulez bien écouter Marie de Russie et celui qui eut la faveur de l'avoir pour compagne.


Paul Ier.


Flageolet

Esprit mystificateur

Le fait suivant nous est rapporté par un de nos correspondants de Maine-et-Loire, M. le docteur E. Champneuf. Bien que le fait, en lui-même, ne sorte pas du cercle des phénomènes connus de manifestations physiques, il est instructif en ce sens qu'il prouve une fois de plus la diversité des types qu'on rencontre dans le monde invisible, et qu'en y entrant certains Esprits ne se dépouillent pas immédiatement de leur caractère ; c'est ce que l'on ignorait, avant que le Spiritisme ne nous eût mis en rapport avec les habitants de ce monde. Voici le récit qui nous est adressé :

« Permettez-moi de vous faire connaître un fait assez curieux, non pas d'un apport, mais d'une soustraction par un Esprit, qui s'est produit, il y a huit jours, au milieu de nous.

Il est un Esprit, habitué depuis plusieurs années de notre groupe de Saumur, qui, depuis quelque temps, s'est fait plus familier encore de notre groupe de Vernantes ; il a dit s'appeler Flageolet ; mais notre médium, dont il s'est fait reconnaître, et qui, en effet, l'a connu quand il vivait dans ce monde, nous dit qu'il portait le nom de Biron, ménétrier, assez brave homme, viveur, et courant les guinguettes où il faisait danser. C'est un Esprit léger, mystificateur, mais pas méchant.

Donc, Flageolet s'est installé chez mon frère, chez qui ont lieu nos séances ; et les déjeuners et les dîners sont égayés par les airs frappés qu'on lui demande ou qu'on ne lui demande pas, heureux quand les verres et les plats ne sont pas renversés par sa joyeuseté trop tapageuse.

Il y a huit jours, mon frère, qui fait un grand usage de tabac, avait, comme à l'ordinaire, sa tabatière auprès de lui sur la table, et comme à l'ordinaire aussi Flageolet assistait au dîner de famille. Après quelques marches et airs frappés, l'Esprit se mit à jouer l'air : J'ai du bon tabac dans ma tabatière. Dans ce moment, mon frère cherchait la sienne, qui n'était plus auprès de lui ; il promène son regard autour de lui, fouille ses poches, rien ; le même air continue avec plus d'entrain ; il se lève, explore la tablette de la cheminée, les meubles, pousse les investigations jusqu'aux pièces voisines, et l'air de la tabatière, frappé avec plus de vigueur, le poursuit de ses redoublements moqueurs à mesure qu'il s'éloigne et s'anime dans ses recherches. S'il s'approche de la cheminée, les coups deviennent plus forts et plus précipités. Enfin, le chercheur, agacé par cette harmonie impitoyable, pense à Flageolet, et lui dit : ‑ Est-ce toi qui m'a pris ma tabatière ? ‑ Oui. ‑ Veux-tu me la rendre ? ‑ Oui. ‑ Eh bien ! parle.

On prit l'alphabet et un crayon, et l'Esprit dicte : « Je l'ai mise au feu. » On fouille les cendres brûlantes et l'on y trouve, au fond du foyer, la tabatière dont la poudre était calcinée.

Tous les jours, c'est quelque surprise de sa part ou quelque tour de sa façon. Il y a trois jours, il nous fit connaître le contenu d'un panier bien ficelé qui venait d'arriver.

Hier au soir, c'était une nouvelle malice à l'adresse de mon frère. Celui-ci, dans la journée, rentrant à la maison, cherche le bonnet qu'il porte à l'intérieur, et, ne pouvant le trouver, il en prit son parti et n'y pensa plus. Le soir Flageolet, ennuyé sans doute de frapper ses airs sans qu'on fît attention à lui, et sans qu'on songeât à l'interroger, demanda à faire écrire. Nous nous mîmes à sa disposition, et il dicta :

‑ J'ai chippé ta calotte. ‑ Veux-tu me dire où elle est ? ‑ Oui. ‑ Où l'as-tu mise ? ‑ Je l'ai donnée à Napoléon.

Persuadés que c'était une mauvaise plaisanterie de l'Esprit, nous lui demandâmes : ‑ Lequel ? ‑ Le tien.

Il y a, depuis longues années, une statue de Napoléon Ier, de demi grandeur, dans la pièce où se tiennent nos séances. Nous nous sommes dirigés vers la statue, la lampe à la main, et nous avons trouvé le bonnet disparu qui recouvrait le petit chapeau historique. »

Remarque. ‑ Tout, dans le Spiritisme, est sujet d'étude pour l'observateur sérieux ; les faits insignifiants en apparence ont leur cause, et cette cause peut se rattacher aux principes les plus importants. Est-ce que les grandes lois de la nature ne se révèlent pas dans le plus petit insecte comme dans l'animal gigantesque ? dans le grain de sable qui tombe comme dans le mouvement des astres ? Le botaniste néglige-t-il une fleur parce qu'elle est humble et sans éclat ? Il en est de même dans l'ordre moral où tout a sa valeur philosophique, comme dans l'ordre physique tout a sa valeur scientifique.

Tandis que certaines personnes ne verront dans le fait rapporté ci-dessus qu'une chose curieuse, amusante, un sujet de distraction, d'autres y verront une application de la loi qui régit la marche progressive des êtres intelligents et y puiseront un enseignement. Le monde invisible étant le milieu où aboutit fatalement l'humanité, rien de ce qui peut aider à le faire connaître ne saurait être indifférent. Le monde corporel et le monde spirituel se déversant incessamment l'un dans l'autre par les morts et les naissances, s'expliquent l'un par l'autre. C'est là une des grandes lois que révèle le Spiritisme.

Le caractère de cet Esprit n'est-il pas celui d'un enfant espiègle ? Cependant, de son vivant, c'était un homme fait et même d'un certain âge ; certains Esprits redeviendraient-ils donc enfants ? Non ; l'Esprit réellement adulte ne retourne pas plus en arrière que le fleuve ne remonte vers sa source. Mais l'âge du corps n'est nullement un indice de l'âge de l'Esprit. Comme il faut que tous les Esprits qui s'incarnent passent par l'enfance corporelle, il en résulte que dans des corps d'enfants se trouvent forcément des Esprits avancés ; or, si ces Esprits meurent prématurément, ils révèlent leur supériorité dès qu'ils ont dépouillé leur enveloppe. Par la même raison, un Esprit jeune, spirituellement parlant, ne pouvant arriver à maturité dans le cours d'une existence qui est moins qu'une heure par rapport à la vie de l'Esprit, un corps adulte peut receler un Esprit enfant par le caractère et le développement moral.

Flageolet appartient incontestablement à cette dernière catégorie d'Esprits ; il avancera plus rapidement que d'autres, parce qu'il n'y a chez lui que de la légèreté et que le fond n'est pas mauvais. Le milieu sérieux dans lequel il se manifeste, le contact d'hommes éclairés, mûriront ses idées ; son éducation est une tâche qui leur incombe, tandis qu'il n'eût rien gagné avec des personnes futiles qui se seraient amusées de ses facéties, comme de celles d'un bouffon.


Essai théorique des guérisons instantanées

De tous les phénomènes spirites, un des plus extraordinaires est sans contredit celui des guérisons instantanées. On comprend les guérisons produites par l'action soutenue d'un bon fluide ; mais on se demande comment ce fluide peut opérer une transformation subite dans l'organisme, et surtout pourquoi l'individu qui possède cette faculté n'a pas accès sur tous ceux qui sont atteints de la même maladie, en admettant qu'il y ait des spécialités. La sympathie des fluides est une raison, sans doute, mais qui ne satisfait pas complètement, parce qu'elle n'a rien de positif ni de scientifique. Cependant les guérisons instantanées sont un fait qu'on ne saurait révoquer en doute. Si l'on n'avait à l'appui que les exemples des temps reculés, on pourrait, avec quelque apparence de fondement, les considérer comme légendaires, ou tout au moins comme amplifiées par la crédulité ; mais quand les mêmes phénomènes se reproduisent sous nos yeux, dans le siècle le plus sceptique à l'endroit des choses surnaturelles, la négation n'est plus possible, et l'on est bien forcé d'y voir, non un effet miraculeux, mais un phénomène qui doit avoir sa cause dans des lois de la nature encore inconnues.

L'explication suivante, déduite des indications fournies par un médium en état de somnambulisme spontané, est basée sur des considérations physiologiques qui nous paraissent jeter un jour nouveau sur la question. Elle a été donnée à l'occasion d'une personne atteinte de très graves infirmités, et qui demandait si un traitement fluidique pourrait lui être salutaire.

Quelque rationnelle que nous semble cette explication, nous ne la donnons point comme absolue, mais à titre d'hypothèse et comme sujet d'étude, jusqu'à ce qu'elle ait reçu la double sanction de la logique et de l'opinion générale des Esprits, seul contrôle valable des doctrines spirites, et qui puisse en assurer la perpétuité.

Dans la médication thérapeutique il faut des remèdes appropriés au mal. Le même remède ne pouvant avoir des vertus contraires : être à la fois stimulant et calmant, échauffant et rafraîchissant, ne peut convenir à tous les cas ; c'est pour cela qu'il n'y a pas de remède universel.

Il en est de même du fluide guérisseur, véritable agent thérapeutique, dont les qualités varient selon le tempérament physique et moral des individus qui le transmettent. Il y a des fluides qui surexcitent et d'autres qui calment, des fluides durs et d'autres doux, et de bien d'autres nuances. Selon ses qualités, le même fluide, comme le même remède, pourra être salutaire dans certains cas, inefficace et même nuisible dans d'autres ; d'où il suit que la guérison dépend, en principe, de l'appropriation des qualités du fluide à la nature et à la cause du mal. Voilà ce que beaucoup de personnes ne comprennent pas, et pourquoi elles s'étonnent qu'un guérisseur ne guérisse pas tous les maux. Quant aux circonstances qui influent sur les qualités intrinsèques des fluides, elles ont été suffisamment développées dans le chapitre XIV de la Genèse pour qu'il soit superflu de les rappeler ici.

A cette cause toute physique des non guérisons, il faut en ajouter une toute morale que le Spiritisme nous fait connaître ; c'est que la plupart des maladies, comme toutes les misères humaines, sont des expiations du présent ou du passé, ou des épreuves pour l'avenir ; ce sont des dettes contractées dont on doit subir les conséquences jusqu'à ce qu'on les ait acquittées. Celui-là donc ne peut être guéri qui doit subir son épreuve jusqu'au bout. Ce principe est un motif de résignation pour le malade, mais ne doit pas être une excuse pour le médecin qui chercherait, dans la nécessité de l'épreuve, un moyen commode de mettre son ignorance à l'abri.

Les maladies, considérées au seul point de vue physiologique, ont deux causes que l'on n'a point distinguées jusqu'à ce jour, et que l'on ne pouvait apprécier avant les nouvelles connaissances apportées par le Spiritisme ; c'est de la différence de ces deux causes que ressort la possibilité des guérisons instantanées dans des cas spéciaux et non dans tous.

Certaines maladies ont leur cause originelle dans l'altération même des tissus organiques ; c'est la seule que la science ait admise jusqu'à ce jour ; et comme elle ne connaît pour y remédier que les substances médicamenteuses tangibles, elle ne comprend pas l'action d'un fluide impalpable ayant pour propulseur la volonté. Cependant les guérisseurs magnétiques sont là pour prouver que ce n'est pas une illusion.

Dans la guérison des maladies de cette nature par l'influx fluidique, il y a remplacement des molécules organiques morbides par des molécules saines ; c'est l'histoire d'une vieille maison dont on remplace les pierres vermoulues par de bonnes pierres ; on a toujours la même maison, mais restaurée et consolidée. La tour Saint-Jacques et Notre-Dame de Paris viennent de subir un traitement de ce genre.

La substance fluidique produit un effet analogue à celui de la substance médicamenteuse, avec cette différence que sa pénétration étant plus grande, en raison de la ténuité de ses principes constituants, elle agit plus directement sur les molécules premières de l'organisme que ne peuvent le faire les molécules plus grossières des substances matérielles. En second lieu, son efficacité est plus générale, sans être universelle, parce que ses qualités sont modifiables par la pensée, tandis que celles de la matière sont fixes et invariables, et ne peuvent s'appliquer qu'à des cas déterminés.

Tel est, en thèse générale, le principe sur lequel reposent les traitements magnétiques. Ajoutons sommairement et pour mémoire, ne pouvant ici approfondir le sujet, que l'action des remèdes homœopathiques à doses infinitésimales est fondée sur le même principe ; la substance médicamenteuse étant portée, par la division, à l'état atomique, acquiert jusqu'à un certain point les propriétés des fluides, moins, toutefois, le principe animique qui existe dans les fluides animalisés et leur donne des qualités spéciales.

En résumé, il s'agit de réparer un désordre organique par l'introduction, dans l'économie, de matériaux sains substitués à des matériaux détériorés. Ces matériaux sains peuvent être fournis par les médicaments ordinaires en nature ; par ces mêmes médicaments à l'état de division homœopathique ; enfin par le fluide magnétique, qui n'est autre que la matière spiritualisée. Ce sont trois modes de réparation, ou mieux, d'introduction et d'assimilation des éléments réparateurs ; tous les trois sont également dans la nature, et ont leur utilité selon les cas spéciaux, ce qui explique pourquoi l'un réussit où un autre échoue, car il y aurait de la partialité à nier les services rendus par la médecine ordinaire. Ce sont, selon nous, trois branches de l'art de guérir destinées à se suppléer et à se compléter selon les circonstances, mais dont aucune n'est fondée à se croire la panacée universelle du genre humain.

Chacun de ces moyens pourra donc être efficace s'il est employé à propos et approprié à la spécialité du mal ; mais, quel qu'il soit, on comprend que la substitution moléculaire, nécessaire au rétablissement de l'équilibre, ne peut s'opérer que graduellement, et non comme par enchantement et par un coup de baguette ; la guérison, si elle est possible, ne peut être que le résultat d'une action soutenue et persévérante, plus ou moins longue selon la gravité des cas.

Cependant les guérisons instantanées sont un fait, et comme elles ne peuvent pas plus être miraculeuses que les autres, il faut qu'elles s'accomplissent dans des circonstances spéciales ; ce qui le prouve, c'est qu'elles n'ont pas lieu indistinctement pour toutes les maladies, ni sur tous les individus. C'est donc un phénomène naturel dont il faut chercher la loi ; or, voici l'explication qui en est donnée ; pour la comprendre, il fallait avoir le point de comparaison que nous venons d'établir.

Certaines affections, même très graves et passées à l'état chronique, n'ont point pour cause première l'altération des molécules organiques, mais la présence d'un mauvais fluide qui les désagrège, pour ainsi dire, et en trouble l'économie.

Il en est ici comme d'une montre dont toutes les pièces sont en bon état, mais dont le mouvement est arrêté ou déréglé par la poussière ; aucune pièce n'est à remplacer, et pourtant elle ne fonctionne pas ; pour rétablir la régularité du mouvement, il suffit de purger la montre, de l'obstacle qui l'empêchait de fonctionner.

Tel est le cas d'un grand nombre de maladies dont l'origine est due aux fluides pernicieux dont l'organisme est pénétré. Pour obtenir la guérison, ce ne sont pas des molécules détériorées qu'il faut remplacer, mais un corps étranger qu'il faut expulser ; la cause du mal disparue, l'équilibre se rétablit et les fonctions reprennent leur cours.

On conçoit qu'en pareil cas les médicaments thérapeutiques, destinés par leur nature à agir sur la matière, soient sans efficacité sur un agent fluidique ; aussi la médecine ordinaire est-elle impuissante dans toutes les maladies causées par les fluides viciés, et elles sont nombreuses. A la matière on peut opposer la matière, mais à un fluide mauvais il faut opposer un fluide meilleur et plus puissant. La médecine thérapeutique échoue naturellement contre les agents fluidiques ; par la même raison la médecine fluidique échoue là où il faudrait opposer la matière à la matière ; la médecine homœopathique nous semble être l'intermédiaire, le trait d'union entre ces deux extrêmes, et doit particulièrement réussir dans les affections qu'on pourrait appeler mixtes.

Quelle que soit la prétention de chacun de ces systèmes à la suprématie, ce qu'il y a de positif, c'est que, chacun de son côté obtient d'incontestables succès, mais que, jusqu'à présent, aucun n'a justifié celle d'être en possession exclusive de la vérité ; d'où il faut conclure que tous ont leur utilité, et que l'essentiel est de les appliquer à propos.

Nous n'avons point à nous occuper ici des cas où le traitement fluidique est applicable, mais de la cause pour laquelle ce traitement peut, parfois, être instantané, tandis qu'en d'autres cas il exige une action soutenue.

Cette différence tient à la nature même et à la cause première du mal. Deux affections qui présentent en apparence des symptômes identiques, peuvent avoir des causes différentes ; l'une peut être déterminée par l'altération des molécules organiques, et dans ce cas il faut réparer, remplacer, comme on me l'a dit, les molécules détériorées par des molécules saines, opération qui ne peut se faire que graduellement ; l'autre, par l'infiltration, dans les organes sains, d'un fluide mauvais qui en trouble les fonctions. Dans ce cas, il ne s'agit pas de réparer, mais d'expulser. Ces deux cas requièrent, dans le fluide guérisseur, des qualités différentes ; dans le premier, il faut un fluide plus doux que violent, riche surtout en principes réparateurs ; dans le second un fluide énergique, plus propre à l'expulsion qu'à la réparation ; selon la qualité de ce fluide, l'expulsion peut être rapide et comme par l'effet d'une décharge électrique. Le malade, subitement délivré de la cause étrangère qui le faisait souffrir, se sent immédiatement soulagé, comme il arrive dans l'extirpation d'une dent gâtée. L'organe, n'étant plus oblitéré, revient à son état normal et reprend ses fonctions.

Ainsi peuvent s'expliquer les guérisons instantanées, qui ne sont, en réalité, qu'une variété de l'action magnétique. Elles reposent, comme on le voit, sur un principe essentiellement physiologique et n'ont rien de plus miraculeux que les autres phénomènes spirites. On comprend, dès lors, pourquoi ces sortes de guérisons ne sont pas applicables à toutes les maladies. Leur obtention tient à la fois à la cause première du mal, qui n'est pas la même chez tous les individus, et aux qualités spéciales du fluide qu'on y oppose. Il en résulte que telle personne qui produit des effets rapides n'est pas toujours propre à un traitement magnétique régulier, et que d'excellents magnétiseurs sont impropres aux guérisons instantanées.

Cette théorie peut se résumer ainsi : « Lorsque le mal exige la réparation d'organes altérés, la guérison est nécessairement lente, et requiert une action soutenue et un fluide d'une qualité spéciale ; lorsqu'il s'agit de l'expulsion d'un mauvais fluide, elle peut être rapide et même instantanée. »

Pour simplifier la question, nous n'avons considéré que les deux points extrêmes ; mais entre les deux il y a des nuances infinies ; c'est-à-dire une multitude de cas où les deux causes existent simultanément à différents degrés, et avec plus ou moins de prépondérance de chacune ; où, par conséquent, il faut à la fois expulser et réparer. Selon celle des deux causes qui prédomine, la guérison est plus ou moins lente ; si c'est celle du mauvais fluide, après l'expulsion il faut la réparation ; si c'est le désordre organique, après la réparation il faut l'expulsion. La guérison n'est complète qu'après la destruction des deux causes. C'est le cas le plus ordinaire ; voilà pourquoi les traitements thérapeutiques ont souvent besoin d'être complétés par un traitement fluidique et réciproquement ; c'est aussi pourquoi les guérisons instantanées, qui ont lieu dans les cas où la prédominance fluidique est pour ainsi dire exclusive, ne pourront jamais devenir un moyen curatif universel ; elles ne sont, par conséquent, appelées à supplanter ni la médecine, ni l'homéopathie, ni le magnétisme ordinaire.

La guérison instantanée radicale et définitive peut être considérée comme un cas exceptionnel, attendu qu'il est rare : 1° que l'expulsion du mauvais fluide soit complète du premier coup ; 2° que la cause fluidique ne soit pas accompagnée de quelque altération organique, ce qui oblige, dans l'un et l'autre cas, d'y revenir à plusieurs fois.

Enfin les mauvais fluides ne pouvant venir que de mauvais Esprits, leur introduction dans l'économie se lie souvent à l'obsession. Il en résulte que, pour obtenir la guérison, il faut traiter à la fois le malade et l'Esprit obsesseur.

Ces considérations montrent de combien de choses il faut tenir compte dans le traitement des maladies, et combien il reste encore à apprendre sous ce rapport. Elles viennent en outre confirmer un fait capital qui ressort de l'ouvrage sur la Genèse, c'est l'alliance du Spiritisme et de la science. Le Spiritisme marche sur le même terrain que la science jusqu'aux limites de la matière tangible ; mais tandis que la science s'arrête à ce point, le Spiritisme continue sa route, et poursuit ses investigations dans les phénomènes de la nature, à l'aide des éléments qu'il puise dans le monde extra-matériel ; là seulement est la solution des difficultés contre lesquelles se heurte la science.

Nota. La personne dont la demande a motivé cette explication est dans le cas des maladies à cause complexe. Son organisme est profondément altéré, en même temps qu'il est saturé des fluides les plus pernicieux qui la rendent incurable par la thérapeutique ordinaire seule. Une magnétisation violente et trop énergique ne produirait qu'une surexcitation momentanée bientôt suivie d'une prostration plus grande, en activant le travail de la décomposition. Il lui faudrait une magnétisation douce, longtemps soutenue, un fluide réparateur pénétrant, et non un fluide qui secoue mais ne répare rien. Elle est par conséquent inaccessible à la guérison instantanée.



Notices bibliographiques

Précédées de sa prière et de la manière de guérir ceux qui souffrent. *

Les citations sont la meilleure manière de faire connaître l'esprit d'un livre. Nous empruntons d'abord à l'avis et à la préface de l'éditeur, les passages suivants de celui que vient de publier M. Jacob. Les faits auxquels il doit sa notoriété sont trop connus pour qu'il soit nécessaire de les rappeler ; nous les avons d'ailleurs suffisamment exposés dans la Revue d'octobre et novembre 1866, après le camp de Chalons, et dans les numéros d'octobre et novembre 1867.

« Henri Jacob, aujourd'hui musicien dans le régiment des zouaves de la garde impériale, est né le 6 mars 1828, à Saint-Martin-des-Champs (Saône-et-Loire). Toutes ses études consistent en une année de classe à l'école communale ; il n'a donc reçu d'autre éducation que celle que son père a pu lui donner ; elle ne dépasse pas celle de la simple lecture et écriture, et cependant c'est lui qui, sans le secours de personne, a rédigé cet écrit que nous livrons à la publicité.

Jacob n'est pas un écrivain de profession ; c'est un homme aux aspirations religieuses, qui ne s'est décidé à livrer ce volume à la publicité que sur des sollicitations très pressantes. Pour lui, cet ouvrage est sa profession de foi au Dieu créateur ; une prière, un hymne, pour ainsi dire, qu'il adresse au Tout-Puissant. Il est écrit dans un bon esprit, sans passion, et il n'y fait allusion à aucun culte ni à aucun esprit de partis politiques.

Jacob est un être doué de quelque imagination, rien de plus. Le lecteur se tromperait fort s'il voyait dans ses sentiments autre chose que Dieu et l'humanité ; toute son ambition est d'apporter quelque soulagement à cette dernière.

Dans ces pages, nous voyons une sorte d'héroïsme et de grandeur se refléter dans les actes de philanthropie si merveilleusement accomplis par Jacob, ferme croyant, qui sait qu'il peut beaucoup, parce que Dieu vient à son aide dans ses travaux si difficiles, et que Dieu seul la mène à bon terme. »

M. Jacob rend d'abord compte, en termes simples et sans emphase, d'un rêve ou vision qui contribua à l'élévation de ses pensées vers Dieu, et à fixer ses idées sur l'avenir.

Vient ensuite une profession de foi en forme d'épître intitulée : « A mes frères en Spiritisme, » et dont nous extrayons les passages suivants :

« Avant mon initiation à la science spirite, je vivais dans les ténèbres ; mon cœur n'avait jamais senti les douceurs de la paix ! mon âme n'avait jamais connu la joie ; je vivais attaché à la terre avec les tourments qu'elle suscite aux hommes matériels, sans songer qu'il y a des mondes meilleurs, que Dieu, notre père à tous, a créés pour faire jouir d'un bonheur ineffable ceux qui pratiquent le bien ici-bas.

Par mon initiation à la doctrine spirite, j'ai acquis la conviction que Dieu, dans sa miséricorde, nous envoie de bons Esprits pour nous conseiller et nous encourager dans la pratique du bien, et nous a donné le pouvoir de communiquer avec eux et avec ceux qui ont quitté cette terre et qui sont chers à nos cœurs. Cette conviction a éclairé mon âme ! j'ai vu la lumière. Peu à peu je me suis fortifié dans ma conviction, et, par ce moyen, je suis parvenu à la faculté de médium écrivain.

Mes entretiens avec les Esprits et leurs bons conseils m'ont rempli d'une foi vive, en me confirmant les vérités de la science spirite, qui ont fortifié ma foi, et par la foi la faculté de guérir m'a été donnée.

Ainsi donc, mes chers amis, qu'une foi vive soit toujours en vous par la pratique des maximes spirites qui sont : l'amour de Dieu, la fraternité et la charité. Aimons-nous les uns les autres, et tous nous posséderons la faculté de nous soulager mutuellement, et beaucoup pourront parvenir à guérir, j'en ai la conviction.

Soyons donc toujours charitables et généreux et nous serons toujours assistés par les bons Esprits. Vous tous qui êtes initiés à la doctrine spirite, enseignez-la à ceux qui sont encore dans les ténèbres de la matière ; ouvrez leurs âmes à la lumière et ils jouiront, par anticipation, du bonheur qui attend dans les mondes supérieurs ceux qui pratiquent le bien parmi nous.

Soyez fermes dans vos bonnes résolutions ; vivez toujours dans une grande pureté d'âme, et Dieu vous donnera le pouvoir de guérir vos semblables. Voici ma prière :

Mon Dieu, faites-moi la grâce de permettre aux bons et bienveillants Esprits de venir m'assister d'intention et de fait dans l'œuvre de charité que je désire accomplir en soulageant les malheureux qui souffrent. C'est en votre nom et en votre louange, mon Dieu, que ces bienfaits se épandent sur nous.

Croyez, ayez foi ! et quand vous voudrez soulager un malade, après votre prière, mettez votre main sur son cœur, et demandez chaleureusement à Dieu le secours dont vous avez besoin, et, j'en ai la conviction, l'effluve divine s'infiltrera en vous pour soulager ou guérir votre frère qui souffre. Moi, ma première guérison consciente a été de faire sortir de son lit de douleur un cholérique, en opérant de cette manière ; pourquoi voudriez-vous que je sois plus privilégié que vous, par Dieu, qui est sagesse et justice ?

Par vos lettres, vous me demandez de correspondre avec vous et de vous aider de mes conseils. Je vais vous faire part de ceux que les Esprits m'ont inspirés, et répondre à votre appel, plein de bonne volonté d'être utile à votre bonheur. Le mien serait grand si je pouvais coopérer au triomphe du degré de perfection où je désire vous voir parvenir. »

Suit une série de 217 lettres qui constituent, à proprement parler, le corps du volume. Ce sont des communications obtenues par M. Jacob, comme médium écrivain, dans différents groupes ou réunions spirites. Ce sont d'excellents conseils de morale, en style plus ou moins correct ; des encouragements à la pratique de la charité, de la fraternité, de l'humilité, de la douceur, de la bienveillance, du dévouement pour la doctrine spirite, du désintéressement moral et matériel ; des exhortations à la réforme de soi-même. Le moraliste le plus sévère n'y trouvera rien à redire, et il serait à désirer que tous les médiums, guérisseurs et autres, et tous les spirites en général, missent en pratique ces sages avis. On ne peut que féliciter M. Jacob des sentiments qu'il exprime, et en lisant ce livre, il ne viendra à la pensée de personne que c'est l'œuvre d'un charlatan ; c'est donc un démenti donné aux accusations que la malveillance intéressée s'est plu à jeter contre lui ; à ceux qui, par dérision, l'ont présenté comme un thaumaturge ou faiseur de miracles.

Bien que ces nombreuses communications soient toutes conçues dans un excellent esprit, il est à regretter que l'uniformité des sujets qu'elles traitent jette un peu de monotonie sur cette lecture. Elles ne renferment ni explications, ni instructions spéciales sur la médiumnité guérissante, qui n'est que la partie accessoire du livre. Le récit de quelques faits authentiques de guérisons, et des circonstances qui les ont accompagnées, eût ajouté à l'intérêt et à l'utilité pratique de cet ouvrage.

Voici du reste comment M. Jacob décrit ce qui se passe dans les séances où se réunissent les malades :

« Au moment de la séance, après avoir adressé à Dieu ma courte, mais fervente prière, je sens mes doigts se contracter, et, touchant le malade, je reconnais alors la force du fluide à la moiteur de ses mains ; quelquefois elles sont inondées de transpiration ; et la chaleur qui gagne les parties inférieures est aussi un complément d'indice du soulagement presque instantané qu'il éprouve.

Cependant ce n'est pas à ma propre inspiration que les malades doivent de voir disparaître les maux qui les accablent, mais bien à la volonté de Dieu ; aussi vois-je errer autour de moi, au milieu d'une éclatante lumière, un grand nombre d'Esprits bienveillants qui semblent s'associer à ma pénible mission. Il en est un surtout qui me laisse très distinctement apercevoir l'auréole qui doit entourer sa tête vénérable. A ses côtés se trouvent deux personnes toutes rayonnantes, environnées d'innombrables Esprits. Le premier paraît me guider et m'inspirer dans mes opérations, si je puis ainsi m'exprimer ; enfin, la chambre où je donne mes consultations est toujours remplie d'une vive lumière que je vois continuellement se refléter sur les malades.

Après la séance il ne me reste aucun souvenir de ce qui s'est passé ; c'est pour cela que je recommande très instamment aux personnes présentes de vouloir bien faire la plus grande attention aux paroles que j'adresse aux malades qui s'offrent à moi pour être examinées et guéries, si toutefois cela est possible. »

L'ouvrage est terminé par quelques conseils sur le régime hygiénique que doivent suivre les malades qu'il soigne.


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* Un vol. in-12 de 220 pages, prix : 2 fr. 50. Chez l'éditeur, rue Bonaparte, 70.




Le Spiritisme devant la raison

Par Valentin Tournier, ancien journaliste. Broch. in-18 de 72 pages. Prix : 1 fr. ‑ Carcassonne, chez Lajoux et chez Maillac, libraires.

L'auteur de cet opuscule se proposait de faire deux conférences publiques sur le Spiritisme ; en ayant été empêché par des circonstances indépendantes de sa volonté, ce sont ces deux conférences qu'il publie aujourd'hui. S'adressant au public non convaincu, il examine successivement les questions suivantes : Le Spiritisme est-il une chose sérieuse ? ‑ Les études spirites offrent-elles des dangers ? ‑ Ces études sont-elles utiles ? ‑ Les phénomènes sont-ils possibles ? ‑ Sont-ils réels ? ‑ Quelle est l'autorité compétente pour connaître des faits ?

Nous reviendrons sur cette intéressante publication que nous nous bornons à signaler aujourd'hui.



La troisième édition de la Genèse

La deuxieme édition de la Genèse étant presque épuisée, on tire en ce moment la troisième, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'interuption.


Instructions des Esprits

La Régénération

Lyon, 11 mars 1867. Méd. Mad. B…

« En ce temps-là il n'y aura plus ni cris, ni deuil, ni travail, car ce qui était auparavant aura passé. »

Cette prédiction de l'Apocalypse a été dictée il y a dix-huit siècles, et l'on attend encore que ces paroles se réalisent, parce que l'on regarde toujours les événements lorsqu'ils sont passés et non lorsqu'ils se déroulent à nos yeux.

Cependant cette époque prédite est arrivée ; il n'y a plus de douleur pour celui qui a su se placer sur le bord de la route, afin de laisser passer les mesquineries de la vie sans les arrêter pour s'en faire une arme offensive contre la société.

Vous êtes au milieu de ces temps comme l'épi doré est dans la moisson ; vous vivez sous le regard de Dieu, et son rayonnement vous illumine ! D'où vient que vous vous inquiétez de la marche des événements qui ont été prévus par Dieu, alors que vous n'étiez encore que les enfants de la génération dont parlait Jésus lorsqu'il disait : « Avant que cette génération passe il arrivera de grandes choses ? »

Ce que vous êtes, Dieu le savait ; ce que vous serez, Dieu le voit ! c'est à vous de vous bien pénétrer de la voie qui vous est tracée, car votre tâche est de vous soumettre à tout ce que Dieu a décidé. Votre résignation, et surtout votre aménité, ne sont que les témoignages de votre intelligence et de votre foi en l'éternité.

Au-dessus de vous, dans cet univers où se meut votre monde, planent les Esprits messagers qui ont reçu la mission de vous guider. Ils savent quand s'accompliront les événements prédits ; c'est pourquoi ils vous disent : « Il n'y aura plus alors ni cris, ni deuils, ni travail. »

Sans doute il ne peut plus y avoir de cri pour celui qui se soumet aux volontés de Dieu et qui accepte ses épreuves. Il n'y a plus de deuil puisque vous savez que les Esprits qui vous ont précédés ne sont pas perdus pour vous, mais qu'ils sont en voyage ; or, on ne prend pas le deuil quand un ami s'absente.

Le travail lui-même devient une faveur, puisque l'on sait qu'il est un concours à l'œuvre harmonique que Dieu dirige ; on exécute alors sa part de travail avec la sollicitude que le statuaire apporte à polir sa statue. C'est une récompense infinie que Dieu vous accorde.

Cependant vous rencontrerez encore des entraves dans vos tentatives pour arriver à l'amélioration sociale. C'est qu'on n'arrive jamais au résultat sans que la lutte vienne affirmer les efforts. L'artiste est obligé de vaincre les obstacles qui s'opposent au rayonnement de sa pensée ; il ne devient victorieux que lorsqu'il a su s'élever au-dessus des privations et des vapeurs brumeuses qui enveloppent son génie à sa naissance.

L'idée qui surgit a été semée par les Esprits lorsque Dieu leur a dit : « Allez et instruisez les nations ; allez et répandez la lumière. » Cette idée qui a grandi avec la rapidité d'une inondation, a dû naturellement rencontrer des contradicteurs, des opposants et des incrédules. Elle ne serait pas la source de vie, si elle avait dû succomber sous les railleries qui l'ont accueillie à son début. Mais Dieu guidait lui-même cette pensée à travers l'immensité ; il la fécondait sur la terre, et nul ne la détruira ! C'est inutilement que l'on chercherait à en extirper les racines ; on travaillerait en vain à l'annihiler dans les cœurs ; les enfants l'apportent en naissant, et l'on dirait qu'un souffle de Dieu l'incruste à leur berceau, comme jadis l'Etoile d'Orient éclairait ceux qui venaient au-devant de Jésus apportant lui-même l'idée régénératrice du christianisme.

Vous voyez donc bien que cette génération ne passera pas sans qu'il arrive de grandes choses, puisque avec l'idée, la foi s'élève et l'espérance rayonne… Courage ! ce qui a été prédit par le Christ doit se réaliser. En ces temps d'aspiration à la vérité, la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde brille de nouveau sur vous ; persévérez dans la lutte, soyez fermes et défiez-vous des pièges qui vous sont tendus ; restez attachés à ce drapeau où vous avez inscrit : Hors la charité point de salut, et puis attendez, car celui qui a reçu mission de vous régénérer revient, et il a dit : Bienheureux ceux qui connaîtront mon nouveau nom !

Un Esprit.

Erratum


Numéro d'avril 1867, page 103, ligne 3 : Psaume XXV, v. 17 ; lisez : Psaume XXI, v. 18 et 19.




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