REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1865

Allan Kardec

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Février

De l'appréhension de la mort

L'homme, à quelque degré de l'échelle qu'il appartienne, depuis l'état de sauvagerie, a le sentiment inné de l'avenir ; son intuition lui dit que la mort n'est pas le dernier mot de l'existence, et que ceux que nous regrettons ne sont pas perdus sans retour. La croyance en l'avenir est intuitive, et infiniment plus générale que celle au néant. Comment se fait-il donc que, parmi ceux qui croient à l'immortalité de l'âme, on trouve encore tant d'attachement aux choses de la terre, et une si grande appréhension de la mort ?

L'appréhension de la mort est un effet de la sagesse de la Providence, et une conséquence de l'instinct de conservation commun à tous les êtres vivants. Elle est nécessaire tant que l'homme n'est pas assez éclairé sur les conditions de la vie future, comme contrepoids à l'entraînement qui, sans ce frein, le porterait à quitter prématurément la vie terrestre, et à négliger le travail d'ici-bas qui doit servir à son propre avancement.

C'est pour cela que, chez les peuples primitifs, l'avenir n'est qu'une vague intuition, plus tard une simple espérance, plus tard enfin une certitude, mais encore contrebalancée par un secret attachement à la vie corporelle.

A mesure que l'homme comprend mieux la vie future, l'appréhension de la mort diminue ; mais en même temps, comprenant mieux sa mission sur la terre, il attend sa fin avec plus de calme, de résignation et sans crainte. La certitude de la vie future donne un autre cours à ses idées, un autre but à ses travaux ; avant d'avoir cette certitude il ne travaille que pour le présent ; avec cette certitude il travaille en vue de l'avenir sans négliger le présent, parce qu'il sait que son avenir dépend de la direction plus ou moins bonne qu'il donne au présent. La certitude de retrouver ses amis après la mort, de continuer les rapports qu'il a eus sur la terre, de ne perdre le fruit d'aucun travail, de grandir sans cesse en intelligence et en perfection, lui donne la patience d'attendre, et le courage de supporter les fatigues momentanées de la vie terrestre. La solidarité qu'il voit s'établir entre les morts et les vivants lui fait comprendre celle qui doit exister entre les vivants ; la fraternité a dès lors sa raison d'être et la charité un but dans le présent et dans l'avenir.

Pour s'affranchir des appréhensions de la mort, il faut pouvoir envisager celle-ci sous son véritable point de vue, c'est-à-dire avoir pénétré par la pensée dans le monde invisible et s'en être fait une idée aussi exacte que possible, ce qui dénote chez l'Esprit incarné un certain développement, et une certaine aptitude à se dégager de la matière. Chez ceux qui ne sont pas suffisamment avancés, la vie matérielle l'emporte encore sur la vie spirituelle. L'homme s'attachant à l'extérieur, ne voit la vie que dans le corps, tandis que la vie réelle est dans l'âme ; le corps étant privé de vie, à ses yeux tout est perdu, et il se désespère. Si, au lieu de concentrer sa pensée sur le vêtement extérieur, il la portait sur la source même de la vie, sur l'âme qui est l'être réel survivant à tout, il regretterait moins le corps, source de tant de misères et de douleurs ; mais pour cela il faut une force que l'Esprit n'acquiert qu'avec la maturité.

L'appréhension de la mort tient donc à l'insuffisance des notions sur la vie future ; mais elle dénote le besoin de vivre, et la crainte que la destruction du corps ne soit la fin de tout ; elle est ainsi provoquée par le secret désir de la survivance de l'âme, encore voilée par l'incertitude.

L'appréhension s'affaiblit à mesure que la certitude se forme ; elle disparaît quand la certitude est complète.

Voilà le côté providentiel de la question. Il était sage de ne pas éblouir l'homme dont la raison n'était pas encore assez forte pour supporter la perspective trop positive et trop séduisante d'un avenir qui lui eût fait négliger le présent nécessaire à son avancement matériel et intellectuel.

Cet état de choses est entretenu et prolongé par des causes purement humaines qui disparaîtront avec le progrès. La première est l'aspect sous lequel est présentée la vie future, aspect qui pouvait suffire à des intelligences peu avancées, mais qui ne saurait satisfaire les exigences de la raison des hommes qui réfléchissent. Dès lors, se disent-ils, qu'on nous présente comme des vérités absolues des principes contredits par la logique et les données positives de la science, c'est que ce ne sont pas des vérités. De là, chez quelques-uns l'incrédulité, chez un grand nombre une croyance mêlée de doute. La vie future est pour eux une idée vague, une probabilité plutôt qu'une certitude absolue ; ils y croient, ils voudraient que cela fût, et malgré eux ils se disent : Si pourtant cela n'était pas ! Le présent est positif, occupons-nous-en d'abord ; l'avenir viendra par surcroît.

Et puis, se disent-ils encore, qu'est-ce en définitive que l'âme ? Est-ce un point, un atome, une étincelle, une flamme ? Comment sent-elle ? comment voit-elle ? comment perçoit-elle ? L'âme n'est point pour eux une réalité effective : c'est une abstraction. Les êtres qui leur sont chers, réduits à l'état d'atomes dans leur pensée, sont pour ainsi dire perdus pour eux, et n'ont plus à leurs yeux les qualités qui les leur faisaient aimer ; ils ne comprennent ni l'amour d'une étincelle, ni celui qu'on peut avoir pour elle, et eux-mêmes sont médiocrement satisfaits d'être transformés en monades. De là le retour au positivisme de la vie terrestre qui a quelque chose de plus substantiel. Le nombre de ceux qui sont dominés par ces pensées est considérable.

Une autre raison qui rattache aux choses de la terre ceux mêmes qui croient le plus fermement à la vie future tient à l'impression qu'ils conservent de l'enseignement qui leur en est donné dès l'enfance.

Le tableau qu'en fait la religion n'est, il faut en convenir, ni très séduisant, ni très consolant. D'un côté l'on y voit les contorsions des damnés qui expient dans les tortures et les flammes sans fin leurs erreurs d'un moment ; pour qui les siècles succèdent aux siècles sans espoir d'adoucissement ni de pitié ; et ce qui est plus impitoyable encore, pour qui le repentir est sans efficacité. De l'autre, les âmes languissantes et souffreteuses du purgatoire, attendant leur délivrance du bon vouloir des vivants qui prieront ou feront prier pour elles, et non de leurs efforts pour progresser. Ces deux catégories composent l'immense majorité de la population de l'autre monde. Au-dessus plane celle très restreinte des élus, jouissant, pendant l'éternité, d'une béatitude contemplative. Cette éternelle inutilité, préférable sans doute au néant, n'en est pas moins d'une fastidieuse monotonie. Aussi voit-on dans les peintures qui retracent les bienheureux, des figures angéliques, mais qui respirent plutôt l'ennui que le véritable bonheur.

Cet état ne satisfait ni les aspirations, ni l'idée instinctive du progrès qui semble seule compatible avec la félicité absolue. On a peine à concevoir que le sauvage ignorant, au sens moral obtus, par cela seul qu'il a reçu le baptême, soit au même niveau que celui qui est parvenu au plus haut degré de la science et de la moralité pratique, après de longues années de travail. Il est encore moins concevable que l'enfant mort en bas âge, avant d'avoir la conscience de lui-même et de ses actes, jouisse des mêmes privilèges, par le seul fait d'une cérémonie à laquelle sa volonté n'a aucune part.

Ces pensées ne laissent pas d'agiter les plus fervents pour peu qu'ils réfléchissent. Le travail progressif que l'on accomplit sur la terre n'étant pour rien dans le bonheur futur, la facilité avec laquelle ils croient acquérir ce bonheur au moyen de quelques pratiques extérieures, la possibilité même de l'acheter à prix d'argent, sans réforme sérieuse du caractère et des habitudes, laissent aux jouissances du monde toute leur valeur. Plus d'un croyant se dit dans son for intérieur que, puisque son avenir est assuré par l'accomplissement de certaines formules, ou par des dons posthumes qui ne les privent de rien, il serait superflu de s'imposer des sacrifices ou une gêne quelconque au profit d'autrui, dès lors qu'on peut faire son salut en travaillant chacun pour soi.

Assurément telle n'est pas la pensée de tous, car il y a de grandes et belles exceptions ; mais on ne peut se dissimuler que ce ne soit celle du plus grand nombre, surtout des masses peu éclairées, et que l'idée que l'on se fait des conditions pour être heureux dans l'autre monde n'entretienne l'attachement aux biens de celui-ci, et par suite l'égoïsme.

Ajoutons à cela que tout, dans les usages, concourt à faire regretter la vie terrestre, et redouter le passage de la terre au ciel. La mort n'est entourée que de cérémonies lugubres qui terrifient plus qu'elles ne provoquent l'espérance. Si l'on représente la mort, c'est toujours sous un aspect repoussant, et jamais comme un sommeil de transition ; tous ses emblèmes rappellent la destruction du corps, le montrent hideux et décharné ; aucun ne symbolise l'âme se dégageant radieuse de ses liens terrestres. Le départ pour ce monde plus heureux n'est accompagné que des lamentations des survivants, comme s'il arrivait le plus grand malheur à ceux qui s'en vont ; on leur dit un éternel adieu, comme si l'on ne devait jamais les revoir ; ce que l'on regrette pour eux, ce sont les jouissances d'ici-bas, comme s'ils n'en devaient point trouver de plus grandes. Quel malheur, dit-on, de mourir quand on est jeune, riche, heureux et qu'on a devant soi un brillant avenir ! L'idée d'une situation plus heureuse effleure à peine la pensée, parce qu'elle n'y a pas de racines. Tout concourt donc à inspirer l'effroi de la mort au lieu de faire naître l'espérance. L'homme sera longtemps sans doute à se défaire de ces préjugés, mais il y arrivera à mesure que sa foi s'affermira, qu'il se fera une idée plus saine de la vie spirituelle.

La doctrine spirite change entièrement la manière d'envisager l'avenir. La vie future n'est plus une hypothèse, mais une réalité ; l'état des âmes après la mort n'est plus un système, mais un résultat d'observation. Le voile est levé ; le monde invisible nous apparaît dans toute sa réalité pratique ; ce ne sont pas les hommes qui l'ont découvert par l'effort d'une conception ingénieuse, ce sont les habitants mêmes de ce monde qui viennent nous décrire leur situation ; nous les y voyons à tous les degrés de l'échelle spirituelle, dans toutes les phases du bonheur et du malheur ; nous assistons à toutes les péripéties de la vie d'outre-tombe. Là est pour les Spirites la cause du calme avec lequel ils envisagent la mort, de la sérénité de leurs derniers instants sur la terre. Ce qui les soutient, ce n'est pas seulement l'espérance, c'est la certitude ; ils savent que la vie future n'est que la continuation de la vie présente dans de meilleures conditions, et ils l'attendent avec la même confiance qu'ils attendent le lever du soleil après une nuit d'orage. Les motifs de cette confiance sont dans les faits dont ils sont témoins, et dans l'accord de ces faits avec la logique, la justice et la bonté de Dieu, et les aspirations intimes de l'homme.

La croyance vulgaire place en outre les âmes dans des régions à peine accessibles à la pensée, où elles deviennent en quelque sorte étrangères aux survivants ; l'Église elle-même met entre elles et ces derniers une barrière infranchissable ; elle déclare que toute relation est rompue, toute communication impossible. Si elles sont dans l'enfer, tout espoir de les revoir est à jamais perdu, à moins d'y aller soi-même ; si elles sont parmi les élus, elles sont tout absorbées par leur béatitude contemplative. Tout cela met entre les morts et les vivants une telle distance, que l'on regarde la séparation comme éternelle ; c'est pourquoi on préfère encore les avoir près de soi souffrants sur la terre, que de les voir partir, même pour le ciel. Puis l'âme qui est au ciel est-elle réellement heureuse de voir, par exemple, son fils, son père, sa mère ou ses amis brûler éternellement ?

Pour les Spirites, l'âme n'est plus une abstraction ; elle a un corps éthéré qui en fait un être défini, que la pensée embrasse et conçoit ; c'est déjà beaucoup pour fixer les idées sur son individualité, ses aptitudes et ses perceptions. Le souvenir de ceux qui nous sont chers se repose sur quelque chose de réel. On ne se les représente plus comme des flammes fugitives qui ne rappellent rien à la pensée, mais sous une forme concrète qui nous les montre mieux comme des êtres vivants. Puis, au lieu d'être perdus dans les profondeurs de l'espace, ils sont autour de nous ; le monde visible et le monde invisible sont en perpétuels rapports, et s'assistent mutuellement. Le doute sur l'avenir n'étant plus permis, l'appréhension de la mort n'a plus de raison d'être ; on la voit venir de sang-froid, comme une délivrance, comme la porte de la vie, et non comme celle du néant.

De la perpétuité du Spiritisme

Dans un précédent article, nous avons parlé des progrès incessants du Spiritisme. Ces progrès seront-ils durables ou éphémères ? Est-ce un météore qui brille d'un éclat passager comme tant d'autres choses ? C'est ce que nous allons examiner en quelques mots.

Si le Spiritisme était une simple théorie, une école philosophique reposant sur une opinion personnelle, rien n'en garantirait la stabilité, car il pourrait plaire aujourd'hui et ne plus plaire demain ; dans un temps donné, il pourrait n'être plus en harmonie avec les mœurs et le développement intellectuel, et alors il tomberait comme toutes les choses surannées qui restent en arrière du mouvement ; enfin il pourrait être remplacé par quelque chose de mieux. Ainsi en est-il de toutes les conceptions humaines, de toutes les législations, de toutes les doctrines purement spéculatives.

Le Spiritisme se présente dans de tout autres conditions, ainsi que nous l'avons maintes fois fait observer. Il repose sur un fait, celui de la communication du monde visible et du monde invisible ; or, un fait ne peut être annulé par le temps comme une opinion. Sans doute il n'est pas encore admis par tout le monde ; mais qu'importent les dénégations de quelques-uns, quand il est chaque jour constaté par des millions d'individus dont le nombre s'accroît sans cesse, et qui ne sont ni plus sots ni plus aveugles que d'autres ? Il viendra donc un moment où il ne rencontrera pas plus de négateurs qu'il n'y en a maintenant pour le mouvement de la terre.

Que d'oppositions ce dernier fait n'a-t-il pas soulevées ! Longtemps les incrédules ne manquèrent pas de bonnes raisons apparentes pour le contester. « Comment croire, disaient-ils, à l'existence d'antipodes marchant la tête en bas ? Et si la terre tourne, comme on le prétend, comment croire que nous soyons nous-mêmes, toutes les vingt quatre heures, dans cette position incommode sans nous en apercevoir ? Dans cet état, nous ne pourrions pas plus rester attachés à la terre, que si nous voulions marcher contre un plafond, les pieds en l'air, à la manière des mouches. Et puis, que deviendraient les mers ? Est-ce que l'eau ne se déverse pas quand on penche le vase ? La chose est tout simplement impossible, donc elle est absurde, et Galilée est un fou. »

Cependant cette chose absurde étant un fait, elle a triomphé de toutes les raisons contraires et de tous les anathèmes. Que manquait-il pour en admettre la possibilité ? la connaissance de la loi naturelle sur laquelle elle repose. Si Galilée se fût contenté de dire que la terre tourne, on ne le croirait pas encore à l'heure qu'il est ; mais les dénégations sont tombées devant la connaissance du principe.

Il en sera de même du Spiritisme ; puisqu'il repose sur un fait matériel existant en vertu d'une loi expliquée et démontrée qui lui ôte tout caractère surnaturel et merveilleux, il est impérissable. Ceux qui nient la possibilité des manifestations sont dans le même cas que ceux qui niaient le mouvement de la terre. La plupart nient la cause première, c'est-à-dire l'âme, sa survivance ou son individualité ; il n'est donc pas surprenant qu'ils nient l'effet. Ils jugent sur le simple énoncé du fait, et le déclarent absurde, comme jadis on déclarait absurde la croyance aux antipodes. Mais que peut leur opinion contre un phénomène constaté par l'observation et démontré par une loi de nature ? Le mouvement de la terre étant un fait purement scientifique, sa constatation n'était pas à la portée du vulgaire ; il a fallu l'accepter sur la foi des savants ; mais le Spiritisme a de plus, pour lui, de pouvoir être constaté par tout le monde, ce qui explique sa propagation si rapide.

Toute découverte nouvelle de quelque importance a des conséquences plus ou moins graves ; celle du mouvement de la terre et de la loi de gravitation qui régit ce mouvement en a eu d'incalculables ; la science a vu s'ouvrir devant elle un nouveau champ d'exploration, et l'on ne saurait énumérer toutes les découvertes, les inventions et les applications qui en ont été la suite. Le progrès de la science a amené celui de l'industrie, et le progrès de l'industrie a changé la manière de vivre, les habitudes, en un mot toutes les conditions d'être de l'humanité. La connaissance des rapports du monde visible et du monde invisible a des conséquences encore plus directes et plus immédiatement pratiques, parce qu'elle est à la portée de toutes les individualités et les intéresse toutes. Chaque homme devant nécessairement mourir, nul ne peut être indifférent à ce qu'il en adviendra de lui après sa mort. Par la certitude que le Spiritisme donne de l'avenir, il change la manière de voir et influe sur la moralité. Étouffant l'égoïsme, il modifiera profondément les relations sociales d'individu à individu et de peuple à peuple.

Bien des réformateurs, aux pensées généreuses, ont formulé des doctrines plus ou moins séduisantes ; mais elles n'ont eu pour la plupart qu'un succès de secte, temporaire et circonscrit. Il en a été et il en sera toujours ainsi des théories purement systématiques, parce qu'il n'est pas donné à l'homme sur la terre de concevoir quelque chose de complet et de parfait. Le Spiritisme, au contraire, s'appuyant non sur une idée préconçue, mais sur des faits patents, est à l'abri de ces fluctuations et ne peut que grandir à mesure que ces faits seront vulgarisés, mieux connus et mieux compris ; or, nulle puissance humaine ne saurait empêcher la vulgarisation de faits que chacun peut constater ; les faits constatés, nul ne peut empêcher les conséquences qui en découlent. Ces conséquences sont ici une révolution complète dans les idées et dans la manière de voir les choses de ce monde et de l'autre ; avant que ce siècle soit écoulé, elle sera accomplie.

Mais, dira-t-on, à côté des faits vous avez une théorie, une doctrine ; qui vous dit que cette théorie ne subira pas des variations ; que celle d'aujourd'hui sera la même dans quelques années ?

Sans doute elle peut subir des modifications dans ses détails par suite de nouvelles observations ; mais le principe étant désormais acquis, ne peut varier, et encore moins être annulé ; c'est là l'essentiel. Depuis Copernic et Galilée, on a mieux calculé le mouvement de la terre et des astres, mais le fait du mouvement est resté le principe.

Nous avons dit que le Spiritisme est, avant tout, une science d'observation ; c'est ce qui fait sa force contre les attaques dont il est l'objet, et donne à ses adeptes une foi inébranlable. Tous les raisonnements qu'on leur oppose tombent devant les faits, et ces raisonnements ont d'autant moins de valeur à leurs yeux qu'ils les savent intéressés. En vain on leur dit que cela n'est pas, ou que c'est autre chose, ils répondent : Nous ne pouvons nier l'évidence. Encore s'il n'y en avait qu'un seul, il pourrait se croire le jouet d'une illusion ; mais quand des millions d'individus voient la même chose, dans tous les pays, on en conclut logiquement que ce sont les négateurs qui s'abusent.

Si les faits spirites n'avaient pour résultat que de satisfaire la curiosité, ils ne causeraient certainement qu'une préoccupation momentanée, comme tout ce qui est inutile ; mais les conséquences qui en découlent touchent le cœur, rendent heureux, satisfont les aspirations, comblent le vide creusé par le doute, jettent la lumière sur la redoutable question de l'avenir ; bien plus, on y voit une cause puissante de moralisation pour la société ; elles ont donc un grand intérêt ; or on ne renonce pas facilement à ce qui est une source de bonheur. Ce n'est assurément ni avec la perspective du néant, ni avec celle des flammes éternelles, que l'on détachera les Spirites de leur croyance.

Le Spiritisme ne s'écartera pas de la vérité, et n'aura rien à redouter des opinions contradictoires, tant que sa théorie scientifique et sa doctrine morale seront une déduction des faits scrupuleusement et consciencieusement observés, sans préjugés ni systèmes préconçus. C'est devant une observation plus complète que toutes les théories prématurées et hasardées, écloses à l'origine des phénomènes spirites modernes, sont tombées, et sont venues se fondre dans l'imposante unité qui existe aujourd'hui, et contre laquelle ne se roidissent plus que de rares individualités qui diminuent tous les jours. Les lacunes que la théorie actuelle peut encore renfermer se combleront de la même manière. Le Spiritisme est loin d'avoir dit son dernier mot, quant à ses conséquences, mais il est inébranlable dans sa base, parce que cette base est assise sur des faits.

Que les Spirites soient donc sans crainte : l'avenir est à eux ; qu'ils laissent leurs adversaires se débattre sous l'étreinte de la vérité qui les offusque, car toute dénégation est impuissante contre l'évidence qui triomphe inévitablement par la force même des choses. C'est une question de temps, et dans ce siècle-ci le temps marche à pas de géant sous l'impulsion du progrès.



Les Esprits instructeurs de l'enfance

Enfant affecté de mutisme

Une dame nous transmet le fait suivant :

« Une de mes filles a un petit garçon de trois ans qui, depuis qu'il est né, lui a donné les plus vives inquiétudes ; sa santé rétablie, à la fin du mois d'août dernier, il marchait à peine, ne disait que papa, maman, le reste de son langage n'était qu'un mélange de sons inarticulés. Il y a un mois environ, à la suite d'essais infructueux pour faire prononcer à son fils les mots les plus usuels, essais souvent renouvelés sans aucun succès, ma fille s'était couchée, fort attristée de cette espèce de mutisme, se désolant surtout de ce qu'à son retour son mari, capitaine au long cours, dont l'absence aura duré plus d'un an, ne trouverait pas de changement dans la manière de parler de son fils, lorsqu'à cinq heures du matin, elle fût réveillée par la voix de l'enfant qui articulait distinctement les lettres A, B, C, D, qu'on n'avait jamais essayé de lui faire prononcer. Croyant rêver, elle s'assit dans son lit, et la tête penchée sur le berceau, la figure près de celle du petit qui dormait, elle l'entendit répéter à haute voix, à plusieurs reprises, en les ponctuant chacune par un petit mouvement de tête, les lettres A, B, C, puis, après un petit temps d'arrêt, et en appuyant sur la prononciation, D.

Lorsque j'entrai dans sa chambre à six heures, l'enfant dormait toujours, mais la mère, encore tout heureuse et tout émue d'avoir entendu son fils dire ces lettres, ne s'était pas rendormie. Au réveil du petit, et depuis lors, nous avons vainement essayé de lui faire dire ces lettres (dont il n'avait jamais entendu parler quand il les a dites dans son sommeil, du moins dans cette vie), tous nos essais ont échoué. Même encore aujourd'hui, il dit A, B, mais il nous a été impossible d'obtenir, pour C, D, autre chose que deux sons, l'un de la gorge, l'autre du nez qui ne rappellent en aucune façon les deux lettres que nous voulions lui faire dire.

N'est-ce pas la preuve que cet enfant a déjà vécu ? Je m'arrête là, ne me sentant pas assez instruite pour oser conclure. J'ai besoin d'apprendre encore, de lire beaucoup tout ce qui a trait au Spiritisme, non pour me convaincre : Le Spiritisme répond à tout, ou du moins presque à tout ; mais, je vous le répète, monsieur, je ne sais pas assez. Cela viendra ; le désir ne me manque pas. Dieu qui ne m'a pas abandonnée depuis dix-sept ans que je suis veuve ; Dieu qui m'a aidée à élever mes enfants et à les établir ; Dieu en qui j'ai foi, pourvoira à ce qui me manque, car j'espère en lui, et je le prie de tout cœur pour qu'il permette à ses bons Esprits de m'éclairer, de me guider vers le bien. Priez aussi pour moi, monsieur, qui suis en communion de pensée avec vous, et qui désire par-dessus tout marcher dans la bonne voie. »

Ce fait est sans contredit le résultat de connaissances acquises antérieurement. S'il est une aptitude innée, c'est celle qui se révèle spontanément pendant le sommeil du corps, quand aucune circonstance n'avait pu la développer à l'état de veille. Si les idées étaient un produit de la matière, pourquoi une idée nouvelle surgirait-elle quand la matière est engourdie, tandis qu'elle est, non seulement nulle, mais impossible à exprimer quand les organes sont en pleine activité ? La cause première ne peut donc être dans la matière. C'est ainsi que le matérialisme se heurte à chaque pas contre des problèmes dont il est impuissant à donner la solution. Pour qu'une théorie soit vraie et complète, il faut qu'elle ne soit démentie par aucun fait ; le Spiritisme n'en formule aucune prématurément, à moins que ce ne soit à titre d'hypothèse, auquel cas il se garde de la donner comme vérité absolue, mais seulement, comme sujet d'étude. C'est la raison pour laquelle il marche à coup sûr.

Dans le cas dont il s'agit, il est donc évident que l'Esprit n'ayant point appris pendant la veille ce qu'il dit pendant le sommeil, il faut qu'il l'ait appris quelque part ; puisque ce n'est pas dans cette vie, il faut que ce soit dans une autre, et, qui plus est, dans une existence terrestre où il parlait français, puisque ce sont des lettres françaises qu'il prononce. Comment expliqueront ce fait ceux qui nient la pluralité des existences ou la réincarnation sur la terre ?

Mais il reste à savoir comment il se fait que l'Esprit ne puisse dire, éveillé, ce qu'il articule dans le sommeil ? Voici l'explication qui en a été donnée par un Esprit à la Société de Paris.



24 novembre 1864. - Médium, madame Cazemajour.


« C'est une intelligence qui pourra rester encore voilée quelque temps par la souffrance matérielle de la réincarnation à laquelle cet Esprit a eu beaucoup de peine à se soumettre, et qui a momentanément annihilé ses facultés. Mais son guide l'aide avec une tendre sollicitude à sortir de cet état par les conseils, les encouragements et les leçons qu'il lui donne pendant le sommeil du corps, leçons qui ne sont pas perdues et qui se retrouveront vivaces quand cette phase d'engourdissement sera passée, et qui sera déterminée par un choc violent, une émotion extrême. Une crise de ce genre est nécessaire pour cela ; il faut s'y attendre, mais ne pas craindre l'idiotisme : ce n'est pas le cas. »

Il y a là un enseignement important et jusqu'à un certain point nouveau : celui de la première éducation donnée à un Esprit incarné par un Esprit désincarné. Certains savants dédaigneraient sans doute ce fait comme trop puéril et sans importance ; ils n'y verraient qu'une bizarrerie de la nature, ou l'expliqueraient par une surexcitation cérébrale qui étend momentanément les facultés ; car c'est ainsi qu'ils expliquent toutes les facultés médianimiques. On concevrait sans doute, dans certains cas, l'exaltation chez une personne d'un âge mûr, qui se monte l'imagination par ce qu'elle voit, ou ce qu'elle entend, mais on ne comprendrait pas ce qui pourrait surexciter le cerveau d'un enfant de trois ans qui dort. Voilà donc un fait inexplicable par cette théorie, tandis qu'il trouve sa solution naturelle et logique par le Spiritisme. Le Spiritisme ne dédaigne aucun fait, quelque mince qu'il soit en apparence ; il les épie, les observe et les étudie tous ; c'est ainsi que progresse la science spirite à mesure que les faits se présentent pour affirmer ou compléter sa théorie ; s'ils la contredisent, il en cherche une autre explication.

Une lettre en date du 30 décembre 1864, écrite par un ami de la famille, contient ce qui suit :

« Une crise, ont dit les Esprits, déterminée par un choc violent, une émotion extrême, délivrera l'enfant de l'engourdissement de ses facultés. Les Esprits ont dit vrai ; la crise a eu lieu par un choc violent, et voici de quelle manière. L'enfant a été cause que sa grand-mère a fait une chute terrible dans laquelle elle a manqué de se fendre la tête en écrasant l'enfant. Depuis cette secousse, l'enfant surprend ses parents à chaque instant en prononçant des phrases entières, comme celle-ci, par exemple : « Prends garde, maman, de tomber. »

L'articulation des lettres pendant le sommeil de l'enfant était bien évidemment un effet médianimique, puisqu'elle était le résultat de l'exercice que lui faisait faire l'Esprit. Dans une séance ultérieure de la société, où l'on ne s'occupait nullement du fait en question, la dissertation suivante fut donnée spontanément, et vient confirmer et développer le principe de ce genre de médiumnité.


Médianimité de l'enfance

Société de Paris, 6 janvier 1865. - Médium, M. Delanne


Lorsque, après avoir été préparé par l'ange gardien, l'Esprit qui vient s'incarner, c'est-à-dire subir de nouvelles épreuves en vue de son amélioration, alors commencent à s'établir les liens mystérieux qui l'unissent au corps pour manifester son action terrestre. Là est toute une étude, sur laquelle je ne m'étendrai pas ; je ne vous parlerai que du rôle et de la disposition de l'Esprit pendant la période de l'enfance au berceau.


L'action de l'Esprit sur la matière, dans ce temps de végétation corporelle, est peu sensible. Aussi les guides spirituels s'empressent-ils de profiter de ces instants où la partie charnelle n'oblige pas la participation intelligente de l'Esprit, afin de préparer ce dernier, de l'encourager dans les bonnes résolutions dont son âme est imprégnée.

C'est dans ces moments de dégagement que l'Esprit, tout en sortant du trouble où il a dû passer pour son incarnation présente, comprend et se rappelle les engagements qu'il a contractés pour son avancement moral. C'est alors que les Esprits protecteurs vous assistent, et vous aident à vous reconnaître. Aussi, étudiez la figure du petit enfant qui dort ; vous le voyez souvent « sourire aux anges », comme on dit vulgairement, expression plus juste qu'on ne pense. Il sourit en effet aux Esprits qui l'entourent et doivent le guider.

Voyez-le éveillé, ce cher petit ; tantôt il regarde fixement : il semble reconnaître des êtres amis ; tantôt il bégaye des mots, et ses gestes joyeux semblent s'adresser à des figures aimées ; et comme Dieu n'abandonne jamais ses créatures, ces mêmes Esprits lui donnent plus tard de bonnes et salutaires instructions, soit pendant le sommeil, soit par inspiration à l'état de veille. De là vous pouvez voir que tous les hommes possèdent, au moins à l'état de germe, le don de médiumnité.

L'enfance proprement dite est une longue suite d'effets médianimiques, et si des enfants un peu plus avancés en âge, lorsque l'Esprit a acquis plus de force, ne craignaient pas parfois les images des premières heures, vous pourriez beaucoup mieux constater ces effets.

Continuez à étudier, et chaque jour, comme de grands enfants, votre instruction grandira, si vous ne vous obstinez pas à fermer les yeux sur ce qui vous entoure.

Un Esprit protecteur.



Questions et problèmes

Des chefs-d'œuvre par voie médianimique

Pourquoi les Esprits des grands génies qui ont brillé sur la terre ne produisent-ils pas des chefs-d'œuvre par voie médianimique, comme ils en ont fait de leur vivant, puisque leur intelligence n'a rien perdu ?

Cette question est à la fois une de celles dont la solution intéresse la science spirite, comme sujet d'étude, et une objection opposée par certains négateurs à la réalité des manifestations. « Ces œuvres hors ligne, disent ces derniers, seraient une preuve d'identité propre à convaincre les plus récalcitrants, tandis que les produits médianimiques signés des noms les plus illustres ne s'élèvent guère au-dessus de la vulgarité. On ne cite jusqu'à présent aucune œuvre capitale qui puisse même approcher de celles des grands littérateurs et des grands artistes. « Quand je verrai, ajoutent quelques-uns, l'Esprit d'Homère donner une nouvelle Iliade, celui de Virgile une nouvelle Enéide, celui de Corneille un nouveau Cid, celui de Beethoven une nouvelle symphonie en la ; ou bien un savant, comme La Place, résoudre un de ces problèmes inutilement cherchés, comme la quadrature du cercle, par exemple, alors je pourrai croire à la réalité des Esprits. Mais comment voulez-vous que j'y croie quand je vois donner sérieusement sous le nom de Racine des poésies que corrigerait un élève de quatrième ; attribuer à Béranger des vers qui ne sont que des bouts mal rimés, sans esprit et sans sel, ou faire tenir à Voltaire et à Chateaubriand un langage de cuisinière ? »

Il y a dans cette objection un côté sérieux, c'est ce que contient la dernière partie, mais qui n'en dénote pas moins l'ignorance des premiers principes du Spiritisme. Si ceux qui la font ne jugeaient pas avant d'avoir étudié, ils s'épargneraient une peine inutile.

L'identité des Esprits est, comme on le sait, une des grandes difficultés du Spiritisme pratique. Elle ne peut être constatée d'une manière positive que pour les Esprits contemporains, dont on connaît le caractère et les habitudes. Ils se révèlent alors par une foule de particularités dans les faits et dans le langage, qui ne peuvent laisser aucun doute. Ce sont ceux dont l'identité nous intéresse le plus par les liens qui nous unissent à eux. Un signe, un mot suffit souvent pour attester leur présence, et ces particularités sont d'autant plus significatives, qu'il y a plus de similitude dans la série des entretiens familiers que l'on a avec ces Esprits. Il faut considérer, en outre, que plus les Esprits sont rapprochés de nous par l'époque de leur mort terrestre, moins ils sont dépouillés du caractère, des habitudes et des idées personnelles qui nous les font reconnaître.

Il en est autrement des Esprits que l'on ne connaît en quelque sorte que par l'histoire ; pour ceux-1à, il n'existe aucune preuve matérielle d'identité ; il peut y avoir présomption, mais non certitude absolue de la personnalité. Plus les Esprits sont éloignés de nous par l'époque où ils ont vécu, moins cette certitude est grande, attendu que leurs idées et leur caractère peuvent s'être modifiés avec le temps. En second lieu, ceux qui sont arrivés à une certaine élévation forment des familles similaires par la pensée et le degré d'avancement, dont tous les membres sont loin de nous être connus. Si l'un d'eux se manifeste, il le fera sous un nom connu de nous, comme indice de sa catégorie. Si l'on évoque Platon, par exemple, il se peut qu'il réponde à l'appel ; mais s'il ne le peut pas, un Esprit de la même classe répondra pour lui : ce sera sa pensée, mais non son individualité. Voilà ce dont il importe de se bien pénétrer.

Au reste, les Esprits supérieurs viennent pour nous instruire ; leur identité absolue est une question secondaire. Ce qu'ils disent est-il bon ou mauvais, rationnel ou illogique, digne ou indigne de la signature, là est toute la question. Dans le premier cas, on l'accepte ; dans le second, on le rejette comme apocryphe.

Ici se présente le grand écueil de l'immixtion des Esprits légers ou ignorants, qui se parent de grands noms pour faire accepter leurs sottises ou leurs utopies. La distinction, dans ce cas, exige du tact, de l'observation et presque toujours des connaissances spéciales. Pour juger une chose, il faut être compétent. Comment celui qui n'est pas versé dans la littérature et la poésie peut-il apprécier les qualités et les défauts des communications de ce genre ? L'ignorance, dans ce cas, fait parfois prendre pour des beautés sublimes l'emphase, les fioritures du langage, les mots sonores qui cachent le vide des idées ; elle ne peut s'identifier avec le génie particulier de l'écrivain, pour juger ce qui peut ou non être de lui. Aussi voit-on souvent des médiums, flattés de recevoir des vers signés de Racine, Voltaire ou Béranger, ne faire aucune difficulté de les croire authentiques, quelque détestables qu'ils soient, bien heureux encore s'ils ne se fâchent pas contre ceux qui se permettent d'en douter.

Nous tenons donc pour parfaitement juste la critique quand elle s'attaque à de pareilles choses, car elle abonde dans notre sens. Le tort n'en est pas au Spiritisme, mais à ceux qui acceptent trop facilement ce qui vient des Esprits. Si ceux qui s'en font une arme contre la doctrine l'avaient étudiée, ils sauraient ce qu'elle admet, et ne lui imputeraient pas ce qu'elle repousse, ni les exagérations d'une crédulité aveugle et irréfléchie. Le tort est encore plus grand quand on publie, sous des noms connus, des choses indignes de l'origine qu'on leur attribue ; c'est prêter le flanc à la critique fondée et nuire au Spiritisme. Il est nécessaire que l'on sache bien que le Spiritisme rationnel ne prend nullement ces productions sous son patronage, et n'assume point la responsabilité des publications faites avec plus d'enthousiasme que de prudence.

L'incertitude touchant l'identité des Esprits dans certains cas, et la fréquence de l'immixtion des Esprits légers prouvent-elles contre la réalité des manifestations ? En aucune façon ; car le fait des manifestations est aussi bien prouvé par les Esprits inférieurs que par les Esprits supérieurs. L'abondance des premiers prouve l'infériorité morale de notre globe, et la nécessité de travailler à notre amélioration pour en sortir le plus tôt possible.

Reste maintenant la question principale : Pourquoi les Esprits des hommes de génie ne produisent-ils pas des chefs-d'œuvre par voie médianimique ?

Avant tout, il faut voir l'utilité des choses. A quoi cela servirait-il ? A convaincre les incrédules, dit-on ; mais quand on les voit résister à l'évidence la plus palpable, un chef-d'œuvre ne leur prouverait pas mieux l'existence des Esprits, car ils l'attribueraient, comme toutes les productions médianimiques, à la surexcitation cérébrale. Un Esprit familier, un père, une mère, un enfant, un ami, qui viennent révéler des circonstances inconnues du médium, dire de ces paroles qui vont au cœur, prouvent bien plus qu'un chef-d'œuvre qui pourrait sortir de son propre cerveau. Un père, dont l'enfant qu'il pleure vient attester sa présence et son affection, n'est-il pas mieux convaincu que si Homère venait faire une nouvelle Iliade, ou Racine une nouvelle Phèdre ? Pourquoi donc leur demander des tours de force qui étonneraient plus qu'ils ne convaincraient, quand ils se révèlent par des milliers de faits intimes à la portée de tout le monde ? Les Esprits cherchent à convaincre les masses, et non tel ou tel individu, parce que l'opinion des masses fait la loi, tandis que les individus sont des unités perdues dans la foule ; voilà pourquoi ils font si peu de frais pour les obstinés qui veulent les pousser à bout. Ils savent bien que tôt ou tard il leur faudra plier devant la force de l'opinion. Les Esprits ne se soumettent au caprice de personne ; ils emploient pour convaincre les moyens qu'ils veulent, selon les individus et les circonstances ; tant pis pour ceux qui ne s'en contentent pas ; leur tour viendra plus tard. Voilà pourquoi nous disons aussi aux adeptes : Attachez-vous aux hommes de bonne volonté, car vous n'en manquerez pas ; mais ne perdez pas votre temps avec les aveugles qui ne veulent pas voir, et les sourds qui ne veulent pas entendre. Est-ce manquer de charité que d'agir ainsi ? Non, puisque ce n'est pour ceux-ci qu'un retard. Pendant que vous perdriez votre temps avec eux, vous négligeriez de donner des consolations à une foule de gens qui en ont besoin, et qui accepteraient avec joie le pain de vie que vous leur offririez. Songez en outre que les réfractaires qui résistent à votre parole et aux preuves que vous leur donnez, cèderont un jour sous l'ascendant de l'opinion qui se formera autour d'eux ; leur amour-propre en souffrira moins.

La question des chefs-d'œuvre se rattache encore au principe même qui régit les rapports des incarnés avec les désincarnés. Sa solution dépend de la connaissance de ce principe. Voici les réponses faites à ce sujet dans la Société spirite de Paris.



6 janvier 1865. - Médium, M. d'Ambel

Il y a des médiums qui, par leurs acquêts antérieurs, par leurs études particulières dans l'existence qu'ils parcourent aujourd'hui, se sont mis en demeure d'être plus aptes, sinon plus utiles que d'autres. Ici la question morale n'a rien à faire : c'est simplement une question de capacité intellectuelle. Mais il ne faut pas méconnaître que la majeure partie de ces médiums ne se prodiguent pas et que s'ils reçoivent de la part des Esprits des communications d'un ordre élevé, celles-ci profitent à eux seuls. Plus d'un chef-d'œuvre de la littérature et des arts est le produit d'une médianimité inconsciente ; sans cela, d'où viendrait l'inspiration ? Affirmez hardiment que les communications reçues par Delphine de Girardin, Auguste Vaquerie et autres étaient à la hauteur de ce qu'on était en droit d'attendre des Esprits qui se communiquaient à eux. Dans ces occasions, malheureusement fort rares en Spiritisme, les âmes de ceux qui voulaient se communiquer avaient sous la main de bons, d'excellents instruments ou plutôt des médiums dont les capacités cérébrales fournissaient tous les éléments de paroles et de pensées nécessaires à la manifestation des Esprits inspirateurs. Or, dans la plupart des circonstances où les Esprits se communiquent, les grands Esprits bien entendu, ils sont loin d'avoir sous la main des éléments suffisants pour l'émission de leurs pensées dans la forme, avec la formule qu'ils lui auraient donnée de leur vivant. Est-ce là un motif pour ne pas recevoir leurs instructions ? Non certes ! Car si quelquefois la forme laisse à désirer, le fond est toujours digne du signataire des communications. Au surplus, ce sont des querelles de mots. La communication existe-t-elle ou n'existe-t-elle pas ? Tout est là. Si elle existe, qu'importe l'Esprit et le nom qu'il se donne ! Si l'on n'y croit pas, il importe encore moins de s'en préoccuper. Les Esprits tâchent de convaincre ; quand ils ne réussissent pas, c'est un inconvénient sans importance ; c'est simplement parce que l'incarné n'est pas encore propre à être convaincu. Toutefois, je suis bien aise d'affirmer ici que sur cent individus de bonne foi qui expérimentent par eux ou par des médiums qui leur sont étrangers, il y en a plus des deux tiers qui deviennent partisans sincères de la doctrine spirite, car dans ces périodes exceptionnelles, l'action des Esprits ne se circonscrit pas dans l'acte du médium seulement, mais se manifeste par mille côtés matériels ou spirituels sur l'évocateur lui-même.

En somme, rien n'est absolu, et il arrivera toujours une heure plus féconde, plus productive que l'heure précédente. Voilà en deux mots ma réponse à la question posée par votre président.

Éraste



20 janvier 1865. - Médium, mademoiselle M. C

Vous demandez pourquoi les Esprits qui, sur la terre, ont brillé par leur génie, ne donnent pas à des médiums des communications qui soient à la hauteur de leurs productions terrestres, quand ils devraient plutôt les donner supérieures, le temps écoulé depuis leur mort ayant dû ajouter à leurs facultés. La raison est celle-ci.

Pour pouvoir se faire entendre, il faut que les Esprits agissent sur des instruments qui soient au niveau de leur résonance fluidique. Que peut faire un bon musicien avec un instrument détestable ? Rien. Hélas ! beaucoup, sinon la plupart des médiums sont pour nous des instruments bien imparfaits. Comprenez qu'en tout il faut similitude aussi bien dans les fluides spirituels que dans les fluides matériels. Pour que les Esprits avancés puissent se manifester à vous, il leur faut des médiums capables de vibrer à leur unisson ; de même, pour les manifestations physiques, il faut des incarnés possédant des fluides matériels de même nature que ceux des Esprits errants, ayant encore action sur la matière.

Galilée ne pourra donc se manifester réellement qu'à un astronome capable de le comprendre et de transmettre sans erreur ses données astronomiques ; Alfred de Musset et autres poètes auront besoin d'un médium aimant et comprenant la poésie ; Beethoven, Mozart, rechercheront des musiciens dignes de pouvoir transcrire leurs pensées musicales ; les Esprits instructeurs qui vous dévoilent les secrets de la nature, secrets peu connus, ou encore ignorés, ont besoin de médiums comprenant déjà certains effets magnétiques et ayant bien étudié la médianimique.

Comprenez cela, mes amis ; réfléchissez que vous ne commandez pas un habit à votre chapelier, ni vos coiffures à votre tailleur. Vous devez comprendre que nous avons besoin de bons interprètes, et que certains de nous, faute de pouvoir rencontrer ces interprètes, se refusent à la communication. Mais alors la place est prise. N'oubliez pas que les Esprits légers sont en grand nombre, et qu'ils profitent de vos facultés avec d'autant plus de facilité que beaucoup d'entre vous, flattés des signatures remarquables, s'inquiètent peu de se renseigner à source vraie, et de confronter ce qu'ils obtiennent avec ce qu'ils auraient dû obtenir. Règle générale : lorsque vous voulez un calculateur, ne vous adressez pas à un danseur.

Un Esprit protecteur.



Remarque. Cette communication repose sur un principe vrai, qui résout parfaitement la question au point de vue scientifique, mais cependant qui ne saurait être pris dans un sens trop absolu. Au premier abord ce principe semble contredit par les faits si nombreux de médiums qui traitent des sujets en dehors de leurs connaissances, et paraîtrait impliquer, pour les Esprits supérieurs, la possibilité de ne se communiquer qu'à des médiums à leur hauteur. Or, ceci ne doit s'entendre que lorsqu'il s'agit de travaux spéciaux et d'une importance hors ligne. On conçoit que si Galilée veut traiter une question scientifique, si un grand poète veut dicter une œuvre poétique, ils aient besoin d'un instrument qui réponde à leur pensée, mais cela ne veut pas dire que, pour d'autres choses, une simple question de morale, par exemple, un bon conseil à donner, ils ne pourront le faire par un médium qui ne sera ni savant ni poète. Lorsqu'un médium traite avec facilité et supériorité des sujets qui lui sont étrangers, c'est un indice que son Esprit possède un développement inné et des facultés latentes en dehors de l'éducation qu'il a reçue.

Le Ramanenjana

Les Annales de la propagation de la foi, septembre 1864, n° 216, contiennent le récit détaillé des événements survenus à Tananarive (Madagascar) dans le courant de l'année 1863, entre autres celui de la mort du roi Radama II. Nous y trouvons le récit suivant :

Le plus grave des événements survenus à Tananarive en 1863 est sans contredit la mort de Radama II ; mais, avant de raconter la fin tragique de ce malheureux prince, il est nécessaire de rappeler un autre fait qui n'a guère eu moins de retentissement que le premier, qui a eu pour témoins plus de deux cent mille hommes, et qui peut être regardé comme le prélude ou l'avant-coureur de l'attentat commis sur la personne royale de l'infortuné Radama. Je veux parler du Ramanenjana.

Qu'est-ce que le Ramanenjana ?

Ce mot, qui signifie tension, exprime une maladie étrange qui s'est déclarée d'abord dans le sud d'Emirne. On en a eu connaissance à Tananarive près d'un mois à l'avance. Ce n'était, dans le principe, qu'une rumeur vague qui circulait parmi le peuple. On assurait que des troupes nombreuses d'hommes et de femmes, atteints d'une affection mystérieuse, montaient du sud vers la capitale pour parler au roi de la part de sa mère (la défunte reine). Ces bandes, disait-on, s'acheminaient à petites journées, campant chaque soir dans les villages, et se grossissant, le long de la route, de toutes les recrues qu'elles faisaient sur leur passage.

Mais personne ne se serait imaginé que le Ramanenjana fût si près de la ville royale, lorsque tout à coup il y a fait sa première apparition quelques jours avant le dimanche des Rameaux.

Voici ce qu'on nous écrit à ce sujet :

« Au moment où nous le croyions encore bien éloigné, le Ramanenjana ou Raména-bé, comme d'autres l'appellent aussi, est venu éclater comme une bombe. Il n'est bruit en ville que de convulsions et de convulsionnaires : il y en a de tous les côtés ; on évalue leur nombre à plus de deux mille. Ils campent en ce moment à Machamasina, champ de Mars situé au pied de la capitale. Le tapage qu'ils font est tel, qu'il nous empêche de dormir. Jugez s'il doit être fort, pour qu'à la distance d'une lieue il puisse arriver jusqu'ici et troubler le sommeil !

Le mardi saint, il y avait grande revue à Soanérana. Lorsque les tambours ont battu le rappel, voilà que plus de mille soldats quittent brusquement les rangs et se mettent à danser le Ramanenjana. Les chefs ont eu beau crier, tempêter, menacer, il a fallu renoncer à passer la revue. »

Caractère du Ramanenjana.

Cette maladie agit spécialement sur les nerfs, et elle y exerce une telle pression qu'elle provoque bientôt des convulsions et des hallucinations dont on a peine à se rendre compte au seul point de vue de la science.

Ceux qui en sont atteints ressentent d'abord de violentes douleurs à la tête, à la nuque, puis à l'estomac. Au bout de quelque temps, les accidents convulsifs commencent ; c'est alors que les vivants entrent en communication avec les morts : ils voient la reine Ranavalona, Radama Ier, Andrian Ampoïnémérina, et d'autres, qui leur parlent et leur donnent des commissions. La plupart de ces messages sont à l'adresse de Radama II.

Les Ramanenjana semblent spécialement députés par la vieille Ranavalona pour signifier à Radama qu'il ait à revenir à l'ancien régime, à faire cesser la prière, à renvoyer les Blancs, à interdire les pourceaux dans la ville sainte, etc. etc. ; qu'autrement de grands malheurs le menacent, et qu'elle le reniera pour son fils.

Un autre effet de ces hallucinations, c'est que la plupart de ceux qui en sont le jouet s'imaginent être chargés de pesants fardeaux qu'ils portent à la suite des morts : qui se figure avoir sur la tête une caisse de savon ; qui un coffre, qui un matelas, qui des fusils, qui des clefs, qui des couverts d'argent, etc., etc.

Il faut que ces revenants aillent un train d'enfer, puisque les malheureux qui sont à leurs ordres ont toute la peine du monde à les suivre, et pourtant ils vont toujours au pas de course. Ils n'ont pas plus tôt reçu leur mission d'outre-tombe, qu'ils se mettent à trépigner, à crier, à demander grâce, agitant la tête et les bras, secouant les extrémités du lamba ou morceau de toile qui leur couvre le corps. Puis les voilà qui s'élancent, toujours criant, dansant, sautant et s'agitant convulsivement. Leur cri le plus ordinaire est : Ekala ! et cet autre : Izahay maikia ! « nous sommes pressés ! » Le plus souvent une foule nombreuse les accompagne en chantant, claquant des mains et battant du tambour : c'est, dit-on, pour les surexciter encore davantage et hâter la fin de la crise, comme on voit le cavalier habile lâcher les rênes à son coursier fougueux, et, bien loin de chercher à le retenir, le presser au
contraire et de la voix et de l'éperon, jusqu'à ce que celui-ci, tremblant sous la main qui le mène, haletant, couvert d'écume, finisse par s'arrêter de lui-même, épuisé de fatigue et de forces.

Encore que cette maladie frappe spécialement les esclaves, il est vrai de dire qu'elle n'excepte personne. C'est ainsi qu'un fils de Radama et de Marie, sa concubine, s'est vu tout à coup en proie aux hallucinations du Ramanenjana ; et le voilà à crier, à s'agiter, à danser et à courir comme les autres. Dans le premier moment d'effroi, le roi lui-même se mit à sa poursuite ; mais, dans cette course précipitée, il se blessa légèrement à la jambe, ce qui fit donner l'ordre de toujours tenir un cheval sellé et paré, en cas de nouvel accident.

Les courses de ces énergumènes n'ont rien de bien déterminé : une fois poussés par je ne sais quelle force irrésistible, ils se répandent dans la campagne, qui d'un côté, qui d'un autre. Avant la semaine sainte, ils se rendaient sur les tombeaux, où ils dansaient et offraient une pièce de monnaie.

Mais le jour même des Rameaux (singulière coïncidence), une nouvelle mode a pris faveur parmi eux, c'est d'aller dans le bas de la ville couper une canne à sucre ; ils l'emportent triomphalement sur leurs épaules, et viennent la placer sur la pierre sacrée de Mahamasin en l'honneur de Ranavalona. Là on danse, on s'agite avec toutes les contorsions et convulsions d'habitude ; puis on dépose la canne avec la pièce de monnaie, et l'on revient, courant, dansant, sautant, comme on était allé.

Il y en a qui portent une bouteille d'eau sur la tête, pour en boire et s'en arroser ; et, chose assez surprenante ! malgré tant d'agitations et d'évolutions convulsives, la bouteille se maintient en équilibre ; on la dirait clouée et scellée au cerveau.

Il vient de leur prendre une nouvelle fantaisie, nous écrit-on encore : c'est d'exiger que l'on mette chapeau bas partout où ils passent.

Malheur à ceux qui refusent d'obtempérer à cette injonction, si absurde qu'elle soit ! Il en est déjà résulté plus d'une lutte, que le pauvre Radama a cru pouvoir prévenir en imposant une amende de 150 fr. aux récalcitrants. Pour ne pas enfreindre cette ordonnance royale d'un nouveau genre, la plupart des Blancs ont pris le parti de ne plus sortir que tête nue. Un de nos Pères s'est vu exposé à un cas beaucoup plus grave : il ne s'agissait de rien moins que de lui faire quitter sa soutane, le Ramanenjana prétendant que la couleur noire l'offusquait. Heureusement le Père a pu gagner le large et rentrer à la maison, sans être obligé de se mettre en chemise.

Les accès des convulsionnaires ne sont pas continus. Plusieurs, après avoir fait leurs simagrées devant la pierre sacrée (c'est sur cette pierre que l'on fait monter l'héritier du trône pour le présenter au peuple), vont se jeter à l'eau, puis remontent tranquillement pour aller se reposer jusqu'à une nouvelle crise.

D'autres tombent quelquefois d'épuisement dans le chemin ou sur la voie publique, s'y endorment et se relèvent guéris. Il y en a qui sont malades deux et trois jours avant d'être complètement délivrés. Chez plusieurs, le mal est plus tenace et dure souvent près d'une quinzaine de jours.

Durant l'accès, l'individu atteint du Ramanenjana ne reconnaît personne. Il ne répond guère aux questions qu'on lui adresse. Après l'accès, s'il se rappelle quelque chose, c'est vaguement et comme en songe.

Une particularité assez remarquable, c'est que, au milieu de leurs évolutions les plus haletantes, leurs mains et leurs pieds demeurent froids comme la glace, tandis que le reste du corps est en nage et la tête en ébullition.

Maintenant, quelle peut être la cause de cette singulière maladie ? Ici chacun abonde dans son sens ; plusieurs l'attribuent purement et simplement au démon, qui s'est révélé comme il s'est révélé auparavant dans les tables tournantes, pensantes, etc. Voilà pourquoi, peu soucieux de saluer cette diabolique majesté, beaucoup se sont résignés à marcher sans chapeau.

Étude sur le phénomène du Ramanenjana.

Il aurait été bien étonnant que le nom du Spiritisme n'eût pas été mêlé à cette affaire ; bien heureux encore que ses adeptes ne soient pas accusés d'en être la cause. Que n'aurait-on pas dit si ces pauvres Malgaches avaient lu le Livre des Esprits ! On n'aurait pas manqué d'affirmer qu'il leur avait tourné la tête. Qui donc, sans le Spiritisme, leur a appris à croire aux Esprits, à la communication des vivants avec les âmes des morts ? C'est que ce qui est dans la nature se produit aussi bien chez le sauvage que chez l'homme civilisé ; chez l'ignorant que chez le savant, au village comme à la ville. Comme il y a des Esprits partout, les manifestations ont lieu partout, avec cette différence que chez les hommes rapprochés de la nature, l'orgueil du savoir n'a pas encore émoussé les idées intuitives qui y sont vivaces et dans toute leur naïveté ; voilà pourquoi on ne trouve pas chez eux l'incrédulité érigée en système. Ils peuvent mal juger les choses par suite de l'étroitesse de leur intelligence ; mais la croyance au monde invisible est innée en eux, et entretenue par les faits dont ils sont témoins.

Tout prouve donc que là, comme à Morzines, ces phénomènes sont le résultat d'une obsession, ou possession collective, véritable épidémie de mauvais Esprits, ainsi qu'il s'en est produit au temps du Christ et à bien d'autres époques. Chaque population doit fournir au monde invisible ambiant des Esprits similaires qui, de l'espace, réagissent sur ces mêmes populations dont, par suite de leur infériorité, ils ont conservé les habitudes, les penchants et les préjugés. Les peuples sauvages et barbares sont donc entourés d'une masse d'Esprits encore sauvages et barbares jusqu'à ce que le progrès les ait amenés à s'incarner dans un milieu plus avancé. C'est ce qui résulte de la communication ci-après.

La relation ci-dessus ayant été lue dans une réunion intime, un des guides spirituels de la famille dicta spontanément ce qui suit :



Paris, 12 janvier 1865. - Médium, Mme Delanne

Ce soir je vous ai entendu lire les faits d'obsession qui se sont passés à Madagascar ; si vous le permettez, je vous émettrai mon avis sur ce sujet.

Remarque. - L'Esprit n'avait point été évoqué ; il était donc là, au milieu de la société, écoutant, sans être vu, ce qui s'y disait. C'est ainsi qu'à notre insu, nous avons sans cesse des témoins invisibles de nos actions.

Ces hallucinations, comme les appelle le correspondant du journal, ne sont autre chose qu'une obsession, obsession cependant d'un caractère différent de celles que vous connaissez. Ici, c'est une obsession collective produite par une pléiade d'Esprits arriérés, qui, ayant conservé leurs anciennes opinions politiques, viennent par des manifestations essayer de troubler leurs compatriotes, afin que ces derniers, saisis d'effroi, n'osent appuyer les idées de civilisation qui commencent à s'implanter dans ces pays où le progrès commence à se faire jour.

Les Esprits obsesseurs qui poussent ces pauvres gens à tant de ridicules manifestations, sont ceux des anciens Malgaches, qui sont furieux, je le répète, de voir les habitants de ces contrées admettre les idées de civilisation que quelques Esprits avancés, incarnés, ont mission d'implanter parmi eux. Aussi vous les entendez souvent répéter : « Plus de prières, à bas les blancs, etc. » C'est vous faire comprendre qu'ils sont antipathiques à tout ce qui peut venir des Européens, c'est-à-dire du centre intellectuel.

N'est-ce pas une grande confirmation de vos principes, que ces manifestations à la vue de tout un peuple ? Elles sont moins produites pour ces peuplades à moitié sauvages que pour la sanction de vos travaux.

Les possessions de Morzines ont un caractère plus particulier, ou pour mieux dire plus restreint. On peut étudier sur place les phases de chaque Esprit ; en observant les détails, chaque individualité offre une étude spéciale, tandis que les manifestations de Madagascar ont la spontanéité et le caractère national. C'est toute une population d'anciens Esprits arriérés qui voient avec dépit leur patrie subir l'impulsion du progrès. N'ayant pas progressé eux-mêmes, ils cherchent à entraver la marche de la Providence.

Les Esprits de Morzines sont comparativement plus avancés ; quoique brutes, ils jugent plus sainement que les Malgaches ; ils discernent le bien et le mal, puisqu'ils savent reconnaître que la forme de la prière n'est rien, mais que la pensée est tout ; vous verrez, du reste, plus tard, par les études que vous ferez, qu'ils ne sont pas aussi arriérés qu'ils le paraissent au premier abord. Ici, c'est pour montrer que la science est impuissante à guérir ces cas par ses moyens matériels ; là-bas, c'est pour attirer l'attention et confirmer le principe.

Un Esprit protecteur.

Poésie spirite

Inspiration d'un ci-devant incrédule à propos du Livre des Esprits, par le docteur Niéger.

27 décembre 1864.



Tel cet infortuné, victime d'un naufrage,

Au milieu des débris se sauvant à la nage,

Brisé par la fatigue et perdant tout espoir,

Adressant au pays qu'il ne doit plus revoir

Un dernier souvenir, et priant pour son âme ;

Quand soudain sur la vague apparaît une flamme

D'une terre inconnue indiquant les abords,

Le pauvre naufragé redouble ses efforts,

Et bientôt, abordant la rive tutélaire,

Au Seigneur tout d'abord adresse une prière,

Et, sentant désormais en lui naître la foi,

Promet à son Sauveur d'obéir à sa loi !

Tel je sentis un jour, en lisant votre ouvrage,

Dans mon cœur désolé renaître le courage.

Longtemps préoccupé de chercher les secrets

De l'organisme humain, je voyais des effets,

Mais ne pouvais saisir une cause inconnue

Qui semblait pour jamais échapper à ma vue.

Votre livre, en m'ouvrant des horizons nouveaux,

Vint sur-le-champ donner un but à mes travaux.

J'y vis que jusqu'alors j'avais fait fausse route,

Et la foi dans mon cœur dut remplacer le doute.

L'homme, en effet, sortant des mains du Créateur,

Ne peut être ici-bas jeté pour son malheur,

Car une sainte loi, par Dieu même donnée,

De l'univers entier règle la destinée !

Son nom, c'est le progrès, et c'est pour l'accomplir

Que les hommes entre eux doivent se réunir.

Quel merveilleux tableau, que de brillantes pages,

Dans ce livre qui suit l'homme à travers les âges,

Qui montre tout d'abord les premiers des humains,

Demandant le bien-être au travail de leurs mains !

L'instinct seul, dira-t-on, le guidait dans la vie !

Oui ! mais l'instinct plus tard deviendra le génie.

L'homme en lui sentira naître le feu sacré,

Et, par l'esprit du bien toujours mieux inspiré,

Du démon terrassé brisant la lourde chaîne,

A grands pas désormais marchera dans l'arène.

Là, sur un frêle esquif, de hardis matelots

De la mer en fureur vont affronter les flots.

Ils s'élancent… Soudain la vague redoutée

Devant un tel défi recule épouvantée.

Là, de l'aigle imitant le vol audacieux,

On voit l'homme essayer de monter jusqu'aux cieux !

Plus loin, sur un rocher, son incroyable audace

Des profondeurs du ciel ose sonder l'espace ;

De l'immense univers il découvre la loi,

Et du monde bientôt devient l'unique roi !

Là ne s'arrête pas son ardeur incroyable :

Dans un tube enfermant la vapeur indomptable,

Il s'avance monté sur ce dragon de feu ;

Les plus rudes travaux ne sont pour lui qu'un jeu ;

Imprimant en tous lieux la trace du génie,

Où dominait la mort, il fait naître la vie.

Il semblerait qu'ici va finir son essor ;

Mais l'inflexible loi demande plus encor,

Et nous verrons bientôt ce maître de la terre

A la nue enflammée arrachant le tonnerre,

En docile instrument transformant sa fureur,

En faire de la poste un humble serviteur !

Ainsi donc pas de borne à la science humaine.

A l'homme Dieu donna l'univers pour domaine ;

C'est à lui de chercher, par de constants efforts,

Du corps et de l'Esprit les merveilleux rapports.

C'est à lui, s'écartant de la route battue,

De dégager enfin la brillante inconnue

Qui depuis si longtemps se cache à son regard.

Levons donc du progrès le brillant étendard ;

Abordons sans tarder la vaste carrière

Ouverte à nos efforts… L'amour et la prière :

Voilà les mots sacrés inscrits sur nos drapeaux !

Sous cette égide, amis, poursuivons nos travaux.

S'il nous fallait un jour succomber dans la lutte,

Nous demandons, Seigneur, que du moins notre chute

Inspirant à nos fils le courage et la foi,

Ils assurent enfin le règne de ta loi.



Discours de Victor Hugo sur la tombe d'une jeune fille

Bien que cette touchante oraison funèbre ait été publiée par divers journaux, elle trouve également sa place dans cette Revue, en raison de la nature des pensées qu'elle renferme, et dont chacun pourra comprendre la portée. Le journal auquel nous l'empruntons rend compte de la cérémonie funèbre dans les termes suivants :

« Une triste cérémonie réunissait, jeudi dernier, une foule douloureusement émue au cimetière des indépendants, à Guernesey. On inhumait une jeune fille, que la mort était venue surprendre au milieu des joies de la famille, et dont la sœur se mariait quelques jours auparavant. C'était une heureuse enfant, à qui l'un des fils du grand poète, M. François Hugo, avait dédié le quatorzième volume de sa traduction de Shakespeare ; elle est morte la veille du jour où ce volume devait paraître.

Comme nous venons de le dire, l'assistance était nombreuse à ces funérailles, nombreuse et sympathique, et c'est avec un vif attendrissement, avec des larmes que l'amitié faisait couler, qu'elle a écouté les paroles d'adieu prononcées, sur cette tombe si prématurément ouverte, par l'illustre exilé de Guernesey, par Victor Hugo lui-même. »

Voici le discours prononcé par le poète :

« En quelques semaines, nous nous sommes occupés des deux sœurs ; nous avons marié l'une, et voici que nous ensevelissons l'autre. C'est là le perpétuel tremblement de la vie. Inclinons-nous, mes frères, devant la sévère destinée.

Inclinons-nous avec espérance. Nos yeux sont faits pour pleurer, mais pour voir ; notre cœur est fait pour souffrir, mais pour croire. La foi en une autre existence sort de la faculté d'aimer. Ne l'oublions pas, dans cette vie inquiète et rassurée par l'amour, c'est le cœur qui croit. Le fils compte retrouver son père ; la mère ne consent pas à perdre à jamais son enfant. Ce refus du néant est la grandeur de l'homme.

Le cœur ne peut errer. La chair est un songe ; elle se dissipe ; cet évanouissement, s'il était la fin de l'homme, ôterait à notre existence toute sanction ; nous ne nous contentons pas de cette fumée qui est la matière ; il nous faut une certitude. Quiconque aime, sait et sent qu'aucun des points d'appui de l'homme n'est sur la terre. Aimer, c'est vivre au delà de la vie. Sans cette foi, aucun don parfait du cœur ne serait possible ; aimer, qui est le but de l'homme, serait son supplice. Ce paradis serait l'enfer. Non ! disons-le bien haut, la créature aimante exige la créature immortelle. Le cœur a besoin de l'âme.

Il y a un cœur dans ce cercueil, et ce cœur est vivant. En ce moment, il écoute mes paroles.

Emily de Putron était le doux orgueil d'une respectable et patriarcale famille. Ses amis et ses proches avaient pour enchantement sa grâce et pour fête son sourire. Elle était comme une fleur de joie épanouie dans la maison. Depuis le berceau, toutes les tendresses l'environnaient, elle avait grandi heureuse, et, recevant du bonheur, elle en donnait ; aimée, elle aimait. Elle vient de s'en aller.

Où s'en est-elle allée ? Dans l'ombre ? Non.

C'est nous qui sommes dans l'ombre. Elle, elle est dans l'aurore.

Elle est dans le rayonnement, dans la vérité, dans la réalité, dans la récompense. Ces jeunes mortes qui n'ont fait aucun mal dans la vie sont les bienvenues du tombeau, et leur tête monte doucement hors de la fosse, vers une mystérieuse couronne. Emily de Putron est allée chercher là-haut la sérénité suprême, complément des existences innocentes. Elle s'en est allée, jeunesse, vers l'éternité ; beauté, vers l'idéal : espérance, vers la certitude ; amour, vers l'infini ; perle, vers l'Océan ; esprit, vers Dieu.

Va, âme !

Le prodige de ce grand départ céleste qu'on appelle la mort, c'est que ceux qui partent ne s'éloignent point. Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres. Ils sont en haut, et tout près. O qui que vous soyez, qui avez vu s'évanouir dans la tombe un être cher, ne vous croyez pas quittés par lui. Il est toujours là. Il est à côté de vous plus que jamais. La beauté de la mort, c'est la présence. Présence inexprimable des âmes aimées souriant à nos yeux en larmes. L'être pleuré est disparu, non parti. Nous n'apercevons plus son doux visage… Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents.

Rendons justice à la mort. Ne soyons point ingrats envers elle. Elle n'est pas, comme on le dit, un écroulement et une embûche. C'est une erreur de croire qu'ici, dans cette obscurité de la fosse ouverte, tout se perd. Ici tout se retrouve. La tombe est un lieu de restitution. Ici l'âme ressaisit l'infini ; ici elle recouvre sa plénitude ; ici elle rentre en possession de sa mystérieuse nature ; elle est déliée du corps, déliée du besoin, déliée du fardeau, déliée de la fatalité. La mort est la plus grande des libertés. Elle est aussi le plus grand des progrès. La mort, c'est la montée de tout ce qui a vécu au degré supérieur. Ascension éblouissante et sacrée. Chacun reçoit son augmentation. Tout se transfigure dans la lumière et par la lumière. Celui qui n'a été qu'honnête sur la terre devient beau, celui qui n'a été que beau devient sublime, celui qui n'a été que sublime devient bon.

Et maintenant, moi qui parle, pourquoi suis-je ici ? qu'est-ce que j'apporte à cette fosse ? de quel droit viens-je adresser la parole à la mort ? Qui suis-je ? Rien. Je me trompe, je suis quelque chose. Je suis un proscrit. Exilé de force hier, exilé volontaire aujourd'hui. Un proscrit est un vaincu, un calomnié, un persécuté, un blessé de la destinée, un déshérité de la patrie ; un proscrit est un innocent sous le poids d'une malédiction. Sa bénédiction doit être bonne. Je bénis ce tombeau.

Je bénis l'être noble et gracieux qui est dans cette fosse. Dans le désert on rencontre des oasis ; dans l'exil on rencontre des âmes. Emily de Putron a été une des charmantes âmes rencontrées. Je viens lui payer la dette de l'exil consolé. Je la bénis dans la profondeur sombre. Au nom des afflictions sur lesquelles elle a doucement rayonné, au nom des épreuves de la destinée, finies pour elle, continuées pour nous ; au nom de tout ce qu'elle a espéré autrefois et de tout ce qu'elle obtient aujourd'hui, au nom de tout ce qu'elle a aimé, je bénis cette morte, je la bénis dans sa beauté, dans sa jeunesse, dans sa douceur, dans sa vie et dans sa mort ; je la bénis dans sa blanche robe du sépulcre, dans sa maison qu'elle laisse désolée, dans son cercueil que sa mère a rempli de fleurs et que Dieu va remplir d'étoiles ! »

A ces remarquables paroles, il ne manque absolument que le mot Spiritisme. Ce n'est pas seulement l'expression d'une vague croyance à l'âme et à sa survivance ; c'est encore moins le froid néant succédant à l'activité de la vie, ensevelissant pour toujours, sous son manteau de glace, l'esprit, la grâce, la beauté, les qualités du cœur ; ce n'est pas non plus l'âme abîmée dans cet océan de l'infini qu'on appelle le tout universel ; c'est bien l'être réel, individuel, présent au milieu de nous, souriant à ceux qui lui sont chers, les voyant, les écoutant, leur parlant par la pensée. Quoi de plus beau, de plus vrai que ces paroles : « Aimer, c'est vivre au-delà de la vie. Sans cette foi, aucun don profond du cœur ne serait possible ; aimer, qui est le but de l'homme, serait son supplice. Ce paradis serait l'enfer. Non ! disons-le bien haut, la créature aimante exige la créature immortelle. Le cœur a besoin de l'âme. » Quelle idée plus juste de la mort que celle-ci : « Le prodige de ce grand départ céleste qu'on appelle la mort, c'est que ceux qui partent ne s'éloignent point. Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres… Ils sont là-haut et tout près. O vous, qui que vous soyez, qui avez vu s'évanouir dans la tombe un être cher, ne vous croyez pas quittés par lui. Il est toujours là. Il est à côté de vous plus que jamais. C'est une erreur de croire qu'ici, dans cette obscurité de la fosse ouverte, tout se perd. Ici tout se retrouve. La tombe est un lieu de restitution. Ici l'âme ressaisit l'infini ; ici elle recouvre sa plénitude. »

N'est-ce pas exactement ce qu'enseigne le Spiritisme ? Mais à ceux qui pourraient se croire le jouet d'une illusion, il vient ajouter à la théorie la sanction du fait matériel, par la communication de ceux qui sont partis avec ceux qui restent. Qu'y a-t-il donc de si déraisonnable à croire que ces mêmes êtres qui sont à côté de nous, avec un corps éthéré, puissent entrer en relation avec nous ?

O vous ! sceptiques, qui riez de nos croyances, riez donc de ces paroles du poète philosophe dont vous reconnaissez la haute intelligence ! Direz-vous qu'il est halluciné ? qu'il est fou quand il croit à la manifestation des Esprits ? Est-il fou celui qui a écrit : « Ayons compassion des châtiés. Hélas ! qui sommes-nous nous-mêmes ? qui suis-je, moi qui vous parle ? Qui êtes-vous, vous qui m'écoutez ? D'où venons-nous ? Est-il bien sûr que nous n'ayons rien fait avant d'être nés ? La terre n'est point sans ressemblance avec une geôle. Qui sait si l'homme n'est pas un repris de justice divine ? Regardez la vie de près ; elle est ainsi faite qu'on y sent partout de la punition. » Les Misérables, 7e vol., liv. vii, chap. 1er.) - N'est-ce pas là la préexistence de l'âme, la réincarnation sur la terre ; la terre, monde d'expiation ? (Voy. l'Imitation de l'Évangile, nos 27, 46, 47.)

Vous qui niez l'avenir, quelle étrange satisfaction est la vôtre de vous complaire à la pensée de l'anéantissement de votre être, de ceux que vous avez aimés ! Oh ! vous avez raison de redouter la mort, car pour vous c'est la fin de toutes vos espérances.

Le discours ci-dessus ayant été lu à la Société Spirite de Paris, dans la séance du 27 janvier 1865, l'Esprit de la jeune Emily de Putron, qui, sans doute, l'écoutait et partageait l'émotion de l'assemblée, s'est manifesté spontanément par madame Costel, et a dicté les paroles suivantes :

« Les paroles du poète ont couru comme un souffle sonore sur cette assemblée ; elles ont fait tressaillir vos Esprits ; elles ont évoqué mon âme qui flotte incertaine encore dans l'éther infini !

O poète, révélateur de la vie, tu connais bien la mort, car tu ne couronnes pas de cyprès ceux que tu pleures, mais tu rattaches sur leur front les tremblantes violettes de l'espérance ! J'ai passé rapide et légère, effleurant à peine les joies attendries de la vie ; au déclin du jour, je me suis envolée sur le rayon tremblant qui mourait au sein des flots.

O ma mère, ma sœur, mes amis, grand poète ! ne pleurez plus, mais soyez attentifs ! Le murmure qui frôle vos oreilles est le mien ; le parfum de la fleur penchée est mon souffle. Je me mêle à la grande vie pour mieux pénétrer votre amour. Nous sommes éternels ; ce qui n'a pas commencé ne peut finir, et ton génie, ô poète, semblable au fleuve qui court vers la mer, remplira l'Éternité de la puissance qui est force et amour !

Emily. »

Notices bibliographiques

La Luce,

Giornale dello Spiritismo in Bologna (Italia).

Le Spiritisme compte un nouvel organe en Italie. La Lumière, journal du Spiritisme à Bologne, paraît par livraisons mensuelles. (10 fr. par an pour l'Italie.) Voici la traduction de son programme :

« L'aurore d'un grand jour a paru, et déjà il resplendit dans les cieux. Le Spiritisme, ce fait surprenant, et pour beaucoup incroyable, a fait son apparition dans toutes les parties du monde, et marche avec une irrésistible puissance. Aujourd'hui, ses adeptes se comptent par millions et sont répandus partout.

D'importants ouvrages et de nombreux journaux spéciaux, dus à des intelligences d'élite, sont publiés sur cette sublime philosophie, principalement en France, où de nombreuses sociétés s'en occupent. Plusieurs villes d'Italie ont aussi des réunions spirites ; des sociétés de savants existent à Naples et à Turin ; celle de cette dernière ville publie l'excellent journal : les Annales du Spiritisme à Turin.

Ceux qui ignorent les principes de cette nouvelle science s'efforcent en vain de la ridiculiser et de faire passer ses adhérents pour des rêveurs et des hallucinés. Les communications entre le monde invisible et le monde corporel sont dans la nature des choses ; elles ont existé de tout temps ; c'est pourquoi on en trouve les traces chez tous les peuples et à toutes les époques. Ces communications, aujourd'hui plus générales, plus répandues, patentes pour tous, ont un but : Les Esprits viennent annoncer que les temps prédits par la Providence pour une manifestation universelle sont arrivés ; ils ont pour mission d'instruire les hommes, en ouvrant une ère nouvelle pour la régénération de l'humanité.

C'est en vain que les pharisiens de l'époque s'agitent, que l'incrédulité s'arme d'un superbe sourire, ils n'arrêteront pas l'étoile du Spiritisme ; plus elle avance, plus sa force s'accroît et vient abattre l'orgueilleux matérialisme qui menace d'envahir toutes les classes de la société.

« Si donc, dans les centres les plus intelligents, dans les plus grandes villes, dans les capitales, on étudie depuis plusieurs années et avec intérêt ces phénomènes qui, en dehors des lois de la science vulgaire, se manifestent de tous côtés, c'est qu'on en a reconnu la réalité, et qu'on y a vu l'action d'une volonté libre et intelligente.

Le journal la Lumière est fondé dans le but de propager cette nouvelle science, en s'appuyant sur les ouvrages spéciaux les plus instructifs, parmi lesquels nous mettons en première ligne ceux d'Allan Kardec, le docte président de la Société spirite de Paris, qui nous fourniront la matière de la partie philosophique, et la théorie de la partie expérimentale. Etude et bonne volonté, sont les deux conditions nécessaires pour arriver à expérimenter soi-même. Dans la seconde partie, notre journal contiendra les dictées données par les Esprits, les unes sur la plus consolante philosophie et la morale la plus pure ; les autres, quoique familières, seront choisies parmi les plus propres à inspirer la foi, l'amour et l'espérance. En outre, passant en revue les ouvrages et journaux spirites, nous publierons tous les faits de nature à intéresser nos lecteurs. Aucune discussion ne sera engagée avec les personnes qui ne connaissent pas les principes du Spiritisme.

La foi et le courage nous rendront moins pénible notre devoir, et plus facile le chemin pour arriver à la vérité. »



Le Monde musical, journal de la littérature et des beaux-arts,

Publié sous la direction de MM. Malibran et Roselli. Administrateur : M. Vauchez. -
Bureaux à Bruxelles, rue de la Montagne, 51.

Ce journal, dont nous avons rendu compte dans notre numéro de décembre 1864, vient de se constituer en société en commandite au capital de 60 000 fr., divisé en 2 400 actions de 25 fr. chacune. Intérêts des actions, 6 p. 100 par an ; part dans le dividende annuel de 40 p. 100 sur les bénéfices. - Il paraît tous les dimanches, format des grands journaux. - Prix de l'abonnement : pour la Belgique, 4 fr. par an ; 10 cent. le numéro. - Pour la France, 10 fr. par an. - On s'abonne à Paris, 8, rue Ribouté.

Les sympathies de ce journal pour le Spiritisme le recommandent à tous les adeptes. Chaque numéro contient un très bon article sur la doctrine. Quoique nous soyons complètement étranger à sa direction, l'administration de la Revue spirite se charge, par pure obligeance, de recevoir les abonnements et les souscriptions d'actions.



Correspondance

- Merci au Spirite anonyme de Saint-Pétersbourg qui nous a envoyé 50 fr. pour la pauvre ouvrière de Lyon, sur la demande de Carita. Si les hommes ne savent pas son nom, Dieu le sait.



Allan Kardec



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