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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868 > Mai
Mai
Correspondance inédite de Lavater avec l'impératrice Marie de Russie Suite et fin. - Voir le numéro d'avril 1868
LETTRE SIXIÈME
Très vénérée impératrice,
Ci-joint encore une lettre arrivée du monde invisible ! Puisse-t-elle, comme les précédentes, être goûtée par vous et produire sur vous un effet salutaire !
Aspirons sans cesse vers une communion plus intime avec l'amour le plus pur qui se soit manifesté dans l'homme, et s'est glorifié dans Jésus, le Nazaréen !
Très vénérée impératrice, notre félicité future est en notre pouvoir une fois qu'il nous est accordé la grâce de comprendre que, seul, l'amour peut nous donner le bonheur suprême, et que la foi seule dans l'amour divin fait naître dans nos cœurs le sentiment qui nous rend heureux éternellement, la foi qui développe, épure et complète notre aptitude à aimer.
Bien des thèmes me restent encore à vous communiquer. Je tâcherai d'accélérer la continuation de ce que j'ai commencé à vous exposer, et je me regarderais comme très heureux si je pouvais espérer avoir pu occuper agréablement et utilement quelques moments de votre précieuse vie.
Jean Gaspar Lavater.
Zurich, le 16 XII. 1798.
Ci-joint encore une lettre arrivée du monde invisible ! Puisse-t-elle, comme les précédentes, être goûtée par vous et produire sur vous un effet salutaire !
Aspirons sans cesse vers une communion plus intime avec l'amour le plus pur qui se soit manifesté dans l'homme, et s'est glorifié dans Jésus, le Nazaréen !
Très vénérée impératrice, notre félicité future est en notre pouvoir une fois qu'il nous est accordé la grâce de comprendre que, seul, l'amour peut nous donner le bonheur suprême, et que la foi seule dans l'amour divin fait naître dans nos cœurs le sentiment qui nous rend heureux éternellement, la foi qui développe, épure et complète notre aptitude à aimer.
Bien des thèmes me restent encore à vous communiquer. Je tâcherai d'accélérer la continuation de ce que j'ai commencé à vous exposer, et je me regarderais comme très heureux si je pouvais espérer avoir pu occuper agréablement et utilement quelques moments de votre précieuse vie.
Jean Gaspar Lavater.
Zurich, le 16 XII. 1798.
LETTRE D'UN DÉFUNT A SON AMI
sur les rapports qui existent entre les Esprits et ceux qu'ils ont aimés sur la terre.
Mon bien-aimé, avant tout, je dois t'avertir que, des mille choses que, stimulé par une noble curiosité, tu désires apprendre de moi, et que j'aurais tant désiré pouvoir te dire, j'ose à peine t'en communiquer une seule, puisque je ne dépends aucunement de moi-même. Ma volonté dépend, comme je te l'ai déjà dit, de la volonté de Celui qui est la suprême sagesse. Mes rapports avec toi ne sont basés que sur ton amour. Cette sagesse, cet amour personnifiés, nous poussent souvent, moi et mes mille fois mille convives d'une félicité qui devient continuellement plus élevée et plus enivrante, vers les hommes encore mortels, et nous font entrer avec eux dans des rapports certainement agréables pour nous, quoique bien souvent obscurcis et pas toujours assez purs et saints. Prends de moi quelques notions au sujet de ces rapports. Je ne sais comment je parviendrai à te faire comprendre cette grande vérité qui, probablement, t'étonnera beaucoup malgré sa réalité, c'est que : notre propre félicité dépend souvent, relativement, bien entendu, de l'état moral de ceux que nous avons laissés sur la terre et avec lesquels nous entrons dans des rapports directs.
Leur sentiment religieux nous attire ; leur impiété nous repousse.
Nous nous réjouissons de leurs pures et nobles joies, c'est-à-dire de leurs joies spirituelles et désintéressées. Leur amour contribue à notre félicité ; aussi nous ressentons, sinon un sentiment pareil à la souffrance, au moins un décroissement de plaisir, quand ils se laissent assombrir par leur sensualité, leur égoïsme, leurs passions animales ou l'impureté de leurs désirs.
Mon ami, arrête-toi, je t'en prie, devant ce mot : assombrir.
Toute pensée divine produit un rayon de lumière qui jaillit de l'homme aimant, et qui n'est vu et compris que par les natures aimantes et rayonnantes. Toute espèce d'amour a son rayon de lumière qui lui est particulier. Ce rayon, se réunissant à l'auréole qui entoure les saints, la rend encore plus resplendissante et plus agréable à la vue. Du degré de cette clarté et de cette aménité dépend souvent le degré de notre propre félicité ou du bonheur que nous ressentons de notre existence. Avec la disparition de l'amour, cette lumière s'évanouit, et avec elle l'élément de bonheur de ceux que nous aimons. Un homme qui devient étranger à l'amour s'assombrit, dans le sens le plus littéral et le plus positif de ce mot ; il devient plus matériel, par conséquent plus élémentaire, plus terrestre, et les ténèbres de la nuit le couvrent de leur voile. La vie, ou ce qui est la même chose pour nous : l'amour de l'homme, produit le degré de sa lumière, sa pureté lumineuse, son identité avec la lumière, la magnificence de sa nature.
Ces dernières qualités rendent seules nos rapports avec lui possibles et intimes. La lumière attire la lumière. Il nous est impossible d'agir sur les âmes sombres. Toutes les natures non aimantes nous paraissent sombres. La vie de chaque mortel, sa véritable vie, est comme son amour ; sa lumière ressemble à son amour ; de sa lumière découle notre communion avec lui et la sienne avec nous. Notre élément, c'est la lumière dont le secret n'est compris d'aucun mortel. Nous attirons et sommes attirés par elle. Ce vêtement, cet organe, ce véhicule, cet élément, dans lequel réside la force primitive qui produit tout, la lumière en un mot, forme pour nous le trait caractéristique de toutes les natures.
Nous éclairons dans la mesure de notre amour ; on nous reconnaît à cette clarté, et nous sommes attirés par toutes les natures aimantes et rayonnantes comme nous. Par l'effet d'un mouvement imperceptible, en donnant une certaine direction à nos rayons, nous pouvons faire naître dans des natures qui nous sont sympathiques des idées plus humaines, susciter des actions, des sentiments plus nobles et plus élevés ; mais nous n'avons le pouvoir de forcer ou de dominer personne, ni d'imposer notre volonté aux hommes dont la volonté est tout à fait indépendante de la nôtre. Le libre arbitre de l'homme nous est sacré. Il nous est impossible de communiquer un seul rayon de notre pure lumière à un homme qui manque de sensibilité. Il ne possède aucun sens, aucun organe pour pouvoir recevoir de nous la moindre chose. Du degré de sensibilité que possède un homme dépend, - oh ! permets-moi de te le répéter dans chacune de mes lettres, - son aptitude à recevoir la lumière, sa sympathie avec toutes les natures lumineuses, et avec leur prototype primordial. De l'absence de la lumière naît l'impuissance à s'approcher des sources de la lumière, tandis que des milliers de natures lumineuses peuvent être attirées par une seule nature semblable.
L'Homme Jésus, resplendissant de lumière et d'amour, fut le point lumineux qui attirait incessamment vers lui des légions d'anges. Des natures sombres, égoïstes, attirent vers elles des Esprits sombres, grossiers, privés de lumière, malveillants, et sont empoisonnées davantage par eux, tandis que les âmes aimantes deviennent encore plus pures et plus aimantes, par leur contact avec les Esprits bons et aimants.
Jacob dormant, rempli de sentiments pieux, voit les anges du Seigneur arriver en foule vers lui, et la sombre âme de Judas Iscariote donne au chef des Esprits sombres le droit, je dirai même la puissance, de pénétrer dans la sombre atmosphère de sa nature haineuse. Les Esprits radieux abondent là où se trouve un Elysée ; des légions d'Esprits sombres pullulent parmi les âmes sombres.
Mon bien-aimé, médite bien ce que je viens de te dire. Tu en trouveras de nombreuses applications dans les livres bibliques, qui renferment des vérités encore intactes, ainsi que des instructions de la plus haute importance, touchant les rapports qui existent entre les mortels et les immortels, entre le monde matériel et le monde des Esprits.
Il ne dépend que de toi de te trouver sous l'influence bienfaisante des Esprits aimants ou de les éloigner de toi ; tu peux les garder auprès de toi ou les forcer à te quitter. Il dépend de toi de me rendre plus ou moins heureux.
Tu dois comprendre maintenant que tout être aimant devient plus heureux, quand il rencontre un être tout aussi aimant que lui ; que le plus heureux et le plus pur des êtres devient moins heureux, quand il reconnaît un amoindrissement d'amour dans celui qu'il aime ; que l'amour ouvre le cœur à l'amour, et que l'absence de ce sentiment rend plus difficile, souvent même impossible, l'accès de toute communication intime.
Si tu désires me rendre, moi, jouissant déjà du bonheur suprême, encore plus heureux, deviens encore meilleur. Par cela, tu me rendras plus radieux et pourras sympathiser davantage avec toutes les natures radieuses et immortelles. Elles s'empresseront de venir auprès de toi ; leur lumière se réunira à la tienne et la tienne à la leur ; leur présence te rendra plus pur, plus rayonnant, plus vivace, et, ce qui te paraîtra difficile à croire, mais n'en est pas pour cela moins positif, elles-mêmes, par l'effet de ta lumière, celle qui rayonnera de toi, elles deviendront plus lumineuses, plus vivaces, plus heureuses de leur existence, et, par l'effet de ton amour, encore plus aimantes.
Mon bien-aimé, il existe des rapports impérissables entre ce que vous appelez les mondes visible et invisible, une communauté incessante entre les habitants de la terre et ceux du ciel qui savent aimer, une action bienfaisante réciproque de chacun de ces mondes sur l'autre.
En méditant et en analysant avec soin cette idée, tu reconnaîtras de plus en plus sa vérité, son urgence et sa sainteté.
Ne l'oublie pas, frère de la terre : tu vis visiblement dans un monde qui est encore invisible pour toi ! Ne l'oublie pas ! dans le monde des Esprits aimants, on se réjouira de ta croissance en amour pur et désintéressé. Nous nous trouvons près de toi, quand tu nous crois bien loin. Jamais un être aimant ne se trouve seul et isolé. La lumière de l'amour perce les ténèbres du monde matériel, pour entrer dans un monde moins matériel.
Les Esprits aimants et lumineux se trouvent toujours dans le voisinage de l'amour et de la lumière.
Elles sont littéralement vraies, ces paroles du Christ : « Là où deux ou trois de vous se réuniront en mon nom, je serai avec eux. »
Il est aussi indubitablement vrai que nous pouvons affliger l'Esprit de Dieu par notre égoïsme, et le réjouir par notre véritable amour, d'après le sens profond de ces paroles : « Ce que vous liez sur la terre est lié au ciel ; ce que vous déliez sur la terre sera aussi délié au ciel. » Vous déliez par l'égoïsme, vous liez par la charité, c'est-à-dire par l'amour. Vous vous approchez et vous vous éloignez de nous. Rien n'est plus clairement compris au ciel, que l'amour de ceux qui aiment sur la terre.
Rien n'est plus attractif pour les Esprits bienheureux appartenant à tous les degrés de perfection, que l'amour des enfants de la terre.
Vous, qu'on appelle encore mortels, par l'amour vous pouvez faire descendre le ciel sur la terre.
Vous pourriez entrer avec nous, bienheureux, dans une communion infiniment plus intime que vous ne pouvez le supposer, si vos âmes s'ouvraient à notre influence par les élans du cœur.
Je suis souvent auprès de toi, mon bien-aimé ! J'aime à me trouver dans ta sphère de lumière.
Permets-moi de t'adresser encore quelques paroles de confiance.
Quand tu te fâches, la lumière qui rayonne de toi, au moment où tu penses à ceux que tu aimes ou à ceux qui souffrent, s'obscurcit, et alors je suis forcé de me détourner de toi, aucun Esprit aimant ne pouvant supporter les ténèbres de la colère. Dernièrement encore, je dus te quitter. Je te perdis, pour ainsi dire, de vue et me dirigeai vers un autre ami, ou plutôt la lumière de son amour m'attira vers lui. Il priait, versant des larmes pour une famille bienfaisante, tombée momentanément dans la plus grande détresse et qu'il était hors d'état de secourir lui-même. Oh ! comme déjà son corps terrestre me parut lumineux ; ce fut comme si une clarté éblouissante l'inondait. Notre Seigneur s'approcha de lui, et un rayon de son esprit tomba dans cette lumière. Quel bonheur pour moi de pouvoir me plonger dans cette auréole, et, retrempé par cette lumière, être en état d'inspirer à son âme l'espoir d'un secours prochain ! Il me sembla entendre une voix au fond de son âme, lui dire : « Ne crains rien ! Crois ! tu goûteras la joie de pouvoir soulager ceux pour qui tu viens de prier Dieu. » Il se releva inondé de joie après la prière. Au même instant, je fus attiré vers un autre être radieux, aussi en prière… C'était la noble âme d'une vierge qui priait et disait : « Seigneur ! apprends-moi à faire le bien selon ta volonté. » Je pus et j'osai lui inspirer l'idée suivante : « Ne ferais-je pas bien d'envoyer à cet homme charitable que je connais, un peu d'argent pour qu'il l'emploie, encore aujourd'hui, au profit de quelque pauvre famille ? »
Elle s'attacha à cette idée avec une joie enfantine ; elle la reçut comme elle aurait reçu un ange descendu du ciel. Cette âme pieuse et charitable rassembla une somme assez considérable ; puis elle écrivit une petite lettre bien affectueuse à l'adresse de celui qui venait de prier, et qui la reçut, ainsi que l'argent, une heure à peine après sa prière, versant des larmes de joie et rempli d'une profonde reconnaissance envers Dieu !
Je le suivis, goûtant moi-même une félicité suprême et me réjouissant dans sa lumière. Il arriva à la porte de la pauvre famille. « Dieu aura-t-il pitié de nous ? » demandait la pieuse épouse à son pieux époux. – « Oui, il aura pitié de nous, comme nous avons eu pitié des autres. » – En entendant cette réponse du mari, celui qui avait prié fut rempli de joie ; il ouvrit la porte, et, suffoqué par son attendrissement, il put à peine prononcer ces paroles : « Oui, il aura pitié de vous, comme vous-mêmes vous avez eu pitié des pauvres ; voici un gage de la miséricorde de Dieu. Le Seigneur voit les justes et entend leurs supplications. »
De quelle vive lumière brillèrent tous les assistants ; quand après avoir lu la petite lettre, ils levèrent les yeux et les bras vers le ciel ! Des masses d'Esprits s'empressèrent d'arriver de toutes parts. Comme nous nous réjouîmes ! comme nous nous embrassâmes ! comme nous louâmes Dieu et le bénîmes tous ! comme nous devînmes tous plus parfaits, plus aimants !
Toi, tu brillas bientôt derechef ; je pus et j'osai arriver près de toi ; tu avais fait trois choses qui m'accordaient le droit de m'approcher de toi et de te réjouir. Tu avais versé des larmes de honte de ta colère ; tu avais réfléchi, étant sérieusement attendri, aux moyens de pouvoir te maîtriser ; tu avais demandé sincèrement pardon à celui que ton emportement avait offensé, et tu cherchais de quelle manière tu pourrais l'en dédommager en lui procurant quelque satisfaction. Cette préoccupation rendit le calme à ton cœur, la gaieté à tes yeux, la lumière à ton corps.
Tu peux juger, par cet exemple, si nous sommes toujours bien instruits de ce que font les amis que nous avons laissés sur la terre, et combien nous nous intéressons à leur état moral ; tu dois aussi comprendre maintenant la solidarité qui existe entre le monde visible et le monde invisible, et qu'il dépend de vous de nous procurer des joies ou de nous affliger.
Oh ! mon bien-aimé, si tu pouvais te pénétrer de cette grande vérité, qu'un amour noble et pur trouve en lui-même sa plus belle récompense ; que les jouissances les plus pures, la jouissance de Dieu, ne sont que le produit d'un sentiment plus épuré, tu t'empresserais de t'épurer de tout ce qui est égoïsme.
Dorénavant, je ne pourrai jamais t'écrire sans revenir sur ce sujet. Rien n'a de prix sans l'amour. Seul, il possède le coup d'œil clair, juste, pénétrant, pour distinguer ce qui mérite d'être étudié ; ce qui est éminemment vrai, divin, impérissable. Dans chaque être mortel et immortel, animé d'un amour pur, nous voyons, avec un sentiment de plaisir inexprimable, Dieu lui-même se réfléchir, comme vous voyez le soleil briller dans chaque goutte d'eau pure. Tous ceux qui aiment, sur la terre comme au ciel, ne font qu'un par le sentiment. C'est du degré de l'amour que dépend le degré de notre perfection et de notre félicité intérieure et extérieure. C'est ton amour qui règle tes rapports avec les Esprits qui ont quitté la terre, ta communion avec eux, l'influence qu'ils peuvent exercer sur toi et leur liaison intime avec ton Esprit.
En t'écrivant cela, un sentiment de prévision, qui ne m'abuse jamais, m'apprend que tu te trouves en ce moment dans une excellente disposition morale, puisque tu médites une œuvre de charité. Chacune de vos actions, de vos pensées, porte un cachet particulier, instantanément compris et apprécié par tous les Esprits désincarnés. Que Dieu te vienne en aide !
Je t'ai écrit cela le 16 XII. 1798.
Il serait superflu de faire ressortir l'importance de ces lettres de Lavater, qui ont partout excité le plus vif intérêt. Elles attestent, de sa part, non seulement la connaissance des principes fondamentaux du Spiritisme, mais une juste appréciation de ses conséquences morales. Sur quelques points seulement, il paraît avoir eu des idées un peu différentes de ce que nous savons aujourd'hui, mais la cause de ces divergences, qui, du reste, tiennent peut-être plus à la forme qu'au fond, est expliquée dans la communication suivante qu'il a donnée à la Société de Paris. Nous ne les relèverons pas, parce que chacun les aura comprises ; l'essentiel était de constater que, longtemps avant l'apparition officielle du Spiritisme, des hommes dont la haute intelligence ne saurait être révoquée en doute en avaient eu l'intuition. S'ils n'ont pas employé le mot, c'est qu'il n'existait pas.
Nous appellerons, toutefois, l'attention sur un point qui pourrait sembler étrange : c'est la théorie d'après laquelle la félicité des Esprits serait subordonnée à la pureté des sentiments incarnés, et se trouverait altérée par la plus légère imperfection de ceux-ci. S'il en était ainsi, en considérant ce que sont les hommes, il n'y aurait pas d'Esprits réellement heureux, et le bonheur véritable n'existerait pas plus dans l'autre monde que sur la terre. Les Esprits doivent souffrir d'autant moins des travers des hommes, qu'ils les savent perfectibles. Les hommes imparfaits sont pour eux comme des enfants dont l'éducation n'est pas faite, et à laquelle ils ont mission de travailler, eux qui ont également passé par la filière de l'imperfection. Mais si on fait la part de ce que le principe développé dans cette lettre peut avoir de trop absolu, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître un sens très profond, une admirable pénétration des lois qui régissent les rapports du monde visible et du monde invisible, et des nuances qui caractérisent le degré d'avancement des Esprits incarnés ou désincarnés.
Mon bien-aimé, avant tout, je dois t'avertir que, des mille choses que, stimulé par une noble curiosité, tu désires apprendre de moi, et que j'aurais tant désiré pouvoir te dire, j'ose à peine t'en communiquer une seule, puisque je ne dépends aucunement de moi-même. Ma volonté dépend, comme je te l'ai déjà dit, de la volonté de Celui qui est la suprême sagesse. Mes rapports avec toi ne sont basés que sur ton amour. Cette sagesse, cet amour personnifiés, nous poussent souvent, moi et mes mille fois mille convives d'une félicité qui devient continuellement plus élevée et plus enivrante, vers les hommes encore mortels, et nous font entrer avec eux dans des rapports certainement agréables pour nous, quoique bien souvent obscurcis et pas toujours assez purs et saints. Prends de moi quelques notions au sujet de ces rapports. Je ne sais comment je parviendrai à te faire comprendre cette grande vérité qui, probablement, t'étonnera beaucoup malgré sa réalité, c'est que : notre propre félicité dépend souvent, relativement, bien entendu, de l'état moral de ceux que nous avons laissés sur la terre et avec lesquels nous entrons dans des rapports directs.
Leur sentiment religieux nous attire ; leur impiété nous repousse.
Nous nous réjouissons de leurs pures et nobles joies, c'est-à-dire de leurs joies spirituelles et désintéressées. Leur amour contribue à notre félicité ; aussi nous ressentons, sinon un sentiment pareil à la souffrance, au moins un décroissement de plaisir, quand ils se laissent assombrir par leur sensualité, leur égoïsme, leurs passions animales ou l'impureté de leurs désirs.
Mon ami, arrête-toi, je t'en prie, devant ce mot : assombrir.
Toute pensée divine produit un rayon de lumière qui jaillit de l'homme aimant, et qui n'est vu et compris que par les natures aimantes et rayonnantes. Toute espèce d'amour a son rayon de lumière qui lui est particulier. Ce rayon, se réunissant à l'auréole qui entoure les saints, la rend encore plus resplendissante et plus agréable à la vue. Du degré de cette clarté et de cette aménité dépend souvent le degré de notre propre félicité ou du bonheur que nous ressentons de notre existence. Avec la disparition de l'amour, cette lumière s'évanouit, et avec elle l'élément de bonheur de ceux que nous aimons. Un homme qui devient étranger à l'amour s'assombrit, dans le sens le plus littéral et le plus positif de ce mot ; il devient plus matériel, par conséquent plus élémentaire, plus terrestre, et les ténèbres de la nuit le couvrent de leur voile. La vie, ou ce qui est la même chose pour nous : l'amour de l'homme, produit le degré de sa lumière, sa pureté lumineuse, son identité avec la lumière, la magnificence de sa nature.
Ces dernières qualités rendent seules nos rapports avec lui possibles et intimes. La lumière attire la lumière. Il nous est impossible d'agir sur les âmes sombres. Toutes les natures non aimantes nous paraissent sombres. La vie de chaque mortel, sa véritable vie, est comme son amour ; sa lumière ressemble à son amour ; de sa lumière découle notre communion avec lui et la sienne avec nous. Notre élément, c'est la lumière dont le secret n'est compris d'aucun mortel. Nous attirons et sommes attirés par elle. Ce vêtement, cet organe, ce véhicule, cet élément, dans lequel réside la force primitive qui produit tout, la lumière en un mot, forme pour nous le trait caractéristique de toutes les natures.
Nous éclairons dans la mesure de notre amour ; on nous reconnaît à cette clarté, et nous sommes attirés par toutes les natures aimantes et rayonnantes comme nous. Par l'effet d'un mouvement imperceptible, en donnant une certaine direction à nos rayons, nous pouvons faire naître dans des natures qui nous sont sympathiques des idées plus humaines, susciter des actions, des sentiments plus nobles et plus élevés ; mais nous n'avons le pouvoir de forcer ou de dominer personne, ni d'imposer notre volonté aux hommes dont la volonté est tout à fait indépendante de la nôtre. Le libre arbitre de l'homme nous est sacré. Il nous est impossible de communiquer un seul rayon de notre pure lumière à un homme qui manque de sensibilité. Il ne possède aucun sens, aucun organe pour pouvoir recevoir de nous la moindre chose. Du degré de sensibilité que possède un homme dépend, - oh ! permets-moi de te le répéter dans chacune de mes lettres, - son aptitude à recevoir la lumière, sa sympathie avec toutes les natures lumineuses, et avec leur prototype primordial. De l'absence de la lumière naît l'impuissance à s'approcher des sources de la lumière, tandis que des milliers de natures lumineuses peuvent être attirées par une seule nature semblable.
L'Homme Jésus, resplendissant de lumière et d'amour, fut le point lumineux qui attirait incessamment vers lui des légions d'anges. Des natures sombres, égoïstes, attirent vers elles des Esprits sombres, grossiers, privés de lumière, malveillants, et sont empoisonnées davantage par eux, tandis que les âmes aimantes deviennent encore plus pures et plus aimantes, par leur contact avec les Esprits bons et aimants.
Jacob dormant, rempli de sentiments pieux, voit les anges du Seigneur arriver en foule vers lui, et la sombre âme de Judas Iscariote donne au chef des Esprits sombres le droit, je dirai même la puissance, de pénétrer dans la sombre atmosphère de sa nature haineuse. Les Esprits radieux abondent là où se trouve un Elysée ; des légions d'Esprits sombres pullulent parmi les âmes sombres.
Mon bien-aimé, médite bien ce que je viens de te dire. Tu en trouveras de nombreuses applications dans les livres bibliques, qui renferment des vérités encore intactes, ainsi que des instructions de la plus haute importance, touchant les rapports qui existent entre les mortels et les immortels, entre le monde matériel et le monde des Esprits.
Il ne dépend que de toi de te trouver sous l'influence bienfaisante des Esprits aimants ou de les éloigner de toi ; tu peux les garder auprès de toi ou les forcer à te quitter. Il dépend de toi de me rendre plus ou moins heureux.
Tu dois comprendre maintenant que tout être aimant devient plus heureux, quand il rencontre un être tout aussi aimant que lui ; que le plus heureux et le plus pur des êtres devient moins heureux, quand il reconnaît un amoindrissement d'amour dans celui qu'il aime ; que l'amour ouvre le cœur à l'amour, et que l'absence de ce sentiment rend plus difficile, souvent même impossible, l'accès de toute communication intime.
Si tu désires me rendre, moi, jouissant déjà du bonheur suprême, encore plus heureux, deviens encore meilleur. Par cela, tu me rendras plus radieux et pourras sympathiser davantage avec toutes les natures radieuses et immortelles. Elles s'empresseront de venir auprès de toi ; leur lumière se réunira à la tienne et la tienne à la leur ; leur présence te rendra plus pur, plus rayonnant, plus vivace, et, ce qui te paraîtra difficile à croire, mais n'en est pas pour cela moins positif, elles-mêmes, par l'effet de ta lumière, celle qui rayonnera de toi, elles deviendront plus lumineuses, plus vivaces, plus heureuses de leur existence, et, par l'effet de ton amour, encore plus aimantes.
Mon bien-aimé, il existe des rapports impérissables entre ce que vous appelez les mondes visible et invisible, une communauté incessante entre les habitants de la terre et ceux du ciel qui savent aimer, une action bienfaisante réciproque de chacun de ces mondes sur l'autre.
En méditant et en analysant avec soin cette idée, tu reconnaîtras de plus en plus sa vérité, son urgence et sa sainteté.
Ne l'oublie pas, frère de la terre : tu vis visiblement dans un monde qui est encore invisible pour toi ! Ne l'oublie pas ! dans le monde des Esprits aimants, on se réjouira de ta croissance en amour pur et désintéressé. Nous nous trouvons près de toi, quand tu nous crois bien loin. Jamais un être aimant ne se trouve seul et isolé. La lumière de l'amour perce les ténèbres du monde matériel, pour entrer dans un monde moins matériel.
Les Esprits aimants et lumineux se trouvent toujours dans le voisinage de l'amour et de la lumière.
Elles sont littéralement vraies, ces paroles du Christ : « Là où deux ou trois de vous se réuniront en mon nom, je serai avec eux. »
Il est aussi indubitablement vrai que nous pouvons affliger l'Esprit de Dieu par notre égoïsme, et le réjouir par notre véritable amour, d'après le sens profond de ces paroles : « Ce que vous liez sur la terre est lié au ciel ; ce que vous déliez sur la terre sera aussi délié au ciel. » Vous déliez par l'égoïsme, vous liez par la charité, c'est-à-dire par l'amour. Vous vous approchez et vous vous éloignez de nous. Rien n'est plus clairement compris au ciel, que l'amour de ceux qui aiment sur la terre.
Rien n'est plus attractif pour les Esprits bienheureux appartenant à tous les degrés de perfection, que l'amour des enfants de la terre.
Vous, qu'on appelle encore mortels, par l'amour vous pouvez faire descendre le ciel sur la terre.
Vous pourriez entrer avec nous, bienheureux, dans une communion infiniment plus intime que vous ne pouvez le supposer, si vos âmes s'ouvraient à notre influence par les élans du cœur.
Je suis souvent auprès de toi, mon bien-aimé ! J'aime à me trouver dans ta sphère de lumière.
Permets-moi de t'adresser encore quelques paroles de confiance.
Quand tu te fâches, la lumière qui rayonne de toi, au moment où tu penses à ceux que tu aimes ou à ceux qui souffrent, s'obscurcit, et alors je suis forcé de me détourner de toi, aucun Esprit aimant ne pouvant supporter les ténèbres de la colère. Dernièrement encore, je dus te quitter. Je te perdis, pour ainsi dire, de vue et me dirigeai vers un autre ami, ou plutôt la lumière de son amour m'attira vers lui. Il priait, versant des larmes pour une famille bienfaisante, tombée momentanément dans la plus grande détresse et qu'il était hors d'état de secourir lui-même. Oh ! comme déjà son corps terrestre me parut lumineux ; ce fut comme si une clarté éblouissante l'inondait. Notre Seigneur s'approcha de lui, et un rayon de son esprit tomba dans cette lumière. Quel bonheur pour moi de pouvoir me plonger dans cette auréole, et, retrempé par cette lumière, être en état d'inspirer à son âme l'espoir d'un secours prochain ! Il me sembla entendre une voix au fond de son âme, lui dire : « Ne crains rien ! Crois ! tu goûteras la joie de pouvoir soulager ceux pour qui tu viens de prier Dieu. » Il se releva inondé de joie après la prière. Au même instant, je fus attiré vers un autre être radieux, aussi en prière… C'était la noble âme d'une vierge qui priait et disait : « Seigneur ! apprends-moi à faire le bien selon ta volonté. » Je pus et j'osai lui inspirer l'idée suivante : « Ne ferais-je pas bien d'envoyer à cet homme charitable que je connais, un peu d'argent pour qu'il l'emploie, encore aujourd'hui, au profit de quelque pauvre famille ? »
Elle s'attacha à cette idée avec une joie enfantine ; elle la reçut comme elle aurait reçu un ange descendu du ciel. Cette âme pieuse et charitable rassembla une somme assez considérable ; puis elle écrivit une petite lettre bien affectueuse à l'adresse de celui qui venait de prier, et qui la reçut, ainsi que l'argent, une heure à peine après sa prière, versant des larmes de joie et rempli d'une profonde reconnaissance envers Dieu !
Je le suivis, goûtant moi-même une félicité suprême et me réjouissant dans sa lumière. Il arriva à la porte de la pauvre famille. « Dieu aura-t-il pitié de nous ? » demandait la pieuse épouse à son pieux époux. – « Oui, il aura pitié de nous, comme nous avons eu pitié des autres. » – En entendant cette réponse du mari, celui qui avait prié fut rempli de joie ; il ouvrit la porte, et, suffoqué par son attendrissement, il put à peine prononcer ces paroles : « Oui, il aura pitié de vous, comme vous-mêmes vous avez eu pitié des pauvres ; voici un gage de la miséricorde de Dieu. Le Seigneur voit les justes et entend leurs supplications. »
De quelle vive lumière brillèrent tous les assistants ; quand après avoir lu la petite lettre, ils levèrent les yeux et les bras vers le ciel ! Des masses d'Esprits s'empressèrent d'arriver de toutes parts. Comme nous nous réjouîmes ! comme nous nous embrassâmes ! comme nous louâmes Dieu et le bénîmes tous ! comme nous devînmes tous plus parfaits, plus aimants !
Toi, tu brillas bientôt derechef ; je pus et j'osai arriver près de toi ; tu avais fait trois choses qui m'accordaient le droit de m'approcher de toi et de te réjouir. Tu avais versé des larmes de honte de ta colère ; tu avais réfléchi, étant sérieusement attendri, aux moyens de pouvoir te maîtriser ; tu avais demandé sincèrement pardon à celui que ton emportement avait offensé, et tu cherchais de quelle manière tu pourrais l'en dédommager en lui procurant quelque satisfaction. Cette préoccupation rendit le calme à ton cœur, la gaieté à tes yeux, la lumière à ton corps.
Tu peux juger, par cet exemple, si nous sommes toujours bien instruits de ce que font les amis que nous avons laissés sur la terre, et combien nous nous intéressons à leur état moral ; tu dois aussi comprendre maintenant la solidarité qui existe entre le monde visible et le monde invisible, et qu'il dépend de vous de nous procurer des joies ou de nous affliger.
Oh ! mon bien-aimé, si tu pouvais te pénétrer de cette grande vérité, qu'un amour noble et pur trouve en lui-même sa plus belle récompense ; que les jouissances les plus pures, la jouissance de Dieu, ne sont que le produit d'un sentiment plus épuré, tu t'empresserais de t'épurer de tout ce qui est égoïsme.
Dorénavant, je ne pourrai jamais t'écrire sans revenir sur ce sujet. Rien n'a de prix sans l'amour. Seul, il possède le coup d'œil clair, juste, pénétrant, pour distinguer ce qui mérite d'être étudié ; ce qui est éminemment vrai, divin, impérissable. Dans chaque être mortel et immortel, animé d'un amour pur, nous voyons, avec un sentiment de plaisir inexprimable, Dieu lui-même se réfléchir, comme vous voyez le soleil briller dans chaque goutte d'eau pure. Tous ceux qui aiment, sur la terre comme au ciel, ne font qu'un par le sentiment. C'est du degré de l'amour que dépend le degré de notre perfection et de notre félicité intérieure et extérieure. C'est ton amour qui règle tes rapports avec les Esprits qui ont quitté la terre, ta communion avec eux, l'influence qu'ils peuvent exercer sur toi et leur liaison intime avec ton Esprit.
En t'écrivant cela, un sentiment de prévision, qui ne m'abuse jamais, m'apprend que tu te trouves en ce moment dans une excellente disposition morale, puisque tu médites une œuvre de charité. Chacune de vos actions, de vos pensées, porte un cachet particulier, instantanément compris et apprécié par tous les Esprits désincarnés. Que Dieu te vienne en aide !
Je t'ai écrit cela le 16 XII. 1798.
Il serait superflu de faire ressortir l'importance de ces lettres de Lavater, qui ont partout excité le plus vif intérêt. Elles attestent, de sa part, non seulement la connaissance des principes fondamentaux du Spiritisme, mais une juste appréciation de ses conséquences morales. Sur quelques points seulement, il paraît avoir eu des idées un peu différentes de ce que nous savons aujourd'hui, mais la cause de ces divergences, qui, du reste, tiennent peut-être plus à la forme qu'au fond, est expliquée dans la communication suivante qu'il a donnée à la Société de Paris. Nous ne les relèverons pas, parce que chacun les aura comprises ; l'essentiel était de constater que, longtemps avant l'apparition officielle du Spiritisme, des hommes dont la haute intelligence ne saurait être révoquée en doute en avaient eu l'intuition. S'ils n'ont pas employé le mot, c'est qu'il n'existait pas.
Nous appellerons, toutefois, l'attention sur un point qui pourrait sembler étrange : c'est la théorie d'après laquelle la félicité des Esprits serait subordonnée à la pureté des sentiments incarnés, et se trouverait altérée par la plus légère imperfection de ceux-ci. S'il en était ainsi, en considérant ce que sont les hommes, il n'y aurait pas d'Esprits réellement heureux, et le bonheur véritable n'existerait pas plus dans l'autre monde que sur la terre. Les Esprits doivent souffrir d'autant moins des travers des hommes, qu'ils les savent perfectibles. Les hommes imparfaits sont pour eux comme des enfants dont l'éducation n'est pas faite, et à laquelle ils ont mission de travailler, eux qui ont également passé par la filière de l'imperfection. Mais si on fait la part de ce que le principe développé dans cette lettre peut avoir de trop absolu, on ne peut s'empêcher d'y reconnaître un sens très profond, une admirable pénétration des lois qui régissent les rapports du monde visible et du monde invisible, et des nuances qui caractérisent le degré d'avancement des Esprits incarnés ou désincarnés.
Opinion actuelle de Lavater sur le Spiritisme
COMMUNICATION VERBALE, PAR M. MORIN EN SOMNAMBULISME SPONTANÉ
(Société de Paris, 13 mars 1868.)
Depuis que la miséricorde divine permit que moi, humble créature, je reçusse la révélation par l'entremise des messagers de l'immensité, jusqu'à ce jour, les années sont, une à une, tombées dans le gouffre des temps ; et à mesure qu'elles s'écoulaient, s'augmentaient aussi les connaissances des hommes, et leur horizon intellectuel s'élargissait.
Depuis que les quelques pages qu'on vous a lues m'ont été données, bien d'autres pages ont été données dans le monde entier sur le même sujet et par le même moyen. Ne croyez pas que j'aie la prétention, moi, humble entre tous, d'avoir eu le premier l'honneur insigne de recevoir une telle faveur ; non ; d'autres avant moi avaient, eux aussi, reçu la révélation ; mais, comme moi, hélas ! ils en ont incomplètement compris certaines parties. C'est qu'il faut, messieurs, tenir compte du temps, du degré d'instruction morale, et surtout du degré d'émancipation philosophique des peuples.
Les Esprits, dont je suis heureux aujourd'hui de faire partie, forment, eux aussi, des peuples, des mondes, mais ils n'ont pas de races ; ils étudient, ils voient, et leurs études peuvent incontestablement être plus grandes, plus vastes que les études des hommes ; mais, néanmoins, elles partent toujours des connaissances acquises, et du point culminant du progrès moral et intellectuel du temps et du milieu où ils vivent. Si les Esprits, ces messagers divins, viennent journellement vous donner des instructions d'un ordre plus élevé, c'est que la généralité des êtres qui les reçoivent est en état de les comprendre. Par suite des préparations qu'ils ont subies, il est des instants où les hommes n'ont pas besoin de laisser passer sur eux l'éternité d'un siècle pour comprendre. Dès qu'on voit s'élever rapidement le niveau moral, une sorte d'attraction les porte vers un certain courant d'idées qu'ils doivent s'assimiler, et vers le but auquel ils doivent aspirer ; mais ces instants sont courts, et c'est aux hommes d'en profiter.
J'ai dit qu'il fallait tenir compte des temps, et surtout du degré d'émancipation philosophique que comportait l'époque. Reconnaissant envers la Divinité, qui m'avait permis d'acquérir, par une faveur spéciale, plus vite que d'autres hommes partis du même point, certaines connaissances, je reçus des communications des Esprits. Mais l'éducation première, les enseignements étroits, la tradition et l'usage pesaient sur moi ; malgré mes aspirations à acquérir une liberté, une indépendance d'esprit que je désirais, aimant attractif pour les Esprits qui venaient se communiquer à moi, ne connaissant pas la science qui vous a été révélée depuis, je ne pouvais attirer que les êtres similaires de mes idées, de mes aspirations, et qui, avec un horizon plus large, avaient cependant la même vue bornée. De là, je le confesse, les quelques erreurs que vous avez pu remarquer dans ce qui vous est venu de moi ; mais le fond, le corps principal, n'est-il pas, messieurs, conforme à tout ce qui, depuis, vous a été révélé par ces messagers dont je parlais tout à l'heure ?
Esprit incarné porté d'instinct au bien, nature bouillonnante s'emparant d'une pensée qui me portait au vrai, aussi vite, hélas ! que de celles qui me portaient à l'erreur, c'est peut-être là le motif qui a provoqué les inexactitudes de mes communications, n'ayant pas, pour les rectifier, le contrôle des points de comparaison ; car, pour qu'une révélation soit parfaite, il faut qu'elle s'adresse à un homme parfait, et il n'en existe pas ; ce n'est donc que de l'ensemble qu'on peut extraire les éléments de la vérité : c'est ce que vous avez pu faire ; mais, de mon temps, pouvait-on former un ensemble de quelques parcelles du vrai, de quelques communications exceptionnelles ? Non. Je suis heureux d'avoir été l'un des privilégiés du siècle dernier ; j'ai obtenu quelques-unes de ces communications par mon intermédiaire direct, et la majeure partie au moyen d'un Médium, mon ami, complètement étranger à la langue de l'âme, et il faut tout dire, même à celle du bien.
Heureux de faire partager ces idées à des intelligences que je croyais au-dessus de la mienne, une porte me fut ouverte ; je la saisis avec empressement, et toutes les révélations de la vie d'outre-tombe furent, par moi, portées à la connaissance d'une Impératrice qui, à son tour, les porta à la connaissance de son entourage, et ainsi de proche en proche.
Croyez-le bien, le Spiritisme n'a pas été révélé spontanément ; comme toute chose sortie des mains de Dieu, il s'est développé progressivement, lentement, sûrement. Il a été en germe dans le premier germe des choses, et il a grossi avec ce germe jusqu'à ce qu'il fût assez fort pour se subdiviser à l'infini, et répandre partout sa semence fécondante et régénératrice. C'est par lui que vous serez heureux, que sera assuré le bonheur des peuples ; que dis-je ? le bonheur de tous les mondes ; car le Spiritisme, mot que j'ignorais, est appelé à faire de bien grandes révolutions ! Mais, rassurez-vous ; ces révolutions-là n'ensanglantent jamais leur drapeau ; ce sont des révolutions morales, intellectuelles ; révolutions gigantesques, plus irrésistibles que celles qui sont provoquées par les armes, par lesquelles tout est tellement appelé à se transformer, que tout ce que vous connaissez n'est qu'une faible ébauche de ce qu'elles produiront. Le Spiritisme est un mot si vaste, si grand, par tout ce qu'il contient, qu'il me semble qu'un homme qui en connaîtrait toute la profondeur ne pourrait le prononcer sans respect.
Messieurs, moi, Esprit bien petit, en dépit de la grande intelligence dont vous me gratifiez, et en regard de ceux bien supérieurs qu'il m'est donné de contempler, je viens vous dire : Croyez-vous donc que ce soit par un effet du hasard que vous avez pu entendre ce soir ce que Lavater avait obtenu et écrit ? Non, ce n'est pas par hasard, et ma main périspritale les a sûrement dirigées jusqu'à vous. Mais si ces quelques pensées sont venues à votre connaissance par mon entremise, ne croyez pas que j'y aie cherché une vaine satisfaction d'amour-propre ; non, loin de là ; le but était plus grand, et même la pensée de les porter à la connaissance universelle de la terre n'est pas venue de moi. Cette connaissance avait son utilité ; elle doit avoir des conséquences graves, c'est pour cela qu'il vous a été donné de la répandre. Dans les plus petites causes se trouve le germe des plus grandes rénovations. Je suis heureux, messieurs, qu'il me soit laissé le droit de vous pressentir sur la portée qu'auront ces quelques réflexions, ces communications, bien pauvres auprès de celles que vous obtenez actuellement ; et si j'en entrevois le résultat, si j'en suis heureux, pourquoi ne le seriez-vous pas ?
Je reviendrai, messieurs, et ce que j'ai dit ce soir est si peu de chose auprès de ce que j'ai mission de vous apprendre, que j'ose à peine vous dire : c'est Lavater.
Demande. Nous vous remercions des explications que vous avez bien voulu nous donner, et nous serons très heureux de vous compter désormais au nombre de nos Esprits instructeurs. Nous recevrons vos instructions avec la plus vive reconnaissance. En attendant, permettez-nous une simple question sur votre communication d'aujourd'hui :
1° Vous dites que l'Impératrice porta ces idées à la connaissance de son entourage, et ainsi de proche en proche. Serait-ce à cette initiative, partie du point culminant de la société, que la doctrine spirite doit de rencontrer de si nombreuses sympathies parmi les sommités sociales en Russie ? – 2° Un point que je m'étonne de ne pas voir mentionné dans vos lettres, c'est le grand principe de la réincarnation, l'une des lois naturelles qui témoignent le plus de la justice et de la bonté de Dieu.
Réponse. – Il est évident que l'influence de l'Impératrice et de quelques autres grands personnages fut prédominante pour déterminer, en Russie, le développement du mouvement philosophique dans le sens spiritualiste ; mais, si la pensée des princes de la terre détermine souvent la pensée des grands qui se trouvent sous leur dépendance, il n'en est point de même des petits. Ceux qui ont chance de développer dans le peuple les idées progressives, ce sont les fils du peuple ; ce sont eux qui feront triompher partout les principes de solidarité et de charité qui sont la base du Spiritisme.
Aussi, Dieu, dans sa sagesse, a-t-il échelonné les éléments du progrès ; ils sont en haut, en bas, sous toutes les formes, et préparés pour combattre toutes les résistances. Ils subissent ainsi un mouvement de va-et-vient constant qui ne peut manquer d'établir l'harmonie des sentiments entre les hautes et les basses classes, et de faire triompher solidairement les principes d'autorité et de liberté.
Les peuples sont, comme vous le savez, formés d'Esprits qui ont entre eux une certaine affinité d'idées, qui les prédisposent plus ou moins à s'assimiler les idées de tel ou tel ordre, parce que ces mêmes idées sont, chez eux, à l'état latent et n'attendent qu'une occasion pour se développer. Le peuple russe et plusieurs autres sont dans ce cas par rapport au Spiritisme ; pour peu que le mouvement soit secondé au lieu d'être entravé, dix ans ne se passeraient pas avant que tous les individus, sans exception, soient Spirites. Mais ces entraves mêmes sont utiles pour tempérer le mouvement qui, quelque peu ralenti, n'en est que plus réfléchi. La Toute-Puissance, par la volonté de laquelle tout s'accomplit, saura bien lever les obstacles quand il en sera temps. Le Spiritisme sera un jour la foi universelle, et l'on s'étonnera qu'il n'en ait pas toujours été ainsi.
Quant au principe de la réincarnation terrestre, je vous avoue que mon initiation n'avait pas été jusque-là, et sans doute à dessein, car je n'eusse point manqué d'en faire, comme des autres révélations, le sujet de mes instructions à l'Impératrice, et peut-être cela eût-il été prématuré. Ceux qui président au mouvement ascensionnel savent bien ce qu'ils font. Les principes naissent un à un, selon les temps, les lieux et les individus, et il était réservé à votre époque de les voir réunis en un faisceau solide, logique et inattaquable.
Lavater.
(Société de Paris, 13 mars 1868.)
Depuis que la miséricorde divine permit que moi, humble créature, je reçusse la révélation par l'entremise des messagers de l'immensité, jusqu'à ce jour, les années sont, une à une, tombées dans le gouffre des temps ; et à mesure qu'elles s'écoulaient, s'augmentaient aussi les connaissances des hommes, et leur horizon intellectuel s'élargissait.
Depuis que les quelques pages qu'on vous a lues m'ont été données, bien d'autres pages ont été données dans le monde entier sur le même sujet et par le même moyen. Ne croyez pas que j'aie la prétention, moi, humble entre tous, d'avoir eu le premier l'honneur insigne de recevoir une telle faveur ; non ; d'autres avant moi avaient, eux aussi, reçu la révélation ; mais, comme moi, hélas ! ils en ont incomplètement compris certaines parties. C'est qu'il faut, messieurs, tenir compte du temps, du degré d'instruction morale, et surtout du degré d'émancipation philosophique des peuples.
Les Esprits, dont je suis heureux aujourd'hui de faire partie, forment, eux aussi, des peuples, des mondes, mais ils n'ont pas de races ; ils étudient, ils voient, et leurs études peuvent incontestablement être plus grandes, plus vastes que les études des hommes ; mais, néanmoins, elles partent toujours des connaissances acquises, et du point culminant du progrès moral et intellectuel du temps et du milieu où ils vivent. Si les Esprits, ces messagers divins, viennent journellement vous donner des instructions d'un ordre plus élevé, c'est que la généralité des êtres qui les reçoivent est en état de les comprendre. Par suite des préparations qu'ils ont subies, il est des instants où les hommes n'ont pas besoin de laisser passer sur eux l'éternité d'un siècle pour comprendre. Dès qu'on voit s'élever rapidement le niveau moral, une sorte d'attraction les porte vers un certain courant d'idées qu'ils doivent s'assimiler, et vers le but auquel ils doivent aspirer ; mais ces instants sont courts, et c'est aux hommes d'en profiter.
J'ai dit qu'il fallait tenir compte des temps, et surtout du degré d'émancipation philosophique que comportait l'époque. Reconnaissant envers la Divinité, qui m'avait permis d'acquérir, par une faveur spéciale, plus vite que d'autres hommes partis du même point, certaines connaissances, je reçus des communications des Esprits. Mais l'éducation première, les enseignements étroits, la tradition et l'usage pesaient sur moi ; malgré mes aspirations à acquérir une liberté, une indépendance d'esprit que je désirais, aimant attractif pour les Esprits qui venaient se communiquer à moi, ne connaissant pas la science qui vous a été révélée depuis, je ne pouvais attirer que les êtres similaires de mes idées, de mes aspirations, et qui, avec un horizon plus large, avaient cependant la même vue bornée. De là, je le confesse, les quelques erreurs que vous avez pu remarquer dans ce qui vous est venu de moi ; mais le fond, le corps principal, n'est-il pas, messieurs, conforme à tout ce qui, depuis, vous a été révélé par ces messagers dont je parlais tout à l'heure ?
Esprit incarné porté d'instinct au bien, nature bouillonnante s'emparant d'une pensée qui me portait au vrai, aussi vite, hélas ! que de celles qui me portaient à l'erreur, c'est peut-être là le motif qui a provoqué les inexactitudes de mes communications, n'ayant pas, pour les rectifier, le contrôle des points de comparaison ; car, pour qu'une révélation soit parfaite, il faut qu'elle s'adresse à un homme parfait, et il n'en existe pas ; ce n'est donc que de l'ensemble qu'on peut extraire les éléments de la vérité : c'est ce que vous avez pu faire ; mais, de mon temps, pouvait-on former un ensemble de quelques parcelles du vrai, de quelques communications exceptionnelles ? Non. Je suis heureux d'avoir été l'un des privilégiés du siècle dernier ; j'ai obtenu quelques-unes de ces communications par mon intermédiaire direct, et la majeure partie au moyen d'un Médium, mon ami, complètement étranger à la langue de l'âme, et il faut tout dire, même à celle du bien.
Heureux de faire partager ces idées à des intelligences que je croyais au-dessus de la mienne, une porte me fut ouverte ; je la saisis avec empressement, et toutes les révélations de la vie d'outre-tombe furent, par moi, portées à la connaissance d'une Impératrice qui, à son tour, les porta à la connaissance de son entourage, et ainsi de proche en proche.
Croyez-le bien, le Spiritisme n'a pas été révélé spontanément ; comme toute chose sortie des mains de Dieu, il s'est développé progressivement, lentement, sûrement. Il a été en germe dans le premier germe des choses, et il a grossi avec ce germe jusqu'à ce qu'il fût assez fort pour se subdiviser à l'infini, et répandre partout sa semence fécondante et régénératrice. C'est par lui que vous serez heureux, que sera assuré le bonheur des peuples ; que dis-je ? le bonheur de tous les mondes ; car le Spiritisme, mot que j'ignorais, est appelé à faire de bien grandes révolutions ! Mais, rassurez-vous ; ces révolutions-là n'ensanglantent jamais leur drapeau ; ce sont des révolutions morales, intellectuelles ; révolutions gigantesques, plus irrésistibles que celles qui sont provoquées par les armes, par lesquelles tout est tellement appelé à se transformer, que tout ce que vous connaissez n'est qu'une faible ébauche de ce qu'elles produiront. Le Spiritisme est un mot si vaste, si grand, par tout ce qu'il contient, qu'il me semble qu'un homme qui en connaîtrait toute la profondeur ne pourrait le prononcer sans respect.
Messieurs, moi, Esprit bien petit, en dépit de la grande intelligence dont vous me gratifiez, et en regard de ceux bien supérieurs qu'il m'est donné de contempler, je viens vous dire : Croyez-vous donc que ce soit par un effet du hasard que vous avez pu entendre ce soir ce que Lavater avait obtenu et écrit ? Non, ce n'est pas par hasard, et ma main périspritale les a sûrement dirigées jusqu'à vous. Mais si ces quelques pensées sont venues à votre connaissance par mon entremise, ne croyez pas que j'y aie cherché une vaine satisfaction d'amour-propre ; non, loin de là ; le but était plus grand, et même la pensée de les porter à la connaissance universelle de la terre n'est pas venue de moi. Cette connaissance avait son utilité ; elle doit avoir des conséquences graves, c'est pour cela qu'il vous a été donné de la répandre. Dans les plus petites causes se trouve le germe des plus grandes rénovations. Je suis heureux, messieurs, qu'il me soit laissé le droit de vous pressentir sur la portée qu'auront ces quelques réflexions, ces communications, bien pauvres auprès de celles que vous obtenez actuellement ; et si j'en entrevois le résultat, si j'en suis heureux, pourquoi ne le seriez-vous pas ?
Je reviendrai, messieurs, et ce que j'ai dit ce soir est si peu de chose auprès de ce que j'ai mission de vous apprendre, que j'ose à peine vous dire : c'est Lavater.
Demande. Nous vous remercions des explications que vous avez bien voulu nous donner, et nous serons très heureux de vous compter désormais au nombre de nos Esprits instructeurs. Nous recevrons vos instructions avec la plus vive reconnaissance. En attendant, permettez-nous une simple question sur votre communication d'aujourd'hui :
1° Vous dites que l'Impératrice porta ces idées à la connaissance de son entourage, et ainsi de proche en proche. Serait-ce à cette initiative, partie du point culminant de la société, que la doctrine spirite doit de rencontrer de si nombreuses sympathies parmi les sommités sociales en Russie ? – 2° Un point que je m'étonne de ne pas voir mentionné dans vos lettres, c'est le grand principe de la réincarnation, l'une des lois naturelles qui témoignent le plus de la justice et de la bonté de Dieu.
Réponse. – Il est évident que l'influence de l'Impératrice et de quelques autres grands personnages fut prédominante pour déterminer, en Russie, le développement du mouvement philosophique dans le sens spiritualiste ; mais, si la pensée des princes de la terre détermine souvent la pensée des grands qui se trouvent sous leur dépendance, il n'en est point de même des petits. Ceux qui ont chance de développer dans le peuple les idées progressives, ce sont les fils du peuple ; ce sont eux qui feront triompher partout les principes de solidarité et de charité qui sont la base du Spiritisme.
Aussi, Dieu, dans sa sagesse, a-t-il échelonné les éléments du progrès ; ils sont en haut, en bas, sous toutes les formes, et préparés pour combattre toutes les résistances. Ils subissent ainsi un mouvement de va-et-vient constant qui ne peut manquer d'établir l'harmonie des sentiments entre les hautes et les basses classes, et de faire triompher solidairement les principes d'autorité et de liberté.
Les peuples sont, comme vous le savez, formés d'Esprits qui ont entre eux une certaine affinité d'idées, qui les prédisposent plus ou moins à s'assimiler les idées de tel ou tel ordre, parce que ces mêmes idées sont, chez eux, à l'état latent et n'attendent qu'une occasion pour se développer. Le peuple russe et plusieurs autres sont dans ce cas par rapport au Spiritisme ; pour peu que le mouvement soit secondé au lieu d'être entravé, dix ans ne se passeraient pas avant que tous les individus, sans exception, soient Spirites. Mais ces entraves mêmes sont utiles pour tempérer le mouvement qui, quelque peu ralenti, n'en est que plus réfléchi. La Toute-Puissance, par la volonté de laquelle tout s'accomplit, saura bien lever les obstacles quand il en sera temps. Le Spiritisme sera un jour la foi universelle, et l'on s'étonnera qu'il n'en ait pas toujours été ainsi.
Quant au principe de la réincarnation terrestre, je vous avoue que mon initiation n'avait pas été jusque-là, et sans doute à dessein, car je n'eusse point manqué d'en faire, comme des autres révélations, le sujet de mes instructions à l'Impératrice, et peut-être cela eût-il été prématuré. Ceux qui président au mouvement ascensionnel savent bien ce qu'ils font. Les principes naissent un à un, selon les temps, les lieux et les individus, et il était réservé à votre époque de les voir réunis en un faisceau solide, logique et inattaquable.
Lavater.
Éducation d'outre-tombe
On nous écrit de Caen :
« Une mère et ses trois jeunes filles, voulant étudier la doctrine spirite, n'en pouvaient pas lire deux pages sans ressentir un malaise dont elles ne se rendaient pas compte. Je me trouvai un jour chez ces dames, avec une jeune fille médium somnambule très lucide ; celle-ci s'endormit spontanément et vit près d'elle un Esprit qu'elle reconnut pour l'abbé L…, ancien curé de l'endroit, mort il y a une dizaine d'années.
Demande. Est-ce, vous monsieur, le curé qui empêchez cette famille de lire ? – Réponse. Oui, c'est moi ; je veille sans cesse sur le troupeau confié à mes soins ; il y a longtemps que je vous vois vouloir instruire mes pénitentes dans votre triste doctrine ; qui vous a donné le droit d'enseigner ? Avez-vous fait des études pour cela ?
Demande. Dites-nous, monsieur l'abbé, êtes-vous dans le ciel ? – Réponse. Non ; je ne suis pas assez pur pour voir Dieu.
Demande. Vous êtes alors dans les flammes du purgatoire ? – Réponse. Non, puisque je ne souffre pas.
Demande. Avez-vous vu l'enfer ? – Réponse. Vous me faites trembler ! vous me troublez ! Je ne puis vous répondre, car vous me direz peut-être que je dois être dans l'une de ces trois choses. Je tremble en pensant à ce que vous dites, et pourtant je suis attiré vers vous par la logique de vos raisonnements. Je reviendrai et je discuterai avec vous.
Il est revenu bien des fois en effet ; nous avons discuté, et il a si bien compris, que l'enthousiasme l'a gagné. Dernièrement, il s'écriait : « Oui, je suis Spirite maintenant, dites-le à tous ceux qui enseignent. Ah ! que je voudrais qu'ils comprissent Dieu comme cet ange me l'a fait connaître ! » Il parlait de Carita, qui était venue vers nous, et devant laquelle il était tombé à genoux, en disant que ce n'était pas un Esprit, mais un ange. Depuis ce moment, il a pris pour mission d'instruire ceux qui prétendent instruire les autres. »
Notre correspondant ajoute le fait suivant :
« Parmi les Esprits qui viennent dans notre cercle, nous avons eu le docteur X…, qui s'empare de notre médium, et qui est comme un enfant ; il faut lui donner des explications sur tout ; il avance, il comprend, et il est plein d'enthousiasme ; il va auprès des savants qu'il a connus ; il veut leur expliquer ce qu'il voit, ce qu'il sait maintenant, mais ils ne le comprennent pas ; alors il s'irrite et les traite d'ignares. Un jour, dans une réunion de dix personnes, il s'empara de l'enfant, comme d'habitude (la jeune fille médium, par laquelle il parle et agit) ; il me demanda qui j'étais et pourquoi j'avais tant de savoir sans avoir rien appris ; il me prit la tête avec les mains et dit : « Voilà la matière, je m'y reconnais, mais comment suis-je ici, moi ? comment puis-je faire parler cet organisme qui n'est cependant pas à moi ? Vous me parlez d'âme, mais où est celle qui habite ce corps ? »
Après lui avoir fait remarquer le lien fluidique qui unit l'Esprit au corps pendant la vie, il s'écria tout à coup, en parlant de la jeune fille médium : « Je connais cette enfant, je l'ai vue chez moi ; son cœur était malade ; comment se fait-il qu'il ne le soit plus ? Dites-moi qui l'a guérie ? » Je lui fis observer qu'il se trompait, et ne l'avait jamais vue. – « Non, dit-il, je ne me trompe pas, et la preuve c'est que je lui ai piqué le bras et qu'elle n'a ressenti aucune douleur. »
Lorsque la jeune fille fut réveillée, nous lui demandâmes si elle avait connu le docteur et si elle avait été le consulter. « Je ne sais, répondit-elle, si c'est lui ; mais, étant à Paris on m'a conduite chez un célèbre médecin dont je ne me rappelle ni le nom ni l'adresse. »
Ses idées se modifient rapidement ; c'est maintenant un Esprit dans le délire du bonheur de ce qu'il sait ; il voudrait prouver à tout le monde que notre enseignement est incontestable. Ce qui le préoccupe surtout, c'est la question des fluides. « Je veux, dit-il, guérir comme votre ami ; je ne veux plus me servir de poisons ; n'en prenez jamais. » Il étudie aujourd'hui l'homme, non plus dans son organisme, mais dans son âme ; il nous a fait lui dire comment s'opérait l'union de l'âme et du corps dans la conception, et il en parut très heureux. Le bon docteur Demeure est venu ensuite, et nous a dit de ne pas nous étonner des questions, parfois puériles, qu'il pourrait nous faire : « il est, a-t-il dit, comme un enfant à qui il faut apprendre à lire dans le grand livre de la nature ; mais, comme c'est en même temps une grande intelligence, il s'instruit rapidement, et nous y concourons de notre côté. »
Ces deux exemples viennent confirmer ces trois grands principes révélés par le Spiritisme, savoir :
1° Que l'âme conserve dans le monde des Esprits, pour un temps plus ou moins long, les idées et les préjugés qu'elle avait pendant la vie terrestre ;
2° Qu'elle se modifie, progresse et acquiert des connaissances nouvelles dans le monde des Esprits ;
3° Que les incarnés peuvent concourir au progrès des Esprits désincarnés.
Ces principes, résultat d'innombrables observations, ont une importance capitale, en ce qu'ils renversent toutes les idées implantées par les croyances religieuses sur l'état stationnaire et définitif des Esprits après la mort. Dès lors que le progrès à l'état spirituel est démontré, toutes les croyances fondées sur la perpétuité d'une situation uniforme quelconque tombent devant l'autorité des faits. Elles tombent aussi devant la raison philosophique qui dit que le progrès est une loi de la nature, et que l'état stationnaire des Esprits serait à la fois la négation de cette loi et de la justice de Dieu.
L'Esprit progressant en dehors de l'incarnation, il en résulte cette autre conséquence non moins capitale, qu'en revenant sur la terre, il apporte le double acquis des existences antérieures et de l'erraticité. Ainsi s'accomplit le progrès des générations.
Il est incontestable que lorsque le médecin et le prêtre dont il est parlé ci-dessus renaîtront, ils apporteront des idées et des opinions tout autres que celles qu'ils avaient dans l'existence qu'ils viennent de quitter ; l'un ne sera plus fanatique, l'autre ne sera plus matérialiste, et tous les deux seront Spirites. On peut en dire autant du docteur Morel Lavallé, de l'évêque de Barcelone et de tant d'autres. Il y a donc utilité, pour l'avenir de la société, à s'occuper de l'éducation des Esprits.
« Une mère et ses trois jeunes filles, voulant étudier la doctrine spirite, n'en pouvaient pas lire deux pages sans ressentir un malaise dont elles ne se rendaient pas compte. Je me trouvai un jour chez ces dames, avec une jeune fille médium somnambule très lucide ; celle-ci s'endormit spontanément et vit près d'elle un Esprit qu'elle reconnut pour l'abbé L…, ancien curé de l'endroit, mort il y a une dizaine d'années.
Demande. Est-ce, vous monsieur, le curé qui empêchez cette famille de lire ? – Réponse. Oui, c'est moi ; je veille sans cesse sur le troupeau confié à mes soins ; il y a longtemps que je vous vois vouloir instruire mes pénitentes dans votre triste doctrine ; qui vous a donné le droit d'enseigner ? Avez-vous fait des études pour cela ?
Demande. Dites-nous, monsieur l'abbé, êtes-vous dans le ciel ? – Réponse. Non ; je ne suis pas assez pur pour voir Dieu.
Demande. Vous êtes alors dans les flammes du purgatoire ? – Réponse. Non, puisque je ne souffre pas.
Demande. Avez-vous vu l'enfer ? – Réponse. Vous me faites trembler ! vous me troublez ! Je ne puis vous répondre, car vous me direz peut-être que je dois être dans l'une de ces trois choses. Je tremble en pensant à ce que vous dites, et pourtant je suis attiré vers vous par la logique de vos raisonnements. Je reviendrai et je discuterai avec vous.
Il est revenu bien des fois en effet ; nous avons discuté, et il a si bien compris, que l'enthousiasme l'a gagné. Dernièrement, il s'écriait : « Oui, je suis Spirite maintenant, dites-le à tous ceux qui enseignent. Ah ! que je voudrais qu'ils comprissent Dieu comme cet ange me l'a fait connaître ! » Il parlait de Carita, qui était venue vers nous, et devant laquelle il était tombé à genoux, en disant que ce n'était pas un Esprit, mais un ange. Depuis ce moment, il a pris pour mission d'instruire ceux qui prétendent instruire les autres. »
Notre correspondant ajoute le fait suivant :
« Parmi les Esprits qui viennent dans notre cercle, nous avons eu le docteur X…, qui s'empare de notre médium, et qui est comme un enfant ; il faut lui donner des explications sur tout ; il avance, il comprend, et il est plein d'enthousiasme ; il va auprès des savants qu'il a connus ; il veut leur expliquer ce qu'il voit, ce qu'il sait maintenant, mais ils ne le comprennent pas ; alors il s'irrite et les traite d'ignares. Un jour, dans une réunion de dix personnes, il s'empara de l'enfant, comme d'habitude (la jeune fille médium, par laquelle il parle et agit) ; il me demanda qui j'étais et pourquoi j'avais tant de savoir sans avoir rien appris ; il me prit la tête avec les mains et dit : « Voilà la matière, je m'y reconnais, mais comment suis-je ici, moi ? comment puis-je faire parler cet organisme qui n'est cependant pas à moi ? Vous me parlez d'âme, mais où est celle qui habite ce corps ? »
Après lui avoir fait remarquer le lien fluidique qui unit l'Esprit au corps pendant la vie, il s'écria tout à coup, en parlant de la jeune fille médium : « Je connais cette enfant, je l'ai vue chez moi ; son cœur était malade ; comment se fait-il qu'il ne le soit plus ? Dites-moi qui l'a guérie ? » Je lui fis observer qu'il se trompait, et ne l'avait jamais vue. – « Non, dit-il, je ne me trompe pas, et la preuve c'est que je lui ai piqué le bras et qu'elle n'a ressenti aucune douleur. »
Lorsque la jeune fille fut réveillée, nous lui demandâmes si elle avait connu le docteur et si elle avait été le consulter. « Je ne sais, répondit-elle, si c'est lui ; mais, étant à Paris on m'a conduite chez un célèbre médecin dont je ne me rappelle ni le nom ni l'adresse. »
Ses idées se modifient rapidement ; c'est maintenant un Esprit dans le délire du bonheur de ce qu'il sait ; il voudrait prouver à tout le monde que notre enseignement est incontestable. Ce qui le préoccupe surtout, c'est la question des fluides. « Je veux, dit-il, guérir comme votre ami ; je ne veux plus me servir de poisons ; n'en prenez jamais. » Il étudie aujourd'hui l'homme, non plus dans son organisme, mais dans son âme ; il nous a fait lui dire comment s'opérait l'union de l'âme et du corps dans la conception, et il en parut très heureux. Le bon docteur Demeure est venu ensuite, et nous a dit de ne pas nous étonner des questions, parfois puériles, qu'il pourrait nous faire : « il est, a-t-il dit, comme un enfant à qui il faut apprendre à lire dans le grand livre de la nature ; mais, comme c'est en même temps une grande intelligence, il s'instruit rapidement, et nous y concourons de notre côté. »
Ces deux exemples viennent confirmer ces trois grands principes révélés par le Spiritisme, savoir :
1° Que l'âme conserve dans le monde des Esprits, pour un temps plus ou moins long, les idées et les préjugés qu'elle avait pendant la vie terrestre ;
2° Qu'elle se modifie, progresse et acquiert des connaissances nouvelles dans le monde des Esprits ;
3° Que les incarnés peuvent concourir au progrès des Esprits désincarnés.
Ces principes, résultat d'innombrables observations, ont une importance capitale, en ce qu'ils renversent toutes les idées implantées par les croyances religieuses sur l'état stationnaire et définitif des Esprits après la mort. Dès lors que le progrès à l'état spirituel est démontré, toutes les croyances fondées sur la perpétuité d'une situation uniforme quelconque tombent devant l'autorité des faits. Elles tombent aussi devant la raison philosophique qui dit que le progrès est une loi de la nature, et que l'état stationnaire des Esprits serait à la fois la négation de cette loi et de la justice de Dieu.
L'Esprit progressant en dehors de l'incarnation, il en résulte cette autre conséquence non moins capitale, qu'en revenant sur la terre, il apporte le double acquis des existences antérieures et de l'erraticité. Ainsi s'accomplit le progrès des générations.
Il est incontestable que lorsque le médecin et le prêtre dont il est parlé ci-dessus renaîtront, ils apporteront des idées et des opinions tout autres que celles qu'ils avaient dans l'existence qu'ils viennent de quitter ; l'un ne sera plus fanatique, l'autre ne sera plus matérialiste, et tous les deux seront Spirites. On peut en dire autant du docteur Morel Lavallé, de l'évêque de Barcelone et de tant d'autres. Il y a donc utilité, pour l'avenir de la société, à s'occuper de l'éducation des Esprits.
Le docteur Philippeau
Impressions d'un médecin matérialiste dans le monde des Esprits
Dans une réunion intime de famille où l'on s'occupait de communications par la typtologie, deux Esprits causant ensemble se manifestent spontanément, sans aucune évocation préalable, et sans que l'on songeât à eux : l'un était celui d'un médecin distingué, que nous désignerons sous le nom de Philippeau, mort depuis peu, et qui, de son vivant, avait ouvertement fait profession du matérialisme le plus absolu ; l'autre était celui d'une femme qui signa Sainte Victoire. C'est cet entretien que nous rapportons ci-après. Il est à remarquer que les personnes qui obtinrent cette manifestation ne connaissaient le médecin que de réputation, mais n'avaient aucune idée de son caractère, de ses habitudes ni de ses opinions ; la communication ne pouvait donc être, en aucune façon, le reflet de leur pensée, et cela d'autant moins, qu'étant obtenue par la typtologie, elle était tout à fait inconsciente.
Questions du médecin. Le Spiritisme m'apprend qu'il faut espérer, aimer, pardonner ; je ferais toutes ces choses si je savais comment il faut m'y prendre pour commencer. Il faut espérer, quoi ? Il faut pardonner, quoi et à qui ? Il faut aimer, qui ? Répondez-moi.
Philippeau.
Réponse. Il faut espérer en la miséricorde de Dieu, qui est infinie ; il faut pardonner à ceux qui vous ont offensé ; il faut aimer son prochain comme soi-même ; il faut aimer Dieu, afin que Dieu vous aime et vous pardonne ; il faut le prier et lui rendre grâces pour toutes ses bontés, pour toutes vos misères, car misère et bonheur tout nous vient de lui, c'est-à-dire que tout nous vient de lui selon que nous avons mérité.
Celui qui a expié, plus tard aura sa récompense ; chaque chose a sa raison d'être, et Dieu, qui est souverainement bon et juste, donne à chacun selon ses œuvres. Aimer et prier, voilà toute la vie, toute l'éternité.
Sainte Victoire.
Le médecin. Je voudrais, de toute mon âme, vous satisfaire, madame, mais je crains fort de ne le pouvoir entièrement ; pourtant je vais essayer.
Une fois mort, matériellement parlant, je croyais que tout était fini ; donc, lorsque ma matière fut inerte, je fus saisi, épouvanté, en me sentant vivre encore.
J'ai vu ces hommes m'emporter, et je me suis dit : Mais je ne suis pourtant pas mort ! Ils ne voient donc pas, ces imbéciles de médecins, que je vis, que je respire, que je marche, que je les regarde, que je les suis, ces gens qui viennent à mon enterrement !… Qui est-ce donc que l'on enterre ?… Ce n'est donc pas moi… J'écoutais les uns et les autres : « Ce pauvre Philippeau, disaient-ils, il a bien fait des guérisons ; il en a bien tué quelques-uns ; aujourd'hui c'est son tour ; quand la mort y est, nous perdons notre temps. » J'avais beau crier : « Mais Philippeau ne meurt pas comme cela ; je ne suis pas mort ! » on ne m'entendait pas, on ne me voyait pas.
Trois jours se sont passés ainsi ; j'étais disparu du monde, et je me sentais plus vivant que jamais. Soit hasard, soit Providence, mes yeux tombèrent sur une brochure d'Allan Kardec ; je lus ses descriptions sur le Spiritisme, et je me dis : Serais-je, par hasard, un Esprit ?… Je lus, je relus, et je compris alors la transformation de mon être : je n'étais plus un homme, mais un Esprit !… Oui ; mais alors qu'avais-je à faire dans ce monde nouveau ? dans cette nouvelle sphère ?… J'errais, je cherchais : je trouvai le vide, le sombre, l'abîme enfin.
Qu'avais-je donc fait, en quittant le monde, pour venir habiter ces ténèbres ?… L'enfer est donc noir, et c'est dans cet enfer que je suis tombé ?… Pourquoi ?… Parce que j'ai travaillé toute ma vie ? Parce que j'ai employé mon existence à soigner les uns et les autres, à les sauver lorsque ma science me l'a permis ?… Non ! non !… Pourquoi alors ? Pourquoi ?… cherche ! cherche !… Rien ; je ne trouve rien.
Alors je relus Allan Kardec : espérer, pardonner et aimer, voilà la solution. Maintenant je comprends le reste ; ce que je n'avais pas compris, ce que j'avais nié : Dieu, l'Être invisible et suprême, il faut que je le prie ; ce que j'avais fait pour la science, il faut que je le fasse pour Dieu ; que j'étudie, que j'accomplisse ma mission spirituelle. Je comprends encore vaguement ces choses, et je vois de longs combats dans ma pensée, car tout un monde nouveau s'ouvre à moi, et je recule effrayé devant ce que j'ai à parcourir. Pourtant, il faut expier, dites-vous ; cette terre a été pour moi bien pénible, car il m'a fallu plus de peine que vous ne pouvez le soupçonner pour arriver où je suis arrivé ! L'ambition était mon seul mobile ; je le voulais, et je suis arrivé.
Maintenant tout est à refaire. J'ai fait tout le contraire de ce qu'il fallait. J'ai appris, j'ai creusé la science, non par amour pour la science, mais par ambition, pour être plus qu'un autre, pour que l'on parle de moi. J'ai soigné mon prochain, non pour le soulager, mais pour m'enrichir ; j'ai, en un mot, été tout à la matière, quand on doit être tout à l'esprit. Quelles sont aujourd'hui mes œuvres ? La richesse, la science ; néant ! néant ! Tout est à refaire.
En aurai-je le courage ? en aurai-je la force, les moyens, la facilité ?… Le monde spirituel où je marche est une énigme ; la prière m'est inconnue ; que faire ? qui m'aidera ? Vous, peut-être, qui m'avez déjà répondu… Prenez garde ! la tâche est rude, difficile, l'écolier parfois rebelle… Je tâcherai pourtant de me rendre à vos bonnes raisons, et vous remercie d'avance de vos bontés.
Philippeau.
Dans une réunion intime de famille où l'on s'occupait de communications par la typtologie, deux Esprits causant ensemble se manifestent spontanément, sans aucune évocation préalable, et sans que l'on songeât à eux : l'un était celui d'un médecin distingué, que nous désignerons sous le nom de Philippeau, mort depuis peu, et qui, de son vivant, avait ouvertement fait profession du matérialisme le plus absolu ; l'autre était celui d'une femme qui signa Sainte Victoire. C'est cet entretien que nous rapportons ci-après. Il est à remarquer que les personnes qui obtinrent cette manifestation ne connaissaient le médecin que de réputation, mais n'avaient aucune idée de son caractère, de ses habitudes ni de ses opinions ; la communication ne pouvait donc être, en aucune façon, le reflet de leur pensée, et cela d'autant moins, qu'étant obtenue par la typtologie, elle était tout à fait inconsciente.
Questions du médecin. Le Spiritisme m'apprend qu'il faut espérer, aimer, pardonner ; je ferais toutes ces choses si je savais comment il faut m'y prendre pour commencer. Il faut espérer, quoi ? Il faut pardonner, quoi et à qui ? Il faut aimer, qui ? Répondez-moi.
Philippeau.
Réponse. Il faut espérer en la miséricorde de Dieu, qui est infinie ; il faut pardonner à ceux qui vous ont offensé ; il faut aimer son prochain comme soi-même ; il faut aimer Dieu, afin que Dieu vous aime et vous pardonne ; il faut le prier et lui rendre grâces pour toutes ses bontés, pour toutes vos misères, car misère et bonheur tout nous vient de lui, c'est-à-dire que tout nous vient de lui selon que nous avons mérité.
Celui qui a expié, plus tard aura sa récompense ; chaque chose a sa raison d'être, et Dieu, qui est souverainement bon et juste, donne à chacun selon ses œuvres. Aimer et prier, voilà toute la vie, toute l'éternité.
Sainte Victoire.
Le médecin. Je voudrais, de toute mon âme, vous satisfaire, madame, mais je crains fort de ne le pouvoir entièrement ; pourtant je vais essayer.
Une fois mort, matériellement parlant, je croyais que tout était fini ; donc, lorsque ma matière fut inerte, je fus saisi, épouvanté, en me sentant vivre encore.
J'ai vu ces hommes m'emporter, et je me suis dit : Mais je ne suis pourtant pas mort ! Ils ne voient donc pas, ces imbéciles de médecins, que je vis, que je respire, que je marche, que je les regarde, que je les suis, ces gens qui viennent à mon enterrement !… Qui est-ce donc que l'on enterre ?… Ce n'est donc pas moi… J'écoutais les uns et les autres : « Ce pauvre Philippeau, disaient-ils, il a bien fait des guérisons ; il en a bien tué quelques-uns ; aujourd'hui c'est son tour ; quand la mort y est, nous perdons notre temps. » J'avais beau crier : « Mais Philippeau ne meurt pas comme cela ; je ne suis pas mort ! » on ne m'entendait pas, on ne me voyait pas.
Trois jours se sont passés ainsi ; j'étais disparu du monde, et je me sentais plus vivant que jamais. Soit hasard, soit Providence, mes yeux tombèrent sur une brochure d'Allan Kardec ; je lus ses descriptions sur le Spiritisme, et je me dis : Serais-je, par hasard, un Esprit ?… Je lus, je relus, et je compris alors la transformation de mon être : je n'étais plus un homme, mais un Esprit !… Oui ; mais alors qu'avais-je à faire dans ce monde nouveau ? dans cette nouvelle sphère ?… J'errais, je cherchais : je trouvai le vide, le sombre, l'abîme enfin.
Qu'avais-je donc fait, en quittant le monde, pour venir habiter ces ténèbres ?… L'enfer est donc noir, et c'est dans cet enfer que je suis tombé ?… Pourquoi ?… Parce que j'ai travaillé toute ma vie ? Parce que j'ai employé mon existence à soigner les uns et les autres, à les sauver lorsque ma science me l'a permis ?… Non ! non !… Pourquoi alors ? Pourquoi ?… cherche ! cherche !… Rien ; je ne trouve rien.
Alors je relus Allan Kardec : espérer, pardonner et aimer, voilà la solution. Maintenant je comprends le reste ; ce que je n'avais pas compris, ce que j'avais nié : Dieu, l'Être invisible et suprême, il faut que je le prie ; ce que j'avais fait pour la science, il faut que je le fasse pour Dieu ; que j'étudie, que j'accomplisse ma mission spirituelle. Je comprends encore vaguement ces choses, et je vois de longs combats dans ma pensée, car tout un monde nouveau s'ouvre à moi, et je recule effrayé devant ce que j'ai à parcourir. Pourtant, il faut expier, dites-vous ; cette terre a été pour moi bien pénible, car il m'a fallu plus de peine que vous ne pouvez le soupçonner pour arriver où je suis arrivé ! L'ambition était mon seul mobile ; je le voulais, et je suis arrivé.
Maintenant tout est à refaire. J'ai fait tout le contraire de ce qu'il fallait. J'ai appris, j'ai creusé la science, non par amour pour la science, mais par ambition, pour être plus qu'un autre, pour que l'on parle de moi. J'ai soigné mon prochain, non pour le soulager, mais pour m'enrichir ; j'ai, en un mot, été tout à la matière, quand on doit être tout à l'esprit. Quelles sont aujourd'hui mes œuvres ? La richesse, la science ; néant ! néant ! Tout est à refaire.
En aurai-je le courage ? en aurai-je la force, les moyens, la facilité ?… Le monde spirituel où je marche est une énigme ; la prière m'est inconnue ; que faire ? qui m'aidera ? Vous, peut-être, qui m'avez déjà répondu… Prenez garde ! la tâche est rude, difficile, l'écolier parfois rebelle… Je tâcherai pourtant de me rendre à vos bonnes raisons, et vous remercie d'avance de vos bontés.
Philippeau.
Le Spiritisme partout
La Comtesse de Monte-Cristo.
Sous ce titre, la Petite Presse publie un roman-feuilleton dans lequel
on trouve les passages suivants, extraits des chapitres XXX et XXXI :
« – Mon paradis, chère mère, disait à la comtesse de Monte-Cristo sa fille mourante, ce sera de rester près de toi, près de vous ! toujours vivante dans vos pensées, vous écoutant et vous répondant, causant tout bas avec vos âmes.
Quand la fleur embaumera dans le jardin, et que tu la porteras à tes lèvres, je serai dans la fleur et c'est moi qui recevrai le baiser ! Je me ferai aussi le rayon, le souffle qui passe, le murmure qui bruit. Le vent qui agitera tes cheveux sera ma caresse ; l'odeur qui des lilas fleuris s'élèvera vers ta fenêtre, ce sera mon souffle ; le chant lointain qui te fera pleurer, ce sera ma voix !
« – Mon paradis, chère mère, disait à la comtesse de Monte-Cristo sa fille mourante, ce sera de rester près de toi, près de vous ! toujours vivante dans vos pensées, vous écoutant et vous répondant, causant tout bas avec vos âmes.
Quand la fleur embaumera dans le jardin, et que tu la porteras à tes lèvres, je serai dans la fleur et c'est moi qui recevrai le baiser ! Je me ferai aussi le rayon, le souffle qui passe, le murmure qui bruit. Le vent qui agitera tes cheveux sera ma caresse ; l'odeur qui des lilas fleuris s'élèvera vers ta fenêtre, ce sera mon souffle ; le chant lointain qui te fera pleurer, ce sera ma voix !
……
Mère, ne blasphème pas ! Point de colère contre Dieu ! Hélas ! ces colères et ces blasphèmes nous sépareraient peut-être à jamais.
Tant que tu resteras ici-bas, je me ferai ta compagne d'exil ; mais plus tard, lorsque, résignée aux volontés de notre Père qui est aux cieux, tu auras à ton tour fermé tes yeux pour ne plus les rouvrir, alors je serai à mon tour à ton chevet, attendant ta délivrance ; et, ivres d'une joie éternelle, nos deux cœurs, réunis à jamais, enlacés pour l'éternité, s'envoleront d'un même essor vers le ciel clément. Comprends-tu cette joie, mère ? ne jamais se quitter, toujours s'aimer, toujours ! Former, pour ainsi dire, à la fois deux êtres distincts et un seul être ; être toi et moi en même temps ? Aimer et savoir que l'on est aimée, et que la mesure de l'amour que l'on inspire est celle même de celui que l'on éprouve ?
Ici-bas, nous ne nous connaissons point ; je t'ignore comme tu m'ignores ; entre nos deux Esprit nos deux corps font obstacle ; nous ne nous voyons que confusément à travers le voile de la chair. Mais là-haut, nous lirons clairement dans le cœur l'une de l'autre. Et savoir à quel point l'on s'aime, c'est le véritable paradis, vois-tu !
Hélas ! toutes ces promesses d'un bonheur mystique et infini, loin de calmer les angoisses d'Hélène, ne faisaient que les rendre plus intenses, en lui faisant mesurer la valeur du bien qu'elle allait perdre.
Par intervalles, cependant, au vent de ces paroles inspirées, l'âme d'Hélène s'envolait presque jusqu'aux hauteurs sereines où planait celle de la Pippione. Ses larmes s'arrêtaient, le calme rentrait dans son sein bouleversé ; il lui semblait que des êtres invisibles flottaient dans la chambre, soufflant à Blanche les mots à mesure qu'elle les prononçaient.
L'enfant s'était endormie, et, dans son rêve, elle semblait converser avec quelqu'un qu'on ne voyait pas, écouter des voix qu'elle seule entendait, et leur répondre.
Tout à coup, un brusque tressaillement agita ses membres frêles, elle ouvrit tout larges ses grands yeux et appela sa mère, qui rêvait accoudée à la fenêtre.
Elle s'approcha du lit, et la Pippione saisit sa main d'une main moite déjà des dernières sueurs.
– L'instant est venu, dit-elle. Cette nuit est la dernière. Ils m'appellent, je les entends ! Je voudrais bien rester encore, pauvre mère, mais je ne peux, leur volonté est plus forte que la mienne ; ils sont là-haut qui me font signe.
– Folie ! s'écria Hélène ! vision ! rêve ! Toi mourir aujourd'hui, ce soir, entre mes bras ! est-ce que c'est possible, cela ?
– Non, pas mourir, fit la Pippione ; naître ! je sors du rêve au lieu d'y entrer ; le cauchemar est fini, je m'éveille. Oh ! si tu savais comme c'est beau, et quelle lumière brille ici, auprès de laquelle votre soleil n'est qu'une tache noire !
Elle se laissa aller sur les coussins, resta un instant silencieuse, puis reprit :
– Les instants sont courts que j'ai à passer auprès de vous. Je veux que vous soyez tous là pour me dire ce que vous appelez un éternel adieu, ce qui n'est, en réalité, qu'un revoir prochain. Tous, entends-tu bien ? Toi d'abord, le bon docteur, Ursule, et Cyprienne, et Joseph.
Ce nom fut prononcé plus bas que les autres, c'était le dernier soupir, le dernier regret humain de la Pippione. A partir de cet instant, elle appartenait tout entière au ciel.
Mère, ne blasphème pas ! Point de colère contre Dieu ! Hélas ! ces colères et ces blasphèmes nous sépareraient peut-être à jamais.
Tant que tu resteras ici-bas, je me ferai ta compagne d'exil ; mais plus tard, lorsque, résignée aux volontés de notre Père qui est aux cieux, tu auras à ton tour fermé tes yeux pour ne plus les rouvrir, alors je serai à mon tour à ton chevet, attendant ta délivrance ; et, ivres d'une joie éternelle, nos deux cœurs, réunis à jamais, enlacés pour l'éternité, s'envoleront d'un même essor vers le ciel clément. Comprends-tu cette joie, mère ? ne jamais se quitter, toujours s'aimer, toujours ! Former, pour ainsi dire, à la fois deux êtres distincts et un seul être ; être toi et moi en même temps ? Aimer et savoir que l'on est aimée, et que la mesure de l'amour que l'on inspire est celle même de celui que l'on éprouve ?
Ici-bas, nous ne nous connaissons point ; je t'ignore comme tu m'ignores ; entre nos deux Esprit nos deux corps font obstacle ; nous ne nous voyons que confusément à travers le voile de la chair. Mais là-haut, nous lirons clairement dans le cœur l'une de l'autre. Et savoir à quel point l'on s'aime, c'est le véritable paradis, vois-tu !
Hélas ! toutes ces promesses d'un bonheur mystique et infini, loin de calmer les angoisses d'Hélène, ne faisaient que les rendre plus intenses, en lui faisant mesurer la valeur du bien qu'elle allait perdre.
Par intervalles, cependant, au vent de ces paroles inspirées, l'âme d'Hélène s'envolait presque jusqu'aux hauteurs sereines où planait celle de la Pippione. Ses larmes s'arrêtaient, le calme rentrait dans son sein bouleversé ; il lui semblait que des êtres invisibles flottaient dans la chambre, soufflant à Blanche les mots à mesure qu'elle les prononçaient.
L'enfant s'était endormie, et, dans son rêve, elle semblait converser avec quelqu'un qu'on ne voyait pas, écouter des voix qu'elle seule entendait, et leur répondre.
Tout à coup, un brusque tressaillement agita ses membres frêles, elle ouvrit tout larges ses grands yeux et appela sa mère, qui rêvait accoudée à la fenêtre.
Elle s'approcha du lit, et la Pippione saisit sa main d'une main moite déjà des dernières sueurs.
– L'instant est venu, dit-elle. Cette nuit est la dernière. Ils m'appellent, je les entends ! Je voudrais bien rester encore, pauvre mère, mais je ne peux, leur volonté est plus forte que la mienne ; ils sont là-haut qui me font signe.
– Folie ! s'écria Hélène ! vision ! rêve ! Toi mourir aujourd'hui, ce soir, entre mes bras ! est-ce que c'est possible, cela ?
– Non, pas mourir, fit la Pippione ; naître ! je sors du rêve au lieu d'y entrer ; le cauchemar est fini, je m'éveille. Oh ! si tu savais comme c'est beau, et quelle lumière brille ici, auprès de laquelle votre soleil n'est qu'une tache noire !
Elle se laissa aller sur les coussins, resta un instant silencieuse, puis reprit :
– Les instants sont courts que j'ai à passer auprès de vous. Je veux que vous soyez tous là pour me dire ce que vous appelez un éternel adieu, ce qui n'est, en réalité, qu'un revoir prochain. Tous, entends-tu bien ? Toi d'abord, le bon docteur, Ursule, et Cyprienne, et Joseph.
Ce nom fut prononcé plus bas que les autres, c'était le dernier soupir, le dernier regret humain de la Pippione. A partir de cet instant, elle appartenait tout entière au ciel.
…
– C'était ma fille !
– C'était !… répéta d'une voix presque paternelle le docteur Ozam, en attirant Hélène contre sa poitrine. C'était !… donc ce n'est plus… Que reste-t-il ici ? un peu de chair à demi décomposée, des nerfs qui ne vibrent plus, du sang qui s'épaissit, des yeux sans regard, une gorge sans voix, des oreilles qui n'entendent plus, un peu de fange !
Votre fille ! ce cadavre dans lequel la nature féconde fait déjà germer la vie inférieure qui en disséminera les éléments ? – Votre fille, cette fange qui demain verdira en herbe, fleurira en roses, et rendra au sol toutes les forces vives qu'elle lui a dérobées ? Non, non, – ceci n'est point votre fille ! ceci n'est que le vêtement délicat et charmant qu'elle s'était fait pour traverser notre vie d'épreuves, un haillon qu'elle a abandonné dédaigneusement, comme une robe usée que l'on jette !
Si vous voulez avoir un souvenir vivant de votre fille, pauvre femme, il faut regarder ailleurs… et plus haut.
– Vous y croyez donc aussi, docteur, demanda-t-elle, à cette autre vie ? On vous disait matérialiste.
Le docteur eut un doux sourire ironique.
– Peut-être le suis-je, mais non de la façon dont vous l'entendez.
Ce n'est point à une autre vie que je crois, mais à la vie éternelle, à la vie qui n'a point commencé et qui, par conséquent, n'aura point de fin. – Chacun des êtres, égal aux autres au début, fait pour ainsi dire l'éducation de son âme, et en augmente les facultés et la puissance, dans la mesure de ses mérites et de ses actes. Conséquence immédiate de cette augmentation : cette âme plus parfaite agrège tout autour d'elle une enveloppe plus parfaite également. Puis enfin, un jour arrive où cette enveloppe ne lui suffit plus, et alors, comme on dit, l'âme brise le corps.
Mais elle le brise pour en trouver un autre plus en rapport avec ses besoins et ses qualités nouvelles ? Où ? Qui sait ? Peut-être dans un de ces mondes supérieurs qui étincellent sur nos têtes, dans un monde où elle trouvera un corps plus parfait, doué d'organes plus sensibles, par cela même meilleure et plus heureuse !
– C'était ma fille !
– C'était !… répéta d'une voix presque paternelle le docteur Ozam, en attirant Hélène contre sa poitrine. C'était !… donc ce n'est plus… Que reste-t-il ici ? un peu de chair à demi décomposée, des nerfs qui ne vibrent plus, du sang qui s'épaissit, des yeux sans regard, une gorge sans voix, des oreilles qui n'entendent plus, un peu de fange !
Votre fille ! ce cadavre dans lequel la nature féconde fait déjà germer la vie inférieure qui en disséminera les éléments ? – Votre fille, cette fange qui demain verdira en herbe, fleurira en roses, et rendra au sol toutes les forces vives qu'elle lui a dérobées ? Non, non, – ceci n'est point votre fille ! ceci n'est que le vêtement délicat et charmant qu'elle s'était fait pour traverser notre vie d'épreuves, un haillon qu'elle a abandonné dédaigneusement, comme une robe usée que l'on jette !
Si vous voulez avoir un souvenir vivant de votre fille, pauvre femme, il faut regarder ailleurs… et plus haut.
– Vous y croyez donc aussi, docteur, demanda-t-elle, à cette autre vie ? On vous disait matérialiste.
Le docteur eut un doux sourire ironique.
– Peut-être le suis-je, mais non de la façon dont vous l'entendez.
Ce n'est point à une autre vie que je crois, mais à la vie éternelle, à la vie qui n'a point commencé et qui, par conséquent, n'aura point de fin. – Chacun des êtres, égal aux autres au début, fait pour ainsi dire l'éducation de son âme, et en augmente les facultés et la puissance, dans la mesure de ses mérites et de ses actes. Conséquence immédiate de cette augmentation : cette âme plus parfaite agrège tout autour d'elle une enveloppe plus parfaite également. Puis enfin, un jour arrive où cette enveloppe ne lui suffit plus, et alors, comme on dit, l'âme brise le corps.
Mais elle le brise pour en trouver un autre plus en rapport avec ses besoins et ses qualités nouvelles ? Où ? Qui sait ? Peut-être dans un de ces mondes supérieurs qui étincellent sur nos têtes, dans un monde où elle trouvera un corps plus parfait, doué d'organes plus sensibles, par cela même meilleure et plus heureuse !
...
Nous-mêmes, êtres parfaits, doués dès le premier jour de tous les sens qui nous mettent en rapport avec la nature extérieure, combien d'efforts ne nous faut-il pas ! Quels travaux latents ne sont-ils pas nécessaires pour que l'enfant devienne homme, l'être ignorant et faible, roi de la terre ! Et, sans cesse, jusqu'à la mort, les courageux et les bons persévèrent dans cette voie ardue du travail ; ils élargissent leur intelligence par l'étude, leur cœur par le dévouement. Voilà le travail mystérieux de la chrysalide humaine, le travail par lequel elle acquiert le pouvoir et le droit de briser l'enveloppe du corps et de planer avec des ailes. »
Remarque. – L'auteur, qui avait gardé jusqu'ici l'anonyme, est M. du Boys, jeune écrivain dramatique ; à certaines expressions presque textuelles, on voit évidemment qu'il s'est inspiré de la doctrine.
Nous-mêmes, êtres parfaits, doués dès le premier jour de tous les sens qui nous mettent en rapport avec la nature extérieure, combien d'efforts ne nous faut-il pas ! Quels travaux latents ne sont-ils pas nécessaires pour que l'enfant devienne homme, l'être ignorant et faible, roi de la terre ! Et, sans cesse, jusqu'à la mort, les courageux et les bons persévèrent dans cette voie ardue du travail ; ils élargissent leur intelligence par l'étude, leur cœur par le dévouement. Voilà le travail mystérieux de la chrysalide humaine, le travail par lequel elle acquiert le pouvoir et le droit de briser l'enveloppe du corps et de planer avec des ailes. »
Remarque. – L'auteur, qui avait gardé jusqu'ici l'anonyme, est M. du Boys, jeune écrivain dramatique ; à certaines expressions presque textuelles, on voit évidemment qu'il s'est inspiré de la doctrine.
Le baron Clootz
Sous le titre de : Un vœu humanitaire, Anacharsis Clootz, baron
prussien, conventionnel français, à ses concitoyens de Paris et de
Berlin, le Progrès de Lyon, du 27 avril 1867, publiait, sous forme d'une
lettre censément écrite de l'autre monde, par le conventionnel Clootz,
un assez long article commençant ainsi :
« Dans l'autre monde que j'habite depuis la terrible journée du 24 mars 1794, qui m'a, je l'avoue, quelque peu désillusionné sur les hommes et sur les choses, le seul mot de guerre garde le privilège de me rappeler aux préoccupations de la politique terrestre. Ce que j'ai le plus aimé, que dis-je ? adoré et servi, lorsque j'habitais votre planète, c'est la fraternité des peuples et la paix. A ce grand objet d'étude et d'amour, j'ai donné un gage assez sérieux : ma tête, dont mes cent mille livres de rente accroissaient aux yeux de bien des gens l'importante valeur. Ce qui me consolait même quelque peu en montant les marches de l'échafaud, c'étaient les considérants par lesquels Saint-Just venait de justifier mon arrestation. Il y était dit, s'il m'en souvient bien, que désormais la paix, la justice et la probité seraient mises à l'ordre du jour. J'eusse donné ma vie, je le déclare hautement sans hésiter, et deux fois plutôt qu'une, pour obtenir la moitié de ce résultat. Et notez, s'il vous plaît, que mon sacrifice était plus complet et plus profond que n'aurait pu être celui de la plupart de mes collègues. J'étais de bonne foi et gardais le respect de la justice au fond du cœur ; mais, sans parler des cultes que j'avais en horreur, l'Être suprême de Robespierre lui-même m'agaçait les nerfs, et la vie future avait pour moi l'apparence d'un joli conte de fées. Vous me demanderez sans doute ce qu'il en est. Avais-je tort ? avais-je raison ? C'est là le grand secret des morts. Jugez vous-même à vos risques et périls. Il paraît toutefois que j'allais un peu loin, puisque, dans cette occasion solennelle, il m'est permis de vous écrire. »
L'article étant exclusivement politique, et sortant de notre cadre, nous n'en citons que ce fragment pour montrer qu'en ces graves sujets même, on peut tirer parti de l'idée des morts s'adressant aux vivants pour continuer auprès d'eux des relations interrompues. Le Spiritisme voit à chaque instant cette fiction se réaliser. Il est plus que probable que c'est lui qui a donné l'idée de celle-ci ; du reste, elle serait donnée comme réelle qu'il ne la désavouerait pas.
« Dans l'autre monde que j'habite depuis la terrible journée du 24 mars 1794, qui m'a, je l'avoue, quelque peu désillusionné sur les hommes et sur les choses, le seul mot de guerre garde le privilège de me rappeler aux préoccupations de la politique terrestre. Ce que j'ai le plus aimé, que dis-je ? adoré et servi, lorsque j'habitais votre planète, c'est la fraternité des peuples et la paix. A ce grand objet d'étude et d'amour, j'ai donné un gage assez sérieux : ma tête, dont mes cent mille livres de rente accroissaient aux yeux de bien des gens l'importante valeur. Ce qui me consolait même quelque peu en montant les marches de l'échafaud, c'étaient les considérants par lesquels Saint-Just venait de justifier mon arrestation. Il y était dit, s'il m'en souvient bien, que désormais la paix, la justice et la probité seraient mises à l'ordre du jour. J'eusse donné ma vie, je le déclare hautement sans hésiter, et deux fois plutôt qu'une, pour obtenir la moitié de ce résultat. Et notez, s'il vous plaît, que mon sacrifice était plus complet et plus profond que n'aurait pu être celui de la plupart de mes collègues. J'étais de bonne foi et gardais le respect de la justice au fond du cœur ; mais, sans parler des cultes que j'avais en horreur, l'Être suprême de Robespierre lui-même m'agaçait les nerfs, et la vie future avait pour moi l'apparence d'un joli conte de fées. Vous me demanderez sans doute ce qu'il en est. Avais-je tort ? avais-je raison ? C'est là le grand secret des morts. Jugez vous-même à vos risques et périls. Il paraît toutefois que j'allais un peu loin, puisque, dans cette occasion solennelle, il m'est permis de vous écrire. »
L'article étant exclusivement politique, et sortant de notre cadre, nous n'en citons que ce fragment pour montrer qu'en ces graves sujets même, on peut tirer parti de l'idée des morts s'adressant aux vivants pour continuer auprès d'eux des relations interrompues. Le Spiritisme voit à chaque instant cette fiction se réaliser. Il est plus que probable que c'est lui qui a donné l'idée de celle-ci ; du reste, elle serait donnée comme réelle qu'il ne la désavouerait pas.
Métempsycose
« Connaissez-vous la cause des bruits qui nous arrivent ? disait madame
Des Genêts. Est-ce quelque nouvelle scène de tigres déchaînés que nous
préparent ces messieurs ?
– Rassurez-vous, chère amie, tout est en sûreté : nos vivants et nos morts. Entendez la ravissante mélodie du rossignol qui chante dans ce saule ! C'est peut-être l'âme de l'un de nos martyrs qui plane autour de nous sous cette forme aimable. Les morts ont de ces privilèges ; et je me persuade volontiers qu'ils reviennent souvent ainsi auprès de ceux qu'ils ont aimés.
– Oh ! si vous disiez vrai ! exclama vivement madame Des Genêts.
– J'y crois sincèrement, fit la jeune duchesse. Il est si bon de croire aux choses consolantes ! Du reste, mon père, qui est très savant, comme vous ne l'ignorez pas, m'a assuré que cette croyance avait été répandue anciennement par de grands philosophes. Lesage, lui, y croit aussi. »
Ce passage est tiré d'un roman-feuilleton intitulé : Le Cachot de la Tour des pins, par Paulin Capmal, publié par la Liberté du 4 novembre 1867. Ici, l'idée n'est point empruntée à la doctrine spirite, puisque celle-ci a de tout temps enseigné et prouvé que l'âme humaine ne peut renaître dans un corps animal, ce qui n'empêche pas certains critiques, qui n'ont pas lu le premier mot du Spiritisme, de répéter qu'il professe la métempsycose ; mais c'est toujours la pensée de l'âme individuelle survivant au corps, revenant sous une forme tangible auprès de ceux qu'elle a aimés. Si l'idée n'est pas spirite, elle est au moins spiritualiste, et mieux vaudrait encore croire à la métempsycose que de croire au néant. Cette croyance, au moins, n'est pas désespérante comme le matérialisme ; elle n'a rien d'immoral, au contraire ; elle a conduit tous les peuples qui l'ont professée à traiter les animaux avec douceur et bienfaisance. Cette exclamation : Il est si bon de croire aux choses consolantes, est le grand secret du succès du Spiritisme.
– Rassurez-vous, chère amie, tout est en sûreté : nos vivants et nos morts. Entendez la ravissante mélodie du rossignol qui chante dans ce saule ! C'est peut-être l'âme de l'un de nos martyrs qui plane autour de nous sous cette forme aimable. Les morts ont de ces privilèges ; et je me persuade volontiers qu'ils reviennent souvent ainsi auprès de ceux qu'ils ont aimés.
– Oh ! si vous disiez vrai ! exclama vivement madame Des Genêts.
– J'y crois sincèrement, fit la jeune duchesse. Il est si bon de croire aux choses consolantes ! Du reste, mon père, qui est très savant, comme vous ne l'ignorez pas, m'a assuré que cette croyance avait été répandue anciennement par de grands philosophes. Lesage, lui, y croit aussi. »
Ce passage est tiré d'un roman-feuilleton intitulé : Le Cachot de la Tour des pins, par Paulin Capmal, publié par la Liberté du 4 novembre 1867. Ici, l'idée n'est point empruntée à la doctrine spirite, puisque celle-ci a de tout temps enseigné et prouvé que l'âme humaine ne peut renaître dans un corps animal, ce qui n'empêche pas certains critiques, qui n'ont pas lu le premier mot du Spiritisme, de répéter qu'il professe la métempsycose ; mais c'est toujours la pensée de l'âme individuelle survivant au corps, revenant sous une forme tangible auprès de ceux qu'elle a aimés. Si l'idée n'est pas spirite, elle est au moins spiritualiste, et mieux vaudrait encore croire à la métempsycose que de croire au néant. Cette croyance, au moins, n'est pas désespérante comme le matérialisme ; elle n'a rien d'immoral, au contraire ; elle a conduit tous les peuples qui l'ont professée à traiter les animaux avec douceur et bienfaisance. Cette exclamation : Il est si bon de croire aux choses consolantes, est le grand secret du succès du Spiritisme.
Enterrement de M. Marc Michel
On lit dans le Temps du 27 mars 1868 :
« Hier, à l'enterrement de M. Marc Michel, M. Jules Adenis a dit adieu, au nom de la Société des auteurs dramatiques, à l'écrivain que la comédie joyeuse et légère vient de perdre.
Je trouve cette phrase dans son discours :
C'est Ferdinand Langlé qui, récemment, a précédé dans la tombe celui que nous pleurons aujourd'hui… Et qui le sait ? qui le peut dire ?… de même que nous accompagnons ici cette dépouille mortelle, peut-être l'âme de Langlé est-elle venue recevoir l'âme de Marc Michel sur le seuil de l'éternité.
C'est à coup sûr la faute de mon esprit trop léger, mais j'avoue qu'il m'est difficile de me représenter, avec la gravité convenable, l'âme de l'auteur du Sourd, du Camarade de lit, d'Une sangsue, de la Grève des portiers, venant recevoir sur le seuil de l'éternité, l'âme de l'auteur de Maman Sabouleux, de Mesdames de Montenfriche, d'un Tigre du Bengale et de la Station de Champbaudet.
X. Feyrnet. »
La pensée émise par M. Jules Adenis est du plus pur Spiritisme. Supposons que l'auteur de l'article, M. Feyrnet, qui a peine à conserver une gravité convenable en entendant dire que l'âme de M. Lauglé est peut-être présente, et vient recevoir l'âme de Marc Michel, ait pris la parole à son tour et se soit exprimé ainsi : « Messieurs, on vient de vous dire que l'âme de notre ami Langlé est ici, qu'elle nous voit et nous entend ! Il ne manquerait plus que d'ajouter qu'elle peut nous parler. N'en croyez pas un mot ; l'âme de Langlé n'existe plus ; ou bien, ce qui revient au même, elle s'est fondue dans l'immensité. De Marc Michel, il n'en reste pas davantage ; il en sera même de vous quand vous mourrez, de vos parents et de vos amis. Espérer qu'ils vous attendent, qu'ils viendront vous recevoir au débarqué de la vie, c'est de la folie, de la superstition, de l'illuminisme. Le positif, le voici : Quand on est mort, tout est fini. » Lequel des deux orateurs aurait trouvé le plus de sympathie parmi les assistants ? Lequel aurait séché le plus de larmes, donné le plus de courage et de résignation aux affligés ? Le malheureux qui n'attend plus de soulagement en ce monde ne serait-il pas fondé à lui dire : « S'il en est ainsi, finissons-en le plus tôt possible avec la vie ? » Il faut plaindre M. Feyrnet de ne pouvoir garder son sérieux à l'idée que son père et sa mère, s'il les a perdus, vivent encore, qu'ils veillent à son chevet, et qu'il les reverra.
« Hier, à l'enterrement de M. Marc Michel, M. Jules Adenis a dit adieu, au nom de la Société des auteurs dramatiques, à l'écrivain que la comédie joyeuse et légère vient de perdre.
Je trouve cette phrase dans son discours :
C'est Ferdinand Langlé qui, récemment, a précédé dans la tombe celui que nous pleurons aujourd'hui… Et qui le sait ? qui le peut dire ?… de même que nous accompagnons ici cette dépouille mortelle, peut-être l'âme de Langlé est-elle venue recevoir l'âme de Marc Michel sur le seuil de l'éternité.
C'est à coup sûr la faute de mon esprit trop léger, mais j'avoue qu'il m'est difficile de me représenter, avec la gravité convenable, l'âme de l'auteur du Sourd, du Camarade de lit, d'Une sangsue, de la Grève des portiers, venant recevoir sur le seuil de l'éternité, l'âme de l'auteur de Maman Sabouleux, de Mesdames de Montenfriche, d'un Tigre du Bengale et de la Station de Champbaudet.
X. Feyrnet. »
La pensée émise par M. Jules Adenis est du plus pur Spiritisme. Supposons que l'auteur de l'article, M. Feyrnet, qui a peine à conserver une gravité convenable en entendant dire que l'âme de M. Lauglé est peut-être présente, et vient recevoir l'âme de Marc Michel, ait pris la parole à son tour et se soit exprimé ainsi : « Messieurs, on vient de vous dire que l'âme de notre ami Langlé est ici, qu'elle nous voit et nous entend ! Il ne manquerait plus que d'ajouter qu'elle peut nous parler. N'en croyez pas un mot ; l'âme de Langlé n'existe plus ; ou bien, ce qui revient au même, elle s'est fondue dans l'immensité. De Marc Michel, il n'en reste pas davantage ; il en sera même de vous quand vous mourrez, de vos parents et de vos amis. Espérer qu'ils vous attendent, qu'ils viendront vous recevoir au débarqué de la vie, c'est de la folie, de la superstition, de l'illuminisme. Le positif, le voici : Quand on est mort, tout est fini. » Lequel des deux orateurs aurait trouvé le plus de sympathie parmi les assistants ? Lequel aurait séché le plus de larmes, donné le plus de courage et de résignation aux affligés ? Le malheureux qui n'attend plus de soulagement en ce monde ne serait-il pas fondé à lui dire : « S'il en est ainsi, finissons-en le plus tôt possible avec la vie ? » Il faut plaindre M. Feyrnet de ne pouvoir garder son sérieux à l'idée que son père et sa mère, s'il les a perdus, vivent encore, qu'ils veillent à son chevet, et qu'il les reverra.
Un rêve
Extrait du Figaro, du 12 avril 1868 :
« Quelque extraordinaire que paraisse le récit suivant, l'auteur, en déclarant le tenir du vice-président du Corps législatif lui-même (le baron Jérôme David), donne à ces paroles une incontestable autorité.
Pendant son séjour à Saint-Cyr, David fut témoin d'un duel entre deux de ses camarades de promotion, Lambert et Poirée. Ce dernier reçut un coup d'épée et alla se guérir à l'infirmerie, où son ami David montait le voir tous les jours.
Un matin, Poirée lui parut singulièrement troublé ; il le pressa de questions et finit par lui arracher l'aveu que son émotion venait d'un simple cauchemar.
– Je rêvais que nous étions au bord d'une rivière, je recevais une balle au front, au-dessus de l'œil, et tu me soutenais dans tes bras ; je souffrais beaucoup et je me sentais mourir ; je te recommandais ma femme et mes enfants, quand je me suis éveillé,
– Mon cher, tu as la fièvre, lui répondit David en riant ; remets-toi, tu es dans ton lit, tu n'es pas marié et tu n'as pas de balle au-dessus de l'œil ; c'est un rêve tout bêtement ; ne te tourmente pas ainsi, si tu veux guérir vite.
– C'est singulier, murmura Poirée, je n'ai jamais cru aux songes, je n'y crois pas, et pourtant je suis bouleversé.
Dix ans après, l'armée française débarquait en Crimée ; les saint-cyriens s'étaient perdus de vue. David, officier d'ordonnance attaché à la division du prince Napoléon, reçut l'ordre d'aller découvrir un gué en remontant l'Alma. Pour empêcher les Russes de le faire prisonnier, on fit soutenir cette reconnaissance par une compagnie de voltigeurs, prise dans le régiment le plus rapproché. Les Russes faisaient pleuvoir une grêle de balles sur les hommes d'escorte, qui se déployèrent en tirailleurs pour riposter.
Dix minutes ne s'étaient pas écoulées qu'un de nos officiers roula à terre, mortellement atteint. Le capitaine David sauta à bas de cheval et courut le relever ; il lui appuya la tête sur son bras gauche et, détachant la gourde pendue à sa ceinture, il l'approcha des lèvres du blessé. Un trou béant au-dessus de l'œil ensanglantait la figure ; un soldat apporta un peu d'eau et la versa sur la tête du moribond, qui râlait déjà.
David regarde avec attention les traits qu'il lui semble reconnaître, un nom est prononcé à côté de lui, plus de doute, c'est lui, c'est Poirée ! Il l'appelle, ses yeux s'ouvrent, le mourant reconnaît à son tour le camarade de Saint-Cyr…
– David ! toi ici ?… Le rêve… ma femme…
Ces mots entrecoupés n'étaient pas finis que déjà la tête retombait inerte sur le bras de David. Poirée était mort, laissant sa femme et ses enfants au souvenir et à l'amitié de David.
Je n'oserais pas raconter une pareille histoire si je ne l'avais entendue moi-même de l'honorable vice-président du Corps législatif.
Vox populi. »
A quel propos le narrateur ajoute-t-il ces mots : Vox populi ? On pourrait les entendre ainsi : Les faits de cette nature sont tellement fréquents, qu'ils sont attestés par la voix du peuple, c'est-à-dire par un assentiment général.
« Quelque extraordinaire que paraisse le récit suivant, l'auteur, en déclarant le tenir du vice-président du Corps législatif lui-même (le baron Jérôme David), donne à ces paroles une incontestable autorité.
Pendant son séjour à Saint-Cyr, David fut témoin d'un duel entre deux de ses camarades de promotion, Lambert et Poirée. Ce dernier reçut un coup d'épée et alla se guérir à l'infirmerie, où son ami David montait le voir tous les jours.
Un matin, Poirée lui parut singulièrement troublé ; il le pressa de questions et finit par lui arracher l'aveu que son émotion venait d'un simple cauchemar.
– Je rêvais que nous étions au bord d'une rivière, je recevais une balle au front, au-dessus de l'œil, et tu me soutenais dans tes bras ; je souffrais beaucoup et je me sentais mourir ; je te recommandais ma femme et mes enfants, quand je me suis éveillé,
– Mon cher, tu as la fièvre, lui répondit David en riant ; remets-toi, tu es dans ton lit, tu n'es pas marié et tu n'as pas de balle au-dessus de l'œil ; c'est un rêve tout bêtement ; ne te tourmente pas ainsi, si tu veux guérir vite.
– C'est singulier, murmura Poirée, je n'ai jamais cru aux songes, je n'y crois pas, et pourtant je suis bouleversé.
Dix ans après, l'armée française débarquait en Crimée ; les saint-cyriens s'étaient perdus de vue. David, officier d'ordonnance attaché à la division du prince Napoléon, reçut l'ordre d'aller découvrir un gué en remontant l'Alma. Pour empêcher les Russes de le faire prisonnier, on fit soutenir cette reconnaissance par une compagnie de voltigeurs, prise dans le régiment le plus rapproché. Les Russes faisaient pleuvoir une grêle de balles sur les hommes d'escorte, qui se déployèrent en tirailleurs pour riposter.
Dix minutes ne s'étaient pas écoulées qu'un de nos officiers roula à terre, mortellement atteint. Le capitaine David sauta à bas de cheval et courut le relever ; il lui appuya la tête sur son bras gauche et, détachant la gourde pendue à sa ceinture, il l'approcha des lèvres du blessé. Un trou béant au-dessus de l'œil ensanglantait la figure ; un soldat apporta un peu d'eau et la versa sur la tête du moribond, qui râlait déjà.
David regarde avec attention les traits qu'il lui semble reconnaître, un nom est prononcé à côté de lui, plus de doute, c'est lui, c'est Poirée ! Il l'appelle, ses yeux s'ouvrent, le mourant reconnaît à son tour le camarade de Saint-Cyr…
– David ! toi ici ?… Le rêve… ma femme…
Ces mots entrecoupés n'étaient pas finis que déjà la tête retombait inerte sur le bras de David. Poirée était mort, laissant sa femme et ses enfants au souvenir et à l'amitié de David.
Je n'oserais pas raconter une pareille histoire si je ne l'avais entendue moi-même de l'honorable vice-président du Corps législatif.
Vox populi. »
A quel propos le narrateur ajoute-t-il ces mots : Vox populi ? On pourrait les entendre ainsi : Les faits de cette nature sont tellement fréquents, qu'ils sont attestés par la voix du peuple, c'est-à-dire par un assentiment général.
Esprits frappeurs en Russie
On nous adresse de Riga, en date du 8 avril 1868, l'extrait ci-après du Courrier russe, de Saint-Pétersbourg :
« Croyez-vous aux Esprits frappeurs ? Pour moi, pas du tout ; et cependant je viens de voir un fait matériel, palpable, qui sort tellement des règles du sens commun, et aussi tellement en désaccord avec les principes de stabilité ou de pesanteur des corps que m'a inculqués mon professeur de quatrième, que je ne sais quel est le plus frappé des deux, l'Esprit ou moi. – Notre secrétaire à la rédaction reçut l'autre jour un monsieur à la mine convenable, d'un âge à ne pouvoir lui attribuer l'idée d'une mauvaise plaisanterie ; salutation, présentation, etc. ; le tout achevé, ce monsieur raconte qu'il vient à notre bureau chercher un conseil ; que ce qui lui arrive est tellement en dehors de tous les faits de la vie sociale, qu'il croit de son devoir de le publier.
– Ma maison, dit-il, est pleine d'Esprits frappeurs ; chaque soir sur les dix heures, ils commencent leurs exercices, transportant les objets les moins transportables, frappant, sautant, et mettant, en un mot, tout mon appartement sens dessus dessous. J'ai eu recours à la police, un soldat a couché chez moi plusieurs nuits, le désordre n'a pas cessé, encore qu'à chaque alarme il ait tiré son sabre d'une façon menaçante. Ma maison est isolée, je n'ai qu'un serviteur, ma femme et ma fille, et quand ces faits se passent, nous sommes réunis. Je demeure dans une rue très éloignée, au Vassili-Ostroff.
J'étais entré pendant la conversation, et l'écoutais la bouche béante ; je vous l'ai dit, je ne crois pas aux Esprits frappeurs, mais là, pas du tout. J'expliquai à ce monsieur que pour donner de la publicité à ces faits, encore fallait-il que nous fussions convaincus de leur existence, et lui proposai d'aller me rendre compte moi-même de la chose. Nous prîmes rendez-vous pour le soir, et à neuf heures j'étais à la maison de mon homme. On m'introduit dans un petit salon, meublé assez confortablement ; j'examine la disposition des pièces : il n'y en avait que quatre, dont une cuisine, le tout occupant tout l'étage d'une maison de bois ; personne ne demeure au-dessus, le dessous est occupé par un magasin. Vers les dix heures, nous étions réunis au salon, mon homme, sa femme, sa fille, la cuisinière et moi. Une demi-heure, rien de nouveau ! Tout à coup une porte s'ouvre et une galoche tombe au milieu de la chambre ; je crois à un compère, et je voulais m'assurer que l'escalier était vide, quand ma galoche saute sur un meuble et de là de nouveau sur le plancher ; puis ce fut le tour des chaises dans la chambre voisine, qui n'avait d'issue que par celle que nous occupions, et que je venais de trouver parfaitement vide. Au bout d'une heure seulement le silence se rétablit, et l'Esprit, les Esprits, l'adroit compère, ou le Dieu sait quoi, disparut, nous laissant dans une stupéfaction qui, je vous assure, n'avait rien de joué. Voici les faits, je les ai vus, de mes yeux vus ; je ne me charge pas de vous les expliquer ; si vous désirez chercher l'explication vous-même, nous tenons à votre disposition tous les renseignements pour aller faire vos observations sur les lieux.
Henri de Brenne. »
« Croyez-vous aux Esprits frappeurs ? Pour moi, pas du tout ; et cependant je viens de voir un fait matériel, palpable, qui sort tellement des règles du sens commun, et aussi tellement en désaccord avec les principes de stabilité ou de pesanteur des corps que m'a inculqués mon professeur de quatrième, que je ne sais quel est le plus frappé des deux, l'Esprit ou moi. – Notre secrétaire à la rédaction reçut l'autre jour un monsieur à la mine convenable, d'un âge à ne pouvoir lui attribuer l'idée d'une mauvaise plaisanterie ; salutation, présentation, etc. ; le tout achevé, ce monsieur raconte qu'il vient à notre bureau chercher un conseil ; que ce qui lui arrive est tellement en dehors de tous les faits de la vie sociale, qu'il croit de son devoir de le publier.
– Ma maison, dit-il, est pleine d'Esprits frappeurs ; chaque soir sur les dix heures, ils commencent leurs exercices, transportant les objets les moins transportables, frappant, sautant, et mettant, en un mot, tout mon appartement sens dessus dessous. J'ai eu recours à la police, un soldat a couché chez moi plusieurs nuits, le désordre n'a pas cessé, encore qu'à chaque alarme il ait tiré son sabre d'une façon menaçante. Ma maison est isolée, je n'ai qu'un serviteur, ma femme et ma fille, et quand ces faits se passent, nous sommes réunis. Je demeure dans une rue très éloignée, au Vassili-Ostroff.
J'étais entré pendant la conversation, et l'écoutais la bouche béante ; je vous l'ai dit, je ne crois pas aux Esprits frappeurs, mais là, pas du tout. J'expliquai à ce monsieur que pour donner de la publicité à ces faits, encore fallait-il que nous fussions convaincus de leur existence, et lui proposai d'aller me rendre compte moi-même de la chose. Nous prîmes rendez-vous pour le soir, et à neuf heures j'étais à la maison de mon homme. On m'introduit dans un petit salon, meublé assez confortablement ; j'examine la disposition des pièces : il n'y en avait que quatre, dont une cuisine, le tout occupant tout l'étage d'une maison de bois ; personne ne demeure au-dessus, le dessous est occupé par un magasin. Vers les dix heures, nous étions réunis au salon, mon homme, sa femme, sa fille, la cuisinière et moi. Une demi-heure, rien de nouveau ! Tout à coup une porte s'ouvre et une galoche tombe au milieu de la chambre ; je crois à un compère, et je voulais m'assurer que l'escalier était vide, quand ma galoche saute sur un meuble et de là de nouveau sur le plancher ; puis ce fut le tour des chaises dans la chambre voisine, qui n'avait d'issue que par celle que nous occupions, et que je venais de trouver parfaitement vide. Au bout d'une heure seulement le silence se rétablit, et l'Esprit, les Esprits, l'adroit compère, ou le Dieu sait quoi, disparut, nous laissant dans une stupéfaction qui, je vous assure, n'avait rien de joué. Voici les faits, je les ai vus, de mes yeux vus ; je ne me charge pas de vous les expliquer ; si vous désirez chercher l'explication vous-même, nous tenons à votre disposition tous les renseignements pour aller faire vos observations sur les lieux.
Henri de Brenne. »
Les détails donnés par les journaux sur le fléau qui décime en ce moment
les populations arabes de l'Algérie n'ont rien d'exagéré, et sont
confirmés par toutes les correspondances particulières. Un de nos
abonnés de Sétif, M. Dumas, a bien voulu nous adresser une photographie
représentant la foule des indigènes rassemblés devant la maison où on
leur distribue des secours. Ce dessin, d'une vérité navrante, est
accompagné de la notice imprimée suivante :
« Après les années successivement calamiteuses que notre grande colonie a traversées, un fléau plus terrible encore est venu s'abattre sur elle : la famine.
A peine les premières rigueurs de l'hiver s'étaient-elles fait sentir, qu'on voit à nos portes les Arabes mourant de faim ; ils arrivent par bandes nombreuses, à moitié nus, le corps exténué, pleurant de faim et de froid, implorant la commisération publique, disputant à la voracité des chiens quelques débris jetés avec les immondices sur la voie publique.
Quoique réduits eux-mêmes à de cruelles extrémités, les habitants de Sétif ne peuvent contempler d'un œil impassible une aussi profonde misère. Aussitôt, et spontanément, une commission de bienfaisance s'est organisée sous la présidence de M. Bizet, curé de Sétif ; une souscription est ouverte, chacun donne son obole, et, de suite, des secours quotidiens ont été distribués, au presbytère, à deux cent cinquante femmes ou enfants indigènes.
Dans les derniers jours de janvier, tandis qu'une neige abondante et longtemps désirée tombait sur nos contrées, on a pu faire mieux encore. Un fourneau a été installé dans un vaste local ; là, deux fois par jour, les membres de la commission distribuent des aliments, non plus à deux cent cinquante, mais à cinq cents femmes ou enfants indigènes ; là, enfin, ces malheureux trouvent un asile et un abri.
Mais, hélas ! les Européens sont obligés, et bien à contre-cœur, de limiter leurs secours aux femmes et aux enfants… Pour soulager toutes les misères, il faudrait une bonne partie du blé que les puissants caïds détiennent dans leurs silos ; cependant ils espèrent pouvoir continuer leurs distributions jusqu'au milieu du mois d'avril. »
Si nous n'avons pas ouvert, en cette circonstance, une souscription spéciale dans les bureaux de la Revue, c'est que nous savions que nos frères en croyance n'ont pas été les derniers à porter leur offrande dans les bureaux de leur circonscription ouverts à cet effet par les soins de l'autorité. Les dons qui nous ont été adressés à cet effet y ont été déposés.
M. le capitaine Bourgès, en garnison à Laghouat, nous écrit à ce sujet ce qui suit :
« Depuis quelques années, les fléaux se succèdent en Algérie : tremblements de terre, invasion des sauterelles, choléra, sècheresse, typhus, famine, misère profonde sont venus tour à tour atteindre les indigènes qui, expient maintenant leur imprévoyance et leur fanatisme. Les hommes et les animaux même meurent de faim, et s'éteignent sans bruit. La famine s'étend dans le Maroc et la Tunisie ; je crois cependant que l'Algérie est plus éprouvée. Vous ne sauriez croire combien l'on est ému en voyant ces corps hâves et chétifs cherchant partout leur nourriture, et la disputant aux chiens errants. Le matin, ces squelettes vivants accourent autour du camp et se précipitent sur les fumiers pour en extraire les grains d'orge non digérés par les chevaux, et dont ils se repaissent à l'instant. D'autres rongent des os pour en sucer la gélatine qui peut s'y trouver encore, ou mangent l'herbe rare qui croît aux alentours de l'oasis. Du milieu de cette misère surgit une débauche hideuse qui gagne les bas-fonds de la colonie, et répand dans les corps matériels ces plaies corrosives qui devaient être la lèpre de l'antiquité. Mes yeux se ferment pour ne pas voir tant de honte, et mon âme monte vers le Père céleste pour le prier de préserver les bons du contact impur, et donner aux hommes faibles la force de ne pas se laisser entraîner dans ce gouffre malsain.
L'humanité est encore bien loin du progrès moral que certains philosophes croient déjà accompli. Je ne vois autour de moi que des épicuriens qui ne veulent pas entendre parler de l'Esprit ; ils ne veulent pas sortir de l'animalité ; leur orgueil s'attribue une noble origine, et cependant leurs actes disent assez ce qu'ils furent jadis.
A voir ce qui se passe, on croirait vraiment que la race arabe est appelée à disparaître du sol, car, malgré la charité qu'on exerce envers elle et les secours qu'on lui porte, elle se complaît dans sa paresse, sans aucun sentiment de reconnaissance. Cette misère physique, provenant des plaies morales, a encore son utilité. L'égoïste, obsédé, coudoyé à toute heure par l'infortuné qui le suit, finit par ouvrir sa main, et son cœur ému ressent enfin les douces joies que procure la charité. Un sentiment qui ne s'effacera pas vient de naître, et peut-être même celui de la reconnaissance surgira-t-il dans le cœur de celui qu'on assiste. Un lien sympathique alors se forme ; de nouveaux secours viennent donner la vie au malheureux qui s'éteignait, et, du découragement, ce dernier passe à l'espérance. Ce qui paraissait un mal a fait naître un bien : un égoïste de moins et un homme courageux de plus. »
Les Esprits ne se sont pas trompés quand ils ont annoncé que des fléaux de toutes sortes ravageraient la terre. On sait que l'Algérie n'est pas le seul pays éprouvé. Dans la Revue de juillet 1867, nous avons décrit la terrible maladie qui sévissait depuis un an à l'île Maurice ; une lettre récente dit qu'à la maladie sont venus s'ajouter de nouveaux malheurs, et bien d'autres contrées sont en ce moment victimes d'événements désastreux.
Faut-il accuser la Providence de toutes ces misères ? Non, mais l'ignorance, l'incurie, suite de l'ignorance, l'égoïsme, l'orgueil et les passions des hommes, Dieu ne veut que le bien ; il a tout fait pour le bien ; il a donné aux hommes les moyens d'être heureux : c'est à eux de les appliquer s'ils ne veulent acquérir l'expérience à leurs dépens. Il serait facile de démontrer que tous les fléaux pourraient être conjurés, ou tout au moins atténués de manière à en paralyser les effets ; c'est ce que nous ferons ultérieurement dans un ouvrage spécial. Les hommes ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes des maux qu'ils endurent ; l'Algérie nous offre en ce moment un remarquable exemple : ce sont les populations arabes, insouciantes et imprévoyantes, abruties par le fanatisme, qui souffrent de la famine, tandis que les Européens ont su s'en préserver ; mais il est d'autres fléaux non moins désastreux contre lesquels ces derniers n'ont pas encore su se prémunir.
La violence même du mal contraindra les hommes à chercher le remède, et quand ils auront inutilement épuisé les palliatifs, ils comprendront la nécessité d'attaquer le mal dans la racine même, par des moyens héroïques. Ce sera l'un des résultats de la transformation qui s'opère dans l'humanité.
Mais, dira-t-on, qu'importe à ceux qui souffrent maintenant le bonheur des générations futures ? Ils auront eu la peine et les autres le profit ; ils auront travaillé, supporté le fardeau de toutes les misères inséparables de l'ignorance, préparé les voies, et les autres, parce que Dieu les aura fait naître en des temps meilleurs, récolteront. Que fait aux victimes des exactions du moyen âge le régime plus sain sous lequel nous vivons ? Peut-on appeler cela de la justice ?
Il est de fait que, jusqu'à ce jour, aucune philosophie, aucune doctrine religieuse n'avait résolu cette grave question, d'un si puissant intérêt, cependant, pour l'humanité. Le Spiritisme seul en donne une solution rationnelle par la réincarnation, cette clef de tant de problèmes que l'on croyait insolubles. Par le fait de la pluralité des existences, les générations qui se succèdent sont composées des mêmes individualités spirituelles qui renaissent à différentes époques, et profitent des améliorations qu'elles ont elles-mêmes préparées, de l'expérience qu'elles ont acquises dans le passé. Ce ne sont pas de nouveaux hommes qui naissent ; ce sont les mêmes hommes qui renaissent plus avancés. Chaque génération travaillant pour l'avenir travaille en réalité pour son propre compte. Le moyen âge fut assurément une époque bien calamiteuse ; les hommes de ce temps-là revivant aujourd'hui, bénéficient du progrès accompli, et sont plus heureux, parce qu'ils ont de meilleures institutions ; mais qui a fait ces institutions meilleures ? Ceux mêmes qui en avaient de mauvaises jadis ; ceux d'aujourd'hui devant revivre plus tard, dans un milieu encore plus épuré, récolteront ce qu'ils auront semé ; ils seront plus éclairés, et, ni leurs souffrances, ni leurs travaux antérieurs n'auront été en pure perte. Quel courage, quelle résignation cette idée, inculquée dans l'esprit des hommes, ne leur donnerait-elle pas ! (Voir la Genèse, chap. XVIII, nos 34 et 35.
« Après les années successivement calamiteuses que notre grande colonie a traversées, un fléau plus terrible encore est venu s'abattre sur elle : la famine.
A peine les premières rigueurs de l'hiver s'étaient-elles fait sentir, qu'on voit à nos portes les Arabes mourant de faim ; ils arrivent par bandes nombreuses, à moitié nus, le corps exténué, pleurant de faim et de froid, implorant la commisération publique, disputant à la voracité des chiens quelques débris jetés avec les immondices sur la voie publique.
Quoique réduits eux-mêmes à de cruelles extrémités, les habitants de Sétif ne peuvent contempler d'un œil impassible une aussi profonde misère. Aussitôt, et spontanément, une commission de bienfaisance s'est organisée sous la présidence de M. Bizet, curé de Sétif ; une souscription est ouverte, chacun donne son obole, et, de suite, des secours quotidiens ont été distribués, au presbytère, à deux cent cinquante femmes ou enfants indigènes.
Dans les derniers jours de janvier, tandis qu'une neige abondante et longtemps désirée tombait sur nos contrées, on a pu faire mieux encore. Un fourneau a été installé dans un vaste local ; là, deux fois par jour, les membres de la commission distribuent des aliments, non plus à deux cent cinquante, mais à cinq cents femmes ou enfants indigènes ; là, enfin, ces malheureux trouvent un asile et un abri.
Mais, hélas ! les Européens sont obligés, et bien à contre-cœur, de limiter leurs secours aux femmes et aux enfants… Pour soulager toutes les misères, il faudrait une bonne partie du blé que les puissants caïds détiennent dans leurs silos ; cependant ils espèrent pouvoir continuer leurs distributions jusqu'au milieu du mois d'avril. »
Si nous n'avons pas ouvert, en cette circonstance, une souscription spéciale dans les bureaux de la Revue, c'est que nous savions que nos frères en croyance n'ont pas été les derniers à porter leur offrande dans les bureaux de leur circonscription ouverts à cet effet par les soins de l'autorité. Les dons qui nous ont été adressés à cet effet y ont été déposés.
M. le capitaine Bourgès, en garnison à Laghouat, nous écrit à ce sujet ce qui suit :
« Depuis quelques années, les fléaux se succèdent en Algérie : tremblements de terre, invasion des sauterelles, choléra, sècheresse, typhus, famine, misère profonde sont venus tour à tour atteindre les indigènes qui, expient maintenant leur imprévoyance et leur fanatisme. Les hommes et les animaux même meurent de faim, et s'éteignent sans bruit. La famine s'étend dans le Maroc et la Tunisie ; je crois cependant que l'Algérie est plus éprouvée. Vous ne sauriez croire combien l'on est ému en voyant ces corps hâves et chétifs cherchant partout leur nourriture, et la disputant aux chiens errants. Le matin, ces squelettes vivants accourent autour du camp et se précipitent sur les fumiers pour en extraire les grains d'orge non digérés par les chevaux, et dont ils se repaissent à l'instant. D'autres rongent des os pour en sucer la gélatine qui peut s'y trouver encore, ou mangent l'herbe rare qui croît aux alentours de l'oasis. Du milieu de cette misère surgit une débauche hideuse qui gagne les bas-fonds de la colonie, et répand dans les corps matériels ces plaies corrosives qui devaient être la lèpre de l'antiquité. Mes yeux se ferment pour ne pas voir tant de honte, et mon âme monte vers le Père céleste pour le prier de préserver les bons du contact impur, et donner aux hommes faibles la force de ne pas se laisser entraîner dans ce gouffre malsain.
L'humanité est encore bien loin du progrès moral que certains philosophes croient déjà accompli. Je ne vois autour de moi que des épicuriens qui ne veulent pas entendre parler de l'Esprit ; ils ne veulent pas sortir de l'animalité ; leur orgueil s'attribue une noble origine, et cependant leurs actes disent assez ce qu'ils furent jadis.
A voir ce qui se passe, on croirait vraiment que la race arabe est appelée à disparaître du sol, car, malgré la charité qu'on exerce envers elle et les secours qu'on lui porte, elle se complaît dans sa paresse, sans aucun sentiment de reconnaissance. Cette misère physique, provenant des plaies morales, a encore son utilité. L'égoïste, obsédé, coudoyé à toute heure par l'infortuné qui le suit, finit par ouvrir sa main, et son cœur ému ressent enfin les douces joies que procure la charité. Un sentiment qui ne s'effacera pas vient de naître, et peut-être même celui de la reconnaissance surgira-t-il dans le cœur de celui qu'on assiste. Un lien sympathique alors se forme ; de nouveaux secours viennent donner la vie au malheureux qui s'éteignait, et, du découragement, ce dernier passe à l'espérance. Ce qui paraissait un mal a fait naître un bien : un égoïste de moins et un homme courageux de plus. »
Les Esprits ne se sont pas trompés quand ils ont annoncé que des fléaux de toutes sortes ravageraient la terre. On sait que l'Algérie n'est pas le seul pays éprouvé. Dans la Revue de juillet 1867, nous avons décrit la terrible maladie qui sévissait depuis un an à l'île Maurice ; une lettre récente dit qu'à la maladie sont venus s'ajouter de nouveaux malheurs, et bien d'autres contrées sont en ce moment victimes d'événements désastreux.
Faut-il accuser la Providence de toutes ces misères ? Non, mais l'ignorance, l'incurie, suite de l'ignorance, l'égoïsme, l'orgueil et les passions des hommes, Dieu ne veut que le bien ; il a tout fait pour le bien ; il a donné aux hommes les moyens d'être heureux : c'est à eux de les appliquer s'ils ne veulent acquérir l'expérience à leurs dépens. Il serait facile de démontrer que tous les fléaux pourraient être conjurés, ou tout au moins atténués de manière à en paralyser les effets ; c'est ce que nous ferons ultérieurement dans un ouvrage spécial. Les hommes ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes des maux qu'ils endurent ; l'Algérie nous offre en ce moment un remarquable exemple : ce sont les populations arabes, insouciantes et imprévoyantes, abruties par le fanatisme, qui souffrent de la famine, tandis que les Européens ont su s'en préserver ; mais il est d'autres fléaux non moins désastreux contre lesquels ces derniers n'ont pas encore su se prémunir.
La violence même du mal contraindra les hommes à chercher le remède, et quand ils auront inutilement épuisé les palliatifs, ils comprendront la nécessité d'attaquer le mal dans la racine même, par des moyens héroïques. Ce sera l'un des résultats de la transformation qui s'opère dans l'humanité.
Mais, dira-t-on, qu'importe à ceux qui souffrent maintenant le bonheur des générations futures ? Ils auront eu la peine et les autres le profit ; ils auront travaillé, supporté le fardeau de toutes les misères inséparables de l'ignorance, préparé les voies, et les autres, parce que Dieu les aura fait naître en des temps meilleurs, récolteront. Que fait aux victimes des exactions du moyen âge le régime plus sain sous lequel nous vivons ? Peut-on appeler cela de la justice ?
Il est de fait que, jusqu'à ce jour, aucune philosophie, aucune doctrine religieuse n'avait résolu cette grave question, d'un si puissant intérêt, cependant, pour l'humanité. Le Spiritisme seul en donne une solution rationnelle par la réincarnation, cette clef de tant de problèmes que l'on croyait insolubles. Par le fait de la pluralité des existences, les générations qui se succèdent sont composées des mêmes individualités spirituelles qui renaissent à différentes époques, et profitent des améliorations qu'elles ont elles-mêmes préparées, de l'expérience qu'elles ont acquises dans le passé. Ce ne sont pas de nouveaux hommes qui naissent ; ce sont les mêmes hommes qui renaissent plus avancés. Chaque génération travaillant pour l'avenir travaille en réalité pour son propre compte. Le moyen âge fut assurément une époque bien calamiteuse ; les hommes de ce temps-là revivant aujourd'hui, bénéficient du progrès accompli, et sont plus heureux, parce qu'ils ont de meilleures institutions ; mais qui a fait ces institutions meilleures ? Ceux mêmes qui en avaient de mauvaises jadis ; ceux d'aujourd'hui devant revivre plus tard, dans un milieu encore plus épuré, récolteront ce qu'ils auront semé ; ils seront plus éclairés, et, ni leurs souffrances, ni leurs travaux antérieurs n'auront été en pure perte. Quel courage, quelle résignation cette idée, inculquée dans l'esprit des hommes, ne leur donnerait-elle pas ! (Voir la Genèse, chap. XVIII, nos 34 et 35.
Dissertations des Esprits
Hier, aujourd'hui et demain
Communication verbale en somnambulisme spontané
Lyon, 2 février 1868.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? où est la lumière ? Tout est sombre, tout est trouble autour de nous. Hier, c'était le passé ; demain, c'est l'avenir ; aujourd'hui, c'est le présent… Qu'est-ce qui distingue ces trois jours ? On a vécu hier, on vit encore aujourd'hui, on vivra demain, et toujours dans le même cercle. D'où sort donc cette humanité, et où va-t-elle ? Mystère qui ne sera éclairci que demain.
Moïse est le temps passé ; Christ, le temps présent ; le Messie à venir, qui est le lendemain, n'a pas encore paru… Moïse avait à combattre l'idolâtrie ; Christ, les pharisiens ; le Messie à venir aura aussi ses adversaires : l'incrédulité, le scepticisme, le matérialisme, l'athéisme, et tous les vices qui accablent le genre humain… Trois époques qui marquent le progrès de l'humanité ; parenthèses filiales qui se succèdent l'une à l'autre ; hier c'était Moïse, aujourd'hui c'est le Christ, et demain ce sera le nouveau Messie.
Je dis que c'est le Christ aujourd'hui, parce que c'est sa parole, sa doctrine, sa charité, tous ses sublimes enseignements qui doivent se répandre partout ; car, vous le voyez vous-mêmes, l'humanité n'a pas beaucoup progressé. Dix-huit siècles à peine nous séparent du Christ : dix-huit siècles de ténèbres, de tyrannie, d'orgueil et d'ambition.
Appropriez-vous le passé, le présent, demain vous contemplerez votre avenir… Idolâtres du passé, pharisiens du présent, adversaires de demain, la lumière brille pour tous les peuples, pour tous les mondes, pour tous les individus, et vous ne voulez pas la voir !
Créature, tu te rebutes aujourd'hui qui est le présent ; tu attends l'accomplissement des prodiges annoncés ; tu les verras s'accomplir. Bientôt toute la terre tremblera… le vingtième siècle effacera l'éclat des siècles précédents, car il verra l'accomplissement de ce qui a été prédit.
Le Messie qui doit présider au grand mouvement régénérateur de la terre est né, mais il n'a pas encore révélé sa mission, et il ne nous est permis de dire ni son nom, ni le pays qu'il habite ; il s'annoncera par ses œuvres, et les hommes trembleront à sa voix puissante, car le nombre des justes est encore bien petit.
Attachez-vous à la matière, hommes d'égoïsme et d'ambition qui ne vivez que pour satisfaire vos passions et vos désirs mondains ; le temps est court pour vous ; tenez-le, enlacez-le, car hier est passé, aujourd'hui se couche, et demain sera bientôt là.
Hélas ! pharisien du présent, tu attends toujours. Que le tonnerre gronde, tu ne t'épouvantes point devant l'éclair avant-coureur qui vient éblouir tes yeux. Toi qui te complais dans l'égoïsme et l'orgueil, qui persistes dans le passé et dans le présent, ton avenir sera d'être rejeté sur un autre monde pour que ton Esprit puisse arriver un jour à la perfection à laquelle Dieu t'appelle.
Vous, Spirites, qui êtes ici, qui recevez les instructions des Esprits, soyez patients, dociles, conscients de vos actes ; ne vous rebutez pas ; attendez avec calme ce demain qui doit vous délivrer de toutes les persécutions. Dieu, pour qui rien n'est caché, qui lit dans les cœurs, vous voit et ne vous abandonnera pas ; l'heure approche, et bientôt nous serons à demain.
Mais ce Messie qui doit venir, est-ce le Christ lui-même ? question difficile à comprendre au temps présent, et que demain éclaircira. Comme un bon père de famille, Dieu, qui est toute sagesse, n'impose pas tout le travail à un seul de ses enfants. Il assigne à chacun sa tâche, selon les besoins du monde où il les envoie. En faut-il conclure que le nouveau Messie ne sera ni aussi grand, ni aussi puissant que le Christ ? Ce serait absurde ; mais attendez que l'heure sonne pour comprendre l'œuvre des messagers invisibles qui sont venus déblayer la route, car les Esprits ont fait un immense travail. C'est le Spiritisme qui doit enlever les gros cailloux qui pouvaient gêner le passage de celui qui doit venir. Cet homme sera puissant et fort, et de nombreux Esprits sont sur la terre pour aplanir la route, et faire accomplir ce qui a été prédit.
Ce nouveau Messie, le nommera-t-on Christ ? C'est une question à laquelle je ne puis répondre ; attendez à demain. Que de choses j'aurais encore à vous révéler ! Mais je m'arrête, car le jour de demain ne paraît pas encore ; à peine sommes-nous avant minuit.
Amis qui êtes ici, tous animés du désir de votre avancement moral, travaillez sur vous-mêmes à vous régénérer, afin que le Maître vous trouve prêts. Courage, frères, car votre peine ne sera pas perdue ; travaillez à briser les liens de la matière qui empêchent l'Esprit de progresser.
Ayez la foi, car elle conduit l'homme sûrement au but de son voyage. Ayez l'amour, car aimer ses frères, c'est aimer Dieu. Veillez et priez : la prière fortifie l'Esprit qui se laisse aller au découragement. Demandez à votre Père céleste la force de triompher des obstacles et des tentations. Armez-vous contre vos défauts ; tenez-vous prêts, car demain n'est pas loin. L'aurore du siècle marqué par Dieu pour l'accomplissement des faits qui doivent changer la face de ce monde commence à poindre à l'horizon.
L'Esprit de la foi,
Médium, M. Duboin en somnambulisme spontané.
Allan Kardec
Communication verbale en somnambulisme spontané
Lyon, 2 février 1868.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? où est la lumière ? Tout est sombre, tout est trouble autour de nous. Hier, c'était le passé ; demain, c'est l'avenir ; aujourd'hui, c'est le présent… Qu'est-ce qui distingue ces trois jours ? On a vécu hier, on vit encore aujourd'hui, on vivra demain, et toujours dans le même cercle. D'où sort donc cette humanité, et où va-t-elle ? Mystère qui ne sera éclairci que demain.
Moïse est le temps passé ; Christ, le temps présent ; le Messie à venir, qui est le lendemain, n'a pas encore paru… Moïse avait à combattre l'idolâtrie ; Christ, les pharisiens ; le Messie à venir aura aussi ses adversaires : l'incrédulité, le scepticisme, le matérialisme, l'athéisme, et tous les vices qui accablent le genre humain… Trois époques qui marquent le progrès de l'humanité ; parenthèses filiales qui se succèdent l'une à l'autre ; hier c'était Moïse, aujourd'hui c'est le Christ, et demain ce sera le nouveau Messie.
Je dis que c'est le Christ aujourd'hui, parce que c'est sa parole, sa doctrine, sa charité, tous ses sublimes enseignements qui doivent se répandre partout ; car, vous le voyez vous-mêmes, l'humanité n'a pas beaucoup progressé. Dix-huit siècles à peine nous séparent du Christ : dix-huit siècles de ténèbres, de tyrannie, d'orgueil et d'ambition.
Appropriez-vous le passé, le présent, demain vous contemplerez votre avenir… Idolâtres du passé, pharisiens du présent, adversaires de demain, la lumière brille pour tous les peuples, pour tous les mondes, pour tous les individus, et vous ne voulez pas la voir !
Créature, tu te rebutes aujourd'hui qui est le présent ; tu attends l'accomplissement des prodiges annoncés ; tu les verras s'accomplir. Bientôt toute la terre tremblera… le vingtième siècle effacera l'éclat des siècles précédents, car il verra l'accomplissement de ce qui a été prédit.
Le Messie qui doit présider au grand mouvement régénérateur de la terre est né, mais il n'a pas encore révélé sa mission, et il ne nous est permis de dire ni son nom, ni le pays qu'il habite ; il s'annoncera par ses œuvres, et les hommes trembleront à sa voix puissante, car le nombre des justes est encore bien petit.
Attachez-vous à la matière, hommes d'égoïsme et d'ambition qui ne vivez que pour satisfaire vos passions et vos désirs mondains ; le temps est court pour vous ; tenez-le, enlacez-le, car hier est passé, aujourd'hui se couche, et demain sera bientôt là.
Hélas ! pharisien du présent, tu attends toujours. Que le tonnerre gronde, tu ne t'épouvantes point devant l'éclair avant-coureur qui vient éblouir tes yeux. Toi qui te complais dans l'égoïsme et l'orgueil, qui persistes dans le passé et dans le présent, ton avenir sera d'être rejeté sur un autre monde pour que ton Esprit puisse arriver un jour à la perfection à laquelle Dieu t'appelle.
Vous, Spirites, qui êtes ici, qui recevez les instructions des Esprits, soyez patients, dociles, conscients de vos actes ; ne vous rebutez pas ; attendez avec calme ce demain qui doit vous délivrer de toutes les persécutions. Dieu, pour qui rien n'est caché, qui lit dans les cœurs, vous voit et ne vous abandonnera pas ; l'heure approche, et bientôt nous serons à demain.
Mais ce Messie qui doit venir, est-ce le Christ lui-même ? question difficile à comprendre au temps présent, et que demain éclaircira. Comme un bon père de famille, Dieu, qui est toute sagesse, n'impose pas tout le travail à un seul de ses enfants. Il assigne à chacun sa tâche, selon les besoins du monde où il les envoie. En faut-il conclure que le nouveau Messie ne sera ni aussi grand, ni aussi puissant que le Christ ? Ce serait absurde ; mais attendez que l'heure sonne pour comprendre l'œuvre des messagers invisibles qui sont venus déblayer la route, car les Esprits ont fait un immense travail. C'est le Spiritisme qui doit enlever les gros cailloux qui pouvaient gêner le passage de celui qui doit venir. Cet homme sera puissant et fort, et de nombreux Esprits sont sur la terre pour aplanir la route, et faire accomplir ce qui a été prédit.
Ce nouveau Messie, le nommera-t-on Christ ? C'est une question à laquelle je ne puis répondre ; attendez à demain. Que de choses j'aurais encore à vous révéler ! Mais je m'arrête, car le jour de demain ne paraît pas encore ; à peine sommes-nous avant minuit.
Amis qui êtes ici, tous animés du désir de votre avancement moral, travaillez sur vous-mêmes à vous régénérer, afin que le Maître vous trouve prêts. Courage, frères, car votre peine ne sera pas perdue ; travaillez à briser les liens de la matière qui empêchent l'Esprit de progresser.
Ayez la foi, car elle conduit l'homme sûrement au but de son voyage. Ayez l'amour, car aimer ses frères, c'est aimer Dieu. Veillez et priez : la prière fortifie l'Esprit qui se laisse aller au découragement. Demandez à votre Père céleste la force de triompher des obstacles et des tentations. Armez-vous contre vos défauts ; tenez-vous prêts, car demain n'est pas loin. L'aurore du siècle marqué par Dieu pour l'accomplissement des faits qui doivent changer la face de ce monde commence à poindre à l'horizon.
L'Esprit de la foi,
Médium, M. Duboin en somnambulisme spontané.
Allan Kardec