REVUE SPIRITE - JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1860

Allan Kardec

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Février

Bulletin de la société parisienne des études spirites

Vendredi, 30 décembre 1859. (Séance particulière.)

Lecture du procès-verbal de la séance du 23 décembre.

La société décide qu'à chaque séance particulière, à la suite du procès-verbal, il sera donné lecture de la liste nominale des auditeurs ayant assisté à la séance générale précédente, avec indication des membres qui les ont présentés, et qu'invitation sera faite de signaler les inconvénients dont la présence des personnes étrangères à la société aurait pu être la cause. En conséquence lecture est donnée de la liste des auditeurs assistant à la dernière séance.

Sont admis comme membres titulaires, sur leur demande écrite, et après rapport verbal :

1° M. Forbes, de Londres, officier du génie, présenté le 16 décembre. - 2° Madame Forbes, née comtesse Passerini Corretesi, de Florence, présentée le 23 décembre. - 3° M. Soive, négociant de paris, présenté le 16 décembre. - 4° M. Demange, négociant de paris, présenté le 23 décembre.

Lecture de trois nouvelles lettres de demandes d'admission. Rapport et décision renvoyés au 6 janvier.

Communications diverses. 1° lettre de M. Brion Dorgeval, contenant la réponse qu'il a adressée à M. Oscar commettant, au sujet de l'article publié par ce dernier dans le siècle. (Voir le n° de janvier.)

2° lettre de M. Jobard, de Bruxelles, contenant des observations fort justes sur l'état moral des esprits. Il exprime le regret que les partisans du spiritisme soient le plus souvent désignés par des initiales ; il pense que des indications plus explicites contribueraient au progrès de la science ; il invite en conséquence tous les partisans de la doctrine à mettre leur nom comme il le fait lui-même. (Voir le n° de janvier.)

Cette dernière remarque de M. Jobard est fortement appuyée par un grand nombre de membres qui déclarent autoriser à mettre leurs noms dans tous les comptes-rendus qui pourront les concerner.

M. Allan Kardec fait observer que la crainte du qu'en dira-t-on diminue chaque jour, et qu'aujourd'hui il est peu de personnes qui craignent d'avouer leurs opinions touchant le spiritisme ; les épithètes de mauvais goût données à ses partisans deviennent elles-mêmes des lieux communs ridicules dont on se rit, quand on voit tant de gens d'élite se rallier à la doctrine ; car on entrevoit le moment où la force de l'opinion imposera silence aux sarcasmes. Mais autre chose est d'avoir le courage de son opinion dans la conversation, ou de livrer son nom à la publicité. Parmi les personnes qui soutiennent la cause du spiritisme avec le plus d'énergie, il en est beaucoup qui ne se soucient pas de se mettre en évidence, pas plus pour d'autres choses que pour celles-là. Ces scrupules, qui n'impliquent nullement un manque de courage, doivent être respectés. Lorsque des faits extraordinaires se passent quelque part, on conçoit qu'il serait peu agréable pour les personnes qui en sont l'objet, de devenir le point de mire de la curiosité publique, et d'être assaillies par les importuns. Il faut sans doute savoir gré à ceux qui se mettent au-dessus des préjugés, mais il ne faut pas non plus blâmer trop légèrement ceux qui ont peut-être des motifs très légitimes de ne pas s'afficher.

Etudes. 1° questions adressées à Saint Louis sur les esprits qui président aux fleurs, à propos de la communication obtenue par madame de B... Une explication très intéressante est donnée à ce sujet. (Sera publiée.)

2° autres questions sur l'esprit des animaux.

3° deux communications spontanées sont obtenues simultanément, la 1° de l'esprit de vérité, par M. Roze, et contenant des conseils adressés à la société ; la 2° de Fénelon, par mademoiselle Huet.



Vendredi 6 janvier. (Séance particulière.)

Lecture du procès-verbal de la séance du 30 décembre.

Sont admis comme membres titulaires, sur leur demande écrite, et après rapport verbal : 1° M. Ducastel, propriétaire à Abbeville, présenté le 30 décembre ; 2° Madame Deslandes, de Paris, présentée le 30 décembre ; 3° madame Rakowska, de Paris, présentée le 30 décembre.

Lecture d'une lettre de demande d'admission.

Lettre de M. Poinsignon, de Paris, qui félicite la société à l'occasion de la nouvelle année, et exprime ses vœux pour la propagation du spiritisme.

Lettre de M. Demange, nouvellement reçu, en remerciement de son admission. Il assure la société de sa coopération active.

Examen de plusieurs questions touchant les affaires administratives de la société.

Communications diverses. 1° notice sur Don Péra, prieur d'Armilly, mort il y a 30 ans. Il sera fait une étude à ce sujet.

2° lettre de M. Lussiez, de Troyes, contenant des réflexions très judicieuses, relatives à l'influence moralisatrice du spiritisme sur les classes ouvrières.

3° lettre de madame P…, de Rouen, qui annonce avoir obtenu, comme médium, des communications remarquables, et en tout conformes à la doctrine du livre des esprits. Cette lettre contient en outre des réflexions qui dénotent de la part de son auteur une appréciation très saine des idées spirites.

4° lettre relative à mademoiselle Désirée Godu, médium guérisseur, à Hennebon. On sait que, de la part de mademoiselle Godu, c'est une œuvre de dévouement et de pure philanthropie.

Etudes. 1° questions diverses adressées à Saint Louis, comme éclaircissements et développements de plusieurs communications antérieures.

2° mademoiselle Dubois, médium, membre de la société, ayant eu une communication d'un esprit qui s'est dit être Chateaubriand, désire avoir des éclaircissements à ce sujet. Un autre esprit se présente sous son nom, mais il refuse d'affirmer son identité au nom de Dieu ; il avoue sa supercherie, fait des excuses et donne de curieuses indications sur sa personne.

Le véritable Chateaubriand fait ensuite une courte communication spontanée, et en promet une plus explicite pour une autre fois.



Vendredi 13 janvier 1860. (Séance générale.)

Lecture du procès-verbal du 6 janvier.

Lecture de trois nouvelles demandes d'admission. - examen et rapport renvoyés à la séance du 20 janvier.

Communications diverses. 1° lettre de M. Maurice, Du Teil, d'Ardèche, contenant la relation de faits extraordinaires qui ont eu lieu dans une maison de fous, près Aubenas, et qui rappellent sous quelques rapports ceux qui se sont passés à Java.

2° lettre de M. Albert Ferdinand, de Béziers, contenant trois faits remarquables qui lui sont personnels, et qui prouvent l'action physique que les esprits peuvent exercer sur certains médiums.

3° lettre de M. Crozet, du Havre, médium correspondant de la société, qui rend compte d'une communication qu'il a eue conjointement avec M. Sprenger, de la part d'un esprit joueur. Cet esprit, qui est celui d'un capitaine de marine, mort à Marseille il y a six mois, explique avec une précision et une lucidité remarquables les différents coups de cartes du jeu de bésigue, et la manière dont il s'y prend pour faire perdre ou gagner les partenaires. (Sera publiée.)

un esprit danseur. M. et Mme Netz, membres de la société, ont depuis quelque temps un esprit qui se manifeste chez eux en dansant constamment, c'est-à-dire en faisant danser une table qui frappe le rythme parfaitement reconnaissable d'une polka, d'une mazourka, d'un quadrille, d'une valse à deux ou trois temps, etc. Il n'a jamais voulu écrire et ne répond que par des coups frappés. Par ce moyen, il est arrivé à dire qu'il était péruvien, de race indienne, mort il y a cinquante-six ans, à l'âge de 35 ans ; que de son vivant il aimait beaucoup l'eau-de-vie, et que maintenant il fréquente les bals publics où il prend un grand plaisir. Il présente cette particularité qu'il n'arrive jamais avant 10 heures du soir, et à certains jours. Il vient, dit-il, pour Mme Netz, mais il ne peut se communiquer que par le concours de M.D..., médium à effets physiques, de sorte qu'il lui faut la présence des deux. Ainsi M.D... N'a jamais pu le faire venir chez lui, et Mme Netz ne peut l'avoir si elle est seule.

5° lecture d'une communication spontanée, envoyée par M. Rabache, de bordeaux, et faisant suite à la série de celles qui ont été publiées sous le titre de conseils de famille.

6° Mme Forbes donne la lecture de trois communications spontanées obtenues par son mari, sur l'amour filial, l'amour paternel et la patience. Ces communications, remarquables par leur haute moralité et la simplicité du langage, peuvent être rangées dans la catégorie des conseils intimes.

Etudes. 1° évocation de l'esprit de Castelnaudary, déjà évoqué le 9 décembre. (Voir la relation complète, sous le titre de histoire d'un damné.)

2° évocation de l'esprit danseur. Il ne veut pas écrire, mais il bat le rythme de plusieurs danses avec le crayon et agite le bras du médium en cadence. Saint Louis donne quelques explications sur son caractère, et confirme les renseignements fournis précédemment.

3° questions sur les manifestations de fons, près aubenas. Il est répondu qu'il y a du vrai dans ces faits, mais qu'il ne faut pas les accepter sans contrôle, et qu'on doit surtout se tenir en garde contre l'exagération.

4° évocation de Don Péra, prieur d'Armilly. Il fournit d'intéressants détails sur sa situation et son caractère.

5° deux communications spontanées sont obtenues : la première, par M. Roze, d'un esprit qui se désigne sous le nom d'Estelle Riquier, et qui avait mené une vie désordonnée et manqué à tous ses devoirs d'épouse et de mère. La deuxième par M. Forbes, contenant des conseils sur la colère.



Vendredi 20 janvier 1860. (Séance particulière.)

Lecture du procès-verbal du 13 janvier.

Sont admis comme membres titulaires sur leur demande écrite et après rapport verbal :

1° M. Krafzoff, de Saint-Pétersbourg, présenté le 13 janvier. - 2° M. Julien, de Belfort, (Haut-Rhin), présenté le 13 janvier. - 3° M. Le comte Alexandre Stenbock Fermor, de Saint-Pétersbourg, présenté le 6 janvier.

Communications diverses. 1° lecture d'une communication spontanée, obtenue par M. Pécheur, membre de la société.

2° nouveaux détails sur l'esprit danseur. Mme Netz, qui est médium écrivain, ayant interrogé un autre esprit à son sujet, obtint plusieurs renseignements sur son compte, entre autres qu'il était assez riche de son vivant ; qu'il est mort d'un accident à la chasse, dans un moment où il se trouvait complètement seul. Ayant plus tard interrogé le danseur lui-même sur ces faits à l'aide de son médium et par coups frappés, elle en obtint des réponses identiques. Or, Mme Netz n'avait point fait part au médium des premières réponses écrites ; d'un autre côté, ce n'était plus elle qui servait de médium, et de plus elle avait posé des questions insidieuses qui pouvaient amener des réponses contraires ; il y avait donc de part et d'autre indépendance de pensée, et la corrélation des réponses est un fait caractéristique.

Un autre fait également curieux, c'est que son médium de prédilection pour la danse fut pris un jour, en sortant de chez lui, de mouvements involontaires qui le faisaient marcher en cadence tout le long de la rue. Par sa volonté, et en se raidissant, il pouvait arrêter ce mouvement ; mais dès qu'il s'abandonnait à lui-même, ses jambes reprenaient leur allure dansante. Il n'y avait rien d'assez ostensible pour être remarqué des passants ; mais on conçoit, d'après cela, que des esprits d'un autre ordre et plus malintentionnés que le danseur qui, en définitive, ne veut que s'amuser, puissent provoquer sur certaines organisations, des mouvements plus violents et de la nature de ceux qu'on voit chez les convulsionnaires et les crisiaques.

3° relation d'un fait de communication spontanée de l'esprit d'une personne vivante, rapporté par M. De G.., médium écrivain, et qui lui est personnel. Cet esprit est entré dans des détails circonstanciés complètement ignorés du médium, et dont l'exactitude a été vérifiée. M. De G... Ne connaissait cette personne que pour l'avoir vue une seule fois dans une visite, et ne l'a plus revue depuis. Il ne savait que son nom de famille ; or l'esprit signa en même temps de son nom de baptême qui était parfaitement le sien. Cette circonstance, jointe aux autres indications de temps et de localités, fournies par l'esprit, est une preuve évidente d'identité.

M. Le comte de R... Fait observer à ce sujet que ces sortes de communications peuvent parfois être indiscrètes, et il se demande si la personne en question eût été satisfaite si on lui eût fait part de sa conversation.

A cela il est répondu : 1° que si cette personne s'est communiquée, c'est qu'elle l'a voulu, comme esprit, puisqu'elle est venue de son propre mouvement, M. De G..., qui n'y songeait point, ne l'ayant pas appelée ; 2° que l'esprit dégagé du corps a toujours son libre arbitre, et ne dit que ce qu'il veut ; 3° que, dans cet état, l'esprit a même plus de prudence que dans l'état normal, parce qu'il apprécie mieux la portée des choses. Si cet esprit eût vu un inconvénient quelconque à ses paroles il ne les aurait point dites.

4° lecture d'une communication adressée de Lyon à la société, et dans laquelle il est dit, entre autres choses :

« Que la réforme de l'humanité se prépare par l'incarnation sur la terre d'esprits meilleurs qui constitueront une nouvelle génération dominée par l'amour du bien ; que les hommes adonnés au mal et qui ferment les yeux à la lumière seront réincarnés dans une nouvelle phalange d'esprits simples et ignorants, et envoyés par dieu pour travailler à la formation d'un globe inférieur à celui de la terre. Ils ne pourront rejoindre leurs frères terriens qu'après avoir gagné, par de rudes travaux, le rang où ces derniers vont entrer après cette génération ; car il ne sera pas donné aux esprits mauvais d'assister au commencement de cette brillante transformation. »

M. Theubet fait observer que cette communication semble consacrer le principe d'une marche rétrograde, contrairement à tout ce qui nous a été enseigné.

Une longue et profonde discussion s'engage à ce sujet. Elle se résume ainsi : l'esprit peut déchoir comme position, mais non sous le rapport des aptitudes acquises. Le principe de la non-rétrogadation doit s'entendre du progrès intellectuel et moral ; c'est-à-dire que l'esprit ne peut perdre ce qu'il a acquis en intelligence et en moralité, et ne retourne pas à l'état d'enfance d'esprit ; en d'autres termes, qu'il ne devient ni plus ignorant, ni plus mauvais qu'il n'était ; ce qui ne l'empêche pas d'être réincarné dans une position inférieure plus pénible, et parmi d'autres esprits plus ignorants que lui, s'il a démérité. Un esprit très arriéré qui s'incarnera chez un peuple civilisé y sera déplacé et ne pourra y soutenir son rang ; en retournant chez les sauvages, dans une nouvelle existence, il ne fera donc que reprendre la place qu'il avait quittée trop tôt ; mais les idées qu'il aura acquises pendant son séjour parmi les hommes plus éclairés ne seront pas perdues pour lui. Il doit en être de même des hommes qui iront concourir à la formation d'un monde nouveau. Se trouvant déplacés sur la terre améliorée, ils iront dans un monde en rapport avec leur état moral.

Etudes. Evocation du nègre du navire le constant, déjà évoqué le 30 septembre 1859. Il donne de nouvelles explications sur les circonstances qui ont accompagné sa mort.

2° trois communications spontanées : la première de chateaubriand, par M. Roze ; la deuxième de Platon, par M. Colin ; la troisième de Charlet, par M. Didier fils, faisant suite au travail commencé par lui sur la nature des animaux.


Les esprits globules

Le désir de voir les esprits est une chose bien naturelle, et nous connaissons peu de personnes qui ne souhaitent jouir de cette faculté ; malheureusement c'est une des plus rares, surtout quand elle est permanente. Les apparitions spontanées sont assez fréquentes, mais elles sont accidentelles, et presque toujours motivées par une circonstance tout individuelle, basée sur les rapports qui ont pu exister entre le voyant et l'esprit qui lui apparaît ; autre chose est donc de voir fortuitement un esprit ou d'en voir habituellement, et dans les conditions normales les plus ordinaires ; or, c'est là ce qui constitue, à proprement parler, la faculté des médiums voyants. Elle résulte d'une aptitude spéciale dont la cause est encore inconnue, et qui peut se développer, mais que l'on provoquerait en vain quand la prédisposition naturelle n'existe pas. Il faut donc se tenir en garde contre les illusions qui peuvent naître du désir de la posséder, et qui ont donné lieu à d'étranges systèmes. Autant nous combattons les théories hasardées par lesquelles on attaque les manifestations, surtout quand ces théories accusent l'ignorance des faits, autant nous devons chercher, dans l'intérêt de la vérité, à détruire des idées qui prouvent plus d'enthousiasme que de réflexion, et qui, par cela même, font plus de mal que de bien, en donnant prise au ridicule.

La théorie des visions et des apparitions est aujourd'hui parfaitement connue ; nous l'avons développée dans plusieurs articles, et notamment dans les numéros de décembre 1858, de février et d'août 1859 et dans notre livre des médiums, ou spiritisme expérimental ; nous ne la répéterons donc pas ici, mais nous rappellerons seulement quelques points de fait, avant d'arriver à l'examen du système des globules.

Les esprits peuvent se produire à la vue sous différents aspects : le plus fréquent est la forme humaine. Leur apparition a généralement lieu sous une forme vaporeuse et diaphane, quelquefois vague et indécise ; c'est souvent au premier abord une lueur blanchâtre, dont les contours se déterminent peu à peu. D'autres fois les lignes sont plus accentuées, et les moindres traits du visage dessinés avec une précision qui permet d'en donner la description la plus exacte. Un peintre, en ces moments, pourrait assurément en faire le portrait avec autant de facilité qu'il le ferait pour une personne vivante. Les allures et l'aspect sont les mêmes que du vivant de l'esprit. Pouvant donner toutes les apparences à son périsprit, qui constitue son corps éthéré, il se présente sous celle qui peut le mieux le faire reconnaître ; ainsi, bien que, comme esprit, il n'ait plus aucune des infirmités corporelles qu'il pouvait avoir comme homme, il se montrera estropié, boiteux ou bossu, s'il le juge à propos pour attester son identité. Quant au costume, il se compose le plus ordinairement d'une draperie qui se termine en longue robe flottante ; c'est du moins l'apparence des esprits supérieurs qui n'ont rien conservé des choses terrestres ; mais les esprits vulgaires, ceux que l'on a connus, ont presque toujours le costume qu'ils avaient dans la dernière période de leur vie. Souvent ils ont des attributs caractéristiques de leur rang. Les esprits supérieurs ont toujours une figure belle, noble et sereine ; les esprits inférieurs, au contraire, ont une physionomie vulgaire, miroir où se peignent les passions plus ou moins ignobles qui les ont agités ; quelquefois ils portent encore les traces des crimes qu'ils ont commis ou des supplices qu'ils ont endurés. Une chose remarquable, c'est qu'à moins de circonstances particulières, les parties les moins bien dessinées sont généralement les membres inférieurs, tandis que la tête, la poitrine et les bras sont toujours nettement tracés.

Nous avons dit que l'apparition a quelque chose de vaporeux, malgré sa netteté ; on pourrait, dans certain cas, la comparer à l'image reflétée dans une glace sans étain, qui n'empêche pas de voir les objets qui sont par derrière. C'est assez ordinairement ainsi que les distinguent les médiums voyants ; ils les voient aller, venir, entrer, sortir, circuler parmi la foule des vivants, en ayant l'air, pour les esprits vulgaires du moins, de prendre une part active à ce qui se passe autour d'eux, de s'y intéresser selon le sujet, d'écouter ce qui se dit. On les voit souvent s'approcher des personnes, leur souffler des idées, les influencer, les consoler, se montrer tristes ou contents du résultat qu'ils obtiennent : c'est, en un mot, la doublure ou le reflet du monde corporel, avec ses passions, ses vices ou ses vertus, plus des vertus que notre nature matérielle nous permet difficilement de comprendre. Tel est ce monde occulte qui peuple les espaces, qui nous entoure, au milieu duquel nous vivons sans nous en douter, comme nous vivons au milieu des myriades du monde microscopique.

Mais il peut arriver que l'esprit revête une forme plus nette encore et prenne toutes les apparences d'un corps solide, au point de produire une illusion complète et de faire croire à la présence d'un être corporel. Enfin la tangibilité peut devenir réelle, c'est-à-dire qu'on peut toucher, palper ce corps, sentir la même résistance, la même chaleur que de la part d'un corps animé, à cela près qu'il peut s'évanouir avec la rapidité de l'éclair. Outre que l'apparition de ces êtres, désignés sous le nom d'agénères, est fort rare, elle est toujours accidentelle et de courte durée, et ils ne sauraient devenir sous cette forme, les commensaux habituels d'une maison.

On sait que, parmi les facultés exceptionnelles dont M.Home a donné des preuves irrécusables, il faut placer celle de faire apparaître des mains tangibles que l'on peut palper, et qui, de leur côté, peuvent saisir, étreindre, et laisser des empreintes sur la peau. Les faits d'apparitions tangibles, disons-nous, sont assez rares, mais ceux qui se sont passés dans ces derniers temps confirment et expliquent ceux que l'histoire rapporte au sujet de personnes qui se sont montrées après leur mort avec toutes les apparences de la nature corporelle. Au reste, quelque extraordinaires que soient de pareils phénomènes, tout le surnaturel disparaît quand on en connaît l'explication, et l'on comprend alors que, loin d'être une dérogation aux lois de la nature, ils n'en sont qu'une application.

Quand les esprits affectent la forme humaine, on ne saurait s'y tromper ; il n'en est pas ainsi quand ils prennent d'autres apparences. Nous ne parlerons pas de certaines images terrestres reflétées par l'atmosphère, et qui ont pu alimenter la superstition chez des gens ignorants, mais de quelques autres effets sur lesquels des hommes, même éclairés, ont pu se méprendre ; c'est là surtout qu'il faut se tenir en garde contre l'illusion pour ne pas s'exposer à prendre pour des esprits des phénomènes purement physiques.

L'air n'est pas toujours d'une limpidité parfaite, et il est telles circonstances où l'agitation et les courants des molécules aériformes produits par la chaleur sont parfaitement visibles. L'agglomération de ces parcelles forme de petites masses transparentes qui semblent nager dans l'espace, et qui ont donné lieu au singulier système des esprits sous forme de globules. La cause de cette apparence est donc dans l'air lui-même, mais elle peut être aussi dans l'œil. L'humeur aqueuse offre des points imperceptibles qui ont perdu de leur transparence ; ces points sont comme des corps semi-opaques en suspension dans le liquide dont ils suivent les mouvements et les ondulations. Ils produisent dans l'air ambiant et à distance, par l'effet du grossissement et de la réfraction, l'apparence de petits disques quelquefois irisés, variant de 1 à 10 millimètres de diamètre. Nous avons vu certaines personnes prendre ces disques pour des esprits familiers qui les suivaient et les accompagnaient partout, et dans leur enthousiasme voir des figures dans les nuances de l'irisation. Une simple observation, fournie par ces personnes mêmes, va les ramener sur le terrain de la réalité. Ces disques ou médaillons, disent-elles, non seulement les accompagnent, mais suivent tous leurs mouvements ; ils vont à droite, à gauche, en haut, en bas, ou s'arrêtent selon le mouvement de la tête ; cette coïncidence prouve à elle seule que le siège de l'apparence est en nous et non hors de nous, et ce qui le démontre en outre, c'est que, dans leurs mouvements ondulatoires, ces disques ne s'écartent jamais d'un certain angle ; mais comme ils ne suivent pas avec brusquerie le mouvement de la ligne visuelle, ils semblent avoir une certaine indépendance. La cause de cet effet est bien simple. Les points opaques on semi-opaques de l'humeur aqueuse, cause première du phénomène, sont, avons-nous dit, comme tenus en suspension, mais ils ont toujours une tendance à descendre ; lorsqu'ils montent, c'est qu'ils y sont sollicités par le mouvement de l'œil de bas en haut ; arrivés à une certaine hauteur, si on fixe l'œil, on voit le disque descendre lentement, puis s'arrêter ; leur mobilité est extrême, parce qu'il suffit d'un mouvement imperceptible de l'œil pour faire parcourir au rayon visuel toute l'amplitude de l'angle à son ouverture, dans l'espace où l'image se projette.

Nous en dirons autant des étincelles qui se produisent quelquefois en gerbes ou en faisceaux plus ou moins compactes, par la contraction des muscles de l'œil, et qui sont dues probablement à la phosphorescence ou à l'électricité naturelle de l'iris, puisqu'elles sont généralement circonscrites dans la circonférence du disque de cet organe.

De pareilles illusions ne peuvent provenir que d'une observation incomplète ; quiconque aura sérieusement étudié la nature des esprits par tous les moyens que donne la science pratique, comprendra tout ce qu'elles ont de puéril. Si ces globules aériens étaient des esprits, il faudrait convenir qu'ils seraient astreints à un rôle bien mécanique pour des êtres intelligents et libres ; rôle passablement fastidieux pour des esprits inférieurs, à plus forte raison incompatible avec l'idée que nous nous faisons des esprits supérieurs.

Les seuls signes qui puissent véritablement attester la présence des esprits sont les signes intelligents. Tant qu'il ne sera pas prouvé que les images dont nous venons de parler, eussent-elles même la forme humaine, ont un mouvement propre, spontané, ayant un caractère intentionnel évident et accusant une volonté libre, nous n'y verrons que de simples phénomènes physiologiques ou d'optique. La même observation s'applique à tous les genres de manifestations, et surtout aux bruits, aux coups frappés, aux mouvements insolites des corps inertes que mille causes physiques peuvent produire. Nous le répétons, tant qu'un effet n'est pas intelligent par lui-même, et indépendant de l'intelligence des hommes, il faut y regarder à deux fois avant de l'attribuer aux esprits.

Les médiums spéciaux

L'expérience prouve chaque jour combien sont nombreuses les variétés de la faculté médianimique ; mais elle nous prouve aussi que les diverses nuances de cette faculté tiennent à des aptitudes spéciales non encore définies, abstraction faite des qualités et des connaissances de l'esprit qui se manifeste.

La nature des communications est toujours relative à la nature de l'esprit, et porte le cachet de son élévation ou de son infériorité, de son savoir ou de son ignorance ; mais à mérite égal, au point de vue hiérarchique, il y a incontestablement chez lui une propension à s'occuper d'une chose plutôt que d'une autre ; les esprits frappeurs, par exemple, ne sortent guère des manifestations physiques ; et parmi ceux qui donnent des manifestations intelligentes, il y a des esprits poètes, musiciens, dessinateurs, moralistes, savants, médecins, etc. Nous parlons des esprits d'un ordre moyen, car, arrivés à un certain degré, les aptitudes se confondent dans l'unité de la perfection. Mais, à côté de l'aptitude de l'esprit, il y a celle du médium qui est pour lui un instrument plus ou moins commode, plus ou moins flexible, et dans lequel il découvre des qualités particulières que nous ne pouvons apprécier.

Prenons une comparaison : un musicien très habile a sous la main plusieurs violons qui, pour le vulgaire, seront tous de bons instruments, mais entre lesquels l'artiste consommé fait une grande différence ; il y saisit des nuances d'une extrême délicatesse qui lui feront choisir les uns et rejeter les autres, nuances qu'il comprend par intuition plutôt qu'il ne peut les définir. Il en est de même à l'égard des médiums : à qualités égales dans la puissance médianimique, l'esprit donnera la préférence à l'un ou à l'autre, selon le genre de communication qu'il veut faire. Ainsi, par exemple, on voit des personnes écrire, comme médiums, d'admirables poésies quoique, dans les conditions ordinaires, elles n'aient jamais pu ou su faire deux vers ; d'autres au contraire qui sont poètes, et qui, comme médiums, n'ont jamais pu écrire que de la prose, malgré leur désir. Il en est de même du dessin, de la musique, etc. Il y en a qui, sans avoir par eux-mêmes de connaissances scientifiques, ont une aptitude toute particulière pour recevoir des communications savantes ; d'autres sont pour les études historiques ; d'autres servent plus aisément d'interprètes aux esprits moralistes ; en un mot, quelle que soit la flexibilité du médium, les communications qu'il reçoit avec le plus de facilité ont généralement un cachet spécial ; il en est même qui ne sortent pas d'un certain cercle d'idées, et quand ils s'en écartent, ils n'ont que des communications incomplètes, laconiques, et souvent fausses. En dehors des causes d'aptitude, les esprits se communiquent encore plus ou moins volontiers par tel ou tel intermédiaire selon leurs sympathies ; ainsi, toutes choses égales d'ailleurs, le même esprit sera beaucoup plus explicite avec certains médiums, par cela seul qu'ils lui conviennent mieux.

On serait donc dans l'erreur si, par cela seul qu'on a sous la main un bon médium, eût-il même l'écriture la plus facile, on pensait obtenir par lui de bonnes communications en tous genres. Pour avoir de bonnes communications, la première condition est, sans contredit, de s'assurer de la source d'où elles émanent, c'est-à-dire des qualités de l'esprit qui les transmet ; mais il n'est pas moins nécessaire d'avoir égard aux qualités de l'instrument que l'on donne à l'esprit ; il faut donc étudier la nature du médium comme on étudie la nature de l'esprit, parce que ce sont là les deux éléments essentiels pour obtenir un résultat satisfaisant. Il en est un troisième qui joue un rôle également important, c'est l'intention, la pensée intime, le sentiment plus ou moins louable de celui qui interroge ; et cela se conçoit. Pour qu'une communication soit bonne, il faut qu'elle émane d'un esprit bon ; pour que ce bon esprit puisse la transmettre, il lui faut un bon instrument. Pour qu'il veuille la transmettre, il faut que le but lui convienne. L'esprit, qui lit dans la pensée, juge si la question qu'on lui propose mérite une réponse sérieuse, et si la personne qui la lui adresse est digne de la recevoir ; dans le cas contraire, il ne perd pas son temps à semer de bons grains sur des pierres, et c'est alors que les esprits légers et moqueurs se donnent carrière, parce que, s'inquiétant peu de la vérité, ils n'y regardent pas de si près, et sont généralement assez peu scrupuleux sur le but et sur les moyens.

D'après ce que nous venons de dire, on comprend qu'il doit y avoir des esprits plus spécialement occupés, par goût ou par raison, du soulagement de l'humanité souffrante ; qu'il doit pareillement y avoir des médiums plus aptes que d'autres à leur servir d'intermédiaires. Or, comme ces esprits agissent exclusivement en vue du bien, ils doivent rechercher dans leurs interprètes, outre l'aptitude qu'on pourrait appeler physiologique, certaines qualités morales parmi lesquelles figurent en première ligne le dévouement et le désintéressement. La cupidité a toujours été, et sera toujours un motif de répulsion pour les bons esprits et une cause d'attraction pour les autres. Tombe-t-il, en effet, sous le bon sens, que des esprits supérieurs se prêtent à toutes les combinaisons de l'intérêt matériel, et qu'ils soient aux ordres du premier venu qui prétend les exploiter ? Les esprits, quels qu'ils soient, ne veulent pas être exploités, et si quelques-uns paraissent y donner la main, si même ils vont au-devant de certains désirs trop mondains, c'est presque toujours en vue d'une mystification dont ils se rient ensuite comme d'un bon tour joué aux gens trop crédules. Du reste, il n'est peut-être pas inutile que quelques-uns se brûlent les doigts, afin de leur apprendre qu'il ne faut pas jouer avec les choses sérieuses.

Ce serait ici le cas de parler d'un de ces médiums privilégiés que les esprits guérisseurs semblent avoir pris sous leur patronage direct. Mlle désirée godu, qui habite hennebon (morbihan), jouit sous ce rapport d'une faculté véritablement exceptionnelle, et dont elle fait usage avec la plus pieuse abnégation. Nous en avons déjà dit quelques mots dans un compte-rendu des séances de la société, mais l'importance du sujet mérite un article spécial que nous serons heureux de lui consacrer dans notre prochain numéro. A part l'intéret qui s'attache à l'étude de toute faculté hors ligne, nous regarderons toujours comme un devoir de faire connaître le bien et de rendre justice à qui le pratique.


Bibliographie - La comtesse Mathilde de Canossa

Tel est le titre d'un roman légendaire, publié à Rome en 1858, par le r. P. Bresciani de la compagnie de jésus[1], auteur du juif de vérone. Le sujet de l'ouvrage est l'histoire, dans le genre de Walter Scott, de l'antique famille de Canossa : c'est pourquoi l'auteur l'a dédié au descendant actuel de cette illustre famille, le marquis Octave de Canossa Podestat de Vérone et chambellan de S. M. L'empereur d'Autriche. L'action se passant au moyen âge, les sorciers et les magiciens y jouent un grand rôle, et les scènes de diableries y sont décrites avec une précision qui ferait envie au romancier écossais. L'auteur nous semble moins heureux dans son appréciation des phénomènes spirites modernes, des tables parlantes, du magnétisme, du somnambulisme ; or, voici ce que nous lisons à ce sujet dans le chapitre X, page 170 :

« Plus d'un de mes lecteurs, et peut-être n'est-ce pas le moindre nombre, pourrait bien s'étonner de voir s'étaler, dans les chapitres qui précèdent, tout cet appareil de diableries, de conjurations, de sortilèges, d'hallucinations, d'irruptions fantastiques qui ne ressemblent pas mal à des récits de veillées et à des contes de nourrices. - qui croit encore, de nos jours, aux nécromanciens, aux sorciers, aux enchanteurs, aux charmes, aux philtres, au commerce avec le diable ? Voudriez-vous nous ramener aux contes bleus de Martin Del Rio[2], aux niaises superstitions du peuple et des commères des carrefours, par des légendes à faire venir la chair de poule aux paysannes joufflues qui ont peur du loup-garou, et à empêcher de dormir les marmots tremblants, au nom de croquemitaine ? Vraiment, l'ami, le moment est bien choisi pour nous débiter ces balivernes ! - tel est, à peu près, le langage que je crois m'entendre adresser.

« je répondrai que, avant de faire tant fi des anciennes croyances, il faudrait que chacun mît la main sur sa conscience et se demandât, bien franchement, s'il n'est pas au moins aussi crédule qu'aucun de ses devanciers. Voyons un peu : que signifie cette vogue de magnétiseurs et de médiums, de tables tournantes, parlantes, prophétisantes ; de somnambules qui voient au travers des murailles, qui lisent par le coude, qui ont présent devant eux ce qui se dit et se fait à vingt, trente, quarante milles de là ; qui lisent et écrivent sans savoir ni a ni b. ; qui, sans connaître un mot de médecine signalent, déterminent tous les cas pathologiques, en indiquent les causes, en prescrivent le remède avec les doses de l'ordonnance, dans tous les termes gréco-arabes du vocabulaire scientifique ? Qu'est-ce que ces interrogatoires d'esprits, ces réponses de gens morts et enterrés, ces prophéties d'événements futurs ? Qui évoque ces ombres ? Qui les fait parler ? Qui leur fait voir un avenir qui n'existe pas ? Qui leur fait proférer ces blasphèmes contre dieu, contre les saints du ciel, contre les sacrements de l'église ?

« Voyons, braves gens, parlez ! Pourquoi ces contorsions et ces regards ombrageux ? - eh ! Finissez-vous par me dire, qui sait ! Mystères de la nature, lois inconnues, force de lucidité, sens caché dans l'organisme humain ! Subtilité du fluide magnétique, de l'influx nerveux, des ondulations optiques, et acoustiques ; vertus secrètes que l'électricité ou le magnétisme excitent dans le cerveau, dans le sang, dans les fibres, dans toutes les parties vitales ; puissances et forces suprêmes de la volonté et de l'imagination.

« Mes amis, ce sont là des sornettes, des mots vides de sens, des phrases creuses, des détours ambigus, des énigmes que vous ne comprenez pas vous-mêmes. Toute la différence qu'il y a entre nous et nos ancêtres, c'est que, pour nier un mystère, nous en forgeons cent autres ; tandis que ces bonnes gens appelaient un chat un chat, et le diable le diable, nous avons la prétention de gratifier la nature de forces qu'elle n'a et ne peut pas avoir ; nos vieux, plus sages et plus francs, disaient, sans tant d'ambages, qu'il existait des opérations surnaturelles, et ils les traitaient, tout bonnement, de diableries.

« Moins versés que nous, cependant, dans la connaissance des phénomènes naturels, il leur arrivait sans doute, de prendre quelquefois pour un effet prodigieux des choses qui ne sortent pas de l'ordre naturel, tandis que les modernes, beaucoup plus éclairés, ne laissent pas que de regarder bon nombre des supercheries des magnétiseurs comme l'effet mystérieux des lois secrètes de la nature, et les opérations vraiment diaboliques comme des tours de passe-passe plus ou moins subtils. Mais les hommes plus chrétiens du bon vieux temps savaient fort bien que les mauvais esprits, évoqués au moyen de certains signes, de certaines conjurations, de certains pactes, apparaissaient, répondaient, hallucinaient l'imagination en l'impressionnant de mille manières et en faisant surtout le plus de mal qu'ils pouvaient à ceux qui conversaient avec eux. Avouez donc de bonne foi que, de nos jours même, nous avons, et en plus grand nombre que les anciens, nos nécromanciens, nos enchanteurs et nos sorciers, avec cette différence que nos pauvres pères avaient horreur de ces maléfices, qu'ils les pratiquaient en secret, dans les ténèbres, dans les cavernes, dans les forêts, et que beaucoup s'en repentaient, s'en confessaient et en faisaient ensuite pénitence ; au lieu que, de nos jours, on les exerce dans les salons étincelants de dorures et de lumières, en présence des curieux, devant des jeunes filles, des enfants, des mères, sans s'en faire le moindre scrupule et en s'ébaudissant souvent des superstitions du moyen âge.

« Croyez-moi, à toutes les époques, les hommes ont voulu avoir affaire avec le démon, et cet esprit rusé, pour peu que les hommes ne le renvoient pas à ses abîmes et qu'ils tiennent à son commerce, se plie à toutes les transformations. Dans les siècles idolâtres, il vivait avec les oracles et les pythonisses ; il se montrait sous la forme de colombe, de pie, de coq, de serpent, et chantait des vers fatidiques. Au moyen âge il faisait le pédant vis-à-vis de ces peuples barbares, et leur apparaissait sous des formes terribles, dans de monstrueuses conjurations. Si, parfois, il se rapetissait et se subtilisait au point de se loger dans les cheveux, dans des fioles, dans des philtres, que les sorciers faisaient avaler aux amoureux, ce n'était pas sans inspirer encore une grande terreur. Aujourd'hui, en revanche, il se prête à la civilisation du siècle ; il se plaît dans le beau monde, dans les soirées brillantes ; tour à tour, dormant avec les somnambules, dansant avec les tables, écrivant avec les guéridons. N'est-il pas bien gentil, en vérité ? Il se garde bien d'effaroucher personne ! Il s'habille à l'américaine, à l'anglaise, à la parisienne, à l'allemande ; il est vraiment aimable, sous la barbe et la fine moustache des italiens ; il est la coqueluche des salons, et il faudrait être bien malotru pour ne pas le trouver d'une irréprochable distinction. Voyez donc ! Il est devenu si bon apôtre qu'il s'entretient le plus courtoisement du monde avec telle dame qui va encore à la messe et qui, si vous lui disiez : - prenez garde ! Il y a des choses qui ne sont pas naturelles et qui ne sauraient l'être : il y a quelque anguille sous roche ; les bons chrétiens ne s'occupent pas de tout cela, - vous rirait au nez, et vous répondrait d'un petit air piqué : - que diantre ! Tout cela est fort naturel : je suis chrétienne aussi, moi ; mais je ne suis pas une imbécile.

« En attendant, si l'occasion se présente, elle fera magnétiser sa jeune fille de vingt ans, pour lui faire lire, dans l'intuition magnétique, des faits éloignés ou des secrets de l'avenir.

« Je vous laisse à penser si ce beau diable en gants jaunes doit rire dans sa barbe de la bonne chrétienne ! »

Nous laissons à nos lecteurs le soin d'apprécier le jugement du p. Bresciani : ils y chercheront sans doute en vain, comme nous, des arguments péremptoires contre les idées spirites, une démonstration quelconque de la fausseté de ces idées ; il pense, sans doute, qu'elles ne valent pas la peine d'une réfutation sérieuse et qu'il suffit de souffler dessus pour les dissiper. Mais il nous semble que, à l'exemple de la plupart des adversaires, il arrive à une conséquence tout autre que celle qu'il espère, dès lors qu'il ne prouve pas, par a plus b, que cela n'est pas et ne peut pas être. Comme le p. Bresciani est un homme d'un talent incontestable et d'une instruction supérieure, nous pensons que, puisque son but était de combattre les esprits, il a dû réunir contre eux ses armes les plus redoutables ; d'où nous concluons que s'il ne dit pas davantage, c'est qu'il n'a rien de plus à dire ; que s'il ne donne pas d'autres preuves, c'est qu'il n'en a pas de meilleures à opposer : autrement il n'aurait eu garde de les laisser au fond du sac. Les plus ridiculisés, dans toute cette argumentation, ce ne sont pas les esprits, mais bien le diable lui-même qui y est traité un peu cavalièrement, et non point comme une chose prise au sérieux. On serait tenté de penser, à ce style facétieux, que l'auteur ne croit pas plus au diable qu'aux esprits. Si pourtant c'est, comme il le prétend, l'agent unique de toutes les manifestations, on conviendra qu'il lui fait jouer un rôle plus plaisant que terrible, et bien plus capable de piquer la curiosité que d'effrayer. Tel est, au reste, jusqu'à présent, le résultat de tout ce qu'on a dit et écrit contre le spiritisme ; on l'a bien plus servi qu'on ne lui a nui.

Selon la plupart des critiques, le fait des manifestations est sans portée ; c'est un engouement passager, un joujou de salon, et l'auteur ne nous paraît pas l'avoir envisagé sous un côté plus grave ; s'il en est ainsi, à quoi bon s'en tourmenter ? Laissez à la mode le soin d'apporter demain un autre passe-temps, et le spiritisme vivra ce qu'a vécu la potichomanie : l'espace de deux saisons. En lui lançant des pierres, on fait croire qu'on en a peur, car on ne cherche à abattre que ce qu'on redoute ; si c'est une chimère, une utopie, pourquoi se battre contre des moulins à vent ? Il est vrai qu'on dit que le diable s'en mêle quelquefois ; mais il ne faudrait pas beaucoup d'auteurs comme celui-ci, peignant le diable sous des couleurs aussi roses, pour donner à toutes les femmes l'envie de le connaître.

Le p. Bresciani a-t-il bien examiné la question ? A-t-il pesé la portée de toutes ses paroles ? Il nous permettra d'en douter. Quand il dit : qu'est-ce que ces réponses de gens morts et enterrés ? Qui leur fait voir un avenir qui n'existe pas ? Nous nous demandons si c'est un chrétien ou un matérialiste qui a écrit de pareilles choses ; et encore le matérialiste parlerait-il des morts avec plus de respect. - qui leur fait proférer ces blasphèmes contre dieu ? Où sont ces blasphèmes ? L'auteur, qui met tout sur le compte du diable, les suppose sans doute, autrement il saurait que la confiance la plus illimitée en la bonté infinie de dieu est la base même du spiritisme ; que tout s'y fait au nom de dieu ; que les esprits les plus pervers n'en parlent qu'avec crainte et respect, et les bons qu'avec amour. Qu'y a-t-il là de blasphématoire ? - mais que penser de ces paroles : nous avons la prétention de gratifier la nature de forces quelle n'a et ne peut avoir ; nos vieux, plus sages, les traitaient tout bonnement de diableries. Ainsi, il est plus sage d'attribuer les phénomènes de la nature au diable qu'à dieu. Tandis que nous proclamons la puissance infinie du créateur, le p. Bresciani lui pose des limites ; la nature, qui résume l'oeuvre divine, n'a pas, et ne peut pas avoir d'autres forces que celles que nous lui connaissons ; quant à celles qu'on pourrait découvrir, il est plus sage d'en faire hommage au diable, qui serait ainsi plus puissant que dieu. Est-il besoin de demander de quel côté est le blasphème, ou le plus grand respect pour l'être suprême ? - enfin, le diable prend toutes les formes : n'est-il pas bien gentil, en vérité ? Il s'habille à l'américaine, à l'anglaise, à la parisienne ; il est vraiment aimable sous la barbe et la fine moustache des italiens, et il faudrait être bien malotru pour ne pas le trouver d'une irréprochable distinction. Nous ne savons si les italiens seront bien flattés d'être pris pour des diables en gants jaunes. Quelles sont ces belles dames, qui font leur coqueluche de ces gentils démons, et qui, à l'avis charitable qu'une anguille sous roche est à craindre, vous rient au nez en vous lançant un : que diantre ! Je ne suis pas une imbécile ! Si c'est la nature prise sur le fait, nous demanderons dans quel monde, l'entier ou le demi, elles se servent d'aussi jolies expressions. Nous regrettons que l'auteur n'ait pas puisé ses connaissances en spiritisme à une source plus sérieuse, sans quoi il n'en parlerait pas aussi légèrement. Tant qu'on n'y opposera pas des arguments plus péremptoires, ses partisans pourront dormir bien tranquilles.



[1]Un vol. in-8, traduit de l'italien ; chez J.-B. Pélagaud, et Cie, rue des Saints-Pères, 57, à Paris. Prix, 3 fr. 50 c.


[2]Del Rio, savant jésuite, né à Anvers en 1551, mourut en 1608. L'auteur fait illusion ici à son ouvrage intitulé : Disquisitiones magicœ.



Histoire d'un damné

Société 9 décembre 1859. - première séance

M. De la roche, membre titulaire, communique le fait suivant qui est à sa connaissance personnelle :

Dans une petite maison près de Castelnaudary avaient lieu des bruits étranges et diverses manifestations qui la faisaient regarder comme hantée par quelque mauvais génie. Pour ce fait, elle fut exorcisée en 1848, et l'on y avait placé un grand nombre d'images de sainteté. Depuis lors M. D..., ayant voulu l'habiter, y fit faire des réparations, et fit en outre enlever toutes les gravures. Il y mourut subitement, il y a quelques années. Son fils, qui l'occupe en ce moment, ou plutôt qui l'occupait encore il y a peu de temps, reçut un jour, en entrant dans un appartement, un vigoureux soufflet donné par une main invisible ; comme il était parfaitement seul, il ne put douter qu'il ne lui vint d'une source occulte. Maintenant il n'y veut plus demeurer, et va la quitter définitivement. Il y a, dans le pays, une tradition selon laquelle un grand crime aurait été commis dans cette maison.

Saint Louis, interrogé sur la possibilité d'évoquer le donneur de soufflets, répond que cela se peut.

L'esprit appelé se manifeste par des signes de violence ; le médium est saisi d'une agitation extrême, sept ou huit crayons sont cassés, plusieurs sont lancés contre les assistants, une page est lacérée et couverte de traits insignifiants tracés avec colère. Tous les efforts sont impuissants pour le calmer ; pressé de répondre aux questions qu'on lui adresse, il écrit avec la plus grande difficulté, un non presque indéchiffrable.

1. (à Saint Louis.) Auriez-vous la bonté de nous donner quelques renseignements sur cet esprit, puisqu'il ne peut ou ne veut pas en donner lui-même ? - r. C'est un esprit de la pire espèce, un véritable monstre ; nous l'avons fait venir, mais nous n'avons pu le contraindre à écrire, malgré tout ce qui lui a été dit ; il a son libre arbitre : le malheureux en fait un triste usage.

2. Y a-t-il longtemps qu'il est mort comme homme ? - r. Prenez vos informations : c'est lui qui a commis le crime dont la légende existe dans le pays.

3. Qui était-il de son vivant ? - r. Vous le saurez par vous-même.

4. C'est donc lui qui hante cette maison maintenant ? - r. Sans doute, puisque c'est ainsi que je vous l'ai fait désigner.

5. Les exorcismes que l'on a pratiqués n'ont donc pu l'en chasser ? - r. En aucune façon.

6. Est-il pour quelque chose dans la mort subite de M.D... ? - r. Oui.

7. De quelle manière a-t-il pu contribuer à cette mort ? - r. Par la frayeur.

8. Est-ce lui qui a donné un soufflet à M.D... Fils ? - r. Oui.

9. Aurait-il pu en donner ici à quelqu'un d'entre nous ? - r. Mais sans doute, et l'envie ne lui en manquait pas.

10. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? - r. On ne le lui a pas permis.

11. Y aurait-il un moyen de le faire déloger de cette maison, et quel serait-il ? - r. Si l'on veut se débarrasser des obsessions de semblables esprits, cela est facile en priant pour eux : c'est ce qu'on néglige toujours de faire. On préfère les effrayer par des formules d'exorcisme qui les divertissent beaucoup.

12. En donnant aux personnes intéressées l'idée de prier pour cet esprit, et priant nous-mêmes pour lui, le ferait-on déloger ? - r. Oui ; mais remarquez que j'ai dit de prier et non de faire prier.

13. Cet esprit est-il susceptible d'amélioration ? - r. Pourquoi non ? Ne le sont-ils pas tous, celui-là comme les autres ? Il faut cependant s'attendre à trouver des difficultés ; mais quelque pervers qu'il soit, le bien rendu pour le mal finira par le toucher. Que l'on prie d'abord, et qu'on l'évoque dans un mois, vous pourrez juger du changement qui se sera opéré en lui.

14. Cet esprit est souffrant, malheureux ; veuillez nous dépeindre le genre de souffrances qu'il endure ? - r. Il est persuadé qu'il doit rester dans la situation où il se trouve pendant l'éternité. Il se voit constamment au moment où il a commis son crime : tout autre souvenir lui est retiré, et toute communication avec un autre esprit interdite ; il ne peut, sur terre, se tenir que dans cette maison, et s'il est dans l'espace, il y est dans les ténèbres et la solitude.

15. D'où venait-il avant sa dernière incarnation ; à quelle race appartenait-il ? - r. Il avait eu une existence parmi les peuplades les plus féroces et les plus sauvages, et précédemment il venait d'une planète inférieure à la terre.

16. Si cet esprit se réincarnait, dans quelle catégorie d'individus se trouverait-il ? - r. Cela dépendra de lui et du repentir qu'il éprouvera.

17. Pourrait-il, dans sa prochaine existence corporelle, être ce qu'on appelle un honnête homme ? - r. Cela lui serait difficile ; quoi qu'il fasse, il ne pourra éviter une vie encore bien orageuse.

Remarque. - Mme x..., médium voyant qui assistait à la séance, a vu cet esprit au moment où on a voulu le faire écrire : il secouait le bras du médium ; son aspect était effrayant ; il était vêtu d'une chemise couverte de sang, et tenait un poignard.

M. et Mme F..., qui n'assistaient à cette séance que comme auditeurs, n'étant point encore sociétaires, se sont, dès le soir même, acquittés de la recommandation faite au sujet du malheureux esprit, et ont prié pour lui. Ils en ont obtenu plusieurs communications ainsi que de ses victimes. Nous les rapportons dans leur ordre, avec celles qui ont eu lieu à la société sur le même sujet. Outre l'intérêt qui s'attache à cette dramatique histoire, il en ressort un enseignement qui n'échappera à personne.

Deuxième séance chez M.F...



18. (à l'esprit familier.) Peux-tu nous dire quelque chose de l'esprit de Castelnaudary ? - r. Evoque-le.

19. Sera-t-il méchant ? - r. Tu le verras.

20. Que faut-il faire ? - r. Ne pas lui parler, si tu n'as rien à lui dire.

21. Si nous lui parlons pour compatir à ses peines, cela lui fera-t-il du bien ? - r. La compassion fait toujours du bien aux malheureux.

22. Evocation de l'esprit de castelnaudary. - r. Que me veut-on ?

23. Nous t'appelons dans le but de t'être utile. - r. Oh ! Votre pitié me fait du bien, car je souffre... Oh ! Que je souffre !.. Que dieu ait pitié de moi !... Pardon !... Pardon !

24. Nos prières te seront-elles salutaires ? - r. Oui ; priez, priez.

25. Eh bien ! Nous prierons pour toi. - r. Merci ! Toi, au moins, tu ne maudis pas.

26. Pourquoi n'as-tu pas voulu écrire à la société quand on t'a appelé ? - r. Oh ! Malédiction !

27. Malédiction sur qui ? - r. Sur moi, qui expie bien cruellement des crimes où ma volonté n'eut qu'une faible part.

Remarque. - en disant que sa volonté n'a eu qu'une faible part à ses crimes, il veut les atténuer, comme on l'a su plus tard.

28. Si tu te repens, tu seras pardonné ? - r. Oh ! Jamais.

29. Ne désespère pas. - r. Eternité de souffrances, tel est mon lot.

30. Quelle est ta souffrance ? - r. Ce qu'il y a de plus horrible ; tu ne peux la comprendre.

31. A-t-on prié pour toi depuis hier au soir ? - r. Oui ; mais je souffre encore davantage.

32. Comment se fait-il ? - le sais-je !

Remarque. - cette circonstance a été expliquée plus tard.

33. Doit-on faire quelque chose par rapport à la maison où tu es installé ? - r. Non ! Non ! Ne m'en parlez pas... Pardon, mon dieu ! J'ai bien assez souffert.

34. Tiens-tu à y rester ? - r. J'y suis condamné.

35. Est-ce pour que tu aies constamment tes crimes sous les yeux ? - r. C'est cela.

36. Ne désespère pas ; tout peut être pardonné au repentir. - non point de pardon pour caïn.

37. As-tu donc tué ton frère ? - r. Nous sommes tous frères.

38. Pourquoi as-tu voulu faire du mal à M.D... ? - r. Assez, de grâce, assez !

39. Eh bien ! Adieu ; aie confiance en la miséricorde divine ! - r. Priez.



Troisième séance



40. Evocation. - je suis près de vous.

41. Commences-tu à espérer ? - r. Oui, mon repentir est grand.

42. Quel était ton nom ? - r. Vous le saurez plus tard.

43. Depuis combien d'années souffres-tu ? - r. 200 ans.

44. A quelle époque as-tu commis le crime ? - r. En 1608.

45. Peux-tu répéter ces dates pour nous les confirmer ? - r. Inutile ; c'est bien assez d'une fois. Adieu, je vous parlerai demain ; une volonté m'appelle.



Quatrième séance



46. Evocation. - merci, Hugo (nom de baptême de M.F...

47. Veux-tu nous parler de ce qui s'est passé à Castelnaudary ? - r. Non ; vous me faites souffrir lorsque vous m'en parlez ; ce n'est pas généreux de votre part.

48. Tu sais bien que si nous t'en parlons, c'est dans le but de pouvoir t'éclairer sur ta position, et non pour l'aggraver ; ainsi parle sans crainte. Comment t'es-tu laissé aller à commettre ce crime ? - r. Un moment d'égarement.

49. Y a-t-il eu préméditation ? - r. Non.

50. Ce ne peut être la vérité. Tes souffrances prouvent que tu es plus coupable que tu ne le dis. Sache que ce n'est que par le repentir que tu peux adoucir ton sort, et non par le mensonge. Allons ! Sois franc. - r. Eh bien ! Puisqu'il le faut, oui.

51. Est-ce un homme ou une femme que tu as tué ? - r. Un homme.

52. Comment as-tu causé la mort de M.D... - r. Je lui ai apparu visiblement, et je suis si affreux à voir, que ma vue seule l'a tué.

53. L'as-tu fait exprès ? - r. Oui.

54. Pourquoi cela ? - r. Il a voulu me braver, et j'en ferais encore autant si l'on venait me tenter.

55. Si j'allais demeurer dans cette maison, me ferais-tu du mal ? - r oh ! Non, certainement ; tu as pitié de moi, toi, et tu me veux du bien.

56. M.D... Est-il mort instantanément ? - r. Non ; la frayeur l'a saisi, mais il n'est mort que deux heures après.

57. Pourquoi t'es-tu borné à donner un soufflet à M.D... Fils ? - r. C'était bien assez d'avoir tué deux hommes.



Cinquième séance (société, 16 décembre 1859.)



58. Questions adressées à Saint Louis. L'esprit qui s'est communiqué à M. et Mme F... Est-il bien celui de Castelnaudary ? - r. Oui.

59. Comment se fait-il qu'il ait pu se communiquer à eux si promptement ? - r. A la société il ignorait encore ; il ne s'était pas repenti ; le repentir est tout.

60. Les renseignements qu'il a donnés sur son crime sont-ils exacts ? - r. C'est à vous de chercher à vous en assurer et à vous en expliquer ensuite avec lui.

61. Il dit que le crime a été commis en 1608, et qu'il est mort en 1659 ; il y a donc 200 ans qu'il est en cet état ? - r. Ceci vous sera expliqué plus tard.

62. Veuillez nous décrire le genre de son supplice. - r. Il est atroce pour lui ; il a été, comme vous le savez, condamné au séjour de la maison où le crime a été commis, sans pouvoir diriger sa pensée sur autre chose que sur ce crime, toujours devant ses yeux, et il se croit condamné à cette torture pour l'éternité.

63. Est-il plongé dans l'obscurité ? - r. Obscurité quand il veut s'éloigner de ce lieu d'exil.

64. Quel est le genre de souffrance le plus terrible qu'un esprit puisse être dans le cas d'éprouver ? - r. Il n'y a pas de description possible des tortures morales qui sont la punition de certains crimes ; celui-là même qui les éprouve aurait de la peine à vous en donner une idée ; mais la plus affreuse est la certitude où il se croit d'y être condamné sans retour.

65. Voici deux siècles qu'il est dans cette situation ; apprécie-t-il le temps comme il l'eût fait de son vivant ; c'est-à-dire le temps lui paraît-il aussi long ou moins long que s'il était vivant ? - r. Il lui paraît plutôt plus long : le sommeil n'existe pas pour lui.

66. Il nous a été dit que pour les esprits le temps n'existait pas, et que, pour eux, un siècle est un point dans l'éternité ; il n'en est donc pas de même pour tous ? - r. Non, certes ; il n'en est ainsi que pour les esprits arrivés à un degré très élevé d'avancement ; mais pour les esprits inférieurs le temps est quelquefois bien long, surtout quand ils souffrent.

67. Cet esprit est puni bien sévèrement pour le crime qu'il a commis ; or, vous nous avez dit qu'avant cette dernière existence il avait été parmi les peuplades les plus barbares. Là il a dû commettre des actes au moins aussi atroces que le dernier ; en a-t-il été puni de même ? - r. Il en a été moins puni, parce que, plus ignorant encore, il en comprenait moins la portée.

Remarque. Toutes les observations confirment ce fait, éminemment conforme à la justice de dieu, que les peines sont proportionnées, non à la nature de la faute, mais au degré d'intelligence du coupable et à la possibilité, pour lui, de comprendre le mal qu'il fait. Ainsi une faute, moins grave en apparence, pourra être plus sévèrement punie chez un homme civilisé, qu'un acte de barbarie chez un sauvage.

68. L'état où se trouve cet esprit est-il celui des êtres vulgairement appelés damnés ? - r. Absolument ; et il y en a de bien plus affreuses encore. Les souffrances sont loin d'être les mêmes pour tous, même pour des crimes semblables, car elles varient selon que le coupable est plus ou moins accessible au repentir. Pour celui-ci, la maison où il a commis son crime est son enfer ; d'autres le portent en eux, par les passions qui les tourmentent et qu'ils ne peuvent assouvir.

Remarque. - nous avons en effet vu des avares souffrir de la vue de l'or, qui, pour eux, était devenu une véritable chimère ; des orgueilleux, tourmentés par la jalousie des honneurs qu'ils voyaient rendre, et qui ne s'adressaient pas à eux ; des hommes, qui avaient commandé sur la terre, humiliés par la puissance invisible qui les contraignait d'obéir, et par la vue de leurs subordonnés qui ne pliaient plus devant eux ; des athées subir les angoisses de l'incertitude, et se trouver dans un isolement absolu au milieu de l'immensité, sans rencontrer aucun être qui pût les éclairer. Dans le monde des esprits, s'il y a des joies pour toutes les vertus, il y a des peines pour toutes les fautes, et celles que n'atteint pas la loi des hommes sont toujours frappées par la loi de dieu.

69. Cet esprit, malgré son infériorité, ressent les bons effets de la prière ; nous avons vu la même chose pour d'autres esprits également pervers et de la nature la plus brute ; comment se fait-il que des esprits plus éclairés, d'une intelligence plus développée, montrent une absence complète de bons sentiments ; qu'ils se rient de tout ce qu'il y a de plus sacré ; en un mot, que rien ne les touche, et qu'il n'y a aucune trêve dans leur cynisme ? - r. La prière n'a d'effet qu'en faveur de l'esprit qui se repent ; celui qui, poussé par l'orgueil, se révolte contre dieu et persiste dans ses égarements en les exagérant encore, comme le font de malheureux esprits, sur ceux-là la prière ne peut rien, et ne pourra rien que du jour où une lueur de repentir se sera manifestée chez eux. L'inefficacité de la prière est encore pour eux un châtiment ; elle ne soulage que ceux qui ne sont pas tout à fait endurcis.

70. Lorsqu'on voit un esprit inaccessible aux bons effets de la prière, est-ce une raison pour s'abstenir de prier pour lui ? - r. Non, sans doute, car tôt ou tard elle pourra triompher de son endurcissement et faire germer en lui des pensées salutaires.



Sixième séance chez M.F...



71. Evocation. - me voilà.

72. Tu peux donc quitter maintenant quand tu veux la maison de Castelnaudary ? - r. On me le permet, parce que je profite de vos bons conseils.

73. En éprouves-tu quelque soulagement ? - r. Je commence à espérer.

74. Si nous pouvions te voir, sous quelle apparence te verrions-nous ? - r. Vous me verriez en chemise, sans poignard.

75. Pourquoi n'aurais-tu plus ton poignard ; qu'en as-tu fait ? - r. Je le maudis ; dieu m'en épargne la vue.

76. Si M.D... Fils retournait dans la maison, lui ferais-tu encore du mal ? - r. Non, car je suis repentant.

77. Et s'il voulait encore te braver ? - r. Oh ! Ne me demandez pas ça ; je ne pourrais me dominer, ce serait au-dessus de mes forces... Car je ne suis qu'un misérable.

78. Les prières de M.D... Fils te seraient-elles plus salutaires que celles d'autres personnes ? - r. Oui, car c'est celui auquel j'ai fait le plus grand mal.

79. Eh bien ! Nous continuerons à faire ce que nous pourrons pour toi. - r. Merci ; au moins j'ai trouvé en vous des âmes charitables. Adieu.



Septième séance



80. Evocation de l'homme assassiné. - je suis là.

81. Quel nom portiez-vous de votre vivant ? - je m'appelais pierre dupont.

82. Quelle était votre profession ? - r. J'étais charcutier à Castelnaudary où je suis mort assassiné par mon frère, le 6 mai 1608, par Charles Dupont, mon frère aîné, avec un poignard, au milieu de la nuit.

83. Quelle a été la cause de ce crime ? - mon frère a cru que je voulais faire la cour à une femme qu'il aimait, et que je voyais assez souvent ; mais il se trompait, car je n'y avais jamais songé.

84. Comment vous a-t-il tué ? - r. Je dormais ; il m'a frappé à la gorge, puis au cœur ; en me frappant il m'a réveillé ; j'ai voulu lutter, mais j'ai succombé.

85. Lui avez-vous pardonné ? - r. Oui, du moment de sa mort, il y a 200 ans.

86. A quel âge est-il mort ? - r. A 80 ans.

87. Il n'a donc pas été puni de son vivant ? - r. Non.

88. Qui a-t-on accusé de votre mort ? - r. Personne ; dans ces temps de confusion, on faisait peu d'attention à ces choses-là ; cela n'aurait eu aucun but.

89. Qu'est devenue la femme ? - r. Peu après elle est morte assassinée dans ma maison par mon frère.

90. Pourquoi l'a-t-il assassinée ? - r. Amour trompé ; il l'avait épousée avant ma mort.



Huitième séance



91. Pourquoi ne parle-t-il pas du meurtre de cette femme ? - r. Parce que le mien est le plus mauvais pour lui.

92. Evocation de la femme assassinée. - je suis ici.

93. Quel nom portiez-vous de votre vivant ? - r. Marguerite Aeder, femme Dupont.

94. Combien de temps avez-vous été mariée ? - r. Cinq années.

95. Pierre nous a dit que son frère croyait à des rapports criminels entre vous deux, cela est-il vrai ? - r. Aucun rapport criminel n'existait entre pierre et moi ; ne croyez pas cela.

96. Combien de temps après la mort de son frère Charles vous a-t-il assassinée ? - deux ans après.

97. Quel motif l'y a poussé ? - jalousie, et le désir d'avoir mon argent.

98. Pouvez-vous relater les circonstances du crime ? - r. Il m'a saisie et m'a frappée sur la tête dans l'atelier de travail avec son couteau de charcutier.

99. Comment se fait-il qu'on ne l'ait point poursuivi ? - a quoi bon ! Tout était désordre dans ces temps de malheur.

100. La jalousie de Charles était-elle fondée ? - oui, mais cela ne pouvait l'autoriser à commettre un pareil crime, car dans ce monde nous sommes tous pécheurs.

101. Depuis combien d'années étiez-vous mariée à la mort de pierre ? - r. Depuis trois années.

102. Pouvez-vous préciser la date de votre mort ? - oui, le 3 mai 1610.

103. Qu'a-t-on pensé de la mort de pierre ? - on a fait croire à des assassins qui voulaient voler.

Remarque. Quoi qu'il en soit de l'authenticité de ces récits, qu'il paraît difficile de contrôler, il y a un fait remarquable, c'est la précision et la concordance des dates et de tous les événements ; cette circonstance est à elle seule un curieux sujet d'étude, si l'on considère que ces trois esprits appelés à divers intervalles ne se contredisent en rien. Ce qui semblerait confirmer leurs paroles, c'est que le principal coupable dans cette affaire ayant été évoqué par un autre médium, a donné des réponses identiques.



Neuvième séance



104. Evocation de M. D... - me voici.

105. Nous désirons vous demander quelques détails sur les circonstances de votre mort ; voulez-vous bien nous les donner ? - r. Volontiers.

106. Saviez-vous que la maison que vous habitiez était hantée par un esprit ? - r. Oui ; mais j'ai voulu le braver et j'ai eu tort de le faire ; j'aurais mieux fait de prier pour lui.

Remarque. On voit, par là, que les moyens que l'on emploie généralement pour se débarrasser des esprits importuns ne sont pas les plus efficaces. Les menaces les excitent plus qu'elles ne les effraient. La bienveillance et la commisération ont plus d'empire que l'emploi de moyens coercitifs qui les irritent, ou des formules dont ils se rient.

107. Comment cet esprit vous est-il apparu ? - r. A mon entrée chez moi il était visible, et me regardait fixement ; je n'ai pu m'échapper ; la frayeur m'a saisi, et j'ai dû expirer sous les yeux terribles de cet esprit que j'avais méprisé et pour lequel je m'étais montré si peu charitable.

108. Ne pouviez-vous appeler pour vous donner du secours ? - r. Impossible ; mon heure était venue, et c'est ainsi que je devais mourir.

109. Quelle apparence avait-il ? - r. D'un furieux disposé à me dévorer.

110. Avez-vous souffert en mourant ? - r. Horriblement.

111. Etes-vous mort subitement ? - r. Non, deux heures après.

112. Quelles réflexions faisiez-vous en vous sentant mourir ? - r. Je n'ai pu réfléchir ; j'ai été frappé d'une terreur inexprimable.

113. L'apparition est-elle restée visible jusqu'à la fin ? - r. Oui, elle n'a pas quitté un instant mon pauvre esprit.

114. Quand votre esprit s'est trouvé dégagé avez-vous vu la cause de votre mort ? - r. Non, tout était fini ; je l'ai comprise plus tard.

115. Pouvez-vous indiquer la date de votre mort ? - r. Oui, 9 août 1853. (La date précise n'a pu encore être vérifiée ; mais elle est exacte approximativement.)



Dixième séance (société, 13 janvier 1860



Lorsque cet esprit fut évoqué le 9 décembre, Saint Louis engagea à l'appeler de nouveau dans un mois, afin de juger des progrès qu'il aurait pu faire dans l'intervalle. On a déjà pu juger, par les communications de M. et de Mme F..., du changement qui s'est opéré dans ses idées, grâce à l'influence des prières et des bons conseils. Un mois et plus s'étant écoulé depuis sa première évocation, il fut appelé de nouveau dans la société le 13 janvier.

116. Evocation. - je suis là.

117. - vous rappelez-vous avoir été appelé parmi nous il y a un mois environ ? - r. Comment l'oublierais-je ?

118. Pourquoi n'avez-vous pas pu écrire alors ? - r. Je ne le voulais pas.

119. Pourquoi ne le vouliez-vous pas ? - r. Ignorance et abrutissement.

120. Vos idées ont-elles changé depuis ce moment-là ? - r. Beaucoup ; plusieurs d'entre vous ont été compatissants et ont prié pour moi.

121. Confirmez-nous tous les renseignements qui ont été donnés tant par vous que par vos victimes. - r. Si je ne les confirmais pas, ce serait dire que ce n'est pas moi qui les ai donnés, et c'est bien moi.

122. Entrevoyez-vous la fin de vos peines ? - r. Oh ! Pas encore ; c'est déjà beaucoup plus que je ne mérite de savoir, grâce à votre intercession, qu'elles ne dureront pas toujours.

123. Veuillez nous décrire la situation où vous étiez avant notre première évocation. Vous comprenez que nous vous demandons cela pour notre instruction, et non par un motif de curiosité. - r. Je vous l'ai dit, je n'avais conscience de rien au monde que de mon crime, et je ne pouvais quitter la maison où je l'ai commis que pour m'élever dans l'espace où tout autour de moi était solitude et obscurité ; je ne saurais vous donner une idée de ce que c'est, je n'y ai jamais rien compris ; dès que je m'élevais au-dessus de l'air, c'était noir, c'était vide ; je ne sais ce que c'était. Aujourd'hui j'éprouve beaucoup plus de remords, mais, comme vous le prouvent mes communications, je ne suis plus contraint de rester dans cette maison fatale ; il m'est permis d'errer sur terre, et de chercher à m'éclairer par mes observations ; mais alors je n'en comprends que mieux l'énormité de mes forfaits ; et si je souffre moins d'un côté, mes tortures augmentent de l'autre par le remords ; mais au moins j'ai l'espérance.

124. Si vous deviez reprendre une existence corporelle, laquelle choisiriez-vous ? - r. Je n'ai pas encore assez vu et assez réfléchi pour le savoir.

125. Rencontrez-vous vos victimes ? - r. Oh ! Que dieu m'en garde !

Remarque. Il a toujours été dit que la vue des victimes est un des châtiments des coupables. Celui-là ne les a pas encore vues, parce qu'il était dans l'isolement et les ténèbres : c'était un châtiment ; mais il redoute cette vue, ce sera peut-être là le complément de son supplice.

126. Pendant votre long isolement, et l'on peut dire votre captivité, avez-vous eu des remords ? - r. Pas le moindre, et c'est pour cela que j'ai tant souffert ; c'est seulement quand j'ai commencé à en éprouver qu'ont été provoquées, à mon insu, les circonstances qui ont amené mon évocation, à laquelle je dois le commencement de ma délivrance. Merci donc à vous qui avez eu pitié de moi et m'avez éclairé.

Remarque. Cette évocation n'est donc point le fait du hasard ; comme elle devait être utile à ce malheureux, les esprits qui veillaient sur lui, voyant qu'il commençait à comprendre l'énormité de ses crimes, ont jugé que le moment était venu de lui donner un secours efficace, et c'est alors qu'ils ont amené les circonstances propices. C'est un fait que nous avons vu se produire bien des fois.

On a demandé, à ce sujet, ce qu'il serait advenu de lui s'il n'avait pu être évoqué, et ce qu'il en est de tous les esprits souffrants qui ne peuvent pas l'être, ou auxquels on ne songe pas. A cela il est répondu que les voies de dieu, pour le salut de ses créatures, sont innombrables ; l'évocation peut être un moyen de les assister, mais n'est certainement pas le seul ; et dieu n'en laisse aucune dans l'oubli. D'ailleurs, les prières collectives doivent aussi avoir sur les esprits, accessibles au repentir, leur part d'influence.





Communications spontanées

Estelle Riquier - Société, 13 janvier 1860

L'ennui, le chagrin, le désespoir me dévorent. Epouse coupable, mère dénaturée, j'ai abandonné les saintes joies de la famille, le domicile conjugal embelli par la présence de deux petits anges descendus du ciel. Entraînée dans les sentiers du vice par un égoïsme, un orgueil et une coquetterie effrénés, femme sans cœur, j'ai conspiré contre le saint amour de celui que dieu et les hommes m'avaient donné pour soutien et pour compagnon dans la vie ; il chercha dans la mort un refuge contre le désespoir que lui avaient causé mon lâche abandon et son déshonneur.

Le christ a pardonné à la femme adultère et à madeleine repentante ; la femme adultère avait aimé, et madeleine s'était repentie ; mais moi ! Misérable, j'ai vendu à prix d'or un semblant d'amour que je n'ai jamais éprouvé ; j'ai semé à pleines mains le plaisir, et n'ai récolté que le mépris. La hideuse misère et la cruelle faim sont venues mettre un terme à une vie qui m'était devenue odieuse... Et je ne me suis pas repentie ! Et moi, misérable et infâme, j'ai employé souvent, hélas ! Avec un fatal succès, mon infernale influence comme esprit à pousser dans le vice de pauvres femmes que je voyais vertueuses et jouir du bonheur que j'avais foulé aux pieds. Dieu me pardonnera-t-il jamais ? Peut-être, si le mépris qu'elle vous inspire ne vous empêche pas de prier pour la malheureuse Estelle Riquier.



Remarque. Cet esprit s'étant communiqué spontanément, sans être appelé et sans être connu d'aucun des assistants, on lui adressa les questions suivantes :



1. A quelle époque êtes-vous morte ? - r. Il y a cinquante ans.

2. Quel pays habitiez-vous ? - r. Paris.

3. A quelle classe de la société appartenait votre mari ? - r. A la classe moyenne.

4. A quel âge êtes-vous morte ? - r. Trente-deux ans.

5. Quels motifs vous a portée à vous communiquer spontanément à nous ? - r. On me l'a permis pour votre instruction et pour l'exemple.

6. Aviez-vous reçu une certaine éducation ? - r. Oui.

7. Nous espérons que dieu vous tiendra compte de la franchise de vos aveux et de votre repentir. Nous le prions d'étendre sa miséricorde sur vous, et de vous envoyer de bons esprits pour vous éclairer sur les moyens de réparer votre passé. - r. Oh ! Merci ! Merci ! Que dieu vous entende !

Remarque. Plusieurs personnes nous informent qu'elles ont cru accomplir un devoir en priant pour les esprits souffrants que nous signalons et qui réclament assistance. Nous faisons des vœux pour que cette charitable pensée se généralise parmi nos lecteurs. Quelques-uns ont reçu la visite spontanée des esprits auxquels ils s'étaient intéressés, et qui sont venus les remercier.


Le temps présent - Société 20 janvier 1860

Vous êtes guidés par le véritable génie du christianisme, vous ai-je dit ; c'est parce que le christ lui-même préside les travaux de toute nature qui sont en voie d'accomplissement pour ouvrir l'ère de rénovation et de perfectionnement que vous prédisent vos guides spirituels. Si en effet vous jetez les yeux, en dehors des manifestations spirites, sur les événements contemporains, vous reconnaîtrez sans aucune hésitation les signes avant-coureurs qui vous prouveront d'une manière irréfragable que les temps prédits sont arrivés. Les communications s'établissent entre tous les peuples, les barrières matérielles sont renversées ; les obstacles moraux qui s'opposent à leur union, les préjugés politiques et religieux, s'effaceront rapidement, et le règne de la fraternité s'établira enfin d'une manière solide et durable. Observez dès aujourd'hui les souverains eux-mêmes, poussés par une main invisible, prendre - chose inouïe pour vous - l'initiative des réformes ; et les réformes qui partent d'en haut et spontanément sont bien plus rapides et bien plus durables que celles qui partent d'en bas et sont arrachées par la force. J'avais, malgré des préjugés d'enfance et d'éducation, malgré le culte du souvenir, pressenti l'époque actuelle ; j'en suis heureux, et suis plus heureux encore de venir vous dire : frères, courage ! Travaillez pour vous et pour l'avenir des vôtres ; travaillez surtout à votre amélioration personnelle, et vous jouirez dans votre première existence d'un bonheur dont il vous est aussi difficile de vous faire une idée, qu'à moi de vous la faire comprendre.

Chateaubriand.


Les cloches - Obtenue par M. Pécheur, 13 janvier 1860.

Peux-tu me dire pourquoi j'ai toujours aimé à entendre le son des cloches ? C'est que l'âme de l'homme qui pense ou qui souffre cherche toujours à se dégager, lorsqu'elle éprouve ce bonheur muet qui réveille en nous des souvenirs vagues d'une vie passée ; c'est que ce son est une traduction de la parole du christ qui vibre dans l'air depuis dix-huit siècles : c'est la voix de l'espérance. Que de cœurs elle a consolés ! Que de force elle a donnée à l'humanité croyante ! Cette voix divine effraya les grands de l'époque : ils en eurent peur, car la vérité qu'ils avaient étouffée les fit trembler. Le christ la montrait à tous : ils tuèrent le christ, mais non l'idée ; sa parole sacrée avait été comprise ; elle était immortelle, et pourtant que de fois le doute s'est glissé dans vos cœurs ! Que de fois l'homme a-t-il accusé dieu d'être injuste ! Il s'écriait : mon dieu, qu'ai-je donc fait ? Le malheur m'a-t-il marqué à mon berceau ? Suis-je donc destiné à suivre cette route qui me déchire le cœur ? Il semble qu'une fatalité s'attache à mes pas ; je sens mes forces qui m'abandonnent ; je vais briser cette vie.

A ce moment, dieu fait entrer dans votre cœur un rayon d'espérance ; une main amie vous ôte le bandeau du matérialisme qui couvre vos yeux ; une voix du ciel vous dit : regarde à l'horizon ce foyer lumineux : c'est un feu sacré qui émane de dieu ; ce flambeau doit éclairer le monde et le purifier ; il doit faire pénétrer sa lumière dans le cœur de l'homme et en chasser les ténèbres qui obscurcissent ses yeux. Des hommes ont prétendu vous donner la lumière, ils n'ont produit qu'un brouillard qui a fait perdre le droit chemin.

Vous à qui dieu montre la lumière, ne soyez pas aveugles ; c'est le spiritisme qui vous permet de lever un coin du voile qui couvrait votre passé. Regardez maintenant ce que vous avez été, et jugez-vous. Courbez la tête devant la justice du créateur ; remerciez-le de vous rendre le courage pour continuer l'épreuve que vous avez choisie. Le christ a dit : celui qui se servira de l'épée périra par l'épée : cette pensée, toute spirite, renferme le mystère de vos souffrances. Que l'espérance en la bonté de dieu vous donne le courage et la foi ; écoutez toujours cette voix qui vibre dans vos cœurs ; c'est à vous de comprendre, d'étudier avec sagesse, d'élever votre âme par des pensées toutes fraternelles ; que le riche tende la main à celui qui souffre, car la richesse ne lui a pas été donnée pour ses jouissances personnelles, mais pour qu'il en soit le dispensateur, et dieu lui demandera compte de l'usage qu'il en aura fait. La seule richesse que dieu reconnaisse, ce sont vos vertus ; c'est la seule que vous emporterez avec vous en quittant ce monde. Laissez dire ces prétendus sages qui vous traitent de fous ; demain peut-être ils vous demanderont de prier pour eux, car dieu les jugera.

Ta fille qui t'aime et qui prie pour toi.

Conseils de famille

Suite. (Voir le n° de janvier. - lue à la société le 20 janvier 1860.)

Mes chers enfants, dans mes précédentes instructions, je vous ai conseillé le calme et le courage, et pourtant vous n'en montrez pas tous autant que vous le devriez. Songez que la plainte ne calme jamais la douleur, qu'elle tend au contraire à l'accroître. Un bon conseil, une bonne parole, un sourire, un geste même, donnent de la force et du courage. Une larme amollit le cœur au lieu de le raffermir. Pleurez, si le cœur vous y pousse, mais que ce soit plutôt dans les moments de solitude qu'en présence de ceux qui ont besoin de toute leur force et de toute leur énergie, qu'une larme ou un soupir peut diminuer ou affaiblir. Nous avons tous besoin d'encouragements, et rien n'est plus propre à nous encourager qu'une voix amie, qu'un regard bienveillant, qu'un mot sorti du cœur. Quand je vous ai conseillé de vous réunir, ce n'était point pour que vous unissiez vos larmes et vos amertumes ; ce n'était pas pour vous exciter à la prière, qui ne prouve qu'une bonne intention, mais bien pour que vous unissiez vos pensées, vos efforts mutuels et collectifs ; pour que vous vous donniez mutuellement de bons conseils, et que vous cherchiez en commun, non le moyen de vous attrister, mais la marche à suivre pour vaincre les obstacles qui se présentent devant vous. En vain un malheureux qui n'a pas de pain se jettera à genoux pour prier dieu, la subsistance ne lui tombera pas du ciel ; mais qu'il travaille, et si peu qu'il obtienne, cela lui vaudra plus que toutes ses prières. La prière la plus agréable à dieu c'est le travail utile quel qu'il soit. Je le répète, la prière ne prouve qu'une bonne intention, un bon sentiment, mais ne peut produire qu'un effet moral, puisqu'elle est toute morale. Elle est excellente comme une consolation de l'âme, car l'âme qui prie sincèrement trouve dans la prière un soulagement à ses douleurs morales : hors de ces effets et de ceux qui découlent de la prière, comme je vous l'ai expliqué dans d'autres instructions, n'en attendez rien, car vous seriez déçus dans votre espoir.

Suivez donc exactement mes conseils ; ne vous contentez pas de demander à dieu de vous aider, aidez-vous vous-mêmes, car c'est ainsi que vous prouverez la sincérité de votre prière. Il serait trop commode, en vérité, qu'il suffît de demander une chose dans ses prières pour qu'elle soit accordée ! Ce serait le plus grand encouragement à la paresse et à la négligence des bonnes actions. Je pourrais, sur ce sujet, m'étendre davantage, mais ce serait trop pour vous : votre état d'avancement ne le comporte pas encore. Méditez sur cette instruction comme sur les précédentes, elles sont de nature à occuper longtemps vos esprits, car elles contiennent en germe tout ce qui vous sera dévoilé dans l'avenir. Suivez mes précédents avis.




Allan Kardec.


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