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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868 > Avril
Avril
Correspondance inédite de Lavater avec l'Impératrice Marie de Russie
LETTRE TROISIÈME
Très vénérée Impératrice,
Le sort extérieur de chaque âme dépouillée de son corps répondra à son état intérieur, c'est-à-dire que tout lui apparaîtra tel qu'elle est elle-même. A la bonne, tout paraîtra dans le bien ; le mal n'apparaîtra qu'aux âmes des méchants. Des natures aimantes entoureront l'âme aimante ; l'âme haineuse attirera vers elle des natures haineuses. Chaque âme se verra elle-même réfléchie dans les Esprits qui lui ressemblent. Le bon deviendra meilleur et sera admis dans les cercles composés d'êtres qui lui sont supérieurs ; le saint deviendra plus saint par la seule contemplation des Esprits plus purs et plus saints que lui ; l'Esprit aimant deviendra plus aimant encore ; mais aussi chaque être méchant deviendra pire par son seul contact avec d'autres êtres méchants. Si déjà sur la terre rien n'est plus contagieux et plus entraînant que la vertu et le vice, l'amour et la haine, de même, au delà du tombeau, toute perfection morale et religieuse, ainsi que tout sentiment immoral et irréligieux, doivent nécessairement devenir encore plus entraînants et plus contagieux.
Vous, très honorée Impératrice, vous deviendrez tout amour dans le cercle d'âmes bienveillantes.
Ce qui restera encore en moi d'égoïsme, d'amour-propre, de tiédeur pour le royaume et les desseins de Dieu, sera entièrement englouti par le sentiment d'amour, s'il a été prédominant en moi, et il s'épurera encore sans cesse par la présence et le contact des Esprits purs et aimants.
Epurés par la puissance de notre aptitude à aimer, largement exercée ici-bas ; purifiés encore davantage par le contact et le rayonnement sur nous de l'amour des Esprits purs et élevés, nous serons graduellement préparés à la vue directe de l'amour le plus parfait pour qu'il ne puisse pas nous éblouir, nous effrayer, et nous empêcher d'en jouir avec délices.
Mais comment, très vénérée Impératrice, un faible mortel pourrait-il, oserait-il se faire une idée de la contemplation de cet amour personnifié ? Et toi, charité inépuisable ! comment pourrais-tu approcher de celui qui puise en toi seul l'amour, sans l'effrayer et sans l'éblouir ?
Je pense qu'au commencement, il apparaîtra invisiblement ou sous une forme méconnaissable.
N'a-t-il pas toujours agi de cette manière ? Qui a aimé plus invisiblement que Jésus ? Qui, mieux que lui, savait représenter l'individualité incompréhensible de l'inconnu ? Qui a su mieux que lui se rendre méconnaissable, lui qui pouvait se faire connaître mieux qu'aucun mortel ou tout Esprit immortel ? Lui, qu'adorent tous les cieux, il vint sous la forme d'un modeste ouvrier et conserva jusqu'à la mort l'individualité d'un Nazaréen. Même après sa résurrection, il apparut d'abord sous une forme méconnaissable et ne se fit reconnaître qu'après. Je pense qu'il conservera toujours ce mode d'action, si analogue à sa nature, à sa sagesse et son amour. C'est sous la forme d'un jardinier qu'il apparut à Marie au jardin où elle le cherchait et où elle désespérait déjà de le trouver. D'abord méconnaissable, il ne fut reconnu que quelques instants après.
Ce fut aussi sous une forme méconnaissable qu'il s'approcha de deux de ses disciples, qui marchaient remplis de lui et aspiraient vers lui. Il marcha longtemps à côté d'eux ; leurs cœurs brûlaient d'une sainte flamme ; ils sentaient la présence de quelque être pur et élevé, mais plutôt d'un autre que lui ; ils ne le reconnurent qu'au moment du partage du pain, au moment de sa disparition et quand, le même soir encore, ils le virent à Jérusalem. La même chose eut lieu aux bords du lac de Tibériade, et quand, rayonnant dans sa gloire éblouissante, il apparut à Saul.
Comme toutes les actions de notre Seigneur, toutes ses paroles et toutes ses révélations sont sublimes et dramatiques !
Tout suit une marche incessante qui, poussant toujours en avant, s'approche de plus en plus d'un but qui, pourtant, n'est pas le but final. Christ est le héros, le centre, le personnage principal, tantôt visible, tantôt invisible, dans ce grand drame de Dieu, si admirablement simple et compliqué en même temps, qui n'aura jamais de fin, quoique ayant paru mille fois fini.
Il paraît toujours, d'abord méconnaissable, dans l'existence de chacun de ses adorateurs. Comment l'amour pourrait-il se refuser d'apparaître à l'être qui l'aime, juste au moment où celui-ci a le plus grand besoin de lui ?
Oui, toi, le plus humain des hommes, tu apparaîtras aux hommes de la manière la plus humaine ! Tu apparaîtras à l'âme aimante à laquelle j'écris ! tu m'apparaîtras aussi, d'abord méconnaissable, et puis tu te feras connaître à nous. Nous te verrons une infinité de fois, toujours autre et toujours le même, toujours plus beau à mesure que notre âme s'améliorera, et jamais pour la dernière fois.
Élevons-nous plus souvent vers cette idée enivrante que je tâcherai, avec la permission de Dieu, d'éclairer plus amplement dans ma prochaine lettre, et de vous rendre plus saisissante par une communication donnée par un défunt.
I. IX. 1798.
Lavater.
Le sort extérieur de chaque âme dépouillée de son corps répondra à son état intérieur, c'est-à-dire que tout lui apparaîtra tel qu'elle est elle-même. A la bonne, tout paraîtra dans le bien ; le mal n'apparaîtra qu'aux âmes des méchants. Des natures aimantes entoureront l'âme aimante ; l'âme haineuse attirera vers elle des natures haineuses. Chaque âme se verra elle-même réfléchie dans les Esprits qui lui ressemblent. Le bon deviendra meilleur et sera admis dans les cercles composés d'êtres qui lui sont supérieurs ; le saint deviendra plus saint par la seule contemplation des Esprits plus purs et plus saints que lui ; l'Esprit aimant deviendra plus aimant encore ; mais aussi chaque être méchant deviendra pire par son seul contact avec d'autres êtres méchants. Si déjà sur la terre rien n'est plus contagieux et plus entraînant que la vertu et le vice, l'amour et la haine, de même, au delà du tombeau, toute perfection morale et religieuse, ainsi que tout sentiment immoral et irréligieux, doivent nécessairement devenir encore plus entraînants et plus contagieux.
Vous, très honorée Impératrice, vous deviendrez tout amour dans le cercle d'âmes bienveillantes.
Ce qui restera encore en moi d'égoïsme, d'amour-propre, de tiédeur pour le royaume et les desseins de Dieu, sera entièrement englouti par le sentiment d'amour, s'il a été prédominant en moi, et il s'épurera encore sans cesse par la présence et le contact des Esprits purs et aimants.
Epurés par la puissance de notre aptitude à aimer, largement exercée ici-bas ; purifiés encore davantage par le contact et le rayonnement sur nous de l'amour des Esprits purs et élevés, nous serons graduellement préparés à la vue directe de l'amour le plus parfait pour qu'il ne puisse pas nous éblouir, nous effrayer, et nous empêcher d'en jouir avec délices.
Mais comment, très vénérée Impératrice, un faible mortel pourrait-il, oserait-il se faire une idée de la contemplation de cet amour personnifié ? Et toi, charité inépuisable ! comment pourrais-tu approcher de celui qui puise en toi seul l'amour, sans l'effrayer et sans l'éblouir ?
Je pense qu'au commencement, il apparaîtra invisiblement ou sous une forme méconnaissable.
N'a-t-il pas toujours agi de cette manière ? Qui a aimé plus invisiblement que Jésus ? Qui, mieux que lui, savait représenter l'individualité incompréhensible de l'inconnu ? Qui a su mieux que lui se rendre méconnaissable, lui qui pouvait se faire connaître mieux qu'aucun mortel ou tout Esprit immortel ? Lui, qu'adorent tous les cieux, il vint sous la forme d'un modeste ouvrier et conserva jusqu'à la mort l'individualité d'un Nazaréen. Même après sa résurrection, il apparut d'abord sous une forme méconnaissable et ne se fit reconnaître qu'après. Je pense qu'il conservera toujours ce mode d'action, si analogue à sa nature, à sa sagesse et son amour. C'est sous la forme d'un jardinier qu'il apparut à Marie au jardin où elle le cherchait et où elle désespérait déjà de le trouver. D'abord méconnaissable, il ne fut reconnu que quelques instants après.
Ce fut aussi sous une forme méconnaissable qu'il s'approcha de deux de ses disciples, qui marchaient remplis de lui et aspiraient vers lui. Il marcha longtemps à côté d'eux ; leurs cœurs brûlaient d'une sainte flamme ; ils sentaient la présence de quelque être pur et élevé, mais plutôt d'un autre que lui ; ils ne le reconnurent qu'au moment du partage du pain, au moment de sa disparition et quand, le même soir encore, ils le virent à Jérusalem. La même chose eut lieu aux bords du lac de Tibériade, et quand, rayonnant dans sa gloire éblouissante, il apparut à Saul.
Comme toutes les actions de notre Seigneur, toutes ses paroles et toutes ses révélations sont sublimes et dramatiques !
Tout suit une marche incessante qui, poussant toujours en avant, s'approche de plus en plus d'un but qui, pourtant, n'est pas le but final. Christ est le héros, le centre, le personnage principal, tantôt visible, tantôt invisible, dans ce grand drame de Dieu, si admirablement simple et compliqué en même temps, qui n'aura jamais de fin, quoique ayant paru mille fois fini.
Il paraît toujours, d'abord méconnaissable, dans l'existence de chacun de ses adorateurs. Comment l'amour pourrait-il se refuser d'apparaître à l'être qui l'aime, juste au moment où celui-ci a le plus grand besoin de lui ?
Oui, toi, le plus humain des hommes, tu apparaîtras aux hommes de la manière la plus humaine ! Tu apparaîtras à l'âme aimante à laquelle j'écris ! tu m'apparaîtras aussi, d'abord méconnaissable, et puis tu te feras connaître à nous. Nous te verrons une infinité de fois, toujours autre et toujours le même, toujours plus beau à mesure que notre âme s'améliorera, et jamais pour la dernière fois.
Élevons-nous plus souvent vers cette idée enivrante que je tâcherai, avec la permission de Dieu, d'éclairer plus amplement dans ma prochaine lettre, et de vous rendre plus saisissante par une communication donnée par un défunt.
I. IX. 1798.
Lavater.
LETTRE QUATRIÈME
Dans ma lettre précédente, très vénérée Impératrice, je vous ai promis
de vous envoyer la lettre d'un défunt à son ami sur la terre ; elle
pourra mieux vous faire comprendre et saisir mes idées sur l'état d'un
chrétien après la mort de son corps. Je prends la liberté de la joindre à
celle-ci. Jugez-la au point de vue que je vous ai indiqué, et veuillez
porter votre attention plutôt sur le sujet principal que sur quelques
détails particuliers qui l'entourent, quoique j'aie des raisons de
supposer que ces derniers renferment aussi quelque chose de vrai.
Pour l'intelligence des matières que je vous exposerai dans la suite sous cette forme, je crois nécessaire de vous faire remarquer que j'ai presque la certitude que, malgré l'existence d'une loi générale, identique et immuable de châtiment et de félicité suprême, chaque Esprit, selon son caractère individuel, non seulement moral et religieux, mais même personnel et officiel, aura des souffrances à supporter après sa mort terrestre et jouira de félicités qui ne seront appropriées qu'à lui seul. La loi générale s'individualisera pour chaque individu en particulier, c'est-à-dire qu'elle produira dans chacun un effet différent et personnel, tout comme le même rayon de lumière traversant un verre coloré, convexe ou concave, en tire, en partie, sa couleur et sa direction. Je voudrais donc qu'il fût accepté positivement : que, quoique tous les Esprits bienheureux, moins heureux ou souffrants se trouvent sous la même loi bien simple de ressemblance ou de dissemblance avec le plus parfait amour, on doit présumer que le caractère substantiel, personnel, individuel de chaque Esprit lui constitue un état de souffrance ou de félicité essentiellement différent de l'état de souffrance ou de félicité d'un autre Esprit. Chacun souffre d'une manière qui diffère de la souffrance d'un autre, et ressent des jouissances qu'un autre ne serait pas capable de ressentir. A chacun les mondes matériel et immatériel, Dieu et Christ, se présentent sous une forme particulière, sous laquelle ils n'apparaissent à personne excepté lui. Chacun a son point de vue n'appartenant qu'à lui seul. A chaque Esprit Dieu parle une langue à lui seul compréhensible. A chacun il se communique en particulier et lui accorde des jouissances que seul il est en état d'éprouver et de contenir.
Cette idée, que je considère comme une vérité, sert de base à toutes les communications suivantes données par les Esprits désincarnés à leurs amis de la terre.
Je me sentirai heureux en apprenant que vous avez compris comment chaque homme, par la formation de son caractère individuel et le perfectionnement de son individualité, peut se préparer à lui-même des jouissances particulières et une félicité appropriée à lui seul.
Comme rien ne s'oublie si vite, et que rien n'est moins recherché par les hommes que cette félicité appropriée à chaque individu, bien que chacun possède toute possibilité de se la procurer et d'en jouir, je prends la liberté, sage et vénérée Impératrice, de vous prier avec instance de daigner analyser avec attention cette idée que certainement vous ne pouvez pas regarder comme inutile pour votre propre édification et votre élévation vers Dieu : Dieu s'est placé lui-même, et a placé l'univers dans le cœur de chaque homme.
Tout homme est un miroir particulier de l'univers et de son Créateur. Faisons donc tous nos efforts, très vénérée Impératrice, pour entretenir ce miroir aussi pur que possible, pour que Dieu puisse y voir lui-même et sa mille fois belle création, réfléchis à son entière satisfaction.
Jean-Gaspar Lavater.
Zurich, le 14 IX. 1798.
Pour l'intelligence des matières que je vous exposerai dans la suite sous cette forme, je crois nécessaire de vous faire remarquer que j'ai presque la certitude que, malgré l'existence d'une loi générale, identique et immuable de châtiment et de félicité suprême, chaque Esprit, selon son caractère individuel, non seulement moral et religieux, mais même personnel et officiel, aura des souffrances à supporter après sa mort terrestre et jouira de félicités qui ne seront appropriées qu'à lui seul. La loi générale s'individualisera pour chaque individu en particulier, c'est-à-dire qu'elle produira dans chacun un effet différent et personnel, tout comme le même rayon de lumière traversant un verre coloré, convexe ou concave, en tire, en partie, sa couleur et sa direction. Je voudrais donc qu'il fût accepté positivement : que, quoique tous les Esprits bienheureux, moins heureux ou souffrants se trouvent sous la même loi bien simple de ressemblance ou de dissemblance avec le plus parfait amour, on doit présumer que le caractère substantiel, personnel, individuel de chaque Esprit lui constitue un état de souffrance ou de félicité essentiellement différent de l'état de souffrance ou de félicité d'un autre Esprit. Chacun souffre d'une manière qui diffère de la souffrance d'un autre, et ressent des jouissances qu'un autre ne serait pas capable de ressentir. A chacun les mondes matériel et immatériel, Dieu et Christ, se présentent sous une forme particulière, sous laquelle ils n'apparaissent à personne excepté lui. Chacun a son point de vue n'appartenant qu'à lui seul. A chaque Esprit Dieu parle une langue à lui seul compréhensible. A chacun il se communique en particulier et lui accorde des jouissances que seul il est en état d'éprouver et de contenir.
Cette idée, que je considère comme une vérité, sert de base à toutes les communications suivantes données par les Esprits désincarnés à leurs amis de la terre.
Je me sentirai heureux en apprenant que vous avez compris comment chaque homme, par la formation de son caractère individuel et le perfectionnement de son individualité, peut se préparer à lui-même des jouissances particulières et une félicité appropriée à lui seul.
Comme rien ne s'oublie si vite, et que rien n'est moins recherché par les hommes que cette félicité appropriée à chaque individu, bien que chacun possède toute possibilité de se la procurer et d'en jouir, je prends la liberté, sage et vénérée Impératrice, de vous prier avec instance de daigner analyser avec attention cette idée que certainement vous ne pouvez pas regarder comme inutile pour votre propre édification et votre élévation vers Dieu : Dieu s'est placé lui-même, et a placé l'univers dans le cœur de chaque homme.
Tout homme est un miroir particulier de l'univers et de son Créateur. Faisons donc tous nos efforts, très vénérée Impératrice, pour entretenir ce miroir aussi pur que possible, pour que Dieu puisse y voir lui-même et sa mille fois belle création, réfléchis à son entière satisfaction.
Jean-Gaspar Lavater.
Zurich, le 14 IX. 1798.
LETTRE D'UN DÉFUNT A SON AMI SUR LA TERRE, sur l'état des Esprits désincarnés
Enfin, mon bien-aimé, il m'est possible de satisfaire, quoique en partie
seulement, mon désir et le tien, et de te communiquer quelque chose
concernant mon état actuel. Pour cette fois-ci, je ne puis te donner que
bien peu de détails. Tout dépendra à l'avenir de l'usage que tu feras
de mes communications.
Je sais que le désir que tu éprouves d'avoir des notions sur moi, ainsi qu'en général sur l'état de tous les Esprits désincarnés, est bien grand, mais il ne surpasse pas le mien de t'apprendre ce qu'il est possible de révéler. La puissance d'aimer de celui qui a aimé dans le monde matériel, s'accroît inexprimablement quand il devient citoyen du monde immatériel. Avec l'amour augmente aussi le désir de communiquer à ceux qu'il a connus, ce qu'il peut, ce qu'il lui est permis de transmettre.
Je dois commencer par t'expliquer, mon bien-aimé, à toi que j'aime tous les jours davantage, par quel moyen il m'est possible de t'écrire, sans pouvoir toucher en même temps le papier et conduire la plume, et comment je puis te parler dans une langue toute terrestre et humaine que, dans mon état habituel, je ne comprends pas.
Cette seule indication doit te servir de trait de lumière, pour pouvoir comprendre comment tu dois envisager notre état présent.
Imagine-toi mon état actuel différent du précédent à peu près comme l'état du papillon voltigeant dans l'air, diffère de son état de chrysalide. Moi, je suis justement cette chrysalide transfigurée et émancipée, ayant déjà subi deux métamorphoses. Tout comme le papillon voltige autour des fleurs, nous voltigeons souvent autour des têtes des bons, mais pas toujours. Une lumière invisible pour vous mortels, visible au moins pour bien peu d'entre vous, rayonne ou luit doucement autour de la tête de tout homme bon, aimant et religieux. L'idée de l'auréole dont on entoure la tête des saints, est essentiellement vraie et rationnelle. Cette lumière sympathisant avec la nôtre, tout être bienheureux ne l'est que par la lumière, l'attire vers elle d'après le degré de sa clarté qui correspond à la nôtre. Aucun Esprit impur n'ose et ne peut s'approcher de cette sainte lumière. Nous reposant dans cette lumière, au-dessus de la tête de l'homme bon et pieux, nous pouvons lire incontinent dans son esprit. Nous le voyons tel qu'il est en réalité. Chaque rayon sortant de lui, est pour nous un mot, souvent tout un discours ; nous répondons à ses pensées. Il ignore que c'est nous qui répondons. Nous excitons en lui des idées que, sans notre action, il n'aurait jamais été en état de concevoir, quoique la disposition et l'aptitude à les recevoir soient innées dans son âme.
L'homme digne de recevoir la lumière, devient ainsi un organe utile et très profitable pour l'Esprit sympathique qui désire lui communiquer ses lumières.
J'ai trouvé un Esprit, ou plutôt un homme accessible à la lumière, dont j'ai pu m'approcher, et c'est par son organe que je te parle. Sans son intermédiaire, il m'aurait été impossible de m'entretenir avec toi humainement, verbalement, palpablement, de t'écrire en un mot.
Tu reçois donc de cette manière une lettre anonyme de la part d'un homme que tu ne connais pas, mais qui nourrit en lui une forte tendance vers les matières occultes et spirituelles. Je plane au-dessus de lui ; je me pose sur lui, à peu près comme le plus divin de tous les Esprits s'est reposé sur le plus divin de tous les hommes, après son baptême ; je lui suscite des idées ; il les transcrit sous mon intuition, sous ma direction, par l'effet de mon rayonnement. Par un léger attouchement, je fais vibrer les cordes de son âme d'une manière conforme à son individualité et à la mienne. Il écrit ce que je désire lui faire écrire ; j'écris par son entremise ; mes idées deviennent les siennes. Il se sent heureux en écrivant. Il devient plus libre, plus animé, plus riche en idées. Il lui semble qu'il vit et qu'il plane dans un élément plus joyeux, plus clair. Il marche lentement, comme un ami conduit par la main d'un ami, et c'est de cette manière que tu reçois de moi une lettre. Celui qui écrit se suppose être libre et il l'est très réellement. Il ne subit aucune violence ; il est libre comme le sont deux amis qui, marchant bras dessus bras dessous, se conduisent pourtant réciproquement.
Tu dois ressentir que mon Esprit se trouve en relation directe avec le tien ; tu conçois ce que je te dis ; tu entends mes plus intimes pensées. C'est assez pour cette fois. Le jour que j'ai dicté cette lettre s'appelle chez vous le 15 IX 1798.
Je sais que le désir que tu éprouves d'avoir des notions sur moi, ainsi qu'en général sur l'état de tous les Esprits désincarnés, est bien grand, mais il ne surpasse pas le mien de t'apprendre ce qu'il est possible de révéler. La puissance d'aimer de celui qui a aimé dans le monde matériel, s'accroît inexprimablement quand il devient citoyen du monde immatériel. Avec l'amour augmente aussi le désir de communiquer à ceux qu'il a connus, ce qu'il peut, ce qu'il lui est permis de transmettre.
Je dois commencer par t'expliquer, mon bien-aimé, à toi que j'aime tous les jours davantage, par quel moyen il m'est possible de t'écrire, sans pouvoir toucher en même temps le papier et conduire la plume, et comment je puis te parler dans une langue toute terrestre et humaine que, dans mon état habituel, je ne comprends pas.
Cette seule indication doit te servir de trait de lumière, pour pouvoir comprendre comment tu dois envisager notre état présent.
Imagine-toi mon état actuel différent du précédent à peu près comme l'état du papillon voltigeant dans l'air, diffère de son état de chrysalide. Moi, je suis justement cette chrysalide transfigurée et émancipée, ayant déjà subi deux métamorphoses. Tout comme le papillon voltige autour des fleurs, nous voltigeons souvent autour des têtes des bons, mais pas toujours. Une lumière invisible pour vous mortels, visible au moins pour bien peu d'entre vous, rayonne ou luit doucement autour de la tête de tout homme bon, aimant et religieux. L'idée de l'auréole dont on entoure la tête des saints, est essentiellement vraie et rationnelle. Cette lumière sympathisant avec la nôtre, tout être bienheureux ne l'est que par la lumière, l'attire vers elle d'après le degré de sa clarté qui correspond à la nôtre. Aucun Esprit impur n'ose et ne peut s'approcher de cette sainte lumière. Nous reposant dans cette lumière, au-dessus de la tête de l'homme bon et pieux, nous pouvons lire incontinent dans son esprit. Nous le voyons tel qu'il est en réalité. Chaque rayon sortant de lui, est pour nous un mot, souvent tout un discours ; nous répondons à ses pensées. Il ignore que c'est nous qui répondons. Nous excitons en lui des idées que, sans notre action, il n'aurait jamais été en état de concevoir, quoique la disposition et l'aptitude à les recevoir soient innées dans son âme.
L'homme digne de recevoir la lumière, devient ainsi un organe utile et très profitable pour l'Esprit sympathique qui désire lui communiquer ses lumières.
J'ai trouvé un Esprit, ou plutôt un homme accessible à la lumière, dont j'ai pu m'approcher, et c'est par son organe que je te parle. Sans son intermédiaire, il m'aurait été impossible de m'entretenir avec toi humainement, verbalement, palpablement, de t'écrire en un mot.
Tu reçois donc de cette manière une lettre anonyme de la part d'un homme que tu ne connais pas, mais qui nourrit en lui une forte tendance vers les matières occultes et spirituelles. Je plane au-dessus de lui ; je me pose sur lui, à peu près comme le plus divin de tous les Esprits s'est reposé sur le plus divin de tous les hommes, après son baptême ; je lui suscite des idées ; il les transcrit sous mon intuition, sous ma direction, par l'effet de mon rayonnement. Par un léger attouchement, je fais vibrer les cordes de son âme d'une manière conforme à son individualité et à la mienne. Il écrit ce que je désire lui faire écrire ; j'écris par son entremise ; mes idées deviennent les siennes. Il se sent heureux en écrivant. Il devient plus libre, plus animé, plus riche en idées. Il lui semble qu'il vit et qu'il plane dans un élément plus joyeux, plus clair. Il marche lentement, comme un ami conduit par la main d'un ami, et c'est de cette manière que tu reçois de moi une lettre. Celui qui écrit se suppose être libre et il l'est très réellement. Il ne subit aucune violence ; il est libre comme le sont deux amis qui, marchant bras dessus bras dessous, se conduisent pourtant réciproquement.
Tu dois ressentir que mon Esprit se trouve en relation directe avec le tien ; tu conçois ce que je te dis ; tu entends mes plus intimes pensées. C'est assez pour cette fois. Le jour que j'ai dicté cette lettre s'appelle chez vous le 15 IX 1798.
LETTRE CINQUIÈME
Très vénérée Impératrice,
De nouveau une petite lettre arrivée du monde invisible.
A l'avenir, si Dieu le permet, les communications se suivront de plus près.
Cette lettre contient une bien minime partie de ce qui peut être dit à un mortel, sur l'apparition et la vue du Seigneur. C'est simultanément et sous des millions de formes différentes, que le Seigneur apparaît aux myriades d'êtres. Il veut, et il se multiplie lui-même pour ses innombrables créatures, en s'individualisant, en même temps, pour chacune d'elles en particulier.
A vous, Impératrice, à votre Esprit de lumière, il apparaîtra un jour, comme il apparut à Marie-Madeleine, au jardin du sépulcre. De sa bouche divine vous l'entendrez un jour, quand vous en ressentirez le plus grand besoin, et quand vous l'attendrez le moins, vous appeler par votre nom Marie. Rabbi ! répondrez-vous à son appel, pénétrée du même sentiment de félicité suprême que le fut Madeleine, et remplie d'adoration, comme l'apôtre Thomas, vous direz : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
Nous nous hâtons de traverser les nuits de ténèbres pour arriver à la lumière ; nous passons par les déserts pour atteindre la terre promise ; nous souffrons les douleurs de l'enfantement pour renaître à la véritable vie.
Que Dieu et votre Esprit soit avec vous et votre Esprit.
Zurich, le 13 XI 1798.
Jean-Gaspar Lavater.
De nouveau une petite lettre arrivée du monde invisible.
A l'avenir, si Dieu le permet, les communications se suivront de plus près.
Cette lettre contient une bien minime partie de ce qui peut être dit à un mortel, sur l'apparition et la vue du Seigneur. C'est simultanément et sous des millions de formes différentes, que le Seigneur apparaît aux myriades d'êtres. Il veut, et il se multiplie lui-même pour ses innombrables créatures, en s'individualisant, en même temps, pour chacune d'elles en particulier.
A vous, Impératrice, à votre Esprit de lumière, il apparaîtra un jour, comme il apparut à Marie-Madeleine, au jardin du sépulcre. De sa bouche divine vous l'entendrez un jour, quand vous en ressentirez le plus grand besoin, et quand vous l'attendrez le moins, vous appeler par votre nom Marie. Rabbi ! répondrez-vous à son appel, pénétrée du même sentiment de félicité suprême que le fut Madeleine, et remplie d'adoration, comme l'apôtre Thomas, vous direz : « Mon Seigneur et mon Dieu. »
Nous nous hâtons de traverser les nuits de ténèbres pour arriver à la lumière ; nous passons par les déserts pour atteindre la terre promise ; nous souffrons les douleurs de l'enfantement pour renaître à la véritable vie.
Que Dieu et votre Esprit soit avec vous et votre Esprit.
Zurich, le 13 XI 1798.
Jean-Gaspar Lavater.
LETTRE D'UN ESPRIT BIENHEUREUX
A son ami de la terre sur la première vue du Seigneur.
Cher ami,
De mille choses dont j'aurais désiré t'entretenir, je ne dirai, cette fois, qu'une seule chose qui t'intéressera plus que toutes les autres. J'ai obtenu l'autorisation de le faire. Les Esprits ne peuvent rien faire sans une permission spéciale. Ils vivent sans leur propre volonté, dans la seule volonté du Père céleste, qui transmet ses ordres à des milliers d'êtres à la fois, comme à un seul, et répond instantanément sur une infinité de sujets, à des milliers de ses créatures qui s'adressent à lui.
Comment te faire comprendre de quelle manière je vis le Seigneur ? Oh ! d'une manière bien différente de celle que vous, êtres encore mortels, ne pouvez vous l'imaginer.
Après bien des apparitions, des instructions, des explications et des jouissances qui me furent accordées par la grâce du Seigneur, je traversai une fois une contrée paradisiale, avec environ douze autres Esprits, qui avaient monté, à peu près, par les mêmes degrés de perfection que moi. Nous planâmes, voltigeâmes l'un à côté de l'autre, dans une douce et agréable harmonie, formant comme un léger nuage, et il nous semblait éprouver le même entraînement, la même propension vers un but très élevé. Nous nous pressions toujours davantage l'un contre l'autre. A mesure que nous avancions, nous devenions toujours plus intimes, plus libres, plus joyeux, plus jouissants et plus aptes à jouir, et nous disions : « Oh ! qu'il est bon et miséricordieux Celui qui nous a créés ! Alleluia au Créateur ! c'est l'amour qui nous a créés ! Alleluia à l'Etre aimant ! Animés par de tels sentiments, nous poursuivions notre vol et nous nous arrêtâmes auprès d'une fontaine.
Là nous sentîmes l'approche d'une brise légère. Elle ne portait pas un homme ni un ange, et pourtant ce qui s'avançait vers nous avait quelque chose de si humain, que cela attira toute notre attention. Une lumière resplendissante, pareille en quelque sorte à celle des Esprits bienheureux, mais ne la surpassant pas, nous inonda. « Celui-là est aussi des nôtres ! pensâmes-nous simultanément et comme par intuition. » Elle disparut, et d'abord il nous sembla que nous étions privés de quelque chose. « Quel être particulier ! nous dîmes-nous ; quelle démarche royale ! et en même temps quelle grâce enfantine ! quelle aménité et quelle majesté ! »
Pendant que nous nous parlions ainsi à nous-mêmes, soudainement une forme gracieuse nous apparut, sortant d'un délicieux bocage, et nous fit un salut amical. Le nouveau venu ne ressemblait pas à l'apparition précédente, mais il avait de même quelque chose de supérieurement élevé et d'inexprimablement simple à la fois. « Soyez les bienvenus, frères et sœurs ! », dit-il. Nous répondîmes d'une seule voix : « Sois le bienvenu, toi, le béni du Seigneur ! le ciel se réfléchit dans ta face et l'amour de Dieu rayonne de tes yeux. »
– Qui êtes-vous ? demanda l'inconnu. – Nous sommes les joyeux adorateurs du tout-puissant Amour, répondîmes-nous.
– Qui est le tout-puissant Amour ? nous demanda-t-il, avec une grâce parfaite.
– Ne connais-tu pas le tout-puissant Amour ? demandâmes-nous, à notre tour, ou plutôt ce fut moi qui lui adressai cette question, au nom de nous tous.
– Je le connais, dit l'inconnu d'une voix encore plus douce.
– Ah ! si nous pouvions être dignes de le voir et d'entendre sa voix ? mais nous ne nous sentons pas assez épurés pour mériter de contempler directement la plus sainte pureté. »
En réponse à ces paroles, nous entendîmes retentir derrière nous une voix qui nous dit : « Vous êtes lavés de toute souillure, vous êtes purifiés. Vous êtes déclarés justes par Jésus-Christ et par l'Esprit du Dieu vivant ! »
Une félicité inexprimable se répandit en nous au moment où, nous tournant dans la direction d'où partait la voix, nous voulions nous précipiter à genoux pour adorer l'interlocuteur invisible.
Qu'arriva-t-il ? Chacun de nous entendit instantanément un nom, que nous n'avions jamais entendu prononcer, mais que chacun de nous comprit et reconnut en même temps être son propre nouveau nom exprimé par la voix de l'inconnu. Spontanément, avec la rapidité de l'éclair, nous nous tournâmes, comme un seul être, vers l'adorable interlocuteur, qui nous apostropha ainsi avec une grâce indicible : « Vous avez trouvé ce que vous cherchiez. Celui qui me voit, voit aussi le tout-puissant Amour. Je connais les miens et les miens me connaissent. Je donne à mes brebis la vie éternelle, et elles ne périront pas dans l'éternité ; personne ne pourra les arracher de mes mains, ni des mains de mon Père. Moi et mon Père nous sommes un ! »
Comment pourrais-je exprimer en paroles la douce et suprême félicité dans laquelle nous nous épanouîmes, quand celui qui, à chaque moment, devenait plus lumineux, plus gracieux, plus sublime, étendit vers nous ses bras et prononça les paroles suivantes, qui vibreront éternellement pour nous, et qu'aucune puissance ne serait capable de faire disparaître de nos oreilles et de nos cœurs : « Venez ici, vous, élus de mon Père : héritez du royaume qui vous fut préparé depuis le commencement de l'univers. » Après cela, il nous embrassa tous simultanément, et disparut. Nous gardâmes le silence, et, nous sentant étroitement unis pour l'éternité, nous nous répandîmes, sans nous mouvoir, l'un dans l'autre, doucement et remplis d'un bonheur suprême. L'Être infini devint un avec nous, et, en même temps, notre tout, notre ciel, notre vie dans son sens le plus vrai. Mille vies nouvelles semblèrent nous pénétrer. Notre existence antérieure s'évanouit pour nous ; nous recommençâmes d'être ; nous ressentîmes l'immortalité, c'est-à-dire une surabondance de vie et de forces, qui portait le cachet de l'indestructibilité.
Enfin, nous recouvrâmes la parole. Ah ! si je pouvais te communiquer, ne fût-ce qu'un seul son, de notre joyeuse adoration !
« Il existe ! nous sommes ! Par Lui, par Lui seul ! – Il est, – son être n'est que vie et amour ! – Celui qui le voit, vit et aime, est inondé des effluves de l'immortalité et de l'amour provenant de sa face divine, de son regard rempli de félicité suprême !
Nous t'avons vu, amour tout-puissant ! Tu te montras à nous sous la forme humaine, Toi, Dieu des dieux ! Et pourtant Tu ne fus ni homme, ni Dieu, Toi, Homme Dieu !
Tu ne fus qu'amour, tout-puissant seulement comme amour ! – Tu nous soutins par ta toute-puissance, pour empêcher que la force, même adoucie de ton amour, ne nous absorbât en elle.
Est-ce Toi, est-ce Toi ? – Toi que tous les cieux glorifient ; Toi, océan de béatitude ; – Toi, toute-puissance ; – Toi, qui autrefois t'incarnant dans les os humains, portas les fardeaux de la terre, et, ruisselant de sang, suspendu sur la croix, Te fis cadavre ?
Oui, c'est Toi, – Toi, gloire de tous les êtres ! Être devant lequel s'inclinent toutes les natures, qui disparaissent devant Toi, pour être rappelées à vivre en Toi !
Dans un de tes rayons se rencontre la vie de tous les mondes, et de ton souffle ne jaillit que l'amour ! »
Ceci, cher ami, n'est qu'une miette bien minime tombée à terre de la table remplie d'une félicité ineffable dont je me nourrissais. Profites-en, et il te sera donné bientôt davantage. – Aimes, et tu seras aimé. – L'amour seul peut aspirer à la félicité suprême. – L'amour seul peut donner le bonheur, mais uniquement à ceux qui aiment.
Oh ! mon chéri, c'est parce que tu aimes que je puis m'approcher de toi, me communiquer à toi, et te conduire plus vite à la source de la vie.
Amour ! Dieu et le ciel vivent en toi, tout comme ils vivent dans la face et dans le cœur de Jésus-Christ !
J'écris cela, d'après votre chronologie terrestre,
le 13. XI. 1798.
Makariosenagape.
La fin au prochain numéro.
Cher ami,
De mille choses dont j'aurais désiré t'entretenir, je ne dirai, cette fois, qu'une seule chose qui t'intéressera plus que toutes les autres. J'ai obtenu l'autorisation de le faire. Les Esprits ne peuvent rien faire sans une permission spéciale. Ils vivent sans leur propre volonté, dans la seule volonté du Père céleste, qui transmet ses ordres à des milliers d'êtres à la fois, comme à un seul, et répond instantanément sur une infinité de sujets, à des milliers de ses créatures qui s'adressent à lui.
Comment te faire comprendre de quelle manière je vis le Seigneur ? Oh ! d'une manière bien différente de celle que vous, êtres encore mortels, ne pouvez vous l'imaginer.
Après bien des apparitions, des instructions, des explications et des jouissances qui me furent accordées par la grâce du Seigneur, je traversai une fois une contrée paradisiale, avec environ douze autres Esprits, qui avaient monté, à peu près, par les mêmes degrés de perfection que moi. Nous planâmes, voltigeâmes l'un à côté de l'autre, dans une douce et agréable harmonie, formant comme un léger nuage, et il nous semblait éprouver le même entraînement, la même propension vers un but très élevé. Nous nous pressions toujours davantage l'un contre l'autre. A mesure que nous avancions, nous devenions toujours plus intimes, plus libres, plus joyeux, plus jouissants et plus aptes à jouir, et nous disions : « Oh ! qu'il est bon et miséricordieux Celui qui nous a créés ! Alleluia au Créateur ! c'est l'amour qui nous a créés ! Alleluia à l'Etre aimant ! Animés par de tels sentiments, nous poursuivions notre vol et nous nous arrêtâmes auprès d'une fontaine.
Là nous sentîmes l'approche d'une brise légère. Elle ne portait pas un homme ni un ange, et pourtant ce qui s'avançait vers nous avait quelque chose de si humain, que cela attira toute notre attention. Une lumière resplendissante, pareille en quelque sorte à celle des Esprits bienheureux, mais ne la surpassant pas, nous inonda. « Celui-là est aussi des nôtres ! pensâmes-nous simultanément et comme par intuition. » Elle disparut, et d'abord il nous sembla que nous étions privés de quelque chose. « Quel être particulier ! nous dîmes-nous ; quelle démarche royale ! et en même temps quelle grâce enfantine ! quelle aménité et quelle majesté ! »
Pendant que nous nous parlions ainsi à nous-mêmes, soudainement une forme gracieuse nous apparut, sortant d'un délicieux bocage, et nous fit un salut amical. Le nouveau venu ne ressemblait pas à l'apparition précédente, mais il avait de même quelque chose de supérieurement élevé et d'inexprimablement simple à la fois. « Soyez les bienvenus, frères et sœurs ! », dit-il. Nous répondîmes d'une seule voix : « Sois le bienvenu, toi, le béni du Seigneur ! le ciel se réfléchit dans ta face et l'amour de Dieu rayonne de tes yeux. »
– Qui êtes-vous ? demanda l'inconnu. – Nous sommes les joyeux adorateurs du tout-puissant Amour, répondîmes-nous.
– Qui est le tout-puissant Amour ? nous demanda-t-il, avec une grâce parfaite.
– Ne connais-tu pas le tout-puissant Amour ? demandâmes-nous, à notre tour, ou plutôt ce fut moi qui lui adressai cette question, au nom de nous tous.
– Je le connais, dit l'inconnu d'une voix encore plus douce.
– Ah ! si nous pouvions être dignes de le voir et d'entendre sa voix ? mais nous ne nous sentons pas assez épurés pour mériter de contempler directement la plus sainte pureté. »
En réponse à ces paroles, nous entendîmes retentir derrière nous une voix qui nous dit : « Vous êtes lavés de toute souillure, vous êtes purifiés. Vous êtes déclarés justes par Jésus-Christ et par l'Esprit du Dieu vivant ! »
Une félicité inexprimable se répandit en nous au moment où, nous tournant dans la direction d'où partait la voix, nous voulions nous précipiter à genoux pour adorer l'interlocuteur invisible.
Qu'arriva-t-il ? Chacun de nous entendit instantanément un nom, que nous n'avions jamais entendu prononcer, mais que chacun de nous comprit et reconnut en même temps être son propre nouveau nom exprimé par la voix de l'inconnu. Spontanément, avec la rapidité de l'éclair, nous nous tournâmes, comme un seul être, vers l'adorable interlocuteur, qui nous apostropha ainsi avec une grâce indicible : « Vous avez trouvé ce que vous cherchiez. Celui qui me voit, voit aussi le tout-puissant Amour. Je connais les miens et les miens me connaissent. Je donne à mes brebis la vie éternelle, et elles ne périront pas dans l'éternité ; personne ne pourra les arracher de mes mains, ni des mains de mon Père. Moi et mon Père nous sommes un ! »
Comment pourrais-je exprimer en paroles la douce et suprême félicité dans laquelle nous nous épanouîmes, quand celui qui, à chaque moment, devenait plus lumineux, plus gracieux, plus sublime, étendit vers nous ses bras et prononça les paroles suivantes, qui vibreront éternellement pour nous, et qu'aucune puissance ne serait capable de faire disparaître de nos oreilles et de nos cœurs : « Venez ici, vous, élus de mon Père : héritez du royaume qui vous fut préparé depuis le commencement de l'univers. » Après cela, il nous embrassa tous simultanément, et disparut. Nous gardâmes le silence, et, nous sentant étroitement unis pour l'éternité, nous nous répandîmes, sans nous mouvoir, l'un dans l'autre, doucement et remplis d'un bonheur suprême. L'Être infini devint un avec nous, et, en même temps, notre tout, notre ciel, notre vie dans son sens le plus vrai. Mille vies nouvelles semblèrent nous pénétrer. Notre existence antérieure s'évanouit pour nous ; nous recommençâmes d'être ; nous ressentîmes l'immortalité, c'est-à-dire une surabondance de vie et de forces, qui portait le cachet de l'indestructibilité.
Enfin, nous recouvrâmes la parole. Ah ! si je pouvais te communiquer, ne fût-ce qu'un seul son, de notre joyeuse adoration !
« Il existe ! nous sommes ! Par Lui, par Lui seul ! – Il est, – son être n'est que vie et amour ! – Celui qui le voit, vit et aime, est inondé des effluves de l'immortalité et de l'amour provenant de sa face divine, de son regard rempli de félicité suprême !
Nous t'avons vu, amour tout-puissant ! Tu te montras à nous sous la forme humaine, Toi, Dieu des dieux ! Et pourtant Tu ne fus ni homme, ni Dieu, Toi, Homme Dieu !
Tu ne fus qu'amour, tout-puissant seulement comme amour ! – Tu nous soutins par ta toute-puissance, pour empêcher que la force, même adoucie de ton amour, ne nous absorbât en elle.
Est-ce Toi, est-ce Toi ? – Toi que tous les cieux glorifient ; Toi, océan de béatitude ; – Toi, toute-puissance ; – Toi, qui autrefois t'incarnant dans les os humains, portas les fardeaux de la terre, et, ruisselant de sang, suspendu sur la croix, Te fis cadavre ?
Oui, c'est Toi, – Toi, gloire de tous les êtres ! Être devant lequel s'inclinent toutes les natures, qui disparaissent devant Toi, pour être rappelées à vivre en Toi !
Dans un de tes rayons se rencontre la vie de tous les mondes, et de ton souffle ne jaillit que l'amour ! »
Ceci, cher ami, n'est qu'une miette bien minime tombée à terre de la table remplie d'une félicité ineffable dont je me nourrissais. Profites-en, et il te sera donné bientôt davantage. – Aimes, et tu seras aimé. – L'amour seul peut aspirer à la félicité suprême. – L'amour seul peut donner le bonheur, mais uniquement à ceux qui aiment.
Oh ! mon chéri, c'est parce que tu aimes que je puis m'approcher de toi, me communiquer à toi, et te conduire plus vite à la source de la vie.
Amour ! Dieu et le ciel vivent en toi, tout comme ils vivent dans la face et dans le cœur de Jésus-Christ !
J'écris cela, d'après votre chronologie terrestre,
le 13. XI. 1798.
Makariosenagape.
La fin au prochain numéro.
La fin du monde en 1911
La fin du monde en 1911, tel est le titre d'une petite brochure in-18, de 58 pages, répandue à Lyon avec profusion, et qui se trouve dans cette ville chez Josserand, libraire, place Bellecour, n° 3. Aux considérations tirées de la concordance de l'état actuel des choses avec les signes précurseurs annoncés dans l'Evangile, l'auteur ajoute, d'après une autre prophétie, un calcul cabalistique qui fixe la fin du monde à l'an 1911, ni plus ni moins, c'est-à-dire dans 43 ans ; de sorte que, parmi les vivants d'aujourd'hui, plus d'un sera témoin de cette grande catastrophe. Or, il ne s'agit point ici d'une figure ; c'est la fin bien réelle, l'anéantissement de la terre, la dispersion de ses éléments, et la destruction complète de tous ses habitants. Il est regrettable que la manière dont s'accomplira cet évènement ne soit pas indiquée, mais il faut bien laisser quelque chose à l'imprévu.
Il sera précédé du règne de l'Antéchrist ; Selon ces mêmes calculs, qui n'ont pas été faits par Arago, ce personnage est né en 1855 et doit vivre 55 ans et demi ; et comme sa mort doit marquer la fin des temps, cela nous porte juste en 1911, à moins qu'il n'y ait eu quelque erreur de calcul, comme pour 1840.
On se rappelle, en effet, que la fin du monde avait aussi été prédite pour l'année 1840 ; on la croyait tellement certaine, qu'elle était prêchée dans les églises, et nous l'avons vu annoncée dans certains catéchismes de Paris aux enfants de la première communion, ce qui n'a pas laissé d'impressionner fâcheusement quelques jeunes cerveaux. Comme le meilleur moyen de sauver son âme a toujours été de donner de l'argent, de se dépouiller des biens de ce monde qui sont une cause de perdition, des quêtes ont été faites, des donations provoquées dans ce but. Mais l'Esprit du mal se glisse partout en ce siècle de raisonneurs, et pousse aux plus mauvaises pensées ; nous avons entendu, de nos propres oreilles, des élèves de catéchisme faire cette réflexion : « Si, disaient-ils, la fin du monde arrive l'année prochaine, comme on nous l'assure, elle sera pour les prêtres aussi bien que pour les autres ; alors, à quoi donc leur servira l'argent qu'ils demandent ? » Il n'y a vraiment plus d'enfants, sinon des enfants terribles.
En sera-t-il de même de l'an 1911 ? La brochure en question nous donne un moyen certain de nous en assurer, c'est le portrait de l'Antéchrist auquel il sera facile de reconnaître l'original ; il est assez caractéristique pour qu'on ne puisse s'y méprendre. Il est tracé par un célèbre prophète allemand, Holzauzer, né en 1613, et qui a écrit un commentaire sur l'Apocalypse.
Selon Holzauzer, l'Apocalypse n'est autre chose que l'histoire entière de l'Église catholique depuis sa naissance jusqu'à la fin du monde, histoire qu'il partage en sept époques, figurées, dit-il, par les sept Églises auxquelles s'adresse saint Jean. Voici quelques-uns des traits les plus caractéristiques de l'Antéchrist et des événements qui doivent précéder sa venue.
« Nous touchons en ce moment à la fin de la cinquième époque. C'est alors qu'arriveront ces épouvantables malheurs annoncés dans l'Apocalypse (chap. VIII). La peste, la guerre, la famine, les tremblements de terre feront d'innombrables victimes. Tous les peuples se lèveront les uns contre les autres ; la guerre sera générale en Europe ; mais l'incendie éclatera d'abord en Allemagne…
Après ces guerres formidables qui ensanglanteront le monde entier, le protestantisme disparaîtra pour jamais, et l'empire des Turcs s'écroulera. Ce sera le commencement du sixième âge.
Les peuples épuisés par ces combats meurtriers, effrayés par les horribles fléaux qui marqueront la fin de la cinquième époque, reviendront au culte du vrai Dieu. Sortie victorieuse des luttes sans nombre qu'elle aura soutenues contre les hérésies, l'indifférence et la corruption générale, la religion du Christ refleurira plus brillante que jamais. Jamais l'Église catholique n'aura eu un triomphe aussi éclatant. Ses ministres, modèles de toutes les vertus, parcourront le monde pour faire entendre aux hommes la parole de Dieu…
Mais ce triomphe de la religion sera de courte durée. Le vice abattu, mais non anéanti, relèvera peu à peu la tête, et bientôt la corruption, faisant de rapides progrès, envahira de nouveau toutes les classes de la société, et s'introduira jusque dans le sanctuaire. C'est alors que l'on verra l'abomination de la désolation annoncée par le prophète. Le monde entier ne sera plus qu'une immense sentine de vices et de crimes de toutes sortes. Ainsi finira le sixième âge.
Alors viendra sur la terre celui que les prophètes et les Pères de l'Église ont désigné sous le nom d'Antéchrist.
Pauvre et inconnu, il vivra d'une vie misérable pendant son enfance et sa première jeunesse. Elevé par son père dans l'étude des sciences occultes, il s'y adonnera avec fureur et y fera de rapides progrès. Doué d'une intelligence peu commune, d'un esprit ardent et résolu, et d'un caractère de fer, il montrera, dès son berceau, les plus violentes passions. Reconnaissant dans cet enfant les redoutables qualités de celui qui doit un jour le seconder si ardemment dans sa lutte contre le genre humain, Satan tressaillera de joie, et lui communiquera peu à peu toute sa puissance.
Tous ceux qui l'approcheront, seront émerveillés de ses discours et de ses actions. On le regardera comme un enfant prédestiné à de grandes choses, et l'on dira que la main du Seigneur s'est étendue sur lui pour le protéger et le conduire…
Peu à peu, la renommée aidant, et grossissant encore les merveilles attribuées au jeune chef, le nombre de ses sectaires deviendra rapidement très considérable…
Bientôt se voyant à la tête d'une véritable armée composée d'hommes dévoués jusqu'à la mort, il n'hésitera plus à prendre le titre de roi. Pendant quelque temps, il s'occupera d'organiser sa puissance, et de mettre un peu d'ordre parmi ses nouveaux sujets, tout en ne négligeant rien pour en augmenter le nombre. N'ayant pas de nom de famille, il prendra le nom de Christ, que lui auront déjà donné les Juifs…
Son ambition grandissant avec sa fortune, il formera, dans son orgueil, le dessein de conquérir toute la terre, et de soumettre tous les peuples à ses lois…
En quelques jours, l'Antéchrist rassemblera une armée immense, et l'on verra ce nouvel Attila engloutir l'Europe sous les flots de ses hordes barbares. Les armées ennemies, frappées d'épouvante à la vue des nombreux prodiges qu'il fera, se laisseront disperser et anéantir, sans même essayer de combattre. Trois grands royaumes seront conquis sans coup férir. Leurs souverains expieront dans les plus cruels supplices, leur refus de soumission ; et les peuples vaincus seront livrés sans merci à toutes les fureurs d'une soldatesque effrénée. Terrifiés en apprenant ces barbares vengeances, les autres nations se soumettront aussitôt. La terre entière ne formera plus alors qu'un seul et vaste royaume, que l'Antéchrist gouvernera à son gré. Il fera rebâtir, avec une magnificence inouïe, la ville de Jérusalem, et en fera le siège de son empire…
Entraîné par sa fatale destinée, il fera tous ses efforts pour détruire toutes les religions, et surtout la religion catholique. Sur les débris de l'ancien culte, il reconstruira l'édifice d'un culte nouveau, dont il sera à la fois le grand prêtre et l'idole. Cette nouvelle religion aura partout ses défenseurs et ses prêtres. L'un des plus acharnés et des plus terribles, celui que saint Jean a désigné dans les versets 11, 12, 13, du chapitre XIII, par la bête aux deux cornes, semblables à celles de l'agneau, sera le grand apostat. Holzauzer l'appelle ainsi parce qu'il sera un des premiers à renoncer au Christianisme pour se dévouer avec fureur au culte de l'Antéchrist.
En ce temps-là règnera sur le trône de saint Pierre un pontife saint du nom de Pierre. Frappé de douleur à la vue de ces malheurs épouvantables, et prévoyant les dangers terribles que courront les fidèles, il enverra dans toute la chrétienté de saintes exhortations pour prémunir chacun contre les séductions de l'Antéchrist, dont il dévoilera clairement la perfidie. Furieux de cette résistance ouverte et de l'influence immense du Saint-Père, le grand apostat entrera dans Rome à la tête d'une armée, et tuera de sa main le dernier successeur de Pierre sur les marches mêmes de l'autel…
Partout les églises seront envahies, les sanctuaires violés, les objets du culte profanés. Les livres saints seront brûlés, la croix et tous les symboles de notre auguste religion foulés aux pieds et traînés dans la poussière. Les tableaux et les statues exposés à la vénération des fidèles seront renversés ; à leur place s'élèvera la statue maudite de l'Antéchrist. – Et cette statue parlera, dit le prophète…
Et l'on verra des hommes instruits et éloquents prêcher cette idolâtrie d'un nouveau genre, et dans un langage brillant et imagé exalter les louanges de celui dont la statue parle et fait des miracles…
Pour frapper les yeux de la multitude et subjuguer les masses, l'Antéchrist accomplira des prodiges étonnants. Il transportera les montagnes, marchera sur les eaux et s'élèvera dans les airs tout brillant de gloire. Il fera paraître en même temps plusieurs soleils ou plongera la terre dans la plus complète obscurité. A sa voix la foudre tombera du ciel, les rivières suspendront leur cours, les murailles s'écrouleront. Devenant invisible à son gré, il se rendra d'un lieu dans un autre avec une merveilleuse rapidité, et il se montrera dans plusieurs endroits à la fois. Enfin, comme nous l'avons vu, il animera son image et lui communiquera une partie de sa puissance. Mais tous ces prodiges ne seront, pour la plupart, que des illusions d'optique et le résultat d'une fantasmagorie diabolique ; ce ne seront point de vrais miracles, car Satan, avec toute sa puissance, ne saurait changer les lois de la nature… »
Remarque. Si ce ne sont pas là des miracles, dans l'acception rigoureuse du mot, nous ne savons à quoi on peut donner ce nom ; et si ce sont, pour la plupart, des illusions d'optique, ces illusions s'écartent singulièrement des lois de la nature, et seraient elles-mêmes des miracles, car on n'a jamais vu la foudre tomber et les murailles s'écrouler par des effets d'optique. Ce qui ressort de plus clair de cette explication, c'est la difficulté de distinguer les vrais miracles des faux, et de faire, dans les effets de cette nature, la part des saints et celle du diable.
« En même temps qu'il frappera tous les esprits d'étonnement et d'admiration, l'Antéchrist, pour gagner tous les cœurs, affichera tous les dehors de la vertu la plus austère. Pendant qu'il se livrera aux plus honteuses débauches au fond de son palais, il aura l'air de faire croire à sa tempérance et à sa chasteté. Prodiguant autour de lui l'or et l'argent, il fera de grands biens aux pauvres, et ce ne seront en tous lieux que concerts de louanges pour sa bienfaisance et sa charité. On le verra chaque jour passer des heures entières en prières dans son temple ; en un mot, il se couvrira du manteau de l'hypocrisie avec tant d'habileté, que même ses plus fidèles serviteurs seront persuadés de sa vertu et de sa sainteté. »
« Le Seigneur, cependant, ne laissera pas ses enfants sans défense et sans secours pendant ces temps d'épreuve. Enoch et Elie reviendront sur la terre pour y prêcher la parole de Dieu, soutenir le courage des fidèles, et dévoiler les impostures des faux prophètes. Pendant douze cent soixante jours, ou trois ans et demi, ils parcourront le monde, exhortant tous les hommes à faire pénitence et à revenir au culte de Jésus-Christ. Ils opposeront de vrais miracles aux prétendus prodiges de l'Antéchrist et de ses apôtres… Mais après qu'ils auront achevé leur témoignage, la bêle qui monte de l'abîme (l'Antéchrist) leur fera la guerre, les vaincra et les tuera. »
Remarque. On ne saurait affirmer plus carrément la réincarnation. Ce n'est point ici une apparence, une illusion d'optique, c'est bien la réincarnation en chair et en os, puisque les deux prophètes sont tués.
Alors l'orgueil de l'Antéchrist ne connaîtra plus de bornes. Fier de la victoire qu'il vient de remporter sur les deux prophètes qui bravaient si impunément sa puissance depuis trois ans et demi, il se fera construire un trône magnifique sur la montagne des Oliviers, et là, entouré d'une légion de démons transformés en anges de lumière, il se fera adorer par la multitude immense qui sera réunie pour jouir de son triomphe.
Mais le vingt-cinquième jour arrivé, le corps des deux prophètes, animé par le souffle de Dieu, ressuscitera, et ils monteront au ciel, tout brillants de gloire, à la vue de la foule épouvantée. Aveuglé par la colère et la haine, l'Antéchrist annoncera qu'il va monter au ciel y chercher ses ennemis, et les précipiter sur la terre. En effet, parti sur les ailes des démons qui l'entourent, il s'élèvera dans les airs ; mais à ce moment le ciel s'ouvrira, et le Fils de l'homme apparaîtra sur une nuée lumineuse. L'Antéchrist sera précipité du ciel avec son cortège de démons, et la terre s'entrouvrant, il descendra tout vivant dans l'enfer…
Alors la fin du monde sera proche. Il ne s'écoulera plus des années, ni des mois, mais peu de jours, dernier terme donné aux hommes pour faire pénitence. Les prodiges les plus effrayants se succéderont sans relâche, jusqu'à ce que le monde entier périsse dans un immense bouleversement.
Voilà ce qu'annonce Holzauzer, et ceci n'est que l'explication de ce qui est contenu dans l'Apocalypse ; c'est la doctrine de tous les Pères de l'Eglise, renfermée dans l'Evangile et les actes des apôtres. »
Remarque. Ainsi finira donc le monde ! Ce n'est pas le rêve d'un homme, c'est la doctrine de tous les Pères qui sont la lumière de l'Eglise. Ceux de nos lecteurs qui n'ont qu'une idée vague de l'Antéchrist, nous saurons gré de le leur avoir fait connaître avec quelques détails d'après des autorités compétentes. S'il n'a que quarante-trois ans devant lui, nous ne devons pas tarder à voir ce règne merveilleux. A ces signes, nous reconnaîtrons l'approche de la date fatale.
Ce qu'il y a d'étrange dans ce récit, c'est l'effacement de la puissance de Dieu et de son Eglise devant celle de l'Antéchrist. En effet, après un triomphe de courte durée, l'Eglise succombe de nouveau pour ne plus se relever ; la foi de ses ministres n'est pas assez grande pour empêcher la corruption de s'introduire jusque dans le sanctuaire. N'est-ce pas là un aveu naïf de faiblesse et d'impuissance ? Ce sont des choses que l'on peut penser, mais qu'il y a maladresse à crier sur les toits.
Il eût été bien étonnant que le Spiritisme n'eût pas trouvé place dans cette prédiction ; il y est, en effet, indiqué comme l'un des signes des temps, et voici en quels termes. Ce n'est plus Holzauzer qui parle, c'est l'auteur de la brochure.
Mais voici que ces bruits se précisent, que ces terreurs qui paraissent chimériques, prennent de la consistance et se formulent nettement. La fin du monde approche, s'écrie-t-on de toutes parts ! En Europe, dans les pays catholiques, on rappelle de vieilles prophéties qui, toutes, annoncent ce grand événement pour notre époque…
Il n'est pas jusqu'aux Esprits frappeurs qui ne donnent l'alarme. Ouvrez le Livre des Esprits d'Allan Kardec, vous lirez à la première page, dans les prolégomènes, les paroles suivantes : « Les Esprits annoncent que les temps marqués par la Providence pour une manifestation universelle sont arrivés, et qu'étant les ministres de Dieu, et les agents de sa volonté, leur mission est d'instruire et d'éclairer les hommes, en ouvrant une nouvelle ère pour la régénération de l'humanité. »
Remarque. Nous ne voyons pas qu'annoncer la régénération de l'humanité ce soit annoncer sa fin ; ces deux idées se contredisent. Les Esprits, au lieu de donner l'alarme, viennent apporter l'espérance.
Et d'abord le prophète Joël nous dit : « En ces temps-là, la magie couvrira toute la terre, et l'on verra jusqu'aux enfants à la mamelle faire des choses extraordinaires, et tenir des discours comme de grandes personnes. »
Le Spiritisme, cette magie du dix-neuvième siècle, a envahi le monde. Il y a à peine quelques années, en Amérique, en Angleterre, en France, des phénomènes surprenants, inouïs, excitèrent la curiosité générale. Des meubles inertes s'animant à la volonté des opérateurs, se livraient aux plus fantastiques évolutions, et répondaient sans hésitation aux questions qu'on leur adressait. On chercha quelle pouvait être la cause intelligente de ces effets intelligents. Les tables répondirent : Ce sont des Esprits, les âmes des hommes que la mort a enlevés, qui viennent communiquer avec les vivants. De nouveaux phénomènes se produisirent. On entendit comme des coups frappés dans les meubles, dans les murs des habitations ; on vit des objets se mouvoir spontanément ; on entendit des voix, des symphonies ; on vit même des apparitions de personnes mortes depuis longtemps. Les prodiges se multipliaient. Il fallait vouloir pour voir ; il fallait voir pour être convaincu.
Bientôt une nouvelle religion s'organisa. Interrogés, les Esprits rédigèrent eux-mêmes le code de leur nouvelle doctrine. Ce fut, il faut l'avouer, un système philosophique admirablement bien combiné sous tous les rapports. Jamais le plus adroit sophiste ne sut aussi bien déguiser le mensonge et le paradoxe. Ne pouvant pas, sans dévoiler leur origine et éveiller les soupçons, briser tout d'un coup avec les idées de Dieu et de vertu, les Esprits commencent par reconnaître hautement l'existence de ce Dieu, la nécessité de cette vertu ; mais ils font si peu de différence entre le sort des justes et celui des méchants, que l'on est forcément amené, par ces croyances, à satisfaire toutes ses passions, et à chercher dans la mort un refuge contre le malheur. Le crime et le suicide sont les deux conséquences fatales de ces principes, qui paraissent, au premier abord, empreints d'une morale si belle et si pure.
Pour expliquer l'anomalie de ces communications d'outre-tombe, les Esprits n'ont pas pu s'empêcher d'annoncer, ainsi que nous l'avons vu, que les temps marqués par la Providence étaient arrivés ; mais ne voulant pas parler de la fin du monde, ce qui n'entrait nullement dans leur système, ils ont ajouté : « pour la régénération universelle de l'humanité. »
Remarque. - Par une singulière coïncidence, le jour même, 24 février, où nous parvint cette brochure, qui nous était adressée par un de nos correspondants de Lyon, et au moment où nous lisions ces derniers paragraphes, nous recevions des environs de Boulogne-sur-Mer une lettre dont nous extrayons les passages suivants :
« C'est du fond d'une obscure vallée du Boulonais que vous parviennent ces quelques mots, reflets d'une existence souffrante ; car le Spiritisme pénètre partout pour répandre la lumière et les consolations. Personnellement, que de soulagements ne lui dois-je pas, ainsi qu'à vous, monsieur, qui en êtes le dispensateur !
Né de parents très pauvres, chargés de huit enfants, dont je suis l'aîné, hélas ! je n'ai pas encore jusqu'ici gagné mon pain, quoique âgé de vingt-neuf ans, par la débilité de ma constitution. Joignez à cela une propension innée à l'orgueil, à la vanité, à la violence, etc., et jugez de ce que je dus endurer de maux dans ma misérable condition avant que le Spiritisme fût venu m'expliquer l'énigme de ma destinée. C'était au point que j'avais, à part moi, résolu de me suicider.
A cet effet, pour calmer mes appréhensions et les reproches de ma conscience, je m'étais dit, dans ma foi de catholique : Je me frapperai d'un coup qui, tout en étant mortel, ne me fera pas mourir instantanément, et me laissera disposer d'assez d'instants de vie pour que j'aie la possibilité de me confesser, de communier et de manifester mon repentir ; en un mot, de me mettre en état de m'assurer une vie heureuse en l'autre monde, tout en échappant aux maux de celui-ci.
Mon raisonnement était bien absurde, n'est-ce pas, monsieur ? Et pourtant n'était-il pas conséquent avec le dogme qui nous affirme que tout péché, tout crime même, est effacé par le simple aveu fait à un prêtre qui donne l'absolution ? Maintenant, grâce à la connaissance du Spiritisme, de pareilles idées sont à jamais bannies de ma pensée ; cependant que d'imperfections il me reste encore à dépouiller ! »
Ainsi le Spiritisme a empêché un acte, un crime, qui eût été commis, non en l'absence de toute foi, mais bien, dit la personne, par une conséquence même de sa foi catholique. Dans ce cas, quelle a été la plus puissante pour empêcher le mal ? Ce jeune homme sera-t-il damné pour avoir suivi l'impulsion du Spiritisme, œuvre du démon, selon l'auteur de la brochure, et eût-il été sauvé, tout en se suicidant, mais ayant reçu, avant de mourir, l'absolution d'un prêtre ? Que, la main sur la conscience, l'auteur de la brochure réponde à cette question.
Les fragments rapportés ci-dessus ayant été lus à la Société de Paris, notre ancien collègue, Jobard, vint spontanément donner, sur ce sujet, la communication suivante, par un médium en somnambulisme spirituel :
Société de Paris, 28 février. Méd. M. Morin.
Je passais, quand l'écho m'apporta la vibration d'un immense éclat de rire. Je prêtai l'oreille, et, ayant reconnu le bruit du rire des incarnés et des désincarnés, je me dis : La chose est sans doute intéressante ; allons voir !… Et je ne croyais pas, messieurs, avoir le plaisir de venir passer la soirée près de vous. Cependant j'en suis toujours heureux, croyez-le bien, car je sais toute la sympathie que vous avez conservée pour votre ancien collègue.
Je m'approchai donc, et les bruits de la terre m'arrivèrent plus distincts : La fin du monde ! s'écriait-on ; la fin du monde !… Eh ! mon Dieu, me dis-je, si c'est la fin du monde, que vont-ils devenir ?… La voix de votre président et mon ami étant venue jusqu'à moi, je l'entendis qui vous donnait lecture de quelques passages d'une brochure où l'on annonce la fin du monde comme très prochaine. Le sujet m'intéressa ; j'écoutai attentivement, et, après avoir mûrement réfléchi, je viens, comme l'auteur de la brochure, vous dire : Oui, messieurs, la fin du monde est proche !… Oh ! ne vous effrayez pas, mesdames ; car il faut en être bien près pour la toucher, et quand vous la toucherez vous la verrez.
En attendant, je vais, si vous le permettez, vous donner mon appréciation sur ce mot, épouvantail des cerveaux faibles, et aussi des Esprits faibles ; car, sachez-le, si l'appréhension de la fin du monde terrifie les êtres pusillanimes de votre monde, elle frappe également de terreur les êtres arriérés de l'erraticité. Tous ceux qui ne sont point dématérialisés, c'est-à-dire qui, quoique Esprits, vivent plus matériellement que spirituellement, s'effraient à l'idée de la fin du monde, parce qu'ils comprennent, par ce mot, la destruction de la matière. Ne vous étonnez donc pas que cette idée mette en émoi certains Esprits qui ne sauraient que devenir si la terre n'existait plus ; car la terre est encore leur monde, leur point d'appui.
Pour moi, je me suis dit : Oui, la fin du monde est proche ; elle est là, je la vois, je la touche ;… elle est proche pour ceux qui, à leur insu, travaillent à en précipiter l'avènement !… Oui, la fin du monde est proche ;… mais de quel monde est-ce la fin ?
Ce sera la fin du monde de la superstition, du despotisme, des abus entretenus par l'ignorance, la malveillance et l'hypocrisie ; ce sera la fin du monde égoïste et orgueilleux, du paupérisme, de tout ce qui est vil et rabaisse l'homme ; en un mot, de tous les sentiments bas et cupides qui sont le triste apanage de votre monde.
Cette fin du monde, cette grande catastrophe que toutes les religions s'accordent à prévoir, est-elle ce qu'elles entendent ? N'y faut-il pas voir, au contraire, l'accomplissement des hautes destinées de l'humanité ? Si nous réfléchissons à tout ce qui se passe autour de nous, ces signes précurseurs ne sont-ils pas le signal du commencement d'un autre monde, je veux dire d'un autre monde moral, plutôt que celui de la destruction du monde matériel ?
Oui, messieurs, une période d'épuration terrestre se termine en ce moment ; une autre va commencer… Tout concourt à la fin du vieux monde, et ceux qui s'efforcent de le soutenir travaillent énergiquement, sans le vouloir, à sa destruction. Oui, la fin du monde est proche pour eux ; ils le pressentent et s'en effraient, croyez-le bien, plus que de la fin du monde terrestre, parce que c'est la fin de leur domination, de leur prépondérance, à laquelle ils tiennent plus qu'à toute autre chose ; et ce sera, à leur égard, non la vengeance de Dieu, car Dieu ne se venge pas, mais la juste récompense de leurs actes.
Les Esprits sont, comme vous, les fils de leurs œuvres ; s'ils sont bons, c'est parce qu'ils ont travaillé à le devenir ; s'ils sont mauvais, ce n'est pas qu'ils aient travaillé à le devenir, c'est parce qu'ils n'ont pas travaillé à devenir bons.
Amis, la fin du monde est proche, et je vous engage vivement à prendre bonne note de cette prévision ; elle est d'autant plus proche, qu'on travaille déjà à le reconstruire. La sage prévoyance de Celui à qui rien n'échappe veut que tout se construise avant que tout soit détruit ; et lorsque l'édifice nouveau sera couronné, lorsque le faîte sera couvert, c'est alors que s'écroulera l'ancien ; il tombera de lui-même ; de sorte que, entre le vieux monde et le nouveau, il n'y aura pas de solution de continuité.
C'est ainsi qu'il faut entendre la fin du monde que présagent déjà tant de signes précurseurs. Et quels seront les ouvriers les plus puissants pour cette grande transformation ? Ce sont vous, mesdames ; ce sont vous, mesdemoiselles, à l'aide du double levier de l'instruction et du Spiritisme. Chez la femme en qui le Spiritisme a pénétré, il y a plus qu'une femme, il y a un ouvrier spirituel ; dans cet état, tout en travaillant pour elle, la femme travaille encore bien plus que l'homme à l'édification du monument ; car, lorsqu'elle connaîtra toutes les ressources du Spiritisme, et qu'elle saura s'en servir, la plus grande partie de l'œuvre sera faite par elle. En allaitant le corps de son enfant, elle pourra aussi allaiter son esprit ; et qui est meilleur forgeron que le fils d'un forgeron apprenti de son père ? L'enfant sucera ainsi, en grandissant, le lait de la spiritualité, et lorsque vous aurez des Spirites, fils de Spirites et pères de Spirites, la fin du monde, telle que nous la comprenons, ne sera-t-elle pas accomplie ? Étonnez-vous donc, après cela, que le spiritisme soit un épouvantail pour tout ce qui tient au vieux monde, et de l'acharnement qu'on met à l'étouffer dans son berceau !
Jobard.
Il sera précédé du règne de l'Antéchrist ; Selon ces mêmes calculs, qui n'ont pas été faits par Arago, ce personnage est né en 1855 et doit vivre 55 ans et demi ; et comme sa mort doit marquer la fin des temps, cela nous porte juste en 1911, à moins qu'il n'y ait eu quelque erreur de calcul, comme pour 1840.
On se rappelle, en effet, que la fin du monde avait aussi été prédite pour l'année 1840 ; on la croyait tellement certaine, qu'elle était prêchée dans les églises, et nous l'avons vu annoncée dans certains catéchismes de Paris aux enfants de la première communion, ce qui n'a pas laissé d'impressionner fâcheusement quelques jeunes cerveaux. Comme le meilleur moyen de sauver son âme a toujours été de donner de l'argent, de se dépouiller des biens de ce monde qui sont une cause de perdition, des quêtes ont été faites, des donations provoquées dans ce but. Mais l'Esprit du mal se glisse partout en ce siècle de raisonneurs, et pousse aux plus mauvaises pensées ; nous avons entendu, de nos propres oreilles, des élèves de catéchisme faire cette réflexion : « Si, disaient-ils, la fin du monde arrive l'année prochaine, comme on nous l'assure, elle sera pour les prêtres aussi bien que pour les autres ; alors, à quoi donc leur servira l'argent qu'ils demandent ? » Il n'y a vraiment plus d'enfants, sinon des enfants terribles.
En sera-t-il de même de l'an 1911 ? La brochure en question nous donne un moyen certain de nous en assurer, c'est le portrait de l'Antéchrist auquel il sera facile de reconnaître l'original ; il est assez caractéristique pour qu'on ne puisse s'y méprendre. Il est tracé par un célèbre prophète allemand, Holzauzer, né en 1613, et qui a écrit un commentaire sur l'Apocalypse.
Selon Holzauzer, l'Apocalypse n'est autre chose que l'histoire entière de l'Église catholique depuis sa naissance jusqu'à la fin du monde, histoire qu'il partage en sept époques, figurées, dit-il, par les sept Églises auxquelles s'adresse saint Jean. Voici quelques-uns des traits les plus caractéristiques de l'Antéchrist et des événements qui doivent précéder sa venue.
« Nous touchons en ce moment à la fin de la cinquième époque. C'est alors qu'arriveront ces épouvantables malheurs annoncés dans l'Apocalypse (chap. VIII). La peste, la guerre, la famine, les tremblements de terre feront d'innombrables victimes. Tous les peuples se lèveront les uns contre les autres ; la guerre sera générale en Europe ; mais l'incendie éclatera d'abord en Allemagne…
Après ces guerres formidables qui ensanglanteront le monde entier, le protestantisme disparaîtra pour jamais, et l'empire des Turcs s'écroulera. Ce sera le commencement du sixième âge.
Les peuples épuisés par ces combats meurtriers, effrayés par les horribles fléaux qui marqueront la fin de la cinquième époque, reviendront au culte du vrai Dieu. Sortie victorieuse des luttes sans nombre qu'elle aura soutenues contre les hérésies, l'indifférence et la corruption générale, la religion du Christ refleurira plus brillante que jamais. Jamais l'Église catholique n'aura eu un triomphe aussi éclatant. Ses ministres, modèles de toutes les vertus, parcourront le monde pour faire entendre aux hommes la parole de Dieu…
Mais ce triomphe de la religion sera de courte durée. Le vice abattu, mais non anéanti, relèvera peu à peu la tête, et bientôt la corruption, faisant de rapides progrès, envahira de nouveau toutes les classes de la société, et s'introduira jusque dans le sanctuaire. C'est alors que l'on verra l'abomination de la désolation annoncée par le prophète. Le monde entier ne sera plus qu'une immense sentine de vices et de crimes de toutes sortes. Ainsi finira le sixième âge.
Alors viendra sur la terre celui que les prophètes et les Pères de l'Église ont désigné sous le nom d'Antéchrist.
Pauvre et inconnu, il vivra d'une vie misérable pendant son enfance et sa première jeunesse. Elevé par son père dans l'étude des sciences occultes, il s'y adonnera avec fureur et y fera de rapides progrès. Doué d'une intelligence peu commune, d'un esprit ardent et résolu, et d'un caractère de fer, il montrera, dès son berceau, les plus violentes passions. Reconnaissant dans cet enfant les redoutables qualités de celui qui doit un jour le seconder si ardemment dans sa lutte contre le genre humain, Satan tressaillera de joie, et lui communiquera peu à peu toute sa puissance.
Tous ceux qui l'approcheront, seront émerveillés de ses discours et de ses actions. On le regardera comme un enfant prédestiné à de grandes choses, et l'on dira que la main du Seigneur s'est étendue sur lui pour le protéger et le conduire…
Peu à peu, la renommée aidant, et grossissant encore les merveilles attribuées au jeune chef, le nombre de ses sectaires deviendra rapidement très considérable…
Bientôt se voyant à la tête d'une véritable armée composée d'hommes dévoués jusqu'à la mort, il n'hésitera plus à prendre le titre de roi. Pendant quelque temps, il s'occupera d'organiser sa puissance, et de mettre un peu d'ordre parmi ses nouveaux sujets, tout en ne négligeant rien pour en augmenter le nombre. N'ayant pas de nom de famille, il prendra le nom de Christ, que lui auront déjà donné les Juifs…
Son ambition grandissant avec sa fortune, il formera, dans son orgueil, le dessein de conquérir toute la terre, et de soumettre tous les peuples à ses lois…
En quelques jours, l'Antéchrist rassemblera une armée immense, et l'on verra ce nouvel Attila engloutir l'Europe sous les flots de ses hordes barbares. Les armées ennemies, frappées d'épouvante à la vue des nombreux prodiges qu'il fera, se laisseront disperser et anéantir, sans même essayer de combattre. Trois grands royaumes seront conquis sans coup férir. Leurs souverains expieront dans les plus cruels supplices, leur refus de soumission ; et les peuples vaincus seront livrés sans merci à toutes les fureurs d'une soldatesque effrénée. Terrifiés en apprenant ces barbares vengeances, les autres nations se soumettront aussitôt. La terre entière ne formera plus alors qu'un seul et vaste royaume, que l'Antéchrist gouvernera à son gré. Il fera rebâtir, avec une magnificence inouïe, la ville de Jérusalem, et en fera le siège de son empire…
Entraîné par sa fatale destinée, il fera tous ses efforts pour détruire toutes les religions, et surtout la religion catholique. Sur les débris de l'ancien culte, il reconstruira l'édifice d'un culte nouveau, dont il sera à la fois le grand prêtre et l'idole. Cette nouvelle religion aura partout ses défenseurs et ses prêtres. L'un des plus acharnés et des plus terribles, celui que saint Jean a désigné dans les versets 11, 12, 13, du chapitre XIII, par la bête aux deux cornes, semblables à celles de l'agneau, sera le grand apostat. Holzauzer l'appelle ainsi parce qu'il sera un des premiers à renoncer au Christianisme pour se dévouer avec fureur au culte de l'Antéchrist.
En ce temps-là règnera sur le trône de saint Pierre un pontife saint du nom de Pierre. Frappé de douleur à la vue de ces malheurs épouvantables, et prévoyant les dangers terribles que courront les fidèles, il enverra dans toute la chrétienté de saintes exhortations pour prémunir chacun contre les séductions de l'Antéchrist, dont il dévoilera clairement la perfidie. Furieux de cette résistance ouverte et de l'influence immense du Saint-Père, le grand apostat entrera dans Rome à la tête d'une armée, et tuera de sa main le dernier successeur de Pierre sur les marches mêmes de l'autel…
Partout les églises seront envahies, les sanctuaires violés, les objets du culte profanés. Les livres saints seront brûlés, la croix et tous les symboles de notre auguste religion foulés aux pieds et traînés dans la poussière. Les tableaux et les statues exposés à la vénération des fidèles seront renversés ; à leur place s'élèvera la statue maudite de l'Antéchrist. – Et cette statue parlera, dit le prophète…
Et l'on verra des hommes instruits et éloquents prêcher cette idolâtrie d'un nouveau genre, et dans un langage brillant et imagé exalter les louanges de celui dont la statue parle et fait des miracles…
Pour frapper les yeux de la multitude et subjuguer les masses, l'Antéchrist accomplira des prodiges étonnants. Il transportera les montagnes, marchera sur les eaux et s'élèvera dans les airs tout brillant de gloire. Il fera paraître en même temps plusieurs soleils ou plongera la terre dans la plus complète obscurité. A sa voix la foudre tombera du ciel, les rivières suspendront leur cours, les murailles s'écrouleront. Devenant invisible à son gré, il se rendra d'un lieu dans un autre avec une merveilleuse rapidité, et il se montrera dans plusieurs endroits à la fois. Enfin, comme nous l'avons vu, il animera son image et lui communiquera une partie de sa puissance. Mais tous ces prodiges ne seront, pour la plupart, que des illusions d'optique et le résultat d'une fantasmagorie diabolique ; ce ne seront point de vrais miracles, car Satan, avec toute sa puissance, ne saurait changer les lois de la nature… »
Remarque. Si ce ne sont pas là des miracles, dans l'acception rigoureuse du mot, nous ne savons à quoi on peut donner ce nom ; et si ce sont, pour la plupart, des illusions d'optique, ces illusions s'écartent singulièrement des lois de la nature, et seraient elles-mêmes des miracles, car on n'a jamais vu la foudre tomber et les murailles s'écrouler par des effets d'optique. Ce qui ressort de plus clair de cette explication, c'est la difficulté de distinguer les vrais miracles des faux, et de faire, dans les effets de cette nature, la part des saints et celle du diable.
« En même temps qu'il frappera tous les esprits d'étonnement et d'admiration, l'Antéchrist, pour gagner tous les cœurs, affichera tous les dehors de la vertu la plus austère. Pendant qu'il se livrera aux plus honteuses débauches au fond de son palais, il aura l'air de faire croire à sa tempérance et à sa chasteté. Prodiguant autour de lui l'or et l'argent, il fera de grands biens aux pauvres, et ce ne seront en tous lieux que concerts de louanges pour sa bienfaisance et sa charité. On le verra chaque jour passer des heures entières en prières dans son temple ; en un mot, il se couvrira du manteau de l'hypocrisie avec tant d'habileté, que même ses plus fidèles serviteurs seront persuadés de sa vertu et de sa sainteté. »
« Le Seigneur, cependant, ne laissera pas ses enfants sans défense et sans secours pendant ces temps d'épreuve. Enoch et Elie reviendront sur la terre pour y prêcher la parole de Dieu, soutenir le courage des fidèles, et dévoiler les impostures des faux prophètes. Pendant douze cent soixante jours, ou trois ans et demi, ils parcourront le monde, exhortant tous les hommes à faire pénitence et à revenir au culte de Jésus-Christ. Ils opposeront de vrais miracles aux prétendus prodiges de l'Antéchrist et de ses apôtres… Mais après qu'ils auront achevé leur témoignage, la bêle qui monte de l'abîme (l'Antéchrist) leur fera la guerre, les vaincra et les tuera. »
Remarque. On ne saurait affirmer plus carrément la réincarnation. Ce n'est point ici une apparence, une illusion d'optique, c'est bien la réincarnation en chair et en os, puisque les deux prophètes sont tués.
Alors l'orgueil de l'Antéchrist ne connaîtra plus de bornes. Fier de la victoire qu'il vient de remporter sur les deux prophètes qui bravaient si impunément sa puissance depuis trois ans et demi, il se fera construire un trône magnifique sur la montagne des Oliviers, et là, entouré d'une légion de démons transformés en anges de lumière, il se fera adorer par la multitude immense qui sera réunie pour jouir de son triomphe.
Mais le vingt-cinquième jour arrivé, le corps des deux prophètes, animé par le souffle de Dieu, ressuscitera, et ils monteront au ciel, tout brillants de gloire, à la vue de la foule épouvantée. Aveuglé par la colère et la haine, l'Antéchrist annoncera qu'il va monter au ciel y chercher ses ennemis, et les précipiter sur la terre. En effet, parti sur les ailes des démons qui l'entourent, il s'élèvera dans les airs ; mais à ce moment le ciel s'ouvrira, et le Fils de l'homme apparaîtra sur une nuée lumineuse. L'Antéchrist sera précipité du ciel avec son cortège de démons, et la terre s'entrouvrant, il descendra tout vivant dans l'enfer…
Alors la fin du monde sera proche. Il ne s'écoulera plus des années, ni des mois, mais peu de jours, dernier terme donné aux hommes pour faire pénitence. Les prodiges les plus effrayants se succéderont sans relâche, jusqu'à ce que le monde entier périsse dans un immense bouleversement.
Voilà ce qu'annonce Holzauzer, et ceci n'est que l'explication de ce qui est contenu dans l'Apocalypse ; c'est la doctrine de tous les Pères de l'Eglise, renfermée dans l'Evangile et les actes des apôtres. »
Remarque. Ainsi finira donc le monde ! Ce n'est pas le rêve d'un homme, c'est la doctrine de tous les Pères qui sont la lumière de l'Eglise. Ceux de nos lecteurs qui n'ont qu'une idée vague de l'Antéchrist, nous saurons gré de le leur avoir fait connaître avec quelques détails d'après des autorités compétentes. S'il n'a que quarante-trois ans devant lui, nous ne devons pas tarder à voir ce règne merveilleux. A ces signes, nous reconnaîtrons l'approche de la date fatale.
Ce qu'il y a d'étrange dans ce récit, c'est l'effacement de la puissance de Dieu et de son Eglise devant celle de l'Antéchrist. En effet, après un triomphe de courte durée, l'Eglise succombe de nouveau pour ne plus se relever ; la foi de ses ministres n'est pas assez grande pour empêcher la corruption de s'introduire jusque dans le sanctuaire. N'est-ce pas là un aveu naïf de faiblesse et d'impuissance ? Ce sont des choses que l'on peut penser, mais qu'il y a maladresse à crier sur les toits.
Il eût été bien étonnant que le Spiritisme n'eût pas trouvé place dans cette prédiction ; il y est, en effet, indiqué comme l'un des signes des temps, et voici en quels termes. Ce n'est plus Holzauzer qui parle, c'est l'auteur de la brochure.
Mais voici que ces bruits se précisent, que ces terreurs qui paraissent chimériques, prennent de la consistance et se formulent nettement. La fin du monde approche, s'écrie-t-on de toutes parts ! En Europe, dans les pays catholiques, on rappelle de vieilles prophéties qui, toutes, annoncent ce grand événement pour notre époque…
Il n'est pas jusqu'aux Esprits frappeurs qui ne donnent l'alarme. Ouvrez le Livre des Esprits d'Allan Kardec, vous lirez à la première page, dans les prolégomènes, les paroles suivantes : « Les Esprits annoncent que les temps marqués par la Providence pour une manifestation universelle sont arrivés, et qu'étant les ministres de Dieu, et les agents de sa volonté, leur mission est d'instruire et d'éclairer les hommes, en ouvrant une nouvelle ère pour la régénération de l'humanité. »
Remarque. Nous ne voyons pas qu'annoncer la régénération de l'humanité ce soit annoncer sa fin ; ces deux idées se contredisent. Les Esprits, au lieu de donner l'alarme, viennent apporter l'espérance.
Et d'abord le prophète Joël nous dit : « En ces temps-là, la magie couvrira toute la terre, et l'on verra jusqu'aux enfants à la mamelle faire des choses extraordinaires, et tenir des discours comme de grandes personnes. »
Le Spiritisme, cette magie du dix-neuvième siècle, a envahi le monde. Il y a à peine quelques années, en Amérique, en Angleterre, en France, des phénomènes surprenants, inouïs, excitèrent la curiosité générale. Des meubles inertes s'animant à la volonté des opérateurs, se livraient aux plus fantastiques évolutions, et répondaient sans hésitation aux questions qu'on leur adressait. On chercha quelle pouvait être la cause intelligente de ces effets intelligents. Les tables répondirent : Ce sont des Esprits, les âmes des hommes que la mort a enlevés, qui viennent communiquer avec les vivants. De nouveaux phénomènes se produisirent. On entendit comme des coups frappés dans les meubles, dans les murs des habitations ; on vit des objets se mouvoir spontanément ; on entendit des voix, des symphonies ; on vit même des apparitions de personnes mortes depuis longtemps. Les prodiges se multipliaient. Il fallait vouloir pour voir ; il fallait voir pour être convaincu.
Bientôt une nouvelle religion s'organisa. Interrogés, les Esprits rédigèrent eux-mêmes le code de leur nouvelle doctrine. Ce fut, il faut l'avouer, un système philosophique admirablement bien combiné sous tous les rapports. Jamais le plus adroit sophiste ne sut aussi bien déguiser le mensonge et le paradoxe. Ne pouvant pas, sans dévoiler leur origine et éveiller les soupçons, briser tout d'un coup avec les idées de Dieu et de vertu, les Esprits commencent par reconnaître hautement l'existence de ce Dieu, la nécessité de cette vertu ; mais ils font si peu de différence entre le sort des justes et celui des méchants, que l'on est forcément amené, par ces croyances, à satisfaire toutes ses passions, et à chercher dans la mort un refuge contre le malheur. Le crime et le suicide sont les deux conséquences fatales de ces principes, qui paraissent, au premier abord, empreints d'une morale si belle et si pure.
Pour expliquer l'anomalie de ces communications d'outre-tombe, les Esprits n'ont pas pu s'empêcher d'annoncer, ainsi que nous l'avons vu, que les temps marqués par la Providence étaient arrivés ; mais ne voulant pas parler de la fin du monde, ce qui n'entrait nullement dans leur système, ils ont ajouté : « pour la régénération universelle de l'humanité. »
Remarque. - Par une singulière coïncidence, le jour même, 24 février, où nous parvint cette brochure, qui nous était adressée par un de nos correspondants de Lyon, et au moment où nous lisions ces derniers paragraphes, nous recevions des environs de Boulogne-sur-Mer une lettre dont nous extrayons les passages suivants :
« C'est du fond d'une obscure vallée du Boulonais que vous parviennent ces quelques mots, reflets d'une existence souffrante ; car le Spiritisme pénètre partout pour répandre la lumière et les consolations. Personnellement, que de soulagements ne lui dois-je pas, ainsi qu'à vous, monsieur, qui en êtes le dispensateur !
Né de parents très pauvres, chargés de huit enfants, dont je suis l'aîné, hélas ! je n'ai pas encore jusqu'ici gagné mon pain, quoique âgé de vingt-neuf ans, par la débilité de ma constitution. Joignez à cela une propension innée à l'orgueil, à la vanité, à la violence, etc., et jugez de ce que je dus endurer de maux dans ma misérable condition avant que le Spiritisme fût venu m'expliquer l'énigme de ma destinée. C'était au point que j'avais, à part moi, résolu de me suicider.
A cet effet, pour calmer mes appréhensions et les reproches de ma conscience, je m'étais dit, dans ma foi de catholique : Je me frapperai d'un coup qui, tout en étant mortel, ne me fera pas mourir instantanément, et me laissera disposer d'assez d'instants de vie pour que j'aie la possibilité de me confesser, de communier et de manifester mon repentir ; en un mot, de me mettre en état de m'assurer une vie heureuse en l'autre monde, tout en échappant aux maux de celui-ci.
Mon raisonnement était bien absurde, n'est-ce pas, monsieur ? Et pourtant n'était-il pas conséquent avec le dogme qui nous affirme que tout péché, tout crime même, est effacé par le simple aveu fait à un prêtre qui donne l'absolution ? Maintenant, grâce à la connaissance du Spiritisme, de pareilles idées sont à jamais bannies de ma pensée ; cependant que d'imperfections il me reste encore à dépouiller ! »
Ainsi le Spiritisme a empêché un acte, un crime, qui eût été commis, non en l'absence de toute foi, mais bien, dit la personne, par une conséquence même de sa foi catholique. Dans ce cas, quelle a été la plus puissante pour empêcher le mal ? Ce jeune homme sera-t-il damné pour avoir suivi l'impulsion du Spiritisme, œuvre du démon, selon l'auteur de la brochure, et eût-il été sauvé, tout en se suicidant, mais ayant reçu, avant de mourir, l'absolution d'un prêtre ? Que, la main sur la conscience, l'auteur de la brochure réponde à cette question.
Les fragments rapportés ci-dessus ayant été lus à la Société de Paris, notre ancien collègue, Jobard, vint spontanément donner, sur ce sujet, la communication suivante, par un médium en somnambulisme spirituel :
Société de Paris, 28 février. Méd. M. Morin.
Je passais, quand l'écho m'apporta la vibration d'un immense éclat de rire. Je prêtai l'oreille, et, ayant reconnu le bruit du rire des incarnés et des désincarnés, je me dis : La chose est sans doute intéressante ; allons voir !… Et je ne croyais pas, messieurs, avoir le plaisir de venir passer la soirée près de vous. Cependant j'en suis toujours heureux, croyez-le bien, car je sais toute la sympathie que vous avez conservée pour votre ancien collègue.
Je m'approchai donc, et les bruits de la terre m'arrivèrent plus distincts : La fin du monde ! s'écriait-on ; la fin du monde !… Eh ! mon Dieu, me dis-je, si c'est la fin du monde, que vont-ils devenir ?… La voix de votre président et mon ami étant venue jusqu'à moi, je l'entendis qui vous donnait lecture de quelques passages d'une brochure où l'on annonce la fin du monde comme très prochaine. Le sujet m'intéressa ; j'écoutai attentivement, et, après avoir mûrement réfléchi, je viens, comme l'auteur de la brochure, vous dire : Oui, messieurs, la fin du monde est proche !… Oh ! ne vous effrayez pas, mesdames ; car il faut en être bien près pour la toucher, et quand vous la toucherez vous la verrez.
En attendant, je vais, si vous le permettez, vous donner mon appréciation sur ce mot, épouvantail des cerveaux faibles, et aussi des Esprits faibles ; car, sachez-le, si l'appréhension de la fin du monde terrifie les êtres pusillanimes de votre monde, elle frappe également de terreur les êtres arriérés de l'erraticité. Tous ceux qui ne sont point dématérialisés, c'est-à-dire qui, quoique Esprits, vivent plus matériellement que spirituellement, s'effraient à l'idée de la fin du monde, parce qu'ils comprennent, par ce mot, la destruction de la matière. Ne vous étonnez donc pas que cette idée mette en émoi certains Esprits qui ne sauraient que devenir si la terre n'existait plus ; car la terre est encore leur monde, leur point d'appui.
Pour moi, je me suis dit : Oui, la fin du monde est proche ; elle est là, je la vois, je la touche ;… elle est proche pour ceux qui, à leur insu, travaillent à en précipiter l'avènement !… Oui, la fin du monde est proche ;… mais de quel monde est-ce la fin ?
Ce sera la fin du monde de la superstition, du despotisme, des abus entretenus par l'ignorance, la malveillance et l'hypocrisie ; ce sera la fin du monde égoïste et orgueilleux, du paupérisme, de tout ce qui est vil et rabaisse l'homme ; en un mot, de tous les sentiments bas et cupides qui sont le triste apanage de votre monde.
Cette fin du monde, cette grande catastrophe que toutes les religions s'accordent à prévoir, est-elle ce qu'elles entendent ? N'y faut-il pas voir, au contraire, l'accomplissement des hautes destinées de l'humanité ? Si nous réfléchissons à tout ce qui se passe autour de nous, ces signes précurseurs ne sont-ils pas le signal du commencement d'un autre monde, je veux dire d'un autre monde moral, plutôt que celui de la destruction du monde matériel ?
Oui, messieurs, une période d'épuration terrestre se termine en ce moment ; une autre va commencer… Tout concourt à la fin du vieux monde, et ceux qui s'efforcent de le soutenir travaillent énergiquement, sans le vouloir, à sa destruction. Oui, la fin du monde est proche pour eux ; ils le pressentent et s'en effraient, croyez-le bien, plus que de la fin du monde terrestre, parce que c'est la fin de leur domination, de leur prépondérance, à laquelle ils tiennent plus qu'à toute autre chose ; et ce sera, à leur égard, non la vengeance de Dieu, car Dieu ne se venge pas, mais la juste récompense de leurs actes.
Les Esprits sont, comme vous, les fils de leurs œuvres ; s'ils sont bons, c'est parce qu'ils ont travaillé à le devenir ; s'ils sont mauvais, ce n'est pas qu'ils aient travaillé à le devenir, c'est parce qu'ils n'ont pas travaillé à devenir bons.
Amis, la fin du monde est proche, et je vous engage vivement à prendre bonne note de cette prévision ; elle est d'autant plus proche, qu'on travaille déjà à le reconstruire. La sage prévoyance de Celui à qui rien n'échappe veut que tout se construise avant que tout soit détruit ; et lorsque l'édifice nouveau sera couronné, lorsque le faîte sera couvert, c'est alors que s'écroulera l'ancien ; il tombera de lui-même ; de sorte que, entre le vieux monde et le nouveau, il n'y aura pas de solution de continuité.
C'est ainsi qu'il faut entendre la fin du monde que présagent déjà tant de signes précurseurs. Et quels seront les ouvriers les plus puissants pour cette grande transformation ? Ce sont vous, mesdames ; ce sont vous, mesdemoiselles, à l'aide du double levier de l'instruction et du Spiritisme. Chez la femme en qui le Spiritisme a pénétré, il y a plus qu'une femme, il y a un ouvrier spirituel ; dans cet état, tout en travaillant pour elle, la femme travaille encore bien plus que l'homme à l'édification du monument ; car, lorsqu'elle connaîtra toutes les ressources du Spiritisme, et qu'elle saura s'en servir, la plus grande partie de l'œuvre sera faite par elle. En allaitant le corps de son enfant, elle pourra aussi allaiter son esprit ; et qui est meilleur forgeron que le fils d'un forgeron apprenti de son père ? L'enfant sucera ainsi, en grandissant, le lait de la spiritualité, et lorsque vous aurez des Spirites, fils de Spirites et pères de Spirites, la fin du monde, telle que nous la comprenons, ne sera-t-elle pas accomplie ? Étonnez-vous donc, après cela, que le spiritisme soit un épouvantail pour tout ce qui tient au vieux monde, et de l'acharnement qu'on met à l'étouffer dans son berceau !
Jobard.
L'intolérance et la persécution à l'égard du Spiritisme
Le fait suivant nous est signalé par un de nos correspondants. Nous taisons, par convenance, le nom du lieu où il s'est passé, mais, au besoin, nous avons la pièce justificative entre les mains.
Le curé de …, ayant appris qu'une de ses paroissiennes avait reçu le Livre des Esprits, vint la trouver chez elle et lui fit une scène scandaleuse en l'apostrophant d'épithètes fort peu évangéliques ; il la menaça, en outre, de ne pas l'enterrer quand elle mourrait, si elle ne croyait pas au diable et à l'enfer ; puis, s'emparant du livre, il l'emporta.
A quelques jours de là, cette dame, que cette algarade avait fort peu touchée, alla chez le prêtre lui redemander son livre, se disant en elle-même que, s'il ne le lui rendait pas, il n'était pas difficile de s'en procurer un autre, et qu'elle saurait bien le mettre en lieu de sûreté.
Le livre fut rendu, mais dans un état qui prouvait qu'une sainte colère s'était déchargée sur lui. Il était maculé de ratures, d'annotations, de réfutations, où les Esprits étaient traités de menteurs, de démons, de stupides, etc. La foi de cette dame, loin d'être ébranlée, n'en a été que plus fortifiée. On prend, dit-on, plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre ; le prêtre lui a présenté le vinaigre, elle a préféré le miel, et elle s'est dit : Pardonnez-lui, Seigneur, car il ne sait ce qu'il fait. De quel côté était le vrai christianisme ?
Les scènes de cette nature étaient très fréquentes il y a sept ou huit ans, et avaient parfois un caractère de violence qui tournait au burlesque. On se rappelle ce missionnaire qui écumait de rage en prêchant contre le Spiritisme, et s'agitait avec tant de fureur qu'on craignît, un instant qu'il ne tombât de la chaire. Et cet autre prédicateur qui conviait tous les détenteurs d'ouvrages spirites à les lui apporter pour y mettre le feu sur la place publique. Malheureusement pour lui, il n'en fut pas apporté un seul, et l'on s'en dédommagea en brûlant dans la cour du séminaire tous ceux que l'on put se procurer chez des libraires. Aujourd'hui que l'on en a reconnu l'inutilité et les inconvénients, ces démonstrations excentriques sont fort rares ; l'expérience a prouvé qu'elles ont plus détourné de l'Église que du Spiritisme.
Le fait rapporté ci-dessus a un caractère d'une gravité particulière. Le prêtre, dans son église, est chez lui, sur son terrain ; donner ou refuser des prières selon sa conscience, est dans son droit ; il en use sans doute parfois d'une manière plus nuisible qu'utile à la cause qu'il défend, mais enfin il est dans son droit, et nous trouvons illogique que des personnes qui sont, de pensées sinon de fait, séparées de l'Église, qui ne remplissent aucun des devoirs qu'elle impose, aient la prétention de contraindre un prêtre à faire ce qu'à tort ou à raison, il considère comme contraire à sa règle. Si vous ne croyez pas à l'efficacité de ses prières, pourquoi en exiger de lui ? Mais par la même raison, il outrepasse son droit quand il s'impose à ceux qui ne le demandent pas.
Dans le cas dont il s'agit, de quel droit ce prêtre allait-il violenter la conscience de cette dame dans son propre domicile, y faire une visite inquisitoriale, et s'emparer de ce qui ne lui appartenait pas ? Qu'est-ce que la religion gagne à ces excès de zèle ? Les amis maladroits sont toujours nuisibles.
Ce fait, en lui-même, est de peu d'importance, et ce n'est, en définitive, qu'une petite tracasserie qui prouve l'étroitesse des idées de son auteur ; nous n'en aurions pas parlé, s'il ne se liait à des faits plus graves, aux persécutions proprement dites dont les conséquences sont plus sérieuses.
Etrange anomalie ! Quelle que soit la position d'un homme, officielle ou subordonnée à un titre quelconque, on ne lui conteste pas le droit d'être protestant, juif ou même rien du tout ; il peut être ouvertement incrédule, matérialiste ou athée ; il peut préconiser telle ou telle philosophie, mais il n'a pas le droit d'être Spirite. S'il est soupçonné de Spiritisme, comme jadis on était soupçonné de jansénisme, il est suspect ; si la chose est avouée, il est regardé de travers par ses supérieurs lorsque ceux-ci ne pensent pas comme lui, considéré comme un perturbateur de la société, lui qui abjure toute idée de haine et de vengeance, qui a pour règle de conduite la charité chrétienne dans sa plus rigoureuse acception, la bienveillance pour tous, la tolérance, l'oubli et le pardon des injures, en un mot, toutes les maximes qui sont la garantie de l'ordre social, et le plus grand frein des mauvaises passions. Eh bien ! ce qui, de tous temps et chez tous les peuples civilisés, est un titre à l'estime des honnêtes gens, devient un signe de réprobation aux yeux de certaines personnes qui ne pardonnent pas à un homme d'être devenu meilleur par le Spiritisme ! Quels que soient ses qualités, ses talents, les services rendus, s'il n'est pas indépendant, si sa position n'est invulnérable, une main, instrument d'une volonté occulte, s'appesantit sur lui, le frappe, s'il se peut, dans ses moyens d'existence, dans ses affections les plus chères, et jusque dans sa considération.
« Que de pareilles choses se passent dans des contrées où la foi exclusive érige l'intolérance en principe comme sa meilleure sauvegarde, cela n'a rien de surprenant ; mais qu'elles aient lieu dans des pays où la liberté de conscience est inscrite au Code des lois comme un droit naturel, on le comprend plus difficilement. Il faut donc qu'on ait bien peur de ce Spiritisme qu'on affecte cependant de présenter comme une idée creuse, une chimère, une utopie, une niaiserie qu'un souffle de la raison peut abattre ! Si cette lumière fantastique n'est pas encore éteinte, ce n'est pourtant pas faute d'avoir soufflé dessus. Soufflez donc, soufflez toujours : il est des flammes que l'on attise en soufflant au lieu de les éteindre.
Cependant, diront quelques-uns, que peut-on reprocher à celui qui ne veut et ne pratique que le bien ; qui remplit les devoirs de sa charge avec zèle, probité, loyauté et dévouement ; qui enseigne à aimer Dieu et son prochain ; qui prêche la concorde et convie tous les hommes à se traiter en frères sans acception de cultes ni de nationalités ? Ne travaille-t-il pas à l'apaisement des dissensions et des antagonismes qui ont causé tant de désastres ? N'est-il pas le véritable apôtre de la paix ? En ralliant à ses principes le plus grand nombre possible d'adhérents, par sa logique, par l'autorité de sa position, et surtout par son exemple, ne préviendra-t-il pas des conflits regrettables ? Si, au lieu d'un, il y en a dix, cent, mille, leur influence salutaire n'en sera-t-elle pas d'autant plus grande ? De tels hommes sont des auxiliaires précieux ; on n'en a jamais assez ; ne devrait-on pas les encourager, les honorer ? La doctrine qui fait pénétrer ces principes dans le cœur de l'homme par la conviction appuyée sur une foi sincère, n'est-elle pas un gage de sécurité ? Où a-t-on vu, d'ailleurs, que les Spirites fussent des turbulents et des fauteurs de trouble ? Ne se sont-ils pas, au contraire, toujours et partout signalés comme des gens paisibles et amis de l'ordre ? Toutes les fois qu'ils ont été provoqués par des actes de malveillance, au lieu d'user de représailles, n'ont-ils pas évité avec soin tout ce qui aurait pu être une cause de désordre ? L'autorité a-t-elle jamais eu à sévir contre eux pour aucun acte contraire à la tranquillité publique ? Non, car un fonctionnaire, chargé du maintien de l'ordre, disait naguère que si tous ses administrés étaient Spirites, il pourrait fermer son bureau. Est-il un hommage plus caractéristique rendu aux sentiments qui les animent ? Et à quel mot d'ordre obéissent-ils ? à celui de leur conscience seul, puisqu'ils ne relèvent d'aucune personnalité patente ou cachée dans l'ombre. Leur doctrine est leur loi, et cette loi leur prescrit de faire le bien et d'éviter le mal ; par sa puissance moralisatrice, elle a ramené à la modération des hommes exaltés, ne craignant rien, ni Dieu ni la justice humaine, et capables de tout. Si elle était populaire, de quel poids ne pèserait-elle pas dans les moments d'effervescence et dans les centres turbulents ? En quoi donc cette doctrine peut-elle être un motif de réprobation ? Comment peut-elle appeler la persécution sur ceux qui la professent et la propagent ?
Vous vous étonnez qu'une doctrine qui ne produit que le bien ait des adversaires ! Mais vous ne connaissez donc pas l'aveuglement de l'esprit de parti ? Est-ce qu'il a jamais considéré le bien que peut faire une chose lorsqu'elle est contraire à ses opinions ou à ses intérêts matériels ? N'oubliez pas que certains opposants le sont par système bien plus que par ignorance. C'est en vain que vous espéreriez les amener à vous par la logique de vos raisonnements, et par la perspective des effets salutaires de la doctrine ; ils savent cela aussi bien que vous, et c'est précisément parce qu'ils le savent qu'ils n'en veulent pas ; plus cette logique est rigoureuse et irrésistible, plus elle les exaspère, parce qu'elle leur ferme la bouche. Plus on leur démontre le bien que produit le Spiritisme, plus ils s'irritent, parce qu'ils sentent que là est sa force ; aussi, dût-il sauver le pays des plus grands désastres, ils le repousseraient quand même. Vous triompherez d'un incrédule, d'un athée de bonne foi, d'une âme vicieuse et corrompue, mais des gens de parti pris, jamais !
Qu'espèrent-ils donc de la persécution ? Arrêter l'essor des idées nouvelles par l'intimidation ? Voyons, en quelques mots, si ce but peut être atteint.
Toutes les grandes idées, toutes les idées rénovatrices, aussi bien dans l'ordre scientifique que dans l'ordre moral, ont reçu le baptême de la persécution, et cela devait être, parce qu'elles froissaient les intérêts de ceux qui vivaient des vieilles idées, des préjugés et des abus. Mais dès lors que ces idées constituaient des vérités, est-ce que l’on n’a jamais vu que la persécution en ait arrêté le cours ? L'histoire de tous les temps n'est-elle pas là pour prouver qu'elles ont, au contraire, grandi, qu'elles se sont consolidées, propagées par l'effet même de la persécution ? La persécution a été le stimulant, l'aiguillon qui les a poussées en avant, et fait avancer plus vite en surexcitant les esprits, de sorte que les persécuteurs ont travaillé contre eux-mêmes, et n'ont gagné que d'être stigmatisés par la postérité. On n'a persécuté que les idées auxquelles on voyait de l'avenir ; celles que l'on jugeait sans conséquence, on les a laissées mourir de leur mort naturelle.
Le Spiritisme, lui aussi, est une grande idée ; il devait donc recevoir son baptême comme ses devancières, parce que l'esprit des hommes n'a pas changé, et il en arrivera ce qui est arrivé pour les autres : un accroissement d'importance aux yeux de la foule, et par suite une plus grande popularité. Plus les victimes seront en évidence par leur position, plus il y aura de retentissement en raison même de l'étendue de leurs relations.
La curiosité est d'autant plus surexcitée que la personne est entourée de plus d'estime et de considération ; chacun veut savoir le pourquoi et le comment ; connaître le fond de ces opinions qui soulèvent tant de colère ; on interroge, on lit, et voilà comment une foule de gens qui ne se seraient peut-être jamais occupés du Spiritisme, sont amenés à le connaître, à le juger, à l'apprécier et à l'adopter. Tel a été, on le sait, le résultat des déclamations furibondes, des interdictions pastorales, des diatribes de toutes sortes ; tel sera celui des persécutions ; elles font plus : elles l'élèvent au rang des croyances sérieuses, car le bon sens dit qu'on ne frappe pas des billevesées.
La persécution contre les idées fausses, erronées, est inutile, parce qu'elles se discréditent et tombent d'elles-mêmes ; elle a pour effet de leur créer des partisans et des défenseurs, et d'en retarder la chute, parce que beaucoup de gens les regardent comme bonnes, précisément parce qu'elles sont persécutées. Lorsque la persécution s'attaque à des idées vraies, elle va directement contre son but, car elle en favorise le développement : c'est donc, dans tous les cas, une maladresse qui tourne contre ceux qui la commettent.
Un écrivain moderne regrettait qu'on n'eût pas brûlé Luther, afin de détruire le protestantisme dans sa racine ; mais, comme on n'aurait pu le brûler qu'après l'émission de ses idées, si on l'eût fait, le protestantisme serait peut-être deux fois plus répandu qu'il ne l'est. On a brûlé Jean Huss ; qu'y a gagné le concile de Constance ? de se couvrir d'une tache indélébile ; mais les idées du martyr n'ont pas été brûlées ; elles ont été un des fondements de la réforme. La postérité a décerné la gloire à Jean Huss et la honte au concile. (Revue Spirite, août 1866, page 236.) Aujourd'hui, on ne brûle plus, mais on persécute d'autres manières.
Sans doute, quand un orage éclate, beaucoup de gens se mettent à l'abri ; les persécutions peuvent donc avoir pour effet un empêchement momentané à la libre manifestation de la pensée ; les persécuteurs, croyant l'avoir étouffée, s'endorment dans une trompeuse sécurité ; mais la pensée n'en subsiste pas moins, et les idées comprimées sont comme les plantes en serre chaude : elles poussent plus vite.
Le Spiritisme à Cadix en 1853 et 1868
Nous avons eu plusieurs fois l'occasion de dire que le Spiritisme compte de nombreux adeptes en Espagne, ce qui prouve que la compression des idées ne les empêche pas de se produire ; nous savions déjà que depuis longtemps Cadix était le siège d'un centre spirite important. Un des membres de cette Société étant venu à Paris l'année dernière nous a donné à ce sujet des détails circonstanciés d'un haut intérêt, et qu'il nous a depuis rappelés dans sa correspondance. L'abondance des matières nous a seule empêché de les publier plus tôt.
Les Spirites de Cadix revendiquent pour leur ville l'honneur d'avoir été l'une des premières, si ce n'est même la première en Europe, à posséder une réunion spirite constituée, et recevant des communications régulières des Esprits, par l'écriture et la typtologie, sur des sujets de morale et de philosophie. Cette prétention est en effet justifiée par la publication d'un livre imprimé en langue espagnole, à Cadix, en 1854. Il contient d'abord une préface explicative sur la découverte des tables parlantes et la manière de s'en servir ; puis le relevé des réponses faites aux questions adressées aux Esprits dans une suite de séances tenues dès l'année 1853. Le procédé consistait dans l'emploi d'un guéridon à trois pieds et d'un alphabet divisé en trois séries correspondant chacune à l'un des pieds du guéridon. Ces réponses sont sans doute très élémentaires comparativement à ce que l'on obtient aujourd'hui, et toutes ne sont pas d'une exactitude irréprochable, mais la plupart concordent avec l'enseignement actuel. Nous n'en citerons que quelques-unes pour montrer qu'à l'époque où, presque partout ailleurs, on ne s'occupait des tables tournantes que comme sujet de distraction, à Cadix, on songeait déjà à utiliser le phénomène pour des instructions sérieuses.
(8 novembre 1853.) – Y a-t-il ici un Esprit présent ? – Oui. – Comment t'appelles-tu ? – Eqe. – Quelle partie du monde as-tu habitée ? – L'Amérique du Nord. – Etais-tu homme ou femme ? – Femme. – Dis-nous ton nom en anglais ? – Akka. – Comment traduis-tu bello en anglais ? – Fine. – Pourquoi es-tu venu ici ? – Pour faire le bien. – A toi ou à nous ? – A tous. – Tu peux donc nous donner ce bien ? – Je le puis ; tout est dans le travail. – Comment obtiendrons-nous le bien ? – En émancipant la femme ; tout dépend d'elle.
(11 novembre.) L'Esprit Eqe. – Y a-t-il une autre mode de communiquer avec les Esprits ? – Oui, par la pensée. – De quelle manière ? – Lis dans la tienne. – Et comment pourrions-nous nous entendre avec la pensée des Esprits ? – Par la concentration. – Y a-t-il un moyen d'y arriver facilement ? – Oui, la félicité. – Comment obtient-on la félicité ? – En vous aimant les uns les autres.
(25 novembre.) Anna Ruiz. – Où va notre âme en se séparant du corps ? – Elle ne quitte pas la terre. – Tu veux dire le corps ? – Non, l'âme. – As-tu les mêmes jouissances dans l'autre vie que dans celle-ci ? – Les mêmes et mieux : nous travaillons dans tout l'univers.
(26 novembre.) Odiuz – Les Esprits revêtent-ils une forme ? – Oui. –Laquelle ? – La forme humaine. Il y a deux corps, l'un matériel, l'autre de lumière. – Le corps de lumière est-il l'Esprit ? – Non : c'est une agrégation d'éther ; des fluides légers forment le corps de lumière.
Qu'est-ce qu'un Esprit ? – Un homme à l'état d'essence. – Quelle est sa destinée ? – Organiser le mouvement matériel cosmique ; coopérer avec Dieu à l'ordre et aux lois des mondes dans l'univers.
(30 novembre.) Un Esprit spontanément. L'ordre distribue les harmonies. Cette loi vous dit que chaque globe du système solaire est habité par une humanité comme la vôtre ; chaque membre de cette humanité est un être complet dans le rang qu'il occupe ; il possède une tête, un tronc et des membres. Chacun a sa destination marquée, collective ou terrestre, visible ou invisible. Le soleil, comme les planètes et leurs satellites, a ses habitants d'une destinée complexe. Chacune des humanités qui peuplent ces divers globes a sa double existence, visible et invisible, et une parole spirituelle appropriée à chacun de ces états.
(1er décembre.) Odiuz. Lisez Jean, et vous aurez la signification du mot verbe. Vous saurez ce que c'est que le verbe de l'humanité solaire ; chaque humanité a sa Providence, son homme-Dieu ; la lumière de l'homme-Dieu solaire, c'est la Providence anthropomorphique de tous les globes du système solaire.
(8 décembre.) Y a-t-il analogie entre la lumière matérielle et la lumière spirituelle ? – Le soleil éclaire, les planètes reflètent sa lumière. L'intelligence solaire illumine les intelligences planétaires, et celles-ci celles de leurs satellites. La lumière intelligente émane du cerveau de l'humanité solaire, qui est l'étincelle intelligente, comme le soleil est l'étincelle matérielle de tous les astres. Il y a aussi analogie dans le mode d'expansion de la lumière intelligente dans chaque humanité qui la reçoit du foyer principal pour la communiquer à ses membres.
Il y a unité de système entre le monde matériel et le monde spirituel.
Nous avons la nature qui reflète les lois qui ont précédé la création. Ensuite vient l'esprit humain qui analyse la nature pour découvrir ces lois, les interpréter et les comprendre. Cette analyse est à la lumière spirituelle ce qu'est la réfraction à la lumière physique, car l'humanité entière forme un prisme intellectuel dans lequel la lumière divine unique se réfracte de mille manières différentes.
(4 janvier 1854.) Pourquoi les Esprits ne viennent-ils pas toujours à notre appel ? – Parce qu'ils sont très occupés. – Pourquoi quelques-uns des Esprits qui se sont présentés jusqu'à présent ont-ils répondu par des énigmes ou des absurdités ? – Parce que c'étaient des Esprits ignorants ou légers. – Comment les distinguer des Esprits sérieux ? – Par leurs réponses.
Les Esprits peuvent-ils se rendre visibles ? – Quelquefois. – Dans quel cas ? – Quand il s'agit d'humilier le fanatisme. – Sous quelle forme l'Esprit s'est-il présenté à l'archevêque de Paris ? – Forme humaine. – Quelle est la véritable religion ? – Vous aimer les uns les autres.
L'extrait suivant d'une lettre de notre correspondant, en date du 17 août 1867, donnera une idée de l'esprit qui préside à la Société spirite actuelle de Cadix :
« Depuis onze ans nous sommes en communication avec des Esprits de la vie supérieure, et, dans cet espace de temps, ils nous ont fait des révélations importantes sur la morale, la vie spirituelle et autres sujets qui intéressent le progrès.
Nous nous réunissons cinq fois par semaine. L'Esprit président de notre Société, auquel les autres Esprits accordent une certaine suprématie, s'appelle Pastoret. Nous avons en Dona J… un excellent médium voyant et parlant. Elle communique au moyen d'un guéridon à trois pieds qui ne lui sert que pour établir le courant fluidique, et elle voit les mots écrits sur une espèce de ruban fluidique qui passe sans cesse devant ses yeux, et elle y lit comme dans un livre. Ce moyen de communication, joint à la bienveillance des Esprits qui viennent à nos séances, nous permet de présenter nos observations, et d'établir des discussions presque familières avec ces mêmes Esprits.
Chaque soir la séance est ouverte par la présence de l'Esprit du docteur Gardoqui, que nous avons connu, et qui, de son vivant, exerçait la médecine à Cadix. Après avoir donné des conseils à nos frères présents, il va visiter les malades que nous lui recommandons ; il indique les remèdes nécessaires, et presque toujours avec succès.
Après la visite du médecin, vient l'Esprit familier du cercle qui nous amène d'autres Esprits, tantôt supérieurs pour nous instruire, tantôt inférieurs pour que nous les aidions de nos conseils et de nos encouragements. Sur l'indication de nos guides, nous accomplissons périodiquement des missions de charité envers les pauvres.
Outre le ridicule, contre lequel vous autres, Français, avez à lutter aussi bien que nous, nous luttons contre l'intolérance ; cependant nous ne nous décourageons pas, parce que la force de conviction que Dieu nous donne est plus puissante que les obstacles.
Nous terminons chaque séance par la prière suivante :
« Père universel ! Seigneur tout puissant ! nous nous adressons à toi, parce que nous te reconnaissons comme le Dieu unique et éternel. Père ! nous désirons ne pas encourir ton blâme, mais au contraire avancer notre purification pour approcher de toi, seul bien véritable, suprême félicité promise à ceux qui retournent auprès de toi.
Seigneur ! nous te rappelons continuellement nos péchés afin que tu nous les pardonnes après l'expiation qu'ils méritent. Que ne devons-nous déjà à ta grande bonté ! Sois miséricordieux envers nous.
Père éternel, tu m'as donné la vie, et avec la vie l'intelligence pour te connaître, un cœur pour t'aimer et pour aimer mes semblables. Mon intelligence grandira quand je penserai à toi, et quand je m'élèverai jusqu'à toi.
Père universel de tous les êtres, grand architecte de l'Univers, eau bénite dont nous étanchons la soif de l'amour divin, ni le cours du temps, ni la différence des intelligences n'empêchent de te reconnaître, car ta grande puissance et ton grand amour se voient partout.
Père ! nous nous en remettons à ta miséricorde, et pour preuve de notre sincérité, nous t'offrons nos vies, nos biens, tout ce que tu nous as donné. Nous ne possédons rien qui ne vienne de toi ; nous mettons tout à la disposition de nos frères nécessiteux, pour qu'ils profitent du fruit de notre intelligence et de notre travail.
Nous sommes tes enfants, Seigneur ! et nous sollicitons de ton infinie bonté un rayon de lumière pour nous conduire sur la route que tu nous as montrée, jusqu'à ce que nous arrivions au complément de notre félicité.
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié ; que ta volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. Pardonne-nous les offenses que nous avons pardonnées à ceux qui nous ont offensés, maintenant et toujours jusqu'à l'heure de notre mort.
Nous t'adressons nos prières, Père infiniment bon, pour tous nos frères qui souffrent sur la terre et dans l'espace. Notre pensée est pour eux et notre confiance en toi. »
Que les Spirites de Cadix reçoivent, par notre entremise, les sincères félicitations de leurs frères de tous les pays. L'initiative qu'ils ont prise, à l'extrémité de l'Europe, et sur une terre réfractaire, sans relations avec les autres centres, sans autre guide que leurs propres inspirations, alors que le Spiritisme était encore presque partout dans son enfance, est une preuve de plus que le mouvement régénérateur reçoit son impulsion de plus haut que la terre, et que son foyer est partout ; qu'il est ainsi téméraire et présomptueux d'espérer l'étouffer en le comprimant sur un point, puisqu'à défaut d'une issue, il en a mille par où il fait jour. A quoi servent les barrières pour ce qui vient d'en haut ? Que sert d'écraser quelques individus quand il y en a des millions disséminés sur toute la terre qui reçoivent la lumière et la répandent ? Vouloir anéantir ce qui est en dehors de la puissance de l'homme, n'est-ce pas jouer le rôle des géants qui voulaient escalader le ciel ?
Les Spirites de Cadix revendiquent pour leur ville l'honneur d'avoir été l'une des premières, si ce n'est même la première en Europe, à posséder une réunion spirite constituée, et recevant des communications régulières des Esprits, par l'écriture et la typtologie, sur des sujets de morale et de philosophie. Cette prétention est en effet justifiée par la publication d'un livre imprimé en langue espagnole, à Cadix, en 1854. Il contient d'abord une préface explicative sur la découverte des tables parlantes et la manière de s'en servir ; puis le relevé des réponses faites aux questions adressées aux Esprits dans une suite de séances tenues dès l'année 1853. Le procédé consistait dans l'emploi d'un guéridon à trois pieds et d'un alphabet divisé en trois séries correspondant chacune à l'un des pieds du guéridon. Ces réponses sont sans doute très élémentaires comparativement à ce que l'on obtient aujourd'hui, et toutes ne sont pas d'une exactitude irréprochable, mais la plupart concordent avec l'enseignement actuel. Nous n'en citerons que quelques-unes pour montrer qu'à l'époque où, presque partout ailleurs, on ne s'occupait des tables tournantes que comme sujet de distraction, à Cadix, on songeait déjà à utiliser le phénomène pour des instructions sérieuses.
(8 novembre 1853.) – Y a-t-il ici un Esprit présent ? – Oui. – Comment t'appelles-tu ? – Eqe. – Quelle partie du monde as-tu habitée ? – L'Amérique du Nord. – Etais-tu homme ou femme ? – Femme. – Dis-nous ton nom en anglais ? – Akka. – Comment traduis-tu bello en anglais ? – Fine. – Pourquoi es-tu venu ici ? – Pour faire le bien. – A toi ou à nous ? – A tous. – Tu peux donc nous donner ce bien ? – Je le puis ; tout est dans le travail. – Comment obtiendrons-nous le bien ? – En émancipant la femme ; tout dépend d'elle.
(11 novembre.) L'Esprit Eqe. – Y a-t-il une autre mode de communiquer avec les Esprits ? – Oui, par la pensée. – De quelle manière ? – Lis dans la tienne. – Et comment pourrions-nous nous entendre avec la pensée des Esprits ? – Par la concentration. – Y a-t-il un moyen d'y arriver facilement ? – Oui, la félicité. – Comment obtient-on la félicité ? – En vous aimant les uns les autres.
(25 novembre.) Anna Ruiz. – Où va notre âme en se séparant du corps ? – Elle ne quitte pas la terre. – Tu veux dire le corps ? – Non, l'âme. – As-tu les mêmes jouissances dans l'autre vie que dans celle-ci ? – Les mêmes et mieux : nous travaillons dans tout l'univers.
(26 novembre.) Odiuz – Les Esprits revêtent-ils une forme ? – Oui. –Laquelle ? – La forme humaine. Il y a deux corps, l'un matériel, l'autre de lumière. – Le corps de lumière est-il l'Esprit ? – Non : c'est une agrégation d'éther ; des fluides légers forment le corps de lumière.
Qu'est-ce qu'un Esprit ? – Un homme à l'état d'essence. – Quelle est sa destinée ? – Organiser le mouvement matériel cosmique ; coopérer avec Dieu à l'ordre et aux lois des mondes dans l'univers.
(30 novembre.) Un Esprit spontanément. L'ordre distribue les harmonies. Cette loi vous dit que chaque globe du système solaire est habité par une humanité comme la vôtre ; chaque membre de cette humanité est un être complet dans le rang qu'il occupe ; il possède une tête, un tronc et des membres. Chacun a sa destination marquée, collective ou terrestre, visible ou invisible. Le soleil, comme les planètes et leurs satellites, a ses habitants d'une destinée complexe. Chacune des humanités qui peuplent ces divers globes a sa double existence, visible et invisible, et une parole spirituelle appropriée à chacun de ces états.
(1er décembre.) Odiuz. Lisez Jean, et vous aurez la signification du mot verbe. Vous saurez ce que c'est que le verbe de l'humanité solaire ; chaque humanité a sa Providence, son homme-Dieu ; la lumière de l'homme-Dieu solaire, c'est la Providence anthropomorphique de tous les globes du système solaire.
(8 décembre.) Y a-t-il analogie entre la lumière matérielle et la lumière spirituelle ? – Le soleil éclaire, les planètes reflètent sa lumière. L'intelligence solaire illumine les intelligences planétaires, et celles-ci celles de leurs satellites. La lumière intelligente émane du cerveau de l'humanité solaire, qui est l'étincelle intelligente, comme le soleil est l'étincelle matérielle de tous les astres. Il y a aussi analogie dans le mode d'expansion de la lumière intelligente dans chaque humanité qui la reçoit du foyer principal pour la communiquer à ses membres.
Il y a unité de système entre le monde matériel et le monde spirituel.
Nous avons la nature qui reflète les lois qui ont précédé la création. Ensuite vient l'esprit humain qui analyse la nature pour découvrir ces lois, les interpréter et les comprendre. Cette analyse est à la lumière spirituelle ce qu'est la réfraction à la lumière physique, car l'humanité entière forme un prisme intellectuel dans lequel la lumière divine unique se réfracte de mille manières différentes.
(4 janvier 1854.) Pourquoi les Esprits ne viennent-ils pas toujours à notre appel ? – Parce qu'ils sont très occupés. – Pourquoi quelques-uns des Esprits qui se sont présentés jusqu'à présent ont-ils répondu par des énigmes ou des absurdités ? – Parce que c'étaient des Esprits ignorants ou légers. – Comment les distinguer des Esprits sérieux ? – Par leurs réponses.
Les Esprits peuvent-ils se rendre visibles ? – Quelquefois. – Dans quel cas ? – Quand il s'agit d'humilier le fanatisme. – Sous quelle forme l'Esprit s'est-il présenté à l'archevêque de Paris ? – Forme humaine. – Quelle est la véritable religion ? – Vous aimer les uns les autres.
L'extrait suivant d'une lettre de notre correspondant, en date du 17 août 1867, donnera une idée de l'esprit qui préside à la Société spirite actuelle de Cadix :
« Depuis onze ans nous sommes en communication avec des Esprits de la vie supérieure, et, dans cet espace de temps, ils nous ont fait des révélations importantes sur la morale, la vie spirituelle et autres sujets qui intéressent le progrès.
Nous nous réunissons cinq fois par semaine. L'Esprit président de notre Société, auquel les autres Esprits accordent une certaine suprématie, s'appelle Pastoret. Nous avons en Dona J… un excellent médium voyant et parlant. Elle communique au moyen d'un guéridon à trois pieds qui ne lui sert que pour établir le courant fluidique, et elle voit les mots écrits sur une espèce de ruban fluidique qui passe sans cesse devant ses yeux, et elle y lit comme dans un livre. Ce moyen de communication, joint à la bienveillance des Esprits qui viennent à nos séances, nous permet de présenter nos observations, et d'établir des discussions presque familières avec ces mêmes Esprits.
Chaque soir la séance est ouverte par la présence de l'Esprit du docteur Gardoqui, que nous avons connu, et qui, de son vivant, exerçait la médecine à Cadix. Après avoir donné des conseils à nos frères présents, il va visiter les malades que nous lui recommandons ; il indique les remèdes nécessaires, et presque toujours avec succès.
Après la visite du médecin, vient l'Esprit familier du cercle qui nous amène d'autres Esprits, tantôt supérieurs pour nous instruire, tantôt inférieurs pour que nous les aidions de nos conseils et de nos encouragements. Sur l'indication de nos guides, nous accomplissons périodiquement des missions de charité envers les pauvres.
Outre le ridicule, contre lequel vous autres, Français, avez à lutter aussi bien que nous, nous luttons contre l'intolérance ; cependant nous ne nous décourageons pas, parce que la force de conviction que Dieu nous donne est plus puissante que les obstacles.
Nous terminons chaque séance par la prière suivante :
« Père universel ! Seigneur tout puissant ! nous nous adressons à toi, parce que nous te reconnaissons comme le Dieu unique et éternel. Père ! nous désirons ne pas encourir ton blâme, mais au contraire avancer notre purification pour approcher de toi, seul bien véritable, suprême félicité promise à ceux qui retournent auprès de toi.
Seigneur ! nous te rappelons continuellement nos péchés afin que tu nous les pardonnes après l'expiation qu'ils méritent. Que ne devons-nous déjà à ta grande bonté ! Sois miséricordieux envers nous.
Père éternel, tu m'as donné la vie, et avec la vie l'intelligence pour te connaître, un cœur pour t'aimer et pour aimer mes semblables. Mon intelligence grandira quand je penserai à toi, et quand je m'élèverai jusqu'à toi.
Père universel de tous les êtres, grand architecte de l'Univers, eau bénite dont nous étanchons la soif de l'amour divin, ni le cours du temps, ni la différence des intelligences n'empêchent de te reconnaître, car ta grande puissance et ton grand amour se voient partout.
Père ! nous nous en remettons à ta miséricorde, et pour preuve de notre sincérité, nous t'offrons nos vies, nos biens, tout ce que tu nous as donné. Nous ne possédons rien qui ne vienne de toi ; nous mettons tout à la disposition de nos frères nécessiteux, pour qu'ils profitent du fruit de notre intelligence et de notre travail.
Nous sommes tes enfants, Seigneur ! et nous sollicitons de ton infinie bonté un rayon de lumière pour nous conduire sur la route que tu nous as montrée, jusqu'à ce que nous arrivions au complément de notre félicité.
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié ; que ta volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour. Pardonne-nous les offenses que nous avons pardonnées à ceux qui nous ont offensés, maintenant et toujours jusqu'à l'heure de notre mort.
Nous t'adressons nos prières, Père infiniment bon, pour tous nos frères qui souffrent sur la terre et dans l'espace. Notre pensée est pour eux et notre confiance en toi. »
Que les Spirites de Cadix reçoivent, par notre entremise, les sincères félicitations de leurs frères de tous les pays. L'initiative qu'ils ont prise, à l'extrémité de l'Europe, et sur une terre réfractaire, sans relations avec les autres centres, sans autre guide que leurs propres inspirations, alors que le Spiritisme était encore presque partout dans son enfance, est une preuve de plus que le mouvement régénérateur reçoit son impulsion de plus haut que la terre, et que son foyer est partout ; qu'il est ainsi téméraire et présomptueux d'espérer l'étouffer en le comprimant sur un point, puisqu'à défaut d'une issue, il en a mille par où il fait jour. A quoi servent les barrières pour ce qui vient d'en haut ? Que sert d'écraser quelques individus quand il y en a des millions disséminés sur toute la terre qui reçoivent la lumière et la répandent ? Vouloir anéantir ce qui est en dehors de la puissance de l'homme, n'est-ce pas jouer le rôle des géants qui voulaient escalader le ciel ?
Dissertations spirites
Instruction des femmes
(Joinville, – Haute-Marne, – 10 mars 1868. Méd. Mme P…)
L'instruction de la femme est une question, en ce moment, des plus graves, car elle ne contribuera pas peu à réaliser les grandes idées de liberté qui sommeillent au fond des cœurs.
Honneur aux hommes courageux qui en ont pris l'initiative ! ils peuvent être assurés d'avance du succès de leurs travaux. Oui, l'heure a sonné pour l'affranchissement de la femme ; elle veut être libre, et pour cela il faut affranchir son intelligence des erreurs et des préjugés du passé. C'est par l'étude qu'elle élargira le cercle de ses connaissances étroites et mesquines. Libre, elle fondera sa religion sur la morale, qui est de tous les temps et de tous les pays. Elle veut être, elle sera la compagne intelligente de l'homme, sa conseillère, son amie, l'institutrice de ses enfants, et non un jouet dont on se sert comme d'une chose, et qu'on jette ensuite pour en prendre une autre.
Elle veut apporter sa pierre à l'édifice social qui s'élève en ce moment sous le souffle puissant du progrès.
Il est vrai qu'une fois instruite, elle échappe des mains de ceux qui s'en font un instrument ; comme un oiseau captif, elle brise sa cage et s'envole dans les champs vastes de l'infini. Il est vrai que, par la connaissance des lois immuables qui régissent les mondes, elle comprendra Dieu autrement qu'on ne le lui enseigne ; elle ne croira plus à un Dieu vengeur, partial et cruel, parce que sa raison lui dira que la vengeance, la partialité et la cruauté ne peuvent se concilier avec la justice et la bonté ; son Dieu, à elle, sera tout amour, mansuétude et pardon.
Plus tard, elle connaîtra les liens de solidarité qui unissent les peuples entre eux, et les appliquera autour d'elle, en répandant avec profusion des trésors de charité, d'amour et de bienveillance pour tous. A quelque secte qu'elle appartienne, elle saura que tous les hommes sont frères, et que le plus fort n'a reçu la force que pour protéger le faible et l'élever dans la société au véritable rang qu'il doit occuper.
Oui, la femme est un être perfectible comme l'homme, et ses aspirations sont légitimes ; sa pensée est libre, et nul pouvoir au monde n'a le droit de l'asservir au gré de ses intérêts ou de ses passions. Elle réclame sa part d'activité intellectuelle, et elle l'obtiendra, parce qu'il est une loi plus puissante que toutes les lois humaines, c'est celle du progrès à laquelle toute la création est soumise.
(Joinville, – Haute-Marne, – 10 mars 1868. Méd. Mme P…)
L'instruction de la femme est une question, en ce moment, des plus graves, car elle ne contribuera pas peu à réaliser les grandes idées de liberté qui sommeillent au fond des cœurs.
Honneur aux hommes courageux qui en ont pris l'initiative ! ils peuvent être assurés d'avance du succès de leurs travaux. Oui, l'heure a sonné pour l'affranchissement de la femme ; elle veut être libre, et pour cela il faut affranchir son intelligence des erreurs et des préjugés du passé. C'est par l'étude qu'elle élargira le cercle de ses connaissances étroites et mesquines. Libre, elle fondera sa religion sur la morale, qui est de tous les temps et de tous les pays. Elle veut être, elle sera la compagne intelligente de l'homme, sa conseillère, son amie, l'institutrice de ses enfants, et non un jouet dont on se sert comme d'une chose, et qu'on jette ensuite pour en prendre une autre.
Elle veut apporter sa pierre à l'édifice social qui s'élève en ce moment sous le souffle puissant du progrès.
Il est vrai qu'une fois instruite, elle échappe des mains de ceux qui s'en font un instrument ; comme un oiseau captif, elle brise sa cage et s'envole dans les champs vastes de l'infini. Il est vrai que, par la connaissance des lois immuables qui régissent les mondes, elle comprendra Dieu autrement qu'on ne le lui enseigne ; elle ne croira plus à un Dieu vengeur, partial et cruel, parce que sa raison lui dira que la vengeance, la partialité et la cruauté ne peuvent se concilier avec la justice et la bonté ; son Dieu, à elle, sera tout amour, mansuétude et pardon.
Plus tard, elle connaîtra les liens de solidarité qui unissent les peuples entre eux, et les appliquera autour d'elle, en répandant avec profusion des trésors de charité, d'amour et de bienveillance pour tous. A quelque secte qu'elle appartienne, elle saura que tous les hommes sont frères, et que le plus fort n'a reçu la force que pour protéger le faible et l'élever dans la société au véritable rang qu'il doit occuper.
Oui, la femme est un être perfectible comme l'homme, et ses aspirations sont légitimes ; sa pensée est libre, et nul pouvoir au monde n'a le droit de l'asservir au gré de ses intérêts ou de ses passions. Elle réclame sa part d'activité intellectuelle, et elle l'obtiendra, parce qu'il est une loi plus puissante que toutes les lois humaines, c'est celle du progrès à laquelle toute la création est soumise.
Un Esprit.
Remarque. - Nous l'avons dit et répété maintes fois, l'émancipation de la femme sera la conséquence de la diffusion du Spiritisme, parce qu'il fonde ses droits, non sur une idée philosophique généreuse, mais sur l'identité même de la nature de l'Esprit. En prouvant qu'il n'y a pas des Esprits hommes et des Esprits femmes, que tous ont la même essence, la même origine et la même destinée, il consacre l'égalité des droits. La grande loi de la réincarnation vient en outre sanctionner ce principe. Dès lors que les mêmes Esprits peuvent s'incarner, tantôt hommes et tantôt femmes, il en résulte que l'homme qui asservit la femme pourra être asservi à son tour ; qu'ainsi, en travaillant à l'émancipation des femmes, les hommes travaillent à l'émancipation générale, et par conséquent à leur profit. Les femmes ont donc un intérêt direct à la propagation du Spiritisme, car il fournit à l'appui de leur cause les plus puissants arguments qu'on ait encore invoqués. (Voir la Revue Spirite, janvier 1866, page 1 ; juin 1867, page 161.)
Allan Kardec
Remarque. - Nous l'avons dit et répété maintes fois, l'émancipation de la femme sera la conséquence de la diffusion du Spiritisme, parce qu'il fonde ses droits, non sur une idée philosophique généreuse, mais sur l'identité même de la nature de l'Esprit. En prouvant qu'il n'y a pas des Esprits hommes et des Esprits femmes, que tous ont la même essence, la même origine et la même destinée, il consacre l'égalité des droits. La grande loi de la réincarnation vient en outre sanctionner ce principe. Dès lors que les mêmes Esprits peuvent s'incarner, tantôt hommes et tantôt femmes, il en résulte que l'homme qui asservit la femme pourra être asservi à son tour ; qu'ainsi, en travaillant à l'émancipation des femmes, les hommes travaillent à l'émancipation générale, et par conséquent à leur profit. Les femmes ont donc un intérêt direct à la propagation du Spiritisme, car il fournit à l'appui de leur cause les plus puissants arguments qu'on ait encore invoqués. (Voir la Revue Spirite, janvier 1866, page 1 ; juin 1867, page 161.)
Allan Kardec