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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1865 > Octobre
Octobre
Nouvelles études sur les miroirs magiques ou psychiques
Le voyant de la forêt de Zimmerwald
Dans la Revue Spirite d'octobre 1864, nous avons rendu un compte
détaillé des observations que nous venions de faire sur un paysan du
canton de Berne qui possède la faculté de voir, dans un verre, les
choses éloignées. De nouvelles visites que nous lui avons faites cette
année nous ont permis de compléter nos observations et de rectifier, sur
certains points, la théorie que nous avions donnée des objets
vulgairement désignés sous le nom de miroirs magiques, plus exactement
nommés miroirs psychiques. Comme avant tout nous cherchons la vérité et
que nous n'avons pas la prétention d'être infaillible, lorsqu'il nous
arrive de nous tromper, nous n'hésitons pas à le reconnaître. Nous ne
connaissons rien de plus sot que de s'entêter sur une opinion erronée.
Pour l'intelligence de ce qui va suivre, et afin d'éviter des répétitions, nous prions nos lecteurs de vouloir bien se reporter à l'article précité qui contient une notice détaillée sur le voyant en question, et sa manière d'opérer.
Nous rappellerons seulement qu'on donne le nom de miroirs magiques à des objets de diverses formes et natures, presque toujours à reflet brillant, tels que verres à boire, carafes, glaces, plaques métalliques et dans lesquels certaines personnes voient des choses absentes. Une observation attentive nous ayant convaincu que cette faculté n'est autre que celle de la double vue, autrement dit de la vue spirituelle ou psychique, indépendante de la vue organique, et l'expérience démontrant chaque jour que cette faculté existe sans le secours d'aucun objet, nous en avions conclu, d'une manière trop absolue, à l'inutilité de ces objets, pensant que l'habitude de s'en servir les rendait seule nécessaires, et que tout individu voyant avec leur concours, pourrait voir tout aussi bien sans cela, s'il en avait la volonté ; or, c'est là qu'est l'erreur, ainsi que nous allons le démontrer.
Préalablement nous donnerons un récit succinct des nouveaux faits observés, parce qu'ils servent de base aux instructions auxquelles ils ont donné lieu.
Étant donc retourné chez cet homme, accompagné de M. le commandant de W. qui a bien voulu nous servir d'interprète, il s'est tout d'abord occupé de notre santé ; il a décrit avec facilité et une parfaite exactitude le siège, la cause et la nature du mal, et indiqué les remèdes nécessaires.
Ensuite, sans y être provoqué par aucune question, il a parlé de nos travaux, de leur but et de leurs résultats, dans le même sens que l'année précédente, sans cependant avoir conservé aucun souvenir de ce qu'il avait dit ; mais il a beaucoup plus approfondi le sujet dont il a paru mieux comprendre la portée. Il est entré dans des détails circonstanciés sur la marche actuelle et future de la chose qui nous occupe, sur les causes qui doivent amener tel ou tel résultat, sur les obstacles qui nous seront suscités et les moyens de les surmonter, sur les personnes qui y jouent ou doivent y jouer un rôle pour ou contre, celles sur le dévouement et la sincérité desquelles on peut compter ou non, les dépeignant au physique et au moral de manière à prouver qu'il les voyait parfaitement. En un mot il nous a donné une instruction longuement développée et logiquement motivée, d'autant plus remarquable qu'elle confirme de tous points, et complète sous certains rapports celles de nos Esprits protecteurs. Les parties dont nous étions à même d'apprécier l'exactitude ne peuvent laisser de doute sur sa clairvoyance. Ayant eu avec lui plusieurs entretiens, chaque fois il revenait sur le même sujet, le confirmait ou le complétait, sans jamais se contredire, même dans ce qu'il avait dit l'année précédente, dont les entretiens actuels semblaient être la suite.
Cette instruction étant toute personnelle et confidentielle, nous nous abstenons de la rapporter en détail ; nous la mentionnons à cause du fait important qui en est ressorti et que nous relatons ci-après. Elle est sans doute d'un haut intérêt pour nous, mais notre but principal, en retournant voir cet homme, était de faire de nouvelles études sur sa faculté, dans l'intérêt de la science spirite.
Un fait que nous avons constaté, c'est qu'on ne peut contraindre sa lucidité ; il voit ce qui se présente à lui et le décrit, mais on ne peut lui faire voir à volonté ce que l'on désire, ni ce à quoi l'on pense, bien qu'il lise dans la pensée. Dans la séance principale qui nous fut consacrée, nous essayâmes en vain d'appeler son attention sur d'autres sujets ; malgré ses efforts, il déclara ne rien voir dans son verre.
Lorsqu'il traite un sujet, on peut lui faire les questions qui y sont relatives, mais c'est inutilement qu'on l'interrogerait sur la première chose venue. Il lui arrive pourtant souvent de passer brusquement du sujet qui l'occupe à un autre qui y est tout à fait étranger, puis il revient au premier. Lorsqu'on lui en demande la raison, il répond qu'il dit ce qu'il voit, et que cela ne dépend pas de lui.
Il voit spontanément les personnes absentes, lorsqu'elles se lient directement à ce qui fait l'objet de son examen, mais non autrement. Son point de départ est l'interrogateur, sa personne, sa résidence ; de là se déroulent les faits consécutifs. Ce fut aussi inutilement que nous tentâmes l'expérience suivante. Un de nos amis de Paris, qui venait de nous écrire, désirait que nous le consultassions au sujet de la maladie de sa fille. Nous lui remîmes la lettre en lui disant de la placer dans le creux de sa main, sous le fond de son verre, pensant que le rayonnement du fluide faciliterait la vue de cette personne ; il n'en fut rien : le reflet blanc du papier le gênait au contraire ; il prétendit que cette personne était trop loin, et cependant, quelques instants auparavant, il venait de dépeindre, avec une parfaite exactitude et des détails minutieux, un individu auquel nous ne songions nullement, ainsi que l'endroit qu'il habite et cela à une distance quatre fois plus grande ; mais cet individu se trouvait compris dans le sujet qui nous concernait, tandis que l'autre y était étranger. L'enchaînement des événements le conduisait vers l'un et non vers l'autre.
Sa lucidité n'est donc ni flexible, ni maniable, et ne se prête nullement au caprice de l'interrogateur. Il n'est ainsi, en aucune façon, apte à satisfaire ceux qui ne viendraient vers lui que par curiosité ; d'ailleurs, comme il lit dans la pensée, son premier soin est de voir l'intention du visiteur, s'il ne le connaît pas d'avance ; si cette intention n'est pas sérieuse, et s'il voit que le but de la démarche n'est ni moral ni utile, il refuse de parler, et renvoie quiconque viendrait lui demander ce qu'on appelle la bonne aventure, ou lui poser des questions futiles ou indiscrètes. En un mot, c'est un voyant sérieux et non un devin.
Sa clairvoyance, ainsi que nous l'avons dit l'année dernière, s'applique principalement aux sources et aux cours d'eau souterrains ; ce n'est qu'accessoirement et par complaisance qu'il s'occupe d'autres choses.
Il est d'une ignorance absolue sur les principes même les plus élémentaires des sciences, mais il a beaucoup de jugement naturel, et par le fait de sa lucidité il supplée souvent au défaut de connaissances acquises. En voici un exemple.
Un jour, en notre présence, quelqu'un l'interrogeait sur la possibilité de l'existence d'une source minérale dans une certaine localité. Il n'y en a point, dit-il, parce que le terrain n'est pas propice. Nous lui fîmes observer que l'origine des sources est parfois fort éloignée du lieu où elles se montrent, et qu'elles filtrent à travers les couches terrestres. C'est vrai, reprit-il ; mais il y a des pays où les couches sont horizontales, et d'autres où elles sont verticales. Dans celui dont parle ce monsieur, elles sont verticales, et c'est là l'obstacle. D'où lui venait cette idée de la direction des couches terrestres, à lui qui n'a pas la moindre notion de géologie ?
Nous l'avons soigneusement observé pendant tout le cours de ses opérations, et voilà ce que nous avons remarqué :
Dès qu'il est assis, il prend son verre, le tient comme nous l'avons décrit dans notre précédent article, regarde alternativement le fond du verre et les assistants, et pendant près d'un quart d'heure parle de choses et d'autres indifférentes, après quoi il aborde le sujet principal. A ce moment, ses yeux naturellement vifs et pénétrants se ferment à demi, se voilent et se convulsent ; la prunelle disparaît par le haut et ne laisse voir que le blanc. De temps en temps, lorsqu'il fixe quelqu'un, la prunelle se montre un instant en partie, pour disparaître de nouveau totalement, et cependant il regarde toujours le fond de son verre ou les lignes qu'il trace avec sa craie ; or, il est bien évident que, dans cet état, ce n'est pas par les yeux qu'il peut voir. Sauf cette particularité, il n'y a rien en lui de sensiblement anormal. Son langage est celui d'un homme grave et sérieux ; il parle simplement, sans emphase, comme dans l'état ordinaire et non comme un inspiré.
Dans la soirée du jour où nous eûmes notre principale séance, nous demandâmes, par l'entremise d'un médium écrivain, des instructions aux bons Esprits sur les faits dont nous venions d'être témoins.
Demande. Que faut-il penser des révélations spontanées que nous a faites aujourd'hui le voyant de la forêt ? – Réponse. Nous avons voulu vous donner une preuve de la faculté de cet homme. Nous avions préparé le sujet qu'il devait traiter, c'est pourquoi il n'a pu répondre aux autres questions que vous lui avez faites. Ce qu'il vous a dit n'était que notre opinion. Vous avez été étonné de ce qu'il vous a dit ; il parlait par nous sans le savoir, et à l'heure qu'il est il ne sait plus ce qu'il a dit, de même qu'il ne se souvenait plus de ce qu'il avait dit l'année dernière, car son rayon d'intelligence ne va pas jusque-là. En parlant, il ne comprenait même pas la portée de ce qu'il disait ; il parlait mieux que le médium ici présent n'aurait pu le faire, par la crainte d'aller trop loin ; c'est pourquoi nous nous sommes servis de lui comme étant un instrument plus docile, pour les instructions que nous voulions vous donner.
Dem. Il a parlé d'un individu qui, d'après le portrait qu'il en a fait au physique et au moral, et par sa position, semblerait être tel personnage ; pourriez-vous dire si c'est en effet celui qu'il a voulu désigner ? – Rép. Ce que vous devez savoir, il l'a dit.
Remarque. – Il est donc évident qu'à la faculté naturelle de cet homme se joint la médiumnité, au moins accidentellement, si ce n'est d'une manière permanente ; c'est-à-dire que la lucidité lui est personnelle, et non le fait des Esprits, mais que les Esprits peuvent donner à cette lucidité telle direction qui leur convient, dans un cas déterminé, lui inspirer ce qu'il doit dire, et ne lui laisser dire que ce qu'il faut. Il est donc, au besoin, médium inconscient.
La faculté de voir à distance et à travers les corps opaques ne nous paraît extraordinaire, incompréhensible, que parce qu'elle constitue un sens dont nous ne jouissons pas dans l'état normal. Nous sommes exactement comme les aveugles de naissance qui ne comprennent pas qu'on puisse connaître l'existence, la forme et les propriétés des objets sans les toucher ; ils ne comprennent pas que le fluide lumineux est l'intermédiaire qui nous met en rapport avec les objets éloignés, et nous en apporte l'image. Sans la connaissance des propriétés du fluide périsprital, nous ne comprenons pas la vue sans le secours des yeux ; nous sommes à cet égard de véritables aveugles ; or, la faculté de voir à distance, à l'aide du fluide périsprital, n'est pas plus merveilleuse ni miraculeuse que celle de voir les astres à des milliards de lieues, à l'aide du fluide lumineux[1].
Dem. Voudriez-vous avoir la bonté de nous dire si le verre dont cet homme se sert lui est véritablement utile, s'il ne pourrait pas tout aussi bien voir dans le premier verre venu, dans un objet quelconque, ou même sans objet s'il en avait la volonté ; si la nécessité et la spécialité du verre ne seraient pas un effet de l'habitude qui lui fait croire qu'il ne peut s'en passer ; enfin, si la présence du verre est nécessaire, quelle action cet objet exerce-t-il sur sa lucidité ? – Rép. Son regard étant concentré sur le fond du verre, le reflet brillant agit d'abord sur ses yeux, puis de là, sur le système nerveux, et provoque une sorte de demi-somnambulisme, ou plus exactement de somnambulisme éveillé, dans lequel l'Esprit dégagé de la matière acquiert la clairvoyance, ou vue de l'âme, que vous appelez seconde vue.
Il existe un certain rapport entre la forme du fond du verre et la forme extérieure ou disposition de ses yeux ; c'est pourquoi il n'en trouve pas facilement qui réunissent les conditions nécessaires (voir l'article du mois d'octobre 1864). Quoique, en apparence, les verres soient semblables pour vous, il y a dans le pouvoir réflecteur et dans le mode de rayonnement, selon la forme, l'épaisseur et la qualité, des nuances que vous ne pouvez apprécier, et qui sont appropriées à son organisme individuel.
Le verre est donc pour lui un moyen de développer et de fixer sa lucidité ; il lui est véritablement nécessaire, parce que, chez lui, l'état lucide n'étant pas permanent, a besoin d'être provoqué ; un autre objet ne pourrait y suppléer, et ce même verre qui produit cet effet sur lui, ne produirait rien sur une autre personne, même voyante. Les moyens de provoquer cette lucidité varient selon les individus.
Pour l'intelligence de ce qui va suivre, et afin d'éviter des répétitions, nous prions nos lecteurs de vouloir bien se reporter à l'article précité qui contient une notice détaillée sur le voyant en question, et sa manière d'opérer.
Nous rappellerons seulement qu'on donne le nom de miroirs magiques à des objets de diverses formes et natures, presque toujours à reflet brillant, tels que verres à boire, carafes, glaces, plaques métalliques et dans lesquels certaines personnes voient des choses absentes. Une observation attentive nous ayant convaincu que cette faculté n'est autre que celle de la double vue, autrement dit de la vue spirituelle ou psychique, indépendante de la vue organique, et l'expérience démontrant chaque jour que cette faculté existe sans le secours d'aucun objet, nous en avions conclu, d'une manière trop absolue, à l'inutilité de ces objets, pensant que l'habitude de s'en servir les rendait seule nécessaires, et que tout individu voyant avec leur concours, pourrait voir tout aussi bien sans cela, s'il en avait la volonté ; or, c'est là qu'est l'erreur, ainsi que nous allons le démontrer.
Préalablement nous donnerons un récit succinct des nouveaux faits observés, parce qu'ils servent de base aux instructions auxquelles ils ont donné lieu.
Étant donc retourné chez cet homme, accompagné de M. le commandant de W. qui a bien voulu nous servir d'interprète, il s'est tout d'abord occupé de notre santé ; il a décrit avec facilité et une parfaite exactitude le siège, la cause et la nature du mal, et indiqué les remèdes nécessaires.
Ensuite, sans y être provoqué par aucune question, il a parlé de nos travaux, de leur but et de leurs résultats, dans le même sens que l'année précédente, sans cependant avoir conservé aucun souvenir de ce qu'il avait dit ; mais il a beaucoup plus approfondi le sujet dont il a paru mieux comprendre la portée. Il est entré dans des détails circonstanciés sur la marche actuelle et future de la chose qui nous occupe, sur les causes qui doivent amener tel ou tel résultat, sur les obstacles qui nous seront suscités et les moyens de les surmonter, sur les personnes qui y jouent ou doivent y jouer un rôle pour ou contre, celles sur le dévouement et la sincérité desquelles on peut compter ou non, les dépeignant au physique et au moral de manière à prouver qu'il les voyait parfaitement. En un mot il nous a donné une instruction longuement développée et logiquement motivée, d'autant plus remarquable qu'elle confirme de tous points, et complète sous certains rapports celles de nos Esprits protecteurs. Les parties dont nous étions à même d'apprécier l'exactitude ne peuvent laisser de doute sur sa clairvoyance. Ayant eu avec lui plusieurs entretiens, chaque fois il revenait sur le même sujet, le confirmait ou le complétait, sans jamais se contredire, même dans ce qu'il avait dit l'année précédente, dont les entretiens actuels semblaient être la suite.
Cette instruction étant toute personnelle et confidentielle, nous nous abstenons de la rapporter en détail ; nous la mentionnons à cause du fait important qui en est ressorti et que nous relatons ci-après. Elle est sans doute d'un haut intérêt pour nous, mais notre but principal, en retournant voir cet homme, était de faire de nouvelles études sur sa faculté, dans l'intérêt de la science spirite.
Un fait que nous avons constaté, c'est qu'on ne peut contraindre sa lucidité ; il voit ce qui se présente à lui et le décrit, mais on ne peut lui faire voir à volonté ce que l'on désire, ni ce à quoi l'on pense, bien qu'il lise dans la pensée. Dans la séance principale qui nous fut consacrée, nous essayâmes en vain d'appeler son attention sur d'autres sujets ; malgré ses efforts, il déclara ne rien voir dans son verre.
Lorsqu'il traite un sujet, on peut lui faire les questions qui y sont relatives, mais c'est inutilement qu'on l'interrogerait sur la première chose venue. Il lui arrive pourtant souvent de passer brusquement du sujet qui l'occupe à un autre qui y est tout à fait étranger, puis il revient au premier. Lorsqu'on lui en demande la raison, il répond qu'il dit ce qu'il voit, et que cela ne dépend pas de lui.
Il voit spontanément les personnes absentes, lorsqu'elles se lient directement à ce qui fait l'objet de son examen, mais non autrement. Son point de départ est l'interrogateur, sa personne, sa résidence ; de là se déroulent les faits consécutifs. Ce fut aussi inutilement que nous tentâmes l'expérience suivante. Un de nos amis de Paris, qui venait de nous écrire, désirait que nous le consultassions au sujet de la maladie de sa fille. Nous lui remîmes la lettre en lui disant de la placer dans le creux de sa main, sous le fond de son verre, pensant que le rayonnement du fluide faciliterait la vue de cette personne ; il n'en fut rien : le reflet blanc du papier le gênait au contraire ; il prétendit que cette personne était trop loin, et cependant, quelques instants auparavant, il venait de dépeindre, avec une parfaite exactitude et des détails minutieux, un individu auquel nous ne songions nullement, ainsi que l'endroit qu'il habite et cela à une distance quatre fois plus grande ; mais cet individu se trouvait compris dans le sujet qui nous concernait, tandis que l'autre y était étranger. L'enchaînement des événements le conduisait vers l'un et non vers l'autre.
Sa lucidité n'est donc ni flexible, ni maniable, et ne se prête nullement au caprice de l'interrogateur. Il n'est ainsi, en aucune façon, apte à satisfaire ceux qui ne viendraient vers lui que par curiosité ; d'ailleurs, comme il lit dans la pensée, son premier soin est de voir l'intention du visiteur, s'il ne le connaît pas d'avance ; si cette intention n'est pas sérieuse, et s'il voit que le but de la démarche n'est ni moral ni utile, il refuse de parler, et renvoie quiconque viendrait lui demander ce qu'on appelle la bonne aventure, ou lui poser des questions futiles ou indiscrètes. En un mot, c'est un voyant sérieux et non un devin.
Sa clairvoyance, ainsi que nous l'avons dit l'année dernière, s'applique principalement aux sources et aux cours d'eau souterrains ; ce n'est qu'accessoirement et par complaisance qu'il s'occupe d'autres choses.
Il est d'une ignorance absolue sur les principes même les plus élémentaires des sciences, mais il a beaucoup de jugement naturel, et par le fait de sa lucidité il supplée souvent au défaut de connaissances acquises. En voici un exemple.
Un jour, en notre présence, quelqu'un l'interrogeait sur la possibilité de l'existence d'une source minérale dans une certaine localité. Il n'y en a point, dit-il, parce que le terrain n'est pas propice. Nous lui fîmes observer que l'origine des sources est parfois fort éloignée du lieu où elles se montrent, et qu'elles filtrent à travers les couches terrestres. C'est vrai, reprit-il ; mais il y a des pays où les couches sont horizontales, et d'autres où elles sont verticales. Dans celui dont parle ce monsieur, elles sont verticales, et c'est là l'obstacle. D'où lui venait cette idée de la direction des couches terrestres, à lui qui n'a pas la moindre notion de géologie ?
Nous l'avons soigneusement observé pendant tout le cours de ses opérations, et voilà ce que nous avons remarqué :
Dès qu'il est assis, il prend son verre, le tient comme nous l'avons décrit dans notre précédent article, regarde alternativement le fond du verre et les assistants, et pendant près d'un quart d'heure parle de choses et d'autres indifférentes, après quoi il aborde le sujet principal. A ce moment, ses yeux naturellement vifs et pénétrants se ferment à demi, se voilent et se convulsent ; la prunelle disparaît par le haut et ne laisse voir que le blanc. De temps en temps, lorsqu'il fixe quelqu'un, la prunelle se montre un instant en partie, pour disparaître de nouveau totalement, et cependant il regarde toujours le fond de son verre ou les lignes qu'il trace avec sa craie ; or, il est bien évident que, dans cet état, ce n'est pas par les yeux qu'il peut voir. Sauf cette particularité, il n'y a rien en lui de sensiblement anormal. Son langage est celui d'un homme grave et sérieux ; il parle simplement, sans emphase, comme dans l'état ordinaire et non comme un inspiré.
Dans la soirée du jour où nous eûmes notre principale séance, nous demandâmes, par l'entremise d'un médium écrivain, des instructions aux bons Esprits sur les faits dont nous venions d'être témoins.
Demande. Que faut-il penser des révélations spontanées que nous a faites aujourd'hui le voyant de la forêt ? – Réponse. Nous avons voulu vous donner une preuve de la faculté de cet homme. Nous avions préparé le sujet qu'il devait traiter, c'est pourquoi il n'a pu répondre aux autres questions que vous lui avez faites. Ce qu'il vous a dit n'était que notre opinion. Vous avez été étonné de ce qu'il vous a dit ; il parlait par nous sans le savoir, et à l'heure qu'il est il ne sait plus ce qu'il a dit, de même qu'il ne se souvenait plus de ce qu'il avait dit l'année dernière, car son rayon d'intelligence ne va pas jusque-là. En parlant, il ne comprenait même pas la portée de ce qu'il disait ; il parlait mieux que le médium ici présent n'aurait pu le faire, par la crainte d'aller trop loin ; c'est pourquoi nous nous sommes servis de lui comme étant un instrument plus docile, pour les instructions que nous voulions vous donner.
Dem. Il a parlé d'un individu qui, d'après le portrait qu'il en a fait au physique et au moral, et par sa position, semblerait être tel personnage ; pourriez-vous dire si c'est en effet celui qu'il a voulu désigner ? – Rép. Ce que vous devez savoir, il l'a dit.
Remarque. – Il est donc évident qu'à la faculté naturelle de cet homme se joint la médiumnité, au moins accidentellement, si ce n'est d'une manière permanente ; c'est-à-dire que la lucidité lui est personnelle, et non le fait des Esprits, mais que les Esprits peuvent donner à cette lucidité telle direction qui leur convient, dans un cas déterminé, lui inspirer ce qu'il doit dire, et ne lui laisser dire que ce qu'il faut. Il est donc, au besoin, médium inconscient.
La faculté de voir à distance et à travers les corps opaques ne nous paraît extraordinaire, incompréhensible, que parce qu'elle constitue un sens dont nous ne jouissons pas dans l'état normal. Nous sommes exactement comme les aveugles de naissance qui ne comprennent pas qu'on puisse connaître l'existence, la forme et les propriétés des objets sans les toucher ; ils ne comprennent pas que le fluide lumineux est l'intermédiaire qui nous met en rapport avec les objets éloignés, et nous en apporte l'image. Sans la connaissance des propriétés du fluide périsprital, nous ne comprenons pas la vue sans le secours des yeux ; nous sommes à cet égard de véritables aveugles ; or, la faculté de voir à distance, à l'aide du fluide périsprital, n'est pas plus merveilleuse ni miraculeuse que celle de voir les astres à des milliards de lieues, à l'aide du fluide lumineux[1].
Dem. Voudriez-vous avoir la bonté de nous dire si le verre dont cet homme se sert lui est véritablement utile, s'il ne pourrait pas tout aussi bien voir dans le premier verre venu, dans un objet quelconque, ou même sans objet s'il en avait la volonté ; si la nécessité et la spécialité du verre ne seraient pas un effet de l'habitude qui lui fait croire qu'il ne peut s'en passer ; enfin, si la présence du verre est nécessaire, quelle action cet objet exerce-t-il sur sa lucidité ? – Rép. Son regard étant concentré sur le fond du verre, le reflet brillant agit d'abord sur ses yeux, puis de là, sur le système nerveux, et provoque une sorte de demi-somnambulisme, ou plus exactement de somnambulisme éveillé, dans lequel l'Esprit dégagé de la matière acquiert la clairvoyance, ou vue de l'âme, que vous appelez seconde vue.
Il existe un certain rapport entre la forme du fond du verre et la forme extérieure ou disposition de ses yeux ; c'est pourquoi il n'en trouve pas facilement qui réunissent les conditions nécessaires (voir l'article du mois d'octobre 1864). Quoique, en apparence, les verres soient semblables pour vous, il y a dans le pouvoir réflecteur et dans le mode de rayonnement, selon la forme, l'épaisseur et la qualité, des nuances que vous ne pouvez apprécier, et qui sont appropriées à son organisme individuel.
Le verre est donc pour lui un moyen de développer et de fixer sa lucidité ; il lui est véritablement nécessaire, parce que, chez lui, l'état lucide n'étant pas permanent, a besoin d'être provoqué ; un autre objet ne pourrait y suppléer, et ce même verre qui produit cet effet sur lui, ne produirait rien sur une autre personne, même voyante. Les moyens de provoquer cette lucidité varient selon les individus.
__________________________________________
(1) Le Siècle publie en ce moment, sous le titre de : La double vue, un très intéressant roman feuilleton d'Élie Berthet.
Dans le moment actuel c'est un à propos. Il y a deux ans environ, M. Xavier Saintine avait publié dans le
Constitutionnel, sous le titre de : La seconde vie, une série de faits basés sur la pluralité des existences et les rapports
spontanés qui s'établissent entre les morts et les vivants. C'est ainsi que la littérature aide à la vulgarisation des idées
nouvelles ; il n'y manque absolument que le mot spiritisme.
Conséquences de l'explication précédente.
Nous voici au point principal que nous nous sommes proposé.
L'explication qui précède nous paraît résoudre la question avec une
parfaite clarté. Tout est dans ces mots : La lucidité n'est pas
permanente chez cet homme. Le verre est un moyen de la provoquer par
l'action du rayonnement sur le système nerveux ; mais il faut que le
mode de rayonnement soit en rapport avec l'organisme ; de là, la variété
des objets pouvant produire cet effet selon les individus prédisposés à
les subir. Il en résulte :
1° Que pour ceux chez qui la vue psychique est spontanée ou permanente, l'emploi d'agents artificiels est inutile ;
2° que ces agents sont nécessaires lorsque la faculté a besoin d'être surexcitée ;
3° que ces agents devant être appropriés à l'organisme, ce qui a de l'action sur les uns, ne produit rien sur les autres.
Certaines particularités de notre voyant trouvent leur raison d'être dans cette explication.
La lettre placée sous le fond du verre, au lieu de le faciliter, le troublait, parce qu'elle changeait la nature du reflet qui lui est propre.
En commençant, avons-nous dit, il parle de choses indifférentes tout en regardant son verre ; c'est que l'action n'est pas instantanée, et cette conversation préliminaire, sans but apparent, a lieu pendant le temps nécessaire à la production de l'effet.
De même que l'état lucide ne se développe que graduellement, il ne cesse pas brusquement ; c'est la raison pour laquelle cet homme continue à voir encore quelques instants après avoir cessé de regarder dans son verre, ce qui nous avait fait croire que cet objet était inutile. Mais comme l'état lucide est en quelque sorte factice chez lui, il lui faut de temps en temps recourir à son verre pour l'entretenir.
On comprend, jusqu'à un certain point, le développement de la faculté par un moyen matériel, mais comment l'image d'une personne éloignée peut-elle se présenter dans le verre ? Le Spiritisme seul peut résoudre ce problème par la connaissance qu'il donne de la nature de l'âme, de ses facultés, des propriétés de son enveloppe périspritale, de son rayonnement, de sa puissance émancipatrice et de son dégagement de l'enveloppe corporelle. Dans l'état de dégagement, l'âme jouit des perceptions qui lui sont propres, sans le concours des organes matériels ; la vue est un attribut de l'être spirituel ; il voit par lui-même sans le secours des yeux, comme il entend sans le secours des oreilles ; si les organes des sens étaient indispensables aux perceptions de l'âme, il s'en suivrait qu'après la mort l'âme, n'ayant plus ces organes, serait sourde et aveugle. Le dégagement complet qui a lieu après la mort se produit partiellement pendant la vie, et c'est alors que se manifeste le phénomène de la vue spirituelle, autrement dit de la double vue ou seconde vue, ou vue psychique, dont le pouvoir s'étend aussi loin que s'étend le rayonnement de l'âme.
Dans la circonstance dont il s'agit, l'image ne se forme pas dans la substance du verre ; c'est l'âme elle-même qui, par son rayonnement, perçoit l'objet à l'endroit où il se trouve ; mais comme, chez cet homme, le verre est l'agent provocateur de l'état lucide, l'image lui apparaît tout naturellement dans la direction du verre. C'est absolument comme celui qui a besoin d'une longue-vue pour voir au loin ce qu'il ne peut distinguer à l'œil nu ; l'image de l'objet n'est pas dans les verres de la lunette, mais dans la direction des verres qui lui permettent de la voir ; ôtez-lui l'instrument, il ne voit plus rien. En poursuivant la comparaison, nous dirons que, de même que celui qui a une bonne vue n'a pas besoin de lunettes, celui qui jouit naturellement de la vue psychique n'a pas besoin de moyens artificiels pour la provoquer.
Il y a quelques années, un médecin découvrit qu'en posant entre les deux yeux, sur la racine du nez, un bouchon de carafe, une boule de cristal ou de métal brillant, et en faisant converger les rayons visuels vers cet objet pendant quelque temps, la personne entrait dans une sorte d'état cataleptique, durant lequel se manifestaient quelques-unes des facultés que l'on remarque chez certains somnambules, entre autres l'insensibilité et la vue à distance à travers les corps opaques, et que cet état cessait petit à petit après l'enlèvement de l'objet. C'était évidemment un effet magnétique produit par un corps inerte. Quel rôle physiologique joue le reflet brillant dans ce phénomène ? c'est ce que l'on ignore ; mais il a été constaté que si cette condition est nécessaire dans la plupart des cas, elle ne l'est pas toujours, et que le même effet est produit sur certains individus à l'aide d'objets ternes.
Ce phénomène, auquel on donna le nom d'hypnotisme fit du bruit dans les corps savants ; on expérimenta ; les uns réussirent, les autres échouèrent, comme cela devait être, les aptitudes n'étant pas les mêmes chez tous les sujets. La chose, fût-elle exceptionnelle, valait assurément bien la peine d'être étudiée ; mais il est regrettable de le dire, dès qu'on s'aperçut que c'était une porte dérobée par laquelle le magnétisme et le somnambulisme allaient pénétrer sous une autre forme et un autre nom dans le sanctuaire de la science officielle, il n'y fut plus question d'hypnotisme (Voir la Revue spirite de janvier 1860.)
Cependant la nature ne perd jamais ses droits ; si ses lois sont méconnues pendant un temps, elle revient si souvent à la charge, elle les présente sous des formes si variées, que force est tôt ou tard d'ouvrir les yeux. Le Spiritisme en est une preuve ; on a beau le nier, le dénigrer, le repousser, il frappe à toutes les portes de cent manières différentes, et pénètre bon gré mal gré chez ceux-mêmes qui ne veulent pas en entendre parler.
En rapprochant ce phénomène de celui qui nous occupe, et surtout des explications données ci-dessus, on remarque, dans les effets et dans les causes, une analogie frappante ; d'où l'on peut tirer cette conclusion que les corps vulgairement appelés miroirs magiques, ne sont autres que des agents hypnotiques, infiniment variés dans leurs formes et dans leurs effets, selon la nature et le degré des aptitudes.
Cela étant, il n'y aurait rien d'impossible à ce que certaines personnes, douées spontanément et accidentellement de cette faculté, subissent, à leur insu, l'influence magnétique d'objets extérieurs sur lesquels elles fixent machinalement les yeux. Pourquoi le reflet de l'eau, d'un lac, d'un étang, d'une rivière, d'un astre même, ne produirait-il pas le même effet qu'un verre ou une carafe sur certaines organisations convenablement prédisposées ? Mais ceci n'est qu'une hypothèse qui a besoin de la confirmation de l'expérience.
Ce phénomène, du reste, n'est point une découverte moderne ; on le trouve même de nos jours chez les peuples les plus arriérés, tant il est vrai que ce qui est dans la nature a le privilège d'être de tous les temps et de tous les pays ; on l'accepte d'abord comme fait : l'explication vient ensuite avec le progrès, et à mesure que l'homme avance dans la connaissance des lois qui régissent le monde.
Telles sont les conséquences qui nous paraissent découler logiquement des faits observés.
1° Que pour ceux chez qui la vue psychique est spontanée ou permanente, l'emploi d'agents artificiels est inutile ;
2° que ces agents sont nécessaires lorsque la faculté a besoin d'être surexcitée ;
3° que ces agents devant être appropriés à l'organisme, ce qui a de l'action sur les uns, ne produit rien sur les autres.
Certaines particularités de notre voyant trouvent leur raison d'être dans cette explication.
La lettre placée sous le fond du verre, au lieu de le faciliter, le troublait, parce qu'elle changeait la nature du reflet qui lui est propre.
En commençant, avons-nous dit, il parle de choses indifférentes tout en regardant son verre ; c'est que l'action n'est pas instantanée, et cette conversation préliminaire, sans but apparent, a lieu pendant le temps nécessaire à la production de l'effet.
De même que l'état lucide ne se développe que graduellement, il ne cesse pas brusquement ; c'est la raison pour laquelle cet homme continue à voir encore quelques instants après avoir cessé de regarder dans son verre, ce qui nous avait fait croire que cet objet était inutile. Mais comme l'état lucide est en quelque sorte factice chez lui, il lui faut de temps en temps recourir à son verre pour l'entretenir.
On comprend, jusqu'à un certain point, le développement de la faculté par un moyen matériel, mais comment l'image d'une personne éloignée peut-elle se présenter dans le verre ? Le Spiritisme seul peut résoudre ce problème par la connaissance qu'il donne de la nature de l'âme, de ses facultés, des propriétés de son enveloppe périspritale, de son rayonnement, de sa puissance émancipatrice et de son dégagement de l'enveloppe corporelle. Dans l'état de dégagement, l'âme jouit des perceptions qui lui sont propres, sans le concours des organes matériels ; la vue est un attribut de l'être spirituel ; il voit par lui-même sans le secours des yeux, comme il entend sans le secours des oreilles ; si les organes des sens étaient indispensables aux perceptions de l'âme, il s'en suivrait qu'après la mort l'âme, n'ayant plus ces organes, serait sourde et aveugle. Le dégagement complet qui a lieu après la mort se produit partiellement pendant la vie, et c'est alors que se manifeste le phénomène de la vue spirituelle, autrement dit de la double vue ou seconde vue, ou vue psychique, dont le pouvoir s'étend aussi loin que s'étend le rayonnement de l'âme.
Dans la circonstance dont il s'agit, l'image ne se forme pas dans la substance du verre ; c'est l'âme elle-même qui, par son rayonnement, perçoit l'objet à l'endroit où il se trouve ; mais comme, chez cet homme, le verre est l'agent provocateur de l'état lucide, l'image lui apparaît tout naturellement dans la direction du verre. C'est absolument comme celui qui a besoin d'une longue-vue pour voir au loin ce qu'il ne peut distinguer à l'œil nu ; l'image de l'objet n'est pas dans les verres de la lunette, mais dans la direction des verres qui lui permettent de la voir ; ôtez-lui l'instrument, il ne voit plus rien. En poursuivant la comparaison, nous dirons que, de même que celui qui a une bonne vue n'a pas besoin de lunettes, celui qui jouit naturellement de la vue psychique n'a pas besoin de moyens artificiels pour la provoquer.
Il y a quelques années, un médecin découvrit qu'en posant entre les deux yeux, sur la racine du nez, un bouchon de carafe, une boule de cristal ou de métal brillant, et en faisant converger les rayons visuels vers cet objet pendant quelque temps, la personne entrait dans une sorte d'état cataleptique, durant lequel se manifestaient quelques-unes des facultés que l'on remarque chez certains somnambules, entre autres l'insensibilité et la vue à distance à travers les corps opaques, et que cet état cessait petit à petit après l'enlèvement de l'objet. C'était évidemment un effet magnétique produit par un corps inerte. Quel rôle physiologique joue le reflet brillant dans ce phénomène ? c'est ce que l'on ignore ; mais il a été constaté que si cette condition est nécessaire dans la plupart des cas, elle ne l'est pas toujours, et que le même effet est produit sur certains individus à l'aide d'objets ternes.
Ce phénomène, auquel on donna le nom d'hypnotisme fit du bruit dans les corps savants ; on expérimenta ; les uns réussirent, les autres échouèrent, comme cela devait être, les aptitudes n'étant pas les mêmes chez tous les sujets. La chose, fût-elle exceptionnelle, valait assurément bien la peine d'être étudiée ; mais il est regrettable de le dire, dès qu'on s'aperçut que c'était une porte dérobée par laquelle le magnétisme et le somnambulisme allaient pénétrer sous une autre forme et un autre nom dans le sanctuaire de la science officielle, il n'y fut plus question d'hypnotisme (Voir la Revue spirite de janvier 1860.)
Cependant la nature ne perd jamais ses droits ; si ses lois sont méconnues pendant un temps, elle revient si souvent à la charge, elle les présente sous des formes si variées, que force est tôt ou tard d'ouvrir les yeux. Le Spiritisme en est une preuve ; on a beau le nier, le dénigrer, le repousser, il frappe à toutes les portes de cent manières différentes, et pénètre bon gré mal gré chez ceux-mêmes qui ne veulent pas en entendre parler.
En rapprochant ce phénomène de celui qui nous occupe, et surtout des explications données ci-dessus, on remarque, dans les effets et dans les causes, une analogie frappante ; d'où l'on peut tirer cette conclusion que les corps vulgairement appelés miroirs magiques, ne sont autres que des agents hypnotiques, infiniment variés dans leurs formes et dans leurs effets, selon la nature et le degré des aptitudes.
Cela étant, il n'y aurait rien d'impossible à ce que certaines personnes, douées spontanément et accidentellement de cette faculté, subissent, à leur insu, l'influence magnétique d'objets extérieurs sur lesquels elles fixent machinalement les yeux. Pourquoi le reflet de l'eau, d'un lac, d'un étang, d'une rivière, d'un astre même, ne produirait-il pas le même effet qu'un verre ou une carafe sur certaines organisations convenablement prédisposées ? Mais ceci n'est qu'une hypothèse qui a besoin de la confirmation de l'expérience.
Ce phénomène, du reste, n'est point une découverte moderne ; on le trouve même de nos jours chez les peuples les plus arriérés, tant il est vrai que ce qui est dans la nature a le privilège d'être de tous les temps et de tous les pays ; on l'accepte d'abord comme fait : l'explication vient ensuite avec le progrès, et à mesure que l'homme avance dans la connaissance des lois qui régissent le monde.
Telles sont les conséquences qui nous paraissent découler logiquement des faits observés.
Départ d'un adversaire du Spiritisme pour le monde des Esprits
On nous écrit de V… :
« Il y a quelque temps, un ecclésiastique est mort dans nos environs ; c'était un adversaire déclaré du Spiritisme, mais non un de ces adversaires furibonds, comme on n'en a que trop vu, qui suppléent au défaut de bonnes raisons par la violence et l'injure. C'était un homme instruit, d'une intelligence supérieure ; il le combattait avec talent, sans acrimonie, et sans s'écarter des convenances ; malheureusement pour lui, malgré tout son savoir et son incontestable mérite, il ne put lui opposer que les lieux communs ordinaires, et n'a trouvé, pour le renverser, aucun de ces arguments qui portent dans l'esprit des masses une irrésistible conviction. Son idée fixe, ou du moins celle qu'il cherchait surtout à faire prévaloir, était que le Spiritisme n'aurait qu'un temps ; que sa rapide propagation n'était qu'un engouement passager, et qu'il tomberait comme toutes les idées utopiques.
Nous avons eu l'idée de l'évoquer dans notre petit cercle ; sa communication nous a paru instructive, sous plusieurs rapports, c'est pourquoi nous vous l'adressons. Elle porte, selon nous, un cachet incontestable d'identité.
Voici cette communication :
Dem. (au guide du médium) Voudriez-vous avoir la bonté de nous dire si nous pouvons faire l'évocation de M. l'abbé D… ? – Rép. Oui, il va venir ; mais, quoique persuadé de la réalité de vos enseignements, ce dont la mort l'a convaincu, il essaiera encore de vous prouver l'inutilité de vos efforts pour les répandre d'une manière sérieuse. Le voilà prêt à s'appuyer sur des dissensions momentanées suscitées par quelques frères qui s'égarent, pour vous prouver l'insanité de votre doctrine. Ecoutez-le ; son langage vous fera connaître la manière dont vous devrez lui parler.
Evocation. – Cher Esprit de M. D…, nous espérons, qu'avec l'aide de Dieu et des bons Esprits, vous voudrez bien vous communiquer à nous. Tout sentiment de curiosité, comme vous pouvez le voir, est loin de notre pensée. Notre but, en provoquant cet entretien, est d'en tirer une instruction profitable pour nous, et peut-être également pour vous. Nous vous serons donc reconnaissants de ce que vous voudrez bien nous dire. – Rép. Vous avez raison de m'appeler, mais vous aviez tort de croire que je pourrais refuser de venir à vous. Croyez bien que mon titre d'adversaire du Spiritisme n'est pas un motif pour moi de garder le silence ; j'ai de bonnes raisons pour parler.
Ma venue est un aveu, une affirmation de vos enseignements ; je le sais et je le reconnais. Je suis convaincu de la réalité des manifestations que j'expérimente aujourd'hui, mais ce n'est pas une raison pour que j'en reconnaisse l'excellence, et que j'admette comme certain le but que vous vous proposez. Oui, les Esprits se communiquent, et ce ne sont pas seulement les démons, comme nous l'enseignons, et pour cause ; il est inutile que je m'étende à ce sujet, car vous connaissez aussi bien que moi les raisons qui nous portent à agir ainsi. Certainement, les Esprits de toutes sortes se communiquent ; j'en suis une preuve, car, bien que je n'aie pas la vanité de me croire un être supérieur, soit par mes connaissances, soit par ma moralité, j'ai assez conscience de ma valeur pour me priser au-dessus de ces catégories d'Esprits en proie à l'expiation des plus viles imperfections. Je ne suis pas parfait ; j'ai pu, comme tout autre, commettre des fautes ; mais, je le reconnais avec orgueil, si je fus homme de parti, je fus en même temps homme de bien, dans le sens entier de ce mot.
Ecoutez-moi donc. Les prêtres peuvent avoir tort de vous combattre ; je ne sais ce que réserve l'avenir, et je n'entrerai pas en discussion sur le plus ou moins de fondement de leur opposition, véritablement systématique ; mais aussi, en examinant avec soin toutes les conséquences d'une acceptation, ils ne peuvent s'empêcher de reconnaître que vous causeriez leur ruine sociale, ou tout au moins une transformation si absolue, que tout privilège, toute séparation d'avec les autres hommes, seraient de rigueur anéantis. Or, on ne renonce pas de gaieté de cœur à une royauté bien enviable, à un prestige qui élève au-dessus du commun, à des richesses qui, pour être matérielles, n'en sont pas moins aussi nécessaires à la satisfaction du prêtre qu'à celle de l'homme ordinaire. Par le Spiritisme, plus d'oligarchie cléricale ; le prêtre n'est personne et il est chacun ; le prêtre, c'est l'homme de bien qui enseigne la vérité à ses frères ; c'est l'ouvrier charitable qui relève son compagnon tombé ; votre sacerdoce, c'est la foi ; votre hiérarchie, le mérite ; votre salaire, Dieu ! C'est grand ! c'est beau ! mais, il faut bien le dire, tôt ou tard c'est la ruine, non de l'homme, qui ne peut que gagner à ces enseignements, mais de la famille cléricale. On ne renonce pas volontiers, je le répète, à des honneurs, à des respects que l'on est habitué à recueillir. Vous avez raison, je le veux bien ! et cependant je ne puis désapprouver notre attitude vis-à-vis de votre enseignement ; je dis notre, car elle est encore mienne, malgré tout ce que je vois et tout ce que vous pourrez me dire.
Admettons votre doctrine affirmée ; la voici écoutée, étendant partout ses ramifications, chez le peuple comme dans la classe riche, chez l'artisan comme chez le littérateur, et c'est ce dernier qui vous prêtera le concours le plus efficace mais que résultera-t-il de tout cela ? Selon moi, le voici :
Déjà des divisions se sont opérées parmi vous. Deux grandes sectes existent parmi les Spirites : les Spiritualistes de l'école américaine et les Spirites de l'école française ; mais ne considérons que cette dernière. Est-elle une ? non. Voici, d'un côté, les Puristes ou Kardécistes, qui n'admettent chaque vérité qu'après un examen attentif, et la concordance de toutes les données ; c'est le noyau principal, mais il n'est pas seul ; diverses branches, après s'être infiltrés les grands enseignements du centre, se séparent de la mère commune pour former des sectes particulières ; d'autres, non entièrement détachées du tronc, émettent des opinions subversives. Chaque chef d'opposition a ses alliés ; les camps ne sont pas encore dessinés, mais ils se forment, et bientôt éclatera la scission. Je vous le dis, le Spiritisme, comme les doctrines philosophiques qui l'ont précédé, ne saurait avoir une longue durée. Il a été, il a grandi ; mais maintenant il est au faîte, et descend déjà. Il fait toujours quelques adeptes, mais, comme le Saint-Simonisme, comme le Fouriérisme, comme les Théosophes, il tombera, pour être remplacé peut-être, mais il tombera, je le crois fermement.
Cependant, son principe existe ; les Esprits ; mais n'a-t-il pas aussi ses dangers ? Les Esprits inférieurs peuvent se communiquer, c'est là sa perte. Les hommes sont avant tout dominés par leurs passions, et les Esprits dont je viens de parler sont habitués à les exciter. Comme il y a plus d'imperfections que de qualités dans notre humanité, il est donc évident que l'Esprit du mal triomphera, et que si le Spiritisme peut quelque chose, ce sera certainement l'envahissement d'un fléau terrible pour tous.
Sur ce, je conclus que, bon par essence, il est mauvais par ses résultats, et qu'il est ainsi prudent de le rejeter.
Le médium. Cher Esprit, si le Spiritisme était une conception humaine, je serais de votre avis ; mais s'il vous est impossible de nier l'existence des Esprits, vous ne pouvez non plus méconnaître, dans le mouvement dirigé par les êtres invisibles, la main puissante de la divinité. Or, à moins de nier vos propres enseignements, alors que vous étiez sur cette terre, vous ne sauriez admettre que l'action de l'homme puisse être un obstacle à la volonté de Dieu, son créateur. De deux choses l'une, ou le Spiritisme est une œuvre d'invention humaine, et comme toute œuvre humaine, il est sujet à la ruine ; ou il est l'œuvre de Dieu, la manifestation de sa volonté, et dans ce cas aucun obstacle ne saurait en empêcher ni même en retarder le développement. Si donc vous reconnaissez qu'il existe des Esprits, et que ces Esprits se communiquent pour nous instruire, ce ne peut être en dehors de la volonté divine, car alors il existerait, à côté de Dieu, une puissance indépendante qui détruirait sa qualité de tout-puissant, et par conséquent de Dieu. Le Spiritisme ne saurait être ruiné, par le fait de quelques dissensions que les intérêts humains pourraient faire naître dans son sein. – Rép. Peut-être avez-vous raison, mon jeune ami (le médium était un tout jeune homme), mais je m'en tiens à ce que j'ai dit ; je cesse toute discussion à ce sujet. Je suis à votre disposition pour toute question que vous voudrez bien me poser, ceci à part.
Le médium. Hé bien ! puisque vous le permettez, sans insister sur un sujet qui vous serait peut-être pénible de poursuivre en ce moment, nous vous prierons de nous décrire votre passage de cette vie dans celle où vous êtes, de nous dire si vous avez été troublé, et si, dans votre position actuelle, nous pouvons vous être utiles. – Rép. Malgré moi je ne puis m'empêcher de reconnaître l'excellence de ces principes qui enseignent à l'homme ce que c'est que la mort, et qui lui donnent de l'affection pour des êtres qui lui sont totalement inconnus. Mais… enfin, mon cher enfant, je vais répondre à votre question. Je ne veux pas abuser de votre temps, et je puis en peu de mots satisfaire à votre désir.
Je vous avouerai donc qu'au moment de mourir je n'étais pas sans appréhension. Etait-ce la matière qui me portait à regretter cette existence ? était-ce l'ignorance de l'avenir ? je ne vous le cacherai pas, j'avais peur ! Vous me demandez si j'ai été troublé ; comment l'entendez-vous ? Si vous voulez dire par là que l'action violente de la séparation m'a plongé dans une sorte de léthargie morale, dont je suis sorti comme d'un sommeil pénible, oui, j'ai été troublé ; mais si vous entendez un trouble dans les fonctions de l'intelligence : la mémoire, la conscience de soi-même, non, je ne l'ai pas été. Cependant le trouble existe pour certains êtres ; peut-être existera-t-il aussi pour moi, bien que je ne le croie pas. Mais ce que je crois, c'est que, généralement ce phénomène ne doit pas avoir lieu immédiatement après la mort. J'ai été surpris, il est vrai, de voir l'existence de l'Esprit telle que vous l'enseignez, mais ce n'est pas là du trouble. Voici comment j'entends le trouble, et dans quelles circonstances je l'éprouverais.
Si je n'étais assuré de la vérité de ma croyance, si le doute entrait dans mon âme au sujet de ce que j'ai cru jusqu'alors, si une modification brusque s'opérait en moi dans ma manière de voir, là, je serais troublé ; mais mon opinion est que ce trouble ne doit pas se former aussitôt après la mort. Si j'en crois ce que me dit ma raison, l'être, en mourant, doit rester tel qu'il était avant de passer… ; ce n'est que plus tard, alors que l'isolement, le changement qui s'opère graduellement autour de lui, modifient ses opinions, alors que son être éprouve un ébranlement moral qui fait chanceler son assurance primitive, que le trouble commence véritablement.
Vous me demandez si vous pouvez m'être utile à quelque chose ; ma religion m'enseigne que la prière est bonne ; votre croyance dit qu'elle est utile ; priez donc pour moi, et soyez assuré de ma reconnaissance. Malgré la dissidence qui existe entre nous, je n'en serai pas moins charmé de venir causer quelquefois avec vous.
L'abbé D…
Notre correspondant avait raison de dire que cette communication est instructive ; elle l'est en effet sous bien des rapports, et nos lecteurs saisiront facilement les graves enseignements qui en ressortent, sans que nous ayons besoin de les signaler. Nous y voyons un Esprit qui, de son vivant, avait combattu nos doctrines, et épuisé contre elles tous les arguments que son profond savoir avait pu lui fournir ; savant théologien, il est probable qu'il n'en a négligé aucun. Comme Esprit, depuis peu désincarné, tout en reconnaissant les vérités fondamentales sur lesquelles nous nous appuyons, il n'en persiste pas moins dans son opposition, et cela par les mêmes motifs ; or, il est incontestable que si, plus lucide dans son état spirituel, il eût trouvé des arguments plus péremptoires pour nous combattre, il les aurait fait valoir ; loin de là, il semble avoir peur de voir trop clair, et cependant il pressent une modification dans ses idées. Encore imbu des opinions terrestres, il y rattache toutes ses pensées ; l'avenir l'effraie, c'est pourquoi il n'ose le regarder en face.
Nous lui répondrons comme si, de son vivant, il eût écrit ce qu'il a dicté après sa mort. Nous nous adressons à l'homme autant qu'à l'Esprit, répondant ainsi à ceux qui partagent sa manière de voir, et pourraient nous opposer les mêmes arguments.
Nouslui dirons donc :
Monsieur l'abbé, bien que vous ayez été notre adversaire déclaré et militant sur la terre, aucun de nous ne vous en veut aujourd'hui et ne vous en a jamais voulu de votre vivant, d'abord parce que notre foi nous fait une loi de la tolérance, et qu'à nos yeux toutes les opinions sont respectables quand elles sont sincères. La liberté de conscience est un de nos principes ; nous la voulons pour les autres, comme nous la voulons pour nous. A Dieu seul appartient de juger la validité des croyances, et nul homme n'a le droit de jeter l'anathème au nom de Dieu. La liberté de conscience n'ôte pas le droit de discussion et de réfutation, mais la charité ordonne de ne maudire personne. En second lieu, nous vous en voulons d'autant moins, que votre opposition n'a porté aucun préjudice à la doctrine ; vous avez servi la cause du Spiritisme à votre insu, comme tous ceux qui l'attaquent, en aidant à le faire connaître, et en prouvant, en raison surtout de votre mérite personnel, l'insuffisance des armes que l'on emploie pour le combattre.
Permettez-moi, maintenant, de discuter quelques-unes de vos propositions.
Il en est une surtout qui me paraît pécher au premier chef contre la logique ; c'est celle où vous dites que : « Le Spiritisme bon par essence est mauvais par ses résultats. » Vous semblez avoir oublié cette maxime du Christ, devenue proverbiale à force de vérité : « Qu'un bon arbre ne peut donner de mauvais fruits. » On ne comprendrait pas qu'une chose bonne dans son essence même, pût être pernicieuse.
Vous dites ailleurs que le danger du Spiritisme est dans la manifestation des mauvais Esprits qui exploiteront, au profit du mal, les passions des hommes. C'était là une des thèses que vous souteniez de votre vivant. Mais à côté des mauvais Esprits, il y a les bons qui excitent au bien, tandis que, selon la doctrine de l'Eglise, le pouvoir de se communiquer n'est donné qu'aux démons. Si donc vous trouvez le Spiritisme dangereux parce qu'il admet la communication des mauvais Esprits à côté des bons, la doctrine de l'Eglise, si elle était vraie, serait encore bien plus dangereuse, puisqu'elle n'admet que celle des mauvais.
Du reste, ce n'est pas le Spiritisme qui a inventé la manifestation des Esprits, ni qui est la cause s'ils se communiquent ; il ne fait que constater un fait qui s'est produit dans tous les temps, parce qu'il est dans la nature. Pour que le Spiritisme cessât d'exister, il faudrait que les Esprits cessassent de se manifester. Si cette manifestation offre des dangers, il ne faut pas en accuser le Spiritisme, mais la nature. La science de l'électricité est-elle la cause des dégâts occasionnés par la foudre ? Non assurément ; elle fait connaître la cause de la foudre, et enseigne les moyens de la détourner. Il en est de même du Spiritisme ; il fait connaître la cause d'une influence pernicieuse qui agit sur l'homme à son insu, et lui indique les moyens de s'en préserver, tandis que lorsqu'il l'ignorait, il la subissait et s'y exposait sans défiance.
L'influence des mauvais Esprits fait partie des fléaux auxquels l'homme est en butte ici-bas, comme les maladies et les accidents de toutes sortes, parce qu'il y est sur une terre d'expiation et d'épreuve, où il doit travailler à son avancement moral et intellectuel ; mais à côté du mal, Dieu, dans sa bonté, met toujours le remède ; il a donné à l'homme l'intelligence pour le découvrir ; c'est à cela que conduit le progrès des sciences. Le Spiritisme vient indiquer le remède à l'un de ces maux ; il enseigne que pour s'y soustraire et neutraliser l'influence des mauvais Esprits, il faut devenir meilleur, dompter ses mauvais penchants, pratiquer les vertus enseignées par le Christ : l'humilité et la charité ; est-ce donc là ce que vous appelez de mauvais résultats ?
La manifestation des Esprits est un fait positif, reconnu par l'Eglise ; or, l'expérience vient aujourd'hui démontrer que les Esprits sont les âmes des hommes, et que c'est la raison pour laquelle il y en a tant d'imparfaits. Si ce fait vient contredire certains dogmes, le Spiritisme n'en est pas plus responsable que ne l'a été la géologie d'avoir démontré que la terre n'a pas été faite en six jours. Le tort est à ces dogmes de n'être pas d'accord avec les lois de la nature. Par ces manifestations, comme par les découvertes de la science, Dieu veut ramener l'homme à des croyances plus vraies ; repousser le progrès, c'est donc méconnaître la volonté de Dieu ; l'attribuer au démon, c'est blasphémer Dieu. Vouloir, bon gré mal gré, maintenir une croyance contre l'évidence, et faire d'un principe reconnu faux la base d'une doctrine, c'est appuyer une maison sur un étai vermoulu ; peu à peu l'étai se brise, et la maison tombe.
Vous dites que l'opposition de l'Eglise contre le Spiritisme a sa raison d'être et vous l'approuvez, parce qu'il causerait la ruine du clergé dont la séparation du commun des hommes serait anéantie. « Avec le Spiritisme, dites-vous, plus d'oligarchie cléricale ; le prêtre n'est personne et il est chacun ; c'est l'homme de bien qui enseigne la vérité à ses frères ; c'est l'ouvrier charitable qui relève son compagnon tombé ; votre sacerdoce c'est la foi ; votre hiérarchie, le mérite ; votre salaire, Dieu ! c'est grand ! c'est beau ! Mais on ne renonce pas de gaieté de cœur à une royauté, à un prestige qui vous élève au-dessus du vulgaire, à des respects, à des honneurs que l'on est habitué à recueillir, à des richesses qui, pour être matérielles, n'en sont pas moins aussi nécessaires à la satisfaction du prêtre, qu'à celle de l'homme ordinaire. »
Eh quoi ! le clergé serait-il donc mu par des sentiments aussi mesquins ? Méconnaîtrait-il à ce point ces paroles du Christ : « Mon royaume n'est pas de ce monde, » qu'il sacrifierait l'intérêt de la vérité à la satisfaction de l'orgueil, de l'ambition et des passions mondaines ? Il ne croirait donc pas à ce royaume promis par Jésus-Christ, puisqu'il lui préfère celui de la terre. Il prendrait donc son point d'appui dans le ciel, en apparence seulement, et pour se donner un prestige, mais en réalité pour sauvegarder ses intérêts terrestres ! Nous préférons croire que, si tel est le mobile de quelques-uns de ses membres, ce n'est pas le sentiment de la majorité ; s'il en était autrement, son règne serait bien près de finir, et vos paroles seraient sa sentence, car le royaume céleste est seul éternel, tandis que ceux de la terre sont fragiles et mouvants.
Vous allez bien loin, monsieur l'abbé, dans vos prévisions sur les conséquences du Spiritisme ; plus loin que je n'ai jamais été dans mes écrits. Sans vous suivre sur ce terrain, je dirai simplement, parce que chacun le pressent, que le résultat inévitable sera une transformation de la Société ; il créera un nouvel ordre de choses, de nouvelles habitudes, de nouveaux besoins ; il modifiera les croyances, les rapports sociaux ; il fera, au moral, ce que font, au point de vue matériel, toutes les grandes découvertes de l'industrie et des sciences. Cette transformation vous effraie, et c'est pour cela que, tout en la pressentant, vous l'écartez de votre pensée ; vous voudriez ne pas y croire ; en un mot, vous fermez les yeux pour ne pas voir, et les oreilles pour ne pas entendre. Ainsi en est-il de beaucoup d'hommes sur la terre. Cependant si cette transformation est dans les décrets de la Providence, elle s'accomplira, quoi que l'on fasse ; il faudra la subir de gré ou de force et s'y plier, comme les hommes de l'ancien régime ont dû subir les conséquences de la Révolution, qu'ils niaient aussi et déclaraient impossible avant qu'elle fût accomplie. A qui leur aurait dit qu'en moins d'un quart de siècle tous les privilèges seraient abolis, qu'un enfant ne serait plus colonel en naissant ; qu'on n'achèterait plus un régiment comme un troupeau de bœufs ; que le soldat pourrait devenir maréchal, et le dernier roturier ministre ; que les droits seraient les mêmes pour tous, et que le fermier aurait voix égale dans les affaires de son pays à côté de son seigneur, ils auraient haussé les épaules d'incrédulité, et cependant si l'un d'eux se fût endormi alors et réveillé, comme Epiménide, quarante ans plus tard, il aurait cru se trouver dans un autre monde.
C'est la crainte de l'avenir qui vous fait dire que le Spiritisme n'aura qu'un temps ; vous cherchez à vous faire illusion, vous voulez vous le prouver à vous-même, et vous finissez par le croire de bonne foi, parce que cela vous tranquillise. Mais quelle raison en donnez-vous ? La moins concluante de toutes, ainsi qu'il est aisé de le démontrer.
Ah ! si vous prouviez péremptoirement que le Spiritisme est une utopie, qu'il repose sur une erreur matérielle de fait, sur une base fausse, illusoire, sans fondement, alors vous auriez raison ; mais, au contraire, vous affirmez l'existence du principe, et de plus l'excellence de ce principe ; vous reconnaissez, et l'Église reconnaît comme vous, la réalité du fait matériel sur lequel il repose : Celui des manifestations. Ce fait peut-il être anéanti ? Non, pas plus qu'on peut anéantir le mouvement de la terre. Puisqu'il est dans la nature, il se produira toujours ; ce fait, incompris jadis, mais mieux étudié et mieux compris de nos jours, porte en lui-même des conséquences inévitables ; si vous ne pouvez l'anéantir, vous êtes forcé d'en subir les conséquences. Suivez-le de proche en proche dans ses ramifications, et vous aboutissez fatalement à une révolution dans les idées ; or, un changement dans les idées en amène forcément un dans l'ordre des choses. (Voy. Qu'est-ce que le Spiritisme, 6° édit., pag. 128.)
D'un autre côté, le Spiritisme ne plie pas les intelligences sous son joug ; il ne commande point une croyance aveugle ; il veut que la foi s'appuie sur la compréhension ; c'est en cela surtout, monsieur l'abbé, que nous différons de manière de voir. Il laisse donc à chacun une entière liberté d'examen, en vertu de ce principe, que la vérité étant une, doit, tôt ou tard, l'emporter sur ce qui est faux, et qu'un principe fondé sur l'erreur tombe par la force des choses. Les idées fausses, livrées à la discussion, montrent leur côté faible, et s'effacent devant la puissance de la logique. Ces divergences sont inévitables dans un début ; elles sont même nécessaires, parce qu'elles aident à l'épuration et à l'assiette de l'idée fondamentale, et il est préférable qu'elles se produisent dès le commencement, parce que la doctrine vraie en sera plus tôt débarrassée. Voilà pourquoi nous avons toujours dit aux adeptes : Ne vous inquiétez pas des idées contradictoires qui peuvent être émises ou publiées. Voyez déjà, combien sont mortes en naissant ! combien d'écrits dont on ne parle déjà plus ! Que cherchons-nous ? est-ce le triomphe, quand même, de nos idées ? non, mais celui de la vérité. Si, dans le nombre des idées contraires, il en est qui soient plus vraies que les nôtres, elles l'emporteront, et nous devrons les adopter ; si elles sont fausses, elles ne pourront supporter l'épreuve décisive du contrôle de l'enseignement universel des Esprits, seul critérium de l'idée qui survivra.
L'assimilation que vous établissez entre le Spiritisme et d'autres doctrines philosophiques manque d'exactitude. Ce ne sont pas les hommes qui ont fait le Spiritisme ce qu'il est, ni qui feront ce qu'il sera plus tard ; ce sont les Esprits par leurs enseignements : les hommes ne font que mettre en œuvre et coordonner les matériaux qui leur sont fournis. Cet enseignement n'est point encore complet, et l'on ne doit considérer ce qu'ils ont donné jusqu'à ce jour que comme les premiers jalons de la science ; on peut le comparer aux quatre règles par rapport aux mathématiques, et nous n'en sommes encore qu'aux équations du premier degré ; c'est pourquoi beaucoup de gens n'en comprennent encore ni l'importance ni la portée. Mais les Esprits règlent leur enseignement à leur gré, et il ne dépend de personne de les faire aller plus vite ou plus doucement qu'ils ne veulent ; ils ne suivent pas plus les impatients qu'ils ne se mettent à la remorque des retardataires.
Le Spiritisme n'est pas plus l'œuvre d'un seul Esprit qu'il n'est celle d'un seul homme ; il est l'œuvre des Esprits en général. Il s'ensuit que l'opinion d'un Esprit sur un principe quelconque n'est considérée par les Spirites que comme une opinion individuelle, qui peut être juste ou fausse, et n'a de valeur que lorsqu'elle est sanctionnée par l'enseignement de la majorité, donné sur les divers points du globe. C'est cet enseignement universel qui l'a fait ce qu'il est, et qui fera ce qu'il sera. Devant ce puissant critérium tombent nécessairement toutes les théories particulières qui seraient le produit d'idées systématiques, soit d'un homme, soit d'un Esprit isolés. Une idée fausse peut, sans doute, grouper autour d'elle quelques partisans, mais elle ne prévaudra jamais contre celle qui est enseignée partout.
Le Spiritisme, qui vient à peine de naître, mais soulève déjà des questions de la plus haute gravité, met nécessairement en effervescence une foule d'imaginations. Chacun voit la chose à son point de vue ; de là la diversité des systèmes éclos à son début, et dont la plupart sont déjà tombés devant la force de l'enseignement général. Il en sera de même de tous ceux qui ne seront pas dans la vérité ; car, à l'enseignement divergent d'un Esprit, donné par un médium, on opposera toujours l'enseignement uniforme de millions d'Esprits, donné par des millions de médiums. C'est la raison pour laquelle certaines théories excentriques ont à peine vécu quelques jours, et ne sont pas sorties du cercle où elles ont pris naissance ; privées de sanction, elles ne rencontrent dans l'opinion des masses ni échos ni sympathies, et si, en outre, elles froissent la logique et le vulgaire bon sens, elles provoquent un sentiment de répulsion qui précipite leur chute.
Le Spiritisme possède donc un élément de stabilité et d'unité qu'il tire de sa nature et de son origine, et qui n'est le propre d'aucune des doctrines philosophiques de conception purement humaine ; c'est le bouclier contre lequel viendront toujours se briser toutes les tentatives faites pour le renverser ou le diviser. Ces divisions ne peuvent jamais être que partielles, circonscrites et momentanées.
Vous parlez des sectes qui, selon vous, divisent les Spirites, d'où vous concluez à la ruine prochaine de leur doctrine ; mais vous oubliez toutes celles qui ont divisé le christianisme dès sa naissance, qui l'ont ensanglanté, qui le divisent encore, et dont le nombre, jusqu'à ce jour, ne s'élève pas à moins de trois cent soixante. Cependant, malgré les dissidences profondes sur les dogmes fondamentaux, le christianisme est resté debout, preuve qu'il est indépendant de ces questions de controverse. Pourquoi voudriez-vous que le Spiritisme, qui se rattache par sa base même aux principes du christianisme, et qui n'est divisé que sur des questions secondaires s'élucidant chaque jour, souffrît de la divergence de quelques opinions personnelles, alors qu'il a un point de ralliement aussi puissant : le contrôle universel ?
Le Spiritisme serait donc aujourd'hui divisé en vingt sectes, ce qui n'est pas et ne sera pas, que cela ne tirerait à aucune conséquence, parce que c'est le travail de l'enfantement. Si des divisions étaient suscitées par des ambitions personnelles, par des hommes dominés par la pensée de se faire chefs de secte, ou d'exploiter l'idée au profit de leur amour-propre ou de leurs intérêts, ce seraient sans contredit les moins dangereuses. Les ambitions personnelles meurent avec les individus, et si ceux qui auront voulu s'élever n'ont pas pour eux la vérité, leurs idées mourront avec eux, et peut-être avant eux ; mais la vérité vraie ne saurait mourir.
Vous êtes dans le vrai, monsieur l'abbé, en disant qu'il y aura des ruines dans le Spiritisme, mais ce n'est pas comme vous l'entendez. Ces ruines seront celles de toutes les opinions erronées qui bouillonnent et se font jour ; si toutes sont dans l'erreur, elles tomberont toutes, cela est inévitable ; mais s'il en est une seule qui soit dans le vrai, elle surnagera infailliblement.
Deux divisions assez tranchées, et auxquelles on pouvait réellement donner le nom de sectes, s'étaient formées il y a quelques années sur l'enseignement de deux Esprits qui, en s'affublant de noms vénérés, avaient capté la confiance de quelques personnes ; aujourd'hui, il n'en est plus question. Devant quoi sont-elles tombées ? Devant le bon sens et la logique des masses d'une part, et devant l'enseignement général des Esprits d'accord avec cette même logique.
Contesterez-vous la valeur de ce contrôle universel par la raison que les Esprits n'étant pas les âmes des hommes sont également sujets à erreur ? Mais vous seriez en contradiction avec vous-même. N'admettez-vous pas qu'un concile général a plus d'autorité qu'un concile particulier, parce qu'il est plus nombreux ; que son opinion prévaut sur celle de chaque prêtre, de chaque évêque, et même sur celle du Pape ? Que la majorité fait loi dans toutes les assemblées des hommes ? Et vous ne voudriez pas que les Esprits, qui gouvernent le monde sous les ordres de Dieu eussent aussi leurs conciles, leurs assemblées ? Ce que vous admettez chez les hommes comme sanction de la vérité, vous le refuseriez aux Esprits ? Oubliez-vous donc que si, parmi eux, il en est d'inférieurs, ce n'est pas à eux que Dieu confie les intérêts de la terre, mais aux Esprits supérieurs qui ont franchi les étapes de l'humanité et dont le nombre est incalculable ? Et comment nous transmettent-ils les instructions de la majorité ? Est-ce par la voix d'un seul Esprit ou d'un seul homme ? Non, mais, comme je l'ai dit, par celle de millions d'Esprits et de millions d'hommes. Est-ce dans un seul centre, dans une ville, dans un pays, dans une caste, chez un peuple privilégié comme jadis chez les Israélites ? Non, c'est partout, dans tous les pays, dans toutes les religions, chez les riches et chez les pauvres. Comment voudriez-vous que l'opinion de quelques individus, incarnés ou désincarnés, pût l'emporter sur cet ensemble formidable de voix ? Croyez-moi, monsieur l'abbé, cette sanction universelle vaut bien celle d'un concile œcuménique.
Le Spiritisme est fort, précisément parce qu'il s'appuie sur cette sanction et non sur les opinions isolées. Se proclame-t-il immuable dans ce qu'il enseigne aujourd'hui, et dit-il qu'il n'a plus rien à apprendre ? Non, car il a suivi jusqu'à ce jour, et il suivra dans l'avenir, l'enseignement progressif qui lui sera donné, et là encore est pour lui une cause de force, puisqu'il ne se laissera jamais distancer par le progrès.
Attendez encore un peu, monsieur l'abbé, et avant un quart de siècle, vous verrez le Spiritisme cent fois moins divisé que ne l'est aujourd'hui le christianisme après dix-huit siècles.
Des fluctuations que vous avez remarquées dans les sociétés ou réunions spirites, vous avez, à tort, conclu à l'instabilité de la doctrine. Le Spiritisme n'est point une théorie spéculative, fondée sur une idée préconçue ; c'est une question de fait, et par conséquent de conviction personnelle ; quiconque admet le fait et ses conséquences est Spirite, sans qu'il soit besoin de faire partie d'une société. On peut être parfait Spirite sans cela. L'avenir du Spiritisme est dans son principe même, principe impérissable, parce qu'il est dans la nature et non dans des réunions, formées souvent dans des conditions peu favorables, composées d'éléments hétérogènes, et par conséquent subordonnés à une foule d'éventualités.
Les sociétés sont utiles, mais aucune n'est indispensable, et toutes viendraient à cesser d'exister que le Spiritisme n'en poursuivrait pas moins sa marche, attendu que ce n'est pas dans leur sein que se forme le plus grand nombre de convictions. Elles sont bien plus pour les croyants qui y cherchent des centres sympathiques, que pour les incrédules. Les sociétés sérieuses et bien dirigées sont surtout utiles pour neutraliser la mauvaise impression de celles où le Spiritisme est mal présenté ou défiguré. La Société de Paris ne fait pas exception à la règle, car elle ne s'arroge aucun monopole. Elle ne consiste pas dans le plus ou moins grand nombre de ses membres, mais dans l'idée mère qu'elle représente ; or, cette idée est indépendante de toute réunion constituée, et, quoi qu'il arrive, l'élément propagateur n'en subsistera pas moins. On peut donc dire que la Société de Paris est partout où l'on professe les mêmes principes, depuis l'Orient jusqu'à l'Occident, et que si elle mourait matériellement, l'idée survivrait.
Le Spiritisme est un enfant qui grandit, dont les premiers pas sont nécessairement chancelants ; mais, comme les enfants précoces, il a de bonne heure fait pressentir sa force ; c'est pour cela que certaines personnes s'en effraient, et voudraient l'étouffer au berceau. S'il se fût présenté comme un être aussi débile que vous le supposez, il n'aurait pas causé tant d'émoi, ni soulevé tant d'animosités, et vous-même n'auriez pas cherché à le combattre. Laissez donc grandir l'enfant, et vous verrez ce que donnera l'adulte.
Vous lui avez prédit sa fin prochaine ; mais d'innombrables incarnés et désincarnés lui ont dit aussi son horoscope, dans un autre sens. Ecoutez donc leurs prévisions, qui se succèdent sans interruption, depuis dix ans, et se répètent sur tous les points du globe.
Le Spiritisme vient combattre l'incrédulité, qui est l'élément dissolvant de la société, en substituant à la foi aveugle, qui s'éteint, la foi raisonnée qui vivifie.
Il apporte l'élément régénérateur de l'humanité, et sera la boussole des générations futures.
Comme toutes les grandes idées rénovatrices, il devra lutter contre l'opposition des intérêts qu'il froissera et des idées qu'il renversera. On lui suscitera toutes sortes d'entraves ; on emploiera contre lui toutes les armes, loyales ou déloyales, que l'on croira propres à le renverser. Ses premiers pas seront semés de ronces et d'épines. Ses adeptes seront dénigrés, bafoués, en butte à la trahison, à la calomnie, à la persécution ; ils auront des déboires et des déceptions. Heureux ceux dont la foi n'aura pas été ébranlée dans ces jours néfastes ; qui auront souffert et combattu pour le triomphe de la vérité, car ils seront récompensés de leur courage et de leur persévérance.
Cependant le Spiritisme continuera sa marche à travers les embûches et les écueils ; il est inébranlable, comme tout ce qui est dans la volonté de Dieu, parce qu'il s'appuie sur les lois mêmes de la nature, qui sont les lois éternelles de Dieu, tandis que tout ce qui est contraire à ces lois tombera.
Par la lumière qu'il jette sur les points obscurs et controversés des Ecritures, il amènera les hommes à l'unité de croyance.
En donnant les lois mêmes de la nature pour base aux principes d'égalité, de liberté et de fraternité, il fondera le règne de la véritable charité chrétienne, qui est le règne de Dieu sur la terre, prédit par Jésus-Christ.
Beaucoup le repoussent encore, parce qu'ils ne le connaissent pas ou ne le comprennent pas ; mais lorsqu'ils reconnaîtront qu'il réalise les plus chères espérances de l'avenir de l'humanité, ils l'acclameront, et, comme le christianisme a trouvé un soutien dans saint Paul, il trouvera des défenseurs parmi ses adversaires de la veille. De la foule surgiront des hommes d'élite qui prendront sa cause en main, et l'autorité de leur parole imposera silence à ses détracteurs.
La lutte durera longtemps encore, parce que les passions, surexcitées par l'orgueil et les intérêts matériels, ne peuvent s'apaiser subitement. Mais ces passions s'éteindront avec les hommes, et la fin de ce siècle ne se passera pas avant que la nouvelle croyance n'ait conquis une place prépondérante parmi les peuples civilisés, et, du siècle prochain datera l'ère de la régénération. »
« Il y a quelque temps, un ecclésiastique est mort dans nos environs ; c'était un adversaire déclaré du Spiritisme, mais non un de ces adversaires furibonds, comme on n'en a que trop vu, qui suppléent au défaut de bonnes raisons par la violence et l'injure. C'était un homme instruit, d'une intelligence supérieure ; il le combattait avec talent, sans acrimonie, et sans s'écarter des convenances ; malheureusement pour lui, malgré tout son savoir et son incontestable mérite, il ne put lui opposer que les lieux communs ordinaires, et n'a trouvé, pour le renverser, aucun de ces arguments qui portent dans l'esprit des masses une irrésistible conviction. Son idée fixe, ou du moins celle qu'il cherchait surtout à faire prévaloir, était que le Spiritisme n'aurait qu'un temps ; que sa rapide propagation n'était qu'un engouement passager, et qu'il tomberait comme toutes les idées utopiques.
Nous avons eu l'idée de l'évoquer dans notre petit cercle ; sa communication nous a paru instructive, sous plusieurs rapports, c'est pourquoi nous vous l'adressons. Elle porte, selon nous, un cachet incontestable d'identité.
Voici cette communication :
Dem. (au guide du médium) Voudriez-vous avoir la bonté de nous dire si nous pouvons faire l'évocation de M. l'abbé D… ? – Rép. Oui, il va venir ; mais, quoique persuadé de la réalité de vos enseignements, ce dont la mort l'a convaincu, il essaiera encore de vous prouver l'inutilité de vos efforts pour les répandre d'une manière sérieuse. Le voilà prêt à s'appuyer sur des dissensions momentanées suscitées par quelques frères qui s'égarent, pour vous prouver l'insanité de votre doctrine. Ecoutez-le ; son langage vous fera connaître la manière dont vous devrez lui parler.
Evocation. – Cher Esprit de M. D…, nous espérons, qu'avec l'aide de Dieu et des bons Esprits, vous voudrez bien vous communiquer à nous. Tout sentiment de curiosité, comme vous pouvez le voir, est loin de notre pensée. Notre but, en provoquant cet entretien, est d'en tirer une instruction profitable pour nous, et peut-être également pour vous. Nous vous serons donc reconnaissants de ce que vous voudrez bien nous dire. – Rép. Vous avez raison de m'appeler, mais vous aviez tort de croire que je pourrais refuser de venir à vous. Croyez bien que mon titre d'adversaire du Spiritisme n'est pas un motif pour moi de garder le silence ; j'ai de bonnes raisons pour parler.
Ma venue est un aveu, une affirmation de vos enseignements ; je le sais et je le reconnais. Je suis convaincu de la réalité des manifestations que j'expérimente aujourd'hui, mais ce n'est pas une raison pour que j'en reconnaisse l'excellence, et que j'admette comme certain le but que vous vous proposez. Oui, les Esprits se communiquent, et ce ne sont pas seulement les démons, comme nous l'enseignons, et pour cause ; il est inutile que je m'étende à ce sujet, car vous connaissez aussi bien que moi les raisons qui nous portent à agir ainsi. Certainement, les Esprits de toutes sortes se communiquent ; j'en suis une preuve, car, bien que je n'aie pas la vanité de me croire un être supérieur, soit par mes connaissances, soit par ma moralité, j'ai assez conscience de ma valeur pour me priser au-dessus de ces catégories d'Esprits en proie à l'expiation des plus viles imperfections. Je ne suis pas parfait ; j'ai pu, comme tout autre, commettre des fautes ; mais, je le reconnais avec orgueil, si je fus homme de parti, je fus en même temps homme de bien, dans le sens entier de ce mot.
Ecoutez-moi donc. Les prêtres peuvent avoir tort de vous combattre ; je ne sais ce que réserve l'avenir, et je n'entrerai pas en discussion sur le plus ou moins de fondement de leur opposition, véritablement systématique ; mais aussi, en examinant avec soin toutes les conséquences d'une acceptation, ils ne peuvent s'empêcher de reconnaître que vous causeriez leur ruine sociale, ou tout au moins une transformation si absolue, que tout privilège, toute séparation d'avec les autres hommes, seraient de rigueur anéantis. Or, on ne renonce pas de gaieté de cœur à une royauté bien enviable, à un prestige qui élève au-dessus du commun, à des richesses qui, pour être matérielles, n'en sont pas moins aussi nécessaires à la satisfaction du prêtre qu'à celle de l'homme ordinaire. Par le Spiritisme, plus d'oligarchie cléricale ; le prêtre n'est personne et il est chacun ; le prêtre, c'est l'homme de bien qui enseigne la vérité à ses frères ; c'est l'ouvrier charitable qui relève son compagnon tombé ; votre sacerdoce, c'est la foi ; votre hiérarchie, le mérite ; votre salaire, Dieu ! C'est grand ! c'est beau ! mais, il faut bien le dire, tôt ou tard c'est la ruine, non de l'homme, qui ne peut que gagner à ces enseignements, mais de la famille cléricale. On ne renonce pas volontiers, je le répète, à des honneurs, à des respects que l'on est habitué à recueillir. Vous avez raison, je le veux bien ! et cependant je ne puis désapprouver notre attitude vis-à-vis de votre enseignement ; je dis notre, car elle est encore mienne, malgré tout ce que je vois et tout ce que vous pourrez me dire.
Admettons votre doctrine affirmée ; la voici écoutée, étendant partout ses ramifications, chez le peuple comme dans la classe riche, chez l'artisan comme chez le littérateur, et c'est ce dernier qui vous prêtera le concours le plus efficace mais que résultera-t-il de tout cela ? Selon moi, le voici :
Déjà des divisions se sont opérées parmi vous. Deux grandes sectes existent parmi les Spirites : les Spiritualistes de l'école américaine et les Spirites de l'école française ; mais ne considérons que cette dernière. Est-elle une ? non. Voici, d'un côté, les Puristes ou Kardécistes, qui n'admettent chaque vérité qu'après un examen attentif, et la concordance de toutes les données ; c'est le noyau principal, mais il n'est pas seul ; diverses branches, après s'être infiltrés les grands enseignements du centre, se séparent de la mère commune pour former des sectes particulières ; d'autres, non entièrement détachées du tronc, émettent des opinions subversives. Chaque chef d'opposition a ses alliés ; les camps ne sont pas encore dessinés, mais ils se forment, et bientôt éclatera la scission. Je vous le dis, le Spiritisme, comme les doctrines philosophiques qui l'ont précédé, ne saurait avoir une longue durée. Il a été, il a grandi ; mais maintenant il est au faîte, et descend déjà. Il fait toujours quelques adeptes, mais, comme le Saint-Simonisme, comme le Fouriérisme, comme les Théosophes, il tombera, pour être remplacé peut-être, mais il tombera, je le crois fermement.
Cependant, son principe existe ; les Esprits ; mais n'a-t-il pas aussi ses dangers ? Les Esprits inférieurs peuvent se communiquer, c'est là sa perte. Les hommes sont avant tout dominés par leurs passions, et les Esprits dont je viens de parler sont habitués à les exciter. Comme il y a plus d'imperfections que de qualités dans notre humanité, il est donc évident que l'Esprit du mal triomphera, et que si le Spiritisme peut quelque chose, ce sera certainement l'envahissement d'un fléau terrible pour tous.
Sur ce, je conclus que, bon par essence, il est mauvais par ses résultats, et qu'il est ainsi prudent de le rejeter.
Le médium. Cher Esprit, si le Spiritisme était une conception humaine, je serais de votre avis ; mais s'il vous est impossible de nier l'existence des Esprits, vous ne pouvez non plus méconnaître, dans le mouvement dirigé par les êtres invisibles, la main puissante de la divinité. Or, à moins de nier vos propres enseignements, alors que vous étiez sur cette terre, vous ne sauriez admettre que l'action de l'homme puisse être un obstacle à la volonté de Dieu, son créateur. De deux choses l'une, ou le Spiritisme est une œuvre d'invention humaine, et comme toute œuvre humaine, il est sujet à la ruine ; ou il est l'œuvre de Dieu, la manifestation de sa volonté, et dans ce cas aucun obstacle ne saurait en empêcher ni même en retarder le développement. Si donc vous reconnaissez qu'il existe des Esprits, et que ces Esprits se communiquent pour nous instruire, ce ne peut être en dehors de la volonté divine, car alors il existerait, à côté de Dieu, une puissance indépendante qui détruirait sa qualité de tout-puissant, et par conséquent de Dieu. Le Spiritisme ne saurait être ruiné, par le fait de quelques dissensions que les intérêts humains pourraient faire naître dans son sein. – Rép. Peut-être avez-vous raison, mon jeune ami (le médium était un tout jeune homme), mais je m'en tiens à ce que j'ai dit ; je cesse toute discussion à ce sujet. Je suis à votre disposition pour toute question que vous voudrez bien me poser, ceci à part.
Le médium. Hé bien ! puisque vous le permettez, sans insister sur un sujet qui vous serait peut-être pénible de poursuivre en ce moment, nous vous prierons de nous décrire votre passage de cette vie dans celle où vous êtes, de nous dire si vous avez été troublé, et si, dans votre position actuelle, nous pouvons vous être utiles. – Rép. Malgré moi je ne puis m'empêcher de reconnaître l'excellence de ces principes qui enseignent à l'homme ce que c'est que la mort, et qui lui donnent de l'affection pour des êtres qui lui sont totalement inconnus. Mais… enfin, mon cher enfant, je vais répondre à votre question. Je ne veux pas abuser de votre temps, et je puis en peu de mots satisfaire à votre désir.
Je vous avouerai donc qu'au moment de mourir je n'étais pas sans appréhension. Etait-ce la matière qui me portait à regretter cette existence ? était-ce l'ignorance de l'avenir ? je ne vous le cacherai pas, j'avais peur ! Vous me demandez si j'ai été troublé ; comment l'entendez-vous ? Si vous voulez dire par là que l'action violente de la séparation m'a plongé dans une sorte de léthargie morale, dont je suis sorti comme d'un sommeil pénible, oui, j'ai été troublé ; mais si vous entendez un trouble dans les fonctions de l'intelligence : la mémoire, la conscience de soi-même, non, je ne l'ai pas été. Cependant le trouble existe pour certains êtres ; peut-être existera-t-il aussi pour moi, bien que je ne le croie pas. Mais ce que je crois, c'est que, généralement ce phénomène ne doit pas avoir lieu immédiatement après la mort. J'ai été surpris, il est vrai, de voir l'existence de l'Esprit telle que vous l'enseignez, mais ce n'est pas là du trouble. Voici comment j'entends le trouble, et dans quelles circonstances je l'éprouverais.
Si je n'étais assuré de la vérité de ma croyance, si le doute entrait dans mon âme au sujet de ce que j'ai cru jusqu'alors, si une modification brusque s'opérait en moi dans ma manière de voir, là, je serais troublé ; mais mon opinion est que ce trouble ne doit pas se former aussitôt après la mort. Si j'en crois ce que me dit ma raison, l'être, en mourant, doit rester tel qu'il était avant de passer… ; ce n'est que plus tard, alors que l'isolement, le changement qui s'opère graduellement autour de lui, modifient ses opinions, alors que son être éprouve un ébranlement moral qui fait chanceler son assurance primitive, que le trouble commence véritablement.
Vous me demandez si vous pouvez m'être utile à quelque chose ; ma religion m'enseigne que la prière est bonne ; votre croyance dit qu'elle est utile ; priez donc pour moi, et soyez assuré de ma reconnaissance. Malgré la dissidence qui existe entre nous, je n'en serai pas moins charmé de venir causer quelquefois avec vous.
L'abbé D…
Notre correspondant avait raison de dire que cette communication est instructive ; elle l'est en effet sous bien des rapports, et nos lecteurs saisiront facilement les graves enseignements qui en ressortent, sans que nous ayons besoin de les signaler. Nous y voyons un Esprit qui, de son vivant, avait combattu nos doctrines, et épuisé contre elles tous les arguments que son profond savoir avait pu lui fournir ; savant théologien, il est probable qu'il n'en a négligé aucun. Comme Esprit, depuis peu désincarné, tout en reconnaissant les vérités fondamentales sur lesquelles nous nous appuyons, il n'en persiste pas moins dans son opposition, et cela par les mêmes motifs ; or, il est incontestable que si, plus lucide dans son état spirituel, il eût trouvé des arguments plus péremptoires pour nous combattre, il les aurait fait valoir ; loin de là, il semble avoir peur de voir trop clair, et cependant il pressent une modification dans ses idées. Encore imbu des opinions terrestres, il y rattache toutes ses pensées ; l'avenir l'effraie, c'est pourquoi il n'ose le regarder en face.
Nous lui répondrons comme si, de son vivant, il eût écrit ce qu'il a dicté après sa mort. Nous nous adressons à l'homme autant qu'à l'Esprit, répondant ainsi à ceux qui partagent sa manière de voir, et pourraient nous opposer les mêmes arguments.
Nouslui dirons donc :
Monsieur l'abbé, bien que vous ayez été notre adversaire déclaré et militant sur la terre, aucun de nous ne vous en veut aujourd'hui et ne vous en a jamais voulu de votre vivant, d'abord parce que notre foi nous fait une loi de la tolérance, et qu'à nos yeux toutes les opinions sont respectables quand elles sont sincères. La liberté de conscience est un de nos principes ; nous la voulons pour les autres, comme nous la voulons pour nous. A Dieu seul appartient de juger la validité des croyances, et nul homme n'a le droit de jeter l'anathème au nom de Dieu. La liberté de conscience n'ôte pas le droit de discussion et de réfutation, mais la charité ordonne de ne maudire personne. En second lieu, nous vous en voulons d'autant moins, que votre opposition n'a porté aucun préjudice à la doctrine ; vous avez servi la cause du Spiritisme à votre insu, comme tous ceux qui l'attaquent, en aidant à le faire connaître, et en prouvant, en raison surtout de votre mérite personnel, l'insuffisance des armes que l'on emploie pour le combattre.
Permettez-moi, maintenant, de discuter quelques-unes de vos propositions.
Il en est une surtout qui me paraît pécher au premier chef contre la logique ; c'est celle où vous dites que : « Le Spiritisme bon par essence est mauvais par ses résultats. » Vous semblez avoir oublié cette maxime du Christ, devenue proverbiale à force de vérité : « Qu'un bon arbre ne peut donner de mauvais fruits. » On ne comprendrait pas qu'une chose bonne dans son essence même, pût être pernicieuse.
Vous dites ailleurs que le danger du Spiritisme est dans la manifestation des mauvais Esprits qui exploiteront, au profit du mal, les passions des hommes. C'était là une des thèses que vous souteniez de votre vivant. Mais à côté des mauvais Esprits, il y a les bons qui excitent au bien, tandis que, selon la doctrine de l'Eglise, le pouvoir de se communiquer n'est donné qu'aux démons. Si donc vous trouvez le Spiritisme dangereux parce qu'il admet la communication des mauvais Esprits à côté des bons, la doctrine de l'Eglise, si elle était vraie, serait encore bien plus dangereuse, puisqu'elle n'admet que celle des mauvais.
Du reste, ce n'est pas le Spiritisme qui a inventé la manifestation des Esprits, ni qui est la cause s'ils se communiquent ; il ne fait que constater un fait qui s'est produit dans tous les temps, parce qu'il est dans la nature. Pour que le Spiritisme cessât d'exister, il faudrait que les Esprits cessassent de se manifester. Si cette manifestation offre des dangers, il ne faut pas en accuser le Spiritisme, mais la nature. La science de l'électricité est-elle la cause des dégâts occasionnés par la foudre ? Non assurément ; elle fait connaître la cause de la foudre, et enseigne les moyens de la détourner. Il en est de même du Spiritisme ; il fait connaître la cause d'une influence pernicieuse qui agit sur l'homme à son insu, et lui indique les moyens de s'en préserver, tandis que lorsqu'il l'ignorait, il la subissait et s'y exposait sans défiance.
L'influence des mauvais Esprits fait partie des fléaux auxquels l'homme est en butte ici-bas, comme les maladies et les accidents de toutes sortes, parce qu'il y est sur une terre d'expiation et d'épreuve, où il doit travailler à son avancement moral et intellectuel ; mais à côté du mal, Dieu, dans sa bonté, met toujours le remède ; il a donné à l'homme l'intelligence pour le découvrir ; c'est à cela que conduit le progrès des sciences. Le Spiritisme vient indiquer le remède à l'un de ces maux ; il enseigne que pour s'y soustraire et neutraliser l'influence des mauvais Esprits, il faut devenir meilleur, dompter ses mauvais penchants, pratiquer les vertus enseignées par le Christ : l'humilité et la charité ; est-ce donc là ce que vous appelez de mauvais résultats ?
La manifestation des Esprits est un fait positif, reconnu par l'Eglise ; or, l'expérience vient aujourd'hui démontrer que les Esprits sont les âmes des hommes, et que c'est la raison pour laquelle il y en a tant d'imparfaits. Si ce fait vient contredire certains dogmes, le Spiritisme n'en est pas plus responsable que ne l'a été la géologie d'avoir démontré que la terre n'a pas été faite en six jours. Le tort est à ces dogmes de n'être pas d'accord avec les lois de la nature. Par ces manifestations, comme par les découvertes de la science, Dieu veut ramener l'homme à des croyances plus vraies ; repousser le progrès, c'est donc méconnaître la volonté de Dieu ; l'attribuer au démon, c'est blasphémer Dieu. Vouloir, bon gré mal gré, maintenir une croyance contre l'évidence, et faire d'un principe reconnu faux la base d'une doctrine, c'est appuyer une maison sur un étai vermoulu ; peu à peu l'étai se brise, et la maison tombe.
Vous dites que l'opposition de l'Eglise contre le Spiritisme a sa raison d'être et vous l'approuvez, parce qu'il causerait la ruine du clergé dont la séparation du commun des hommes serait anéantie. « Avec le Spiritisme, dites-vous, plus d'oligarchie cléricale ; le prêtre n'est personne et il est chacun ; c'est l'homme de bien qui enseigne la vérité à ses frères ; c'est l'ouvrier charitable qui relève son compagnon tombé ; votre sacerdoce c'est la foi ; votre hiérarchie, le mérite ; votre salaire, Dieu ! c'est grand ! c'est beau ! Mais on ne renonce pas de gaieté de cœur à une royauté, à un prestige qui vous élève au-dessus du vulgaire, à des respects, à des honneurs que l'on est habitué à recueillir, à des richesses qui, pour être matérielles, n'en sont pas moins aussi nécessaires à la satisfaction du prêtre, qu'à celle de l'homme ordinaire. »
Eh quoi ! le clergé serait-il donc mu par des sentiments aussi mesquins ? Méconnaîtrait-il à ce point ces paroles du Christ : « Mon royaume n'est pas de ce monde, » qu'il sacrifierait l'intérêt de la vérité à la satisfaction de l'orgueil, de l'ambition et des passions mondaines ? Il ne croirait donc pas à ce royaume promis par Jésus-Christ, puisqu'il lui préfère celui de la terre. Il prendrait donc son point d'appui dans le ciel, en apparence seulement, et pour se donner un prestige, mais en réalité pour sauvegarder ses intérêts terrestres ! Nous préférons croire que, si tel est le mobile de quelques-uns de ses membres, ce n'est pas le sentiment de la majorité ; s'il en était autrement, son règne serait bien près de finir, et vos paroles seraient sa sentence, car le royaume céleste est seul éternel, tandis que ceux de la terre sont fragiles et mouvants.
Vous allez bien loin, monsieur l'abbé, dans vos prévisions sur les conséquences du Spiritisme ; plus loin que je n'ai jamais été dans mes écrits. Sans vous suivre sur ce terrain, je dirai simplement, parce que chacun le pressent, que le résultat inévitable sera une transformation de la Société ; il créera un nouvel ordre de choses, de nouvelles habitudes, de nouveaux besoins ; il modifiera les croyances, les rapports sociaux ; il fera, au moral, ce que font, au point de vue matériel, toutes les grandes découvertes de l'industrie et des sciences. Cette transformation vous effraie, et c'est pour cela que, tout en la pressentant, vous l'écartez de votre pensée ; vous voudriez ne pas y croire ; en un mot, vous fermez les yeux pour ne pas voir, et les oreilles pour ne pas entendre. Ainsi en est-il de beaucoup d'hommes sur la terre. Cependant si cette transformation est dans les décrets de la Providence, elle s'accomplira, quoi que l'on fasse ; il faudra la subir de gré ou de force et s'y plier, comme les hommes de l'ancien régime ont dû subir les conséquences de la Révolution, qu'ils niaient aussi et déclaraient impossible avant qu'elle fût accomplie. A qui leur aurait dit qu'en moins d'un quart de siècle tous les privilèges seraient abolis, qu'un enfant ne serait plus colonel en naissant ; qu'on n'achèterait plus un régiment comme un troupeau de bœufs ; que le soldat pourrait devenir maréchal, et le dernier roturier ministre ; que les droits seraient les mêmes pour tous, et que le fermier aurait voix égale dans les affaires de son pays à côté de son seigneur, ils auraient haussé les épaules d'incrédulité, et cependant si l'un d'eux se fût endormi alors et réveillé, comme Epiménide, quarante ans plus tard, il aurait cru se trouver dans un autre monde.
C'est la crainte de l'avenir qui vous fait dire que le Spiritisme n'aura qu'un temps ; vous cherchez à vous faire illusion, vous voulez vous le prouver à vous-même, et vous finissez par le croire de bonne foi, parce que cela vous tranquillise. Mais quelle raison en donnez-vous ? La moins concluante de toutes, ainsi qu'il est aisé de le démontrer.
Ah ! si vous prouviez péremptoirement que le Spiritisme est une utopie, qu'il repose sur une erreur matérielle de fait, sur une base fausse, illusoire, sans fondement, alors vous auriez raison ; mais, au contraire, vous affirmez l'existence du principe, et de plus l'excellence de ce principe ; vous reconnaissez, et l'Église reconnaît comme vous, la réalité du fait matériel sur lequel il repose : Celui des manifestations. Ce fait peut-il être anéanti ? Non, pas plus qu'on peut anéantir le mouvement de la terre. Puisqu'il est dans la nature, il se produira toujours ; ce fait, incompris jadis, mais mieux étudié et mieux compris de nos jours, porte en lui-même des conséquences inévitables ; si vous ne pouvez l'anéantir, vous êtes forcé d'en subir les conséquences. Suivez-le de proche en proche dans ses ramifications, et vous aboutissez fatalement à une révolution dans les idées ; or, un changement dans les idées en amène forcément un dans l'ordre des choses. (Voy. Qu'est-ce que le Spiritisme, 6° édit., pag. 128.)
D'un autre côté, le Spiritisme ne plie pas les intelligences sous son joug ; il ne commande point une croyance aveugle ; il veut que la foi s'appuie sur la compréhension ; c'est en cela surtout, monsieur l'abbé, que nous différons de manière de voir. Il laisse donc à chacun une entière liberté d'examen, en vertu de ce principe, que la vérité étant une, doit, tôt ou tard, l'emporter sur ce qui est faux, et qu'un principe fondé sur l'erreur tombe par la force des choses. Les idées fausses, livrées à la discussion, montrent leur côté faible, et s'effacent devant la puissance de la logique. Ces divergences sont inévitables dans un début ; elles sont même nécessaires, parce qu'elles aident à l'épuration et à l'assiette de l'idée fondamentale, et il est préférable qu'elles se produisent dès le commencement, parce que la doctrine vraie en sera plus tôt débarrassée. Voilà pourquoi nous avons toujours dit aux adeptes : Ne vous inquiétez pas des idées contradictoires qui peuvent être émises ou publiées. Voyez déjà, combien sont mortes en naissant ! combien d'écrits dont on ne parle déjà plus ! Que cherchons-nous ? est-ce le triomphe, quand même, de nos idées ? non, mais celui de la vérité. Si, dans le nombre des idées contraires, il en est qui soient plus vraies que les nôtres, elles l'emporteront, et nous devrons les adopter ; si elles sont fausses, elles ne pourront supporter l'épreuve décisive du contrôle de l'enseignement universel des Esprits, seul critérium de l'idée qui survivra.
L'assimilation que vous établissez entre le Spiritisme et d'autres doctrines philosophiques manque d'exactitude. Ce ne sont pas les hommes qui ont fait le Spiritisme ce qu'il est, ni qui feront ce qu'il sera plus tard ; ce sont les Esprits par leurs enseignements : les hommes ne font que mettre en œuvre et coordonner les matériaux qui leur sont fournis. Cet enseignement n'est point encore complet, et l'on ne doit considérer ce qu'ils ont donné jusqu'à ce jour que comme les premiers jalons de la science ; on peut le comparer aux quatre règles par rapport aux mathématiques, et nous n'en sommes encore qu'aux équations du premier degré ; c'est pourquoi beaucoup de gens n'en comprennent encore ni l'importance ni la portée. Mais les Esprits règlent leur enseignement à leur gré, et il ne dépend de personne de les faire aller plus vite ou plus doucement qu'ils ne veulent ; ils ne suivent pas plus les impatients qu'ils ne se mettent à la remorque des retardataires.
Le Spiritisme n'est pas plus l'œuvre d'un seul Esprit qu'il n'est celle d'un seul homme ; il est l'œuvre des Esprits en général. Il s'ensuit que l'opinion d'un Esprit sur un principe quelconque n'est considérée par les Spirites que comme une opinion individuelle, qui peut être juste ou fausse, et n'a de valeur que lorsqu'elle est sanctionnée par l'enseignement de la majorité, donné sur les divers points du globe. C'est cet enseignement universel qui l'a fait ce qu'il est, et qui fera ce qu'il sera. Devant ce puissant critérium tombent nécessairement toutes les théories particulières qui seraient le produit d'idées systématiques, soit d'un homme, soit d'un Esprit isolés. Une idée fausse peut, sans doute, grouper autour d'elle quelques partisans, mais elle ne prévaudra jamais contre celle qui est enseignée partout.
Le Spiritisme, qui vient à peine de naître, mais soulève déjà des questions de la plus haute gravité, met nécessairement en effervescence une foule d'imaginations. Chacun voit la chose à son point de vue ; de là la diversité des systèmes éclos à son début, et dont la plupart sont déjà tombés devant la force de l'enseignement général. Il en sera de même de tous ceux qui ne seront pas dans la vérité ; car, à l'enseignement divergent d'un Esprit, donné par un médium, on opposera toujours l'enseignement uniforme de millions d'Esprits, donné par des millions de médiums. C'est la raison pour laquelle certaines théories excentriques ont à peine vécu quelques jours, et ne sont pas sorties du cercle où elles ont pris naissance ; privées de sanction, elles ne rencontrent dans l'opinion des masses ni échos ni sympathies, et si, en outre, elles froissent la logique et le vulgaire bon sens, elles provoquent un sentiment de répulsion qui précipite leur chute.
Le Spiritisme possède donc un élément de stabilité et d'unité qu'il tire de sa nature et de son origine, et qui n'est le propre d'aucune des doctrines philosophiques de conception purement humaine ; c'est le bouclier contre lequel viendront toujours se briser toutes les tentatives faites pour le renverser ou le diviser. Ces divisions ne peuvent jamais être que partielles, circonscrites et momentanées.
Vous parlez des sectes qui, selon vous, divisent les Spirites, d'où vous concluez à la ruine prochaine de leur doctrine ; mais vous oubliez toutes celles qui ont divisé le christianisme dès sa naissance, qui l'ont ensanglanté, qui le divisent encore, et dont le nombre, jusqu'à ce jour, ne s'élève pas à moins de trois cent soixante. Cependant, malgré les dissidences profondes sur les dogmes fondamentaux, le christianisme est resté debout, preuve qu'il est indépendant de ces questions de controverse. Pourquoi voudriez-vous que le Spiritisme, qui se rattache par sa base même aux principes du christianisme, et qui n'est divisé que sur des questions secondaires s'élucidant chaque jour, souffrît de la divergence de quelques opinions personnelles, alors qu'il a un point de ralliement aussi puissant : le contrôle universel ?
Le Spiritisme serait donc aujourd'hui divisé en vingt sectes, ce qui n'est pas et ne sera pas, que cela ne tirerait à aucune conséquence, parce que c'est le travail de l'enfantement. Si des divisions étaient suscitées par des ambitions personnelles, par des hommes dominés par la pensée de se faire chefs de secte, ou d'exploiter l'idée au profit de leur amour-propre ou de leurs intérêts, ce seraient sans contredit les moins dangereuses. Les ambitions personnelles meurent avec les individus, et si ceux qui auront voulu s'élever n'ont pas pour eux la vérité, leurs idées mourront avec eux, et peut-être avant eux ; mais la vérité vraie ne saurait mourir.
Vous êtes dans le vrai, monsieur l'abbé, en disant qu'il y aura des ruines dans le Spiritisme, mais ce n'est pas comme vous l'entendez. Ces ruines seront celles de toutes les opinions erronées qui bouillonnent et se font jour ; si toutes sont dans l'erreur, elles tomberont toutes, cela est inévitable ; mais s'il en est une seule qui soit dans le vrai, elle surnagera infailliblement.
Deux divisions assez tranchées, et auxquelles on pouvait réellement donner le nom de sectes, s'étaient formées il y a quelques années sur l'enseignement de deux Esprits qui, en s'affublant de noms vénérés, avaient capté la confiance de quelques personnes ; aujourd'hui, il n'en est plus question. Devant quoi sont-elles tombées ? Devant le bon sens et la logique des masses d'une part, et devant l'enseignement général des Esprits d'accord avec cette même logique.
Contesterez-vous la valeur de ce contrôle universel par la raison que les Esprits n'étant pas les âmes des hommes sont également sujets à erreur ? Mais vous seriez en contradiction avec vous-même. N'admettez-vous pas qu'un concile général a plus d'autorité qu'un concile particulier, parce qu'il est plus nombreux ; que son opinion prévaut sur celle de chaque prêtre, de chaque évêque, et même sur celle du Pape ? Que la majorité fait loi dans toutes les assemblées des hommes ? Et vous ne voudriez pas que les Esprits, qui gouvernent le monde sous les ordres de Dieu eussent aussi leurs conciles, leurs assemblées ? Ce que vous admettez chez les hommes comme sanction de la vérité, vous le refuseriez aux Esprits ? Oubliez-vous donc que si, parmi eux, il en est d'inférieurs, ce n'est pas à eux que Dieu confie les intérêts de la terre, mais aux Esprits supérieurs qui ont franchi les étapes de l'humanité et dont le nombre est incalculable ? Et comment nous transmettent-ils les instructions de la majorité ? Est-ce par la voix d'un seul Esprit ou d'un seul homme ? Non, mais, comme je l'ai dit, par celle de millions d'Esprits et de millions d'hommes. Est-ce dans un seul centre, dans une ville, dans un pays, dans une caste, chez un peuple privilégié comme jadis chez les Israélites ? Non, c'est partout, dans tous les pays, dans toutes les religions, chez les riches et chez les pauvres. Comment voudriez-vous que l'opinion de quelques individus, incarnés ou désincarnés, pût l'emporter sur cet ensemble formidable de voix ? Croyez-moi, monsieur l'abbé, cette sanction universelle vaut bien celle d'un concile œcuménique.
Le Spiritisme est fort, précisément parce qu'il s'appuie sur cette sanction et non sur les opinions isolées. Se proclame-t-il immuable dans ce qu'il enseigne aujourd'hui, et dit-il qu'il n'a plus rien à apprendre ? Non, car il a suivi jusqu'à ce jour, et il suivra dans l'avenir, l'enseignement progressif qui lui sera donné, et là encore est pour lui une cause de force, puisqu'il ne se laissera jamais distancer par le progrès.
Attendez encore un peu, monsieur l'abbé, et avant un quart de siècle, vous verrez le Spiritisme cent fois moins divisé que ne l'est aujourd'hui le christianisme après dix-huit siècles.
Des fluctuations que vous avez remarquées dans les sociétés ou réunions spirites, vous avez, à tort, conclu à l'instabilité de la doctrine. Le Spiritisme n'est point une théorie spéculative, fondée sur une idée préconçue ; c'est une question de fait, et par conséquent de conviction personnelle ; quiconque admet le fait et ses conséquences est Spirite, sans qu'il soit besoin de faire partie d'une société. On peut être parfait Spirite sans cela. L'avenir du Spiritisme est dans son principe même, principe impérissable, parce qu'il est dans la nature et non dans des réunions, formées souvent dans des conditions peu favorables, composées d'éléments hétérogènes, et par conséquent subordonnés à une foule d'éventualités.
Les sociétés sont utiles, mais aucune n'est indispensable, et toutes viendraient à cesser d'exister que le Spiritisme n'en poursuivrait pas moins sa marche, attendu que ce n'est pas dans leur sein que se forme le plus grand nombre de convictions. Elles sont bien plus pour les croyants qui y cherchent des centres sympathiques, que pour les incrédules. Les sociétés sérieuses et bien dirigées sont surtout utiles pour neutraliser la mauvaise impression de celles où le Spiritisme est mal présenté ou défiguré. La Société de Paris ne fait pas exception à la règle, car elle ne s'arroge aucun monopole. Elle ne consiste pas dans le plus ou moins grand nombre de ses membres, mais dans l'idée mère qu'elle représente ; or, cette idée est indépendante de toute réunion constituée, et, quoi qu'il arrive, l'élément propagateur n'en subsistera pas moins. On peut donc dire que la Société de Paris est partout où l'on professe les mêmes principes, depuis l'Orient jusqu'à l'Occident, et que si elle mourait matériellement, l'idée survivrait.
Le Spiritisme est un enfant qui grandit, dont les premiers pas sont nécessairement chancelants ; mais, comme les enfants précoces, il a de bonne heure fait pressentir sa force ; c'est pour cela que certaines personnes s'en effraient, et voudraient l'étouffer au berceau. S'il se fût présenté comme un être aussi débile que vous le supposez, il n'aurait pas causé tant d'émoi, ni soulevé tant d'animosités, et vous-même n'auriez pas cherché à le combattre. Laissez donc grandir l'enfant, et vous verrez ce que donnera l'adulte.
Vous lui avez prédit sa fin prochaine ; mais d'innombrables incarnés et désincarnés lui ont dit aussi son horoscope, dans un autre sens. Ecoutez donc leurs prévisions, qui se succèdent sans interruption, depuis dix ans, et se répètent sur tous les points du globe.
Le Spiritisme vient combattre l'incrédulité, qui est l'élément dissolvant de la société, en substituant à la foi aveugle, qui s'éteint, la foi raisonnée qui vivifie.
Il apporte l'élément régénérateur de l'humanité, et sera la boussole des générations futures.
Comme toutes les grandes idées rénovatrices, il devra lutter contre l'opposition des intérêts qu'il froissera et des idées qu'il renversera. On lui suscitera toutes sortes d'entraves ; on emploiera contre lui toutes les armes, loyales ou déloyales, que l'on croira propres à le renverser. Ses premiers pas seront semés de ronces et d'épines. Ses adeptes seront dénigrés, bafoués, en butte à la trahison, à la calomnie, à la persécution ; ils auront des déboires et des déceptions. Heureux ceux dont la foi n'aura pas été ébranlée dans ces jours néfastes ; qui auront souffert et combattu pour le triomphe de la vérité, car ils seront récompensés de leur courage et de leur persévérance.
Cependant le Spiritisme continuera sa marche à travers les embûches et les écueils ; il est inébranlable, comme tout ce qui est dans la volonté de Dieu, parce qu'il s'appuie sur les lois mêmes de la nature, qui sont les lois éternelles de Dieu, tandis que tout ce qui est contraire à ces lois tombera.
Par la lumière qu'il jette sur les points obscurs et controversés des Ecritures, il amènera les hommes à l'unité de croyance.
En donnant les lois mêmes de la nature pour base aux principes d'égalité, de liberté et de fraternité, il fondera le règne de la véritable charité chrétienne, qui est le règne de Dieu sur la terre, prédit par Jésus-Christ.
Beaucoup le repoussent encore, parce qu'ils ne le connaissent pas ou ne le comprennent pas ; mais lorsqu'ils reconnaîtront qu'il réalise les plus chères espérances de l'avenir de l'humanité, ils l'acclameront, et, comme le christianisme a trouvé un soutien dans saint Paul, il trouvera des défenseurs parmi ses adversaires de la veille. De la foule surgiront des hommes d'élite qui prendront sa cause en main, et l'autorité de leur parole imposera silence à ses détracteurs.
La lutte durera longtemps encore, parce que les passions, surexcitées par l'orgueil et les intérêts matériels, ne peuvent s'apaiser subitement. Mais ces passions s'éteindront avec les hommes, et la fin de ce siècle ne se passera pas avant que la nouvelle croyance n'ait conquis une place prépondérante parmi les peuples civilisés, et, du siècle prochain datera l'ère de la régénération. »
Les frères Davenport
Les frères Davenport, qui captivent en ce moment à un si haut degré l'attention, sont deux jeunes gens de vingt-quatre à vingt-cinq ans, nés à Buffalo, dans l'État de New York, et qui se présentent en public comme médiums. Leur faculté, toutefois, est bornée à des effets exclusivement physiques, dont le plus remarquable consiste à se faire lier avec des cordes d'une manière inextricable, et à se trouver déliés instantanément, par une force invisible, malgré toutes les précautions prises pour s'assurer qu'ils sont incapables de le faire eux-mêmes. A cela ils joignent d'autres phénomènes plus connus, comme le transport d'objets à travers l'espace, le jeu spontané d'instruments de musique, l'apparition de mains lumineuses, les attouchements par des mains invisibles, etc.
MM. Didier, les éditeurs du Livre des Esprits, viennent de publier une traduction de leur biographie, contenant le récit détaillé des effets qu'ils produisent, et qui, sauf les cordes, ont d'assez nombreux points de similitude avec ceux de M. Home. L'émotion que leur présence a causée en Angleterre et à Paris donne à cet ouvrage un puissant intérêt d'actualité. Leur biographe anglais, le docteur Nichols, car ce ne sont point eux qui ont écrit ce livre, mais qui en ont fourni les documents, s'étant borné au récit des faits, sans explications, les éditeurs français ont eu l'heureuse idée de joindre à leur publication, pour l'intelligence des personnes étrangères au Spiritisme, nos deux opuscules : le Résumé de la loi des phénomènes Spirites, et le Spiritisme à sa plus simple expression, ainsi que de nombreuses notes explicatives dans le courant du texte[1]. On trouvera donc, dans cet ouvrage, les renseignements que l'on pourra désirer sur le compte de ces messieurs, et dans le détail desquels nous ne pouvons entrer, ayant à envisager la question à un autre point de vue.
Nous dirons seulement que leur aptitude à la production de ces phénomènes s'est révélée, dès leur enfance, d'une manière spontanée. Pendant plusieurs années, ils ont parcouru les principales villes de l'Amérique septentrionale, où ils se sont acquis une certaine réputation. Vers le mois de septembre 1864, ils vinrent en Angleterre, où ils produisirent une vive sensation. Tour à tour ils y furent acclamés, dénigrés, ridiculisés et même injuriés par la presse et le public ; à Liverpool, notamment, ils furent l'objet de la plus insigne malveillance, au point de voir leur sûreté personnelle compromise. Les opinions furent partagées à leur égard ; selon les uns, ce n'étaient que d'habiles charlatans ; selon d'autres, ils étaient de bonne foi, et l'on pouvait admettre une cause occulte à leurs phénomènes ; mais, en somme, ils y ont conquis fort peu de prosélytes à l'idée spirite proprement dite. Dans ce pays, essentiellement religieux, le bon sens naturel repoussait la pensée que des êtres spirituels vinssent révéler leur présence par des exhibitions théâtrales et des tours de force. La philosophie spirite y étant peu connue, le public a confondu le Spiritisme avec ces représentations, et en a conçu une opinion plus contraire que favorable à la doctrine.
Il est vrai qu'en France, le Spiritisme a débuté par les tables tournantes, mais dans des conditions bien différentes ; la médiumnité s'étant immédiatement révélée chez un grand nombre de personnes, de tous âges et de tous sexes, et dans les familles les plus respectables, les phénomènes se sont produits dans des conditions qui excluaient toute pensée de charlatanisme ; chacun a pu s'assurer par soi-même, dans l'intimité, et par des observations multipliées, de la réalité des faits, auxquels un intérêt puissant s'est attaché lorsque, sortant des effets purement matériels, qui ne disaient rien à la raison, on a vu les conséquences morales et philosophiques qui en découlaient. Si, au lieu de cela, ce genre de médiumnité primitive eût été le privilège de quelques individus isolés, et qu'il eût fallu aller acheter la foi devant des tréteaux, il y a longtemps qu'il ne serait plus question des Esprits. La foi naît de l'impression morale. Or, tout ce qui est de nature à produire une mauvaise impression la repousse au lieu de la provoquer. Il y aurait aujourd'hui beaucoup moins d'incrédules, en fait de Spiritisme, si les phénomènes eussent toujours été présentés d'une manière sérieuse. L'incrédule, naturellement disposé à la raillerie, ne peut être porté à prendre au sérieux ce qui est entouré de circonstances qui ne commandent ni le respect ni la confiance. La critique, qui ne se donne pas la peine d'approfondir, forme son opinion sur une première apparence défavorable, et confond le bon et le mauvais dans une même réprobation. Bien peu de convictions se sont formées dans les réunions ayant un caractère public, tandis que l'immense majorité est sortie des réunions intimes, dont l'honorabilité notoire des membres pouvait inspirer toute confiance et défier tout soupçon de fraude.
Au printemps dernier, et après avoir exploité l'Angleterre, les frères Davenport vinrent à Paris. Quelque temps avant leur arrivée, une personne vint nous voir, de leur part, pour nous demander de les appuyer dans notre Revue. Mais on sait que nous ne nous enthousiasmons pas facilement, même pour les choses que nous connaissons, à plus forte raison pour celles que nous ne connaissons pas. Nous ne pûmes donc promettre un concours anticipé, ayant pour habitude de ne parler qu'en connaissance de cause. En France, où ils n'étaient connus que par les récits contradictoires des journaux, l'opinion, comme en Angleterre, était partagée sur leur compte ; nous ne pouvions donc formuler prématurément, ni un blâme, qui aurait pu être injuste, ni une approbation dont on aurait pu se prévaloir ; c'est pourquoi nous nous sommes abstenu.
A leur arrivée, ils sont allés habiter le petit château de Gennevilliers, près Paris, où ils sont restés plusieurs mois sans informer le public de leur présence ; nous ignorons les motifs de cette abstention. Dans les derniers temps, ils y ont donné quelques séances particulières dont les journaux ont rendu compte d'une manière plus ou moins pittoresque. Leur première séance publique fut enfin annoncée pour le 12 septembre dans la salle Hertz. On connaît la déplorable issue de cette séance qui a renouvelé, sur une plus petite échelle, les scènes tumultueuses de Liverpool, et dans laquelle un des spectateurs, s'élançant sur l'estrade, brisa l'appareil de ces messieurs et montrant une planche, s'écria : « Voilà leur truc. » Cet acte inqualifiable dans un pays civilisé, mit le comble à la confusion. La séance n'ayant pas abouti, on rendit l'argent au public ; mais comme il avait été donné un assez grand nombre de billets de faveur, et le compte de caisse constatant un déficit de sept cents francs, il fut ainsi prouvé que soixante-dix assistants entrés gratis en étaient sortis avec dix francs de plus dans leurs poches, sans doute pour s'indemniser des frais de déplacement.
La polémique qui s'est établie au sujet des frères Davenport offre plusieurs points instructifs que nous allons examiner.
La première question que les Spirites eux-mêmes se sont posée est celle-ci : ces messieurs sont-ils ou non médiums ? Tous les faits relatés dans leur biographie rentrent dans le cercle des possibilités médianimiques, car des effets analogues, notoirement authentiques, ont été maintes fois obtenus sous l'influence de médiums sérieux. Si les faits, par eux-mêmes, sont admissibles, les conditions dans lesquelles ils se produisent prêtent, il faut en convenir, à la suspicion. Celle qui frappe le plus au premier abord, c'est la nécessité de l'obscurité qui facilite évidemment la fraude ; mais ce ne saurait être-là une objection fondée. Les effets médianimiques n'ont absolument rien de surnaturel ; tous, sans exception, sont dûs à la combinaison des fluides propres de l'Esprit et du médium ; ces fluides, quoique impondérables, n'en sont pas moins de la matière subtile ; il y a donc là une cause et un effet en quelque sorte matériels, ce qui nous a fait dire de tous temps que les phénomènes spirites étant basés sur des lois naturelles n'ont rien de miraculeux. Ils n'ont paru merveilleux, comme bien d'autres phénomènes, que tant qu'on n'a pas connu ces lois ; ces lois aujourd'hui connues, le surnaturel et le merveilleux disparaissent pour faire place à la réalité. Aussi n'y a-t-il pas un seul Spirite qui s'attribue le don de miracles ; c'est ce que les critiques sauraient s'ils se donnaient la peine d'étudier ce dont ils parlent.
Pour en revenir à la question de l'obscurité, on sait qu'en chimie il est des combinaisons qui ne peuvent s'opérer à la lumière ; que des compositions et des décompositions ont lieu sous l'action du fluide lumineux ; or, tous les phénomènes Spirites étant, comme nous l'avons dit, le résultat de combinaisons fluidiques, et ces fluides étant de la matière, il n'y aurait rien d'étonnant à ce que, dans certains cas, le fluide lumineux fût contraire à cette combinaison.
Une objection plus sérieuse, c'est la ponctualité avec laquelle les phénomènes se produisent à jours et heures fixes et à volonté. Cette soumission au caprice de certains individus est contraire à tout ce que l'on sait de la nature des Esprits, et la répétition facultative d'un phénomène quelconque a toujours été considérée, et doit être, en principe, considérée comme légitimement suspecte, même en cas de désintéressement, à plus forte raison quand il s'agit d'exhibitions publiques faites dans un but de spéculation, et auxquelles il répugne à raison de penser que des Esprits puissent se soumettre.
La médiumnité est une aptitude naturelle inhérente au médium, comme la faculté de produire des sons est inhérente à un instrument ; mais de même que pour qu'un instrument joue un air il faut un musicien, pour qu'un médium produise des effets médianimiques, il faut des Esprits. Les Esprits venant quand ils veulent et quand ils le peuvent, il en résulte que le médium le mieux doué peut parfois ne rien obtenir ; il est alors comme un instrument sans musicien. C'est ce qui se voit tous les jours ; c'est ce qui arrivait à M. Home qui était souvent des mois entiers sans rien produire, malgré son désir, et fût-il même en présence d'un souverain.
Il résulte donc de l'essence même de la médiumnité, et l'on peut poser en principe absolu, qu'un médium n'est jamais certain d'obtenir un effet déterminé quelconque, par la raison que cela ne dépend pas de lui ; affirmer le contraire serait prouver l'ignorance complète des principes les plus élémentaires de la science spirite. Pour promettre la production d'un phénomène à point nommé, il faut avoir à sa disposition des moyens matériels qui ne viennent pas des Esprits. Est-ce le cas des frères Davenport ? Nous l'ignorons ; c'est à ceux qui ont suivi leurs expériences d'en juger.
On a parlé de défis, d'enjeux proposés à qui ferait les tours les plus forts ; les Esprits ne sont pas des faiseurs de tours, et jamais un médium sérieux n'entrera en lutte avec personne, et encore moins avec un prestidigitateur ; celui-ci dispose de moyens qui lui appartiennent en propre, l'autre est l'instrument passif d'une volonté étrangère, libre, indépendante, et dont nul ne peut disposer sans son consentement. Si le prestidigitateur dit qu'il fait plus que les médiums, laissez-le dire ; il a raison, puisqu'il agit à coup sûr ; il amuse son public : c'est son état ; il se vante : c'est son rôle ; il fait de la réclame : c'est une nécessité de la position ; le médium sérieux, sachant qu'il n'y a aucun mérite personnel dans ce qu'il fait, est modeste ; il ne peut tirer vanité de ce qui n'est pas le produit de son talent, ni promettre ce qui ne dépend pas de lui.
Les médiums cependant font quelque chose de plus ; par leur intermédiaire les bons Esprits inspirent la charité et la bienveillance pour tous ; ils apprennent aux hommes à se regarder comme des frères, sans distinction de castes ni de sectes, à pardonner à ceux qui leur disent des injures, à vaincre leurs mauvais penchants, à supporter avec patience les misères de la vie, à regarder la mort sans crainte par la certitude de la vie future ; ils donnent des consolations aux affligés, du courage aux faibles, de l'espérance à ceux qui ne croyaient pas, etc. Voilà ce que n'apprennent ni les tours des prestidigitateurs, ni ceux de MM. Davenport.
Les conditions inhérentes à la médiumnité ne sauraient donc se prêter à la régularité et à la ponctualité, qui sont la condition indispensable des séances à heure fixe, où il faut à tout prix satisfaire le public. Si cependant des Esprits se prêtaient à des manifestations de ce genre, ce qui ne serait pas radicalement impossible, puisqu'il y en a de tous les degrés possibles d'avancement, ce ne pourrait être, dans tous les cas, que des Esprits de bas étage, car il serait souverainement absurde de penser que des Esprits tant soit peu élevés vinssent s'amuser à faire la parade. Mais, dans cette hypothèse même, le médium n'en serait pas moins à la merci de ces Esprits, qui peuvent le quitter au moment où leur présence serait le plus nécessaire, et faire manquer la représentation ou la consultation. Or, comme avant tout il faut contenter celui qui paye, si les Esprits font défaut, on tâche de s'en passer ; avec un peu d'adresse, il est aisé de donner le change ; c'est ce qui est arrivé maintes fois à des médiums doués à l'origine de facultés réelles, mais insuffisantes pour le but qu'ils se proposaient.
De tous les phénomènes Spirites, ceux qui se prêtent le mieux à l'imitation sont les effets physiques ; or, bien que les manifestations réelles aient un caractère distinctif et ne se produisent que dans des conditions spéciales bien déterminées, l'imitation peut approcher de la réalité au point de faire illusion aux personnes surtout qui ne connaissent pas les lois des phénomènes véritables. Mais de ce qu'on peut les imiter, il serait aussi illogique de conclure qu'ils n'existent pas qu'il le serait de prétendre qu'il n'y a pas de vrais diamants, parce qu'il y a du strass.
Nous ne faisons ici aucune application personnelle ; nous posons des principes fondés sur l'expérience et la raison, et d'où nous tirons cette conséquence : qu'un examen scrupuleux, fait avec une parfaite connaissance des phénomènes Spirites, peut seul faire distinguer la supercherie de la médiumnité réelle. Et nous ajoutons que la meilleure de toutes les garanties c'est le respect et la considération qui s'attachent à la personne du médium, sa moralité, son honorabilité notoire, son désintéressement absolu, matériel et moral. Nul ne disconviendra qu'en pareille circonstance les qualités de l'individu ne constituent un précédent qui impressionne favorablement, parce qu'elles écartent jusqu'au soupçon de la fraude.
Nous ne jugeons pas MM. Davenport, et loin de nous de mettre en doute leur honorabilité ; mais à part les qualités morales, que nous n'avons aucun motif de suspecter, il faut avouer qu'ils se présentent dans des conditions peu favorables pour accréditer leur titre de médiums, et que c'est au moins avec une grande légèreté que certains critiques se sont hâtés de les qualifier d'apôtres et de grands prêtres de la doctrine. Le but de leur voyage en Europe est clairement défini par ce passage de leur biographie :
« Je crois, sans commettre d'erreur, que ce fut le 27 août que les frères Davenport quittèrent New York, emmenant avec eux, par suite d'une débilité survenue à M. William Davenport, un aide en la personne de M. William Fay, qu'il ne faut pas confondre avec M. H. Melleville Fay, qui, suivant je ne sais quel genre d'autorité, fut, dit-on, découvert au Canada, tentant de produire des manifestations semblables, ou du moins qui le paraissaient. Ils étaient accompagnés de M. Palmer, très connu comme impresario et agent d'affaires dans le monde dramatique et lyrique, et à qui, grâce à son expérience, fut confiée la partie matérielle et économique de l'entreprise. »
Il est donc avéré que ce fut une entreprise conduite par un impresario et agent d'affaires dramatiques. Les faits relatés dans la biographie sont, avons-nous dit, dans les possibilités médianimiques ; l'âge et les circonstances dans lesquels ils ont commencé à se manifester éloignent la pensée de la supercherie. Tout tend donc à prouver que ces jeunes gens étaient bien réellement des médiums à effets physiques, comme on en trouve beaucoup dans leur pays, où l'exploitation de cette faculté est passée en habitude et n'a rien de choquant pour l'opinion. Ont-ils amplifié leurs facultés naturelles, comme l'ont fait d'autres médiums exploiteurs, pour augmenter leur prestige et suppléer au défaut de flexibilité de ces mêmes facultés, c'est ce que nous n'affirmons pas, parce que nous n'en avons aucune preuve ; mais, en admettant l'intégrité de ces facultés, nous dirons qu'ils se sont fait illusion sur l'accueil qu'y ferait le public européen, présentées sous forme de spectacle de curiosité, et dans des conditions aussi contraires aux principes du Spiritisme philosophique, moral et religieux. Les Spirites sincères et éclairés qui y sont nombreux, en France surtout, ne pouvaient les acclamer dans de telles conditions, ni les considérer comme des apôtres, en supposant même une parfaite sincérité de leur part. Quant aux incrédules, dont le nombre est grand aussi, et qui tiennent encore le haut du pavé dans la presse, l'occasion d'exercer leur verve railleuse était trop belle pour la laisser échapper. Ces messieurs ont donc offert le flanc le plus large à la critique, et lui ont donné le droit que chacun achète à la porte d'un spectacle quelconque. Nul doute que s'ils se fussent présentés dans des conditions plus sérieuses, ils eussent reçu un autre accueil ; ils auraient fermé la bouche aux détracteurs. Un médium est fort quand il peut dire hardiment : « combien vous en a-t-il coûté pour venir ici, et qui vous a forcé de venir ? Dieu m'a donné une faculté qu'il peut me retirer quand il lui plaira, comme il peut me retirer la vue ou la parole. Je n'en use que pour le bien, dans l'intérêt de la vérité, et non pour satisfaire la curiosité ou servir mes intérêts ; je n'en recueille que la peine du dévouement ; je n'y cherche pas même la satisfaction de l'amour-propre, puisqu'elle ne dépend pas de moi. Je la considère comme une chose sainte, parce qu'elle me met en rapport avec le monde spirituel, et qu'elle me permet de donner la foi aux incrédules et des consolations aux affligés. Je regarderais comme un sacrilège d'en trafiquer, parce que je ne me crois pas le droit de vendre l'assistance des Esprits qui viennent gratuitement. Puisque je n'en tire aucun profit, je n'ai donc aucun intérêt à vous abuser. » Le médium qui peut parler ainsi est fort, nous le répétons ; c'est une réponse sans réplique et qui commande toujours le respect.
La critique, en cette circonstance, a été plus que malveillante ; elle a été injuste et injurieuse, et elle a englobé dans la même réprobation tous les Spirites et tous les médiums auxquels elle n'a pas épargné les épithètes les plus outrageantes, sans songer jusqu'à qu'elle hauteur elle frappait et qu'elle atteignait les familles les plus honorables. Nous ne relèverons pas des expressions qui ne déshonorent que ceux qui les prononcent. Toutes les convictions sincères sont respectables ; et vous tous qui proclamez incessamment la liberté de conscience, comme un droit naturel, respectez-la, au moins, dans autrui. Discutez les opinions : c'est votre droit ; mais l'injure a toujours été le plus mauvais de tous les arguments, et n'est jamais celui d'une bonne cause.
Toute la presse n'est point solidaire de ces écarts de bienséance ; parmi les critiques, à l'endroit des frères Davenport, il en est où l'esprit n'exclut ni les convenances ni la modération, et qui porte juste. Celle que nous allons citer fait précisément ressortir le côté faible dont nous avons parlé. Elle est tirée du Courrier de Paris du Monde illustré, numéro du 16 septembre 1865, et signée Neuter.
« Une première objection me semblait suffire à démontrer que les bons jeunes gens qui donnèrent une séance publique à la salle Hertz, étaient d'adroits garçons aux exercices desquels les mondes supérieurs restaient complètement étrangers. Cette objection, je la tire de la régularité même avec laquelle ils exploitaient leur prétendu pouvoir miraculeux. Comment ! ce sont, assurait-on, des Esprits qui venaient se produire en public à leur bénéfice, et voilà que les frères Davenport traitaient ces Esprits, qui ne sont pas leurs employés après tout, avec autant de sans gêne qu'un directeur de théâtre dictant des lois à ses choristes ! Sans demander à leurs compères surhumains si le jour leur convenait, s'ils n'étaient pas fatigués, si la chaleur ne les incommodait pas, ils affichaient pour une date fixe, pour une heure déterminée, et il fallait que les êtres fluidiques se dérangeassent à cette date, entrassent en scène à cette heure, exécutassent leurs cocasseries musicales avec la précision d'un musicien à qui son café-concert octroie un cachet de cent sous !
« Franchement, c'était se faire du monde Spirite une bien mesquine idée que de nous le représenter ainsi comme peuplé de génies sur commande, de farfadets-commis qui allaient en ville sur un signe du patron. Eh quoi ! jamais de relâche pour ces figurants supra-terrestres ! Quand la fluxion du plus humble cabotin lui donne le droit de faire changer le spectacle, les âmes de la troupe Davenport étaient des esclaves à qui il était interdit de prendre un pauvre petit congé. C'est bien la peine d'habiter des planètes fantastiques pour en être réduit à ce degré d'asservissement.
« Et pour quelle besogne les convoquait-on, ces malheureuses âmes d'outre-tombe ! Pour leur faire passer leurs mains – des mains d'âmes !!! – à travers la lucarne d'une armoire ! Pour les ravaler jusqu'à des parades de saltimbanque ! pour les contraindre à jongler avec des guitares, ces instruments grotesques dont ne veulent plus même les troubadours qui roucoulent dans les cours en faisant l'œil aux pièces de cinq centimes !… »
N'est-ce pas, en effet, mettre le doigt sur la plaie ? Si M. Neuter avait su que le Spiritisme dit précisément la même chose, quoique d'une manière moins spirituelle, n'aurait-il pas dit : « Mais ce n'est pas là du Spiritisme ! » absolument comme en voyant un empirique, il se dit : « Ce n'est pas là la médecine. » Or, de même que ni la science ni la religion ne sont solidaires de ceux qui en abusent, le Spiritisme n'est point solidaire de ceux qui en prennent le nom. La mauvaise impression de l'auteur vient donc, non de la personne des frères Davenport, mais des conditions dans lesquelles ils se placent vis-à-vis du public, et de l'idée ridicule que des expériences faites dans de telles conditions donnent du monde spirituel, que l'incrédulité elle-même est choquée de voir exploiter et traîner sur les planches. Cette impression a été celle de la critique en général, qui l'a traduite en termes plus ou moins polis ; elle sera la même toutes les fois que des médiums ne seront pas dans des conditions de nature à faire respecter la croyance qu'ils professent.
L'échec des frères Davenport est une bonne fortune pour les adversaires du Spiritisme, qui se hâtent pourtant un peu trop de chanter victoire, et bafouent à qui mieux mieux ses adeptes en leur criant qu'il est frappé à mort, comme si le Spiritisme était incarné dans les frères Davenport. Le Spiritisme n'est incarné dans personne ; il est dans la nature, et il ne dépend de personne d'en enrayer la marche, car ceux qui tentent de le faire travaillent à son avancement. Le Spiritisme ne consiste pas à se faire attacher par des cordes, pas plus que dans telle ou telle expérience physique ; n'ayant jamais pris ces messieurs sous son patronage, et ne les ayant jamais présentés comme les colonnes de la doctrine, qu'ils ne connaissent même pas, il ne reçoit aucun démenti de leur mésaventure. Leur échec n'en est donc pas un pour le Spiritisme, mais pour les exploiteurs du Spiritisme.
De deux choses l'une, ou ce sont d'habiles jongleurs, ou ce sont des médiums véritables. Si ce sont des charlatans, nous devons savoir gré à tous ceux qui aident à les démasquer ; sous ce rapport, nous devons des remerciements particuliers à M. Robin, car il rend en cela un service signalé au Spiritisme qui n'eût pu que souffrir dans le cas où leurs fraudes se fussent accréditées. Toutes les fois que la presse a signalé des abus, des exploitations ou des manœuvres de nature à compromettre la doctrine, les Spirites sincères, loin de s'en plaindre, y ont applaudi. Si ce sont des médiums véritables, les conditions dans lesquelles ils se présentent étant de nature à produire une impression défavorable, ils ne peuvent servir utilement la cause. Dans l'un et l'autre cas, le Spiritisme n'a aucun intérêt à prendre fait et cause pour eux.
Maintenant quel sera le résultat définitif de tout ce tapage ? Le voici :
La chronique qui, par ce temps de chaleur tropicale, chômait d'aliments, y gagne un sujet qu'elle s'est empressée de saisir pour remplir ses colonnes veuves d'événements politiques, de nouvelles théâtrales ou de salons.
M. Robin y trouve, pour son théâtre de prestidigitation, une excellente réclame qu'il a fort habilement exploitée, et que nous lui souhaitons très fructueuse, car tous les jours il y parle des Spirites et du Spiritisme.
La critique y perd quelque peu de considération par l'excentricité et l'incivilité de sa polémique.
Les plus mal partagés, matériellement parlant, seront peut-être MM. Davenport, dont la spéculation se trouve singulièrement compromise.
Quant au Spiritisme, c'est lui qui y gagnera évidemment le plus. Ses adeptes le comprennent si bien qu'ils ne s'émeuvent nullement de ce qui se passe et en attendent le résultat avec confiance. En province, où ils sont, plus encore qu'à Paris, en butte aux railleries de leurs adversaires, ils se contentent de leur répondre : Attendez, et avant peu vous verrez qui sera mort et enterré.
Le Spiritisme y gagnera d'abord une immense popularité, et d'être connu, au moins de nom, d'une foule de gens qui n'en avaient pas entendu parler. Mais dans le nombre, beaucoup ne se contentent pas du nom ; leur curiosité est excitée par ce feu roulant d'attaques ; ils veulent savoir ce qu'il en est de cette doctrine soi-disant si ridicule ; ils iront à la source, et quand ils verront qu'on ne leur en a donné que la parodie, ils se diront que ce n'est pas là une si mauvaise chose. Le Spiritisme y gagnera donc d'être mieux compris, mieux jugé et mieux apprécié.
Il y gagnera encore de mettre en évidence les adeptes sincères, dévoués et sur lesquels on peut compter, et de les distinguer des adeptes de nom, qui ne prennent de la doctrine que les apparences ou la surface. Ses adversaires ne manqueront pas d'exploiter la circonstance pour susciter des divisions ou des défaillances réelles ou simulées, à l'aide desquelles ils espèrent ruiner le Spiritisme. Après avoir échoué par tous les autres moyens, c'est là leur suprême et dernière ressource, mais qui ne leur réussira pas mieux, car ils ne détacheront du tronc que les branches mortes qui ne donnaient aucune sève, et le tronc privé des rameaux parasites n'en sera que plus vigoureux.
Ces résultats, et plusieurs autres, que nous nous abstenons d'énumérer, sont inévitables, et nous ne serions pas surpris que les bons Esprits n'aient provoqué tout ce remue-ménage que pour y arriver plus promptement.
[1] Voir au Bulletin bibliographique.
MM. Didier, les éditeurs du Livre des Esprits, viennent de publier une traduction de leur biographie, contenant le récit détaillé des effets qu'ils produisent, et qui, sauf les cordes, ont d'assez nombreux points de similitude avec ceux de M. Home. L'émotion que leur présence a causée en Angleterre et à Paris donne à cet ouvrage un puissant intérêt d'actualité. Leur biographe anglais, le docteur Nichols, car ce ne sont point eux qui ont écrit ce livre, mais qui en ont fourni les documents, s'étant borné au récit des faits, sans explications, les éditeurs français ont eu l'heureuse idée de joindre à leur publication, pour l'intelligence des personnes étrangères au Spiritisme, nos deux opuscules : le Résumé de la loi des phénomènes Spirites, et le Spiritisme à sa plus simple expression, ainsi que de nombreuses notes explicatives dans le courant du texte[1]. On trouvera donc, dans cet ouvrage, les renseignements que l'on pourra désirer sur le compte de ces messieurs, et dans le détail desquels nous ne pouvons entrer, ayant à envisager la question à un autre point de vue.
Nous dirons seulement que leur aptitude à la production de ces phénomènes s'est révélée, dès leur enfance, d'une manière spontanée. Pendant plusieurs années, ils ont parcouru les principales villes de l'Amérique septentrionale, où ils se sont acquis une certaine réputation. Vers le mois de septembre 1864, ils vinrent en Angleterre, où ils produisirent une vive sensation. Tour à tour ils y furent acclamés, dénigrés, ridiculisés et même injuriés par la presse et le public ; à Liverpool, notamment, ils furent l'objet de la plus insigne malveillance, au point de voir leur sûreté personnelle compromise. Les opinions furent partagées à leur égard ; selon les uns, ce n'étaient que d'habiles charlatans ; selon d'autres, ils étaient de bonne foi, et l'on pouvait admettre une cause occulte à leurs phénomènes ; mais, en somme, ils y ont conquis fort peu de prosélytes à l'idée spirite proprement dite. Dans ce pays, essentiellement religieux, le bon sens naturel repoussait la pensée que des êtres spirituels vinssent révéler leur présence par des exhibitions théâtrales et des tours de force. La philosophie spirite y étant peu connue, le public a confondu le Spiritisme avec ces représentations, et en a conçu une opinion plus contraire que favorable à la doctrine.
Il est vrai qu'en France, le Spiritisme a débuté par les tables tournantes, mais dans des conditions bien différentes ; la médiumnité s'étant immédiatement révélée chez un grand nombre de personnes, de tous âges et de tous sexes, et dans les familles les plus respectables, les phénomènes se sont produits dans des conditions qui excluaient toute pensée de charlatanisme ; chacun a pu s'assurer par soi-même, dans l'intimité, et par des observations multipliées, de la réalité des faits, auxquels un intérêt puissant s'est attaché lorsque, sortant des effets purement matériels, qui ne disaient rien à la raison, on a vu les conséquences morales et philosophiques qui en découlaient. Si, au lieu de cela, ce genre de médiumnité primitive eût été le privilège de quelques individus isolés, et qu'il eût fallu aller acheter la foi devant des tréteaux, il y a longtemps qu'il ne serait plus question des Esprits. La foi naît de l'impression morale. Or, tout ce qui est de nature à produire une mauvaise impression la repousse au lieu de la provoquer. Il y aurait aujourd'hui beaucoup moins d'incrédules, en fait de Spiritisme, si les phénomènes eussent toujours été présentés d'une manière sérieuse. L'incrédule, naturellement disposé à la raillerie, ne peut être porté à prendre au sérieux ce qui est entouré de circonstances qui ne commandent ni le respect ni la confiance. La critique, qui ne se donne pas la peine d'approfondir, forme son opinion sur une première apparence défavorable, et confond le bon et le mauvais dans une même réprobation. Bien peu de convictions se sont formées dans les réunions ayant un caractère public, tandis que l'immense majorité est sortie des réunions intimes, dont l'honorabilité notoire des membres pouvait inspirer toute confiance et défier tout soupçon de fraude.
Au printemps dernier, et après avoir exploité l'Angleterre, les frères Davenport vinrent à Paris. Quelque temps avant leur arrivée, une personne vint nous voir, de leur part, pour nous demander de les appuyer dans notre Revue. Mais on sait que nous ne nous enthousiasmons pas facilement, même pour les choses que nous connaissons, à plus forte raison pour celles que nous ne connaissons pas. Nous ne pûmes donc promettre un concours anticipé, ayant pour habitude de ne parler qu'en connaissance de cause. En France, où ils n'étaient connus que par les récits contradictoires des journaux, l'opinion, comme en Angleterre, était partagée sur leur compte ; nous ne pouvions donc formuler prématurément, ni un blâme, qui aurait pu être injuste, ni une approbation dont on aurait pu se prévaloir ; c'est pourquoi nous nous sommes abstenu.
A leur arrivée, ils sont allés habiter le petit château de Gennevilliers, près Paris, où ils sont restés plusieurs mois sans informer le public de leur présence ; nous ignorons les motifs de cette abstention. Dans les derniers temps, ils y ont donné quelques séances particulières dont les journaux ont rendu compte d'une manière plus ou moins pittoresque. Leur première séance publique fut enfin annoncée pour le 12 septembre dans la salle Hertz. On connaît la déplorable issue de cette séance qui a renouvelé, sur une plus petite échelle, les scènes tumultueuses de Liverpool, et dans laquelle un des spectateurs, s'élançant sur l'estrade, brisa l'appareil de ces messieurs et montrant une planche, s'écria : « Voilà leur truc. » Cet acte inqualifiable dans un pays civilisé, mit le comble à la confusion. La séance n'ayant pas abouti, on rendit l'argent au public ; mais comme il avait été donné un assez grand nombre de billets de faveur, et le compte de caisse constatant un déficit de sept cents francs, il fut ainsi prouvé que soixante-dix assistants entrés gratis en étaient sortis avec dix francs de plus dans leurs poches, sans doute pour s'indemniser des frais de déplacement.
La polémique qui s'est établie au sujet des frères Davenport offre plusieurs points instructifs que nous allons examiner.
La première question que les Spirites eux-mêmes se sont posée est celle-ci : ces messieurs sont-ils ou non médiums ? Tous les faits relatés dans leur biographie rentrent dans le cercle des possibilités médianimiques, car des effets analogues, notoirement authentiques, ont été maintes fois obtenus sous l'influence de médiums sérieux. Si les faits, par eux-mêmes, sont admissibles, les conditions dans lesquelles ils se produisent prêtent, il faut en convenir, à la suspicion. Celle qui frappe le plus au premier abord, c'est la nécessité de l'obscurité qui facilite évidemment la fraude ; mais ce ne saurait être-là une objection fondée. Les effets médianimiques n'ont absolument rien de surnaturel ; tous, sans exception, sont dûs à la combinaison des fluides propres de l'Esprit et du médium ; ces fluides, quoique impondérables, n'en sont pas moins de la matière subtile ; il y a donc là une cause et un effet en quelque sorte matériels, ce qui nous a fait dire de tous temps que les phénomènes spirites étant basés sur des lois naturelles n'ont rien de miraculeux. Ils n'ont paru merveilleux, comme bien d'autres phénomènes, que tant qu'on n'a pas connu ces lois ; ces lois aujourd'hui connues, le surnaturel et le merveilleux disparaissent pour faire place à la réalité. Aussi n'y a-t-il pas un seul Spirite qui s'attribue le don de miracles ; c'est ce que les critiques sauraient s'ils se donnaient la peine d'étudier ce dont ils parlent.
Pour en revenir à la question de l'obscurité, on sait qu'en chimie il est des combinaisons qui ne peuvent s'opérer à la lumière ; que des compositions et des décompositions ont lieu sous l'action du fluide lumineux ; or, tous les phénomènes Spirites étant, comme nous l'avons dit, le résultat de combinaisons fluidiques, et ces fluides étant de la matière, il n'y aurait rien d'étonnant à ce que, dans certains cas, le fluide lumineux fût contraire à cette combinaison.
Une objection plus sérieuse, c'est la ponctualité avec laquelle les phénomènes se produisent à jours et heures fixes et à volonté. Cette soumission au caprice de certains individus est contraire à tout ce que l'on sait de la nature des Esprits, et la répétition facultative d'un phénomène quelconque a toujours été considérée, et doit être, en principe, considérée comme légitimement suspecte, même en cas de désintéressement, à plus forte raison quand il s'agit d'exhibitions publiques faites dans un but de spéculation, et auxquelles il répugne à raison de penser que des Esprits puissent se soumettre.
La médiumnité est une aptitude naturelle inhérente au médium, comme la faculté de produire des sons est inhérente à un instrument ; mais de même que pour qu'un instrument joue un air il faut un musicien, pour qu'un médium produise des effets médianimiques, il faut des Esprits. Les Esprits venant quand ils veulent et quand ils le peuvent, il en résulte que le médium le mieux doué peut parfois ne rien obtenir ; il est alors comme un instrument sans musicien. C'est ce qui se voit tous les jours ; c'est ce qui arrivait à M. Home qui était souvent des mois entiers sans rien produire, malgré son désir, et fût-il même en présence d'un souverain.
Il résulte donc de l'essence même de la médiumnité, et l'on peut poser en principe absolu, qu'un médium n'est jamais certain d'obtenir un effet déterminé quelconque, par la raison que cela ne dépend pas de lui ; affirmer le contraire serait prouver l'ignorance complète des principes les plus élémentaires de la science spirite. Pour promettre la production d'un phénomène à point nommé, il faut avoir à sa disposition des moyens matériels qui ne viennent pas des Esprits. Est-ce le cas des frères Davenport ? Nous l'ignorons ; c'est à ceux qui ont suivi leurs expériences d'en juger.
On a parlé de défis, d'enjeux proposés à qui ferait les tours les plus forts ; les Esprits ne sont pas des faiseurs de tours, et jamais un médium sérieux n'entrera en lutte avec personne, et encore moins avec un prestidigitateur ; celui-ci dispose de moyens qui lui appartiennent en propre, l'autre est l'instrument passif d'une volonté étrangère, libre, indépendante, et dont nul ne peut disposer sans son consentement. Si le prestidigitateur dit qu'il fait plus que les médiums, laissez-le dire ; il a raison, puisqu'il agit à coup sûr ; il amuse son public : c'est son état ; il se vante : c'est son rôle ; il fait de la réclame : c'est une nécessité de la position ; le médium sérieux, sachant qu'il n'y a aucun mérite personnel dans ce qu'il fait, est modeste ; il ne peut tirer vanité de ce qui n'est pas le produit de son talent, ni promettre ce qui ne dépend pas de lui.
Les médiums cependant font quelque chose de plus ; par leur intermédiaire les bons Esprits inspirent la charité et la bienveillance pour tous ; ils apprennent aux hommes à se regarder comme des frères, sans distinction de castes ni de sectes, à pardonner à ceux qui leur disent des injures, à vaincre leurs mauvais penchants, à supporter avec patience les misères de la vie, à regarder la mort sans crainte par la certitude de la vie future ; ils donnent des consolations aux affligés, du courage aux faibles, de l'espérance à ceux qui ne croyaient pas, etc. Voilà ce que n'apprennent ni les tours des prestidigitateurs, ni ceux de MM. Davenport.
Les conditions inhérentes à la médiumnité ne sauraient donc se prêter à la régularité et à la ponctualité, qui sont la condition indispensable des séances à heure fixe, où il faut à tout prix satisfaire le public. Si cependant des Esprits se prêtaient à des manifestations de ce genre, ce qui ne serait pas radicalement impossible, puisqu'il y en a de tous les degrés possibles d'avancement, ce ne pourrait être, dans tous les cas, que des Esprits de bas étage, car il serait souverainement absurde de penser que des Esprits tant soit peu élevés vinssent s'amuser à faire la parade. Mais, dans cette hypothèse même, le médium n'en serait pas moins à la merci de ces Esprits, qui peuvent le quitter au moment où leur présence serait le plus nécessaire, et faire manquer la représentation ou la consultation. Or, comme avant tout il faut contenter celui qui paye, si les Esprits font défaut, on tâche de s'en passer ; avec un peu d'adresse, il est aisé de donner le change ; c'est ce qui est arrivé maintes fois à des médiums doués à l'origine de facultés réelles, mais insuffisantes pour le but qu'ils se proposaient.
De tous les phénomènes Spirites, ceux qui se prêtent le mieux à l'imitation sont les effets physiques ; or, bien que les manifestations réelles aient un caractère distinctif et ne se produisent que dans des conditions spéciales bien déterminées, l'imitation peut approcher de la réalité au point de faire illusion aux personnes surtout qui ne connaissent pas les lois des phénomènes véritables. Mais de ce qu'on peut les imiter, il serait aussi illogique de conclure qu'ils n'existent pas qu'il le serait de prétendre qu'il n'y a pas de vrais diamants, parce qu'il y a du strass.
Nous ne faisons ici aucune application personnelle ; nous posons des principes fondés sur l'expérience et la raison, et d'où nous tirons cette conséquence : qu'un examen scrupuleux, fait avec une parfaite connaissance des phénomènes Spirites, peut seul faire distinguer la supercherie de la médiumnité réelle. Et nous ajoutons que la meilleure de toutes les garanties c'est le respect et la considération qui s'attachent à la personne du médium, sa moralité, son honorabilité notoire, son désintéressement absolu, matériel et moral. Nul ne disconviendra qu'en pareille circonstance les qualités de l'individu ne constituent un précédent qui impressionne favorablement, parce qu'elles écartent jusqu'au soupçon de la fraude.
Nous ne jugeons pas MM. Davenport, et loin de nous de mettre en doute leur honorabilité ; mais à part les qualités morales, que nous n'avons aucun motif de suspecter, il faut avouer qu'ils se présentent dans des conditions peu favorables pour accréditer leur titre de médiums, et que c'est au moins avec une grande légèreté que certains critiques se sont hâtés de les qualifier d'apôtres et de grands prêtres de la doctrine. Le but de leur voyage en Europe est clairement défini par ce passage de leur biographie :
« Je crois, sans commettre d'erreur, que ce fut le 27 août que les frères Davenport quittèrent New York, emmenant avec eux, par suite d'une débilité survenue à M. William Davenport, un aide en la personne de M. William Fay, qu'il ne faut pas confondre avec M. H. Melleville Fay, qui, suivant je ne sais quel genre d'autorité, fut, dit-on, découvert au Canada, tentant de produire des manifestations semblables, ou du moins qui le paraissaient. Ils étaient accompagnés de M. Palmer, très connu comme impresario et agent d'affaires dans le monde dramatique et lyrique, et à qui, grâce à son expérience, fut confiée la partie matérielle et économique de l'entreprise. »
Il est donc avéré que ce fut une entreprise conduite par un impresario et agent d'affaires dramatiques. Les faits relatés dans la biographie sont, avons-nous dit, dans les possibilités médianimiques ; l'âge et les circonstances dans lesquels ils ont commencé à se manifester éloignent la pensée de la supercherie. Tout tend donc à prouver que ces jeunes gens étaient bien réellement des médiums à effets physiques, comme on en trouve beaucoup dans leur pays, où l'exploitation de cette faculté est passée en habitude et n'a rien de choquant pour l'opinion. Ont-ils amplifié leurs facultés naturelles, comme l'ont fait d'autres médiums exploiteurs, pour augmenter leur prestige et suppléer au défaut de flexibilité de ces mêmes facultés, c'est ce que nous n'affirmons pas, parce que nous n'en avons aucune preuve ; mais, en admettant l'intégrité de ces facultés, nous dirons qu'ils se sont fait illusion sur l'accueil qu'y ferait le public européen, présentées sous forme de spectacle de curiosité, et dans des conditions aussi contraires aux principes du Spiritisme philosophique, moral et religieux. Les Spirites sincères et éclairés qui y sont nombreux, en France surtout, ne pouvaient les acclamer dans de telles conditions, ni les considérer comme des apôtres, en supposant même une parfaite sincérité de leur part. Quant aux incrédules, dont le nombre est grand aussi, et qui tiennent encore le haut du pavé dans la presse, l'occasion d'exercer leur verve railleuse était trop belle pour la laisser échapper. Ces messieurs ont donc offert le flanc le plus large à la critique, et lui ont donné le droit que chacun achète à la porte d'un spectacle quelconque. Nul doute que s'ils se fussent présentés dans des conditions plus sérieuses, ils eussent reçu un autre accueil ; ils auraient fermé la bouche aux détracteurs. Un médium est fort quand il peut dire hardiment : « combien vous en a-t-il coûté pour venir ici, et qui vous a forcé de venir ? Dieu m'a donné une faculté qu'il peut me retirer quand il lui plaira, comme il peut me retirer la vue ou la parole. Je n'en use que pour le bien, dans l'intérêt de la vérité, et non pour satisfaire la curiosité ou servir mes intérêts ; je n'en recueille que la peine du dévouement ; je n'y cherche pas même la satisfaction de l'amour-propre, puisqu'elle ne dépend pas de moi. Je la considère comme une chose sainte, parce qu'elle me met en rapport avec le monde spirituel, et qu'elle me permet de donner la foi aux incrédules et des consolations aux affligés. Je regarderais comme un sacrilège d'en trafiquer, parce que je ne me crois pas le droit de vendre l'assistance des Esprits qui viennent gratuitement. Puisque je n'en tire aucun profit, je n'ai donc aucun intérêt à vous abuser. » Le médium qui peut parler ainsi est fort, nous le répétons ; c'est une réponse sans réplique et qui commande toujours le respect.
La critique, en cette circonstance, a été plus que malveillante ; elle a été injuste et injurieuse, et elle a englobé dans la même réprobation tous les Spirites et tous les médiums auxquels elle n'a pas épargné les épithètes les plus outrageantes, sans songer jusqu'à qu'elle hauteur elle frappait et qu'elle atteignait les familles les plus honorables. Nous ne relèverons pas des expressions qui ne déshonorent que ceux qui les prononcent. Toutes les convictions sincères sont respectables ; et vous tous qui proclamez incessamment la liberté de conscience, comme un droit naturel, respectez-la, au moins, dans autrui. Discutez les opinions : c'est votre droit ; mais l'injure a toujours été le plus mauvais de tous les arguments, et n'est jamais celui d'une bonne cause.
Toute la presse n'est point solidaire de ces écarts de bienséance ; parmi les critiques, à l'endroit des frères Davenport, il en est où l'esprit n'exclut ni les convenances ni la modération, et qui porte juste. Celle que nous allons citer fait précisément ressortir le côté faible dont nous avons parlé. Elle est tirée du Courrier de Paris du Monde illustré, numéro du 16 septembre 1865, et signée Neuter.
« Une première objection me semblait suffire à démontrer que les bons jeunes gens qui donnèrent une séance publique à la salle Hertz, étaient d'adroits garçons aux exercices desquels les mondes supérieurs restaient complètement étrangers. Cette objection, je la tire de la régularité même avec laquelle ils exploitaient leur prétendu pouvoir miraculeux. Comment ! ce sont, assurait-on, des Esprits qui venaient se produire en public à leur bénéfice, et voilà que les frères Davenport traitaient ces Esprits, qui ne sont pas leurs employés après tout, avec autant de sans gêne qu'un directeur de théâtre dictant des lois à ses choristes ! Sans demander à leurs compères surhumains si le jour leur convenait, s'ils n'étaient pas fatigués, si la chaleur ne les incommodait pas, ils affichaient pour une date fixe, pour une heure déterminée, et il fallait que les êtres fluidiques se dérangeassent à cette date, entrassent en scène à cette heure, exécutassent leurs cocasseries musicales avec la précision d'un musicien à qui son café-concert octroie un cachet de cent sous !
« Franchement, c'était se faire du monde Spirite une bien mesquine idée que de nous le représenter ainsi comme peuplé de génies sur commande, de farfadets-commis qui allaient en ville sur un signe du patron. Eh quoi ! jamais de relâche pour ces figurants supra-terrestres ! Quand la fluxion du plus humble cabotin lui donne le droit de faire changer le spectacle, les âmes de la troupe Davenport étaient des esclaves à qui il était interdit de prendre un pauvre petit congé. C'est bien la peine d'habiter des planètes fantastiques pour en être réduit à ce degré d'asservissement.
« Et pour quelle besogne les convoquait-on, ces malheureuses âmes d'outre-tombe ! Pour leur faire passer leurs mains – des mains d'âmes !!! – à travers la lucarne d'une armoire ! Pour les ravaler jusqu'à des parades de saltimbanque ! pour les contraindre à jongler avec des guitares, ces instruments grotesques dont ne veulent plus même les troubadours qui roucoulent dans les cours en faisant l'œil aux pièces de cinq centimes !… »
N'est-ce pas, en effet, mettre le doigt sur la plaie ? Si M. Neuter avait su que le Spiritisme dit précisément la même chose, quoique d'une manière moins spirituelle, n'aurait-il pas dit : « Mais ce n'est pas là du Spiritisme ! » absolument comme en voyant un empirique, il se dit : « Ce n'est pas là la médecine. » Or, de même que ni la science ni la religion ne sont solidaires de ceux qui en abusent, le Spiritisme n'est point solidaire de ceux qui en prennent le nom. La mauvaise impression de l'auteur vient donc, non de la personne des frères Davenport, mais des conditions dans lesquelles ils se placent vis-à-vis du public, et de l'idée ridicule que des expériences faites dans de telles conditions donnent du monde spirituel, que l'incrédulité elle-même est choquée de voir exploiter et traîner sur les planches. Cette impression a été celle de la critique en général, qui l'a traduite en termes plus ou moins polis ; elle sera la même toutes les fois que des médiums ne seront pas dans des conditions de nature à faire respecter la croyance qu'ils professent.
L'échec des frères Davenport est une bonne fortune pour les adversaires du Spiritisme, qui se hâtent pourtant un peu trop de chanter victoire, et bafouent à qui mieux mieux ses adeptes en leur criant qu'il est frappé à mort, comme si le Spiritisme était incarné dans les frères Davenport. Le Spiritisme n'est incarné dans personne ; il est dans la nature, et il ne dépend de personne d'en enrayer la marche, car ceux qui tentent de le faire travaillent à son avancement. Le Spiritisme ne consiste pas à se faire attacher par des cordes, pas plus que dans telle ou telle expérience physique ; n'ayant jamais pris ces messieurs sous son patronage, et ne les ayant jamais présentés comme les colonnes de la doctrine, qu'ils ne connaissent même pas, il ne reçoit aucun démenti de leur mésaventure. Leur échec n'en est donc pas un pour le Spiritisme, mais pour les exploiteurs du Spiritisme.
De deux choses l'une, ou ce sont d'habiles jongleurs, ou ce sont des médiums véritables. Si ce sont des charlatans, nous devons savoir gré à tous ceux qui aident à les démasquer ; sous ce rapport, nous devons des remerciements particuliers à M. Robin, car il rend en cela un service signalé au Spiritisme qui n'eût pu que souffrir dans le cas où leurs fraudes se fussent accréditées. Toutes les fois que la presse a signalé des abus, des exploitations ou des manœuvres de nature à compromettre la doctrine, les Spirites sincères, loin de s'en plaindre, y ont applaudi. Si ce sont des médiums véritables, les conditions dans lesquelles ils se présentent étant de nature à produire une impression défavorable, ils ne peuvent servir utilement la cause. Dans l'un et l'autre cas, le Spiritisme n'a aucun intérêt à prendre fait et cause pour eux.
Maintenant quel sera le résultat définitif de tout ce tapage ? Le voici :
La chronique qui, par ce temps de chaleur tropicale, chômait d'aliments, y gagne un sujet qu'elle s'est empressée de saisir pour remplir ses colonnes veuves d'événements politiques, de nouvelles théâtrales ou de salons.
M. Robin y trouve, pour son théâtre de prestidigitation, une excellente réclame qu'il a fort habilement exploitée, et que nous lui souhaitons très fructueuse, car tous les jours il y parle des Spirites et du Spiritisme.
La critique y perd quelque peu de considération par l'excentricité et l'incivilité de sa polémique.
Les plus mal partagés, matériellement parlant, seront peut-être MM. Davenport, dont la spéculation se trouve singulièrement compromise.
Quant au Spiritisme, c'est lui qui y gagnera évidemment le plus. Ses adeptes le comprennent si bien qu'ils ne s'émeuvent nullement de ce qui se passe et en attendent le résultat avec confiance. En province, où ils sont, plus encore qu'à Paris, en butte aux railleries de leurs adversaires, ils se contentent de leur répondre : Attendez, et avant peu vous verrez qui sera mort et enterré.
Le Spiritisme y gagnera d'abord une immense popularité, et d'être connu, au moins de nom, d'une foule de gens qui n'en avaient pas entendu parler. Mais dans le nombre, beaucoup ne se contentent pas du nom ; leur curiosité est excitée par ce feu roulant d'attaques ; ils veulent savoir ce qu'il en est de cette doctrine soi-disant si ridicule ; ils iront à la source, et quand ils verront qu'on ne leur en a donné que la parodie, ils se diront que ce n'est pas là une si mauvaise chose. Le Spiritisme y gagnera donc d'être mieux compris, mieux jugé et mieux apprécié.
Il y gagnera encore de mettre en évidence les adeptes sincères, dévoués et sur lesquels on peut compter, et de les distinguer des adeptes de nom, qui ne prennent de la doctrine que les apparences ou la surface. Ses adversaires ne manqueront pas d'exploiter la circonstance pour susciter des divisions ou des défaillances réelles ou simulées, à l'aide desquelles ils espèrent ruiner le Spiritisme. Après avoir échoué par tous les autres moyens, c'est là leur suprême et dernière ressource, mais qui ne leur réussira pas mieux, car ils ne détacheront du tronc que les branches mortes qui ne donnaient aucune sève, et le tronc privé des rameaux parasites n'en sera que plus vigoureux.
Ces résultats, et plusieurs autres, que nous nous abstenons d'énumérer, sont inévitables, et nous ne serions pas surpris que les bons Esprits n'aient provoqué tout ce remue-ménage que pour y arriver plus promptement.
[1] Voir au Bulletin bibliographique.
Obsèques d'un Spirite
L'allocution suivante a été prononcée par nous aux obsèques de M. Nant, l'un de nos collègues de la Société de Paris, le 23 septembre 1865. Nous la publions, sur la demande de la famille, et parce que, dans les circonstances relatées dans l'article précédent, elle montre où est la véritable doctrine.
« Messieurs et chers collègues de la Société de Paris, et vous tous nos frères en croyance qui êtes ici présents :
Il y a un mois à peine, nous venions, en ce même lieu, rendre les derniers devoirs à l'un de nos anciens collègues, M. Dozon[1]. Le départ d'un autre frère nous y ramène aujourd'hui. M. Nant, membre de la Société, vient, lui aussi, de rendre à la terre sa dépouille mortelle, pour revêtir la brillante enveloppe des Esprits. Venons-nous, selon l'expression consacrée, lui dire un dernier adieu ? Non, car nous savons que la mort n'est pas seulement l'entrée de la véritable vie, mais qu'elle n'est qu'une séparation corporelle de quelques instants, et que le vide qu'elle laisse au foyer de la famille n'est qu'apparent.
O douce et sainte croyance, qui nous montre sans cesse à nos côtés les êtres qui nous sont chers ! Fût-elle une illusion, il faudrait la bénir, car elle remplit le cœur d'une ineffable consolation ! Mais non, ce n'est point une vaine espérance, c'est une réalité qu'attestent chaque jour les rapports qui s'établissent entre les morts et les vivants selon la chair. Bénie soit donc la science qui nous montre la tombe comme le seuil de la délivrance, et nous apprend à regarder la mort en face et sans terreur !
Oh, mes frères ! plaignons ceux que le voile de l'incrédulité aveugle encore ; c'est pour eux que la mort a des appréhensions terribles ! Pour les survivants, c'est plus qu'une séparation, c'est, à tout jamais, la destruction des êtres les plus chers ; pour celui qui voit approcher sa dernière heure, c'est le gouffre du néant qui s'ouvre devant lui ! pensée affreuse, qui légitime les angoisses et les désespoirs.
Quelle différence pour celui qui, non-seulement croit à la vie future, mais qui la comprend, qui s'est identifié avec elle ! Il ne marche plus avec anxiété vers l'inconnu, mais avec confiance vers la nouvelle carrière qui s'ouvre devant lui ; déjà il l'entrevoit, et compte de sang-froid les minutes qui l'en séparent encore, comme le voyageur qui approche du terme de sa route, et sait qu'à son arrivée il va trouver le repos et recevoir les embrassements de ses amis.
Tel a été M. Nant ; sa vie avait été celle de l'homme de bien par excellence, sa mort a été celle du juste et du vrai Spirite. Sa foi aux enseignements de notre doctrine était sincère et éclairée ; il y a puisé d'immenses consolations pendant sa vie, la résignation dans les souffrances qui l'ont terminée, et un calme radieux dans ses derniers instants. Il nous a offert un frappant exemple de la mort consciente ; il a suivi avec lucidité les progrès de la séparation, qui s'est opérée sans secousses, et quand il a senti se briser le dernier lien, il a béni les assistants ; puis, prenant les mains de sa petite-fille, enfant de dix ans, il les a posées sur ses yeux pour les fermer lui-même. Quelques secondes plus tard il rendait le dernier soupir, en s'écriant : Ah ! je le vois !
A ce moment, son petit-fils, en proie à une violente émotion, fut subitement endormi par les Esprits ; dans son extase, il vit l'âme de son grand-père, accompagnée d'une foule d'autres Esprits, s'élever dans l'espace, mais tenant encore à l'enveloppe corporelle par le lien fluidique.
Ainsi, à mesure que se fermaient sur lui les portes de la vie terrestre, s'ouvraient devant lui celles du monde spirituel, dont il entrevoyait les splendeurs.
O sublime et touchant spectacle ! que n'avait-il pour témoins ceux qui raillent à cette heure la science qui nous révèle de si consolants mystères ! ils l'eussent saluée avec respect, au lieu de la bafouer. S'ils lui jettent l'ironie et l'injure, pardonnons-leur : c'est qu'ils ne la connaissent pas, et qu'ils vont la chercher où elle n'est pas.
Pour nous, rendons grâce au Seigneur de ce qu'il a bien voulu déchirer à nos yeux le voile qui nous sépare de la vie future, car la mort ne semble redoutable que pour ceux qui n'entrevoient rien au delà. Le Spiritisme, en apprenant à l'homme d'où il vient, où il va, et pour quelle fin il est sur la terre, l'a doté d'un immense bienfait, puisqu'il lui donne le courage, la résignation et l'espérance.
Cher monsieur Nant, nous vous accompagnons par la pensée dans le monde des Esprits où vous allez recueillir le fruit de vos épreuves terrestres, et des vertus dont vous avez donné l'exemple. Recevez nos adieux, jusqu'au moment où il nous sera donné de vous y rejoindre.
Vous avez sans doute revu celui de nos frères qui vous a précédé depuis peu, M. Dozon, et qui, sans doute, vous accompagne en ce moment. Nous le joignons, dans notre pensée, à la prière que nous allons adresser à Dieu pour vous. »
(Ici est dite la prière pour les personnes qui viennent de quitter la terre, et qui se trouve dans l'Evangile selon le Spiritisme.)
Nota. – Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que M. Nant a, par disposition testamentaire, légué 2,000 fr. pour être appliqués à la propagation du Spiritisme.
[1] M. Dozon, auteur des Révélations d'outre-tombe, 4 vol. in-12 ; mort à Passy (Paris), le 1er août 1865.
« Messieurs et chers collègues de la Société de Paris, et vous tous nos frères en croyance qui êtes ici présents :
Il y a un mois à peine, nous venions, en ce même lieu, rendre les derniers devoirs à l'un de nos anciens collègues, M. Dozon[1]. Le départ d'un autre frère nous y ramène aujourd'hui. M. Nant, membre de la Société, vient, lui aussi, de rendre à la terre sa dépouille mortelle, pour revêtir la brillante enveloppe des Esprits. Venons-nous, selon l'expression consacrée, lui dire un dernier adieu ? Non, car nous savons que la mort n'est pas seulement l'entrée de la véritable vie, mais qu'elle n'est qu'une séparation corporelle de quelques instants, et que le vide qu'elle laisse au foyer de la famille n'est qu'apparent.
O douce et sainte croyance, qui nous montre sans cesse à nos côtés les êtres qui nous sont chers ! Fût-elle une illusion, il faudrait la bénir, car elle remplit le cœur d'une ineffable consolation ! Mais non, ce n'est point une vaine espérance, c'est une réalité qu'attestent chaque jour les rapports qui s'établissent entre les morts et les vivants selon la chair. Bénie soit donc la science qui nous montre la tombe comme le seuil de la délivrance, et nous apprend à regarder la mort en face et sans terreur !
Oh, mes frères ! plaignons ceux que le voile de l'incrédulité aveugle encore ; c'est pour eux que la mort a des appréhensions terribles ! Pour les survivants, c'est plus qu'une séparation, c'est, à tout jamais, la destruction des êtres les plus chers ; pour celui qui voit approcher sa dernière heure, c'est le gouffre du néant qui s'ouvre devant lui ! pensée affreuse, qui légitime les angoisses et les désespoirs.
Quelle différence pour celui qui, non-seulement croit à la vie future, mais qui la comprend, qui s'est identifié avec elle ! Il ne marche plus avec anxiété vers l'inconnu, mais avec confiance vers la nouvelle carrière qui s'ouvre devant lui ; déjà il l'entrevoit, et compte de sang-froid les minutes qui l'en séparent encore, comme le voyageur qui approche du terme de sa route, et sait qu'à son arrivée il va trouver le repos et recevoir les embrassements de ses amis.
Tel a été M. Nant ; sa vie avait été celle de l'homme de bien par excellence, sa mort a été celle du juste et du vrai Spirite. Sa foi aux enseignements de notre doctrine était sincère et éclairée ; il y a puisé d'immenses consolations pendant sa vie, la résignation dans les souffrances qui l'ont terminée, et un calme radieux dans ses derniers instants. Il nous a offert un frappant exemple de la mort consciente ; il a suivi avec lucidité les progrès de la séparation, qui s'est opérée sans secousses, et quand il a senti se briser le dernier lien, il a béni les assistants ; puis, prenant les mains de sa petite-fille, enfant de dix ans, il les a posées sur ses yeux pour les fermer lui-même. Quelques secondes plus tard il rendait le dernier soupir, en s'écriant : Ah ! je le vois !
A ce moment, son petit-fils, en proie à une violente émotion, fut subitement endormi par les Esprits ; dans son extase, il vit l'âme de son grand-père, accompagnée d'une foule d'autres Esprits, s'élever dans l'espace, mais tenant encore à l'enveloppe corporelle par le lien fluidique.
Ainsi, à mesure que se fermaient sur lui les portes de la vie terrestre, s'ouvraient devant lui celles du monde spirituel, dont il entrevoyait les splendeurs.
O sublime et touchant spectacle ! que n'avait-il pour témoins ceux qui raillent à cette heure la science qui nous révèle de si consolants mystères ! ils l'eussent saluée avec respect, au lieu de la bafouer. S'ils lui jettent l'ironie et l'injure, pardonnons-leur : c'est qu'ils ne la connaissent pas, et qu'ils vont la chercher où elle n'est pas.
Pour nous, rendons grâce au Seigneur de ce qu'il a bien voulu déchirer à nos yeux le voile qui nous sépare de la vie future, car la mort ne semble redoutable que pour ceux qui n'entrevoient rien au delà. Le Spiritisme, en apprenant à l'homme d'où il vient, où il va, et pour quelle fin il est sur la terre, l'a doté d'un immense bienfait, puisqu'il lui donne le courage, la résignation et l'espérance.
Cher monsieur Nant, nous vous accompagnons par la pensée dans le monde des Esprits où vous allez recueillir le fruit de vos épreuves terrestres, et des vertus dont vous avez donné l'exemple. Recevez nos adieux, jusqu'au moment où il nous sera donné de vous y rejoindre.
Vous avez sans doute revu celui de nos frères qui vous a précédé depuis peu, M. Dozon, et qui, sans doute, vous accompagne en ce moment. Nous le joignons, dans notre pensée, à la prière que nous allons adresser à Dieu pour vous. »
(Ici est dite la prière pour les personnes qui viennent de quitter la terre, et qui se trouve dans l'Evangile selon le Spiritisme.)
Nota. – Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que M. Nant a, par disposition testamentaire, légué 2,000 fr. pour être appliqués à la propagation du Spiritisme.
[1] M. Dozon, auteur des Révélations d'outre-tombe, 4 vol. in-12 ; mort à Passy (Paris), le 1er août 1865.
Variétés
Vos fils et vos filles prophétiseront
M. Delanne, que beaucoup de nos lecteurs connaissent déjà, a un fils âgé de huit ans. Cet enfant, qui entend à chaque instant parler de Spiritisme dans sa famille, et qui souvent assiste aux réunions dirigées par son père et sa mère, s'est ainsi trouvé initié de bonne heure à la doctrine, et l'on est parfois surpris de la justesse avec laquelle il en raisonne les principes. Cela n'a rien de surprenant, puisqu'il n'est que l'écho des idées dont il a été bercé, aussi n'est-ce pas le but de cet article ; ce n'est que l'entrée en matière du fait que nous allons rapporter, et qui a son à-propos dans les circonstances actuelles.
Les réunions de M. Delanne sont graves, sérieuses, et tenues avec un ordre parfait, comme doivent l'être toutes celles auxquelles on veut faire porter des fruits. Bien que les communications écrites y tiennent la première place, on s'y occupe aussi accessoirement, et à titre d'instruction complémentaire, de manifestations physiques et typtologiques, mais comme enseignement, et jamais comme objet de curiosité. Dirigées avec méthode et recueillement, et toujours appuyées de quelques explications théoriques, elles sont dans les conditions voulues pour porter la conviction par l'impression qu'elles produisent. C'est dans de telles conditions, que les manifestations physiques sont réellement utiles ; elles parlent à l'esprit et imposent silence à la raillerie ; on se sent en présence d'un phénomène dont on entrevoit la profondeur, et qui s'éloigne jusqu'à l'idée de la plaisanterie. Si ces sortes de manifestations, dont on a tant abusé, étaient toujours présentées de cette manière, au lieu de l'être comme amusement et prétexte de questions futiles, la critique ne les aurait pas taxées de jonglerie ; malheureusement on ne lui a que trop souvent donné prise.
L'enfant de M. Delanne s'associait souvent à ces manifestations, et influencé par le bon exemple, il les considérait comme chose sérieuse.
Un jour il se trouvait chez une personne de leur connaissance, il jouait dans la cour de la maison avec sa petite cousine, âgée de cinq ans, deux petits garçons, l'un de sept ans et l'autre de quatre. Une dame habitant le rez-de-chaussée, les engagea à entrer chez elle, et leur donna des bonbons. Les enfants, comme on le pense bien, ne se firent pas prier.
Cette dame dit au fils de M. Delanne : Comment t'appelles-tu, mon enfant ? – Rép. Je m'appelle Gabriel, madame. – Que fait ton père ? – R. Madame, mon père est Spirite. – Je ne connais pas cette profession. – R. Mais, madame, ce n'est pas une profession ; mon père n'est pas payé pour cela ; il le fait avec désintéressement et pour faire du bien aux hommes. – Mon petit homme, je ne sais pas ce que tu veux dire. – R. Comment ! vous n'avez jamais entendu parler des tables tournantes ? – Eh bien, mon ami, je voudrais bien que ton père fût ici pour les faire tourner. – R. C'est inutile, madame, j'ai la puissance de les faire tourner moi-même. – Alors, veux-tu essayer, et me faire voir comment l'on procède ? – R. Volontiers, madame.
Cela dit, il s'assied auprès d'un guéridon de salon, y fait placer ses trois petits camarades, et les voilà tous quatre posant gravement leurs mains dessus. Gabriel fait une évocation d'un ton très sérieux et avec recueillement ; à peine a-t-il terminé, qu'à la grande stupéfaction de la dame et des petits enfants, le guéridon se soulève et frappe avec force. – Demandez, madame, dit Gabriel, qui vient répondre par la table. – La voisine interroge, et la table épelle les mots : ton père. – Cette dame devient pâle d'émotion. Elle continue : Eh bien ! mon père, veuillez me dire si je dois envoyer la lettre que je viens d'écrire ? – La table répond : Oui, sans faute. – Pour me prouver que c'est bien toi, mon bon père, qui est là, voudrais-tu me dire combien il y a d'années que tu es mort ? – La table frappe aussitôt huit coups bien accentués. C'était juste le nombre d'années. – Voudrais-tu me dire ton nom et celui de la ville où tu es mort ? – La table épelle ces deux noms.
Les larmes jaillirent des yeux de cette dame qui ne put continuer, tant elle fut altérée par cette révélation et dominée par l'émotion.
Ce fait défie assurément toute suspicion de préparations de l'instrument, d'idée préconçue, et de charlatanisme. On ne peut plus mettre les deux noms épelés sur le compte du hasard. Nous doutons fort que cette dame eût reçu une telle impression à l'une des séances de MM. Davenport, ou tout autre du même genre. Au reste, ce n'est pas la première fois que la médiumnité se révèle chez des enfants, dans l'intimité des familles. N'est-ce pas l'accomplissement de cette parole prophétique : Vos fils et vos filles prophétiseront. (Actes des Apôtres, ch. II, v. 17.)
M. Delanne, que beaucoup de nos lecteurs connaissent déjà, a un fils âgé de huit ans. Cet enfant, qui entend à chaque instant parler de Spiritisme dans sa famille, et qui souvent assiste aux réunions dirigées par son père et sa mère, s'est ainsi trouvé initié de bonne heure à la doctrine, et l'on est parfois surpris de la justesse avec laquelle il en raisonne les principes. Cela n'a rien de surprenant, puisqu'il n'est que l'écho des idées dont il a été bercé, aussi n'est-ce pas le but de cet article ; ce n'est que l'entrée en matière du fait que nous allons rapporter, et qui a son à-propos dans les circonstances actuelles.
Les réunions de M. Delanne sont graves, sérieuses, et tenues avec un ordre parfait, comme doivent l'être toutes celles auxquelles on veut faire porter des fruits. Bien que les communications écrites y tiennent la première place, on s'y occupe aussi accessoirement, et à titre d'instruction complémentaire, de manifestations physiques et typtologiques, mais comme enseignement, et jamais comme objet de curiosité. Dirigées avec méthode et recueillement, et toujours appuyées de quelques explications théoriques, elles sont dans les conditions voulues pour porter la conviction par l'impression qu'elles produisent. C'est dans de telles conditions, que les manifestations physiques sont réellement utiles ; elles parlent à l'esprit et imposent silence à la raillerie ; on se sent en présence d'un phénomène dont on entrevoit la profondeur, et qui s'éloigne jusqu'à l'idée de la plaisanterie. Si ces sortes de manifestations, dont on a tant abusé, étaient toujours présentées de cette manière, au lieu de l'être comme amusement et prétexte de questions futiles, la critique ne les aurait pas taxées de jonglerie ; malheureusement on ne lui a que trop souvent donné prise.
L'enfant de M. Delanne s'associait souvent à ces manifestations, et influencé par le bon exemple, il les considérait comme chose sérieuse.
Un jour il se trouvait chez une personne de leur connaissance, il jouait dans la cour de la maison avec sa petite cousine, âgée de cinq ans, deux petits garçons, l'un de sept ans et l'autre de quatre. Une dame habitant le rez-de-chaussée, les engagea à entrer chez elle, et leur donna des bonbons. Les enfants, comme on le pense bien, ne se firent pas prier.
Cette dame dit au fils de M. Delanne : Comment t'appelles-tu, mon enfant ? – Rép. Je m'appelle Gabriel, madame. – Que fait ton père ? – R. Madame, mon père est Spirite. – Je ne connais pas cette profession. – R. Mais, madame, ce n'est pas une profession ; mon père n'est pas payé pour cela ; il le fait avec désintéressement et pour faire du bien aux hommes. – Mon petit homme, je ne sais pas ce que tu veux dire. – R. Comment ! vous n'avez jamais entendu parler des tables tournantes ? – Eh bien, mon ami, je voudrais bien que ton père fût ici pour les faire tourner. – R. C'est inutile, madame, j'ai la puissance de les faire tourner moi-même. – Alors, veux-tu essayer, et me faire voir comment l'on procède ? – R. Volontiers, madame.
Cela dit, il s'assied auprès d'un guéridon de salon, y fait placer ses trois petits camarades, et les voilà tous quatre posant gravement leurs mains dessus. Gabriel fait une évocation d'un ton très sérieux et avec recueillement ; à peine a-t-il terminé, qu'à la grande stupéfaction de la dame et des petits enfants, le guéridon se soulève et frappe avec force. – Demandez, madame, dit Gabriel, qui vient répondre par la table. – La voisine interroge, et la table épelle les mots : ton père. – Cette dame devient pâle d'émotion. Elle continue : Eh bien ! mon père, veuillez me dire si je dois envoyer la lettre que je viens d'écrire ? – La table répond : Oui, sans faute. – Pour me prouver que c'est bien toi, mon bon père, qui est là, voudrais-tu me dire combien il y a d'années que tu es mort ? – La table frappe aussitôt huit coups bien accentués. C'était juste le nombre d'années. – Voudrais-tu me dire ton nom et celui de la ville où tu es mort ? – La table épelle ces deux noms.
Les larmes jaillirent des yeux de cette dame qui ne put continuer, tant elle fut altérée par cette révélation et dominée par l'émotion.
Ce fait défie assurément toute suspicion de préparations de l'instrument, d'idée préconçue, et de charlatanisme. On ne peut plus mettre les deux noms épelés sur le compte du hasard. Nous doutons fort que cette dame eût reçu une telle impression à l'une des séances de MM. Davenport, ou tout autre du même genre. Au reste, ce n'est pas la première fois que la médiumnité se révèle chez des enfants, dans l'intimité des familles. N'est-ce pas l'accomplissement de cette parole prophétique : Vos fils et vos filles prophétiseront. (Actes des Apôtres, ch. II, v. 17.)