REVUE SPIRITE - JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1860

Allan Kardec

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Mars

Bulletin de la société parisienne des études spirites

Vendredi 27 janvier 1859.
(Séance générale.)



Le procès-verbal de la séance du 20 janvier est lu et adopté.

Dépôt d'une lettre en demande d'admission. Renvoi pour lecture, examen et rapport, à la prochaine séance particulière.

Communications diverses. 1° lettre de M. Hinderson Mackensie, de Londres, membre de la société royale des antiquaires, qui donne des détails du plus haut intérêt sur l'emploi des globes de cristal ou métalliques comme moyen d'obtenir des communications spirites. C'est celui dont il fait usage, à l'aide d'un médium voyant spécial, d'après le conseil d'un de ses amis qui a fait à ce sujet, depuis trente-cinq ans, les expériences les plus complètes et les plus concluantes. Le médium voit, dans cette espèce de miroir, les réponses écrites aux questions proposées, et l'on obtient ainsi des communications très développées et si rapides qu'il est souvent difficile de suivre le médium.

2° lecture d'un article du siècle du 22 janvier 1860 dans lequel on remarque le passage suivant : « les tables parlaient, tournaient et dansaient longtemps avant l'existence de la secte américaine qui prétend leur avoir donné naissance. Ce bal des tables était déjà célèbre à Rome dans les premiers siècles de notre ère, et voici comment, dans le chapitre XXIII de l'apologétique, s'exprimait Tertullien en parlant des médiums de son temps : « s'il est donné à des magiciens de faire apparaître des fantômes, d'évoquer les âmes des morts, de forcer la bouche des enfants à rendre des oracles ; si ces charlatans imitent un grand nombre de miracles qui semblent dus aux cercles et aux chaînes que des personnes forment entre elles, s'ils envoient des songes, s'ils font des conjurations, s'ils ont à leurs ordres des esprits mensongers et des démons par la vertu desquels, les chaises et les tables qui prophétisent sont un fait vulgaire, etc. »

On fait remarquer à ce sujet que jamais les spirites modernes n'ont prétendu avoir découvert ni inventé les manifestations ; ils ont, au contraire, constamment proclamé l'ancienneté et l'universalité des phénomènes spirites, et cette ancienneté même est un argument en faveur de la doctrine, en démontrant qu'elle a son principe dans la nature, et qu'elle n'est pas le fait d'une combinaison systématique. Ceux qui prétendent lui opposer cette circonstance prouvent qu'ils en parlent sans en connaître le premier mot, autrement ils sauraient que le spiritisme moderne s'appuie sur ce fait incontestable qu'on le retrouve dans tous les temps et chez tous les peuples.

Etudes. 1° questions sur le phénomène des globes métalliques ou de cristal comme moyen d'obtenir des communications. Il est répondu que : « la théorie de ce phénomène ne peut encore être expliquée ; qu'il manque pour la comprendre certaines connaissances préalables qui naîtront d'elles-mêmes et découleront d'observations ultérieures. Elle sera donnée en temps opportun. »

2° nouvelle évocation d'Urbain Grandier qui confirme et complète certains faits historiques, et donne en outre sur la planète de saturne des explications qui viennent à l'appui de ce qui a déjà été dit à ce sujet.

3° deux dictées spontanées sont obtenues simultanément ; la 1° d'Abeilard, par M. Rose, la 2° de jean le baptiseur, par M. Colin.

Ayant ensuite demandé qu'un des esprits souffrants qui ont réclamé le secours des prières veuille bien se communiquer spontanément, un des médiums écrit ce qui suit : « puissiez-vous être bénis d'avoir consenti à prier pour l'être immonde et inutile que vous avez appelé, et qui s'est montré encore si honteusement attaché à ses misérables richesses. Recevez les sincères remerciements du père Crépin. »



Vendredi 3 février 1860.
(Séance particulière.)



Le procès-verbal de la séance du 27 janvier est adopté. Lecture de la liste nominative des auditeurs ayant assisté à la dernière assemblée générale. Aucun inconvénient n'est signalé dans leur présence.

M. le docteur Gotti, directeur de l'institut homéopathique de gênes (Piémont), est admis comme membre correspondant.

Lecture de deux nouvelles demandes d'admission. - renvoi à la prochaine séance particulière.

Communications diverses. - 1° M. Allan Kardec annonce qu'une dame de ses abonnées de province vient de lui adresser une somme de dix mille francs pour être utilisée au profit du spiritisme.

Cette personne ayant fait un héritage sur lequel elle ne comptait pas, elle veut y faire participer la doctrine spirite, à laquelle elle doit de suprêmes consolations et d'être éclairée sur les véritables conditions de bonheur en cette vie et en l'autre. « Vous m'avez, dit-elle dans sa lettre, fait comprendre le spiritisme en m'en montrant le véritable but ; seul il a pu triompher des doutes et de l'incertitude qui étaient pour moi la source d'inexprimables anxiétés. Je marchais dans la vie comme au hasard, maudissant les pierres que je rencontrais sous mes pas ; maintenant je vois clair autour de moi, devant moi ; l'horizon s'est élargi et je marche avec certitude et confiance vers l'avenir, sans m'inquiéter des épines semées sur ma route. Je désire que cette faible obole vous aide à répandre sur d'autres la bienfaisante lumière qui m'a rendue si heureuse. Employez-la comme vous l'entendrez : je ne veux ni reçu ni contrôle ; la seule chose à laquelle je tiens, c'est à garder le plus strict incognito. »

Je respecterai, ajoute M. Allan Kardec, le voile de modestie dont cette personne veut se couvrir, et m'efforcerai de répondre à ses généreuses intentions. Je ne crois pas pouvoir mieux les remplir qu'en affectant sur cette somme ce qui sera nécessaire pour l'installation de la société dans des conditions plus favorables à ses travaux.

Un membre exprime le regret que l'anonyme gardé par cette personne ne permette pas à la société de lui témoigner directement sa gratitude.

M. Allan Kardec répond que le don n'ayant aucune affectation spéciale déterminée autre que le spiritisme en général, il s'est chargé de ce soin au nom de tous les partisans sérieux du spiritisme. Il insiste sur la qualification de partisans sérieux, attendu qu'on ne peut donner ce nom à ceux qui, ne voyant dans le spiritisme qu'une question de phénomène et d'expérience, ne peuvent en comprendre les hautes conséquences morales, et encore moins en profiter eux-mêmes ou en faire profiter les autres.

2° le président dépose sur le bureau une lettre cachetée remise par M. le docteur Vignal, membre titulaire, et qui ne devra être ouverte qu'à la fin de mars prochain.

3° M. Netz remet un numéro de l'illustration, contenant le récit d'un fait d'apparition. Ce fait sera l'objet d'un examen spécial.

Études. 1° observation à propos des effets de visions dans certains corps, tels que verres, globes de cristal, boules métalliques, etc., dont il a été question dans la dernière séance. M. Allan Kardec pense qu'il faut soigneusement écarter le nom de miroirs magiques donné vulgairement à ces objets ; il propose de les appeler miroirs psychiques. Sur l'avis de plusieurs membres, l'assemblée pense que la désignation de miroirs psychographiques répondrait mieux à la nature du phénomène.

2° évocation de M. le docteur Vignal, qui s'est offert pour une étude sur l'état de l'esprit des personnes vivantes. Il répond avec une parfaite lucidité aux questions qui lui sont adressées. Deux autres esprits, celui de Castelnaudary et celui du docteur Cauvière, se communiquent en même temps par un autre médium, d'où il résulte un échange d'observations très instructives. Les docteurs terminent chacun par une dictée qui porte le cachet des hautes capacités qu'on leur connaît. (Publiée ci-après.)

3° deux autres dictées spontanées sont obtenues : la première de Saint François de Sales, par madame Mallet ; la deuxième, par M. Colin, signée Moïse, Platon, puis Julien.



Vendredi 10 février 1860. (Séance générale.)



Le procès-verbal du 3 février est lu et adopté.

Dépôt d'une lettre en demande d'admission. - renvoi à la prochaine séance particulière.

Lecture des communications obtenues dans la dernière séance.

Communications diverses. - M. Soive transmet la note suivante, et demande si l'on croirait utile d'en faire le sujet d'une évocation. « Le nommé t..., âgé de trente-cinq ans, demeurant boulevard de l'hôpital, était poursuivi par une idée fixe, celle d'avoir involontairement tué un de ses amis dans une rixe. Malgré tout ce qu'on avait fait pour l'en dissuader en lui montrant cet ami vivant, il croyait avoir affaire à son ombre. Tourmenté par ses remords pour un crime imaginaire, il s'est asphyxié. »

L'évocation du sieur t... Sera faite s'il y a lieu.

Etudes. - 1° cinq dictées spontanées sont obtenues simultanément, la première par M. Roze, signée Lamennais ; la deuxième par mademoiselle Eugénie, signée Staël ; la troisième par M. Colin, signée Fourier ; la quatrième par mademoiselle Huet, d'un esprit qui, dit-il, se fera connaître plus tard et annonce une série de communications ; la cinquième par M. Didier fils, signée Charlet.

2° après la lecture de la dictée de Fourier, le président fait observer, pour l'intelligence des personnes étrangères à la société et qui peuvent n'être pas au courant de sa manière de procéder, que cette communication lui semble, à première vue, susceptible de quelques commentaires ; que parmi les esprits qui se manifestent, il y en a de tous les degrés ; que leurs communications sont le reflet de leurs idées personnelles, qui peuvent n'être pas toujours justes ; la société, selon le conseil qui lui a été donné, les reçoit donc comme l'expression d'une opinion individuelle qu'elle se réserve de juger en la soumettant au contrôle de la logique et de la raison. Il est essentiel que l'on sache bien qu'elle n'adopte pas comme vrai tout ce qui vient des esprits ; par ses communications, l'esprit fait connaître ce qu'il est en bien ou en mal, en science ou en ignorance : c'est pour elle un sujet d'étude ; elle en accepte ce qui est bon, et rejette ce qui est mauvais.

3° évocation de mademoiselle Indermuhle, de Berne, sourde-muette de naissance, âgée de trente-deux ans, et vivante. Cette évocation offre un grand intérêt au point de vue moral et scientifique par la sagacité et la précision des réponses qui dénotent en cette personne un esprit déjà avancé.

4° évocation de M.T..., dont il a été parlé plus haut. Il donne des signes d'une grande agitation, et casse plusieurs crayons avant de pouvoir tracer quelques lignes à peine lisibles. Le trouble de ses idées est évident ; il persiste d'abord dans la croyance qu'il a tué son ami, et finit par convenir que ce n'était chez lui qu'une idée fixe ; mais il ajoute que s'il ne l'a pas tué, il en avait la volonté, et que ce n'est que la force qui lui a manqué. - Saint Louis donne quelques explications sur l'état de cet esprit et les conséquences pour lui de son suicide.

Cette évocation sera reprise plus tard, lorsque l'esprit sera plus dégagé.



Vendredi 17 février 1860.
(Séance particulière.)



Le procès-verbal de la séance du 10 février est lu et adopté.

Sont admis comme membres titulaires, sur leur demande écrite, et après procès-verbal :

Madame de Regnez, de Paris ;

M. Indermuhle de Wytenbach, de Berne ;

Madame Lubrat, de Paris.

Lecture de deux nouvelles demandes d'admission. - renvoi à la prochaine séance particulière.

M. Allan Kardec transmet à la société les observations suivantes au sujet de la donation qui lui a été faite :

« Si, dit-il, la donatrice ne réclame, pour ce qui la concerne, aucun compte de l'emploi des fonds, je n'en tiens pas moins, pour ma propre satisfaction, à ce que cet emploi soit soumis à un contrôle. Cette somme formera le premier fonds d'une caisse spéciale, qui n'aura rien de commun avec mes affaires personnelles, et qui sera l'objet d'une comptabilité distincte sous le nom de caisse du spiritisme.

« Cette caisse sera ultérieurement augmentée par les fonds qui pourront lui arriver d'autres sources, et exclusivement affectée aux besoins de la doctrine et au développement des études spirites.

« Un de mes premiers soins sera la création d'une bibliothèque spéciale, et de pourvoir, ainsi que je l'ai dit, à ce qui manque matériellement à la société pour la régularité de ses travaux.

« J’ai prié plusieurs de nos collègues de vouloir bien accepter le contrôle de cette caisse, et de constater, à des époques qui seront ultérieurement déterminées, l'utile emploi des fonds.

« Cette commission est composée de MM. Solichon, Thiry, Levent, Mialhe, Krafzoff, et de madame Parisse. »

Lecture des communications obtenues dans la dernière séance.

La société s'occupe ensuite de l'examen de plusieurs questions administratives.

Les préadamites

Une lettre que nous avons reçue contient le passage suivant :

« l'enseignement qui vous a été donné par les esprits repose, je dois en convenir, sur une morale tout à fait conforme à celle du christ, et même beaucoup plus développée qu'elle ne l'est dans l'évangile, car vous montrez l'application de ce qui, bien souvent, ne s'y trouve qu'en préceptes généraux. Quant à la question de l'existence des esprits et de leurs rapports avec les hommes, elle ne fait pour moi l'objet d'aucun doute ; j'en serais convaincu par le seul témoignage des pères de l'église, si je n'en avais la preuve par ma propre expérience. Je n'élève donc aucune objection à ce sujet ; il n'en est pas de même de certains points de leur doctrine qui sont évidemment contraires au témoignage de l'écriture. Je me bornerai, pour aujourd'hui, à une seule question, celle relative au premier homme. Vous dites qu'Adam n'est ni le premier ni le seul qui ait peuplé la terre. S'il en était ainsi, il faudrait admettre que la bible est une erreur, puisque le point de départ serait controuvé ; voyez un peu à quelles conséquences cela nous conduit ! Cette pensée, je l'avoue, a jeté quelque trouble dans mes idées ; mais comme je suis avant tout pour la vérité, et que la foi ne peut gagner à être bâtie sur une erreur, veuillez, je vous prie, me donner à ce sujet quelques éclaircissements, si vos loisirs vous le permettent ; et si vous pouvez rassurer ma conscience, je vous en serai très reconnaissant. »



Réponse

La question du premier homme dans la personne d'Adam, comme unique souche de l'humanité, n'est point la seule sur laquelle les croyances religieuses aient dû se modifier.

Le mouvement de la terre a paru, à une certaine époque, tellement opposé au texte de l'écriture, qu'il n'est sortes de persécutions dont cette théorie n'ait été le prétexte, et pourtant, on le voit, josué arrêtant le soleil n'a pu empêcher la terre de tourner ; elle tourne malgré les anathèmes, et nul aujourd'hui ne pourrait le contester sans faire tort à sa propre raison.

La bible dit également que le monde fut créé en six jours, et en fixe l'époque à environ 4000 ans avant l'ère chrétienne. Avant cela, la terre n'existait pas, elle a été tirée du néant : le texte est formel ; et voilà que la science positive, inexorable, vient prouver le contraire. La formation du globe est écrite en caractères imprescriptibles dans le monde fossile, et il est prouvé que les six jours de la création sont autant de périodes chacune, peut-être, de plusieurs centaines de milliers d'années. Ceci n'est point un système, une doctrine, une opinion isolée, c'est un fait aussi constant que celui du mouvement de la terre, et que la théologie ne peut se refuser d'admettre ; aussi n'est-ce plus que dans les petites écoles qu'on enseigne que le monde a été fait en six fois vingt-quatre heures, preuve évidente de l'erreur dans laquelle on peut tomber en prenant à la lettre les expressions d'un langage souvent figuré. L'autorité de la bible en a-t-elle reçu une atteinte aux yeux des théologiens ? Nullement, ils se sont rendus à l'évidence, et en ont conclu que le texte pouvait recevoir une interprétation.

La science, fouillant les archives de la terre, a reconnu l'ordre dans lequel les différents êtres vivants ont paru à sa surface ; l'observation ne laisse aucun doute sur les espèces organiques qui appartiennent à chaque période, et cet ordre est d'accord avec celui qui est indiqué dans la genèse, avec cette différence, que cette œuvre, au lieu d'être sortie miraculeusement des mains de dieu en quelques heures, s'est accomplie, toujours par sa volonté, mais selon la loi des forces de la nature, en quelques millions d'années. Dieu en est-il moins grand et moins puissant ? Son œuvre en est-elle moins sublime pour n'avoir pas le prestige de l'instantanéité ? Evidemment non ; il faudrait se faire de la divinité une idée bien mesquine pour ne pas reconnaître sa toute-puissance dans les lois éternelles qu'elle a établies pour régir les mondes.

La science, de même que moïse, place l'homme en dernier dans l'ordre de la création des êtres vivants ; mais moïse place le déluge universel l'an du monde 1654, tandis que la géologie nous montre ce grand cataclysme antérieur à l'apparition de l'homme, attendu que, jusqu'à ce jour, on ne trouve dans les couches primitives aucune trace de sa présence, ni des animaux de la même catégorie au point de vue physique ; mais rien ne prouve que cela soit impossible ; plusieurs découvertes ont déjà jeté des doutes à cet égard ; il se peut donc que, d'un moment à l'autre, on acquière la certitude de cette antériorité de la race humaine. Reste à voir si le cataclysme géologique dont les traces sont par toute la terre est le même que le déluge de Noé ; or, la loi de la durée de formation des couches fossiles ne permet pas de les confondre, le premier remontant peut-être à cent mille ans. Du moment que l'on aura trouvé les traces de l'existence de l'homme avant la grande catastrophe, il demeurera prouvé, ou qu'Adam n'est pas le premier homme, ou que sa création se perd dans la nuit des temps. Contre l'évidence il n'y a pas de raisonnements possibles ; les théologiens devront donc accepter ce fait comme ils ont accepté le mouvement de la terre et les six périodes de la création.

L'existence de l'homme avant le déluge géologique est, il est vrai, encore hypothétique, mais voici qui l'est moins. En admettant que l'homme ait paru pour la première fois sur la terre 4000 ans avant le christ, si 1650 ans plus tard toute la race humaine a été détruite à l'exception d'un seul, il en résulte que le peuplement de la terre ne date que de Noé, c'est-à-dire de 2350 ans avant notre ère. Or, lorsque les hébreux émigrèrent en Egypte, au dix-huitième siècle, ils trouvèrent ce pays très peuplé et déjà fort avancé en civilisation.

L'histoire prouve qu'à cette époque les indes et d'autres contrées étaient également florissantes. Il aurait donc fallu que du quatorzième au dix-huitième siècle, c'est-à-dire dans l'espace de 600 ans, non seulement la postérité d'un seul homme eût pu peupler toutes les immenses contrées alors connues, en supposant que les autres ne le fussent pas, mais que, dans ce court intervalle, l'espèce humaine ait pu s'élever de l'ignorance absolue de l'état primitif au plus haut degré du développement intellectuel, ce qui est contraire à toutes les lois anthropologiques. Tout s'explique, au contraire, en admettant l'antériorité de l'homme, le déluge de Noé comme une catastrophe partielle confondue avec le cataclysme géologique, et Adam, qui vivait il y a 6000 ans, comme ayant peuplé une contrée encore inhabitée. Encore une fois, rien ne saurait prévaloir contre l'évidence des faits ; c'est pourquoi nous croyons prudent de ne pas s'inscrire trop légèrement en faux contre des doctrines qui peuvent, tôt ou tard, comme tant d'autres, donner tort à ceux qui les combattent. Les idées religieuses, loin de perdre, grandissent en marchant avec la science ; c'est le moyen de ne pas donner prise au scepticisme en lui montrant un côté vulnérable.

Que serait-il advenu de la religion si elle se fût roidie contre l'évidence, et si elle eût persisté à frapper d'anathème quiconque n'aurait pas accepté la lettre de l'ecriture ? Il en serait résulté qu'on n'aurait pu être catholique sans croire au mouvement du soleil, aux six jours, aux 6000 ans d'existence de la terre ; comptez donc alors ce qui resterait aujourd'hui de catholiques. Proscrivez-vous aussi celui qui ne prend pas à la lettre l'allégorie de l'arbre et de son fruit, de la côte d'adam, du serpent, etc. ? La religion sera toujours forte quand elle marchera d'accord avec la science, parce qu'elle se ralliera la partie éclairée de la population ; c'est le seul moyen de donner un démenti au préjugé qui la fait regarder, par les gens superficiels, comme l'antagoniste du progrès. Si jamais, ce qu'à dieu ne plaise, elle repoussait l'évidence des faits, elle s'aliénerait les hommes sérieux, et provoquerait au schisme, parce que rien ne saurait prévaloir contre l'évidence. Aussi la haute théologie, qui compte des hommes éminents par le savoir, admet-elle sur beaucoup de points controversés une interprétation conforme à la saine raison. Il est fâcheux seulement qu'elle réserve ses interprétations pour les privilégiés, et qu'elle continue à faire enseigner la lettre dans les écoles ; il en résulte que cette lettre, d'abord acceptée par les enfants, est plus tard rejetée par eux quand vient l'âge du raisonnement ; n'ayant rien pour compensation, ils rejettent tout et augmentent le nombre des incrédules absolus. Ne donnez au contraire à l'enfant que ce que sa raison peut admettre plus tard, et sa raison, en se développant, le fortifiera dans les principes qui lui auront été inculqués. En parlant ainsi nous croyons servir les véritables intérêts de la religion ; elle sera toujours respectée quand on la montrera où elle est réellement, et quand on ne la fera pas consister dans des allégories dont le bon sens ne peut admettre la réalité.


Un médium guérisseur

Mademoiselle Désirée Godu, d'Hennebon (Morbihan)

Nous prions nos lecteurs de vouloir bien se reporter à notre article du mois dernier sur les médiums spéciaux ; on comprendra mieux les renseignements que nous avons à donner sur mademoiselle Désirée Godu, dont la faculté offre un caractère de spécialité des plus remarquables. Depuis huit ans environ, elle a passé successivement par toutes les phases de la médiumnité ; d'abord médium à effets physiques très puissant, elle est devenue alternativement médium voyant, auditif, parlant, écrivain, et finalement toutes ses facultés se sont concentrées sur la guérison des malades qui paraît être sa mission, mission qu'elle remplit avec un dévouement et une abnégation sans bornes. Laissons parler le témoin oculaire, M. Pierre, instituteur à Lorient, qui nous transmet ces détails en réponse aux questions que nous lui avons adressées :

« Mademoiselle désirée Godu, jeune personne de vingt-cinq ans, appartient à une famille très honorable, respectable et respectée de Lorient ; son père est un ancien militaire, chevalier de la légion d'honneur, et sa mère, femme patiente et laborieuse, aide de son mieux sa fille dans sa pénible, mais sublime mission. Voilà près de six ans que cette famille patriarcale fait l'aumône des remèdes prescrits, et souvent de tout ce qui est nécessaire aux pansements, aux riches comme aux pauvres qui s'adressent à elle. Ses rapports avec les esprits ont commencé à l'époque des tables tournantes ; elle habitait alors Lorient, et pendant plusieurs mois on ne parlait que des merveilles opérées par mademoiselle Godu sur les tables, toujours complaisantes et dociles sous ses mains. C'était une faveur d'être admis chez elle aux séances de la table, et n'y allait pas qui voulait ; simple et modeste, elle ne cherchait pas à se mettre en évidence ; cependant, comme bien vous le pensez, la malignité ne l'a pas épargnée.

« Le christ lui-même a été bafoué, quoiqu'il ne fît que du bien et n'enseignât que le bien ; doit-on s'étonner de trouver encore des pharisiens, alors qu'il y a encore des hommes qui ne croient à rien ? C'est le sort de tous ceux qui montrent une supériorité quelconque d'être en butte aux attaques de la médiocrité envieuse et jalouse ; rien ne lui coûte pour renverser celui qui élève sa tête au-dessus du vulgaire, pas même le poison de la calomnie : l'hypocrite démasqué ne pardonne jamais. Mais dieu est juste, et plus l'homme de bien aura été maltraité, plus éclatante sera sa réhabilitation, et plus humiliante sera la honte de ses ennemis : la postérité le vengera.

« En attendant sa vraie mission qui doit, dit-on, commencer dans deux ans, l'esprit qui la guide lui proposa celle de guérir toutes sortes de maladies, ce qu'elle a accepté. Pour se communiquer, il se sert maintenant de ses organes, et souvent malgré elle, au lieu du frappement insipide des tables. Quand c'est l'esprit qui parle, le son de la voix n'est plus le même ; les lèvres ne remuent pas.

« Mademoiselle Godu n'a reçu qu'une instruction vulgaire, mais le principal de son éducation ne devait pas être l'œuvre des hommes. Quand elle eut consenti à devenir médium guérisseur, l'esprit procéda méthodiquement à son instruction, sans qu'elle vît autre chose que des mains. Un mystérieux personnage lui mettait sous les yeux des livres, des gravures ou des dessins, et lui expliquait tout l'organisme du corps humain, les propriétés des plantes, les effets de l'électricité, etc. Elle n'est pas somnambule ; personne ne l'endort ; c'est toute éveillée, et bien éveillée, qu'elle pénètre ses malades de son regard ; l'esprit lui indique les remèdes, que le plus souvent elle prépare et applique elle-même, soignant et pansant les plaies les plus dégoûtantes avec le dévouement d'une sœur de charité. On commença par lui donner la composition de certains onguents qui guérissaient en peu de jours les panaris et des plaies de peu de gravité, et cela dans le but de l'habituer peu à peu à voir, sans trop de répugnance, toutes les affreuses et repoussantes misères qui devaient s'étaler sous ses yeux, et mettre la finesse et la délicatesse de ses sens aux plus rudes épreuves. Qu'on ne s'imagine pas trouver en elle un être souffreteux, malingre et chétif ; elle jouit du mens sana in corpore sano dans toute sa plénitude ; loin de soigner ses malades par intermédiaire, c'est elle qui met la main à tout, et elle suffit à tout, grâce à sa robuste constitution. Elle sait inspirer à ses malades une confiance sans bornes, et trouve dans son cœur des consolations pour toutes les douleurs, sous sa main des remèdes pour tous les maux. Elle est d'un caractère naturellement gai et enjoué. Eh bien ! Sa gaieté est contagieuse comme la foi qui l'anime, et agit instantanément sur ses malades. J'en ai vu beaucoup sortir les yeux pleins de larmes, douces larmes d'admiration, de reconnaissance et de joie. Tous les jeudis, jour de marché, et le dimanche depuis six heures du matin jusqu'à cinq ou six heures du soir, la maison ne désemplit pas. Pour elle, travailler, c'est prier, et elle s'en acquitte en conscience. Avant d'avoir à traiter les malades, elle passait des journées entières à confectionner des vêtements pour les pauvres et des trousseaux pour les nouveau-nés, employant les moyens les plus ingénieux pour faire parvenir incognito ses cadeaux à leur destination, de sorte que la main gauche ignorait toujours ce que donnait la main droite. Elle possède un grand nombre de certificats authentiques délivrés par des ecclésiastiques, des autorités et des personnes notables attestant des cures qu'en d'autres temps on eût regardées comme miraculeuses. »

Nous savons, par des personnes dignes de foi, qu'il n'y a rien d'exagéré dans le récit qu'on vient de lire, et nous sommes heureux de pouvoir signaler le digne emploi que mademoiselle godu fait de la faculté exceptionnelle qui lui a été donnée. Nous espérons que ces éloges, que nous nous faisons un plaisir de reproduire dans l'intérêt de l'humanité, n'altéreront point en elle sa modestie, qui double le prix du bien, et qu'elle n'écoutera point les suggestions de l'esprit d'orgueil. L'orgueil est l'écueil d'un grand nombre de médiums, et nous en avons vu beaucoup dont les facultés transcendantes se sont annihilées ou perverties dès qu'ils ont prêté l'oreille à ce démon tentateur. Les meilleures intentions ne garantissent pas de ses embûches, et c'est précisément contre les bons qu'il dresse ses batteries, parce qu'il est satisfait de les faire succomber, et de montrer qu'il est le plus fort ; il se glisse dans le cœur avec tant d'adresse que souvent il y est en plein sans qu'on s'en doute ; aussi l'orgueil est-il le dernier défaut que l'on s'avoue à soi-même, semblable à ces maladies mortelles dont on a le germe latent, et sur la gravité desquelles le malade se fait illusion jusqu'au dernier moment ; c'est pourquoi il est si difficile à déraciner. Dès qu'un médium jouit d'une faculté tant soit peu remarquable, il est recherché, prôné, adulé ; c'est là pour lui une terrible pierre de touche, car il finit par se croire indispensable s'il n'est pas foncièrement simple et modeste. Malheur à lui surtout s'il se persuade qu'il ne peut avoir affaire qu'à de bons esprits ; il lui en coûte de reconnaître qu'il a été abusé, et souvent même il écrit ou entend sa propre condamnation, sa propre censure, sans croire que cela s'adresse à, lui ; or c'est précisément cet aveuglement qui donne prise sur lui ; les esprits trompeurs en profitent pour le fasciner, le dominer, le subjuguer de plus en plus, au point de lui faire prendre pour vraies les choses les plus fausses, et c'est ainsi que se perd en lui le don précieux qu'il n'avait reçu de dieu que pour se rendre utile à ses semblables, parce que les bons esprits se retirent toujours de quiconque écoute de préférence les mauvais. Celui que la providence destine à être mis en évidence le sera par la force des choses, et les esprits sauront bien le tirer de l'obscurité, si cela est utile, tandis qu'il n'y a souvent que déception pour celui que tourmente le besoin de faire parler de lui. Ce que nous savons du caractère de mademoiselle Godu nous donne la ferme confiance qu'elle est au-dessus de ces petites faiblesses, et qu'ainsi elle ne compromettra jamais, comme tant d'autres, la noble mission qu'elle a reçue.



Manifestations physiques spontanées

Le boulanger de Dieppe

Les phénomènes par lesquels les esprits peuvent manifester leur présence sont de deux natures, que l'on désigne par les noms de manifestations physiques et de manifestations intelligentes. Par les premières, les esprits attestent leur action sur la matière ; par les secondes, ils révèlent une pensée plus ou moins élevée, selon le degré de leur épuration. Les unes et les autres peuvent être spontanées ou provoquées. Elles sont provoquées quand elles sont sollicitées par le désir, et obtenues à l'aide des personnes douées d'une aptitude spéciale, autrement dit des médiums. Elles sont spontanées quand elles ont lieu naturellement, sans aucune participation de la volonté, et souvent en l'absence de toute connaissance et même de toute croyance spirite. C'est à cet ordre qu'appartiennent certains phénomènes qui ne peuvent s'expliquer par les causes physiques ordinaires. Il ne faut cependant pas se hâter, ainsi que nous l'avons déjà dit, d'attribuer aux esprits tout ce qui est insolite et tout ce que l'on ne comprend pas. Nous ne saurions trop insister sur ce point, afin de mettre en garde contre les effets de l'imagination, et souvent de la peur. Nous le répétons, quand un phénomène extraordinaire se produit, la première pensée doit être qu'il y a une cause naturelle, parce que c'est la plus fréquente et la plus probable, tels sont surtout les bruits, et même certains mouvements d'objets. Ce qu'il faut faire, dans ce cas, c'est de chercher la cause, et il est plus que probable qu'on en trouvera une fort simple et très vulgaire. Nous le disons encore, le véritable, et pour ainsi dire le seul signe réel de l'intervention des esprits, c'est le caractère intentionnel et intelligent de l'effet produit, alors que l'impossibilité d'une intervention humaine est parfaitement démontrée. Dans ces conditions, raisonnant d'après cet axiome que tout effet a une cause, et que tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente, il demeure évident que, si la cause n'est pas dans les agents ordinaires des effets matériels, elle est en dehors de ces mêmes agents ; que si l'intelligence qui agit n'est pas une intelligence humaine, il faut qu'elle soit en dehors de l'humanité. - il y a donc des intelligences extra-humaines ? - cela paraît probable ; si certaines choses ne sont pas et ne peuvent pas être l'œuvre des hommes, il faut bien qu'elles soient l'œuvre de quelqu'un ; or, si ce quelqu'un n'est pas un homme, il nous semble qu'il faut, de toute nécessité, qu'il soit en dehors de l'humanité ; si on ne le voit pas, il faut qu'il soit invisible. C'est un raisonnement aussi péremptoire et aussi facile à comprendre que celui de M. De la Palisse. - quelles sont alors ces intelligences ? Sont-ce des anges ou des démons ? Et comment des intelligences invisibles peuvent-elles agir sur la matière visible ? - c'est ce que savent parfaitement ceux qui ont approfondi la science spirite, science que l'on n'apprend pas plus que les autres en un clin d'œil, et que nous ne pouvons résumer en quelques lignes. A ceux qui font cette question nous poserons seulement celle-ci : comment votre pensée, qui est immatérielle, fait-elle mouvoir à volonté votre corps qui est matériel ? Nous pensons qu'ils ne doivent pas être embarrassés de résoudre ce problème, et que, s'ils rejettent l'explication donnée par le spiritisme de ce phénomène si vulgaire, c'est qu'ils en ont une autre bien plus logique à y opposer ; mais jusqu'à présent nous ne la connaissons pas.

Venons aux faits qui ont motivé ces observations.

Plusieurs journaux, et entre autres l'opinion nationale du 14 février dernier, et le journal de Rouen du 12 du même mois, rapportent le fait suivant, d'après la vigie de Dieppe. Voici l'article du journal de Rouen :

« La vigie de Dieppe contient la lettre suivante, que lui adresse son correspondant des grandes-ventes. Nous avons déjà signalé, dans notre numéro de vendredi, une partie des faits relatés aujourd'hui dans ce journal ; mais l'émotion excitée dans la commune par ces événements extraordinaires nous engage à donner les nouveaux détails contenus dans cette correspondance.

« Nous nous rions aujourd'hui des histoires plus ou moins fantastiques du bon vieux temps, et, de nos jours, les prétendus sorciers ne sont pas précisément en bien grande vénération. On n'y croit pas plus aux grandes-ventes qu'ailleurs ; mais, cependant, nos vieux préjugés populaires ont encore quelques adeptes parmi nos bons villageois, et la scène vraiment extraordinaire dont nous venons d'être témoin est bien faite pour fortifier leur croyance superstitieuse.

« Hier matin, M. Goubert, un des boulangers de notre bourg, son père, qui lui sert d'ouvrier, et un jeune apprenti de seize à dix-sept ans, allaient commencer leur travail ordinaire, quand ils s'aperçurent que plusieurs objets quittaient spontanément la place qui leur est assignée pour s'élancer dans le pétrin. C'est ainsi qu'ils eurent à débarrasser successivement la farine qu'ils travaillaient de plusieurs morceaux de charbon, de deux poids de différente grosseur, d'une pipe et d'une chandelle. Malgré leur extrême surprise, ils continuèrent leur besogne, et ils en étaient arrivés à tourner leur pain, quand tout à coup un morceau de pâte de deux kilogrammes, s'échappant des mains du jeune mitron, s'élança à une distance de plusieurs mètres. Ce fut là le prélude et comme le signal du plus étrange désordre. Il était alors neuf heures environ, et, jusqu'à midi, il fut positivement impossible de rester dans le four et dans la cave attenante. Tout fut bouleversé, renversé et brisé ; le pain, lancé au milieu de l'atelier avec les planches qui le soutenaient, parmi les débris de toutes sortes, fut complètement perdu ; plus de trente bouteilles pleines de vin se cassèrent successivement, et, pendant que le treuil de la citerne tournait seul avec une vitesse extrême, les braisières, les pelles, les tréteaux et les poids sautaient en l'air et exécutaient des évolutions du plus diabolique effet.

« Vers midi, le vacarme cessa peu à peu, et quelques heures après, quand tout fut rentré dans l'ordre et les ustensiles replacés, le chef de la maison put reprendre ses travaux habituels.

« Ce bizarre événement a causé à M. Goubert une perte de 100 fr. Au moins. »

A ce même récit, l'opinion nationale ajoute les réflexions suivantes :

« Ce serait faire injure à nos lecteurs, en reproduisant cette singulière pièce, que de les inviter à se tenir en garde contre les faits surnaturels qu'elle relate. Voilà, nous le savons parfaitement, une histoire qui n'est pas de notre époque, et qui pourra bien scandaliser plus d'un des doctes lecteurs de la vigie ; mais, tout invraisemblable qu'elle paraît, elle n'en est pas moins vraie, et cent personnes pourraient, au besoin, en certifier l'exactitude. »

Nous avouons ne pas trop comprendre les réflexions du journaliste qui nous semble se contredire ; d'un côté, il dit à ses lecteurs de se tenir en garde contre les faits surnaturels que cette lettre relate, et il termine en disant que « tout invraisemblable que paraisse cette histoire, elle n'en est pas moins vraie, et que cent personnes pourraient, au besoin, la certifier. » de deux choses l'une, ou elle est vraie, ou elle est fausse ; si elle est fausse, tout est dit ; mais si elle est vraie, comme l'atteste l'opinion nationale, le fait révèle une chose assez grave pour mériter d'être traitée un peu moins légèrement. Mettons de côté la question des esprits, et n'y voyons qu'un phénomène physique ; n'est-il pas assez extraordinaire pour mériter l'attention des observateurs sérieux ? Que les savants se mettent donc à l'œuvre, et, fouillant dans les archives de la science, nous en donnent une explication rationnelle, irréfutable, rendant raison de toutes les circonstances. S'ils ne le peuvent pas, il faut bien convenir qu'ils ne connaissent pas tous les secrets de la nature ; et si la science spirite donne seule cette solution, il faudra bien opter entre la théorie qui explique et celle qui n'explique rien.

Lorsque des faits de cette nature sont rapportés, notre premier soin est, avant même de nous enquérir de la réalité, d'examiner s'ils sont ou non possibles, d'après ce que nous connaissons de la théorie des manifestations spirites. Nous en avons cité dont nous avons démontré l'impossibilité absolue, notamment l'histoire que nous avons racontée dans notre numéro de février 1859, d'après le journal des débats, sous le titre de : mon ami Hermann, et à laquelle certains points de la doctrine spirite auraient pu donner une apparence de probabilité. A ce point de vue, les phénomènes qui se sont passés chez le boulanger des environs de Dieppe n'ont rien de plus extraordinaire que beaucoup d'autres qui sont parfaitement avérés et dont la science spirite donne la solution complète. Donc, à nos yeux, si le fait n'était pas vrai, il était possible. Nous avons prié un de nos correspondants de Dieppe, en qui nous avons toute confiance, de vouloir bien s'enquérir de la réalité. Voici ce qu'il nous répond :

« Je puis aujourd'hui vous donner tous les renseignements que vous désirez, m'étant informé à bonne source. Le récit fait dans la vigie est l'exacte vérité ; inutile d'en relater tous les faits. Il paraît que plusieurs hommes de science sont venus d'assez loin pour se rendre compte de ces faits extraordinaires qu'ils n'auront pu expliquer s'ils n'ont aucune notion de la science spirite. Quant aux gens de nos campagnes, ils sont interdits ; les uns disent : ce sont des sorciers ; les autres : c'est parce que le cimetière a été changé de place et qu'on a bâti dessus ; et les plus malins, ceux qui passent parmi les leurs pour tout connaître, surtout s'ils ont été militaires, finissent par dire : ma foi ! Je ne sais pas trop comment cela peut arriver. Inutile de vous dire qu'on ne manque pas de faire dans tout cela une large part au diable. Pour faire comprendre aux gens du peuple tous ces phénomènes, il faudrait entreprendre de les initier à la science spirite vraie ; ce serait le seul moyen de déraciner parmi eux la croyance aux sorciers et toutes les idées superstitieuses qui seront longtemps encore le plus grand obstacle à leur moralisation. »

Nous terminerons par une dernière remarque.

Nous avons entendu des personnes dire qu'elles ne voudraient pas s'occuper de spiritisme dans la crainte d'attirer les esprits, et de provoquer des manifestations du genre de celle que nous venons de rapporter.

Nous ne connaissons pas le boulanger Goubert, mais nous croyons pouvoir affirmer que ni lui, ni son fils, ni son mitron ne se sont jamais occupés des esprits. Il est même à remarquer que les manifestations spontanées se produisent de préférence chez les personnes qui n'ont aucune idée du spiritisme, preuve évidente que les esprits viennent sans être appelés ; nous disons plus, c'est que la connaissance éclairée de cette science est le meilleur moyen de se préserver des esprits importuns, parce qu'elle indique la seule manière rationnelle de les écarter.

Notre correspondant est parfaitement dans le vrai en disant que le spiritisme est un remède contre la superstition. N'est-ce pas, en effet, une idée superstitieuse de croire que ces phénomènes étranges sont dus au déplacement du cimetière ? La superstition ne consiste pas dans la croyance à un fait, quand le fait est avéré ; mais dans la cause irrationnelle attribuée à ce fait. Elle est surtout dans la croyance à de prétendus moyens de divination, à l'effet de certaines pratiques, à la vertu des talismans, aux jours et heures cabalistiques, etc., toutes choses dont le spiritisme démontre l'absurdité et le ridicule.



Etudes sur l'esprit des personnes vivantes

Le docteur Vignal

M. le docteur Vignal, membre titulaire de la société, s'étant offert pour servir à une étude sur une personne vivante, comme cela a eu lieu pour M. le comte de R.., il fut évoqué dans la séance du 3 février 1860.

1. (à Saint Louis.) Pouvons-nous évoquer M. le docteur Vignal ? - r. Sans aucun danger, puisqu'il y est préparé.

2. Evocation. - r. Je suis là ; je l'affirme au nom de dieu, ce que je ne ferais pas si je répondais pour un autre.

3. Quoique vous soyez vivant, jugez-vous nécessaire que l'évocation soit faite au nom de dieu ? - r. Dieu n'existe-t-il pas pour les vivants comme pour les morts ?

4. Nous voyez-vous aussi clairement que lorsque vous assistiez en personne à nos séances ? - r. Mais plutôt plus clairement que moins.

5. A quelle place êtes-vous ici ? - r. Naturellement à la place que nécessite mon action : à la droite et un peu en arrière du médium.

6. Pour venir de Souilly ici, avez-vous eu conscience de l'espace que vous avez franchi ; avez-vous vu le chemin que vous avez parcouru ? - r. Pas plus que la voiture qui m'a amené.

7. Pourrait-on vous offrir un siège ? - r. Vous êtes bien bons ; je ne suis pas si fatigué que vous.

8. Comment constatez-vous votre individualité ici présente ? - r. Comme les autres.

Remarque. Il fait allusion à ce qui a déjà été dit en pareil cas, savoir que l'esprit constate son individualité au moyen de son périsprit qui est pour lui la représentation de son corps.

9. Nous vous serions cependant obligés de nous en donner vous-même l'explication. - r. C'est une répétition que vous me demandez.

10. Puisque vous ne voulez pas répéter ce qui a été dit, c'est que vous pensez de même ? - r. Mais c'est bien clair.

11. Ainsi votre périsprit est pour vous une sorte de corps circonscrit et limité ? - r. C'est puéril ; cela va sans dire.

12. Pouvez-vous voir votre corps dormant ? - r. Pas d'ici ; je l'ai vu en le quittant ; il m'a donné envie de rire.

13. Comment le rapport est-il établi entre votre corps qui est à souilly, et votre esprit qui est ici ? - r. Comme je vous l'ai dit, par un cordon fluidique.


14. Veuillez nous décrire le mieux possible, afin de nous le faire comprendre, la manière dont vous vous voyez, abstraction faite de votre corps. - r. C'est bien facile ; je me vois comme pendant la veille, ou plutôt, la comparaison sera plus juste, comme on se voit soi-même en rêve ; j'ai mon corps, mais j'ai conscience qu'il est autrement organisé et plus léger que l'autre ; je ne ressens pas le poids, la force attractive qui me cloue à la terre pendant la veille ; en un mot, comme je vous l'ai dit, je ne suis pas fatigué.

15. La lumière vous paraît-elle avec la même teinte que dans l'état normal ? - r. Non ; elle est augmentée d'une lumière qui n'est pas accessible à vos sens grossiers ; cependant n'en inférez pas que la sensation que produisent les couleurs sur le nerf optique soit différente pour moi : ce qui est rouge est rouge, et ainsi de suite ; seulement, des objets que je ne verrais pas en état de veille dans l'obscurité, sont lumineux par eux-mêmes, et sont perceptibles pour moi. C'est ainsi que l'obscurité n'existe pas absolument pour l'esprit, bien qu'il puisse établir une différence entre ce qui, pour vous, est éclairé et ce qui ne l'est pas.

16. Votre vue est-elle indéfinie, ou bornée à l'objet sur lequel vous portez votre attention ? - elle n'est ni l'un ni l'autre. Je ne sais pas absolument ce qu'elle peut éprouver de modifications pour l'esprit entièrement dégagé ; mais, pour moi, je sais que les objets matériels sont perceptibles dans leur intérieur ; que ma vue les traverse ; cependant je ne pourrais voir partout et au loin.

17. Voudriez-vous vous prêter à une petite expérience d'épreuve qui n'est point motivée par la curiosité, mais par le désir de nous instruire ? - r. Pas le moins du monde ; cela m'est expressément défendu.

18. C'eût été de lire vous-même la question qu'on vient de me faire passer, et d'y répondre sans que j'aie besoin de l'articuler ? - r. Je le pourrais, mais, je vous le répète, cela m'est interdit.

19. Comment avez-vous conscience de la défense qui vous est faite ? - r. Par la communication de la pensée de l'esprit qui me l'interdit.

20. Eh bien ! Voici cette question. Vous voyez-vous dans une glace ? - r. Non. Que voyez-vous dans une glace ? Le reflet d'un objet matériel ; je ne suis pas matériel et ne puis produire le reflet qu'à l'aide de l'opération qui rend le périsprit tangible.

21. Ainsi un esprit qui se trouverait dans les conditions d'un agénère, par exemple, pourrait se voir dans une glace. - r. Certainement.

22. Pourriez-vous en ce moment juger de la santé ou de la maladie d'une personne aussi sainement que dans votre état normal. - r. Plus sainement.

23. Pourriez-vous donner une consultation si quelqu'un vous en demandait une ? - r. Je le pourrais, mais je ne veux pas faire concurrence aux somnambules et aux esprits bienfaisants qui les guident. Quand je serai mort, je ne dis pas.

24. L'état où vous êtes maintenant est-il identique à celui où vous serez quand vous serez mort ? - r. Non ; j'aurai certaines perceptions beaucoup plus précises ; n'oubliez pas que je suis encore lié à la matière.

25. Votre corps pourrait-il mourir pendant que vous êtes ici, sans que vous vous en doutiez ? - r. Non ; on mourrait comme cela tous les jours.

26. Cela se conçoit pour une mort naturelle, toujours précédée de quelques symptômes ; mais supposons que quelqu'un vous frappe et vous tue instantanément, comment le sauriez-vous ? - r. Je serais prêt à recevoir le coup avant que le bras ne fût abaissé.

27. Quelle nécessité y aurait-il à ce que votre esprit retournât vers votre corps, puisqu'il n'y aurait plus rien à faire ? - c'est une loi très sage, sans quoi, une fois sorti, on hésiterait souvent si bien à y rentrer qu'on en ferait un prétexte pour se suicider... Hypocritement.

28. Supposons que votre esprit ne soit pas ici, mais chez vous, à se promener, pendant que le corps est endormi, vous devriez voir tout ce qui s'y passe ? - r. Oui.

29. Dans ce cas supposons qu'il s'y commette une mauvaise action quelconque, de la part de quelqu'un des vôtres ou d'un étranger, vous en seriez donc témoin ? - r. Sans doute, mais pas toujours libre de m'y opposer ; cependant cela arrive plus souvent que vous ne croyez.

30. Quelle impression la vue de cette mauvaise action vous ferait-elle ; en seriez-vous aussi affecté que si vous en étiez témoin oculaire ? - r. Quelquefois plus, quelquefois moins, selon les circonstances.

31. Eprouveriez-vous le désir de vous en venger ? - r. Me venger, non ; empêcher, oui.

Remarque. Il résulte de ce qui vient d'être dit, et, du reste, c'est la conséquence de ce que nous savons déjà, que l'esprit d'une personne qui dort sait parfaitement ce qui se passe autour d'elle ; et que celui qui voudrait profiter de son sommeil pour commettre une mauvaise action à son préjudice, se trompe lorsqu'il croit n'en être pas vu. Il ne devrait même pas toujours compter sur l'oubli qui suit le réveil, car la personne peut en garder une intuition assez forte quelquefois pour lui inspirer des soupçons. Les rêves à pressentiment ne sont autre chose qu'un souvenir plus précis de ce qu'on a vu. C'est encore là une des conséquences morales du spiritisme ; en donnant la conviction de ce phénomène, il peut être un frein pour beaucoup de gens. Voici un fait qui vient à l'appui de cette vérité. Une personne reçut un jour une lettre sans signature et fort désobligeante ; elle se creusait inutilement la tête pour en découvrir l'auteur. Il faut croire que pendant la nuit elle apprit ce qu'elle désirait savoir, car le lendemain, à son réveil, et sans qu'il y ait eu rêve, sa pensée se porta sur quelqu'un qu'elle n'avait pas soupçonné, et après vérification, elle acquit la certitude qu'elle ne s'était pas trompée.


32. Revenons à vos sensations et à vos perceptions. Par où voyez-vous ? - r. Par tout mon être.

33. Percevez-vous les sons et par où ? - r. C'est la même chose ; puisque la perception est transmise à l'esprit enfermé par ses organes imparfaits, il doit être clair pour vous qu'il ressent, lorsqu'il est libre, des perceptions nombreuses qui vous échappent.

34. (on frappe sur un timbre.) Entendez-vous parfaitement ce son là ? - plus que vous.

35. Si l'on vous faisait entendre une musique discordante, en éprouveriez-vous une sensation pareille à celle que vous en ressentiriez dans l'état de veille ? - je n'ai pas dit que les sensations fussent analogues ; il y a une différence ; mais il y a perception beaucoup plus complète.

36. Percevez-vous les odeurs ? - r. Sans doute ; toujours de la même manière.

Remarque. On pourrait dire, d'après cela, que la matière qui enveloppe l'esprit est une sorte d'étouffoir qui amortit l'acuité de la perception. L'esprit dégagé, recevant cette perception sans intermédiaire, peut saisir des nuances qui échappent à celui à qui elle arrive en passant par un milieu plus dense que le périsprit. On conçoit, dès lors, que les esprits souffrants puissent avoir des douleurs qui, pour n'être pas physiques, à notre point de vue, sont plus poignantes que les douleurs corporelles, et que les esprits heureux ont des jouissances dont nos sensations ne peuvent nous donner une idée.

37. Si vous aviez devant vous des mets appétissants, éprouveriez-vous le désir d'en manger ? - r. Le désir serait une distraction.

38. Supposons qu'à ce moment, tandis que votre esprit est ici, votre corps ait faim, quel effet la vue de ces mets produirait-elle sur vous ? - r. Cela me ferait partir pour satisfaire un besoin irrésistible.

39. Pourriez-vous nous faire comprendre ce qui se passe en vous quand vous quittez votre corps pour venir ici, ou quand vous nous quittez pour rentrer dans votre corps ? Comment apercevez-vous que vous y êtes ? - r. Cela me serait bien difficile ; j'y rentre comme j'en sors, sans m'en apercevoir, ou pour mieux dire, sans me rendre compte de la manière dont s'opère ce phénomène. Cependant ne croyez pas que, lorsque l'esprit rentre dans le corps, il y soit enfermé comme dans sa chambre ; il rayonne sans cesse au dehors, de telle sorte qu'on peut dire qu'il est plus souvent dehors que dedans ; seulement l'union est plus intime, et les liens sont plus resserrés.

40. Voyez-vous d'autres esprits ? - r. Ceux que l'on veut bien que je voie.

41. Comment les voyez-vous ? - r. Comme moi-même.

42. En voyez-vous ici autour de nous ? - r. En foule.

43. Evocation de Charles Dupont (esprit de Castelnaudary). - r. Je me rends à votre appel.

44. (au même.) Etes-vous plus tranquille aujourd'hui que la dernière fois que nous vous avons appelé ? - r. Oui ; je progresse dans le bien.

45. Comprenez-vous maintenant que vos peines ne dureront pas toujours ? - r. Oui.

46. Entrevoyez-vous la fin de vos peines ? - r. Non ; dieu, pour ma punition, ne me permet pas de voir ce but.

47. (à M. Vignal.) Voyez-vous l'esprit qui vient de nous répondre ? - r. Oui ; il n'est pas beau.

48. Veuillez le dépeindre ? - r. Je le vois comme il a été vu, à la différence près qu'il n'y a plus ni sang ni poignard, et que sa physionomie respire plutôt la tristesse que l'hébétement féroce qu'elle présentait à sa première apparition.

49. Eveillé, avez-vous connaissance du portrait qui a été fait de cet esprit ? - r. Oui, et de plus je suis renseigné.

50. A quoi reconnaissez-vous, en voyant un esprit, si son corps est mort ou vivant ? - r. A son cordon fluidique.

51. Comment jugez-vous le moral de celui-ci ? - son moral a dû être bien triste ; mais il s'améliore.

52. (à Charles Dupont.) Vous entendez ce qu'on dit de vous ; cela doit vous encourager à persévérer dans la voie de progrès où vous êtes entré. - r. Merci ; c'est ce que je tâche de faire.


53. Voyez-vous l'esprit du docteur avec lequel nous nous entretenons ? - r. Oui.

54. Comment le voyez-vous ? - r. Je le vois avec une enveloppe moins transparente que celle des autres esprits.

55. Comment jugez-vous qu'il est encore vivant ? - r. Les esprits ordinaires sont sans forme apparente ; celui-ci a comme une forme humaine ; il est enveloppé d'une matière semblable à un nuage qui répète sa forme humaine terrestre ; l'esprit des morts n'a plus cette enveloppe : il en est dégagé.

56. (à M. Vignal). Si nous évoquions un fou, le reconnaîtriez-vous et à quoi ? - r. Je ne le reconnaîtrais pas si sa folie était récente, car elle n'aurait eu aucune action sur l'esprit ; mais s'il était aliéné depuis longtemps, la matière aurait pu avoir une certaine influence sur lui, ce dont il donnerait quelques signes qui me serviraient à le reconnaître comme pendant la veille.

57. Pouvez-vous nous décrire les causes de la folie ? - r. Ce n'est autre chose qu'une altération, une perversion des organes qui ne reçoivent plus les impressions d'une manière régulière, et transmettent des sensations fausses, et par cela même accomplissent des actes diamétralement opposés à la volonté de l'esprit.

Remarque. Il arrive souvent que certaines personnes, dont l'esprit est parfaitement sain, ont dans les membres ou autres parties du corps, des mouvements involontaires et indépendants de leur volonté, comme par exemple ceux que l'on désigne sous le nom de tics nerveux. On comprend que si l'altération, au lieu d'être dans le bras ou dans les muscles de la face, était dans le cerveau, l'émission des idées en souffrirait ; l'impuissance de diriger ou de maîtriser cette émission constitue la folie.

58. Après la dernière réponse de M. Vignal, le médium qui servait d'interprète à Charles Dupont écrit spontanément : on reconnaît ces esprits (ceux des fous) à leur arrivée parmi nous, en ce qu'ils tournent dans tous les sens sans avoir une idée fixe ni de dieu, ni des prières ; il leur faut du temps pour pouvoir se fixer.

Signé Cauviere.

Personne n'ayant songé à appeler cet esprit, M. Belliol demande si ce serait celui du docteur Cauvière, de Marseille, dont il a été jadis l'élève. - r. Oui, c'est moi, mort il y a un an et demi.

Remarque. M. Belliol reconnaît la signature pour être celle du docteur Cauvière ; plus tard on put la comparer à une signature originale, et constater la parfaite similitude de l'écriture et du paraphe.

59. (à M. Cauvière.) Qu'est-ce qui nous a procuré l'avantage de votre visite inattendue ? - r. Ce n'est pas la première fois que je viens parmi vous ; aujourd'hui j'ai trouvé une occasion favorable pour me communiquer, et j'en ai profité.

60. Voyez-vous votre confrère le docteur Vignal qui est ici en esprit ? - r. Oui, je le vois.

61. A quoi reconnaissez-vous qu'il est encore vivant ? - r. A son enveloppe moins transparente que la nôtre.

62. Cette réponse concorde avec celles que Charles Dupont vient de nous donner et qui nous ont paru dépasser la portée de son intelligence ; est-ce vous qui les lui auriez dictées ? - r. Je pouvais bien l'influencer, puisque j'étais là.

63. Dans quel état êtes-vous comme esprit ? - je ne suis pas encore réincarné, mais je suis un esprit avancé, et cependant j'étais loin, sur terre, de croire à ce que vous appelez le spiritualisme ; il a fallu que je fasse mon éducation ici où je suis ; mais mon intelligence perfectionnée par l'étude y est arrivée tout de suite.

64. Nous allons, si vous le voulez bien, vous adresser une question préparée pour M. Vignal, et nous vous prierons de vouloir bien y répondre chacun de votre côté à l'aide de vos interprètes particuliers. Comment envisagez-vous maintenant la différence entre l'esprit des animaux et celui de l'homme ? - rép. De M. Vignal. Il ne m'est pas beaucoup plus facile de le faire qu'en état de veille ; ma pensée actuelle est que l'esprit animal dort, est engourdi moralement, et que chez l'homme, à son début, il s'éveille péniblement.

Rép. De M. Cauvière. - l'esprit de l'homme est appelé à une plus grande perfection que celui des animaux ; la différence en est sensible par la raison que, chez ces derniers, il n'existe encore qu'à l'état d'instinct ; plus tard cet instinct peut se perfectionner.

65. Peut-il se perfectionner au point de devenir un esprit humain ? - r. Il le peut, mais après avoir passé par bien des existences d'animaux, soit dans notre planète terrestre, soit dans d'autres.

66. Veuillez être assez bons l'un et l'autre pour nous dicter, chacun de votre côté, une petite allocution spontanée sur un sujet à votre choix.


Dictée de M. Cauvière

Mes bons amis, je suis si heureux de pouvoir un peu causer avec vous que je veux vous donner un conseil, non à vous particulièrement qui êtes croyants, mais à ceux dont la foi est encore chancelante, ou qui ne l'ont pas encore et la repoussent. Que ne puis-je voir ici tous mes confrères vivants, qui ne croiraient pas à moi, il est vrai ; cependant je leur dirais que, de mon vivant, j'ai repoussé hautement la vérité quoique je la sentisse au de fond mon cœur. La plupart d'entre eux font comme moi : par un faux amour-propre, ils ne veulent pas convenir de ce qu'ils éprouvent parfois ; ils ont tort, car l'indécision fait souffrir sur la terre, surtout au moment de la quitter. Instruisez-vous donc ; soyez de bonne foi ; vous serez plus heureux de votre vivant ainsi que dans le monde où je suis maintenant. Si vous le voulez bien, je viendrai causer quelquefois avec vous.

Cauvière.

Dictée de M. Vignal

A quoi bon l'astronomie, et que nous importe le temps que mettra un boulet de canon à parcourir la distance qui existe entre la terre et le soleil ? Ainsi raisonnent de fort honnêtes gens qui ne voient d'autre résultat dans les sciences que l'application qui peut en être faite à l'industrie ou à leur bien-être ; mais sans l'astronomie, quelle raison auriez-vous d'adopter plutôt l'admirable système qui nous est développé que tel ou tel autre mis au jour autour de nous par des esprits ignorants ou jaloux ?

Si la terre était, comme on l'a cru si longtemps, le point central de l'univers ; si les nombreux soleils qui peuplent l'espace n'étaient que de simples points brillants fixés à une voûte de cristal, quelle raison auriez-vous d'admettre le passé et l'avenir de l'esprit ? L'astronomie, au contraire, vient nous démontrer que la vie planétaire qui circule autour de notre soleil, est réfléchie autour de tous ceux qui composent la nébuleuse dont notre monde fait partie ; que toutes ces planètes sont organisées d'une manière différente les unes des autres, et que, par conséquent, les conditions de la vie n'y sont pas les mêmes. Vous êtes alors conduits à vous demander, si dieu crée instantanément et pour chaque corps spécialement l'esprit qui doit l'animer, pour quelle raison il aurait jugé juste de le créer ici plutôt que là, plutôt sur la terre que dans un autre monde, et plutôt dans une condition que dans une autre.

Une logique inflexible vous conduit donc à admettre comme l'expression de la plus grande vérité, l'habitabilité des mondes, la préexistence des âmes et la réincarnation.

L'astronomie est donc utile, puisqu'elle vous met en mesure de recevoir l'ébauche des sublimes vérités qui se développeront pour vous à la suite des progrès que fera le spiritisme et la science elle-même ; car, aidée de l'industrie, elle est appelée à vous faire découvrir bien d'autres merveilles que celles que vous n'aurez fait qu'entrevoir : dorénavant l'astronomie et la théologie sont sœurs et vont marcher en se donnant la main.


Vignal, par arago.

Mademoiselle Indermuhle
Sourde-muette de naissance, âgée de trente-deux ans, vivante, demeurant à Berne
Séance du 10 février 1860


1. (à Saint Louis.) Pouvons-nous entrer en communication avec l'esprit de mademoiselle Indermuhle ? - r. Vous le pouvez.

2. Evocation. - je suis là, je l'affirme au nom de dieu.

3. (à Saint Louis.) Veuillez nous dire si l'esprit qui répond est bien celui de mademoiselle Indermuhle ? - r. Je puis vous l'affirmer et je vous l'affirme ; mais en êtes-vous plus avancés, et croyez-vous que, s'il est utile qu'un autre réponde à sa place, cela soit embarrassant ? L'affirmation vous prouve qu'elle est là ; c'est à vous de vous assurer une bonne communication par la nature et le mobile de vos questions.

3. Savez-vous bien où vous êtes en ce moment ? - r. Parfaitement ; croyez-vous que je n'en aie pas été instruite ?

4. Comment se fait-il que vous puissiez nous répondre ici, tandis que votre corps est en suisse ? - r. Parce que ce n'est pas mon corps qui vous répond ; il en est du reste parfaitement incapable, vous le savez.

5. Que fait votre corps en ce moment ? - r. Il sommeille.

6. Est-il en bonne santé ? - r. Excellente.

Remarque. Le frère de mademoiselle Indermuhle, qui est présent, confirme qu'en effet elle est en bonne santé.

7. Combien avez-vous mis de temps pour venir de la Suisse jusqu'ici ? - un temps inappréciable pour vous.

8. Avez-vous vu le chemin que vous avez parcouru pour venir ici ? - r. Non.

9. Etes-vous surprise de vous trouver dans cette réunion ? - ma première réponse vous prouve que non.

10. Qu'arriverait-il si votre corps venait à se réveiller pendant que vous nous parlez ? - j'y serais.

11. Y a-t-il entre votre esprit qui est ici, et votre corps qui est là-bas, un lien quelconque ? - r. Oui, sans cela qui m'avertirait que je dois y rentrer ?

12. Nous voyez-vous bien distinctement ? - oui, parfaitement.

13. Comprenez-vous que vous puissiez nous voir, et que nous ne puissions pas vous voir ? - mais sans doute.

14. Entendez-vous le bruit que je fais en ce moment en frappant ? - je ne suis pas sourde ici.

15. Comment vous en rendez-vous compte, puisque vous n'avez pas, par comparaison, le souvenir du bruit à l'état de veille ? - r. Je ne suis pas née d'hier.

Remarque. Le souvenir de la sensation du bruit lui vient des existences où elle n'était pas sourde. Cette réponse est parfaitement logique.

16. Entendriez-vous de la musique avec plaisir ? - r. Avec d'autant plus de plaisir que depuis longtemps cela ne m'est arrivé ; chantez-moi donc quelque chose.

17. Nous regrettons de ne pouvoir le faire en ce moment, et qu'il n'y ait pas ici un instrument pour vous procurer ce plaisir ; mais il nous semble que votre esprit se dégageant tous les jours pendant votre sommeil, vous devez vous transporter dans des endroits où vous pouvez entendre de la musique ? - r. Cela m'arrive assez rarement.

18. Comment pouvez-vous nous répondre en français, puisque vous êtes allemande, et que vous ne savez pas notre langue. - r. La pensée n'a pas de langue ; je la communique au guide du médium, qui la traduit dans la langue qui lui est familière.

19. Quel est ce guide dont vous parlez ? - r. Son esprit familier ; c'est toujours ainsi que vous recevez des communications d'esprits étrangers, et c'est ainsi que les esprits parlent toutes les langues.

Remarque. - de cette façon les réponses ne nous arriveraient souvent que de troisième main ; l'esprit interrogé transmet la pensée à l'esprit familier, celui-ci au médium, et le médium la traduit par l'écriture ou la parole ; or, le médium pouvant être assisté par des esprits plus ou moins bons, ceci explique comment, dans beaucoup de circonstances, la pensée de l'esprit interrogé peut être altérée ; aussi Saint Louis a-t-il dit en commençant que la présence de l'esprit évoqué ne suffit pas toujours pour assurer l'intégrité des réponses. C'est à nous de les apprécier, et de juger si elles sont logiques et en rapport avec la nature de l'esprit. Du reste, selon mademoiselle indermuhle, cette triple filière n'aurait lieu que pour les esprits étrangers.

20. Quelle est la cause de l'infirmité dont vous êtes affectée ? - r. Une cause volontaire.

21. Par quelle singularité êtes-vous six frères et sœurs atteints de la même infirmité ? - par les mêmes causes que moi.

22. Ainsi c'est volontairement que tous vous avez choisi cette épreuve ; nous pensons que cette réunion dans une même famille doit avoir eu lieu en vue d'une épreuve pour les parents ; cette raison est-elle bonne ? - r. Elle approche de la vérité.

23. Voyez-vous ici votre frère ? - r. Quelle question !

24. Etes-vous contente de le voir ? - même réponse.

Remarque. - on sait que les esprits n'aiment pas à se répéter ; notre langage est si lent pour eux qu'ils évitent tout ce qui leur paraît inutile. C'est là un point qui caractérise les esprits sérieux ; les esprits légers, moqueurs, obsesseurs et faux savants, sont souvent verbeux et prolixes ; comme les hommes qui manquent de fond, ils parlent pour ne rien dire ; les mots remplacent les pensées, et ils croient en imposer par des phrases redondantes et un style pédantesque.

25. Voudriez-vous lui dire quelque chose ? - r. Je le prie de recevoir l'expression de mes sincères remerciements pour la bonne pensée qu'il a eue de me faire appeler ici où je me trouve très heureusement en contact avec de bons esprits, bien que, cependant, j'en voie qui ne les valent pas à beaucoup près ; j'y aurais gagné en instruction, et je n'oublierai pas que je le lui dois.


Bibliographie
Siamora la druidesse Ou le spiritualisme au quinzième siècle par Clément de la Chave *

Les idées spirites fourmillent chez un grand nombre d'écrivains anciens et modernes, et plus d'un auteur contemporain serait bien étonné si on lui prouvait, par ses propres écrits, qu'il est spirite sans le savoir. Le spiritisme peut donc trouver des arguments dans ses adversaires eux-mêmes, qui semblent avoir été poussés, à leur insu, à lui fournir des armes. Les auteurs sacrés et profanes présentent ainsi un champ ou il n'y a pas seulement à glaner, mais à moissonner à pleines mains ; c'est ce que nous nous proposons de faire quelque jour, et nous verrons alors si les critiques jugent à propos d'envoyer aux petites-maisons ceux qu'ils ont encensés et dont le nom fait à bon droit autorité dans les lettres, les arts, les sciences, la philosophie ou la théologie. L'auteur du petit livre que nous annonçons n'est pas de ceux que l'on peut dire spirites sans le savoir ; c'est, au contraire, un adepte sérieux et éclairé, qui s'est plu à résumer les vérités fondamentales de la doctrine dans un ordre moins aride que la forme didactique, et ayant l'attrait d'un roman semi-historique ; nous y retrouvons en effet le dauphin qui fut plus tard louis xi, et quelques-uns des personnages de son temps, avec la peinture des mœurs de l'époque. Siamora, dernier rejeton des anciennes druidesses, a conservé les traditions du culte de ses ancêtres, mais éclairé par les vérités du christianisme. Nous avons vu, dans un article de la revue du mois d'avril 1858, à quel degré les prêtres de la gaule étaient arrivés touchant la philosophie spirite ; il n'y a donc aucune contradiction à mettre ces mêmes idées dans la bouche de leur descendante ; c'est, au contraire, mettre en évidence une vérité trop peu connue, et sous ce rapport l'auteur a bien mérité des spirites modernes. On en peut juger par les citations suivantes. Edda, jeune novice, dans un moment d'extase, s'adressant à Siamora, s'exprime ainsi :

« Sous la forme de mon bon ange, de mon ange familier, un esprit m'apparaît ; il s'offre pour me guider dans les visions pénibles d'ici-bas. Les hommes, me dit-il, ne sont mauvais que parce qu'ils ont méconnu leur nature spirituelle ; que parce qu'ils ont rejeté cet agent subtil, ce flux divin que dieu avait répandu pour le bonheur des hommes dans la création, et qui en faisait des égaux et des frères. Alors les hommes guérissaient, car faisant appel à cet agent subtil de la création, ils en retiraient un puissant secours. (…)

« C’est à l'heure de la mort que chaque homme m'apparaît ! O tristesse ! O dégoût ! Quel amer désespoir ! Ils ont cessé d'aimer, ces êtres pervers. Siamora, chaque homme en mourant emporte des vertus et des vices. Légère, ou chargée de fautes, leur âme s'élève plus ou moins, car elle a gardé peu ou beaucoup de l'agent subtil, l'amour, cette substance de dieu qui, d'après les affinités, attire à elle les substances semblables et repousse celles qui procèdent d'un principe contraire.

« L’âme de l'homme mauvais reste errante ici-bas, soufflant à tous son essence empestée. Elle a la joie du mal et l'orgueil du vice. Nous l'avons appelée démon ; au ciel elle a nom frère égaré. - mais de tous les cœurs pieux, Siamora, une douce vapeur s'élève, et, malgré elle l'âme-démon parvient à en être saturée ; elle s'y retrempe, y dépouille en partie sa corruption... Alors elle commence à percevoir l'idée de dieu, ce qu'à l'état d'âme elle ne pouvait faire. De même que l'âme emporte avec elle l'image exacte, mais toute spirituelle de son corps, de même il s'y joint cette autre empreinte de ses vices et de ses souillures, et l'âme ainsi épaissie ne peut voir.

« Dans ce monde invisible au-dessus du nôtre, Siamora, où, avec effort, peu à peu je m'élève, des nuages étincelants bornent ma vue ; des milliers d'âmes, esprits célestes, y entrent et en ressortent ; ainsi que des flocons neigeux, abaissés, remontés, égarés, courent, emportés par la fougue capricieuse des vents. Dans leur essence spirituelle, descendent parmi nous les anges, disant à l'un des paroles de paix, insinuant au cœur de l'autre la divine croyance ; inspirant celui-ci dans la recherche de la science ; soufflant à celui-là l'instinct du bon et du beau ; car il a été touché du doigt de dieu, celui qui, dans son art, y a porté le goût des nobles et grandes choses. Tout homme a son egérie, son conseil, son aimant ; elle a été jetée à tous, la corde de sauvetage ; c'est à nous de la saisir. (…)

« Et cet homme mauvais, ou plutôt cette âme-démon, dont les yeux, au contact d'un air pur, ont commencé à s'ouvrir, s'en va pleurant son crime et demandant à souffrir pour l'expier. Seul et privé de secours, que fera-t-il ?

« Un ange de charité s'approche : frère égaré, lui dit-il, rentre avec moi dans la vie : là est l'enfer, là est le lieu de souffrances, où chacun de nous se régénère ; viens, je t'y soutiendrai : tâchons d'y faire un peu de bien, afin que pour toi la balance du bien et du mal finisse par pencher du bon côté.

« C’est ainsi, Siamora, qu'il arrive pour tous les hommes au moment de mourir. Je les vois plus ou moins s'élever dans les cieux, rentrer dans la vie, souffrir de nouveau, s'épurer, mourir encore, et monter sans cesse plus haut dans les espaces célestes ; ils n'atteignent pas encore le ciel du dieu unique, mais de longues pérégrinations à travers d'autres mondes, bien plus merveilleux et plus perfectionnés que celui-ci, parviendront, à force de les épurer, à le leur faire posséder. »

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* Un Vol. in-18, prix 2 fr.; Vannier, Libraire-éditeur, rue Notre-Dame- des-Victoires, n. 52. - 1860.





Dictées spontanées - Le génie des fleurs

Le génie des fleurs

Séance du 23 décembre 1859. Médium, madame de Boyer

Je suis Hettani, un des esprits qui président à la formation des fleurs, à la diversité de leurs parfums ; c'est moi, ou plutôt c'est nous, car nous sommes plusieurs milliers d'esprits, c'est nous qui ornons les champs, les jardins ; qui donnons à l'horticulteur le goût des fleurs ; nous ne saurions lui enseigner la mutilation qu'il leur fait quelquefois subir ; mais nous lui apprenons à varier leurs parfums, à embellir leurs formes déjà si gracieuses. Cependant, c'est surtout sur les fleurs naturellement écloses que se porte toute notre attention ; à celles-là nous prodiguons encore plus de soins : elles sont nos préférées ; comme tout ce qui est seul a plus besoin d'aide, voilà pourquoi nous les soignons mieux.

Nous sommes aussi chargés de répandre les parfums ; c'est nous qui portons à l'exilé un souvenir de son pays en faisant entrer dans sa prison un parfum des fleurs qui ornaient le jardin paternel. A celui qui aime, qui aime réellement, nous apportons le parfum des fleurs portées par sa fiancée ; à celui qui pleure, un souvenir de ceux qui ne sont plus, en faisant éclore sur leur tombe les roses et les violettes qui rappellent leurs vertus.

Qui de vous ne nous a pas dû de douces émotions ? Qui n'a pas tressailli au contact d'un parfum aimé ? Vous êtes étonné, je pense, de nous entendre dire qu'il y a des esprits pour tout cela, et pourtant c'est très vrai. Nous n'avons jamais été incarnés, et ne le serons peut-être jamais parmi vous ; cependant il y en a qui ont déjà été hommes, mais peu parmi les esprits des éléments. Notre mission, sur votre terre, n'est rien ; nous progressons comme vous, mais c'est dans ces planètes supérieures surtout que nous sommes heureux ; dans Jupiter, nos fleurs rendent des sons mélodieux, et nous formons les demeures aériennes, dont les nids de colibris seuls peuvent vous donner une faible idée. Je vous ferai la première fois la description de quelques-unes de ces fleurs, magnifiques, non, mais sublimes et dignes des esprits élevés auxquels elles servent de demeures.

Adieu ; qu'un parfum de charité vous anime ; les vertus même ont leur parfum.


Questions sur le génie des fleurs
Société, 30 décembre 1859. Médium, M. Roze


(A Saint Louis.) Nous avons eu l'autre jour une communication spontanée d'un esprit qui a dit présider aux fleurs et à leurs parfums ; y a-t-il réellement des esprits qu'on peut regarder comme les génies des fleurs ? - r. Cette expression est poétique et bien appliquée au sujet ; mais à proprement parler elle serait défectueuse. Vous ne devez pas douter que l'esprit ne préside, par toute la création, au travail que dieu lui confie ; c'est ainsi qu'il faut entendre cette communication.

2. Cet esprit s'est appelé Hettani ; comment se fait-il qu'il ait un nom s'il n'a jamais été incarné ? - r. C'est une fiction. L'esprit ne préside pas d'une manière particulière à la formation des fleurs ; l'esprit élémentaire, avant de passer à la série animale, dirige l'action fluidique dans la création du végétal ; celui-ci n'a pas encore été incarné ; mais il n'agit que sous la direction d'intelligences plus élevées, ayant déjà assez vécu pour acquérir la science nécessaire à leur mission. C'est un de ceux-ci qui s'est communiqué ; il vous a fait un mélange poétique de l'action des deux classes d'esprits qui agissent dans la création végétale.

3. Cet esprit n'ayant pas encore vécu, même dans la vie animale, comment se fait-il qu'il soit si poétique ? - relisez.

Remarque. - voyez la remarque faite plus haut après la question 24, page 90.

4. Ainsi l'esprit qui s'est communiqué n'est pas celui qui habite et anime la fleur ? - r. Non, non ; je vous l'ai dit assez clairement : il guide.

5. Cet esprit qui nous a parlé a-t-il été incarné ? - r. Il l'a été.

6. L'esprit qui donne la vie aux plantes et aux fleurs, a-t-il une pensée, l'intelligence de son moi ? - r. Aucune pensée, aucun instinct.

Bonheur
Société, 10 février 1860. Médium, mademoiselle eugénie.


Quel est le but de chaque individu sur cette terre ? Il veut du bonheur à quelque prix que ce soit. Et qu'est-ce qui fait que tous nous suivons une route différente ? C'est que chacun de nous espère le trouver dans un lieu ou dans une chose qui lui plaît particulièrement : les uns cherchent la gloire, d'autres les richesses, d'autres les honneurs ; le plus grand nombre court après la fortune, car de nos jours c'est le moyen le plus puissant pour arriver à tout ; elle sert de piédestal à tout. Mais combien voient ce besoin de bonheur réalisé ? Bien peu ; et demandez à chacun de ceux qui arrivent s'ils ont atteint le but qu'ils s'étaient proposé : s'ils sont heureux ? Ils répondent tous : pas encore ; car tous les désirs augmentent en raison de ce qu'ils sont satisfaits. Si aujourd'hui il y a tant de gens qui veulent s'intéresser au spiritisme, c'est qu'après avoir vu que tout est chimère, et voulant arriver quand même, ils essayent du spiritisme comme ils ont essayé de la richesse et de la gloire.

Si dieu a mis dans nos cœurs ce besoin si grand de bonheur, c'est qu'il doit exister quelque part. Oui, ayez confiance en lui, mais sachez que tout ce que dieu promet doit être divin comme lui, et que le bonheur que vous cherchez ne peut être matériel.

Venez à nous, vous tous qui souffrez ; venez à nous, vous tous qui avez besoin d'espérance, car lorsque tout sur la terre vous manquera, faiblira, nous ici, nous aurons plus que vos besoins ne demanderont. Mères désespérées qui vous lamentez sur une tombe, venez ici : l'ange que vous pleurez vous parlera, vous protégera, vous inspirera la résignation pour les peines que vous avez endurées sur la terre. Vous tous qui avez le besoin insatiable de la science, adressez-vous à nous, nous seuls pouvons donner à votre esprit la nourriture dont il a besoin. Venez, mous saurons trouver pour chaque plaie une douceur, et quelque délaissés que vous paraissiez, il y a des esprits qui vous aiment et qui sont prêts à vous le prouver. Je parle au nom de tous. Je désire vous voir venir nous demander des conseils, car je suis sûre que vous vous en irez l'espérance dans le cœur.


Staël.

Nota. - un instant après, l'esprit écrit de nouveau spontanément :

Le sourire vient plus d'une fois sur les lèvres de certains auditeurs, et s'il échappe au médium, il n'échappe pas aux esprits ; mais soyez sans crainte ; ce sont ceux qui ont le plus ri qui croiront le plus après, et nous vous pardonnons, car un jour vous pourrez vous repentir de votre ironie. Je suis sûre que si, près de chacune de vous, mesdames, il venait un être perdu et que vous avez aimé vous rappeler un souvenir, vous changeriez votre sourire d'incrédulité en un soupir, et vous seriez ou heureuses ou anxieuses. Soyez tranquilles, votre jour viendra, et vous serez touchées par le cœur, car c'est votre corde la plus sensible : je la connais.


Staël.


Le livre des esprits - Seconde édition - Entièrement refondue et considérablement augmentée.

Avis sur cette nouvelle édition.

Dans la première édition de cet ouvrage, nous avons annoncé une partie supplémentaire. Elle devait se composer de toutes les questions qui n'avaient pu y trouver place, ou que les circonstances ultérieures et de nouvelles études devaient faire naître ; mais comme elles sont toutes relatives à quelqu'une des parties déjà traitées et dont elles sont le développement, leur publication isolée n'eût présenté aucune suite. Nous avons préféré attendre la réimpression du livre pour fondre le tout ensemble, et nous en avons profité pour apporter dans la distribution des matières un ordre beaucoup plus méthodique en même temps que nous avons élagué tout ce qui faisait double emploi. Cette réimpression peut donc être considérée comme un ouvrage nouveau, quoique les principes n'aient subi aucun changement, à un très petit nombre d'exceptions près, qui sont plutôt des compléments et des éclaircissements que de véritables modifications. Cette conformité dans les principes émis, malgré la diversité des sources où nous avons puisé, est un fait important pour l'établissement de la science spirite. Notre correspondance nous prouve même que des communications de tous points identiques, sinon pour la forme du moins pour le fond, ont été obtenues en différentes localités, et cela bien avant la publication de notre livre, qui est venu les confirmer et leur donner un corps régulier. L'histoire, de son côté, atteste que la plupart de ces principes ont été professés par les hommes les plus éminents des temps anciens et modernes, et vient y apporter sa sanction.


Lettres non signées - Aux lecteurs de la revue

Nous recevons quelquefois des lettres portant pour unique souscription : un de vos abonnés, un de vos lecteurs, un de vos adeptes, etc., sans autre désignation. Ces lettres contiennent, pour la plupart, des récits de faits, des communications spirites, ou des questions auxquelles on nous prie de répondre, ou bien encore la prière d'évoquer certaines personnes. Nous croyons devoir prévenir nos lecteurs, abonnés ou non, que toute lettre non authentique est pour nous non avenue et que nous n'y avons aucun égard. Dans nos comptes rendus nous usons d'une grande réserve, quant à la publication des noms propres, parce que nous comprenons la nécessité de certaines positions, c'est pourquoi nous ne nommons que ceux qui nous y autorisent ; mais il n'en saurait être de même au sujet des communications qui nous sont faites : tout ce qui n'est pas signé est mis au rebus, sans même être lu, parce que nos travaux sont trop multipliés pour pouvoir nous occuper de ce qui n'a pas un caractère sérieux.

Allan Kardec.


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