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REVUE SPIRITE - JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1860 > Septembre
Septembre
Bulletin de la société parisienne des études spiritesVendredi 27 juillet 1860. Séance générale Réunion du comité.
Lecture du procès-verbal et des travaux de la séance du 20 juillet.
Communications diverses. - 1° Rapport de mademoiselle P… sur le poème que M. de Pory, de Marseille, a adressé à la société, intitulé Linda, légende gauloise. Mademoiselle P… analyse le sujet de l'ouvrage, et y reconnaît dezs pensées d'une grande élévation très bien exprimées ; mais, sauf les idées chrétiennes en général, elle n'y voit rien, ou peu de chose, qui ait un rapport direct au Spiritisme ; l'auteur lui paraît plus Spiritualiste que Spirite ; son ouvrage n'en est pas moins, dit-elle, très remarquable, et sera lu avec intérêt par tous les amateurs de bonne poésie.
2° Lettre de M. X… qui donne une analyse succincte de la doctrine de M. Rigolot de Saint-Étienne. Selon cette doctrine le monde Spirite n'existe pas ; après la mort du corps, les Esprits sont immédiatement réunis à Dieu. Trois Esprits seulement peuvent se communiquer aux hommes par voie médianimique, ce sont : Jésus, directeur et protecteur de notre globe, Marie sa mère, et Socrate. Toutes les communications, de quelque nature qu'elles soient, émanent d'eux ; ce sont les seuls, dit-il, qui se manifestent à lui, et quand ils lui dictent des choses grossières, il pense que c'est pour l'éprouver.
Une discussion s'engage à ce sujet ; elle se résume ainsi :
La Société est unanime pour déclarer que la raison se refuse à admettre que l'Esprit du bien par excellence, le modèle des vertus les plus sublimes, puisse dicter des choses mauvaises, et qu'il y a même une sorte de profanation à supposer que des communications révoltantes de turpitudes, et même d'obscénité, comme on en voit quelquefois, puissent émaner d'une source aussi pure. D'un autre côté, admettre que toutes les âmes sont immédiatement après la mort réunies à Dieu, c'est nier le châtiment du coupable, car on ne saurait penser que le sein de Dieu, qu'on nous apprend à regarder comme la suprême récompense, soit en même temps un foyer de douleur pour celui qui a mal vécu. Si dans cette fusion divine l'Esprit perd son individualité, c'est une variété du panthéisme. Dans l'un et l'autre cas, selon cette doctrine, le coupable n'a aucun motif de s'arrêter dans la voie du mal, et les efforts pour faire le bien sont superflus ; c'est du moins ce qui ressort des principes généraux qui paraissent en être la base.
La Société ne connaît pas assez le système de M. Riogolot pour le juger dans ses détails ; elle ignore comment il explique une foule de faits patents : celui des apparitions, par exemple ; ceux où l'Esprit d'un parent évoqué prouve matériellement son identité ; ce serait donc Jésus qui simulerait ces personnages ; ce serait donc encore lui qui, dans le phénomène des Esprits frappeurs viendrait battre la charge ou des airs rythmés ; après avoir joué le rôle odieux de tentateur, il viendrait servir d'amusement ? Il y a incompatibilité morale entre le trivial et le sublime, entre le bien absolu et le mal absolu.
M. Rigolot s'est toujours tenu isolé des autres Spirites, et c'est un tort ; pour bien connaître une chose, il faut tout voir, tout approfondir, comparer toutes les opinions, entendre le pour et le contre, écouter toutes les objections, et finalement n'accepter que ce que la logique la plus sévère peut admettre ; c'est ce que nous recommandent sans cesse les Esprits qui nous dirigent, et c'est pour cela que la Société a pris le nom de Société d'études, nom qui implique l'idée d'examen et de recherches. Il est permis de penser que si M. Rigolot eût suivi cette marche, il eût reconnu dans sa théorie des points en contradiction manifeste avec les faits. Son éloignement des autres Spirites ne lui permet d'avoir que des communications d'une seule nature, et l'empêche naturellement de voir ce qui pourrait l'éclairer sur leur insuffisance pour résoudre toutes les questions ; c'est ce que l'on remarque chez la plupart des médiums qui s'isolent ; ils sont dans le cas de ceux qui, n'entendant qu'une seule cloche, n'entendent qu'un son.
Communications diverses. - 1° Rapport de mademoiselle P… sur le poème que M. de Pory, de Marseille, a adressé à la société, intitulé Linda, légende gauloise. Mademoiselle P… analyse le sujet de l'ouvrage, et y reconnaît dezs pensées d'une grande élévation très bien exprimées ; mais, sauf les idées chrétiennes en général, elle n'y voit rien, ou peu de chose, qui ait un rapport direct au Spiritisme ; l'auteur lui paraît plus Spiritualiste que Spirite ; son ouvrage n'en est pas moins, dit-elle, très remarquable, et sera lu avec intérêt par tous les amateurs de bonne poésie.
2° Lettre de M. X… qui donne une analyse succincte de la doctrine de M. Rigolot de Saint-Étienne. Selon cette doctrine le monde Spirite n'existe pas ; après la mort du corps, les Esprits sont immédiatement réunis à Dieu. Trois Esprits seulement peuvent se communiquer aux hommes par voie médianimique, ce sont : Jésus, directeur et protecteur de notre globe, Marie sa mère, et Socrate. Toutes les communications, de quelque nature qu'elles soient, émanent d'eux ; ce sont les seuls, dit-il, qui se manifestent à lui, et quand ils lui dictent des choses grossières, il pense que c'est pour l'éprouver.
Une discussion s'engage à ce sujet ; elle se résume ainsi :
La Société est unanime pour déclarer que la raison se refuse à admettre que l'Esprit du bien par excellence, le modèle des vertus les plus sublimes, puisse dicter des choses mauvaises, et qu'il y a même une sorte de profanation à supposer que des communications révoltantes de turpitudes, et même d'obscénité, comme on en voit quelquefois, puissent émaner d'une source aussi pure. D'un autre côté, admettre que toutes les âmes sont immédiatement après la mort réunies à Dieu, c'est nier le châtiment du coupable, car on ne saurait penser que le sein de Dieu, qu'on nous apprend à regarder comme la suprême récompense, soit en même temps un foyer de douleur pour celui qui a mal vécu. Si dans cette fusion divine l'Esprit perd son individualité, c'est une variété du panthéisme. Dans l'un et l'autre cas, selon cette doctrine, le coupable n'a aucun motif de s'arrêter dans la voie du mal, et les efforts pour faire le bien sont superflus ; c'est du moins ce qui ressort des principes généraux qui paraissent en être la base.
La Société ne connaît pas assez le système de M. Riogolot pour le juger dans ses détails ; elle ignore comment il explique une foule de faits patents : celui des apparitions, par exemple ; ceux où l'Esprit d'un parent évoqué prouve matériellement son identité ; ce serait donc Jésus qui simulerait ces personnages ; ce serait donc encore lui qui, dans le phénomène des Esprits frappeurs viendrait battre la charge ou des airs rythmés ; après avoir joué le rôle odieux de tentateur, il viendrait servir d'amusement ? Il y a incompatibilité morale entre le trivial et le sublime, entre le bien absolu et le mal absolu.
M. Rigolot s'est toujours tenu isolé des autres Spirites, et c'est un tort ; pour bien connaître une chose, il faut tout voir, tout approfondir, comparer toutes les opinions, entendre le pour et le contre, écouter toutes les objections, et finalement n'accepter que ce que la logique la plus sévère peut admettre ; c'est ce que nous recommandent sans cesse les Esprits qui nous dirigent, et c'est pour cela que la Société a pris le nom de Société d'études, nom qui implique l'idée d'examen et de recherches. Il est permis de penser que si M. Rigolot eût suivi cette marche, il eût reconnu dans sa théorie des points en contradiction manifeste avec les faits. Son éloignement des autres Spirites ne lui permet d'avoir que des communications d'une seule nature, et l'empêche naturellement de voir ce qui pourrait l'éclairer sur leur insuffisance pour résoudre toutes les questions ; c'est ce que l'on remarque chez la plupart des médiums qui s'isolent ; ils sont dans le cas de ceux qui, n'entendant qu'une seule cloche, n'entendent qu'un son.
Telle est l'impression que la Société éprouve au sujet de cette doctrine qui lui semble impuissante à rendre raison de tous les faits.
3° Mention d'une lettre de M. le docteur Morhéry qui donne de nouveaux détails sur Mlle Godu, et la suite de ses observations sur les cas de guérisons obtenues ; et d'un autre de M. le docteur de Grand-Boulogne sur le rôle des Esprits frappeurs. Vu leur étendue, la lecture en est remise à la prochaine séance.
4° M. Allan Kardec rend compte d'un fait intéressant qui s'est passé chez lui dans une séance particulière. Dans cette séance assistait M. Rabache, très bon médium, et auquel s'était communiqué spontanément Adam Smith, dans un café à Londres. Adam Smith ayant été évoqué par l'entremise d'un autre médium, Mme Costel, il répondit simultanément par cette dame en français, et par M. Rabache en anglais ; plusieurs réponses se sont trouvées d'une identité parfaite, et même être la traduction littérale l'une de l'autre.
5° Relation de divers faits de manifestations physiques arrivées à M. B… présent à la séance ; entre autres faits est celui de l'apport d'un bouchon lancé dans une chambre, et d'un flacon d'eau Spiritualisée qui avait pris une odeur de musc tellement forte que tout l'appartement en fut imprégné.
Études. 1° Evocation du musulman Séih-ben-Moloka, mort à Tunis à l'âge de 110 ans, et dont toute la vie a été marquée par des actes de bienfaisance et de générosité. Ses réponses révèlent en lui un esprit élevé, mais qui, pendant sa vie, n'était point exempt des préjugés de secte.
Deux dictées spontanées sont obtenues, la première par M. Didier, sur la conscience signée Lamennais ; la deuxième par Mme Lub… sur des conseils divers, signée Paul.
Vendredi 3 août 1860. Séance particulière Réunion du comité.
Lecture du procès verbal et des travaux de la séance du 27 juillet.
Lecture d'une lettre de M. Darcol, par laquelle il propose à la Société de faire une souscription pour les chrétiens de Syrie. Il fonde sa proposition sur les principes d'humanité, de charité et de tolérance qui sont l'essence même du Spiritisme et doivent guider la Société.
Le comité, qui a examiné la proposition, tout en rendant justice aux bonnes intentions de M. D… pense que la Société doit s'abstenir de toute manifestation étrangère à l'objet de ses études, et qu'il faut laisser chaque membre libre d'agir individuellement.
La Société ne voit dans cette démarche rien qui puisse être vu de mauvais œil, bien au contraire ; mais attendu l'absence de la plupart des membres en raison de la saison, elle ajourne à la rentrée l'examen de la proposition.
Sur l'avis du comité, la Société décide qu'elle prendra ses vacances pendant le mois de septembre.
Communications diverses. 1° Lettre de M. le docteur Morhéry.
3° Mention d'une lettre de M. le docteur Morhéry qui donne de nouveaux détails sur Mlle Godu, et la suite de ses observations sur les cas de guérisons obtenues ; et d'un autre de M. le docteur de Grand-Boulogne sur le rôle des Esprits frappeurs. Vu leur étendue, la lecture en est remise à la prochaine séance.
4° M. Allan Kardec rend compte d'un fait intéressant qui s'est passé chez lui dans une séance particulière. Dans cette séance assistait M. Rabache, très bon médium, et auquel s'était communiqué spontanément Adam Smith, dans un café à Londres. Adam Smith ayant été évoqué par l'entremise d'un autre médium, Mme Costel, il répondit simultanément par cette dame en français, et par M. Rabache en anglais ; plusieurs réponses se sont trouvées d'une identité parfaite, et même être la traduction littérale l'une de l'autre.
5° Relation de divers faits de manifestations physiques arrivées à M. B… présent à la séance ; entre autres faits est celui de l'apport d'un bouchon lancé dans une chambre, et d'un flacon d'eau Spiritualisée qui avait pris une odeur de musc tellement forte que tout l'appartement en fut imprégné.
Études. 1° Evocation du musulman Séih-ben-Moloka, mort à Tunis à l'âge de 110 ans, et dont toute la vie a été marquée par des actes de bienfaisance et de générosité. Ses réponses révèlent en lui un esprit élevé, mais qui, pendant sa vie, n'était point exempt des préjugés de secte.
Deux dictées spontanées sont obtenues, la première par M. Didier, sur la conscience signée Lamennais ; la deuxième par Mme Lub… sur des conseils divers, signée Paul.
Vendredi 3 août 1860. Séance particulière Réunion du comité.
Lecture du procès verbal et des travaux de la séance du 27 juillet.
Lecture d'une lettre de M. Darcol, par laquelle il propose à la Société de faire une souscription pour les chrétiens de Syrie. Il fonde sa proposition sur les principes d'humanité, de charité et de tolérance qui sont l'essence même du Spiritisme et doivent guider la Société.
Le comité, qui a examiné la proposition, tout en rendant justice aux bonnes intentions de M. D… pense que la Société doit s'abstenir de toute manifestation étrangère à l'objet de ses études, et qu'il faut laisser chaque membre libre d'agir individuellement.
La Société ne voit dans cette démarche rien qui puisse être vu de mauvais œil, bien au contraire ; mais attendu l'absence de la plupart des membres en raison de la saison, elle ajourne à la rentrée l'examen de la proposition.
Sur l'avis du comité, la Société décide qu'elle prendra ses vacances pendant le mois de septembre.
Communications diverses. 1° Lettre de M. le docteur Morhéry.
2° Lettre de M. Indermuhle, membre de la Société, qui parle de la saine appréciation des idées Spirites que l'on rencontre chez certaines personnes de la classe rurale. Il cite à ce sujet un petit livre allemand intitulé : Die Ewigkeit kein geheimniss mehr, (Plus de secret sur l'éternité.) et qu'il se propose d'envoyer à la Société.
3° Lettre de M. le docteur de Grand-Boulogne sur les manifestations physiques comme moyen de conviction. Il pense qu'on aurait tort de regarder tous les Esprits frappeurs comme étant d'un ordre inférieur, attendu qu'il a lui-même obtenu par des coups frappés des communications d'un ordre très élevé.
M. Allan Kardec répond que la typtologie est un moyen de communication comme un autre, et dont peuvent se servir les Esprits les plus élevés, quand ils n'en ont pas de plus rapide à leur disposition. Tous les Esprits qui se communiquent par des coups frappés, ne sont pas des Esprits frappeurs, et la plupart même répudient cette qualification, qui ne convient qu'à ceux qu'on pourrait appeler frappeurs de profession. Il répugne au bon sens de croire que des Esprits supérieurs viennent passer leur temps à amuser une réunion par des tours d'adresse. Quant aux manifestations physiques proprement dites, il n'a jamais contesté leur utilité, mais il persiste dans son opinion, que seules elles sont impuissantes pour amener la conviction ; bien plus, dit-il, plus les faits sont extraordinaires, plus ils excitent l'incrédulité. Ce qu'il faut avant tout, c'est comprendre le principe des phénomènes ; pour celui qui s'en est rendu compte, ils n'ont rien de surnaturel et viennent à l'appui de la théorie.
M. de Grand-Boulogne dit que la lettre qu'on vient de lire est déjà un peu ancienne, et que, depuis, ses idées se sont sensiblement modifiées ; il partage entièrement l'opinion de M. Allan Kardec, l'expérience lui ayant démontré combien il est utile de comprendre le principe avant de voir ; aussi, n'admet-il chez lui que les personnes qui se sont déjà rendu compte de la théorie, et par là il évite une foule de questions oiseuses et d'objections ; il reconnaît avoir fait plus de prosélytes par ce système, que par l'exhibition de faits que l'on ne comprend pas.
Études. - 1° Évocation de James Coyle, aliéné, mort à l'âge de 106 ans, à l'hôpital Saint-Patrich, de Dublin, où il était depuis l'année 1802. Cette évocation offre un intéressant sujet d'étude sur l'état de l'Esprit dans l'aliénation mentale.
2° Appel fait, sans évocation spéciale, aux Esprits qui ont réclamé assistance. Deux se présentent spontanément, ce sont : la Grande Françoise et l'Esprit de Castelnaudary, qui remercient de ce qu'on a prié pour eux.
3° Une dictée spontanée est obtenue par M. D… ; elle est signée sœur Jeanne, une des victimes des massacres de Syrie.
Vendredi 10 août 1860. Séance générale Réunion du comité.
Lecture du procès-verbal et des travaux de la dernière séance.
M. Allan Kardec annonce qu'une dame, membre de la Société, lui a remis 10 fr. pour sa souscription au profit des chrétiens de Syrie, ou toute autre œuvre charitable, à laquelle on croira devoir les appliquer.
Communications diverses. - 1° Lettre de M. Jobard, de Bruxelles, sur Tillorier, dont il a été l'ami, et qui a été évoqué le 15 juin 1860. Il donne d'intéressants détails sur sa découverte, sa vie et ses habitudes, et rectifie plusieurs assertions contenues dans la notice publiée à son sujet dans le journal la Patrie. Il raconte entre autres particularités, comment l'ouïe lui a été rendue par le magnétisme. (Publiée ci-après.)
2° M. B…, auditeur étranger, rapporte divers faits de manifestations physiques spontanées, arrivés à un de ses amis. Cette personne n'ayant pu venir à la séance, en rendra compte elle-même avec plus de détails ultérieurement.
Études. - 1° Questions diverses et problèmes moraux adressés à saint Louis, au sujet de la mort de Jean Luizerolle, qui s'est substitué à son fils, condamné à mort en 1793, et s'est dévoué pour lui sauver la vie.
2° Évocation d'Alfred de Marignac, qui a donné à M. Darcol une communication de lui sur la disette, et sous le nom de Bossuet.
3° Évocation de Bossuet à ce sujet et sur diverses autres questions. Il termine par une dissertation spontanée sur le danger des querelles religieuses.
4° Évocation de la sœur Jeanne, victime des massacres de Syrie, qui était venue spontanément dans la dernière séance, et avait demandé à être appelée de nouveau.
5° Appel fait à l'un des Esprits souffrants qui réclament assistance. Un Esprit nouveau se présente sous le nom de Fortuné Privat, et donne des détails sur sa situation et les peines qu'il endure. Cette communication donne lieu à plusieurs explications intéressantes sur l'état des Esprits malheureux.
6° Dictée spontanée, sur le néant de la vie, signée Sophie Swetchine, et obtenue par mademoiselle Huet.
3° Lettre de M. le docteur de Grand-Boulogne sur les manifestations physiques comme moyen de conviction. Il pense qu'on aurait tort de regarder tous les Esprits frappeurs comme étant d'un ordre inférieur, attendu qu'il a lui-même obtenu par des coups frappés des communications d'un ordre très élevé.
M. Allan Kardec répond que la typtologie est un moyen de communication comme un autre, et dont peuvent se servir les Esprits les plus élevés, quand ils n'en ont pas de plus rapide à leur disposition. Tous les Esprits qui se communiquent par des coups frappés, ne sont pas des Esprits frappeurs, et la plupart même répudient cette qualification, qui ne convient qu'à ceux qu'on pourrait appeler frappeurs de profession. Il répugne au bon sens de croire que des Esprits supérieurs viennent passer leur temps à amuser une réunion par des tours d'adresse. Quant aux manifestations physiques proprement dites, il n'a jamais contesté leur utilité, mais il persiste dans son opinion, que seules elles sont impuissantes pour amener la conviction ; bien plus, dit-il, plus les faits sont extraordinaires, plus ils excitent l'incrédulité. Ce qu'il faut avant tout, c'est comprendre le principe des phénomènes ; pour celui qui s'en est rendu compte, ils n'ont rien de surnaturel et viennent à l'appui de la théorie.
M. de Grand-Boulogne dit que la lettre qu'on vient de lire est déjà un peu ancienne, et que, depuis, ses idées se sont sensiblement modifiées ; il partage entièrement l'opinion de M. Allan Kardec, l'expérience lui ayant démontré combien il est utile de comprendre le principe avant de voir ; aussi, n'admet-il chez lui que les personnes qui se sont déjà rendu compte de la théorie, et par là il évite une foule de questions oiseuses et d'objections ; il reconnaît avoir fait plus de prosélytes par ce système, que par l'exhibition de faits que l'on ne comprend pas.
Études. - 1° Évocation de James Coyle, aliéné, mort à l'âge de 106 ans, à l'hôpital Saint-Patrich, de Dublin, où il était depuis l'année 1802. Cette évocation offre un intéressant sujet d'étude sur l'état de l'Esprit dans l'aliénation mentale.
2° Appel fait, sans évocation spéciale, aux Esprits qui ont réclamé assistance. Deux se présentent spontanément, ce sont : la Grande Françoise et l'Esprit de Castelnaudary, qui remercient de ce qu'on a prié pour eux.
3° Une dictée spontanée est obtenue par M. D… ; elle est signée sœur Jeanne, une des victimes des massacres de Syrie.
Vendredi 10 août 1860. Séance générale Réunion du comité.
Lecture du procès-verbal et des travaux de la dernière séance.
M. Allan Kardec annonce qu'une dame, membre de la Société, lui a remis 10 fr. pour sa souscription au profit des chrétiens de Syrie, ou toute autre œuvre charitable, à laquelle on croira devoir les appliquer.
Communications diverses. - 1° Lettre de M. Jobard, de Bruxelles, sur Tillorier, dont il a été l'ami, et qui a été évoqué le 15 juin 1860. Il donne d'intéressants détails sur sa découverte, sa vie et ses habitudes, et rectifie plusieurs assertions contenues dans la notice publiée à son sujet dans le journal la Patrie. Il raconte entre autres particularités, comment l'ouïe lui a été rendue par le magnétisme. (Publiée ci-après.)
2° M. B…, auditeur étranger, rapporte divers faits de manifestations physiques spontanées, arrivés à un de ses amis. Cette personne n'ayant pu venir à la séance, en rendra compte elle-même avec plus de détails ultérieurement.
Études. - 1° Questions diverses et problèmes moraux adressés à saint Louis, au sujet de la mort de Jean Luizerolle, qui s'est substitué à son fils, condamné à mort en 1793, et s'est dévoué pour lui sauver la vie.
2° Évocation d'Alfred de Marignac, qui a donné à M. Darcol une communication de lui sur la disette, et sous le nom de Bossuet.
3° Évocation de Bossuet à ce sujet et sur diverses autres questions. Il termine par une dissertation spontanée sur le danger des querelles religieuses.
4° Évocation de la sœur Jeanne, victime des massacres de Syrie, qui était venue spontanément dans la dernière séance, et avait demandé à être appelée de nouveau.
5° Appel fait à l'un des Esprits souffrants qui réclament assistance. Un Esprit nouveau se présente sous le nom de Fortuné Privat, et donne des détails sur sa situation et les peines qu'il endure. Cette communication donne lieu à plusieurs explications intéressantes sur l'état des Esprits malheureux.
6° Dictée spontanée, sur le néant de la vie, signée Sophie Swetchine, et obtenue par mademoiselle Huet.
Vendredi 17 août 1860. Séance particulière Réunion du comité.
Lecture du procès-verbal et des travaux de la séance du 10 août.
Sur l'avis du comité, et après rapport verbal, la Société reçoit comme associé libre M. Jules R…, de Bruxelles, et domicilié à Paris.
Communications diverses. - 1° Dans une lettre de madame la comtesse D…, de Milan, écrite à M. Allan Kardec, se trouve le passage suivant : « J'ai dernièrement fouillé de vieilles revues de Paris, et j'ai trouvé une historiette écrite par ce délicieux écrivain, Charles Nodier, et qui a pour titre : Lydie ou la résurrection. Je me suis trouvée en pleine Revue Spirite ; c'est une intuition du livre des Esprits, quoique écrite en 1839. Est-ce que Nodier était un croyant ? Est-ce qu'à cette époque on parlait de Spiritisme ? Je voudrais bien, si je le pouvais, l'évoquer ; c'était un cœur pur et une âme aimante. Vous qui pouvez tant, évoquez-le, je vous prie. Si, étant incarné, sa morale était si douce, si attrayante, que ne sera-t-il pas à présent, que son Esprit est dégagé de toute matière ! »
La Société a, depuis longtemps, le désir d'appeler Charles Nodier ; elle le fera dans la présente séance.
2° Lecture de deux dissertations obtenues par M. le docteur de Grand-Boulogne, signées Zénon ; la première, au sujet du doute qui avait été émis sur l'identité de Bossuet dans la précédente séance ; la deuxième sur la réincarnation dont l'Esprit démontre la nécessité au point de vue moral, et la concordance avec les idées religieuses.
3° Lecture de deux communications obtenues par madame Costel et signées Georges ; la première, sur le progrès des Esprits ; la deuxième, sur le réveil de l'Esprit.
4° Lecture de l'évocation de Louis XIV, faite par mademoiselle Huet, et d'une dictée spontanée, obtenue par la même, sur le profil à tirer des conseils donnés par les Esprits, signée Marie, Esprit familier.
Études. - 1° M. Ledoyen rappelle que saint Louis avait commencé, dans le temps, une série de dissertations sur les péchés capitaux. Il demande s'il voudrait donner la suite de ce travail.
Saint Louis répond qu'il le fera volontiers, et que la prochaine fois il parlera sur l'Envie, l'heure étant trop avancée pour commencer le soir même.
2° On demande à saint Louis si, dans la prochaine séance, on pourra appeler de nouveau la reine d'Oude, déjà évoquée en janvier 1858, afin de juger des progrès qu'elle a pu faire. Il répond : « Ce sera charitable à vous de l'évoquer et de lui parler amicalement, en même temps que de l'instruire un peu, car elle est bien arriérée encore. »
3° Évocation de Charles Nodier. Après avoir répondu avec une extrême bienveillance aux questions qui lui sont adressées, il promet de commencer un travail suivi dans la prochaine séance.
4° Dictée spontanée, obtenue par M. Didier, sur l'hypocrisie, signée Lamennais. Cet Esprit répond ensuite à diverses questions qui lui sont faites sur sa situation, et le caractère qui se reflète dans ses communications.
Vendredi 24 août 1860. Séance générale Réunion du comité.
Lecture du procès-verbal et des travaux de la dernière séance.
Le président donne lecture de l'instruction suivante concernant les personnes étrangères à la Société, afin de les prémunir contre les idées fausses qu'elles pourraient se former sur l'objet de ses travaux.
« Nous croyons devoir rappeler aux personnes étrangères à la Société, et qui ne seraient pas au courant de nos travaux, que nous ne faisons aucune expérience, et qu'elles se tromperaient si elles croyaient trouver ici des sujets de distraction. Nous nous occupons sérieusement de choses très sérieuses, mais peu intéressantes et peu intelligibles pour quiconque est étranger à la science Spirite. Comme la présence de ces personnes serait inutile pour elles-mêmes, et pourrait être une cause de trouble pour nous, nous refusons d'admettre celles qui n'en possèdent pas au moins les premiers éléments, et surtout celles qui n'y seraient pas sympathiques. Nous sommes avant tout une Société scientifique d'études, et non une Société d'enseignement ; nous ne convoquons jamais le public, parce que nous savons, par expérience, que la conviction ne se forme que par une longue suite d'observations, et non pour avoir assisté à quelques séances qui ne présentent aucune suite méthodique. Voilà pourquoi nous ne faisons pas des démonstrations qui seraient à recommencer chaque fois, et nous arrêteraient dans nos travaux. Si, malgré cela, il se trouvait ici des personnes qui ne fussent attirées que par la curiosité, ou qui ne partageraient pas notre manière de voir, nous les prierions de vouloir bien se souvenir que nous ne les avons pas conviées, et que nous attendons de leur bienséance le respect de nos convictions, comme nous respectons les leurs. Nous ne réclamons de leur part que silence et recueillement. Le recueillement étant une des recommandations les plus expresses de la part des Esprits qui veulent bien se communiquer à nous, nous invitons avec instance les personnes présentes à s'abstenir de toute conversation particulière. »
Le comité a décidé que, bien qu'il y ait un 5° vendredi le 31 de ce mois, cette séance serait la dernière avant les vacances, et que la prochaine séance aura lieu le premier vendredi d'octobre.
Le comité a pris connaissance d'une lettre de demande d'admission comme associé-libre, de M. B… de Paris ; mais attendu que la séance de ce jour est générale, l'examen est renvoyé après les vacances.
Communications diverses. 1° Lecture de l'évocation faite en particulier par M. Jules Rob…, du Père Leroy, mort dernièrement à Beyrouth. Cette évocation est remarquable par l'élévation des pensées de l'Esprit qui ne dément en rien le beau caractère dont il a fait preuve de son vivant, et qui est celui du vrai chrétien. Il exprime le désir d'être appelé dans la Société.
2° Lecture d'une dictée spontanée obtenue par M. Darcol sur les médiums, et signée Salles. Cette communication, remise dans la dernière séance n'y a point été lue, parce qu'il n'en avait point été pris connaissance préalable, et attendu que le règlement prescrit impérieusement cette formalité.
3° Autre dictée spontanée, obtenue par Mme de B… sur la Charité morale, et signée sœur Rosalie.
4° Deux autres dictées spontanées obtenues par Mme Costel, l'une sur les différentes catégories d'Esprits errants, l'autre sur les châtiments, et signées Georges. Ces deux communications peuvent être mises au rang des plus remarquables par la sublimité des pensées, la vérité des tableaux et l'éloquence du style. (Seront publiées ainsi que les autres communications les plus importantes.)
Le Président fait observer que la Société est nécessairement limitée par le temps, mais que tout ce que ses membres obtiennent en leur particulier, et qu'ils veulent bien y apporter, doit être considéré comme un complément de ses travaux. Elle ne doit donc pas envisager comme en faisant partie seulement ce qu'elle obtient dans ses séances, mais également tout ce qui lui vient du dehors et peut servir à son instruction. Elle est le centre où viennent aboutir les études privées pour le bien de tous ; elle les examine, les commente, et en fait son profit s'il y a lieu. Pour les médiums, c'est un moyen de contrôle qui, en les éclairant sur la nature des communications qu'ils reçoivent, peut les préserver de plus d'un mécompte. Les Esprits, d'ailleurs, préfèrent souvent se communiquer dans l'intimité, où il y a nécessairement plus de recueillement que dans les réunions nombreuses, par les instruments de leur choix, dans les moments qui leur conviennent, et dans des circonstances qu'il ne nous est pas toujours donné d'apprécier. En concentrant ces communications, chacun profite ainsi de tous les avantages qu'elles peuvent offrir.
Études. 1° Question adressée à saint Louis sur l'Esprit Georges. De son vivant il était artiste peintre, et le professeur de dessin de la personne qui lui sert de médium ; sa vie n'a offert aucune particularité saillante, si ce n'est qu'il a toujours été bon et bienveillant. Ses communications, comme Esprit, portent le cachet d'une telle supériorité, qu'on a désiré savoir le rang qu'il occupe dans le monde des Esprits. Saint Louis répond :
« Il a été un Esprit juste sur la terre ; toute sa grandeur consiste dans la bonté, la charité et la foi en Dieu qu'il professait, aussi, aujourd'hui, se trouve-t-il placé parmi les Esprits supérieurs. »
2° Évocation de Charles Nodier, par mademoiselle Huet. Il commence le travail promis dans la dernière séance.
3° Évocation du Père Leroy. Comme il avait laissé libre le choix du médium, on a préféré ne pas prendre celui dont il s'est servi la première fois, afin d'écarter toute influence et de pouvoir mieux juger de l'identité par ses réponses. Elles sont de tous points conformes aux sentiments précédemment exprimés, et dignes d'un Esprit élevé. Il termine par des conseils de la plus haute sagesse, où se révèlent à la fois l'humilité du chrétien, la tolérance de la charité évangélique, et la supériorité de l'intelligence.
4° Évocation de la reine d'Oude déjà évoquée en janvier 1858 (voir la Revue de mars 1858). Médium M. Jules Rob…. On remarque chez elle une légère disposition à s'améliorer, mais le fond du caractère a subi peu de changement.
Remarque. Parmi les assistants se trouvait une dame qui a longtemps habité l'Inde et l'a personnellement connue. Elle dit que toutes ses réponses sont parfaitement conformes à son caractère, et qu'il est impossible de n'y pas reconnaître une preuve d'identité.
5° Trois dictées spontanées sont obtenues, la première par Mlle Huet sur l'Envie, signée saint Louis ; la deuxième par M. Didier sur le péché originel, signée Ronsard ; la troisième par Mlle Stéphanie, signée Gustave Lenormand.
Pendant ces dernières communications, Mlle L. J…, médium dessinateur, obtient deux groupes signés Jules Romain.
À la suite de quelques belles pensées écrites par un Esprit qui ne signe pas, un autre Esprit qui s'est déjà manifesté à Mlle L. J…, vient se mettre à la traverse en lui faisant casser des crayons, et faire des traits qui dénotent un sentiment de colère. En même temps il se communique à M. Jules Rob…, et répond laconiquement et avec hauteur aux questions qu'on lui adresse.
C'est l'Esprit d'un souverain étranger connu par la violence de son caractère. Invité à signer son nom, il le fait de deux manières. Un des assistants attaché au gouvernement de son pays, et que ses fonctions mettaient à même de voir souvent sa signature, reconnaît dans l'une celle des pièces officielles, et dans l'autre celle des lettres privées.
La séance générale étant levée, MM. les membres de la Société sont invités à rester quelques instants pour une communication.
M. Sanson, dans une allocution chaleureusement exprimée, expose la reconnaissance qu'il doit à l'Esprit de saint Louis pour son intervention dans la guérison instantanée d'un mal de jambe qui avait résisté à tous les traitements et devait entraîner l'amputation. C'est, dit-il, à la connaissance du Spiritisme qu'il doit sa guérison vraiment miraculeuse, par la confiance qu'il y a puisée en la bonté et en la puissance de Dieu dont auparavant il s'inquiétait assez peu ; et comme c'est à la Société qu'il doit d'avoir été initié aux vérités qu'il enseigne, il la comprend dans ses remerciements. Depuis lors, chaque année, il a offert à l'Esprit de saint Louis, le jour qui lui est consacré, un bouquet en mémoire de la faveur dont il a été l'objet, et c'est cet hommage qu'il renouvelle aujourd'hui, 24 août, veille de la Saint-Louis.
La Société s'associe aux témoignages de gratitude de M. Sanson ; elle remercie saint Louis de la bienveillance dont elle est l'objet de sa part, et le prie de vouloir bien lui continuer sa protection. Saint Louis répond :
« Je suis heureux, trois fois heureux, mes bien-aimés frères, de ce que je vois et entends ce soir ; votre émotion et votre reconnaissance sont encore le meilleur hommage que vous puissiez m'adresser. Que le Dieu de bonté vous conserve dans ces bons et pieux sentiments ! Je continuerai à veiller sur une société unie par le sentiment de la charité et d'une véritable fraternité. »
Louis.Sur l'avis du comité, et après rapport verbal, la Société reçoit comme associé libre M. Jules R…, de Bruxelles, et domicilié à Paris.
Communications diverses. - 1° Dans une lettre de madame la comtesse D…, de Milan, écrite à M. Allan Kardec, se trouve le passage suivant : « J'ai dernièrement fouillé de vieilles revues de Paris, et j'ai trouvé une historiette écrite par ce délicieux écrivain, Charles Nodier, et qui a pour titre : Lydie ou la résurrection. Je me suis trouvée en pleine Revue Spirite ; c'est une intuition du livre des Esprits, quoique écrite en 1839. Est-ce que Nodier était un croyant ? Est-ce qu'à cette époque on parlait de Spiritisme ? Je voudrais bien, si je le pouvais, l'évoquer ; c'était un cœur pur et une âme aimante. Vous qui pouvez tant, évoquez-le, je vous prie. Si, étant incarné, sa morale était si douce, si attrayante, que ne sera-t-il pas à présent, que son Esprit est dégagé de toute matière ! »
La Société a, depuis longtemps, le désir d'appeler Charles Nodier ; elle le fera dans la présente séance.
2° Lecture de deux dissertations obtenues par M. le docteur de Grand-Boulogne, signées Zénon ; la première, au sujet du doute qui avait été émis sur l'identité de Bossuet dans la précédente séance ; la deuxième sur la réincarnation dont l'Esprit démontre la nécessité au point de vue moral, et la concordance avec les idées religieuses.
3° Lecture de deux communications obtenues par madame Costel et signées Georges ; la première, sur le progrès des Esprits ; la deuxième, sur le réveil de l'Esprit.
4° Lecture de l'évocation de Louis XIV, faite par mademoiselle Huet, et d'une dictée spontanée, obtenue par la même, sur le profil à tirer des conseils donnés par les Esprits, signée Marie, Esprit familier.
Études. - 1° M. Ledoyen rappelle que saint Louis avait commencé, dans le temps, une série de dissertations sur les péchés capitaux. Il demande s'il voudrait donner la suite de ce travail.
Saint Louis répond qu'il le fera volontiers, et que la prochaine fois il parlera sur l'Envie, l'heure étant trop avancée pour commencer le soir même.
2° On demande à saint Louis si, dans la prochaine séance, on pourra appeler de nouveau la reine d'Oude, déjà évoquée en janvier 1858, afin de juger des progrès qu'elle a pu faire. Il répond : « Ce sera charitable à vous de l'évoquer et de lui parler amicalement, en même temps que de l'instruire un peu, car elle est bien arriérée encore. »
3° Évocation de Charles Nodier. Après avoir répondu avec une extrême bienveillance aux questions qui lui sont adressées, il promet de commencer un travail suivi dans la prochaine séance.
4° Dictée spontanée, obtenue par M. Didier, sur l'hypocrisie, signée Lamennais. Cet Esprit répond ensuite à diverses questions qui lui sont faites sur sa situation, et le caractère qui se reflète dans ses communications.
Vendredi 24 août 1860. Séance générale Réunion du comité.
Lecture du procès-verbal et des travaux de la dernière séance.
Le président donne lecture de l'instruction suivante concernant les personnes étrangères à la Société, afin de les prémunir contre les idées fausses qu'elles pourraient se former sur l'objet de ses travaux.
« Nous croyons devoir rappeler aux personnes étrangères à la Société, et qui ne seraient pas au courant de nos travaux, que nous ne faisons aucune expérience, et qu'elles se tromperaient si elles croyaient trouver ici des sujets de distraction. Nous nous occupons sérieusement de choses très sérieuses, mais peu intéressantes et peu intelligibles pour quiconque est étranger à la science Spirite. Comme la présence de ces personnes serait inutile pour elles-mêmes, et pourrait être une cause de trouble pour nous, nous refusons d'admettre celles qui n'en possèdent pas au moins les premiers éléments, et surtout celles qui n'y seraient pas sympathiques. Nous sommes avant tout une Société scientifique d'études, et non une Société d'enseignement ; nous ne convoquons jamais le public, parce que nous savons, par expérience, que la conviction ne se forme que par une longue suite d'observations, et non pour avoir assisté à quelques séances qui ne présentent aucune suite méthodique. Voilà pourquoi nous ne faisons pas des démonstrations qui seraient à recommencer chaque fois, et nous arrêteraient dans nos travaux. Si, malgré cela, il se trouvait ici des personnes qui ne fussent attirées que par la curiosité, ou qui ne partageraient pas notre manière de voir, nous les prierions de vouloir bien se souvenir que nous ne les avons pas conviées, et que nous attendons de leur bienséance le respect de nos convictions, comme nous respectons les leurs. Nous ne réclamons de leur part que silence et recueillement. Le recueillement étant une des recommandations les plus expresses de la part des Esprits qui veulent bien se communiquer à nous, nous invitons avec instance les personnes présentes à s'abstenir de toute conversation particulière. »
Le comité a décidé que, bien qu'il y ait un 5° vendredi le 31 de ce mois, cette séance serait la dernière avant les vacances, et que la prochaine séance aura lieu le premier vendredi d'octobre.
Le comité a pris connaissance d'une lettre de demande d'admission comme associé-libre, de M. B… de Paris ; mais attendu que la séance de ce jour est générale, l'examen est renvoyé après les vacances.
Communications diverses. 1° Lecture de l'évocation faite en particulier par M. Jules Rob…, du Père Leroy, mort dernièrement à Beyrouth. Cette évocation est remarquable par l'élévation des pensées de l'Esprit qui ne dément en rien le beau caractère dont il a fait preuve de son vivant, et qui est celui du vrai chrétien. Il exprime le désir d'être appelé dans la Société.
2° Lecture d'une dictée spontanée obtenue par M. Darcol sur les médiums, et signée Salles. Cette communication, remise dans la dernière séance n'y a point été lue, parce qu'il n'en avait point été pris connaissance préalable, et attendu que le règlement prescrit impérieusement cette formalité.
3° Autre dictée spontanée, obtenue par Mme de B… sur la Charité morale, et signée sœur Rosalie.
4° Deux autres dictées spontanées obtenues par Mme Costel, l'une sur les différentes catégories d'Esprits errants, l'autre sur les châtiments, et signées Georges. Ces deux communications peuvent être mises au rang des plus remarquables par la sublimité des pensées, la vérité des tableaux et l'éloquence du style. (Seront publiées ainsi que les autres communications les plus importantes.)
Le Président fait observer que la Société est nécessairement limitée par le temps, mais que tout ce que ses membres obtiennent en leur particulier, et qu'ils veulent bien y apporter, doit être considéré comme un complément de ses travaux. Elle ne doit donc pas envisager comme en faisant partie seulement ce qu'elle obtient dans ses séances, mais également tout ce qui lui vient du dehors et peut servir à son instruction. Elle est le centre où viennent aboutir les études privées pour le bien de tous ; elle les examine, les commente, et en fait son profit s'il y a lieu. Pour les médiums, c'est un moyen de contrôle qui, en les éclairant sur la nature des communications qu'ils reçoivent, peut les préserver de plus d'un mécompte. Les Esprits, d'ailleurs, préfèrent souvent se communiquer dans l'intimité, où il y a nécessairement plus de recueillement que dans les réunions nombreuses, par les instruments de leur choix, dans les moments qui leur conviennent, et dans des circonstances qu'il ne nous est pas toujours donné d'apprécier. En concentrant ces communications, chacun profite ainsi de tous les avantages qu'elles peuvent offrir.
Études. 1° Question adressée à saint Louis sur l'Esprit Georges. De son vivant il était artiste peintre, et le professeur de dessin de la personne qui lui sert de médium ; sa vie n'a offert aucune particularité saillante, si ce n'est qu'il a toujours été bon et bienveillant. Ses communications, comme Esprit, portent le cachet d'une telle supériorité, qu'on a désiré savoir le rang qu'il occupe dans le monde des Esprits. Saint Louis répond :
« Il a été un Esprit juste sur la terre ; toute sa grandeur consiste dans la bonté, la charité et la foi en Dieu qu'il professait, aussi, aujourd'hui, se trouve-t-il placé parmi les Esprits supérieurs. »
2° Évocation de Charles Nodier, par mademoiselle Huet. Il commence le travail promis dans la dernière séance.
3° Évocation du Père Leroy. Comme il avait laissé libre le choix du médium, on a préféré ne pas prendre celui dont il s'est servi la première fois, afin d'écarter toute influence et de pouvoir mieux juger de l'identité par ses réponses. Elles sont de tous points conformes aux sentiments précédemment exprimés, et dignes d'un Esprit élevé. Il termine par des conseils de la plus haute sagesse, où se révèlent à la fois l'humilité du chrétien, la tolérance de la charité évangélique, et la supériorité de l'intelligence.
4° Évocation de la reine d'Oude déjà évoquée en janvier 1858 (voir la Revue de mars 1858). Médium M. Jules Rob…. On remarque chez elle une légère disposition à s'améliorer, mais le fond du caractère a subi peu de changement.
Remarque. Parmi les assistants se trouvait une dame qui a longtemps habité l'Inde et l'a personnellement connue. Elle dit que toutes ses réponses sont parfaitement conformes à son caractère, et qu'il est impossible de n'y pas reconnaître une preuve d'identité.
5° Trois dictées spontanées sont obtenues, la première par Mlle Huet sur l'Envie, signée saint Louis ; la deuxième par M. Didier sur le péché originel, signée Ronsard ; la troisième par Mlle Stéphanie, signée Gustave Lenormand.
Pendant ces dernières communications, Mlle L. J…, médium dessinateur, obtient deux groupes signés Jules Romain.
À la suite de quelques belles pensées écrites par un Esprit qui ne signe pas, un autre Esprit qui s'est déjà manifesté à Mlle L. J…, vient se mettre à la traverse en lui faisant casser des crayons, et faire des traits qui dénotent un sentiment de colère. En même temps il se communique à M. Jules Rob…, et répond laconiquement et avec hauteur aux questions qu'on lui adresse.
C'est l'Esprit d'un souverain étranger connu par la violence de son caractère. Invité à signer son nom, il le fait de deux manières. Un des assistants attaché au gouvernement de son pays, et que ses fonctions mettaient à même de voir souvent sa signature, reconnaît dans l'une celle des pièces officielles, et dans l'autre celle des lettres privées.
La séance générale étant levée, MM. les membres de la Société sont invités à rester quelques instants pour une communication.
M. Sanson, dans une allocution chaleureusement exprimée, expose la reconnaissance qu'il doit à l'Esprit de saint Louis pour son intervention dans la guérison instantanée d'un mal de jambe qui avait résisté à tous les traitements et devait entraîner l'amputation. C'est, dit-il, à la connaissance du Spiritisme qu'il doit sa guérison vraiment miraculeuse, par la confiance qu'il y a puisée en la bonté et en la puissance de Dieu dont auparavant il s'inquiétait assez peu ; et comme c'est à la Société qu'il doit d'avoir été initié aux vérités qu'il enseigne, il la comprend dans ses remerciements. Depuis lors, chaque année, il a offert à l'Esprit de saint Louis, le jour qui lui est consacré, un bouquet en mémoire de la faveur dont il a été l'objet, et c'est cet hommage qu'il renouvelle aujourd'hui, 24 août, veille de la Saint-Louis.
La Société s'associe aux témoignages de gratitude de M. Sanson ; elle remercie saint Louis de la bienveillance dont elle est l'objet de sa part, et le prie de vouloir bien lui continuer sa protection. Saint Louis répond :
« Je suis heureux, trois fois heureux, mes bien-aimés frères, de ce que je vois et entends ce soir ; votre émotion et votre reconnaissance sont encore le meilleur hommage que vous puissiez m'adresser. Que le Dieu de bonté vous conserve dans ces bons et pieux sentiments ! Je continuerai à veiller sur une société unie par le sentiment de la charité et d'une véritable fraternité. »
Le Merveilleux et le Surnaturel
Si la croyance aux Esprits et à
leurs manifestations était une conception isolée, le produit d'un
système, elle pourrait, avec quelque apparence de raison, être suspectée
d'illusion ; mais qu'on nous dise pourquoi on la retrouve si vivace
chez tous les peuples anciens et modernes, dans les livres saints de
toutes les religions connues ? C'est, disent quelques critiques, parce
que de tout temps, l'homme a aimé le merveilleux. - Qu'est-ce donc que
le merveilleux, selon vous ? - Ce qui est surnaturel. - Qu'entendez-vous
par le surnaturel ? - Ce qui est contraire aux lois de la nature. -
Vous connaissez donc tellement bien ces lois qu'il vous est possible
d'assigner une limite à la puissance de Dieu ? Eh bien ! alors prouvez
que l'existence des Esprits et leurs manifestations sont contraires aux
lois de la nature ; que ce n'est pas, et ne peut être une de ces lois.
Suivez la doctrine Spirite, et voyez si cet enchaînement n'a pas tous
les caractères d'une admirable loi. La pensée est un des attributs de
l'Esprit ; la possibilité d'agir sur la matière, de faire impression sur
les sens, et par suite de transmettre sa pensée, résulte, si nous
pouvons nous exprimer ainsi, de sa constitution physiologique ; donc il
n'y a dans ce fait rien de surnaturel, rien de merveilleux.
Pourtant, dira-t-on, vous admettez qu'un Esprit peut enlever une table, et la maintenir dans l'espace sans point d'appui ; n'est-ce pas une dérogation à la loi de gravité ? - Oui, à la loi connue ; mais la nature a-t-elle dit son dernier mot ? Avant qu'on n'eût expérimenté la force ascensionnelle de certains gaz, qui eût dit qu'une lourde machine portant plusieurs hommes peut triompher de la force d'attraction ? Aux yeux du vulgaire cela ne devait-il pas paraître merveilleux, diabolique ? Celui qui eût proposé il y a un siècle de transmettre une dépêche à 500 lieues, et d'en recevoir la réponse en quelques minutes, aurait passé pour un fou ; s'il l'eût fait on aurait cru qu'il avait le diable à ses ordres, car alors le diable seul était capable d'aller si vite. Pourquoi donc un fluide inconnu n'aurait-il pas la propriété, dans des circonstances données, de contrebalancer l'effet de la pesanteur, comme l'hydrogène contrebalance le poids du ballon ? Ceci, remarquons-le en passant, est une comparaison, mais non une assimilation, et uniquement pour montrer, par analogie, que le fait n'est pas physiquement impossible. Or, c'est précisément quand les savants, dans l'observation de ces sortes de phénomènes, ont voulu procéder, par voie d'assimilation, qu'ils se sont fourvoyés. Au reste, le fait est là ; toutes les dénégations ne pourront faire qu'il ne soit pas, car nier n'est pas prouver ; pour, nous, il n'a rien de surnaturel, c'est tout ce que nous en pouvons dire pour le moment.
Si le fait est constaté, dira-t-on, nous l'acceptons ; nous acceptons même la cause que vous venez d'assigner, celle d'un fluide inconnu ; mais qui prouve l'intervention des Esprits ? là est le merveilleux, le surnaturel.
Il faudrait ici toute une démonstration qui ne serait pas à sa place, et ferait d'ailleurs double emploi, car elle ressort de toutes les autres parties de l'enseignement. Toutefois, pour la résumer en quelques mots, nous dirons qu'elle est fondée, en théorie, sur ce principe : tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente ; en pratique, sur cette observation que les phénomènes dits Spirites ayant donné des preuves d'intelligence, devaient avoir leur cause en dehors de la matière ; que cette intelligence n'étant pas celle des assistants, - ceci est un résultat d'expérience, - devait être en dehors d'eux ; puisqu'on ne voyait pas l'être agissant, c'était donc un être invisible. C'est alors que d'observations en observations on est arrivé à reconnaître que cet être invisible, auquel on a donné le nom d'Esprit, n'est autre que l'âme de ceux qui ont vécu corporellement, et que la mort a dépouillés de leur grossière enveloppe visible, ne leur laissant qu'une enveloppe éthérée, invisible dans son état normal. Voilà donc le merveilleux et le surnaturel réduits à leur plus simple expression. L'existence d'êtres invisibles une fois constatée, leur action sur la matière résulte de la nature de leur enveloppe fluidique ; cette action est intelligente, parce qu'en mourant ils n'ont perdu que leur corps, mais ont conservé l'intelligence qui est leur essence ; là est la clef de tous ces phénomènes réputés à tort surnaturels. L'existence des Esprits n'est donc point un système préconçu, une hypothèse imaginée pour expliquer les faits ; c'est un résultat d'observations, et la conséquence naturelle de l'existence de l'âme ; nier cette cause, c'est nier l'âme et ses attributs. Que ceux qui penseraient pouvoir donner de ces effets intelligents une solution plus rationnelle, pouvant surtout rendre raison de tous les faits, veuillent bien le faire, et alors on pourra discuter le mérite de chacune.
Aux yeux de ceux qui regardent la matière comme la seule puissance de la nature, tout ce qui ne peut être expliqué par les lois de la matière est merveilleux ou surnaturel ; or, pour eux, merveilleux est synonyme de superstition. A ce titre la religion, fondée sur l'existence d'un principe immatériel, serait un tissu de superstitions ; ils n'osent le dire tout haut, mais ils le disent tout bas, et ils croient sauver les apparences en concédant qu'il faut une religion pour le peuple et pour faire que les enfants soient sages ; de deux choses l'une, ou le principe religieux est vrai ou il est faux ; s'il est
vrai, il l'est pour tout le monde ; s'il est faux, il n'est pas plus bon pour les ignorants que pour les gens éclairés.
Ceux qui attaquent le Spiritisme au nom du merveilleux, s'appuient donc généralement sur le principe matérialiste, puisqu'en déniant tout effet extra-matériel, ils dénient, par cela même, l'existence de l'âme ; sondez le fond de leur pensée, scrutez bien le sens de leurs paroles, et vous verrez presque toujours ce principe, s'il n'est catégoriquement formulé, poindre sous les dehors d'une prétendue philosophie rationnelle. Si vous abordez carrément la question en leur demandant s'ils croient avoir une âme, ils n'oseront peut-être dire non, mais ils répondront qu'ils n'en savent rien, ou qu'il n'en sont pas sûrs. En rejetant sur le compte du merveilleux tout ce qui découle de l'existence de l'âme, ils sont donc conséquents avec eux-mêmes ; n'admettant pas la cause, ils ne peuvent admettre les effets ; de là, chez eux, une opinion préconçue qui les rend impropres à juger sainement du Spiritisme, parce qu'ils partent du principe de la négation de tout ce qui n'est pas matériel. Quant à nous, de ce que nous admettons les effets qui sont la conséquence de l'existence de l'âme, s'en suit-il que nous acceptons tous les faits qualifiés de merveilleux ; que nous sommes les champions de tous les rêveurs, les adeptes de toutes les utopies, de toutes les excentricités systématiques ? Il faudrait bien peu connaître le Spiritisme pour le penser ; mais nos adversaires n'y regardent pas de si près ; la nécessité de connaître ce dont ils parlent est le moindre de leurs soucis. Selon eux le merveilleux est absurde ; or le Spiritisme s'appuie sur des faits merveilleux, donc le Spiritisme est absurde ; c'est pour eux un jugement sans appel. Ils croient opposer un argument sans réplique quand, après avoir fait d'érudites recherches sur les convulsionnaires de Saint Médard, les Camisards des Cévennes ou les religieuses de Loudun, ils sont arrivés à y découvrir des faits patents de supercherie que personne ne conteste ; mais ces histoires sont-elles l'évangile du Spiritisme ? Ses partisans ont-ils nié que le charlatanisme ait exploité certains faits à son profit, que l'imagination en ait créé, que le fanatisme en ait exagéré beaucoup ? Il n'est pas plus solidaire des extravagances qu'on peut commettre en son nom, que la vraie science ne l'est des abus de l'ignorance, ni la vraie religion des excès du fanatisme. Beaucoup de critiques ne jugent le Spiritisme que sur les contes de fées et les légendes populaires qui en sont les fictions ; autant vaudrait juger l'histoire sur les romans historiques ou les tragédies.
En logique élémentaire, pour discuter une chose il faut la connaître, car l'opinion d'un critique n'a de valeur qu'autant qu'il parle en parfaite connaissance de cause ; alors seulement son opinion, fût-elle erronée, peut être prise considération ; mais de quel de poids est-elle sur une matière qu'il ne connaît pas ? Le vrai critique doit faire preuve, non seulement d'érudition, mais d'un savoir profond à l'endroit de l'objet qu'il traite, d'un jugement sain, et d'une impartialité à toute épreuve, autrement le premier ménétrier venu pourrait s'arroger le doit de juger Rossini, et un rapin celui de censurer Raphaël.
Le Spiritisme n'accepte donc point tous les faits réputés merveilleux ou surnaturels ; loin de là, il démontre l'impossibilité d'un grand nombre et le ridicule de certaines croyances qui, pour lui constituent à proprement parler la superstition. Il est vrai que dans ce qu'il admet il y a des choses qui, pour les incrédules, sont du merveilleux tout pur, autrement dit de la superstition ; soit ; mais au moins ne discutez que ces points, car sur les autres il n'a rien à dire, et vous prêchez des convertis. Mais où s'arrête la croyance du Spiritisme, dira-t-on ? Lisez, observez, et vous le saurez. Toute science ne s'acquiert qu'avec le temps et l'étude ; or, le Spiritisme qui touche aux questions les plus graves de la philosophie, à toutes les branches de l'ordre social ; qui embrasse à la fois l'homme physique et l'homme moral, est lui-même toute une science, toute une philosophie qui ne peut pas plus être apprise en quelques heures que tout autre science, car il y aurait autant de puérilité à voir tout le Spiritisme dans une table tournante, qu'à voir toute la physique dans certains jouets d'enfants. Pour quiconque ne veut pas s'arrêter à la surface, ce ne sont pas des heures, mais des mois et des années qu'il faut pour en sonder tous les arcanes. Qu'on juge, par là, du degré de savoir et de la valeur de l'opinion de ceux qui s'arrogent le droit de juger, parce qu'ils ont vu une ou deux expériences, le plus souvent en manière de distraction et de passe-temps ! Ils diront sans doute qu'ils n'ont pas le loisir de donner tout le temps nécessaire à cette étude ; soit ; rien ne les y contraint ; mais alors quand on n'a pas le temps d'apprendre une chose, on ne se mêle pas d'en parler, et encore moins de la juger, si l'on ne veut être accusé de légèreté ; or, plus on occupe une position élevée dans la science, moins on est excusable de traiter légèrement un sujet que l'on ne connaît pas. Nous nous résumons dans les propositions suivantes :
1° Tous les phénomènes Spirites ont pour principe l'existence de l'âme, sa survivance au corps et ses manifestations ;
2° Ces phénomènes étant fondés sur une loi de la nature, n'ont rien de merveilleux ni de surnaturel dans le sens vulgaire de ces mots ;
3° Beaucoup de faits ne sont réputés surnaturels que parce qu'on n'en connaît pas la cause ; le Spiritisme, en leur assignant une cause, les fait rentrer dans le domaine des phénomènes naturels ;
4° Parmi les faits qualifiés de surnaturels, il en est beaucoup dont le Spiritisme démontre l'impossibilité, et qu'il range parmi les croyances superstitieuses ;
5° Bien que le Spiritisme reconnaisse dans beaucoup de croyances populaires un fond de vérité, il n'accepte nullement la solidarité de toutes les histoires fantastiques créées par l'imagination ;
6° Juger le Spiritisme sur les faits qu'il n'admet pas, c'est faire preuve d'ignorance, et ôter toute valeur à son opinion ;
7° L'explication des faits admis par le Spiritisme, leurs causes et leurs conséquences morales, constituent une véritable science qui requiert une étude sérieuse, persévérante et approfondie ;
8° Le Spiritisme ne peut regarder comme critique sérieux que celui qui aurait tout vu, tout étudié, avec la patience et la persévérance d'un observateur consciencieux ; qui en saurait autant sur ce sujet que l'adepte plus éclairé ; qui aurait, par conséquent, puisé ses connaissances ailleurs que dans les romans de la science ; à qui on ne pourrait opposer aucun fait dont il n'eût connaissance, aucun argument qu'il n'eût médité ; qui réfuterait, non par des négations, mais par d'autres arguments plus péremptoires ; qui pourrait enfin assigner une cause plus logique aux faits avérés. Ce critique est encore à trouver.
Il va sans dire que les contempteurs du merveilleux rejettent à plus forte raison les miracles au rang des chimères de l'imagination. Quelques mots à ce sujet, quoique puisés dans un précédent article, trouvent ici leur place naturelle, et il ne sera pas inutile de les rappeler.
Dans son acception primitive, et par son étymologie, le mot miracle signifie chose extraordinaire, chose admirable à voir ; mais ce mot, comme tant d'autres, s'est écarté du sens originaire, et aujourd'hui il se dit (selon l'Académie) d'un acte de la puissance divine, contraire aux lois communes de la nature. Telle est, en effet, son acception usuelle, et ce n'est plus que par comparaison et par métaphore qu'on l'applique aux choses vulgaires qui nous surprennent et dont la cause est inconnue. Il n'entre nullement dans nos vues d'examiner si Dieu a pu juger utile, en certaines circonstances, de déroger aux lois établies par lui-même ; notre but est uniquement de démontrer que les phénomènes Spirites, quelque extraordinaires qu'ils soient, ne dérogeant nullement à ces lois, n'ont aucun caractère miraculeux, pas plus qu'ils ne sont merveilleux ou surnaturels. Le miracle ne s'explique pas ; les phénomènes Spirites, au contraire, s'expliquent de la manière la plus rationnelle ; ce ne sont donc pas des miracles, mais de simples effets qui ont leur raison d'être dans les lois générales. Le miracle a encore un autre caractère : c'est d'être insolite et isolé. Or, du moment qu'un fait se reproduit, pour ainsi dire, à volonté, et par diverses personnes, ce ne peut être un miracle.
La science fait tous les jours des miracles aux yeux des ignorants : voilà pourquoi jadis ceux qui en savaient plus que le vulgaire passaient pour sorciers ; et, comme on croyait que toute science surhumaine venait du diable, on les brûlait. Aujourd'hui qu'on est beaucoup plus civilisé, on se contente de les envoyer aux Petites-Maisons.
Qu'un homme réellement mort, soit rappelé à la vie par une intervention divine, c'est là un véritable miracle, parce que c'est contraire aux lois de la nature. Mais si cet homme n'a que les apparences de la mort, s'il y a encore en lui un reste de vitalité latente, et que la science, ou une action magnétique parvienne à le ranimer, pour les gens éclairés c'est un phénomène naturel ; mais aux yeux du vulgaire ignorant, le fait passera pour miraculeux. Qu'au milieu de certaines campagnes un physicien lance un cerf-volant électrique et fasse tomber la foudre sur un arbre, ce nouveau Prométhée sera certainement regardé comme armé d'une puissance diabolique ; mais Josué arrêtant le mouvement du soleil, ou plutôt de la terre, voilà le véritable miracle, car nous ne connaissons aucun magnétiseur doué d'une assez grande puissance pour opérer un tel prodige. De tous les phénomènes Spirites, un des plus extraordinaires est sans contredit celui de l'écriture directe, et l'un de ceux qui démontrent de la manière la plus patente l'action des intelligences occultes ; mais de ce que le phénomène est produit par des êtres occultes, il n'est pas plus miraculeux que tous les autres phénomènes qui sont dus à des agents invisibles, parce que ces êtres occultes qui peuplent les espaces sont une des puissances de la nature, puissance dont l'action est incessante sur le monde matériel, aussi bien que sur le monde moral.
Le Spiritisme, en nous éclairant sur cette puissance, nous donne la clef d'une foule de choses inexpliquées et inexplicables par tout autre moyen, et qui ont pu, dans des temps reculés, passer pour des prodiges ; il révèle, de même que le magnétisme, une loi, sinon inconnue, du moins mal comprise, ou, pour mieux dire, on connaissait les effets, car ils se sont produits de tous temps, mais on ne connaissait pas la loi, et c'est l'ignorance de cette loi qui a engendré la superstition. Cette loi connue, le merveilleux disparaît et les phénomènes rentrent dans l'ordre des choses naturelles. Voilà pourquoi les Spirites ne font pas plus de miracles en faisant tourner une table ou écrire les trépassés, que le médecin en faisant revivre un moribond, ou le physicien en faisant tomber la foudre. Celui qui prétendrait, à l'aide de cette science, faire des miracles, serait, ou un ignorant de la chose, ou un faiseur de dupes.
Les phénomènes Spirites, de même que les phénomènes magnétiques, avant qu'on n'en connût la cause, ont dû passer pour des prodiges ; or, comme les sceptiques, les esprits forts, c'est-à-dire ceux qui ont le privilège exclusif de la raison et du bon sens, ne croient pas qu'une chose soit possible du moment qu'ils ne la comprennent pas, voilà pourquoi tous les faits réputés prodigieux sont l'objet de leurs railleries ; et comme la religion contient un grand nombre de faits de ce genre, ils ne croient pas à la religion, et de là à l'incrédulité absolue il n'y a qu'un pas. Le Spiritisme, en expliquant la plupart de ces faits, leur donne une raison d'être. Il vient donc en aide à la religion en démontrant la possibilité de certains faits qui, pour n'avoir plus le caractère miraculeux, n'en sont pas moins extraordinaires, et Dieu n'en est ni moins grand, ni moins puissant pour n'avoir pas dérogé à ses lois. De quels quolibets les enlèvements de saint Cupertin n'ont-ils pas été l'objet ? Or, la suspension éthéréenne des corps graves est un fait expliqué par le Spiritisme ; nous en avons été personnellement témoin oculaire, et M. Home, ainsi que d'autres personnes de notre connaissance, ont renouvelé à plusieurs reprises le phénomène produit par saint Cupertin. Donc, ce phénomène rentre dans l'ordre des choses naturelles.
Au nombre des faits de ce genre, il faut placer en première ligne les apparitions, parce que ce sont les plus fréquents. Celle de la Salette, qui divise même le clergé, n'a pour nous rien d'insolite. Assurément, nous ne pouvons affirmer que le fait a eu lieu, parce que nous n'en avons pas la preuve matérielle ; mais, pour nous, il est possible, attendu que des milliers de faits analogues récents nous sont connus ; nous y croyons, non seulement parce que leur réalité est avérée pour nous, mais surtout parce que nous nous rendons parfaitement compte de la manière dont ils se produisent. Qu'on veuille bien se reporter à la théorie que nous avons donnée des apparitions, et l'on verra que ce phénomène devient aussi simple et aussi plausible qu'une foule de phénomènes physiques qui ne sont prodigieux que faute d'en avoir la clef. Quant au personnage qui s'est présenté à la Salette, c'est une autre question ; son identité ne nous est nullement démontrée ; nous constatons seulement qu'une apparition peut avoir eu lieu, le reste n'est pas de notre compétence ; chacun peut à cet égard garder ses convictions, le Spiritisme n'a pas à s'en occuper ; nous disons seulement que les faits produits par le Spiritisme nous révèlent des lois nouvelles, et nous donnent la clef d'une foule de choses qui paraissaient surnaturelles ; si quelques-uns de ceux qui passaient pour miraculeux y trouvent une explication logique, c'est un motif pour ne pas se hâter de nier ce que l'on ne comprend pas.
Les faits du Spiritisme sont contestés par certaines personnes, précisément parce qu'ils paraissent sortir de la loi commune et qu'on ne s'en rend pas compte. Donnez-leur une base rationnelle, et le doute cesse. L'explication, dans ce siècle où l'on ne se paye pas de mots, est donc un puissant motif de conviction ; aussi voyons-nous tous les jours des personnes qui n'ont été témoins d'aucun fait, qui n'ont vu ni une table tourner, ni un médium écrire, et qui sont aussi convaincues que nous, uniquement parce qu'elles ont lu et compris. Si l'on ne devait croire qu'à ce que l'on a vu de ses yeux, nos convictions se réduiraient à bien peu de chose.
Pourtant, dira-t-on, vous admettez qu'un Esprit peut enlever une table, et la maintenir dans l'espace sans point d'appui ; n'est-ce pas une dérogation à la loi de gravité ? - Oui, à la loi connue ; mais la nature a-t-elle dit son dernier mot ? Avant qu'on n'eût expérimenté la force ascensionnelle de certains gaz, qui eût dit qu'une lourde machine portant plusieurs hommes peut triompher de la force d'attraction ? Aux yeux du vulgaire cela ne devait-il pas paraître merveilleux, diabolique ? Celui qui eût proposé il y a un siècle de transmettre une dépêche à 500 lieues, et d'en recevoir la réponse en quelques minutes, aurait passé pour un fou ; s'il l'eût fait on aurait cru qu'il avait le diable à ses ordres, car alors le diable seul était capable d'aller si vite. Pourquoi donc un fluide inconnu n'aurait-il pas la propriété, dans des circonstances données, de contrebalancer l'effet de la pesanteur, comme l'hydrogène contrebalance le poids du ballon ? Ceci, remarquons-le en passant, est une comparaison, mais non une assimilation, et uniquement pour montrer, par analogie, que le fait n'est pas physiquement impossible. Or, c'est précisément quand les savants, dans l'observation de ces sortes de phénomènes, ont voulu procéder, par voie d'assimilation, qu'ils se sont fourvoyés. Au reste, le fait est là ; toutes les dénégations ne pourront faire qu'il ne soit pas, car nier n'est pas prouver ; pour, nous, il n'a rien de surnaturel, c'est tout ce que nous en pouvons dire pour le moment.
Si le fait est constaté, dira-t-on, nous l'acceptons ; nous acceptons même la cause que vous venez d'assigner, celle d'un fluide inconnu ; mais qui prouve l'intervention des Esprits ? là est le merveilleux, le surnaturel.
Il faudrait ici toute une démonstration qui ne serait pas à sa place, et ferait d'ailleurs double emploi, car elle ressort de toutes les autres parties de l'enseignement. Toutefois, pour la résumer en quelques mots, nous dirons qu'elle est fondée, en théorie, sur ce principe : tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente ; en pratique, sur cette observation que les phénomènes dits Spirites ayant donné des preuves d'intelligence, devaient avoir leur cause en dehors de la matière ; que cette intelligence n'étant pas celle des assistants, - ceci est un résultat d'expérience, - devait être en dehors d'eux ; puisqu'on ne voyait pas l'être agissant, c'était donc un être invisible. C'est alors que d'observations en observations on est arrivé à reconnaître que cet être invisible, auquel on a donné le nom d'Esprit, n'est autre que l'âme de ceux qui ont vécu corporellement, et que la mort a dépouillés de leur grossière enveloppe visible, ne leur laissant qu'une enveloppe éthérée, invisible dans son état normal. Voilà donc le merveilleux et le surnaturel réduits à leur plus simple expression. L'existence d'êtres invisibles une fois constatée, leur action sur la matière résulte de la nature de leur enveloppe fluidique ; cette action est intelligente, parce qu'en mourant ils n'ont perdu que leur corps, mais ont conservé l'intelligence qui est leur essence ; là est la clef de tous ces phénomènes réputés à tort surnaturels. L'existence des Esprits n'est donc point un système préconçu, une hypothèse imaginée pour expliquer les faits ; c'est un résultat d'observations, et la conséquence naturelle de l'existence de l'âme ; nier cette cause, c'est nier l'âme et ses attributs. Que ceux qui penseraient pouvoir donner de ces effets intelligents une solution plus rationnelle, pouvant surtout rendre raison de tous les faits, veuillent bien le faire, et alors on pourra discuter le mérite de chacune.
Aux yeux de ceux qui regardent la matière comme la seule puissance de la nature, tout ce qui ne peut être expliqué par les lois de la matière est merveilleux ou surnaturel ; or, pour eux, merveilleux est synonyme de superstition. A ce titre la religion, fondée sur l'existence d'un principe immatériel, serait un tissu de superstitions ; ils n'osent le dire tout haut, mais ils le disent tout bas, et ils croient sauver les apparences en concédant qu'il faut une religion pour le peuple et pour faire que les enfants soient sages ; de deux choses l'une, ou le principe religieux est vrai ou il est faux ; s'il est
vrai, il l'est pour tout le monde ; s'il est faux, il n'est pas plus bon pour les ignorants que pour les gens éclairés.
Ceux qui attaquent le Spiritisme au nom du merveilleux, s'appuient donc généralement sur le principe matérialiste, puisqu'en déniant tout effet extra-matériel, ils dénient, par cela même, l'existence de l'âme ; sondez le fond de leur pensée, scrutez bien le sens de leurs paroles, et vous verrez presque toujours ce principe, s'il n'est catégoriquement formulé, poindre sous les dehors d'une prétendue philosophie rationnelle. Si vous abordez carrément la question en leur demandant s'ils croient avoir une âme, ils n'oseront peut-être dire non, mais ils répondront qu'ils n'en savent rien, ou qu'il n'en sont pas sûrs. En rejetant sur le compte du merveilleux tout ce qui découle de l'existence de l'âme, ils sont donc conséquents avec eux-mêmes ; n'admettant pas la cause, ils ne peuvent admettre les effets ; de là, chez eux, une opinion préconçue qui les rend impropres à juger sainement du Spiritisme, parce qu'ils partent du principe de la négation de tout ce qui n'est pas matériel. Quant à nous, de ce que nous admettons les effets qui sont la conséquence de l'existence de l'âme, s'en suit-il que nous acceptons tous les faits qualifiés de merveilleux ; que nous sommes les champions de tous les rêveurs, les adeptes de toutes les utopies, de toutes les excentricités systématiques ? Il faudrait bien peu connaître le Spiritisme pour le penser ; mais nos adversaires n'y regardent pas de si près ; la nécessité de connaître ce dont ils parlent est le moindre de leurs soucis. Selon eux le merveilleux est absurde ; or le Spiritisme s'appuie sur des faits merveilleux, donc le Spiritisme est absurde ; c'est pour eux un jugement sans appel. Ils croient opposer un argument sans réplique quand, après avoir fait d'érudites recherches sur les convulsionnaires de Saint Médard, les Camisards des Cévennes ou les religieuses de Loudun, ils sont arrivés à y découvrir des faits patents de supercherie que personne ne conteste ; mais ces histoires sont-elles l'évangile du Spiritisme ? Ses partisans ont-ils nié que le charlatanisme ait exploité certains faits à son profit, que l'imagination en ait créé, que le fanatisme en ait exagéré beaucoup ? Il n'est pas plus solidaire des extravagances qu'on peut commettre en son nom, que la vraie science ne l'est des abus de l'ignorance, ni la vraie religion des excès du fanatisme. Beaucoup de critiques ne jugent le Spiritisme que sur les contes de fées et les légendes populaires qui en sont les fictions ; autant vaudrait juger l'histoire sur les romans historiques ou les tragédies.
En logique élémentaire, pour discuter une chose il faut la connaître, car l'opinion d'un critique n'a de valeur qu'autant qu'il parle en parfaite connaissance de cause ; alors seulement son opinion, fût-elle erronée, peut être prise considération ; mais de quel de poids est-elle sur une matière qu'il ne connaît pas ? Le vrai critique doit faire preuve, non seulement d'érudition, mais d'un savoir profond à l'endroit de l'objet qu'il traite, d'un jugement sain, et d'une impartialité à toute épreuve, autrement le premier ménétrier venu pourrait s'arroger le doit de juger Rossini, et un rapin celui de censurer Raphaël.
Le Spiritisme n'accepte donc point tous les faits réputés merveilleux ou surnaturels ; loin de là, il démontre l'impossibilité d'un grand nombre et le ridicule de certaines croyances qui, pour lui constituent à proprement parler la superstition. Il est vrai que dans ce qu'il admet il y a des choses qui, pour les incrédules, sont du merveilleux tout pur, autrement dit de la superstition ; soit ; mais au moins ne discutez que ces points, car sur les autres il n'a rien à dire, et vous prêchez des convertis. Mais où s'arrête la croyance du Spiritisme, dira-t-on ? Lisez, observez, et vous le saurez. Toute science ne s'acquiert qu'avec le temps et l'étude ; or, le Spiritisme qui touche aux questions les plus graves de la philosophie, à toutes les branches de l'ordre social ; qui embrasse à la fois l'homme physique et l'homme moral, est lui-même toute une science, toute une philosophie qui ne peut pas plus être apprise en quelques heures que tout autre science, car il y aurait autant de puérilité à voir tout le Spiritisme dans une table tournante, qu'à voir toute la physique dans certains jouets d'enfants. Pour quiconque ne veut pas s'arrêter à la surface, ce ne sont pas des heures, mais des mois et des années qu'il faut pour en sonder tous les arcanes. Qu'on juge, par là, du degré de savoir et de la valeur de l'opinion de ceux qui s'arrogent le droit de juger, parce qu'ils ont vu une ou deux expériences, le plus souvent en manière de distraction et de passe-temps ! Ils diront sans doute qu'ils n'ont pas le loisir de donner tout le temps nécessaire à cette étude ; soit ; rien ne les y contraint ; mais alors quand on n'a pas le temps d'apprendre une chose, on ne se mêle pas d'en parler, et encore moins de la juger, si l'on ne veut être accusé de légèreté ; or, plus on occupe une position élevée dans la science, moins on est excusable de traiter légèrement un sujet que l'on ne connaît pas. Nous nous résumons dans les propositions suivantes :
1° Tous les phénomènes Spirites ont pour principe l'existence de l'âme, sa survivance au corps et ses manifestations ;
2° Ces phénomènes étant fondés sur une loi de la nature, n'ont rien de merveilleux ni de surnaturel dans le sens vulgaire de ces mots ;
3° Beaucoup de faits ne sont réputés surnaturels que parce qu'on n'en connaît pas la cause ; le Spiritisme, en leur assignant une cause, les fait rentrer dans le domaine des phénomènes naturels ;
4° Parmi les faits qualifiés de surnaturels, il en est beaucoup dont le Spiritisme démontre l'impossibilité, et qu'il range parmi les croyances superstitieuses ;
5° Bien que le Spiritisme reconnaisse dans beaucoup de croyances populaires un fond de vérité, il n'accepte nullement la solidarité de toutes les histoires fantastiques créées par l'imagination ;
6° Juger le Spiritisme sur les faits qu'il n'admet pas, c'est faire preuve d'ignorance, et ôter toute valeur à son opinion ;
7° L'explication des faits admis par le Spiritisme, leurs causes et leurs conséquences morales, constituent une véritable science qui requiert une étude sérieuse, persévérante et approfondie ;
8° Le Spiritisme ne peut regarder comme critique sérieux que celui qui aurait tout vu, tout étudié, avec la patience et la persévérance d'un observateur consciencieux ; qui en saurait autant sur ce sujet que l'adepte plus éclairé ; qui aurait, par conséquent, puisé ses connaissances ailleurs que dans les romans de la science ; à qui on ne pourrait opposer aucun fait dont il n'eût connaissance, aucun argument qu'il n'eût médité ; qui réfuterait, non par des négations, mais par d'autres arguments plus péremptoires ; qui pourrait enfin assigner une cause plus logique aux faits avérés. Ce critique est encore à trouver.
Il va sans dire que les contempteurs du merveilleux rejettent à plus forte raison les miracles au rang des chimères de l'imagination. Quelques mots à ce sujet, quoique puisés dans un précédent article, trouvent ici leur place naturelle, et il ne sera pas inutile de les rappeler.
Dans son acception primitive, et par son étymologie, le mot miracle signifie chose extraordinaire, chose admirable à voir ; mais ce mot, comme tant d'autres, s'est écarté du sens originaire, et aujourd'hui il se dit (selon l'Académie) d'un acte de la puissance divine, contraire aux lois communes de la nature. Telle est, en effet, son acception usuelle, et ce n'est plus que par comparaison et par métaphore qu'on l'applique aux choses vulgaires qui nous surprennent et dont la cause est inconnue. Il n'entre nullement dans nos vues d'examiner si Dieu a pu juger utile, en certaines circonstances, de déroger aux lois établies par lui-même ; notre but est uniquement de démontrer que les phénomènes Spirites, quelque extraordinaires qu'ils soient, ne dérogeant nullement à ces lois, n'ont aucun caractère miraculeux, pas plus qu'ils ne sont merveilleux ou surnaturels. Le miracle ne s'explique pas ; les phénomènes Spirites, au contraire, s'expliquent de la manière la plus rationnelle ; ce ne sont donc pas des miracles, mais de simples effets qui ont leur raison d'être dans les lois générales. Le miracle a encore un autre caractère : c'est d'être insolite et isolé. Or, du moment qu'un fait se reproduit, pour ainsi dire, à volonté, et par diverses personnes, ce ne peut être un miracle.
La science fait tous les jours des miracles aux yeux des ignorants : voilà pourquoi jadis ceux qui en savaient plus que le vulgaire passaient pour sorciers ; et, comme on croyait que toute science surhumaine venait du diable, on les brûlait. Aujourd'hui qu'on est beaucoup plus civilisé, on se contente de les envoyer aux Petites-Maisons.
Qu'un homme réellement mort, soit rappelé à la vie par une intervention divine, c'est là un véritable miracle, parce que c'est contraire aux lois de la nature. Mais si cet homme n'a que les apparences de la mort, s'il y a encore en lui un reste de vitalité latente, et que la science, ou une action magnétique parvienne à le ranimer, pour les gens éclairés c'est un phénomène naturel ; mais aux yeux du vulgaire ignorant, le fait passera pour miraculeux. Qu'au milieu de certaines campagnes un physicien lance un cerf-volant électrique et fasse tomber la foudre sur un arbre, ce nouveau Prométhée sera certainement regardé comme armé d'une puissance diabolique ; mais Josué arrêtant le mouvement du soleil, ou plutôt de la terre, voilà le véritable miracle, car nous ne connaissons aucun magnétiseur doué d'une assez grande puissance pour opérer un tel prodige. De tous les phénomènes Spirites, un des plus extraordinaires est sans contredit celui de l'écriture directe, et l'un de ceux qui démontrent de la manière la plus patente l'action des intelligences occultes ; mais de ce que le phénomène est produit par des êtres occultes, il n'est pas plus miraculeux que tous les autres phénomènes qui sont dus à des agents invisibles, parce que ces êtres occultes qui peuplent les espaces sont une des puissances de la nature, puissance dont l'action est incessante sur le monde matériel, aussi bien que sur le monde moral.
Le Spiritisme, en nous éclairant sur cette puissance, nous donne la clef d'une foule de choses inexpliquées et inexplicables par tout autre moyen, et qui ont pu, dans des temps reculés, passer pour des prodiges ; il révèle, de même que le magnétisme, une loi, sinon inconnue, du moins mal comprise, ou, pour mieux dire, on connaissait les effets, car ils se sont produits de tous temps, mais on ne connaissait pas la loi, et c'est l'ignorance de cette loi qui a engendré la superstition. Cette loi connue, le merveilleux disparaît et les phénomènes rentrent dans l'ordre des choses naturelles. Voilà pourquoi les Spirites ne font pas plus de miracles en faisant tourner une table ou écrire les trépassés, que le médecin en faisant revivre un moribond, ou le physicien en faisant tomber la foudre. Celui qui prétendrait, à l'aide de cette science, faire des miracles, serait, ou un ignorant de la chose, ou un faiseur de dupes.
Les phénomènes Spirites, de même que les phénomènes magnétiques, avant qu'on n'en connût la cause, ont dû passer pour des prodiges ; or, comme les sceptiques, les esprits forts, c'est-à-dire ceux qui ont le privilège exclusif de la raison et du bon sens, ne croient pas qu'une chose soit possible du moment qu'ils ne la comprennent pas, voilà pourquoi tous les faits réputés prodigieux sont l'objet de leurs railleries ; et comme la religion contient un grand nombre de faits de ce genre, ils ne croient pas à la religion, et de là à l'incrédulité absolue il n'y a qu'un pas. Le Spiritisme, en expliquant la plupart de ces faits, leur donne une raison d'être. Il vient donc en aide à la religion en démontrant la possibilité de certains faits qui, pour n'avoir plus le caractère miraculeux, n'en sont pas moins extraordinaires, et Dieu n'en est ni moins grand, ni moins puissant pour n'avoir pas dérogé à ses lois. De quels quolibets les enlèvements de saint Cupertin n'ont-ils pas été l'objet ? Or, la suspension éthéréenne des corps graves est un fait expliqué par le Spiritisme ; nous en avons été personnellement témoin oculaire, et M. Home, ainsi que d'autres personnes de notre connaissance, ont renouvelé à plusieurs reprises le phénomène produit par saint Cupertin. Donc, ce phénomène rentre dans l'ordre des choses naturelles.
Au nombre des faits de ce genre, il faut placer en première ligne les apparitions, parce que ce sont les plus fréquents. Celle de la Salette, qui divise même le clergé, n'a pour nous rien d'insolite. Assurément, nous ne pouvons affirmer que le fait a eu lieu, parce que nous n'en avons pas la preuve matérielle ; mais, pour nous, il est possible, attendu que des milliers de faits analogues récents nous sont connus ; nous y croyons, non seulement parce que leur réalité est avérée pour nous, mais surtout parce que nous nous rendons parfaitement compte de la manière dont ils se produisent. Qu'on veuille bien se reporter à la théorie que nous avons donnée des apparitions, et l'on verra que ce phénomène devient aussi simple et aussi plausible qu'une foule de phénomènes physiques qui ne sont prodigieux que faute d'en avoir la clef. Quant au personnage qui s'est présenté à la Salette, c'est une autre question ; son identité ne nous est nullement démontrée ; nous constatons seulement qu'une apparition peut avoir eu lieu, le reste n'est pas de notre compétence ; chacun peut à cet égard garder ses convictions, le Spiritisme n'a pas à s'en occuper ; nous disons seulement que les faits produits par le Spiritisme nous révèlent des lois nouvelles, et nous donnent la clef d'une foule de choses qui paraissaient surnaturelles ; si quelques-uns de ceux qui passaient pour miraculeux y trouvent une explication logique, c'est un motif pour ne pas se hâter de nier ce que l'on ne comprend pas.
Les faits du Spiritisme sont contestés par certaines personnes, précisément parce qu'ils paraissent sortir de la loi commune et qu'on ne s'en rend pas compte. Donnez-leur une base rationnelle, et le doute cesse. L'explication, dans ce siècle où l'on ne se paye pas de mots, est donc un puissant motif de conviction ; aussi voyons-nous tous les jours des personnes qui n'ont été témoins d'aucun fait, qui n'ont vu ni une table tourner, ni un médium écrire, et qui sont aussi convaincues que nous, uniquement parce qu'elles ont lu et compris. Si l'on ne devait croire qu'à ce que l'on a vu de ses yeux, nos convictions se réduiraient à bien peu de chose.
Histoire du Merveilleux et du Surnaturel Par Louis Figuier
Premier article
Il est un peu du mot merveilleux comme du mot âme ; il a un sens élastique qui peut donner lieu à des interprétations diverses ; c'est pourquoi nous avons cru utile de poser quelques principes généraux dans l'article précédent avant d'aborder l'examen de l'histoire qu'en donne M. Figuier. Lorsque cet ouvrage a paru, les adversaires du Spiritisme ont battu des mains en disant que, sans doute, nous allions avoir à faire à forte partie ; dans leur charitable pensée ils nous voyaient déjà morts sans retour ; tristes effets de l'aveuglément passionné et irréfléchi ; car, s'ils se donnaient la peine d'observer ce qu'ils veulent démolir, ils verraient que le Spiritisme sera un jour, et cela plus tôt qu'ils ne le croient, la sauvegarde de la société, et peut-être eux-mêmes lui devront-ils leur salut, nous ne disons pas dans l'autre monde dont ils se soucient assez peu, mais dans celui-ci ! Ce n'est point légèrement que nous disons ces paroles ; le temps n'est pas venu encore de les développer ; mais déjà beaucoup nous comprennent.
Pour en revenir à M. Figuier, nous-même avions pensé trouver en lui un adversaire vraiment sérieux, apportant enfin des arguments péremptoires qui valussent la peine d'une réfutation sérieuse. Son ouvrage comprend quatre volumes ; les deux premiers contiennent d'abord un exposé des principes dans une préface et une introduction, puis une relation de faits parfaitement connus, mais qu'on lira néanmoins avec intérêt, à cause des recherches érudites auxquelles ils ont donné lieu de la part de l'auteur ; c'est, nous le croyons, le récit le plus complet qui en ait été publié. Ainsi le premier volume est presque entièrement consacré à l'histoire d'Urbain Grandier et des religieuses de Loudun ; viennent ensuite les convultionnaires de saint Médar, l'histoire des prophètes protestants, la baguette divinatoire, le magnétisme animal. Le quatrième volume, qui vient de paraître, traite spécialement des tables tournantes et des Esprits frappeurs. Nous reviendrons plus tard sur ce dernier volume, nous bornant, pour aujourd'hui, à une appréciation sommaire de l'ensemble.
La partie critique des histoires que renferment les deux premiers volumes consiste à prouver, par des témoignages authentiques, que l'intrigue, les passions humaines, le charlatanisme, y ont joué un grand rôle ; que certains faits portent un cachet évident de jonglerie ; mais c'est ce que personne ne conteste ; personne ne s'est jamais porté garant de l'intégrité de tous ces faits ; les Spirites, moins que tout autres, et ils doivent même savoir gré à M. Figuier d'avoir rassemblé des preuves qui éviteront de nombreuses compilations ; ils ont intérêt à ce que la fraude soit démasquée, et tous ceux qui la découvriront dans des faits faussement qualifiés de phénomènes Spirites, leur rendront service ; or, pour rendre de pareils services, il n'est rien de tel que les ennemis ; on voit donc que les ennemis mêmes sont bons à quelque chose. Seulement, chez eux le désir de la critique les entraîne quelquefois trop loin, et dans leur ardeur à découvrir le mal, ils le voient souvent où il n'est pas, faute d'avoir examiné la chose avec assez d'attention, ou d'impartialité, ce qui est encore plus rare. Le vrai critique doit se défendre d'idées préconçues, se dépouiller de tout préjugé, autrement il juge à son point de vue qui peut-être n'est pas toujours juste. Prenons un exemple ; supposons l'histoire politique d'événements contemporains écrite avec la plus grande impartialité, c'est-à-dire avec une entière vérité, et supposons cette histoire commentée par deux critiques d'opinions contraires ; par cela même que tous les faits sont exacts, ils froisseront forcément l'opinion de l'un des deux ; de là deux jugements contradictoires : l'un qui portera l'ouvrage aux nues, l'autre qui le dira bon à jeter au feu ; et pourtant l'ouvrage ne contiendra que la vérité. S'il en est ainsi pour des faits patents comme ceux de l'histoire, à plus forte raison quand il s'agit de l'appréciation des doctrines philosophiques ; or, le Spiritisme est une doctrine philosophique, et ceux qui ne le voient que dans le fait des tables tournantes, ou qui le jugent sur des contes absurdes, sur l'abus qu'on en peut faire, qui le confondent avec les moyens de divination, prouvent qu'ils ne le connaissent pas. M. Figuier est-il dans les conditions voulues pour le juger avec impartialité ? C'est ce qu'il s'agit d'examiner.
M. Figuier débute ainsi dans sa préface :
« En 1854, quand les tables tournantes et parlantes, importées d'Amérique, firent leur apparition en France, elles y produisirent une impression que personne n'a oubliée. Beaucoup d'esprits sages et réfléchis furent effrayés de ce débordement imprévu de la passion du merveilleux. Ils ne pouvaient comprendre un tel égarement en plein xix° siècle, avec une philosophie avancée et au milieu de ce magnifique mouvement scientifique qui dirige tout aujourd'hui vers le positif et l'utile. »
Son jugement est prononcé : la croyance aux tables tournantes est un égarement. Comme M. Figuier est un homme positif, on doit penser qu'avant de publier son livre, il a tout vu, tout étudié, tout approfondi, en un mot qu'il parle en connaissance de cause. S'il en était autrement, il tomberait dans le tort de MM. Schiff et Jobert (de Lambale) avec leur théorie du muscle craqueur. (Voir la revue du mois de juin 1859.) Et pourtant, il est à notre connaissance qu'il y a un mois à peine il assistait à une séance où il a prouvé qu'il est étranger aux principes les plus élémentaires du Spiritisme. Se dira-t-il suffisamment éclairé, parce qu'il a assisté à une séance ? Nous ne doutons certes pas de sa perspicacité, mais quelque grande qu'elle soit, nous ne saurions pas plus admettre qu'il puisse connaître et surtout comprendre le Spiritisme en une séance, qu'il n'a appris la physique en une leçon ; si M. Figuier pouvait le faire, nous tiendrions le fait pour un des plus merveilleux. Quand il aura étudié le Spiritisme avec autant de soin qu'on en apporte à l'étude d'une science, qu'il y aura consacré un temps moral nécessaire, qu'il aura assisté à quelques milliers d'expériences, qu'il se sera rendu compte de tous les faits sans exception, qu'il aura comparé toutes les théories, alors seulement il pourra faire une critique judicieuse ; jusque-là son jugement est une opinion personnelle, qui n'aurait pas plus de poids dans le pour que dans le contre.
Prenons la chose à un autre point de vue. Nous avons dit que le Spiritisme repose entièrement sur l'existence en nous d'un principe immatériel, autrement dit, sur l'existence de l'âme. Celui qui n'admet pas un Esprit en soi, ne peut en admettre hors de soi ; par conséquent n'admettant pas la cause, il ne peut admettre l'effet. Nous voudrions donc savoir si M. Figuier pourrait placer en tête de son livre la profession de foi suivante :
1° Je crois en un Dieu, auteur de toutes choses, tout-puissant, souverainement juste et bon, et infini dans ses perfections ;
2° Je crois à la providence de Dieu ;
3° Je crois à l'existence de l'âme survivant au corps, et à son individualité après la mort. J'y crois, non comme à une probabilité, mais comme à une chose nécessaire et conséquente des attributs de la Divinité ;
4° Admettant l'âme et sa survivance, je crois qu'il ne serait ni selon la justice, ni selon la bonté de Dieu, que le bien et le mal fussent traités sur le même pied après la mort, alors que, pendant la vie, ils reçoivent si rarement la récompense ou le châtiment qu'ils méritent ;
5° Si l'âme du méchant et celle du bon ne sont pas traitées de même, il y en a donc qui sont heureuses ou malheureuses, c'est-à-dire qui sont récompensées ou punies selon leurs œuvres.
Si M. Figuier faisait une telle profession de foi nous lui dirions : Cette profession est celle de tous les Spirites, car sans cela le Spiritisme n'aurait aucune raison d'être ; seulement ce que vous croyez théoriquement, le Spiritisme le démontre par les faits ; car tous les faits Spirites sont la conséquence de ces principes. Les Esprits qui peuplent l'espace n'étant autre chose que les âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans les autres mondes, du moment qu'on admet l'âme, sa survivance et son individualité, on admet par cela même les Esprits. La base étant reconnue, toute la question est de savoir si ces Esprits ou ces âmes peuvent se communiquer aux vivants ; s'ils ont une action sur la matière ; s'ils influent sur le monde physique et le monde moral ; ou bien s'ils sont voués à une inutilité perpétuelle, ou à ne s'occuper que d'eux-mêmes, ce qui est peu probable, si l'on admet la providence de Dieu, et si l'on considère l'admirable harmonie qui règne dans l'univers, où le plus petit être joue son rôle.
Si la réponse de M. Figuier était négative, ou seulement poliment dubitative, afin, pour nous servir de l'expression de certaines gens, de ne pas heurter trop brusquement des préjugés respectables, nous lui dirions : Vous n'êtes pas plus juge compétent en fait de Spiritisme qu'un musulman en fait de religion catholique ; votre jugement ne saurait être impartial, et ce serait en vain que vous vous défendriez d'apporter des idées préconçues, car ces idées sont dans votre opinion même touchant le principe fondamental que vous rejetez a priori, et avant de connaître la chose.
Si jamais un corps savant nommait un rapporteur pour examiner la question du Spiritisme, et que ce rapporteur ne fût pas franchement Spiritualiste, autant vaudrait qu'un concile eût choisi Voltaire pour traiter une question de dogme. On s'étonne, soit dit en passant, que les corps savants n'aient pas donné leur avis ; mais on oublie que leur mission est l'étude des lois de la matière et non celle des attributs de l'âme et encore moins de décider si l'âme existe. Sur de tels sujets ils peuvent avoir des opinions individuelles, comme ils peuvent en avoir sur la religion, mais, comme corps, ils n'auront jamais à se prononcer.
Nous ne savons ce que M. Figuier répondrait aux questions formulées dans la profession de foi ci-dessus, mais son livre peut le faire pressentir. En effet, le second paragraphe de sa préface est ainsi conçu :
« Une connaissance exacte de l'histoire du passé aurait prévenu, ou du moins, fort diminué cet étonnement. Ce serait, en effet, une grande erreur de s'imaginer que les idées qui ont enfanté de nos jours la croyance aux tables parlantes et aux Esprits frappeurs, sont d'origine moderne. Cet amour du merveilleux n'est pas particulier à notre époque ; il est de tous les temps et de tous les pays, car il tient à la nature même de l'esprit humain. Par une instinctive et injuste défiance de ses propres forces, l'homme est porté à placer au-dessus de lui d'invisibles puissances s'exerçant dans une sphère inaccessible. Cette disposition native a existé à toutes les périodes de l'histoire de l'humanité, et revêtant, selon les temps, les lieux et les mœurs, des aspects différents, elle a donné naissance à des manifestations variables dans leur forme, mais tenant au fond à un principe identique. »
Puisqu'il dit que c'est par une instinctive et injuste défiance de ses propres forces que l'homme est porté à placer au-dessus de lui d'invisibles puissances s'exerçant dans une sphère inaccessible, c'est reconnaître que l'homme est tout, qu'il peut tout, et qu'au-dessus de lui il n'y a rien ; si nous ne nous trompons, ce n'est pas seulement du matérialisme, mais de l'athéisme. Ces idées, du reste, ressortent d'une foule d'autres passages de sa préface et de son introduction sur lesquelles nous appelons toute l'attention de nos lecteurs, et nous sommes persuadé qu'ils en porteront le même jugement que nous. Dira-t-il que ces paroles ne s'appliquent pas à la Divinité mais aux Esprits ? Nous lui répondrons qu'alors il ne connaît pas le premier mot du Spiritisme, puisque nier les Esprits c'est nier l'âme : les Esprits et les âmes étant une seule et même chose ; que les Esprits n'exercent pas leur puissance dans une sphère inaccessible, puisqu'ils sont à nos côtés, nous touchent, agissent sur la matière inerte, à l'instar de tous les fluides impondérables et invisibles qui sont cependant les moteurs les plus puissants et les agents les plus actifs de la nature. Dieu seul exerce sa puissance dans une sphère inaccessible aux hommes ; nier cette puissance, c'est donc nier Dieu. Dira-t-il enfin que ces effets, que nous attribuons aux Esprits, sont sans doute dus à quelques-uns de ces fluides ? Ce serait possible ; mais alors nous lui demanderons comment des fluides inintelligents peuvent donner des effets intelligents.
M. Figuier constate un fait capital en disant que cet amour du merveilleux est de tous les temps et de tous les pays, car il tient à la nature même de l'Esprit humain. Ce qu'il appelle amour du merveilleux est tout simplement la croyance instinctive, native, comme il le dit, à l'existence de l'âme et à sa survivance au corps, croyance qui a revêtu des formes diverses selon les temps et les lieux, mais tenant au fond à un principe identique. Ce sentiment inné, universel chez l'homme, Dieu le lui aurait-il inspiré pour se jouer de lui ? pour lui donner des aspirations impossibles à réaliser ? Croire qu'il en puisse être ainsi, c'est nier la bonté de Dieu, c'est plus, c'est nier Dieu lui-même.
Veut-on d'autres preuves de ce que nous avançons ? voyons encore quelques passages de sa préface :
« Au moyen âge, quand une religion nouvelle a transformé l'Europe, le merveilleux prend domicile dans cette religion même. On croit aux possessions diaboliques, aux sorciers et aux magiciens. Pendant une série de siècles cette croyance est sanctionnée par une guerre sans trêve et sans merci, faite aux malheureux que l'on accuse d'un secret commerce avec les démons ou avec les magiciens leurs suppôts.
« Vers la fin du xvii° siècle, à l'aurore d'une philosophie tolérante et éclairée, le diable a vieilli et l'accusation de magie commence à être un argument usé, mais le merveilleux ne perd pas ses droits pour cela. Les miracles fleurissent à l'envi dans les églises des diverses communions chrétiennes ; on croit, en même temps, à la baguette divinatoire, on s'en rapporte aux mouvements d'un bâton fourchu pour rechercher les objets du monde physique et s'éclairer sur les choses du monde moral. On continue, dans diverses sciences, à admettre l'intervention d'influences surnaturelles, précédemment introduites par Paracelse.
« Au xviii° siècle, malgré la vogue de la philosophie cartésienne, tandis que, sur les matières philosophiques, tous les yeux sont ouverts aux lumières du bon sens et de la raison, dans le siècle de Voltaire et de l'encyclopédie, le merveilleux seul résiste à la chute de tant de croyances jusque là vénérées. Les miracles foisonnent encore. »
Si la philosophie de Voltaire, qui a ouvert les yeux à la lumière du bon sens et de la raison, et sapé tant de superstitions, n'a pu déraciner l'idée native d'une puissance occulte, ne serait-ce pas que cette idée est inattaquable ? La philosophie du xviii° siècle a flagellé les abus, mais elle s'est arrêtée contre la base. Si cette idée a triomphé des coups que lui a portés l'apôtre de l'incrédulité, M. Figuier espère-t-il être plus heureux ? Nous nous permettrons d'en douter.
M. Figuier fait une singulière confusion des croyances religieuses, des miracles, et de la baguette divinatoire ; tout cela, pour lui, sort de la même source : la superstition, la croyance au merveilleux. Nous n'entreprendrons pas de défendre ici ce petit bâton fourchu qui aurait la singulière propriété de servir à la recherche du monde physique, par la raison que nous n'avons pas approfondi la question, et que nous avons pour principe de ne louer ou critiquer que ce que nous connaissons ; mais si nous voulions raisonner par analogie, nous demanderions à M. Figuier si la petite aiguille d'acier avec laquelle le navigateur trouve sa route, n'a pas une vertu bien autrement merveilleuse que le petit bâton fourchu ? Non, direz-vous, car nous connaissons la cause qui la fait agir, et cette cause est toute physique. D'accord ; mais qui dit que la cause qui agit sur la baguette n'est pas toute physique ? Avant qu'on ne connût la théorie de la boussole, qu'auriez-vous pensé, si vous eussiez vécu à cette époque, alors que les marins n'avaient pour guides que les étoiles, qui souvent leur faisaient défaut, qu'auriez-vous pensé, disons-nous, d'un homme qui serait venu dire : J'ai là, dans une petite boite, pas plus grande qu'une bonbonnière, une toute petite aiguille avec laquelle les plus gros navires peuvent se diriger à coup sûr ; qui indique la route par tous les temps avec la précision d'une montre ? Encore une fois nous ne défendons pas la baguette divinatoire, et encore moins le charlatanisme qui s'en est emparé ; mais nous demandons seulement ce qu'il y aurait de plus surnaturel à ce qu'un petit morceau de bois, dans des circonstances données, fut agité par un effluve terrestre invisible, comme l'aiguille aimantée l'est par le courant magnétique qu'on ne voit pas davantage ? Est-ce que cette aiguille ne sert pas aussi à la recherche des choses du monde physique ? Est-ce qu'elle n'est pas influencée par la présence d'une mine de fer souterraine ? Le merveilleux est l'idée fixe de M. Figuier ; c'est son cauchemar ; il le voit partout où il y a quelque chose qu'il ne comprend pas. Mais peut-il seulement, lui, savant, dire comment germe et se reproduit la plus petite graine ? Quelle est la force qui fait tourner la fleur vers la lumière ? Qui, sous terre, attire les racines vers un terrain propice, et cela à travers les obstacles les plus durs ? Étrange aberration de l'esprit humain qui croit tout savoir et ne sait rien ; qui foule aux pieds des merveilles sans nombre, et qui nie un pouvoir surhumain !
La religion étant fondée sur l'existence de Dieu, cette puissance surhumaine qui s'exerce dans une sphère inaccessible ; sur l'âme qui survit au corps, en conservant son individualité, et par conséquent son action, a pour principe ce que M. Figuier appelle le merveilleux. S'il se fut borné à dire que parmi les faits qualifiés de merveilleux il y en a de ridicules, d'absurdes, dont la raison fait justice, nous y applaudirions de toutes nos forces, mais nous ne saurions être de son avis quand il confond dans la même réprobation le principe et l'abus du principe ; quand il dénie l'existence de toute puissance au-dessus de l'humanité. Cette conclusion est d'ailleurs formulée d'une manière non équivoque dans le passage suivant :
« De ces discussions, nous croyons qu'il résultera pour le lecteur la parfaite conviction de la non-existence d'agents surnaturels, et la certitude que tous les prodiges qui ont excité en divers temps la surprise ou l'admiration des hommes, s'expliquent avec la seule connaissance de notre organisation physiologique. La négation du merveilleux, telle est la conclusion à tirer de ce livre, qui pourrait s'appeler le merveilleux expliqué ; et si nous parvenons au but que nous nous sommes proposé d'atteindre, nous aurons la conviction d'avoir rendu un véritable service à bien des gens. »
Faire connaître les abus, démasquer la fraude et l'hypocrisie partout où elles se trouvent, c'est sans contredit rendre un très grand service ; mais nous croyons que c'est en rendre un très mauvais à la société aussi bien qu'aux individus, que d'attaquer le principe, parce qu'on a pu en abuser ; c'est vouloir couper un bon arbre, parce qu'il a donné un fruit véreux. Le Spiritisme bien compris, en faisant connaître la cause de certains phénomènes, montre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, et par cela même tend à détruire les idées vraiment superstitieuses ; mais en même temps, en démontrant le principe, il donne un but au bien ; il fortifie dans les croyances fondamentales que l'incrédulité cherche à battre en brèche sous le prétexte d'abus ; il combat la plaie du matérialisme qui est la négation du devoir, de la morale et de toute espérance, et c'est en cela que nous disons qu'il sera un jour la sauvegarde de la société.
Nous sommes, du reste, loin de nous plaindre de l'ouvrage de M. Figuier ; sur les adeptes il ne peut avoir aucune influence, parce qu'ils en reconnaîtront tout de suite les points vulnérables ; sur les autres, il aura l'effet de toutes les critiques : celui de provoquer la curiosité. Depuis l'apparition, ou mieux la réapparition du Spiritisme, on a beaucoup écrit contre ; on ne lui a épargné ni les sarcasmes ni les injures ; il n'y a qu'une chose dont il n'ait pas eu l'honneur, c'est le bûcher, grâce aux mœurs du temps ; cela l'a-t-il empêché de progresser ? nullement, car il compte aujourd'hui ses adhérents par millions dans toutes les parties du monde, et tous les jours ils augmentent. A cela la critique a beaucoup contribué sans le vouloir, car son effet, comme nous l'avons dit, et de provoquer l'examen ; on veut voir le pour et le contre, et l'on est tout étonné de trouver une doctrine rationnelle, logique, consolante, calmant les angoisses du doute, résolvant ce qu'aucune philosophie n'a pu résoudre, là où l'on s'attendait à ne trouver qu'une croyance ridicule. Plus le nom du contradicteur est connu, plus sa critique a de retentissement, et plus elle peut faire de bien en appelant l'attention des indifférents. Sous ce rapport l'ouvrage de M. Figuier est dans les meilleures conditions ; il est en outre écrit d'une manière grave, et ne se traîne pas la dans boue des injures grossières et des personnalités, seuls arguments des critiques de bas étage. Puisqu'il prétend traiter la chose au point de vue scientifique, et sa position le lui permet, on verra donc là le dernier mot de la science contre cette doctrine, et alors le public saura à quoi s'en tenir. Si le savant ouvrage de M. Figuier n'a pas le pouvoir de lui donner le coup de grâce, nous doutons que d'autres soient plus heureux ; pour la combattre avec efficacité, il n'a qu'un moyen, et nous nous faisons un plaisir de le lui indiquer. On ne détruit pas un arbre en en coupant les branches, mais en coupant la racine. Il faut donc attaquer le Spiritisme par la racine et non par les rameaux qui renaissent à mesure qu'on les coupe ; or les racines du Spiritisme, de cet égarement du xix° siècle, pour nous servir de son expression, sont l'âme et ses attributs ; qu'il prouve donc que l'âme n'existe pas, et ne peut exister, car sans âmes il n'y a plus d'Esprits. Quand il aura prouvé cela, le Spiritisme n'aura plus de raison d'être et nous nous avouerons vaincus. Si son scepticisme ne va pas jusque-là, qu'il prouve, non par une simple négation, mais par une démonstration mathématique, physique, chimique, mécanique, physiologique ou toute autre :
1° Que l'être qui pense pendant sa vie ne doit plus penser après sa mort ;
2° Que s'il pense, il ne doit plus vouloir se communiquer à ceux qu'il a aimés ;
3° Que s'il peut être partout, il ne peut pas être à nos côtés ;
4° Que s'il est à nos côtés, il ne peut pas se communiquer à nous ;
5° Que par son enveloppe fluidique il ne peut pas agir sur la matière inerte ;
6° Que s'il peut agir sur la matière inerte, il ne peut pas agir sur un être animé ;
7° Que s'il peut agir sur un être animé, il ne peut pas diriger sa main pour le faire écrire ;
8° Que pouvant le faire écrire, il ne peut pas répondre à ses questions et lui transmettre sa pensée.
Quand les adversaires du Spiritisme nous auront démontré que cela ne se peut pas, par des raisons aussi patentes que celles par lesquelles Galilée démontra que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre, alors nous pourrons dire que leurs doutes sont fondés ; malheureusement jusqu'à ce jour toute leur argumentation se résume en ces mots : Je ne crois pas, donc cela est impossible. Ils nous diront sans doute que c'est à nous de prouver la réalité des manifestations ; nous la leur prouvons par les faits et par le raisonnement ; s'ils n'admettent ni l'un ni l'autre, s'ils nient ce qu'ils voient, c'est à eux de prouver que notre raisonnement est faux et que les faits sont impossibles.
Dans un autre article nous examinerons la théorie de M. Figuier ; nous souhaitons pour lui qu'elle soit de meilleur aloi de celle du muscle craqueur de Joubert de Lambale.
Il est un peu du mot merveilleux comme du mot âme ; il a un sens élastique qui peut donner lieu à des interprétations diverses ; c'est pourquoi nous avons cru utile de poser quelques principes généraux dans l'article précédent avant d'aborder l'examen de l'histoire qu'en donne M. Figuier. Lorsque cet ouvrage a paru, les adversaires du Spiritisme ont battu des mains en disant que, sans doute, nous allions avoir à faire à forte partie ; dans leur charitable pensée ils nous voyaient déjà morts sans retour ; tristes effets de l'aveuglément passionné et irréfléchi ; car, s'ils se donnaient la peine d'observer ce qu'ils veulent démolir, ils verraient que le Spiritisme sera un jour, et cela plus tôt qu'ils ne le croient, la sauvegarde de la société, et peut-être eux-mêmes lui devront-ils leur salut, nous ne disons pas dans l'autre monde dont ils se soucient assez peu, mais dans celui-ci ! Ce n'est point légèrement que nous disons ces paroles ; le temps n'est pas venu encore de les développer ; mais déjà beaucoup nous comprennent.
Pour en revenir à M. Figuier, nous-même avions pensé trouver en lui un adversaire vraiment sérieux, apportant enfin des arguments péremptoires qui valussent la peine d'une réfutation sérieuse. Son ouvrage comprend quatre volumes ; les deux premiers contiennent d'abord un exposé des principes dans une préface et une introduction, puis une relation de faits parfaitement connus, mais qu'on lira néanmoins avec intérêt, à cause des recherches érudites auxquelles ils ont donné lieu de la part de l'auteur ; c'est, nous le croyons, le récit le plus complet qui en ait été publié. Ainsi le premier volume est presque entièrement consacré à l'histoire d'Urbain Grandier et des religieuses de Loudun ; viennent ensuite les convultionnaires de saint Médar, l'histoire des prophètes protestants, la baguette divinatoire, le magnétisme animal. Le quatrième volume, qui vient de paraître, traite spécialement des tables tournantes et des Esprits frappeurs. Nous reviendrons plus tard sur ce dernier volume, nous bornant, pour aujourd'hui, à une appréciation sommaire de l'ensemble.
La partie critique des histoires que renferment les deux premiers volumes consiste à prouver, par des témoignages authentiques, que l'intrigue, les passions humaines, le charlatanisme, y ont joué un grand rôle ; que certains faits portent un cachet évident de jonglerie ; mais c'est ce que personne ne conteste ; personne ne s'est jamais porté garant de l'intégrité de tous ces faits ; les Spirites, moins que tout autres, et ils doivent même savoir gré à M. Figuier d'avoir rassemblé des preuves qui éviteront de nombreuses compilations ; ils ont intérêt à ce que la fraude soit démasquée, et tous ceux qui la découvriront dans des faits faussement qualifiés de phénomènes Spirites, leur rendront service ; or, pour rendre de pareils services, il n'est rien de tel que les ennemis ; on voit donc que les ennemis mêmes sont bons à quelque chose. Seulement, chez eux le désir de la critique les entraîne quelquefois trop loin, et dans leur ardeur à découvrir le mal, ils le voient souvent où il n'est pas, faute d'avoir examiné la chose avec assez d'attention, ou d'impartialité, ce qui est encore plus rare. Le vrai critique doit se défendre d'idées préconçues, se dépouiller de tout préjugé, autrement il juge à son point de vue qui peut-être n'est pas toujours juste. Prenons un exemple ; supposons l'histoire politique d'événements contemporains écrite avec la plus grande impartialité, c'est-à-dire avec une entière vérité, et supposons cette histoire commentée par deux critiques d'opinions contraires ; par cela même que tous les faits sont exacts, ils froisseront forcément l'opinion de l'un des deux ; de là deux jugements contradictoires : l'un qui portera l'ouvrage aux nues, l'autre qui le dira bon à jeter au feu ; et pourtant l'ouvrage ne contiendra que la vérité. S'il en est ainsi pour des faits patents comme ceux de l'histoire, à plus forte raison quand il s'agit de l'appréciation des doctrines philosophiques ; or, le Spiritisme est une doctrine philosophique, et ceux qui ne le voient que dans le fait des tables tournantes, ou qui le jugent sur des contes absurdes, sur l'abus qu'on en peut faire, qui le confondent avec les moyens de divination, prouvent qu'ils ne le connaissent pas. M. Figuier est-il dans les conditions voulues pour le juger avec impartialité ? C'est ce qu'il s'agit d'examiner.
M. Figuier débute ainsi dans sa préface :
« En 1854, quand les tables tournantes et parlantes, importées d'Amérique, firent leur apparition en France, elles y produisirent une impression que personne n'a oubliée. Beaucoup d'esprits sages et réfléchis furent effrayés de ce débordement imprévu de la passion du merveilleux. Ils ne pouvaient comprendre un tel égarement en plein xix° siècle, avec une philosophie avancée et au milieu de ce magnifique mouvement scientifique qui dirige tout aujourd'hui vers le positif et l'utile. »
Son jugement est prononcé : la croyance aux tables tournantes est un égarement. Comme M. Figuier est un homme positif, on doit penser qu'avant de publier son livre, il a tout vu, tout étudié, tout approfondi, en un mot qu'il parle en connaissance de cause. S'il en était autrement, il tomberait dans le tort de MM. Schiff et Jobert (de Lambale) avec leur théorie du muscle craqueur. (Voir la revue du mois de juin 1859.) Et pourtant, il est à notre connaissance qu'il y a un mois à peine il assistait à une séance où il a prouvé qu'il est étranger aux principes les plus élémentaires du Spiritisme. Se dira-t-il suffisamment éclairé, parce qu'il a assisté à une séance ? Nous ne doutons certes pas de sa perspicacité, mais quelque grande qu'elle soit, nous ne saurions pas plus admettre qu'il puisse connaître et surtout comprendre le Spiritisme en une séance, qu'il n'a appris la physique en une leçon ; si M. Figuier pouvait le faire, nous tiendrions le fait pour un des plus merveilleux. Quand il aura étudié le Spiritisme avec autant de soin qu'on en apporte à l'étude d'une science, qu'il y aura consacré un temps moral nécessaire, qu'il aura assisté à quelques milliers d'expériences, qu'il se sera rendu compte de tous les faits sans exception, qu'il aura comparé toutes les théories, alors seulement il pourra faire une critique judicieuse ; jusque-là son jugement est une opinion personnelle, qui n'aurait pas plus de poids dans le pour que dans le contre.
Prenons la chose à un autre point de vue. Nous avons dit que le Spiritisme repose entièrement sur l'existence en nous d'un principe immatériel, autrement dit, sur l'existence de l'âme. Celui qui n'admet pas un Esprit en soi, ne peut en admettre hors de soi ; par conséquent n'admettant pas la cause, il ne peut admettre l'effet. Nous voudrions donc savoir si M. Figuier pourrait placer en tête de son livre la profession de foi suivante :
1° Je crois en un Dieu, auteur de toutes choses, tout-puissant, souverainement juste et bon, et infini dans ses perfections ;
2° Je crois à la providence de Dieu ;
3° Je crois à l'existence de l'âme survivant au corps, et à son individualité après la mort. J'y crois, non comme à une probabilité, mais comme à une chose nécessaire et conséquente des attributs de la Divinité ;
4° Admettant l'âme et sa survivance, je crois qu'il ne serait ni selon la justice, ni selon la bonté de Dieu, que le bien et le mal fussent traités sur le même pied après la mort, alors que, pendant la vie, ils reçoivent si rarement la récompense ou le châtiment qu'ils méritent ;
5° Si l'âme du méchant et celle du bon ne sont pas traitées de même, il y en a donc qui sont heureuses ou malheureuses, c'est-à-dire qui sont récompensées ou punies selon leurs œuvres.
Si M. Figuier faisait une telle profession de foi nous lui dirions : Cette profession est celle de tous les Spirites, car sans cela le Spiritisme n'aurait aucune raison d'être ; seulement ce que vous croyez théoriquement, le Spiritisme le démontre par les faits ; car tous les faits Spirites sont la conséquence de ces principes. Les Esprits qui peuplent l'espace n'étant autre chose que les âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans les autres mondes, du moment qu'on admet l'âme, sa survivance et son individualité, on admet par cela même les Esprits. La base étant reconnue, toute la question est de savoir si ces Esprits ou ces âmes peuvent se communiquer aux vivants ; s'ils ont une action sur la matière ; s'ils influent sur le monde physique et le monde moral ; ou bien s'ils sont voués à une inutilité perpétuelle, ou à ne s'occuper que d'eux-mêmes, ce qui est peu probable, si l'on admet la providence de Dieu, et si l'on considère l'admirable harmonie qui règne dans l'univers, où le plus petit être joue son rôle.
Si la réponse de M. Figuier était négative, ou seulement poliment dubitative, afin, pour nous servir de l'expression de certaines gens, de ne pas heurter trop brusquement des préjugés respectables, nous lui dirions : Vous n'êtes pas plus juge compétent en fait de Spiritisme qu'un musulman en fait de religion catholique ; votre jugement ne saurait être impartial, et ce serait en vain que vous vous défendriez d'apporter des idées préconçues, car ces idées sont dans votre opinion même touchant le principe fondamental que vous rejetez a priori, et avant de connaître la chose.
Si jamais un corps savant nommait un rapporteur pour examiner la question du Spiritisme, et que ce rapporteur ne fût pas franchement Spiritualiste, autant vaudrait qu'un concile eût choisi Voltaire pour traiter une question de dogme. On s'étonne, soit dit en passant, que les corps savants n'aient pas donné leur avis ; mais on oublie que leur mission est l'étude des lois de la matière et non celle des attributs de l'âme et encore moins de décider si l'âme existe. Sur de tels sujets ils peuvent avoir des opinions individuelles, comme ils peuvent en avoir sur la religion, mais, comme corps, ils n'auront jamais à se prononcer.
Nous ne savons ce que M. Figuier répondrait aux questions formulées dans la profession de foi ci-dessus, mais son livre peut le faire pressentir. En effet, le second paragraphe de sa préface est ainsi conçu :
« Une connaissance exacte de l'histoire du passé aurait prévenu, ou du moins, fort diminué cet étonnement. Ce serait, en effet, une grande erreur de s'imaginer que les idées qui ont enfanté de nos jours la croyance aux tables parlantes et aux Esprits frappeurs, sont d'origine moderne. Cet amour du merveilleux n'est pas particulier à notre époque ; il est de tous les temps et de tous les pays, car il tient à la nature même de l'esprit humain. Par une instinctive et injuste défiance de ses propres forces, l'homme est porté à placer au-dessus de lui d'invisibles puissances s'exerçant dans une sphère inaccessible. Cette disposition native a existé à toutes les périodes de l'histoire de l'humanité, et revêtant, selon les temps, les lieux et les mœurs, des aspects différents, elle a donné naissance à des manifestations variables dans leur forme, mais tenant au fond à un principe identique. »
Puisqu'il dit que c'est par une instinctive et injuste défiance de ses propres forces que l'homme est porté à placer au-dessus de lui d'invisibles puissances s'exerçant dans une sphère inaccessible, c'est reconnaître que l'homme est tout, qu'il peut tout, et qu'au-dessus de lui il n'y a rien ; si nous ne nous trompons, ce n'est pas seulement du matérialisme, mais de l'athéisme. Ces idées, du reste, ressortent d'une foule d'autres passages de sa préface et de son introduction sur lesquelles nous appelons toute l'attention de nos lecteurs, et nous sommes persuadé qu'ils en porteront le même jugement que nous. Dira-t-il que ces paroles ne s'appliquent pas à la Divinité mais aux Esprits ? Nous lui répondrons qu'alors il ne connaît pas le premier mot du Spiritisme, puisque nier les Esprits c'est nier l'âme : les Esprits et les âmes étant une seule et même chose ; que les Esprits n'exercent pas leur puissance dans une sphère inaccessible, puisqu'ils sont à nos côtés, nous touchent, agissent sur la matière inerte, à l'instar de tous les fluides impondérables et invisibles qui sont cependant les moteurs les plus puissants et les agents les plus actifs de la nature. Dieu seul exerce sa puissance dans une sphère inaccessible aux hommes ; nier cette puissance, c'est donc nier Dieu. Dira-t-il enfin que ces effets, que nous attribuons aux Esprits, sont sans doute dus à quelques-uns de ces fluides ? Ce serait possible ; mais alors nous lui demanderons comment des fluides inintelligents peuvent donner des effets intelligents.
M. Figuier constate un fait capital en disant que cet amour du merveilleux est de tous les temps et de tous les pays, car il tient à la nature même de l'Esprit humain. Ce qu'il appelle amour du merveilleux est tout simplement la croyance instinctive, native, comme il le dit, à l'existence de l'âme et à sa survivance au corps, croyance qui a revêtu des formes diverses selon les temps et les lieux, mais tenant au fond à un principe identique. Ce sentiment inné, universel chez l'homme, Dieu le lui aurait-il inspiré pour se jouer de lui ? pour lui donner des aspirations impossibles à réaliser ? Croire qu'il en puisse être ainsi, c'est nier la bonté de Dieu, c'est plus, c'est nier Dieu lui-même.
Veut-on d'autres preuves de ce que nous avançons ? voyons encore quelques passages de sa préface :
« Au moyen âge, quand une religion nouvelle a transformé l'Europe, le merveilleux prend domicile dans cette religion même. On croit aux possessions diaboliques, aux sorciers et aux magiciens. Pendant une série de siècles cette croyance est sanctionnée par une guerre sans trêve et sans merci, faite aux malheureux que l'on accuse d'un secret commerce avec les démons ou avec les magiciens leurs suppôts.
« Vers la fin du xvii° siècle, à l'aurore d'une philosophie tolérante et éclairée, le diable a vieilli et l'accusation de magie commence à être un argument usé, mais le merveilleux ne perd pas ses droits pour cela. Les miracles fleurissent à l'envi dans les églises des diverses communions chrétiennes ; on croit, en même temps, à la baguette divinatoire, on s'en rapporte aux mouvements d'un bâton fourchu pour rechercher les objets du monde physique et s'éclairer sur les choses du monde moral. On continue, dans diverses sciences, à admettre l'intervention d'influences surnaturelles, précédemment introduites par Paracelse.
« Au xviii° siècle, malgré la vogue de la philosophie cartésienne, tandis que, sur les matières philosophiques, tous les yeux sont ouverts aux lumières du bon sens et de la raison, dans le siècle de Voltaire et de l'encyclopédie, le merveilleux seul résiste à la chute de tant de croyances jusque là vénérées. Les miracles foisonnent encore. »
Si la philosophie de Voltaire, qui a ouvert les yeux à la lumière du bon sens et de la raison, et sapé tant de superstitions, n'a pu déraciner l'idée native d'une puissance occulte, ne serait-ce pas que cette idée est inattaquable ? La philosophie du xviii° siècle a flagellé les abus, mais elle s'est arrêtée contre la base. Si cette idée a triomphé des coups que lui a portés l'apôtre de l'incrédulité, M. Figuier espère-t-il être plus heureux ? Nous nous permettrons d'en douter.
M. Figuier fait une singulière confusion des croyances religieuses, des miracles, et de la baguette divinatoire ; tout cela, pour lui, sort de la même source : la superstition, la croyance au merveilleux. Nous n'entreprendrons pas de défendre ici ce petit bâton fourchu qui aurait la singulière propriété de servir à la recherche du monde physique, par la raison que nous n'avons pas approfondi la question, et que nous avons pour principe de ne louer ou critiquer que ce que nous connaissons ; mais si nous voulions raisonner par analogie, nous demanderions à M. Figuier si la petite aiguille d'acier avec laquelle le navigateur trouve sa route, n'a pas une vertu bien autrement merveilleuse que le petit bâton fourchu ? Non, direz-vous, car nous connaissons la cause qui la fait agir, et cette cause est toute physique. D'accord ; mais qui dit que la cause qui agit sur la baguette n'est pas toute physique ? Avant qu'on ne connût la théorie de la boussole, qu'auriez-vous pensé, si vous eussiez vécu à cette époque, alors que les marins n'avaient pour guides que les étoiles, qui souvent leur faisaient défaut, qu'auriez-vous pensé, disons-nous, d'un homme qui serait venu dire : J'ai là, dans une petite boite, pas plus grande qu'une bonbonnière, une toute petite aiguille avec laquelle les plus gros navires peuvent se diriger à coup sûr ; qui indique la route par tous les temps avec la précision d'une montre ? Encore une fois nous ne défendons pas la baguette divinatoire, et encore moins le charlatanisme qui s'en est emparé ; mais nous demandons seulement ce qu'il y aurait de plus surnaturel à ce qu'un petit morceau de bois, dans des circonstances données, fut agité par un effluve terrestre invisible, comme l'aiguille aimantée l'est par le courant magnétique qu'on ne voit pas davantage ? Est-ce que cette aiguille ne sert pas aussi à la recherche des choses du monde physique ? Est-ce qu'elle n'est pas influencée par la présence d'une mine de fer souterraine ? Le merveilleux est l'idée fixe de M. Figuier ; c'est son cauchemar ; il le voit partout où il y a quelque chose qu'il ne comprend pas. Mais peut-il seulement, lui, savant, dire comment germe et se reproduit la plus petite graine ? Quelle est la force qui fait tourner la fleur vers la lumière ? Qui, sous terre, attire les racines vers un terrain propice, et cela à travers les obstacles les plus durs ? Étrange aberration de l'esprit humain qui croit tout savoir et ne sait rien ; qui foule aux pieds des merveilles sans nombre, et qui nie un pouvoir surhumain !
La religion étant fondée sur l'existence de Dieu, cette puissance surhumaine qui s'exerce dans une sphère inaccessible ; sur l'âme qui survit au corps, en conservant son individualité, et par conséquent son action, a pour principe ce que M. Figuier appelle le merveilleux. S'il se fut borné à dire que parmi les faits qualifiés de merveilleux il y en a de ridicules, d'absurdes, dont la raison fait justice, nous y applaudirions de toutes nos forces, mais nous ne saurions être de son avis quand il confond dans la même réprobation le principe et l'abus du principe ; quand il dénie l'existence de toute puissance au-dessus de l'humanité. Cette conclusion est d'ailleurs formulée d'une manière non équivoque dans le passage suivant :
« De ces discussions, nous croyons qu'il résultera pour le lecteur la parfaite conviction de la non-existence d'agents surnaturels, et la certitude que tous les prodiges qui ont excité en divers temps la surprise ou l'admiration des hommes, s'expliquent avec la seule connaissance de notre organisation physiologique. La négation du merveilleux, telle est la conclusion à tirer de ce livre, qui pourrait s'appeler le merveilleux expliqué ; et si nous parvenons au but que nous nous sommes proposé d'atteindre, nous aurons la conviction d'avoir rendu un véritable service à bien des gens. »
Faire connaître les abus, démasquer la fraude et l'hypocrisie partout où elles se trouvent, c'est sans contredit rendre un très grand service ; mais nous croyons que c'est en rendre un très mauvais à la société aussi bien qu'aux individus, que d'attaquer le principe, parce qu'on a pu en abuser ; c'est vouloir couper un bon arbre, parce qu'il a donné un fruit véreux. Le Spiritisme bien compris, en faisant connaître la cause de certains phénomènes, montre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, et par cela même tend à détruire les idées vraiment superstitieuses ; mais en même temps, en démontrant le principe, il donne un but au bien ; il fortifie dans les croyances fondamentales que l'incrédulité cherche à battre en brèche sous le prétexte d'abus ; il combat la plaie du matérialisme qui est la négation du devoir, de la morale et de toute espérance, et c'est en cela que nous disons qu'il sera un jour la sauvegarde de la société.
Nous sommes, du reste, loin de nous plaindre de l'ouvrage de M. Figuier ; sur les adeptes il ne peut avoir aucune influence, parce qu'ils en reconnaîtront tout de suite les points vulnérables ; sur les autres, il aura l'effet de toutes les critiques : celui de provoquer la curiosité. Depuis l'apparition, ou mieux la réapparition du Spiritisme, on a beaucoup écrit contre ; on ne lui a épargné ni les sarcasmes ni les injures ; il n'y a qu'une chose dont il n'ait pas eu l'honneur, c'est le bûcher, grâce aux mœurs du temps ; cela l'a-t-il empêché de progresser ? nullement, car il compte aujourd'hui ses adhérents par millions dans toutes les parties du monde, et tous les jours ils augmentent. A cela la critique a beaucoup contribué sans le vouloir, car son effet, comme nous l'avons dit, et de provoquer l'examen ; on veut voir le pour et le contre, et l'on est tout étonné de trouver une doctrine rationnelle, logique, consolante, calmant les angoisses du doute, résolvant ce qu'aucune philosophie n'a pu résoudre, là où l'on s'attendait à ne trouver qu'une croyance ridicule. Plus le nom du contradicteur est connu, plus sa critique a de retentissement, et plus elle peut faire de bien en appelant l'attention des indifférents. Sous ce rapport l'ouvrage de M. Figuier est dans les meilleures conditions ; il est en outre écrit d'une manière grave, et ne se traîne pas la dans boue des injures grossières et des personnalités, seuls arguments des critiques de bas étage. Puisqu'il prétend traiter la chose au point de vue scientifique, et sa position le lui permet, on verra donc là le dernier mot de la science contre cette doctrine, et alors le public saura à quoi s'en tenir. Si le savant ouvrage de M. Figuier n'a pas le pouvoir de lui donner le coup de grâce, nous doutons que d'autres soient plus heureux ; pour la combattre avec efficacité, il n'a qu'un moyen, et nous nous faisons un plaisir de le lui indiquer. On ne détruit pas un arbre en en coupant les branches, mais en coupant la racine. Il faut donc attaquer le Spiritisme par la racine et non par les rameaux qui renaissent à mesure qu'on les coupe ; or les racines du Spiritisme, de cet égarement du xix° siècle, pour nous servir de son expression, sont l'âme et ses attributs ; qu'il prouve donc que l'âme n'existe pas, et ne peut exister, car sans âmes il n'y a plus d'Esprits. Quand il aura prouvé cela, le Spiritisme n'aura plus de raison d'être et nous nous avouerons vaincus. Si son scepticisme ne va pas jusque-là, qu'il prouve, non par une simple négation, mais par une démonstration mathématique, physique, chimique, mécanique, physiologique ou toute autre :
1° Que l'être qui pense pendant sa vie ne doit plus penser après sa mort ;
2° Que s'il pense, il ne doit plus vouloir se communiquer à ceux qu'il a aimés ;
3° Que s'il peut être partout, il ne peut pas être à nos côtés ;
4° Que s'il est à nos côtés, il ne peut pas se communiquer à nous ;
5° Que par son enveloppe fluidique il ne peut pas agir sur la matière inerte ;
6° Que s'il peut agir sur la matière inerte, il ne peut pas agir sur un être animé ;
7° Que s'il peut agir sur un être animé, il ne peut pas diriger sa main pour le faire écrire ;
8° Que pouvant le faire écrire, il ne peut pas répondre à ses questions et lui transmettre sa pensée.
Quand les adversaires du Spiritisme nous auront démontré que cela ne se peut pas, par des raisons aussi patentes que celles par lesquelles Galilée démontra que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre, alors nous pourrons dire que leurs doutes sont fondés ; malheureusement jusqu'à ce jour toute leur argumentation se résume en ces mots : Je ne crois pas, donc cela est impossible. Ils nous diront sans doute que c'est à nous de prouver la réalité des manifestations ; nous la leur prouvons par les faits et par le raisonnement ; s'ils n'admettent ni l'un ni l'autre, s'ils nient ce qu'ils voient, c'est à eux de prouver que notre raisonnement est faux et que les faits sont impossibles.
Dans un autre article nous examinerons la théorie de M. Figuier ; nous souhaitons pour lui qu'elle soit de meilleur aloi de celle du muscle craqueur de Joubert de Lambale.
Correspondance - A M. le Président de la Société parisienne des études Spirites.
Monsieur le Président,
Permettez-moi quelques éclaircissements à propos de Tillorier et de ses découvertes (voir la Revue d'août, 1860). Tillorier était mon ami, et quand il m'a montré le plan de son appareil en fonte, pour liquéfier le gaz acide carbonique, je lui avais dit que, malgré l'épaisseur des parois, il éclaterait, comme les canons, après un certain nombre d'expériences, et l'avais engagé à le faire cercler de fer battu, comme on le fait aujourd'hui pour les canons de fonte, mais il s'est borné à y ajouter des nervures.
Jamais un appareil de ce genre n'a éclaté entre ses mains, car il eût été tué comme le jeune Frémy ; mais la commission de l'Académie se tenait prudemment derrière les murs pendant qu'il préparait tranquillement son expérience. Il était sourd alors depuis plusieurs années, ce qui l'avait forcé de donner sa démission de contrôleur des postes. La seule explosion qu'il ait eu fût celle de la crosse d'un fusil à vent rempli de gaz acide carbonique qu'il avait déposé au soleil sur le gazon d'un jardin.
Cette expérience que je lui avais suggérée, ainsi qu'à M. Galy Cazala, lui fit voir à quelle haute pression pouvait s'élever le gaz acide carbonique, et le danger de son emploi dans les armes de guerre. Quant à Galy, il eut l'idée de substituer le gaz hydrogène au gaz acide carbonique, mais celui-ci ne pût jamais dépasser 28 atmosphères ; c'était trop peu : sans cela la poudre eût été utilement supprimée, car son mécanisme était des plus simples, et un petit cylindre de cuivre aurait contenu aisément cent coups à tirer, au fur et à mesure des besoins, par suite du rétablissement presque instantané de la pression, par la décomposition de l'eau, au moyen de l'acide sulfurique et de la grenaille de zinc. Si nos chimistes trouvaient un gaz qui pût se produire sous une pression moyenne entre celle de l'acide carbonique et de l'hydrogène, le problème serait résolu. Voilà ce qu'il serait bon de demander à Lavoisier, Berzélius ou Dalton.
La veille de sa mort Tillorier m'expliquait un nouvel appareil presque terminé, dans le but de liquéfier l'air atmosphérique par des pressions successives capables de supporter de 500 à 1,000 atmosphères. On aura vendu cette belle machine au vieux cuivre.
J'ai dit que Tillorier était extrêmement sourd, de sorte qu'en entrant dans son cabinet de la place Vendôme quelques semaines avant sa mort, je criais en conséquence ; il se boucha les oreilles avec ses deux mains en me disant que j'allais lui rendre la surdité dont il avait été heureusement délivré par le magnétiseur Lafontaine, aujourd'hui à Genève. Je sortis émerveillé de la cure dont j'annonçai la nouvelle le soir même à mes deux amis Galy Cazala et le capitaine Delvigne, avec lesquels je me promenais sur la place de la Bourse, quand nous aperçûmes Tillorier l'oreille collée à la vitrine d'un magasin où quelqu'un jouait du piano ; il semblait dans l'extase de pouvoir jouir de la musique moderne qu'il n'avait pas entendue depuis longues années. Ah ! parbleu ! dis-je à mes deux incrédules, voici la pièce de conviction ; passez derrière notre homme, et prononcez son nom d'un ton ordinaire. Tillorier se retourna vivement, reconnut ses amis qui firent un grand tour de boulevard en causant avec lui comme à l'ordinaire. Delvique, qui se trouve en ce moment dans mon bureau, se rappelle parfaitement ce fait très intéressant pour le magnétisme. J'ai beau le certifier à nos académiciens depuis un mois, disait Tillorier, ils ne veulent pas croire que j'aie pu être guéri sans les remèdes de leur pharmacopée qui ne guérissent pas, car je les ai tous employés sans succès, tandis que les deux doigts de La Fontaine m'ont rendu l'ouïe entière en quelques séances. Je me rappelle qu'enchanté du magnétisme, Tillorier était parvenu à changer les pôles d'un barreau aimanté qu'il tenait à la main par le seul effort de sa volonté.
La mort de ce savant inventeur nous a privés d'une foule de découvertes dont il m'avait parlé, et qu'il a emportées dans la tombe. Il était aussi sagace que ce bon Darcet que j'avais vu également plein de santé la veille de sa mort, et qui m'avait montré mes livres tout décousus et couverts de taches, en me disant qu'il était sûr de me faire plus de plaisir en me les présentant en cet état, que bien reliés et dorés sur tranche dans la bibliothèque. C'est singulier, me disait-il, combien nos idées se ressemblent, bien que nous n'ayons pas été élevés à la même école. Puis il me raconta le chagrin qu'il avait ressenti d'avoir été si mal mené à propos de sa gélatine nutritive, qu'il eût mieux fait, disait-il, de débiter à un sou la livre aux pauvres sur le Pont-Neuf, que de la présenter aux académiciens qui la paient 15 fr. chez les marchands de comestibles, et qui prétendent qu'elle ne nourrit pas. Évoquez donc ce brave technologiste.
Arago nous apprend que les prétendues taches du soleil ne sont que des débris de planètes qui viennent s'enrichir au foyer de l'électricité des fluides qui leur manquent pour se constituer en une comète qui commencera son cours dans un siècle. Ces débris, grands comme l'Europe, sont à plus de 500,000 lieues du soleil ; et parvenus à la dernière limite de son attraction, quand la terre aura décrit sur son écliptique environ le quart de son parcours, c'est-à-dire à peu près dans trois mois (nous étions au 6 juillet), ces débris inséparables de sa constellation auront disparu à nos yeux.
L'Académie s'occupe de notre Mémoire sur la catalepsie, que vous avez eu tort de jeter au panier des excommunications. N'importe, vous y reviendrez.
Agréez, etc.Jobard.
Remarque. Nous remercions M. Jobard des intéressants détails qu'il a bien voulu nous donner sur Tillorier, et qui sont d'autant plus précieux qu'ils sont authentiques. On aime toujours à savoir la vérité sur les hommes qui ont marqué leur place pendant leur vie.
M. Jobard est dans l'erreur, s'il croit que nous avons mis au panier des oublis la Notice que M. B… nous a envoyée sur la catalepsie. D'abord elle a été lue à la Société, ainsi que le constatent les procès-verbaux des 4 et 11 mai, publiés dans la Revue de juin 1860, et l'original, au lieu d'être mis à l'écart, est soigneusement conservé dans les archives de la Société. Si nous n'avons pas publié ce volumineux document, c'est, premièrement, que si nous devions publier tout ce qui nous est adressé, il nous faudrait peut-être dix volumes par an, et en second lieu, que chaque chose doit venir à son tour ; mais de ce qu'une chose n'est pas publiée, il ne faut pas croire qu'elle soit perdue pour cela ; rien n'est perdu de ce qui est communiqué soit à nous, soit à la Société, et nous le retrouvons toujours pour ne faire notre profit lorsque le moment opportun est venu. Voilà ce dont les personnes qui veulent bien nous adresser des documents doivent se persuader ; le temps matériel nous manque souvent pour leur répondre aussi promptement et aussi longuement qu'il conviendrait sans doute de le faire, mais comment répondre en détail à des milliers de lettres par an, quand on est obligé de faire tout par soi-même, et qu'on n'a pas de secrétaire pour s'aider ? Assurément la journée ne suffirait pas pour tout ce que nous avons à faire, si nous n'y consacrions une partie de nos nuits.
Cela dit pour notre justification personnelle, nous ajouterons au sujet de la théorie de la formation de la terre contenue dans le Mémoire susmentionné, et de l'état cataleptique des êtres vivants à son origine, qu'il a été conseillé à la Société d'attendre avant de poursuivre cette étude, que des documents plus authentiques lui fussent fournis. « Il faut se défier, lui a-t-il été dit par ses guides spirituels, des idées systématiques des Esprits aussi bien que des hommes, et ne pas les accepter légèrement et sans contrôle, si l'on ne veut s'exposer à voir démentir plus tard ce que l'on aurait accepté avec trop de précipitation. C'est parce que nous prenons intérêt à vos travaux que nous voulons vous tenir en garde contre un écueil où tant d'imaginations ardentes se sont heurtées, séduites par des apparences trompeuses. Souvenez-vous qu'il est une seule chose où vous ne serez jamais trompés, c'est sur ce qui touche, l'amélioration morale des hommes ; là est la véritable mission des bons Esprits ; mais ne croyez pas qu'il soit en leur pouvoir de vous découvrir ce qui est le secret de Dieu ; ne croyez pas surtout qu'ils soient chargés de vous applanir le rude sentier de la science ; la science n'est acquise qu'au prix du travail et de recherches assidues. Quand le temps est venu pour mettre au jour une découverte utile à l'humanité, nous cherchons l'homme capable de la conduire à bonne fin ; nous lui inspirons l'idée de s'en occuper, et nous lui en laissons tout le mérite ; mais où serait le travail, où serait le mérite s'il lui suffisait de demander aux Esprits les moyens d'acquérir sans peine science, honneurs et richesses ? Soyez donc prudents, et n'entrez pas dans une voie où vous n'éprouveriez que déceptions, et qui ne contribuerait en rien à votre avancement. Ceux qui s'y laissent entraîner reconnaîtront un jour combien ils étaient dans l'erreur, et ils regretteront de n'avoir mieux employé leur temps. »
Tel est le résumé des instructions que les Esprits ont maintes fois données à la Société ainsi qu'à nous. Nous avons été à même d'en reconnaître la sagesse par expérience ; c'est pourquoi les communications relatives aux recherches scientifiques n'ont pour nous qu'une importance secondaire. Nous ne les repoussons pas ; nous accueillons tout ce qui nous est transmis, parce que dans tout il y a quelque chose à apprendre ; mais nous ne l'acceptons que sous bénéfice d'inventaire, nous gardant d'y ajouter une foi aveugle et irréfléchie : nous observons et nous attendons. M. Jobard, qui est un homme positif et d'un grand sens, comprendra, mieux que personne, que cette marche est la meilleure pour se préserver du danger des utopies. Ce n'est certes pas nous qu'on accusera de vouloir rester en arrière, mais nous voulons éviter de poser le pied à faux, et tout ce qui pourrait compromettre le crédit du Spiritisme, en donnant prématurément comme des vérités incontestables, ce qui n'est encore qu'hypothétique.
Nous pensons que ces observations seront également appréciées par d'autres personnes, et qui comprendront sans doute l'inconvénient d'anticiper sur le temps pour certaines publications ; l'expérience leur montrera la nécessité de ne pas toujours s'en rapporter pour cela à l'impatience de quelques Esprits. Les Esprits vraiment supérieurs (nous ne parlons pas de ceux qui se donnent pour tels) sont très prudents, et c'est un des caractères auxquels on peut les reconnaître.
Permettez-moi quelques éclaircissements à propos de Tillorier et de ses découvertes (voir la Revue d'août, 1860). Tillorier était mon ami, et quand il m'a montré le plan de son appareil en fonte, pour liquéfier le gaz acide carbonique, je lui avais dit que, malgré l'épaisseur des parois, il éclaterait, comme les canons, après un certain nombre d'expériences, et l'avais engagé à le faire cercler de fer battu, comme on le fait aujourd'hui pour les canons de fonte, mais il s'est borné à y ajouter des nervures.
Jamais un appareil de ce genre n'a éclaté entre ses mains, car il eût été tué comme le jeune Frémy ; mais la commission de l'Académie se tenait prudemment derrière les murs pendant qu'il préparait tranquillement son expérience. Il était sourd alors depuis plusieurs années, ce qui l'avait forcé de donner sa démission de contrôleur des postes. La seule explosion qu'il ait eu fût celle de la crosse d'un fusil à vent rempli de gaz acide carbonique qu'il avait déposé au soleil sur le gazon d'un jardin.
Cette expérience que je lui avais suggérée, ainsi qu'à M. Galy Cazala, lui fit voir à quelle haute pression pouvait s'élever le gaz acide carbonique, et le danger de son emploi dans les armes de guerre. Quant à Galy, il eut l'idée de substituer le gaz hydrogène au gaz acide carbonique, mais celui-ci ne pût jamais dépasser 28 atmosphères ; c'était trop peu : sans cela la poudre eût été utilement supprimée, car son mécanisme était des plus simples, et un petit cylindre de cuivre aurait contenu aisément cent coups à tirer, au fur et à mesure des besoins, par suite du rétablissement presque instantané de la pression, par la décomposition de l'eau, au moyen de l'acide sulfurique et de la grenaille de zinc. Si nos chimistes trouvaient un gaz qui pût se produire sous une pression moyenne entre celle de l'acide carbonique et de l'hydrogène, le problème serait résolu. Voilà ce qu'il serait bon de demander à Lavoisier, Berzélius ou Dalton.
La veille de sa mort Tillorier m'expliquait un nouvel appareil presque terminé, dans le but de liquéfier l'air atmosphérique par des pressions successives capables de supporter de 500 à 1,000 atmosphères. On aura vendu cette belle machine au vieux cuivre.
J'ai dit que Tillorier était extrêmement sourd, de sorte qu'en entrant dans son cabinet de la place Vendôme quelques semaines avant sa mort, je criais en conséquence ; il se boucha les oreilles avec ses deux mains en me disant que j'allais lui rendre la surdité dont il avait été heureusement délivré par le magnétiseur Lafontaine, aujourd'hui à Genève. Je sortis émerveillé de la cure dont j'annonçai la nouvelle le soir même à mes deux amis Galy Cazala et le capitaine Delvigne, avec lesquels je me promenais sur la place de la Bourse, quand nous aperçûmes Tillorier l'oreille collée à la vitrine d'un magasin où quelqu'un jouait du piano ; il semblait dans l'extase de pouvoir jouir de la musique moderne qu'il n'avait pas entendue depuis longues années. Ah ! parbleu ! dis-je à mes deux incrédules, voici la pièce de conviction ; passez derrière notre homme, et prononcez son nom d'un ton ordinaire. Tillorier se retourna vivement, reconnut ses amis qui firent un grand tour de boulevard en causant avec lui comme à l'ordinaire. Delvique, qui se trouve en ce moment dans mon bureau, se rappelle parfaitement ce fait très intéressant pour le magnétisme. J'ai beau le certifier à nos académiciens depuis un mois, disait Tillorier, ils ne veulent pas croire que j'aie pu être guéri sans les remèdes de leur pharmacopée qui ne guérissent pas, car je les ai tous employés sans succès, tandis que les deux doigts de La Fontaine m'ont rendu l'ouïe entière en quelques séances. Je me rappelle qu'enchanté du magnétisme, Tillorier était parvenu à changer les pôles d'un barreau aimanté qu'il tenait à la main par le seul effort de sa volonté.
La mort de ce savant inventeur nous a privés d'une foule de découvertes dont il m'avait parlé, et qu'il a emportées dans la tombe. Il était aussi sagace que ce bon Darcet que j'avais vu également plein de santé la veille de sa mort, et qui m'avait montré mes livres tout décousus et couverts de taches, en me disant qu'il était sûr de me faire plus de plaisir en me les présentant en cet état, que bien reliés et dorés sur tranche dans la bibliothèque. C'est singulier, me disait-il, combien nos idées se ressemblent, bien que nous n'ayons pas été élevés à la même école. Puis il me raconta le chagrin qu'il avait ressenti d'avoir été si mal mené à propos de sa gélatine nutritive, qu'il eût mieux fait, disait-il, de débiter à un sou la livre aux pauvres sur le Pont-Neuf, que de la présenter aux académiciens qui la paient 15 fr. chez les marchands de comestibles, et qui prétendent qu'elle ne nourrit pas. Évoquez donc ce brave technologiste.
Arago nous apprend que les prétendues taches du soleil ne sont que des débris de planètes qui viennent s'enrichir au foyer de l'électricité des fluides qui leur manquent pour se constituer en une comète qui commencera son cours dans un siècle. Ces débris, grands comme l'Europe, sont à plus de 500,000 lieues du soleil ; et parvenus à la dernière limite de son attraction, quand la terre aura décrit sur son écliptique environ le quart de son parcours, c'est-à-dire à peu près dans trois mois (nous étions au 6 juillet), ces débris inséparables de sa constellation auront disparu à nos yeux.
L'Académie s'occupe de notre Mémoire sur la catalepsie, que vous avez eu tort de jeter au panier des excommunications. N'importe, vous y reviendrez.
Agréez, etc.Jobard.
Remarque. Nous remercions M. Jobard des intéressants détails qu'il a bien voulu nous donner sur Tillorier, et qui sont d'autant plus précieux qu'ils sont authentiques. On aime toujours à savoir la vérité sur les hommes qui ont marqué leur place pendant leur vie.
M. Jobard est dans l'erreur, s'il croit que nous avons mis au panier des oublis la Notice que M. B… nous a envoyée sur la catalepsie. D'abord elle a été lue à la Société, ainsi que le constatent les procès-verbaux des 4 et 11 mai, publiés dans la Revue de juin 1860, et l'original, au lieu d'être mis à l'écart, est soigneusement conservé dans les archives de la Société. Si nous n'avons pas publié ce volumineux document, c'est, premièrement, que si nous devions publier tout ce qui nous est adressé, il nous faudrait peut-être dix volumes par an, et en second lieu, que chaque chose doit venir à son tour ; mais de ce qu'une chose n'est pas publiée, il ne faut pas croire qu'elle soit perdue pour cela ; rien n'est perdu de ce qui est communiqué soit à nous, soit à la Société, et nous le retrouvons toujours pour ne faire notre profit lorsque le moment opportun est venu. Voilà ce dont les personnes qui veulent bien nous adresser des documents doivent se persuader ; le temps matériel nous manque souvent pour leur répondre aussi promptement et aussi longuement qu'il conviendrait sans doute de le faire, mais comment répondre en détail à des milliers de lettres par an, quand on est obligé de faire tout par soi-même, et qu'on n'a pas de secrétaire pour s'aider ? Assurément la journée ne suffirait pas pour tout ce que nous avons à faire, si nous n'y consacrions une partie de nos nuits.
Cela dit pour notre justification personnelle, nous ajouterons au sujet de la théorie de la formation de la terre contenue dans le Mémoire susmentionné, et de l'état cataleptique des êtres vivants à son origine, qu'il a été conseillé à la Société d'attendre avant de poursuivre cette étude, que des documents plus authentiques lui fussent fournis. « Il faut se défier, lui a-t-il été dit par ses guides spirituels, des idées systématiques des Esprits aussi bien que des hommes, et ne pas les accepter légèrement et sans contrôle, si l'on ne veut s'exposer à voir démentir plus tard ce que l'on aurait accepté avec trop de précipitation. C'est parce que nous prenons intérêt à vos travaux que nous voulons vous tenir en garde contre un écueil où tant d'imaginations ardentes se sont heurtées, séduites par des apparences trompeuses. Souvenez-vous qu'il est une seule chose où vous ne serez jamais trompés, c'est sur ce qui touche, l'amélioration morale des hommes ; là est la véritable mission des bons Esprits ; mais ne croyez pas qu'il soit en leur pouvoir de vous découvrir ce qui est le secret de Dieu ; ne croyez pas surtout qu'ils soient chargés de vous applanir le rude sentier de la science ; la science n'est acquise qu'au prix du travail et de recherches assidues. Quand le temps est venu pour mettre au jour une découverte utile à l'humanité, nous cherchons l'homme capable de la conduire à bonne fin ; nous lui inspirons l'idée de s'en occuper, et nous lui en laissons tout le mérite ; mais où serait le travail, où serait le mérite s'il lui suffisait de demander aux Esprits les moyens d'acquérir sans peine science, honneurs et richesses ? Soyez donc prudents, et n'entrez pas dans une voie où vous n'éprouveriez que déceptions, et qui ne contribuerait en rien à votre avancement. Ceux qui s'y laissent entraîner reconnaîtront un jour combien ils étaient dans l'erreur, et ils regretteront de n'avoir mieux employé leur temps. »
Tel est le résumé des instructions que les Esprits ont maintes fois données à la Société ainsi qu'à nous. Nous avons été à même d'en reconnaître la sagesse par expérience ; c'est pourquoi les communications relatives aux recherches scientifiques n'ont pour nous qu'une importance secondaire. Nous ne les repoussons pas ; nous accueillons tout ce qui nous est transmis, parce que dans tout il y a quelque chose à apprendre ; mais nous ne l'acceptons que sous bénéfice d'inventaire, nous gardant d'y ajouter une foi aveugle et irréfléchie : nous observons et nous attendons. M. Jobard, qui est un homme positif et d'un grand sens, comprendra, mieux que personne, que cette marche est la meilleure pour se préserver du danger des utopies. Ce n'est certes pas nous qu'on accusera de vouloir rester en arrière, mais nous voulons éviter de poser le pied à faux, et tout ce qui pourrait compromettre le crédit du Spiritisme, en donnant prématurément comme des vérités incontestables, ce qui n'est encore qu'hypothétique.
Nous pensons que ces observations seront également appréciées par d'autres personnes, et qui comprendront sans doute l'inconvénient d'anticiper sur le temps pour certaines publications ; l'expérience leur montrera la nécessité de ne pas toujours s'en rapporter pour cela à l'impatience de quelques Esprits. Les Esprits vraiment supérieurs (nous ne parlons pas de ceux qui se donnent pour tels) sont très prudents, et c'est un des caractères auxquels on peut les reconnaître.
Dissertations Spirites - Obtenues ou lues dans la Société par divers médiums
La RêverieJe vais te raconter une histoire de
l'autre monde, celui où je suis. Figure-toi un ciel bleu, une mer calme
et verte, des rochers bizarrement taillés ; pas de verdure, sinon celle
des pâles lichens accrochés aux fentes des pierres. Voilà le paysage. Je
ne puis, comme un simple romancier, me complaire à te donner les
détails. Pour peupler cette mer, ces rochers, il ne se trouvait qu'un
poète, assis, rêvant, et réfléchissant dans son âme, comme dans un
miroir, la calme beauté de la nature, qui ne parlait pas moins à son
cœur qu'à ses yeux. Ce poète, ce rêveur, c'était moi. Où ? quand se
passe mon récit ? qu'importe !
Donc, j'écoutais, je regardais, ému et pénétré par le charme profond de la grande solitude ; tout à coup, je vis surgir une femme, debout sur le point culminant du rocher ; elle était grande, brune, pâle. Ses longs cheveux noirs flottaient sur sa robe blanche ; elle regardait droit devant elle, avec une étrange fixité. Je m'étais levé, transporté d'admiration, car cette femme, fleurissant tout à coup sur ce rocher, me semblait être la rêverie elle-même, la divine rêverie, que si souvent j'avais évoquée avec d'étranges transports. Je m'approchai ; elle, sans bouger, tendit son bras nu et superbe vers la mer, et comme inspirée, elle chanta d'une voix douce et plaintive. Je l'écoutais, saisi d'une mortelle tristesse, et je répétais mentalement les strophes qui coulaient de ses lèvres, comme d'une source vive. Alors elle se tourna vers moi, et je fus comme enveloppé dans l'ombre de sa blanche draperie.
Ami, dit-elle, écoute-moi ; moins profonde est la mer aux flots changeants ; moins durs sont les rochers que ne l'est l'amour, le cruel amour qui déchire un cœur de poète ; n'écoute pas sa voix qui emprunte toutes les séductions du flot, de l'air, du soleil, pour étreindre, pénétrer et brûler son âme qui tremble et désire souffrir du mal d'amour. Ainsi elle disait ; je l'écoutais et je sentais mon cœur se fondre dans un enivrement divin ; j'aurais voulu m'anéantir dans le souffle pur qui sortait de sa bouche.
Non, reprit-elle, ami, ne lutte pas contre le génie qui te possède ; laisse-toi emporter sur ses ailes de feu dans les radieuses sphères ; oublie, oublie la passion qui te fera ramper, toi, aigle, destiné aux cimes élevées ; écoute les voix qui t'appellent aux célestes concerts ; prends ton vol, oiseau sublime ; le génie est solitaire ; marqué de son sceau divin, tu ne peux devenir l'esclave d'une femme.
Elle disait, et l'ombre s'avançait, et la mer, de verte devenait noire, et le ciel s'assombrissait et les rochers se profilaient sinistres. Elle, plus radieuse encore, semblait se couronner des étoiles qui allumaient leurs feux scintillants, et sa robe, blanche comme l'écume qui fouettait la grève, se déroulait en plis immenses. - Ne me quitte pas, lui dis-je enfin ; emporte-moi dans tes bras ; laisse tes noirs cheveux servir de liens qui me retiendront captif ; laisse moi vivre dans ton rayon, ou mourir dans ton ombre.
Viens donc, reprit-elle d'une voix distincte, mais qui semblait éloignée ; viens, puisque tu préfères la rêverie qui endort le génie, au génie qui éclaire les hommes ; viens, je ne te quitterai plus, et tous deux atteints d'une mortelle blessure, nous passerons enlacés comme le groupe du Dante ; ne crains pas que je t'abandonne, ô mon poète ! La rêverie te sacre pour le malheur et pour le dédain des hommes, qui ne béniront tes chants que lorsqu'ils ne seront plus irrités par l'éclat de ton génie.
Et alors, je sentis une puissante étreinte qui m'enlevait du sol ; je ne vis plus que les vêtements blancs qui m'enveloppaient comme une auréole, et je fus consumé par la possession de la rêverie, qui, à jamais, me séparait des hommes.
Alfred de Musset.
Donc, j'écoutais, je regardais, ému et pénétré par le charme profond de la grande solitude ; tout à coup, je vis surgir une femme, debout sur le point culminant du rocher ; elle était grande, brune, pâle. Ses longs cheveux noirs flottaient sur sa robe blanche ; elle regardait droit devant elle, avec une étrange fixité. Je m'étais levé, transporté d'admiration, car cette femme, fleurissant tout à coup sur ce rocher, me semblait être la rêverie elle-même, la divine rêverie, que si souvent j'avais évoquée avec d'étranges transports. Je m'approchai ; elle, sans bouger, tendit son bras nu et superbe vers la mer, et comme inspirée, elle chanta d'une voix douce et plaintive. Je l'écoutais, saisi d'une mortelle tristesse, et je répétais mentalement les strophes qui coulaient de ses lèvres, comme d'une source vive. Alors elle se tourna vers moi, et je fus comme enveloppé dans l'ombre de sa blanche draperie.
Ami, dit-elle, écoute-moi ; moins profonde est la mer aux flots changeants ; moins durs sont les rochers que ne l'est l'amour, le cruel amour qui déchire un cœur de poète ; n'écoute pas sa voix qui emprunte toutes les séductions du flot, de l'air, du soleil, pour étreindre, pénétrer et brûler son âme qui tremble et désire souffrir du mal d'amour. Ainsi elle disait ; je l'écoutais et je sentais mon cœur se fondre dans un enivrement divin ; j'aurais voulu m'anéantir dans le souffle pur qui sortait de sa bouche.
Non, reprit-elle, ami, ne lutte pas contre le génie qui te possède ; laisse-toi emporter sur ses ailes de feu dans les radieuses sphères ; oublie, oublie la passion qui te fera ramper, toi, aigle, destiné aux cimes élevées ; écoute les voix qui t'appellent aux célestes concerts ; prends ton vol, oiseau sublime ; le génie est solitaire ; marqué de son sceau divin, tu ne peux devenir l'esclave d'une femme.
Elle disait, et l'ombre s'avançait, et la mer, de verte devenait noire, et le ciel s'assombrissait et les rochers se profilaient sinistres. Elle, plus radieuse encore, semblait se couronner des étoiles qui allumaient leurs feux scintillants, et sa robe, blanche comme l'écume qui fouettait la grève, se déroulait en plis immenses. - Ne me quitte pas, lui dis-je enfin ; emporte-moi dans tes bras ; laisse tes noirs cheveux servir de liens qui me retiendront captif ; laisse moi vivre dans ton rayon, ou mourir dans ton ombre.
Viens donc, reprit-elle d'une voix distincte, mais qui semblait éloignée ; viens, puisque tu préfères la rêverie qui endort le génie, au génie qui éclaire les hommes ; viens, je ne te quitterai plus, et tous deux atteints d'une mortelle blessure, nous passerons enlacés comme le groupe du Dante ; ne crains pas que je t'abandonne, ô mon poète ! La rêverie te sacre pour le malheur et pour le dédain des hommes, qui ne béniront tes chants que lorsqu'ils ne seront plus irrités par l'éclat de ton génie.
Et alors, je sentis une puissante étreinte qui m'enlevait du sol ; je ne vis plus que les vêtements blancs qui m'enveloppaient comme une auréole, et je fus consumé par la possession de la rêverie, qui, à jamais, me séparait des hommes.
Alfred de Musset.
Sur les travaux de la société
Je vous parlerai de la nécessité, dans vos séances, d'observer la plus
grande régularité ; c'est-à-dire d'éviter toute confusion, toute
divergence dans les idées. La divergence favorise la substitution des
mauvais Esprits aux bons, et presque toujours ce sont les premiers qui
s'emparent des questions proposées. D'autre part, dans une réunion
composée d'éléments divers et inconnus les uns aux autres, comment
éviter les idées contradictoires, la distraction ou pis encore : une
vague et railleuse indifférence ? Ce moyen, je voudrais le trouver
efficace et certain. Peut-être est-il dans la concentration des fluides
épars autour des médiums. Eux seuls, mais surtout ceux qui sont aimés,
retiennent les bons Esprits dans l'assemblée ; mais leur influence
suffit à peine à dissiper la tourbe des Esprits follets. Le travail de
l'examen des communications est excellent ; on ne saurait trop
approfondir les questions et surtout les réponses ; l'erreur est facile,
même pour les Esprits animés des meilleures intentions ; la lenteur de
l'écriture, pendant laquelle l'Esprit se détourne du sujet qu'il épuise
aussitôt qu'il l'a conçu ; la mobilité et l'indifférence pour certaines
formes convenues, toutes ces raisons et bien d'autres, vous font un
devoir de n'apporter qu'une confiance limitée, et toujours subordonnée à
l'examen, même quand il s'agit des communications les plus
authentiques.
Sur ce, que Dieu prenne tous les vrais Spirites sous sa sainte garde.
Georges (Esprit familier).
Sur ce, que Dieu prenne tous les vrais Spirites sous sa sainte garde.
Georges (Esprit familier).