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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1865 > Septembre
Septembre
De la médiumnité guérissante
On nous écrit de Lyon, 12 juillet 1865 :
« Cher Monsieur Kardec.
Je viens, en qualité de Spirite, recourir à votre obligeance, et vous prier de vouloir bien me donner quelques conseils relativement à la pratique de la médiumnité guérissante par l'imposition des mains. Un simple article à ce sujet dans la Revue Spirite, renfermant quelques développements, serait accueilli, j'en suis sûr, avec un grand intérêt, non-seulement par ceux qui, comme moi, s'occupent de cette question avec ardeur, mais encore par beaucoup d'autres à qui cette lecture pourrait inspirer le désir de s'en occuper aussi. Je me rappelle toujours ces mots d'une somnambule que j'avais formée. Je l'envoyais, pendant son sommeil magnétique, visiter une malade à distance, et sur ma demande comment on pourrait la guérir, elle dit : « Il y a quelqu'un dans son village qui le pourrait, c'est un tel ; il est médium guérisseur, mais il n'en sait rien. »
Je ne sais jusqu'à quel point cette faculté est spéciale, il vous appartient plus qu'à tout autre de l'apprécier, mais si elle l'est réellement, combien il serait à désirer que vous attiriez sur ce point l'attention des Spirites. Tous ceux mêmes qui, en dehors de nos opinions, vous liraient, ne pourraient avoir aucune répugnance à essayer une faculté qui ne demande que la foi en Dieu et la prière. Quoi de plus général, de plus universel ? Il n'est plus question de Spiritisme, et chacun, sur ce terrain, peut conserver ses convictions. Que de sœurs de charité, que de bons curés de campagne, que de milliers de personnes pieuses, ardentes pour la charité, pourraient être médiums guérisseurs ! C'est ce que je rêve dans toutes les religions, dans toutes les sectes. Acceptée partout, cette faculté, ce présent divin de la bonté du Créateur, au lieu de demeurer l'apanage de quelques-uns, tomberait, si je puis m'exprimer ainsi, dans le domaine public. Ce serait un beau jour pour ceux qui souffrent, et il y en a tant !
Mais, pour exercer cette faculté, indépendamment d'une foi vive et de la prière, il peut exister des conditions à réunir, des procédés à suivre pour agir le plus efficacement possible. Quelle est la part du médium dans l'imposition des mains ? Quelle est celle des Esprits ? Faut-il employer la volonté, comme dans les opérations magnétiques, ou se borner à prier, en laissant agir à son gré l'influence occulte ? Cette faculté est-elle réellement spéciale ou accessible à tous ? l'organisme y joue-t-il un rôle, et quel rôle ? Cette faculté est-elle développable, et dans quel sens ?
C'est ici où votre longue expérience, vos études sur les influences fluidiques, l'enseignement des Esprits élevés qui vous assistent, et enfin les documents que vous recueillez de tous les coins du globe, peuvent vous permettre de nous éclairer et de nous instruire ; nul, comme vous, n'est placé dans cette situation unique. Tous ceux qui s'occupent de cette question désirent vos conseils autant que moi, j'en suis sûr, et je crois me faire l'interprète de tous. Quelle mine féconde que la médiumnité guérissante ! On soulagera ou on guérira le corps, et par le soulagement ou la guérison on trouvera le chemin du cœur, là où souvent la logique avait échoué. Que de ressources possède le Spiritisme ! Qu'il est riche dans les moyens dont il est appelé à se servir ! N'en laissons aucun improductif ; que tout concoure à l'élever et à le répandre. Vous n'y épargnez rien, cher monsieur Kardec, et après Dieu et les bons Esprits, le Spiritisme vous doit ce qu'il est. Vous avez déjà une récompense en ce monde par la sympathie et l'affection de millions de cœurs qui prient pour vous, sans compter la vraie récompense qui vous attend dans un monde meilleur.
J'ai l'honneur etc.
A. D. »
Ce que nous demande notre honorable correspondant, n'est rien moins qu'un traité sur la matière. La question a été ébauchée dans le Livre des médiums et dans maints articles de la Revue, à propos de faits de guérisons et d'obsessions ; elle est résumée dans l'Évangile selon le Spiritisme, à propos des prières pour les malades et les médiums guérisseurs. Si un traité régulier et complet n'a point encore été fait, cela tient à deux causes : la première que, malgré toute l'activité que nous déployons dans nos travaux, il nous est impossible de tout faire à la fois ; la seconde, qui est plus grave, est dans l'insuffisance des notions que l'on possède encore à cet égard. La connaissance de la médiumnité guérissante est une des conquêtes que nous devons au Spiritisme ; mais le Spiritisme, qui commence, ne peut encore avoir tout dit ; il ne peut d'un seul coup, nous montrer tous les faits qu'il embrasse ; chaque jour il en déroule de nouveaux, d'où découlent de nouveaux principes qui viennent corroborer ou compléter ceux que l'on connaît déjà, mais il faut le temps matériel pour tout. La médiumnité guérissante devait avoir son tour ; quoique partie intégrante du Spiritisme, elle est, à elle seule, tout une science, car elle se lie au magnétisme, et embrasse non seulement les maladies proprement dites, mais toutes les variétés, si nombreuses et si compliquées d'obsessions qui, elles-mêmes influent sur l'organisme. Ce n'est donc pas en quelques mots qu'on peut développer un sujet aussi vaste. Nous y travaillons, comme à toutes les autres parties du Spiritisme, mais comme nous ne voulons rien y mettre de notre chef et qui soit hypothétique, nous ne procédons que par voie d'expérience et d'observation. Les bornes de cet article ne nous permettant pas d'y donner les développements qu'il comporte, nous résumons quelques-uns des principes fondammentaux que l'expérience a consacrés.
1. Les médiums qui obtiennent des indications de remèdes de la part des Esprits ne sont pas ce qu'on appelle des médiums guérisseurs, car ils ne guérissent point par eux-mêmes ; ce sont de simples médiums écrivains qui ont une aptitude plus spéciale que d'autres pour ce genre de communications, et que, pour cette raison, on peut appeler médiums consultants, comme d'autres sont médiums poètes ou dessinateurs. La médiumnité guérissante s'exerce par l'action directe du médium sur le malade, à l'aide d'une sorte de magnétisation de fait ou de pensée.
2. Qui dit médium dit intermédiaire. Il y a cette différence entre le magnétiseur proprement dit et le médium guérisseur, que le premier magnétise avec son fluide personnel, et le second avec le fluide des Esprits, auquel il sert de conducteur. Le magnétisme produit par le fluide de l'homme est le magnétisme humain ; celui qui provient du fluide des Esprits est le magnétisme spirituel.
3. Le fluide magnétique a donc deux sources bien distinctes : les Esprits incarnés et les Esprits désincarnés. Cette différence d'origine en produit une très grande dans la qualité du fluide et dans ses effets.
Le fluide humain est toujours plus ou moins imprégné des impuretés physiques et morales de l'incarné ; celui des bons Esprits est nécessairement plus pur et, par cela même, a des propriétés plus actives qui amènent une guérison plus prompte. Mais, en passant par l'intermédiaire de l'incarné, il peut s'altérer comme une eau limpide en passant par un vase impur, comme tout remède s'altère s'il a séjourné dans un vase malpropre, et perdre en partie ses propriétés bienfaisantes. De là, pour tout véritable médium guérisseur, la nécessité absolue de travailler à son épuration, c'est-à-dire à son amélioration morale, selon ce principe vulgaire : nettoyez le vase avant de vous en servir, si vous voulez avoir quelque chose de bon. Cela seul suffit pour montrer que le premier venu ne saurait être médium guérisseur, dans la véritable acception du mot.
4. Le fluide spirituel est d'autant plus épuré et bienfaisant que l'Esprit qui le fournit est lui-même plus pur et plus dégagé de la matière. On conçoit que celui des Esprits inférieurs doit se rapprocher de celui de l'homme et peut avoir des propriétés malfaisantes, si l'Esprit est impur et animé de mauvaises intentions.
Par la même raison, les qualités du fluide humain présentent des nuances infinies selon les qualités physiques et morales de l'individu ; il est évident que le fluide suintant d'un corps malsain peut inoculer des principes morbides chez le magnétisé. Les qualités morales du magnétiseur, c'est-à-dire la pureté d'intention et de sentiment, le désir ardent et désintéressé de soulager son semblable, joints à la santé du corps, donnent au fluide une puissance réparatrice qui peut, chez certains individus, approcher des qualités du fluide spirituel.
Ce serait donc une erreur de considérer le magnétiseur comme une simple machine à transmission fluidique. En cela comme en toutes choses, le produit est en raison de l'instrument et de l'agent producteur. Par ces motifs, il y aurait imprudence à se soumettre à l'action magnétique du premier inconnu ; abstraction faite des connaissances pratiques indispensables, le fluide du magnétiseur est comme le lait d'une nourrice : salutaire ou insalubre.
5. Le fluide humain étant moins actif exige une magnétisation soutenue et un véritable traitement parfois très long ; le magnétiseur, dépensant son propre fluide, s'épuise et se fatigue, car c'est de son propre élément vital qu'il donne ; c'est pourquoi il doit, de temps en temps, récupérer ses forces. Le fluide spirituel, plus puissant en raison de sa pureté, produit des effets plus rapides et souvent presque instantanés. Ce fluide n'étant pas celui du magnétiseur, il en résulte que la fatigue est presque nulle.
6. L'Esprit peut agir directement, sans intermédiaire, sur un individu, ainsi qu'on a pu le constater en mainte occasion, soit pour le soulager, le guérir si cela se peut, ou pour produire le sommeil somnambulique. Lorsqu'il agit par intermédiaire, c'est le cas de la médiumnité guérissante.
7. Le médium guérisseur reçoit l'influx fluidique de l'Esprit, tandis que le magnétiseur puise tout en lui-même. Mais les médiums guérisseurs, dans la stricte acception du mot, c'est-à-dire ceux dont la personnalité s'efface complètement devant l'action spirituelle, sont extrêmement rares, parce que cette faculté, élevée au plus haut degré, requiert un ensemble de qualités morales que l'on trouve rarement sur la terre ; ceux-là seulement peuvent obtenir, par l'imposition des mains, ces guérisons instantanées qui nous semblent prodigieuses ; bien peu de personnes peuvent prétendre à cette faveur. L'orgueil et l'égoïsme étant les principales sources des imperfections humaines, il en résulte que ceux qui se vantent de posséder ce don, qui vont partout prônant les cures merveilleuses qu'ils ont faites, ou qu'ils disent avoir faites, qui cherchent la gloire, la réputation ou le profit, sont dans les plus mauvaises conditions pour l'obtenir, car cette faculté est le privilège exclusif de la modestie, de l'humilité, du dévouement et du désintéressement. Jésus disait à ceux qu'il avait guéri : Allez rendre grâce à Dieu, et ne le dites à personne.
8. La médiumnité guérissante pure étant donc une exception ici-bas, il en résulte qu'il y a presque toujours action simultanée du fluide spirituel et du fluide humain ; c'est-à-dire que les médiums guérisseurs sont tous plus ou moins magnétiseurs, c'est pourquoi ils agissent d'après les procédés magnétiques ; la différence est dans la prédominance de l'un ou de l'autre fluide, et dans le plus ou moins de rapidité de la guérison. Tout magnétiseur peut devenir médium guérisseur s'il sait se faire assister par de bons Esprits ; dans ce cas les Esprits lui viennent en aide en déversant sur lui leur propre fluide qui peut décupler ou centupler l'action du fluide purement humain.
9. Les Esprits viennent vers qui ils veulent ; nulle volonté ne peut les contraindre ; ils se rendent à la prière si elle est fervente, sincère, mais jamais à l'injonction. Il en résulte que la volonté ne peut donner la médiumnité guérissante, et que nul ne peut être médium guérisseur de dessein prémédité. On reconnaît le médium guérisseur aux résultats qu'il obtient, et non à la prétention de l'être.
10. Mais si la volonté est inefficace quant au concours des Esprits, elle est toute puissante pour imprimer au fluide, spirituel ou humain, une bonne direction, et une plus grande énergie. Chez l'homme mou et distrait, le courant est mou, l'émission faible ; le fluide spirituel s'arrête en lui, mais sans profit pour lui ; chez l'homme d'une volonté énergique, le courant produit l'effet d'une douche. Il ne faut pas confondre la volonté énergique avec l'entêtement, car l'entêtement est toujours une suite de l'orgueil ou de l'égoïsme, tandis que le plus humble peut avoir la volonté du dévouement.
La volonté est encore toute puissante pour donner aux fluides les qualités spéciales appropriées à la nature du mal. Ce point qui est capital, se rattache à un principe encore peu connu, mais qui est à l'étude, celui des créations fluidiques, et des modifications que la pensée peut faire subir à la matière. La pensée, qui provoque une émission fluidique, peut opérer certaines transformations, moléculaires et atomiques, comme on en voit se produire sous l'influence de l'électricité, de la lumière ou de la chaleur.
11. La prière, qui est une pensée, lorsqu'elle est fervente, ardente, faite avec foi, produit l'effet d'une magnétisation, non seulement en appelant le concours des bons Esprits, mais en dirigeant sur le malade un courant fluidique salutaire. Nous appelons à ce sujet l'attention sur les prières contenues dans l'Evangile selon le Spiritisme, pour les malades ou les obsédés.
12. Si la médiumnité guérissante pure est le privilège des âmes d'élite, la possibilité d'adoucir certaines souffrances, de guérir même, quoique d'une manière non instantanée, certaines maladies, est donnée à tout le monde, sans qu'il soit besoin d'être magnétiseur. La connaissance des procédés magnétiques est utile dans des cas compliqués, mais elle n'est pas indispensable. Comme il est donné à tout le monde de faire appel aux bons Esprits, de prier et de vouloir le bien, il suffit souvent d'imposer les mains sur une douleur pour la calmer ; c'est ce que peut faire tout individu, s'il y apporte la foi, la ferveur, la volonté et la confiance en Dieu. Il est à remarquer que la plupart des médiums guérisseurs inconscients, ceux qui ne se rendent aucun compte de leur faculté, et que l'on rencontre parfois dans les conditions les plus humbles, et chez des gens privés de toute instruction, recommandent la prière, et s'aident eux-mêmes en priant. Seulement, leur ignorance leur fait croire à l'influence de telle ou telle formule ; quelquefois même ils y mêlent des pratiques évidemment superstitieuses dont il faut faire le cas qu'elles méritent.
13. Mais de ce que l'on aura obtenu une fois, ou même plusieurs fois, des résultats satisfaisants, il serait téméraire de se donner comme médium guérisseur, et d'en conclure qu'on peut vaincre toute espèce de mal. L'expérience prouve que, dans l'acception restreinte du mot, parmi les mieux doués, il n'y a pas de médiums guérisseurs universels. Tel aura rendu la santé à un malade qui ne produira rien sur un autre ; tel aura guéri un mal chez un individu, qui ne guérira pas le même mal une autre fois, sur la même personne ou sur une autre ; tel enfin aura la faculté aujourd'hui, qui ne l'aura plus demain, et pourra la recouvrer plus tard, selon les affinités ou les conditions fluidiques où il se trouve.
La médiumnité guérissante est une aptitude, comme tous les genres de médiumnité, inhérente à l'individu, mais le résultat effectif de cette aptitude est indépendant de sa volonté. Elle se développe incontestablement par l'exercice, et surtout par la pratique du bien et de la charité ; mais comme elle ne saurait avoir la fixité, ni la ponctualité d'un talent acquis par l'étude, et dont on est toujours maître, elle ne saurait devenir une profession. Ce serait donc abusivement qu'une personne s'afficherait devant le public comme médium guérisseur. Ces réflexions ne s'appliquent point aux magnétiseurs, parce que la puissance est en eux, et qu'ils sont libres d'en disposer.
15. C'est une erreur de croire que ceux qui ne partagent pas nos croyances, n'auraient aucune répugnance à essayer de cette faculté. La médiumnité guérissante raisonnée est intimement liée au Spiritisme, puisqu'elle repose essentiellement sur le concours des Esprits ; or, ceux qui ne croient ni aux Esprits, ni à leur âme, et encore moins à l'efficacité de la prière, ne sauraient se placer dans les conditions voulues, car ce n'est point une chose que l'on puisse essayer machinalement. Parmi ceux qui croient à l'âme et son immortalité, combien n'en est-il pas encore aujourd'hui qui reculeraient d'effroi devant un appel aux bons Esprits, dans la crainte d'attirer le démon, et qui croient encore de bonne foi que toutes ces guérisons sont l'œuvre du diable ? Le fanatisme est aveugle ; il ne raisonne pas. Il n'en sera pas toujours ainsi, sans doute, mais il se passera encore du temps avant que le jour pénètre dans certains cerveaux. En attendant, faisons le plus de bien possible à l'aide du Spiritisme ; faisons-en même à nos ennemis, dussions-nous être payés d'ingratitude, c'est le meilleur moyen de vaincre certaines résistances, et de prouver que le Spiritisme n'est pas aussi noir que quelques-uns le prétendent.
« Cher Monsieur Kardec.
Je viens, en qualité de Spirite, recourir à votre obligeance, et vous prier de vouloir bien me donner quelques conseils relativement à la pratique de la médiumnité guérissante par l'imposition des mains. Un simple article à ce sujet dans la Revue Spirite, renfermant quelques développements, serait accueilli, j'en suis sûr, avec un grand intérêt, non-seulement par ceux qui, comme moi, s'occupent de cette question avec ardeur, mais encore par beaucoup d'autres à qui cette lecture pourrait inspirer le désir de s'en occuper aussi. Je me rappelle toujours ces mots d'une somnambule que j'avais formée. Je l'envoyais, pendant son sommeil magnétique, visiter une malade à distance, et sur ma demande comment on pourrait la guérir, elle dit : « Il y a quelqu'un dans son village qui le pourrait, c'est un tel ; il est médium guérisseur, mais il n'en sait rien. »
Je ne sais jusqu'à quel point cette faculté est spéciale, il vous appartient plus qu'à tout autre de l'apprécier, mais si elle l'est réellement, combien il serait à désirer que vous attiriez sur ce point l'attention des Spirites. Tous ceux mêmes qui, en dehors de nos opinions, vous liraient, ne pourraient avoir aucune répugnance à essayer une faculté qui ne demande que la foi en Dieu et la prière. Quoi de plus général, de plus universel ? Il n'est plus question de Spiritisme, et chacun, sur ce terrain, peut conserver ses convictions. Que de sœurs de charité, que de bons curés de campagne, que de milliers de personnes pieuses, ardentes pour la charité, pourraient être médiums guérisseurs ! C'est ce que je rêve dans toutes les religions, dans toutes les sectes. Acceptée partout, cette faculté, ce présent divin de la bonté du Créateur, au lieu de demeurer l'apanage de quelques-uns, tomberait, si je puis m'exprimer ainsi, dans le domaine public. Ce serait un beau jour pour ceux qui souffrent, et il y en a tant !
Mais, pour exercer cette faculté, indépendamment d'une foi vive et de la prière, il peut exister des conditions à réunir, des procédés à suivre pour agir le plus efficacement possible. Quelle est la part du médium dans l'imposition des mains ? Quelle est celle des Esprits ? Faut-il employer la volonté, comme dans les opérations magnétiques, ou se borner à prier, en laissant agir à son gré l'influence occulte ? Cette faculté est-elle réellement spéciale ou accessible à tous ? l'organisme y joue-t-il un rôle, et quel rôle ? Cette faculté est-elle développable, et dans quel sens ?
C'est ici où votre longue expérience, vos études sur les influences fluidiques, l'enseignement des Esprits élevés qui vous assistent, et enfin les documents que vous recueillez de tous les coins du globe, peuvent vous permettre de nous éclairer et de nous instruire ; nul, comme vous, n'est placé dans cette situation unique. Tous ceux qui s'occupent de cette question désirent vos conseils autant que moi, j'en suis sûr, et je crois me faire l'interprète de tous. Quelle mine féconde que la médiumnité guérissante ! On soulagera ou on guérira le corps, et par le soulagement ou la guérison on trouvera le chemin du cœur, là où souvent la logique avait échoué. Que de ressources possède le Spiritisme ! Qu'il est riche dans les moyens dont il est appelé à se servir ! N'en laissons aucun improductif ; que tout concoure à l'élever et à le répandre. Vous n'y épargnez rien, cher monsieur Kardec, et après Dieu et les bons Esprits, le Spiritisme vous doit ce qu'il est. Vous avez déjà une récompense en ce monde par la sympathie et l'affection de millions de cœurs qui prient pour vous, sans compter la vraie récompense qui vous attend dans un monde meilleur.
J'ai l'honneur etc.
A. D. »
Ce que nous demande notre honorable correspondant, n'est rien moins qu'un traité sur la matière. La question a été ébauchée dans le Livre des médiums et dans maints articles de la Revue, à propos de faits de guérisons et d'obsessions ; elle est résumée dans l'Évangile selon le Spiritisme, à propos des prières pour les malades et les médiums guérisseurs. Si un traité régulier et complet n'a point encore été fait, cela tient à deux causes : la première que, malgré toute l'activité que nous déployons dans nos travaux, il nous est impossible de tout faire à la fois ; la seconde, qui est plus grave, est dans l'insuffisance des notions que l'on possède encore à cet égard. La connaissance de la médiumnité guérissante est une des conquêtes que nous devons au Spiritisme ; mais le Spiritisme, qui commence, ne peut encore avoir tout dit ; il ne peut d'un seul coup, nous montrer tous les faits qu'il embrasse ; chaque jour il en déroule de nouveaux, d'où découlent de nouveaux principes qui viennent corroborer ou compléter ceux que l'on connaît déjà, mais il faut le temps matériel pour tout. La médiumnité guérissante devait avoir son tour ; quoique partie intégrante du Spiritisme, elle est, à elle seule, tout une science, car elle se lie au magnétisme, et embrasse non seulement les maladies proprement dites, mais toutes les variétés, si nombreuses et si compliquées d'obsessions qui, elles-mêmes influent sur l'organisme. Ce n'est donc pas en quelques mots qu'on peut développer un sujet aussi vaste. Nous y travaillons, comme à toutes les autres parties du Spiritisme, mais comme nous ne voulons rien y mettre de notre chef et qui soit hypothétique, nous ne procédons que par voie d'expérience et d'observation. Les bornes de cet article ne nous permettant pas d'y donner les développements qu'il comporte, nous résumons quelques-uns des principes fondammentaux que l'expérience a consacrés.
1. Les médiums qui obtiennent des indications de remèdes de la part des Esprits ne sont pas ce qu'on appelle des médiums guérisseurs, car ils ne guérissent point par eux-mêmes ; ce sont de simples médiums écrivains qui ont une aptitude plus spéciale que d'autres pour ce genre de communications, et que, pour cette raison, on peut appeler médiums consultants, comme d'autres sont médiums poètes ou dessinateurs. La médiumnité guérissante s'exerce par l'action directe du médium sur le malade, à l'aide d'une sorte de magnétisation de fait ou de pensée.
2. Qui dit médium dit intermédiaire. Il y a cette différence entre le magnétiseur proprement dit et le médium guérisseur, que le premier magnétise avec son fluide personnel, et le second avec le fluide des Esprits, auquel il sert de conducteur. Le magnétisme produit par le fluide de l'homme est le magnétisme humain ; celui qui provient du fluide des Esprits est le magnétisme spirituel.
3. Le fluide magnétique a donc deux sources bien distinctes : les Esprits incarnés et les Esprits désincarnés. Cette différence d'origine en produit une très grande dans la qualité du fluide et dans ses effets.
Le fluide humain est toujours plus ou moins imprégné des impuretés physiques et morales de l'incarné ; celui des bons Esprits est nécessairement plus pur et, par cela même, a des propriétés plus actives qui amènent une guérison plus prompte. Mais, en passant par l'intermédiaire de l'incarné, il peut s'altérer comme une eau limpide en passant par un vase impur, comme tout remède s'altère s'il a séjourné dans un vase malpropre, et perdre en partie ses propriétés bienfaisantes. De là, pour tout véritable médium guérisseur, la nécessité absolue de travailler à son épuration, c'est-à-dire à son amélioration morale, selon ce principe vulgaire : nettoyez le vase avant de vous en servir, si vous voulez avoir quelque chose de bon. Cela seul suffit pour montrer que le premier venu ne saurait être médium guérisseur, dans la véritable acception du mot.
4. Le fluide spirituel est d'autant plus épuré et bienfaisant que l'Esprit qui le fournit est lui-même plus pur et plus dégagé de la matière. On conçoit que celui des Esprits inférieurs doit se rapprocher de celui de l'homme et peut avoir des propriétés malfaisantes, si l'Esprit est impur et animé de mauvaises intentions.
Par la même raison, les qualités du fluide humain présentent des nuances infinies selon les qualités physiques et morales de l'individu ; il est évident que le fluide suintant d'un corps malsain peut inoculer des principes morbides chez le magnétisé. Les qualités morales du magnétiseur, c'est-à-dire la pureté d'intention et de sentiment, le désir ardent et désintéressé de soulager son semblable, joints à la santé du corps, donnent au fluide une puissance réparatrice qui peut, chez certains individus, approcher des qualités du fluide spirituel.
Ce serait donc une erreur de considérer le magnétiseur comme une simple machine à transmission fluidique. En cela comme en toutes choses, le produit est en raison de l'instrument et de l'agent producteur. Par ces motifs, il y aurait imprudence à se soumettre à l'action magnétique du premier inconnu ; abstraction faite des connaissances pratiques indispensables, le fluide du magnétiseur est comme le lait d'une nourrice : salutaire ou insalubre.
5. Le fluide humain étant moins actif exige une magnétisation soutenue et un véritable traitement parfois très long ; le magnétiseur, dépensant son propre fluide, s'épuise et se fatigue, car c'est de son propre élément vital qu'il donne ; c'est pourquoi il doit, de temps en temps, récupérer ses forces. Le fluide spirituel, plus puissant en raison de sa pureté, produit des effets plus rapides et souvent presque instantanés. Ce fluide n'étant pas celui du magnétiseur, il en résulte que la fatigue est presque nulle.
6. L'Esprit peut agir directement, sans intermédiaire, sur un individu, ainsi qu'on a pu le constater en mainte occasion, soit pour le soulager, le guérir si cela se peut, ou pour produire le sommeil somnambulique. Lorsqu'il agit par intermédiaire, c'est le cas de la médiumnité guérissante.
7. Le médium guérisseur reçoit l'influx fluidique de l'Esprit, tandis que le magnétiseur puise tout en lui-même. Mais les médiums guérisseurs, dans la stricte acception du mot, c'est-à-dire ceux dont la personnalité s'efface complètement devant l'action spirituelle, sont extrêmement rares, parce que cette faculté, élevée au plus haut degré, requiert un ensemble de qualités morales que l'on trouve rarement sur la terre ; ceux-là seulement peuvent obtenir, par l'imposition des mains, ces guérisons instantanées qui nous semblent prodigieuses ; bien peu de personnes peuvent prétendre à cette faveur. L'orgueil et l'égoïsme étant les principales sources des imperfections humaines, il en résulte que ceux qui se vantent de posséder ce don, qui vont partout prônant les cures merveilleuses qu'ils ont faites, ou qu'ils disent avoir faites, qui cherchent la gloire, la réputation ou le profit, sont dans les plus mauvaises conditions pour l'obtenir, car cette faculté est le privilège exclusif de la modestie, de l'humilité, du dévouement et du désintéressement. Jésus disait à ceux qu'il avait guéri : Allez rendre grâce à Dieu, et ne le dites à personne.
8. La médiumnité guérissante pure étant donc une exception ici-bas, il en résulte qu'il y a presque toujours action simultanée du fluide spirituel et du fluide humain ; c'est-à-dire que les médiums guérisseurs sont tous plus ou moins magnétiseurs, c'est pourquoi ils agissent d'après les procédés magnétiques ; la différence est dans la prédominance de l'un ou de l'autre fluide, et dans le plus ou moins de rapidité de la guérison. Tout magnétiseur peut devenir médium guérisseur s'il sait se faire assister par de bons Esprits ; dans ce cas les Esprits lui viennent en aide en déversant sur lui leur propre fluide qui peut décupler ou centupler l'action du fluide purement humain.
9. Les Esprits viennent vers qui ils veulent ; nulle volonté ne peut les contraindre ; ils se rendent à la prière si elle est fervente, sincère, mais jamais à l'injonction. Il en résulte que la volonté ne peut donner la médiumnité guérissante, et que nul ne peut être médium guérisseur de dessein prémédité. On reconnaît le médium guérisseur aux résultats qu'il obtient, et non à la prétention de l'être.
10. Mais si la volonté est inefficace quant au concours des Esprits, elle est toute puissante pour imprimer au fluide, spirituel ou humain, une bonne direction, et une plus grande énergie. Chez l'homme mou et distrait, le courant est mou, l'émission faible ; le fluide spirituel s'arrête en lui, mais sans profit pour lui ; chez l'homme d'une volonté énergique, le courant produit l'effet d'une douche. Il ne faut pas confondre la volonté énergique avec l'entêtement, car l'entêtement est toujours une suite de l'orgueil ou de l'égoïsme, tandis que le plus humble peut avoir la volonté du dévouement.
La volonté est encore toute puissante pour donner aux fluides les qualités spéciales appropriées à la nature du mal. Ce point qui est capital, se rattache à un principe encore peu connu, mais qui est à l'étude, celui des créations fluidiques, et des modifications que la pensée peut faire subir à la matière. La pensée, qui provoque une émission fluidique, peut opérer certaines transformations, moléculaires et atomiques, comme on en voit se produire sous l'influence de l'électricité, de la lumière ou de la chaleur.
11. La prière, qui est une pensée, lorsqu'elle est fervente, ardente, faite avec foi, produit l'effet d'une magnétisation, non seulement en appelant le concours des bons Esprits, mais en dirigeant sur le malade un courant fluidique salutaire. Nous appelons à ce sujet l'attention sur les prières contenues dans l'Evangile selon le Spiritisme, pour les malades ou les obsédés.
12. Si la médiumnité guérissante pure est le privilège des âmes d'élite, la possibilité d'adoucir certaines souffrances, de guérir même, quoique d'une manière non instantanée, certaines maladies, est donnée à tout le monde, sans qu'il soit besoin d'être magnétiseur. La connaissance des procédés magnétiques est utile dans des cas compliqués, mais elle n'est pas indispensable. Comme il est donné à tout le monde de faire appel aux bons Esprits, de prier et de vouloir le bien, il suffit souvent d'imposer les mains sur une douleur pour la calmer ; c'est ce que peut faire tout individu, s'il y apporte la foi, la ferveur, la volonté et la confiance en Dieu. Il est à remarquer que la plupart des médiums guérisseurs inconscients, ceux qui ne se rendent aucun compte de leur faculté, et que l'on rencontre parfois dans les conditions les plus humbles, et chez des gens privés de toute instruction, recommandent la prière, et s'aident eux-mêmes en priant. Seulement, leur ignorance leur fait croire à l'influence de telle ou telle formule ; quelquefois même ils y mêlent des pratiques évidemment superstitieuses dont il faut faire le cas qu'elles méritent.
13. Mais de ce que l'on aura obtenu une fois, ou même plusieurs fois, des résultats satisfaisants, il serait téméraire de se donner comme médium guérisseur, et d'en conclure qu'on peut vaincre toute espèce de mal. L'expérience prouve que, dans l'acception restreinte du mot, parmi les mieux doués, il n'y a pas de médiums guérisseurs universels. Tel aura rendu la santé à un malade qui ne produira rien sur un autre ; tel aura guéri un mal chez un individu, qui ne guérira pas le même mal une autre fois, sur la même personne ou sur une autre ; tel enfin aura la faculté aujourd'hui, qui ne l'aura plus demain, et pourra la recouvrer plus tard, selon les affinités ou les conditions fluidiques où il se trouve.
La médiumnité guérissante est une aptitude, comme tous les genres de médiumnité, inhérente à l'individu, mais le résultat effectif de cette aptitude est indépendant de sa volonté. Elle se développe incontestablement par l'exercice, et surtout par la pratique du bien et de la charité ; mais comme elle ne saurait avoir la fixité, ni la ponctualité d'un talent acquis par l'étude, et dont on est toujours maître, elle ne saurait devenir une profession. Ce serait donc abusivement qu'une personne s'afficherait devant le public comme médium guérisseur. Ces réflexions ne s'appliquent point aux magnétiseurs, parce que la puissance est en eux, et qu'ils sont libres d'en disposer.
15. C'est une erreur de croire que ceux qui ne partagent pas nos croyances, n'auraient aucune répugnance à essayer de cette faculté. La médiumnité guérissante raisonnée est intimement liée au Spiritisme, puisqu'elle repose essentiellement sur le concours des Esprits ; or, ceux qui ne croient ni aux Esprits, ni à leur âme, et encore moins à l'efficacité de la prière, ne sauraient se placer dans les conditions voulues, car ce n'est point une chose que l'on puisse essayer machinalement. Parmi ceux qui croient à l'âme et son immortalité, combien n'en est-il pas encore aujourd'hui qui reculeraient d'effroi devant un appel aux bons Esprits, dans la crainte d'attirer le démon, et qui croient encore de bonne foi que toutes ces guérisons sont l'œuvre du diable ? Le fanatisme est aveugle ; il ne raisonne pas. Il n'en sera pas toujours ainsi, sans doute, mais il se passera encore du temps avant que le jour pénètre dans certains cerveaux. En attendant, faisons le plus de bien possible à l'aide du Spiritisme ; faisons-en même à nos ennemis, dussions-nous être payés d'ingratitude, c'est le meilleur moyen de vaincre certaines résistances, et de prouver que le Spiritisme n'est pas aussi noir que quelques-uns le prétendent.
Guérison d'une fracture par la magnétisation spirituelle
Nos lecteurs se rappellent sans doute le cas de
guérison presque instantanée d'une entorse, opérée par l'Esprit du docteur
Demeure, peu de jours après sa mort, et que nous avons rapporté dans la Revue
du mois de mars dernier, ainsi que le récit de la scène touchante qui eut lieu
à cette occasion. Cet excellent Esprit vient encore de signaler son bon vouloir
par une cure plus merveilleuse encore sur la même personne. Voici ce qu'on nous
écrit de Montauban, le 14 juillet 1865 :
L'Esprit du docteur Demeure vient de nous donner une nouvelle preuve de sa sollicitude et de son profond savoir : voici à quelle occasion.
Dans la matinée du 26 mai dernier, Madame Maurel, notre médium voyant et écrivain mécanique, faisait une chute malheureuse et se cassait l'avant-bras, un peu au-dessous du coude.
Cette fracture, compliquée de foulures du poignet et du coude, était bien caractérisée par la crépitation des os et l'enflure qui en sont les signes les plus certains.
Sous l'impression de la première émotion produite par cet événement, les parents de Madame Maurel allaient chercher le premier médecin venu, lorsque celle-ci, les retenant, prit un crayon et écrivit médianimiquement de la main gauche : « N'allez pas chercher un médecin ; je me charge de cela. Demeure. » On attendit donc avec confiance.
D'après les indications de l'Esprit, des bandelettes et un appareil furent immédiatement confectionnés et placés. Une magnétisation spirituelle fut ensuite pratiquée par les bons Esprits qui ordonnèrent provisoirement le repos.
Dans la soirée du même jour, quelques adeptes convoqués par les Esprits se réunirent chez Madame Maurel, qui, endormie par un médium magnétiseur, ne tarda pas à entrer en somnambulisme. Le docteur Demeure continua alors le traitement qu'il n'avait qu'ébauché le matin, en agissant mécaniquement sur le bras fracturé. Déjà, sans autre secours apparent que sa main gauche, notre malade avait enlevé prestement le premier appareil, les bandelettes seules ayant été maintenues, lorsqu'on vit ce membre prendre insensiblement, sous l'influence de l'attraction magnétique spirituelle, diverses positions propres à faciliter la réduction de la fracture. Il semblait être alors l'objet d'attouchements intelligents, surtout au point où devait s'effectuer la soudure des os ; il s'allongeait ensuite sous l'action de tractions longitudinales.
Après quelques instants de cette magnétisation spirituelle, madame Maurel procéda seule à la consolidation des bandelettes et à une nouvelle application de l'appareil, consistant en deux planchettes se rattachant entre elles et au bras au moyen d'une courroie. Tout s'était donc passé comme si un chirurgien habile eût opéré lui-même visiblement ; et, chose curieuse, on entendait pendant le travail ces mots qui, sous l'étreinte de la douleur, s'échappaient de la bouche de la patiente : « Ne serrez pas si fort !… Vous me faites mal !… Elle voyait l'Esprit du docteur, et c'est à lui qu'elle s'adressait, le suppliant de ménager sa sensibilité. C'était donc réellement un être invisible pour tous excepté pour elle, qui lui faisait serrer le bras, en se servant inconsciemment de sa propre main gauche.
Quel était le rôle du médium magnétiseur pendant ce travail ? Il paraissait inactif à nos yeux ; sa main droite, appuyée sur l'épaule de la somnambule, il contribuait pour sa part au phénomène, par l'émission des fluides nécessaires à son accomplissement.
Dans la nuit du 27 au 28, Madame Maurel, ayant dérangé son bras par suite d'une fausse position prise pendant son sommeil, une forte fièvre s'était déclarée, pour la première fois ; il était urgent de remédier à cet état de choses. On se réunit donc de nouveau, le 28, et une fois le somnambulisme déclaré, la chaîne magnétique fut formée, sur l'invitation des bons Esprits. Après plusieurs passes et diverses manipulations, en tout semblables à celles décrites plus haut, le bras fut remis en bon état, non sans avoir fait éprouver à cette pauvre dame de bien cruelles souffrances. Malgré ce nouvel accident, le membre se ressentait déjà de l'effet salutaire produit par les magnétisations antérieures ; ce qui suit le prouve, du reste. Débarrassé momentanément de ses planchettes, il reposait sur des coussins, lorsque tout à coup il fut élevé à quelques centimètres dans une position horizontale et dirigé doucement de gauche à droite et réciproquement ; il s'abaissa ensuite obliquement et fut soumis à une nouvelle traction. Puis les Esprits se mirent à le tourner, à le retourner dans tous les sens et de temps à autre, en faisant jouer adroitement les articulations du coude et du poignet. De tels mouvements automatiques imprimés à un bras fracturé, inerte, étant contraires à toutes les lois connues de la pesanteur et de la mécanique, c'est à l'action fluidique seule que l'on peut en attribuer la cause. Si ce n'eût été la certitude de l'existence de cette fracture, ainsi que les cris déchirants de cette malheureuse dame, j'aurais eu beaucoup de peine, je l'avoue, à admettre ce fait, l'un des plus curieux que la science puisse enregistrer. Je peux donc dire, en toute sincérité, que je m'estime très heureux d'avoir pu être témoin d'un pareil phénomène.
Les 29, 30, 31 et jours suivants, des magnétisations spirituelles successives, accompagnées de manipulations variées de mille manières, apportèrent un mieux sensible dans l'état général de notre malade ; le bras prenait tous les jours de nouvelles forces. Le 31 surtout est à signaler, comme marquant le premier pas fait vers la convalescence. Ce soir-là deux Esprits qui se faisaient remarquer par l'éclat de leur rayonnement, assistaient notre ami Demeure ; ils paraissaient lui donner des avis, et celui-ci se hâtait de les mettre en pratique. L'un d'eux même se mettait de temps en temps à l'œuvre, et, par sa douce influence, produisait toujours un soulagement instantané. Vers la fin de la soirée, les planchettes furent enfin définitivement abandonnées et les bandelettes restèrent seules pour soutenir le bras et le maintenir dans une position déterminée. Je dois ajouter que, en outre, un appareil de suspension venait ajouter à la solidité suffisante du bandage. Ainsi, le sixième jour après l'accident, et malgré la fâcheuse rechute survenue le 27, la fracture était dans une telle voie de guérison, que l'emploi des moyens mis en usage par les médecins pendant trente ou quarante jours était devenu inutile. Le 4 juin, jour fixé par les bons Esprits pour la réduction définitive de cette fracture compliquée de foulures, on se réunit le soir. Madame Maurel, à peine en somnambulisme, se mit à dérouler les bandelettes qui entouraient encore son bras, en lui imprimant un mouvement de rotation si rapide que l'œil avait peine à suivre les contours de la courbe qu'il décrivait. A partir de ce moment, elle se servait de son bras comme d'habitude ; elle était guérie.
A la fin de la séance eut lieu une scène touchante qui mérite d'être rapportée ici. Les bons Esprits, au nombre de trente, formaient dans le commencement une chaîne magnétique parallèle à celle que nous formions nous-mêmes. Madame Maurel s'étant mise, par la main droite, en communication directe successivement avec chaque couple d'Esprits, recevait, placée comme elle l'était dans l'intérieur des deux chaînes, l'action bienfaisante d'un double courant fluidique énergique. Radieuse de bonheur, elle saisissait avec empressement l'occasion de les remercier avec effusion du concours puissant qu'ils avaient prêté à sa guérison. Elle en recevait à son tour des encouragements à persévérer dans le bien. Ceci terminé, elle essaya ses forces de mille façons ; présentant son bras aux assistants, leur faisant toucher les cicatrices de la soudure des os ; elle leur serrait la main avec force, leur annonçant avec joie sa guérison opérée par les bons Esprits. A son réveil, se voyant libre dans tous ses mouvements, elle s'évanouit, dominée par sa profonde émotion !…
Quand on a été témoin de tels faits, on ne peut que les proclamer bien haut, car ils méritent d'attirer l'attention des gens sérieux.
Pourquoi donc trouve-t-on, dans le monde intelligent, tant de résistance pour admettre l'intervention des Esprits sur la matière ? Car il se trouve des personnes qui croient à l'existence et à l'individualité de l'Esprit, et qui lui refusent la possibilité de se manifester. C'est parce qu'elles ne se rendent pas compte des facultés physiques de l'Esprit qu'on se figure immatériel d'une manière absolue. L'expérience démontre, au contraire, que, par sa nature propre, il agit directement sur les fluides impondérables, et par suite sur les fluides pondérables, et même sur les corps tangibles.
Comment procède un magnétiseur ordinaire ? Supposons qu'il veuille agir sur un bras, par exemple : il concentre son action sur ce membre, et par un simple mouvement de ses doigts, exécuté à distance et dans tous les sens, agissant absolument comme si le contact de la main était réel, il dirige un courant fluidique sur le point voulu. L'Esprit n'agit pas autrement ; son action fluidique se transmet de périsprit à périsprit, et de celui-ci au corps matériel. L'état de somnambulisme facilite considérablement cette action, par suite du dégagement du périsprit qui s'identifie mieux avec la nature fluidique de l'Esprit, et subit alors l'influence magnétique spirituelle élevée à sa plus grande puissance.
Toute la ville s'est occupée de cette guérison obtenue sans le secours de la science officielle, et chacun a dit son mot. Les uns ont prétendu que le bras n'avait point été cassé ; mais la fracture avait été bien et dûment constatée par de nombreux témoins oculaires, entre autres par le docteur D… qui a visité la malade pendant le traitement ; d'autres ont dit : « C'est bien surprenant ! » et s'en sont tenus là ; inutile d'ajouter que d'aucuns ont affirmé que madame Maurel avait été guérie par le diable ; si elle n'eût pas été entre les mains de profanes, ils auraient vu là un miracle. Pour les Spirites, qui se rendent compte du phénomène, ils y voient tout simplement l'action d'une puissance naturelle inconnue jusqu'à nous, et que le Spiritisme est venu révéler aux hommes.
Remarques. – S'il est des faits spirites que l'on pourrait, jusqu'à un certain point, attribuer à l'imagination, comme ceux de visions par exemple, il n'en saurait être de même ici ; madame Maurel n'a pas rêvé qu'elle s'était cassé le bras, non plus que les nombreuses personnes qui ont suivi le traitement ; les douleurs qu'elle ressentait n'étaient point de l'hallucination ; sa guérison en huit jours n'est pas une illusion, puisqu'elle se sert de son bras. Le fait brutal est là devant lequel il faut nécessairement s'incliner. Il déroute la science, il est vrai, parce que, dans l'état actuel des connaissances, il paraît impossible ; mais n'en a-t-il pas été ainsi toutes les fois que se sont révélées de nouvelles lois ? C'est la rapidité de la guérison qui vous étonne ? Mais est-ce que la médecine n'a pas découvert maints agents plus actifs que ceux qu'elle connaissait pour hâter certaines guérisons ? N'a-t-on pas trouvé dans ces derniers temps le moyen de cicatriser presque instantanément certaines plaies ? N'a-t-on pas trouvé celui d'activer la végétation et la fructification ? Pourquoi n'y en aurait-il pas pour activer la soudure des os ? Connaissez-vous donc tous les agents de la nature, et Dieu n'a-t-il plus de secrets pour vous ? Il n'est pas plus logique de nier aujourd'hui la possibilité d'une guérison rapide, qu'il ne l'eut été, au siècle dernier, de nier la possibilité de faire en quelques heures le chemin qu'on mettait dix jours à parcourir. Ce moyen, direz-vous, n'est pas au codex, c'est vrai ; mais est-ce qu'avant que la vaccine y fut inscrite, son inventeur n'a pas été traité de fou ? Les remèdes homéopathiques n'y sont pas non plus, ce qui n'empêche pas les médecins homéopathes de se trouver partout et de guérir. Au reste, comme il ne s'agit point ici d'une préparation pharmaceutique, il est plus que probable que ce moyen de guérison ne figurera pas de longtemps dans la science officielle.
Mais, dira-t-on, si les médecins viennent exercer leur art après leur mort, ils vont faire concurrence aux médecins vivants ; c'est très possible ; cependant, que ces derniers se rassurent ; s'ils leur enlèvent quelques pratiques, ce n'est pas pour les supplanter, mais pour leur prouver qu'ils ne sont pas tout à fait morts, et offrir leur concours désintéressé à ceux qui voudront bien l'accepter ; pour mieux le leur faire comprendre, ils leur montrent, qu'en certaines circonstances, on peut se passer d'eux. Il y a toujours eu des médecins, et il y en aura toujours ; seulement ceux qui profiteront des nouvelles que leur apportent les désincarnés, auront un grand avantage sur ceux qui resteront en arrière. Les Esprits viennent aider au développement de la science humaine, et non la supprimer.
Dans la guérison de madame Maurel, un fait qui surprendra peut-être plus que la rapidité de la soudure des os, c'est le mouvement du bras fracturé qui paraît contraire à toutes les lois connues de la dynamique et de la pesanteur. Contraire ou non, le fait est là ; puisqu'il existe, c'est qu'il a une cause ; puisqu'il se renouvelle, c'est qu'il est soumis à une loi ; or, c'est cette loi que le Spiritisme vient nous faire connaître par les propriétés des fluides périspritaux. Ce bras qui, soumis aux seules lois de la pesanteur, ne pourrait se soulever, supposez-le plongé dans un liquide d'une densité beaucoup plus grande que l'air, tout fracturé qu'il est, étant soutenu par ce liquide qui en diminue le poids, pourra s'y mouvoir sans peine, et même être soulevé sans le moindre effort ; c'est ainsi que dans un bain, le bras qui paraît très lourd hors de l'eau semble très léger dans l'eau. Au liquide substituez un fluide jouissant des mêmes propriétés et vous aurez ce qui se passe dans le cas présent, phénomène qui repose sur le même principe que celui des tables et des personnes qui se maintiennent dans l'espace sans point d'appui. Ce fluide est le fluide périsprital que l'Esprit dirige et son gré, et dont il modifie les propriétés par le seul acte de sa volonté. Dans la circonstance présente, on doit donc se représenter le bras de madame Maurel plongé dans un milieu fluidique qui produit l'effet de l'air sur les ballons.
Quelqu'un demandait à ce sujet si, dans la guérison de cette fracture, l'Esprit du docteur Demeure avait agi avec ou sans le concours de l'électricité et de la chaleur.
A cela nous avons répondu que la guérison a été produite, dans ce cas, comme dans tous ceux de guérison par la magnétisation spirituelle, par l'action du fluide émané de l'Esprit ; que ce fluide, quoique éthéré, n'en est pas moins de la matière ; que par le courant qu'il lui imprime, l'Esprit peut en imprégner et en saturer toutes les molécules de la partie malade ; qu'il peut en modifier les propriétés, comme le magnétiseur modifie celles de l'eau, et lui donner une vertu curative appropriée aux besoins ; que l'énergie du courant est en raison du nombre, de la qualité et de l'homogénéité des éléments qui composent la chaîne des personnes appelées à fournir leur contingent fluidique. Ce courant active probablement la sécrétion qui doit produire la soudure des os, et amène ainsi une guérison plus prompte que lorsqu'elle est livrée à elle-même.
Maintenant l'électricité et la chaleur jouent-elles un rôle dans ce phénomène ? Cela est d'autant plus probable que l'Esprit n'a point guéri par un miracle, mais, par une application plus judicieuse des lois de la nature, en raison de sa clairvoyance. Si, comme la science est portée à l'admettre, l'électricité et la chaleur ne sont pas des fluides spéciaux, mais des modifications ou propriétés d'un fluide élémentaire universel, elles doivent faire partie des éléments constitutifs du fluide périsprital ; leur action, dans le cas présent, est donc implicitement comprise, absolument comme quand on boit du vin, on boit nécessairement de l'eau et de l'alcool.
L'Esprit du docteur Demeure vient de nous donner une nouvelle preuve de sa sollicitude et de son profond savoir : voici à quelle occasion.
Dans la matinée du 26 mai dernier, Madame Maurel, notre médium voyant et écrivain mécanique, faisait une chute malheureuse et se cassait l'avant-bras, un peu au-dessous du coude.
Cette fracture, compliquée de foulures du poignet et du coude, était bien caractérisée par la crépitation des os et l'enflure qui en sont les signes les plus certains.
Sous l'impression de la première émotion produite par cet événement, les parents de Madame Maurel allaient chercher le premier médecin venu, lorsque celle-ci, les retenant, prit un crayon et écrivit médianimiquement de la main gauche : « N'allez pas chercher un médecin ; je me charge de cela. Demeure. » On attendit donc avec confiance.
D'après les indications de l'Esprit, des bandelettes et un appareil furent immédiatement confectionnés et placés. Une magnétisation spirituelle fut ensuite pratiquée par les bons Esprits qui ordonnèrent provisoirement le repos.
Dans la soirée du même jour, quelques adeptes convoqués par les Esprits se réunirent chez Madame Maurel, qui, endormie par un médium magnétiseur, ne tarda pas à entrer en somnambulisme. Le docteur Demeure continua alors le traitement qu'il n'avait qu'ébauché le matin, en agissant mécaniquement sur le bras fracturé. Déjà, sans autre secours apparent que sa main gauche, notre malade avait enlevé prestement le premier appareil, les bandelettes seules ayant été maintenues, lorsqu'on vit ce membre prendre insensiblement, sous l'influence de l'attraction magnétique spirituelle, diverses positions propres à faciliter la réduction de la fracture. Il semblait être alors l'objet d'attouchements intelligents, surtout au point où devait s'effectuer la soudure des os ; il s'allongeait ensuite sous l'action de tractions longitudinales.
Après quelques instants de cette magnétisation spirituelle, madame Maurel procéda seule à la consolidation des bandelettes et à une nouvelle application de l'appareil, consistant en deux planchettes se rattachant entre elles et au bras au moyen d'une courroie. Tout s'était donc passé comme si un chirurgien habile eût opéré lui-même visiblement ; et, chose curieuse, on entendait pendant le travail ces mots qui, sous l'étreinte de la douleur, s'échappaient de la bouche de la patiente : « Ne serrez pas si fort !… Vous me faites mal !… Elle voyait l'Esprit du docteur, et c'est à lui qu'elle s'adressait, le suppliant de ménager sa sensibilité. C'était donc réellement un être invisible pour tous excepté pour elle, qui lui faisait serrer le bras, en se servant inconsciemment de sa propre main gauche.
Quel était le rôle du médium magnétiseur pendant ce travail ? Il paraissait inactif à nos yeux ; sa main droite, appuyée sur l'épaule de la somnambule, il contribuait pour sa part au phénomène, par l'émission des fluides nécessaires à son accomplissement.
Dans la nuit du 27 au 28, Madame Maurel, ayant dérangé son bras par suite d'une fausse position prise pendant son sommeil, une forte fièvre s'était déclarée, pour la première fois ; il était urgent de remédier à cet état de choses. On se réunit donc de nouveau, le 28, et une fois le somnambulisme déclaré, la chaîne magnétique fut formée, sur l'invitation des bons Esprits. Après plusieurs passes et diverses manipulations, en tout semblables à celles décrites plus haut, le bras fut remis en bon état, non sans avoir fait éprouver à cette pauvre dame de bien cruelles souffrances. Malgré ce nouvel accident, le membre se ressentait déjà de l'effet salutaire produit par les magnétisations antérieures ; ce qui suit le prouve, du reste. Débarrassé momentanément de ses planchettes, il reposait sur des coussins, lorsque tout à coup il fut élevé à quelques centimètres dans une position horizontale et dirigé doucement de gauche à droite et réciproquement ; il s'abaissa ensuite obliquement et fut soumis à une nouvelle traction. Puis les Esprits se mirent à le tourner, à le retourner dans tous les sens et de temps à autre, en faisant jouer adroitement les articulations du coude et du poignet. De tels mouvements automatiques imprimés à un bras fracturé, inerte, étant contraires à toutes les lois connues de la pesanteur et de la mécanique, c'est à l'action fluidique seule que l'on peut en attribuer la cause. Si ce n'eût été la certitude de l'existence de cette fracture, ainsi que les cris déchirants de cette malheureuse dame, j'aurais eu beaucoup de peine, je l'avoue, à admettre ce fait, l'un des plus curieux que la science puisse enregistrer. Je peux donc dire, en toute sincérité, que je m'estime très heureux d'avoir pu être témoin d'un pareil phénomène.
Les 29, 30, 31 et jours suivants, des magnétisations spirituelles successives, accompagnées de manipulations variées de mille manières, apportèrent un mieux sensible dans l'état général de notre malade ; le bras prenait tous les jours de nouvelles forces. Le 31 surtout est à signaler, comme marquant le premier pas fait vers la convalescence. Ce soir-là deux Esprits qui se faisaient remarquer par l'éclat de leur rayonnement, assistaient notre ami Demeure ; ils paraissaient lui donner des avis, et celui-ci se hâtait de les mettre en pratique. L'un d'eux même se mettait de temps en temps à l'œuvre, et, par sa douce influence, produisait toujours un soulagement instantané. Vers la fin de la soirée, les planchettes furent enfin définitivement abandonnées et les bandelettes restèrent seules pour soutenir le bras et le maintenir dans une position déterminée. Je dois ajouter que, en outre, un appareil de suspension venait ajouter à la solidité suffisante du bandage. Ainsi, le sixième jour après l'accident, et malgré la fâcheuse rechute survenue le 27, la fracture était dans une telle voie de guérison, que l'emploi des moyens mis en usage par les médecins pendant trente ou quarante jours était devenu inutile. Le 4 juin, jour fixé par les bons Esprits pour la réduction définitive de cette fracture compliquée de foulures, on se réunit le soir. Madame Maurel, à peine en somnambulisme, se mit à dérouler les bandelettes qui entouraient encore son bras, en lui imprimant un mouvement de rotation si rapide que l'œil avait peine à suivre les contours de la courbe qu'il décrivait. A partir de ce moment, elle se servait de son bras comme d'habitude ; elle était guérie.
A la fin de la séance eut lieu une scène touchante qui mérite d'être rapportée ici. Les bons Esprits, au nombre de trente, formaient dans le commencement une chaîne magnétique parallèle à celle que nous formions nous-mêmes. Madame Maurel s'étant mise, par la main droite, en communication directe successivement avec chaque couple d'Esprits, recevait, placée comme elle l'était dans l'intérieur des deux chaînes, l'action bienfaisante d'un double courant fluidique énergique. Radieuse de bonheur, elle saisissait avec empressement l'occasion de les remercier avec effusion du concours puissant qu'ils avaient prêté à sa guérison. Elle en recevait à son tour des encouragements à persévérer dans le bien. Ceci terminé, elle essaya ses forces de mille façons ; présentant son bras aux assistants, leur faisant toucher les cicatrices de la soudure des os ; elle leur serrait la main avec force, leur annonçant avec joie sa guérison opérée par les bons Esprits. A son réveil, se voyant libre dans tous ses mouvements, elle s'évanouit, dominée par sa profonde émotion !…
Quand on a été témoin de tels faits, on ne peut que les proclamer bien haut, car ils méritent d'attirer l'attention des gens sérieux.
Pourquoi donc trouve-t-on, dans le monde intelligent, tant de résistance pour admettre l'intervention des Esprits sur la matière ? Car il se trouve des personnes qui croient à l'existence et à l'individualité de l'Esprit, et qui lui refusent la possibilité de se manifester. C'est parce qu'elles ne se rendent pas compte des facultés physiques de l'Esprit qu'on se figure immatériel d'une manière absolue. L'expérience démontre, au contraire, que, par sa nature propre, il agit directement sur les fluides impondérables, et par suite sur les fluides pondérables, et même sur les corps tangibles.
Comment procède un magnétiseur ordinaire ? Supposons qu'il veuille agir sur un bras, par exemple : il concentre son action sur ce membre, et par un simple mouvement de ses doigts, exécuté à distance et dans tous les sens, agissant absolument comme si le contact de la main était réel, il dirige un courant fluidique sur le point voulu. L'Esprit n'agit pas autrement ; son action fluidique se transmet de périsprit à périsprit, et de celui-ci au corps matériel. L'état de somnambulisme facilite considérablement cette action, par suite du dégagement du périsprit qui s'identifie mieux avec la nature fluidique de l'Esprit, et subit alors l'influence magnétique spirituelle élevée à sa plus grande puissance.
Toute la ville s'est occupée de cette guérison obtenue sans le secours de la science officielle, et chacun a dit son mot. Les uns ont prétendu que le bras n'avait point été cassé ; mais la fracture avait été bien et dûment constatée par de nombreux témoins oculaires, entre autres par le docteur D… qui a visité la malade pendant le traitement ; d'autres ont dit : « C'est bien surprenant ! » et s'en sont tenus là ; inutile d'ajouter que d'aucuns ont affirmé que madame Maurel avait été guérie par le diable ; si elle n'eût pas été entre les mains de profanes, ils auraient vu là un miracle. Pour les Spirites, qui se rendent compte du phénomène, ils y voient tout simplement l'action d'une puissance naturelle inconnue jusqu'à nous, et que le Spiritisme est venu révéler aux hommes.
Remarques. – S'il est des faits spirites que l'on pourrait, jusqu'à un certain point, attribuer à l'imagination, comme ceux de visions par exemple, il n'en saurait être de même ici ; madame Maurel n'a pas rêvé qu'elle s'était cassé le bras, non plus que les nombreuses personnes qui ont suivi le traitement ; les douleurs qu'elle ressentait n'étaient point de l'hallucination ; sa guérison en huit jours n'est pas une illusion, puisqu'elle se sert de son bras. Le fait brutal est là devant lequel il faut nécessairement s'incliner. Il déroute la science, il est vrai, parce que, dans l'état actuel des connaissances, il paraît impossible ; mais n'en a-t-il pas été ainsi toutes les fois que se sont révélées de nouvelles lois ? C'est la rapidité de la guérison qui vous étonne ? Mais est-ce que la médecine n'a pas découvert maints agents plus actifs que ceux qu'elle connaissait pour hâter certaines guérisons ? N'a-t-on pas trouvé dans ces derniers temps le moyen de cicatriser presque instantanément certaines plaies ? N'a-t-on pas trouvé celui d'activer la végétation et la fructification ? Pourquoi n'y en aurait-il pas pour activer la soudure des os ? Connaissez-vous donc tous les agents de la nature, et Dieu n'a-t-il plus de secrets pour vous ? Il n'est pas plus logique de nier aujourd'hui la possibilité d'une guérison rapide, qu'il ne l'eut été, au siècle dernier, de nier la possibilité de faire en quelques heures le chemin qu'on mettait dix jours à parcourir. Ce moyen, direz-vous, n'est pas au codex, c'est vrai ; mais est-ce qu'avant que la vaccine y fut inscrite, son inventeur n'a pas été traité de fou ? Les remèdes homéopathiques n'y sont pas non plus, ce qui n'empêche pas les médecins homéopathes de se trouver partout et de guérir. Au reste, comme il ne s'agit point ici d'une préparation pharmaceutique, il est plus que probable que ce moyen de guérison ne figurera pas de longtemps dans la science officielle.
Mais, dira-t-on, si les médecins viennent exercer leur art après leur mort, ils vont faire concurrence aux médecins vivants ; c'est très possible ; cependant, que ces derniers se rassurent ; s'ils leur enlèvent quelques pratiques, ce n'est pas pour les supplanter, mais pour leur prouver qu'ils ne sont pas tout à fait morts, et offrir leur concours désintéressé à ceux qui voudront bien l'accepter ; pour mieux le leur faire comprendre, ils leur montrent, qu'en certaines circonstances, on peut se passer d'eux. Il y a toujours eu des médecins, et il y en aura toujours ; seulement ceux qui profiteront des nouvelles que leur apportent les désincarnés, auront un grand avantage sur ceux qui resteront en arrière. Les Esprits viennent aider au développement de la science humaine, et non la supprimer.
Dans la guérison de madame Maurel, un fait qui surprendra peut-être plus que la rapidité de la soudure des os, c'est le mouvement du bras fracturé qui paraît contraire à toutes les lois connues de la dynamique et de la pesanteur. Contraire ou non, le fait est là ; puisqu'il existe, c'est qu'il a une cause ; puisqu'il se renouvelle, c'est qu'il est soumis à une loi ; or, c'est cette loi que le Spiritisme vient nous faire connaître par les propriétés des fluides périspritaux. Ce bras qui, soumis aux seules lois de la pesanteur, ne pourrait se soulever, supposez-le plongé dans un liquide d'une densité beaucoup plus grande que l'air, tout fracturé qu'il est, étant soutenu par ce liquide qui en diminue le poids, pourra s'y mouvoir sans peine, et même être soulevé sans le moindre effort ; c'est ainsi que dans un bain, le bras qui paraît très lourd hors de l'eau semble très léger dans l'eau. Au liquide substituez un fluide jouissant des mêmes propriétés et vous aurez ce qui se passe dans le cas présent, phénomène qui repose sur le même principe que celui des tables et des personnes qui se maintiennent dans l'espace sans point d'appui. Ce fluide est le fluide périsprital que l'Esprit dirige et son gré, et dont il modifie les propriétés par le seul acte de sa volonté. Dans la circonstance présente, on doit donc se représenter le bras de madame Maurel plongé dans un milieu fluidique qui produit l'effet de l'air sur les ballons.
Quelqu'un demandait à ce sujet si, dans la guérison de cette fracture, l'Esprit du docteur Demeure avait agi avec ou sans le concours de l'électricité et de la chaleur.
A cela nous avons répondu que la guérison a été produite, dans ce cas, comme dans tous ceux de guérison par la magnétisation spirituelle, par l'action du fluide émané de l'Esprit ; que ce fluide, quoique éthéré, n'en est pas moins de la matière ; que par le courant qu'il lui imprime, l'Esprit peut en imprégner et en saturer toutes les molécules de la partie malade ; qu'il peut en modifier les propriétés, comme le magnétiseur modifie celles de l'eau, et lui donner une vertu curative appropriée aux besoins ; que l'énergie du courant est en raison du nombre, de la qualité et de l'homogénéité des éléments qui composent la chaîne des personnes appelées à fournir leur contingent fluidique. Ce courant active probablement la sécrétion qui doit produire la soudure des os, et amène ainsi une guérison plus prompte que lorsqu'elle est livrée à elle-même.
Maintenant l'électricité et la chaleur jouent-elles un rôle dans ce phénomène ? Cela est d'autant plus probable que l'Esprit n'a point guéri par un miracle, mais, par une application plus judicieuse des lois de la nature, en raison de sa clairvoyance. Si, comme la science est portée à l'admettre, l'électricité et la chaleur ne sont pas des fluides spéciaux, mais des modifications ou propriétés d'un fluide élémentaire universel, elles doivent faire partie des éléments constitutifs du fluide périsprital ; leur action, dans le cas présent, est donc implicitement comprise, absolument comme quand on boit du vin, on boit nécessairement de l'eau et de l'alcool.
Hallucination chez les animaux dans les symptômes de la rage
Un de nos collègues a transmis à la Société l'extrait
suivant d'un rapport lu à l'Académie de médecine par M. le docteur H. Bouley
sur les symptômes de la rage chez le chien.
« Dans la période initiale de la rage, et, lorsque la maladie est complètement déclarée, dans les intermittences des accès, il y a chez le chien une espèce de délire qu'on peut appeler le délire rabique, dont Youatt a parlé le premier et qu'il a parfaitement décrit.
Ce délire se caractérise par des mouvements étranges qui dénotent que l'animal malade voit des objets et entend des bruits qui n'existent que dans ce que l'on est bien en droit d'appeler son imagination. Tantôt, en effet, l'animal se tient immobile, attentif, comme aux aguets ; puis, tout à coup, il se lance et mord dans l'air, comme fait, dans l'état de santé, le chien qui veut attraper une mouche au vol. D'autres fois, il se lance, furieux et hurlant, contre un mur, connue s'il avait entendu, de l'autre côté, des bruits menaçants.
En raisonnant par analogie on est bien autorisé à admettre que ce sont là des signes de véritables hallucinations. Cependant, ceux qui ne sont pas prévenus ne sauraient attacher d'importance à ces symptômes, qui sont très fugaces, et il suffit, pour qu'ils disparaissent, que la voix du maître se fasse entendre. Alors vient un moment de repos ; les yeux se ferment lentement, la tête se penche, les membres de devant semblent se dérober sous le corps, et l'animal est près de tomber. Mais tout à coup il se redresse, de nouveaux fantômes viennent l'assiéger ; il regarde autour de lui avec une expression sauvage, happe, comme pour saisir un objet à la portée de sa dent, et se lance, à l'extrémité de sa chaîne, à la rencontre d'un ennemi qui n'existe que dans son imagination. »
Ce phénomène, minutieusement observé, comme on le voit, par l'auteur du mémoire, semble dénoter qu'à ce moment le chien est tourmenté par la vue de quelque chose d'invisible pour nous. Est-ce une vision réelle ou une création fantastique de son imagination, autrement dit une hallucination ? Si c'est une hallucination, ce n'est assurément pas par les yeux du corps qu'il voit, puisque ce ne sont pas des objets réels ; si ce sont des êtres fluidiques ou Esprits, comme ils ne font non plus aucune impression sur le sens de la vue, c'est donc par une sorte de vue spirituelle qu'il les perçoit. Dans l'un et l'autre cas, il jouirait d'une faculté, jusqu'à un certain point analogue à celle que possède l'homme. La science ne s'était pas encore hasardée à donner une imagination aux animaux ; or, de l'imagination à un principe indépendant de la matière, la distance n'est pas grande, à moins d'admettre que la matière brute : le bois, la pierre, etc., puisse avoir de l'imagination.
Tous les phénomènes de visions sont attribués, par la science, à l'imagination surexcitée ; cependant, on a vu, parfois, des enfants en très bas âge, ne sachant pas encore parler, courir après un être invisible, lui sourire, lui tendre les bras et vouloir le saisir. A la rage près, ce fait n'a-t-il pas une grande ressemblance avec celui du chien cité plus haut ? L'enfant ne peut pas encore dire ce qu'il voit ; mais ceux qui commencent à parler disent positivement voir des êtres qui sont invisibles pour les assistants. On en a vu décrire leurs grands-parents décédés, qu'ils n'avaient point connus. On conçoit la surexcitation chez une personne préoccupée d'une idée, mais ce n'est assurément pas le cas d'un petit enfant. L'imagination surexcitée pourra rappeler un souvenir ; la peur, l'affection, l'enthousiasme, pourront créer des images fantastiques, soit ; sous l'empire de certaines croyances, une personne exaltée se figurera voir apparaître un être qui lui est cher, la vierge ou les saints, passe encore ; mais comment expliquer, par ces seules causes, le fait d'un enfant de trois à quatre ans dépeignant sa grand-mère qu'il n'avait jamais vue ? ce ne peut assurément être chez lui le produit ni d'un souvenir, ni de la préoccupation, ni d'une croyance quelconque.
Disons en passant, et comme corollaire de ce qui précède, que la médiumnité voyante paraît être fréquente, et même générale, chez les petits enfants. Nos anges gardiens viendraient ainsi nous conduire, comme par la main, jusqu'au seuil de la vie, pour nous en faciliter l'entrée, et nous en montrer la liaison avec la vie spirituelle, afin que la transition de l'une à l'autre ne soit pas trop brusque. A mesure que l'enfant grandit et peut faire usage de ses propres forces, l'ange gardien se voile à sa vue, pour le laisser à son libre arbitre. Il semble lui dire : « Je suis venu t'accompagner jusqu'au navire qui va te transporter sur la mer du monde ; pars maintenant, vole de tes propres ailes ; mais, du haut des cieux, je veillerai sur toi ; pense à moi, et à ton retour, je serai là pour te recevoir. » Heureux celui qui, pendant la traversée, n'oublie pas son ange gardien !
Revenons au sujet principal qui nous a conduit à cette digression. Dès lors qu'on admet une imagination chez le chien, on pourrait dire que la maladie de la rage le surexcite au point de produire chez lui des hallucinations ; mais de nombreux exemples tendent à prouver que le phénomène des visions a lieu chez certains animaux, dans l'état le plus normal, chez le chien et le cheval surtout ; du moins ce sont ceux sur lesquels on a été le plus à même de l'observer. En raisonnant par analogie, on peut supposer qu'il en est ainsi de l'éléphant et des animaux qui, par leur intelligence, se rapprochent le plus de l'homme. Il est certain que le chien rêve ; on le voit parfois, pendant son sommeil, faire des mouvements qui simulent la course ; gémir, ou manifester du contentement. Sa pensée est donc agissante, libre et indépendante de l'instinct proprement dit. Que fait-il, que voit-il, à quoi pense-t-il dans ses rêves ? c'est ce que, malheureusement, il ne peut pas nous dire, mais le fait est là.
Jusqu'à présent on s'était peu occupé du principe intelligent des animaux, et encore moins de leur affinité avec l'espèce humaine, si ce n'est au point de vue exclusif de l'organisme matériel. Aujourd'hui on cherche à concilier leur état et leur destinée avec la justice de Dieu ; mais il n'a été fait sur ce sujet que des systèmes plus ou moins logiques, et qui ne sont pas toujours d'accord avec les faits. Si la question est restée si longtemps indécise, c'est qu'on manquait, comme pour beaucoup d'autres, des éléments nécessaires pour la comprendre. Le Spiritisme, qui donne la clef de tant de phénomènes incompris, mal observés ou passés inaperçus, ne peut manquer de faciliter la solution de ce grave problème, auquel on n'a pas accordé toute l'attention qu'il mérite, car c'est une solution de continuité dans les anneaux de la chaîne qui relie tous les êtres, et dans l'ensemble harmonieux de la création.
Pourquoi donc le Spiritisme n'a-t-il pas tranché immédiatement la question ? Autant vaudrait demander pourquoi un professeur de physique n'enseigne pas à ses élèves, dès la première leçon, les lois de l'électricité et de l'optique. Il commence par les principes fondamentaux de la science, par ceux qui doivent servir de base pour l'intelligence des autres principes, et il réserve, pour plus tard, l'explication des lois subséquentes. Ainsi procèdent les grands Esprits qui dirigent le mouvement Spirite ; en bonne logique ils commencent par le commencement, et ils attendent que nous soyons ferrés sur un point, avant d'en aborder un autre. Or, quel devait être le point de départ de leur enseignement ? L'âme humaine. C'est à nous convaincre de son existence et de son immortalité, c'est à nous en faire connaître les véritables attributs et la destinée qu'il fallait d'abord s'attacher. Il nous fallait, en un mot, comprendre notre âme, avant de chercher à comprendre celle des bêtes. Le Spiritisme nous en a déjà beaucoup appris sur l'âme et ses facultés ; chaque jour il nous en apprend davantage, et jette la lumière sur quelque point nouveau, mais combien n'en reste-t-il pas encore à explorer !
A mesure que l'homme avance dans la connaissance de son état spirituel, son attention est éveillée sur toutes les questions qui s'y rattachent de près ou de loin, et celle des animaux n'est pas une de celles qui l'intéressent le moins ; il saisit mieux les analogies et les différences ; il cherche à s'expliquer ce qu'il voit ; il tire des conséquences ; il essaye des théories tour à tour démenties ou confirmées par de nouvelles observations. C'est ainsi que par les efforts de sa propre intelligence, il approche peu à peu du but. En cela comme en toutes choses les Esprits ne viennent pas nous affranchir du travail des recherches, parce que l'homme doit faire usage de ses facultés ; ils l'aident, le dirigent, et c'est déjà beaucoup, mais ils ne lui donnent pas la science toute faite. Quand une fois il est sur la voie de la vérité, c'est alors qu'ils viennent la lui révéler carrément pour faire taire les incertitudes et anéantir les faux systèmes ; mais en attendant, son esprit s'est préparé à la mieux comprendre et à l'accepter, et quand elle se montre, elle ne le surprend pas ; elle était déjà dans le fond de la pensée.
Voyez la marche qu'a suivie le Spiritisme ; est-il venu surprendre les hommes à l'improviste ? Non certes. Sans parler des faits qui se sont produits à toutes les époques, parce qu'il est dans la nature, comme l'électricité, au point de vue du principe, depuis un siècle il avait préparé son apparition ; Swedenborg, Saint-Martin, les théosophes, Charles Fourier, Jean Reynaud et tant d'autres, sans oublier Mesmer qui a fait connaître la puissance fluidique, de Puységur, qui le premier a observé le somnambulisme : tous ont soulevé un coin du voile de la vie spirituelle ; tous ont tourné autour de la vraie lumière et s'en sont plus ou moins rapprochés ; tous ont préparé les voies et disposé les esprits, de sorte que le Spiritisme n'a, pour ainsi dire, eu qu'à compléter ce qui avait été ébauché ; voilà pourquoi il a conquis presque instantanément de si nombreuses sympathies. Nous ne parlons pas des autres causes multiples qui lui sont venues en aide, en prouvant que certaines idées n'étaient plus au niveau du progrès humain, et ont fait pressentir l'avènement d'un nouvel ordre de choses, parce que l'humanité ne peut rester stationnaire. Il en est de même de toutes les grandes idées qui ont changé la face du monde ; aucune n'est venue l'éblouir comme un éclair. Socrate et Platon n'avaient-ils pas, cinq siècles avant le Christ, jeté la semence des idées chrétiennes ?
Un autre motif avait fait ajourner la solution relative aux animaux. Cette question touche à des préjugés longtemps enracinés et qu'il eût été imprudent de heurter de front, c'est pourquoi les Esprits ne l'ont pas fait. La question est engagée aujourd'hui ; elle s'agite sur différents points, même en dehors du Spiritisme ; les désincarnés y prennent part chacun selon ses idées personnelles ; ces théories diverses sont discutées, examinées ; une multitude de faits, comme par exemple celui qui fait le sujet de cet article, et qui eussent jadis passé inaperçus, appellent aujourd'hui l'attention, en raison même des études préliminaires que l'on a faites ; sans adopter telle ou telle opinion, on se familiarise avec l'idée d'un point de contact entre l'animalité et l'humanité, et lorsque viendra la solution définitive, dans quelque sens qu'elle ait lieu, elle devra s'appuyer sur des arguments péremptoires qui ne laisseront aucune place au doute ; si l'idée est vraie, elle aura été pressentie ; si elle est fausse, c'est qu'on aura trouvé quelque chose de plus logique à mettre à la place.
Tout se lie, tout s'enchaîne, tout s'harmonise dans la nature ; le Spiritisme est venu donner une idée mère, et l'on peut voir combien cette idée est féconde. Avant la lumière qu'il a jetée sur la psychologie, on aurait eu de la peine à croire que tant de considérations pussent surgir à propos d'un chien enragé.
L'extrait ci-dessus du rapport de M. Bouley ayant été lu à la société de Paris, un Esprit a donné à ce sujet la communication suivante.
Société spirite de Paris, 30 juin 1865. – Médium, M Desliens
La vision existe-t-elle chez le chien et chez quelques autres animaux, chez lesquels des phénomènes semblables à ceux décrits par M. Bouley se produisent ? La question, pour moi, ne fait pas l'ombre d'un doute. Oui, le chien, le cheval voient ou sentent les Esprits. N'avez-vous jamais été témoins de la répugnance que manifestent parfois ces animaux à passer dans un endroit où un corps humain avait été enterré à leur insu ? Vous direz sans doute que ses sens peuvent être éveillés par l'odeur particulière aux corps en putréfaction ; alors, pourquoi passe-t-il indifférent à côté du cadavre enfoui d'un autre animal ? Pourquoi dit-on que le chien sent la mort ? N'avez-vous jamais vu des chiens hurler sous les fenêtres d'une personne expirante, alors que cette personne lui était inconnue ? Ne voyez-vous pas aussi, en dehors de la surexcitation de la rage, divers animaux refuser d'obéir à la voix de leur maître, reculer avec frayeur devant un obstacle invisible qui semble leur barrer le passage, et s'emporter ; puis passer ensuite tranquillement dans l'endroit même qui leur inspirait une si grande terreur, comme si l'obstacle avait disparu ? On a vu des animaux sauver leurs maîtres d'un péril imminent, en refusant de parcourir la route où ceux-ci auraient pu succomber. Les faits de visions chez les animaux se trouvent dans l'antiquité et au moyen âge, aussi bien que de nos jours.
Les animaux voient donc certainement les Esprits. Dire, d'ailleurs, qu'ils ont une imagination, n'est-ce pas leur accorder un point de ressemblance avec l'esprit humain, et l'instinct n'est-il pas chez eux l'intelligence rudimentaire, appropriée à leur besoins, avant qu'elle ait passé par les creusets modificateurs qui doivent la transformer et lui donner de nouvelles facultés ? L'homme aussi a des instincts qui le font agir d'une manière inconsciente dans l'intérêt de sa conservation ; mais à mesure que se développent en lui l'intelligence et le libre arbitre, l'instinct s'affaiblit pour faire place au jugement, parce que ce guide aveugle lui est moins nécessaire.
L'instinct qui est dans toute sa force chez l'animal, se perpétuant dans l'homme où il se perd peu à peu, est certainement un trait d'union entre les deux espèces. La subtilité des sens chez l'animal, comme chez le sauvage et l'homme primitif, suppléant chez les uns et chez les autres à l'absence ou à l'insuffisance du sens moral, est un autre point de contact. Enfin, la vision spirituelle qui leur est bien évidemment commune, quoique à des degrés très différents, vient aussi diminuer la distance qui semblait mettre entre eux une barrière infranchissable. N'en concluez cependant rien encore d'une manière absolue, mais observez attentivement les faits, car de cette observation seule sortira un jour pour vous la vérité.
Moki.
Remarque. – Ce conseil est fort sage, car ce n'est évidemment que sur des faits qu'on peut asseoir une théorie solide, hors cela il n'y a que des opinions ou des systèmes. Les faits sont des arguments sans réplique, et dont il faut tôt ou tard accepter les conséquences quand ils sont constatés. C'est ce principe qui a servi de base à la doctrine Spirite, et c'est ce qui nous fait dire que c'est une science d'observation.
« Dans la période initiale de la rage, et, lorsque la maladie est complètement déclarée, dans les intermittences des accès, il y a chez le chien une espèce de délire qu'on peut appeler le délire rabique, dont Youatt a parlé le premier et qu'il a parfaitement décrit.
Ce délire se caractérise par des mouvements étranges qui dénotent que l'animal malade voit des objets et entend des bruits qui n'existent que dans ce que l'on est bien en droit d'appeler son imagination. Tantôt, en effet, l'animal se tient immobile, attentif, comme aux aguets ; puis, tout à coup, il se lance et mord dans l'air, comme fait, dans l'état de santé, le chien qui veut attraper une mouche au vol. D'autres fois, il se lance, furieux et hurlant, contre un mur, connue s'il avait entendu, de l'autre côté, des bruits menaçants.
En raisonnant par analogie on est bien autorisé à admettre que ce sont là des signes de véritables hallucinations. Cependant, ceux qui ne sont pas prévenus ne sauraient attacher d'importance à ces symptômes, qui sont très fugaces, et il suffit, pour qu'ils disparaissent, que la voix du maître se fasse entendre. Alors vient un moment de repos ; les yeux se ferment lentement, la tête se penche, les membres de devant semblent se dérober sous le corps, et l'animal est près de tomber. Mais tout à coup il se redresse, de nouveaux fantômes viennent l'assiéger ; il regarde autour de lui avec une expression sauvage, happe, comme pour saisir un objet à la portée de sa dent, et se lance, à l'extrémité de sa chaîne, à la rencontre d'un ennemi qui n'existe que dans son imagination. »
Ce phénomène, minutieusement observé, comme on le voit, par l'auteur du mémoire, semble dénoter qu'à ce moment le chien est tourmenté par la vue de quelque chose d'invisible pour nous. Est-ce une vision réelle ou une création fantastique de son imagination, autrement dit une hallucination ? Si c'est une hallucination, ce n'est assurément pas par les yeux du corps qu'il voit, puisque ce ne sont pas des objets réels ; si ce sont des êtres fluidiques ou Esprits, comme ils ne font non plus aucune impression sur le sens de la vue, c'est donc par une sorte de vue spirituelle qu'il les perçoit. Dans l'un et l'autre cas, il jouirait d'une faculté, jusqu'à un certain point analogue à celle que possède l'homme. La science ne s'était pas encore hasardée à donner une imagination aux animaux ; or, de l'imagination à un principe indépendant de la matière, la distance n'est pas grande, à moins d'admettre que la matière brute : le bois, la pierre, etc., puisse avoir de l'imagination.
Tous les phénomènes de visions sont attribués, par la science, à l'imagination surexcitée ; cependant, on a vu, parfois, des enfants en très bas âge, ne sachant pas encore parler, courir après un être invisible, lui sourire, lui tendre les bras et vouloir le saisir. A la rage près, ce fait n'a-t-il pas une grande ressemblance avec celui du chien cité plus haut ? L'enfant ne peut pas encore dire ce qu'il voit ; mais ceux qui commencent à parler disent positivement voir des êtres qui sont invisibles pour les assistants. On en a vu décrire leurs grands-parents décédés, qu'ils n'avaient point connus. On conçoit la surexcitation chez une personne préoccupée d'une idée, mais ce n'est assurément pas le cas d'un petit enfant. L'imagination surexcitée pourra rappeler un souvenir ; la peur, l'affection, l'enthousiasme, pourront créer des images fantastiques, soit ; sous l'empire de certaines croyances, une personne exaltée se figurera voir apparaître un être qui lui est cher, la vierge ou les saints, passe encore ; mais comment expliquer, par ces seules causes, le fait d'un enfant de trois à quatre ans dépeignant sa grand-mère qu'il n'avait jamais vue ? ce ne peut assurément être chez lui le produit ni d'un souvenir, ni de la préoccupation, ni d'une croyance quelconque.
Disons en passant, et comme corollaire de ce qui précède, que la médiumnité voyante paraît être fréquente, et même générale, chez les petits enfants. Nos anges gardiens viendraient ainsi nous conduire, comme par la main, jusqu'au seuil de la vie, pour nous en faciliter l'entrée, et nous en montrer la liaison avec la vie spirituelle, afin que la transition de l'une à l'autre ne soit pas trop brusque. A mesure que l'enfant grandit et peut faire usage de ses propres forces, l'ange gardien se voile à sa vue, pour le laisser à son libre arbitre. Il semble lui dire : « Je suis venu t'accompagner jusqu'au navire qui va te transporter sur la mer du monde ; pars maintenant, vole de tes propres ailes ; mais, du haut des cieux, je veillerai sur toi ; pense à moi, et à ton retour, je serai là pour te recevoir. » Heureux celui qui, pendant la traversée, n'oublie pas son ange gardien !
Revenons au sujet principal qui nous a conduit à cette digression. Dès lors qu'on admet une imagination chez le chien, on pourrait dire que la maladie de la rage le surexcite au point de produire chez lui des hallucinations ; mais de nombreux exemples tendent à prouver que le phénomène des visions a lieu chez certains animaux, dans l'état le plus normal, chez le chien et le cheval surtout ; du moins ce sont ceux sur lesquels on a été le plus à même de l'observer. En raisonnant par analogie, on peut supposer qu'il en est ainsi de l'éléphant et des animaux qui, par leur intelligence, se rapprochent le plus de l'homme. Il est certain que le chien rêve ; on le voit parfois, pendant son sommeil, faire des mouvements qui simulent la course ; gémir, ou manifester du contentement. Sa pensée est donc agissante, libre et indépendante de l'instinct proprement dit. Que fait-il, que voit-il, à quoi pense-t-il dans ses rêves ? c'est ce que, malheureusement, il ne peut pas nous dire, mais le fait est là.
Jusqu'à présent on s'était peu occupé du principe intelligent des animaux, et encore moins de leur affinité avec l'espèce humaine, si ce n'est au point de vue exclusif de l'organisme matériel. Aujourd'hui on cherche à concilier leur état et leur destinée avec la justice de Dieu ; mais il n'a été fait sur ce sujet que des systèmes plus ou moins logiques, et qui ne sont pas toujours d'accord avec les faits. Si la question est restée si longtemps indécise, c'est qu'on manquait, comme pour beaucoup d'autres, des éléments nécessaires pour la comprendre. Le Spiritisme, qui donne la clef de tant de phénomènes incompris, mal observés ou passés inaperçus, ne peut manquer de faciliter la solution de ce grave problème, auquel on n'a pas accordé toute l'attention qu'il mérite, car c'est une solution de continuité dans les anneaux de la chaîne qui relie tous les êtres, et dans l'ensemble harmonieux de la création.
Pourquoi donc le Spiritisme n'a-t-il pas tranché immédiatement la question ? Autant vaudrait demander pourquoi un professeur de physique n'enseigne pas à ses élèves, dès la première leçon, les lois de l'électricité et de l'optique. Il commence par les principes fondamentaux de la science, par ceux qui doivent servir de base pour l'intelligence des autres principes, et il réserve, pour plus tard, l'explication des lois subséquentes. Ainsi procèdent les grands Esprits qui dirigent le mouvement Spirite ; en bonne logique ils commencent par le commencement, et ils attendent que nous soyons ferrés sur un point, avant d'en aborder un autre. Or, quel devait être le point de départ de leur enseignement ? L'âme humaine. C'est à nous convaincre de son existence et de son immortalité, c'est à nous en faire connaître les véritables attributs et la destinée qu'il fallait d'abord s'attacher. Il nous fallait, en un mot, comprendre notre âme, avant de chercher à comprendre celle des bêtes. Le Spiritisme nous en a déjà beaucoup appris sur l'âme et ses facultés ; chaque jour il nous en apprend davantage, et jette la lumière sur quelque point nouveau, mais combien n'en reste-t-il pas encore à explorer !
A mesure que l'homme avance dans la connaissance de son état spirituel, son attention est éveillée sur toutes les questions qui s'y rattachent de près ou de loin, et celle des animaux n'est pas une de celles qui l'intéressent le moins ; il saisit mieux les analogies et les différences ; il cherche à s'expliquer ce qu'il voit ; il tire des conséquences ; il essaye des théories tour à tour démenties ou confirmées par de nouvelles observations. C'est ainsi que par les efforts de sa propre intelligence, il approche peu à peu du but. En cela comme en toutes choses les Esprits ne viennent pas nous affranchir du travail des recherches, parce que l'homme doit faire usage de ses facultés ; ils l'aident, le dirigent, et c'est déjà beaucoup, mais ils ne lui donnent pas la science toute faite. Quand une fois il est sur la voie de la vérité, c'est alors qu'ils viennent la lui révéler carrément pour faire taire les incertitudes et anéantir les faux systèmes ; mais en attendant, son esprit s'est préparé à la mieux comprendre et à l'accepter, et quand elle se montre, elle ne le surprend pas ; elle était déjà dans le fond de la pensée.
Voyez la marche qu'a suivie le Spiritisme ; est-il venu surprendre les hommes à l'improviste ? Non certes. Sans parler des faits qui se sont produits à toutes les époques, parce qu'il est dans la nature, comme l'électricité, au point de vue du principe, depuis un siècle il avait préparé son apparition ; Swedenborg, Saint-Martin, les théosophes, Charles Fourier, Jean Reynaud et tant d'autres, sans oublier Mesmer qui a fait connaître la puissance fluidique, de Puységur, qui le premier a observé le somnambulisme : tous ont soulevé un coin du voile de la vie spirituelle ; tous ont tourné autour de la vraie lumière et s'en sont plus ou moins rapprochés ; tous ont préparé les voies et disposé les esprits, de sorte que le Spiritisme n'a, pour ainsi dire, eu qu'à compléter ce qui avait été ébauché ; voilà pourquoi il a conquis presque instantanément de si nombreuses sympathies. Nous ne parlons pas des autres causes multiples qui lui sont venues en aide, en prouvant que certaines idées n'étaient plus au niveau du progrès humain, et ont fait pressentir l'avènement d'un nouvel ordre de choses, parce que l'humanité ne peut rester stationnaire. Il en est de même de toutes les grandes idées qui ont changé la face du monde ; aucune n'est venue l'éblouir comme un éclair. Socrate et Platon n'avaient-ils pas, cinq siècles avant le Christ, jeté la semence des idées chrétiennes ?
Un autre motif avait fait ajourner la solution relative aux animaux. Cette question touche à des préjugés longtemps enracinés et qu'il eût été imprudent de heurter de front, c'est pourquoi les Esprits ne l'ont pas fait. La question est engagée aujourd'hui ; elle s'agite sur différents points, même en dehors du Spiritisme ; les désincarnés y prennent part chacun selon ses idées personnelles ; ces théories diverses sont discutées, examinées ; une multitude de faits, comme par exemple celui qui fait le sujet de cet article, et qui eussent jadis passé inaperçus, appellent aujourd'hui l'attention, en raison même des études préliminaires que l'on a faites ; sans adopter telle ou telle opinion, on se familiarise avec l'idée d'un point de contact entre l'animalité et l'humanité, et lorsque viendra la solution définitive, dans quelque sens qu'elle ait lieu, elle devra s'appuyer sur des arguments péremptoires qui ne laisseront aucune place au doute ; si l'idée est vraie, elle aura été pressentie ; si elle est fausse, c'est qu'on aura trouvé quelque chose de plus logique à mettre à la place.
Tout se lie, tout s'enchaîne, tout s'harmonise dans la nature ; le Spiritisme est venu donner une idée mère, et l'on peut voir combien cette idée est féconde. Avant la lumière qu'il a jetée sur la psychologie, on aurait eu de la peine à croire que tant de considérations pussent surgir à propos d'un chien enragé.
L'extrait ci-dessus du rapport de M. Bouley ayant été lu à la société de Paris, un Esprit a donné à ce sujet la communication suivante.
Société spirite de Paris, 30 juin 1865. – Médium, M Desliens
La vision existe-t-elle chez le chien et chez quelques autres animaux, chez lesquels des phénomènes semblables à ceux décrits par M. Bouley se produisent ? La question, pour moi, ne fait pas l'ombre d'un doute. Oui, le chien, le cheval voient ou sentent les Esprits. N'avez-vous jamais été témoins de la répugnance que manifestent parfois ces animaux à passer dans un endroit où un corps humain avait été enterré à leur insu ? Vous direz sans doute que ses sens peuvent être éveillés par l'odeur particulière aux corps en putréfaction ; alors, pourquoi passe-t-il indifférent à côté du cadavre enfoui d'un autre animal ? Pourquoi dit-on que le chien sent la mort ? N'avez-vous jamais vu des chiens hurler sous les fenêtres d'une personne expirante, alors que cette personne lui était inconnue ? Ne voyez-vous pas aussi, en dehors de la surexcitation de la rage, divers animaux refuser d'obéir à la voix de leur maître, reculer avec frayeur devant un obstacle invisible qui semble leur barrer le passage, et s'emporter ; puis passer ensuite tranquillement dans l'endroit même qui leur inspirait une si grande terreur, comme si l'obstacle avait disparu ? On a vu des animaux sauver leurs maîtres d'un péril imminent, en refusant de parcourir la route où ceux-ci auraient pu succomber. Les faits de visions chez les animaux se trouvent dans l'antiquité et au moyen âge, aussi bien que de nos jours.
Les animaux voient donc certainement les Esprits. Dire, d'ailleurs, qu'ils ont une imagination, n'est-ce pas leur accorder un point de ressemblance avec l'esprit humain, et l'instinct n'est-il pas chez eux l'intelligence rudimentaire, appropriée à leur besoins, avant qu'elle ait passé par les creusets modificateurs qui doivent la transformer et lui donner de nouvelles facultés ? L'homme aussi a des instincts qui le font agir d'une manière inconsciente dans l'intérêt de sa conservation ; mais à mesure que se développent en lui l'intelligence et le libre arbitre, l'instinct s'affaiblit pour faire place au jugement, parce que ce guide aveugle lui est moins nécessaire.
L'instinct qui est dans toute sa force chez l'animal, se perpétuant dans l'homme où il se perd peu à peu, est certainement un trait d'union entre les deux espèces. La subtilité des sens chez l'animal, comme chez le sauvage et l'homme primitif, suppléant chez les uns et chez les autres à l'absence ou à l'insuffisance du sens moral, est un autre point de contact. Enfin, la vision spirituelle qui leur est bien évidemment commune, quoique à des degrés très différents, vient aussi diminuer la distance qui semblait mettre entre eux une barrière infranchissable. N'en concluez cependant rien encore d'une manière absolue, mais observez attentivement les faits, car de cette observation seule sortira un jour pour vous la vérité.
Moki.
Remarque. – Ce conseil est fort sage, car ce n'est évidemment que sur des faits qu'on peut asseoir une théorie solide, hors cela il n'y a que des opinions ou des systèmes. Les faits sont des arguments sans réplique, et dont il faut tôt ou tard accepter les conséquences quand ils sont constatés. C'est ce principe qui a servi de base à la doctrine Spirite, et c'est ce qui nous fait dire que c'est une science d'observation.
Une explication à propos de la révélation de M. Bach
Sous le titre de Lettre d'un inconnu, signée Bertelius, le Grand Journal du 18 juin 1865 contient l'explication suivante du fait rapporté dans la Revue spirite du mois de juillet dernier, relatif à l'air du roi Henri III, révélé en songe à M. Bach. L'auteur s'appuie exclusivement sur le somnambulisme, et paraît faire abstraction complète de l'intervention des Esprits. Quoique, sous ce rapport, nous différions de manière de voir, son explication n'en est pas moins savamment raisonnée, et si elle n'est pas, selon nous, exacte de tous points, elle contient des aperçus incontestablement vrais et dignes d'attention.
A l'encontre de certains magnétiseurs dits fluidistes, qui ne voient dans tous les effets magnétiques que l'action d'un fluide matériel, sans tenir aucun compte de l'âme, M. Bertelius fait jouer à celle-ci le rôle capital. Il la présente dans son état d'émancipation et de dégagement de la matière, jouissant de facultés qu'elle ne possède pas à l'état de veille. C'est donc une explication à un point de vue complètement spiritualiste, si ce n'est tout à fait spirite, et c'est déjà quelque chose que l'affirmation de la possibilité du fait par d'autres voies que celle de la matérialité pure, et cela dans un journal important.
Il est à remarquer qu'en ce moment il se produit, parmi les négateurs du Spiritisme, une sorte de réaction ; ou plutôt il se forme une opinion tierce que l'on peut considérer comme une transition. Beaucoup reconnaissent aujourd'hui l'impossibilité d'expliquer certains phénomènes par les seules lois de la matière, mais ne peuvent encore se résoudre à admettre l'intervention des Esprits ; ils en cherchent la cause dans l'action exclusive de l'âme incarnée, agissant indépendamment des organes matériels. C'est incontestablement un pas que l'on doit considérer comme une première victoire sur le matérialisme. De l'action indépendante et isolée de l'âme, pendant la vie, à cette même action après la mort, la distance n'est pas grande ; ils y seront conduits par l'évidence des faits et l'impuissance de tout expliquer à l'aide du seul Esprit incarné.
Voici l'article publié par le Grand Journal.
« En racontant, dans l'avant-dernier numéro du Grand Journal, le fait singulier arrivé à M. G. Bach, vous posez ces questions : « L'épinette a-t-elle appartenu à Baltazarini ? – Est-ce l'Esprit de Baltazarini qui a écrit la romance et la sarabande ? – Mystère que nous n'osons pas approfondir.
Pourquoi, s'il vous plaît, un homme, que je me plais à croire affranchi de préjugés, recule-t-il devant la recherche de la vérité ? Mystère ! dites-vous. – Non, monsieur ; il n'y a pas de mystère. Il y a une simple faculté dont Dieu a doté certains hommes, comme il en a doté d'autres d'une belle voix, du génie poétique, de l'esprit de calcul, d'une perspicacité rare, facultés que l'éducation peut réveiller, développer, améliorer. En revanche, il existe une infinité d'autres facultés accordées à l'homme, et que la civilisation, le progrès, l'éducation anéantissent, au lieu d'en favoriser le développement.
N'est-il pas vrai, par exemple, que les peuples sauvages ont une délicatesse d'ouïe que nous ne possédons pas ? – qu'en appliquant l'oreille à terre, ils distinguent le pas d'un homme ou de plusieurs hommes, d'un cheval, ou de plusieurs chevaux, ou d'une bête fauve à une grande distance ?
N'est-il pas vrai aussi qu'ils mesurent le temps avec précision, sans horloge, sans montre ? qu'ils dirigent sûrement leur marche à travers les forêts vierges, ou leurs nacelles à travers les fleuves et la mer, en regardant les étoiles, sans le secours de la boussole et sans aucune notion astronomique ? – N'est-il pas vrai enfin, qu'ils guérissent leurs maladies sans médecins ; les piqûres des animaux les plus venimeux avec des herbes, des simples, qu'ils distinguent au milieu de tant d'autres herbes, et trouvent sous leurs pas ? Ne sait-on pas qu'ils guérissent les plaies les plus dangereuses avec de la terre glaise ? Et ne prouvent-ils pas, comme me le disait si judicieusement, sur les confins des États-Unis, un chef de Peaux-Rouges, que le Grand Être a toujours mis le remède à côté du mal ?
Ces vérités sont devenues banales à force d'être répétées ; mais les uns s'en servent pour déguiser leur ignorance, les autres (c'est la majorité) pour y puiser des sujets de paradoxes. Il est si facile de prendre des allures d'esprit fort en niant tout ! il est si difficile d'expliquer l'œuvre de Dieu, dont nous cherchons le secret dans les livres, quand nous en trouverions la solution dans la nature ! Voilà le grand livre qui est ouvert à toutes les intelligences ; mais toutes ne sont pas faites pour déchiffrer ces mystères, parce que les uns y lisent à travers leurs préventions ou leurs préjugés, les autres à travers leur insuffisance ou leur orgueil de savant.
Servez-vous des moyens les plus simples pour approfondir les mystères de la nature, et vous trouverez la solution, jusqu'aux bornes imposées à l'intelligence humaine, par une intelligence supérieure.
M. Bach n'est pas somnambule, avez-vous dit. Qu'en savez-vous, et qu'en sait-il lui-même ? – M. Bach, je l'affirme, sans avoir jamais eu l'honneur de le rencontrer et sans le connaître, M. Bach est somnambule. Le somnambulisme est resté chez lui à l'état latent ; il a fallu un événement exceptionnel, une sensation très vive et très persistante, une émotion que comprendront tous ceux qui ont l'amour de la curiosité et de la collection, pour lui révéler à lui-même une faculté dont il doit avoir eu plus d'un exemple, restés inaperçus dans sa vie, mais dont il se souviendra sans doute aujourd'hui, s'il veut interroger son passé et réfléchir.
M. Bach, d'après ce que vous nous avez appris, employa une partie de la journée dans la contemplation de sa précieuse épinette ; il découvrit l'état civil de l'instrument (avril 1564). « il y pensait en se couchant ; lorsque le sommeil vint fermer sa paupière, il y pensait encore. »
Le somnambule procède par degrés. – Quand vous voulez qu'il voie ce qui se passe à Londres, par exemple, il faut lui indiquer que vous le mettez en voiture, qu'il entre en chemin de fer, qu'il roule, qu'il s'embarque, traverse la mer (alors là, il éprouve souvent des nausées), qu'il débarque, reprend le chemin de fer, et finalement arrive au terme de son voyage.
M. Bach a suivi la marche habituelle aux somnambules. Il avait tourné, retourné, démonté, fouillé son épinette ; il était rempli de cette idée, et, mentalement, sans même y songer, il a dû se dire : « A qui cet instrument a-t-il pu appartenir ? » Le courant magnétique (les esprits forts ne nieront pas ce courant) s'est établi entre lui et l'instrument. Il s'est endormi, il est tombé dans le sommeil naturel, et a passé ensuite naturellement à l'état de somnambulisme. Alors il a cherché, il a fouillé dans le passé, il s'est mis en communication plus intime avec l'épinette ; il a dû la tourner, la retourner, poser la main où la main de l'ancien propriétaire de l'instrument s'est posée il y a trois siècles ; et interrogeant le passé (ce qui est infiniment plus facile que de voir l'avenir), il s'est trouvé en contact avec cet être qui n'est plus. Il l'a vu vêtu de ses habits, et il a exécuté l'air que l'instrument a si souvent rendu ; il a entendu les paroles si souvent accompagnées ; et entraîné par cette puissance magnétique qu'on appelle électricité, il a écrit, lui, M. Bach, de sa main, cet air, aussi bien qu'on transmet aujourd'hui à Lyon une dépêche écrite de votre main avec votre écriture. Il a écrit, lui, M. Bach, dans son état de somnambulisme, je le répète, cet air et ces paroles qu'il n'a jamais entendus ; et, surexcité par une émotion trop vive, il s'est réveillé tout en larmes.
Vous allez crier à l'impossibilité. – Eh bien ! écoutez ce fait : – J'ai envoyé moi-même une somnambule en Angleterre ; elle a accompli le voyage, non pas dans le sommeil de somnambule, mais dans une condition qui n'était ni l'état tout à fait naturel, ni l'état complet de somnambulisme. – Seulement, je lui ai ordonné de dormir toutes les nuits pendant le temps nécessaire, du sommeil surnaturel, et de s'écrire ce qu'elle aurait à faire pour arriver au résultat qu'elle devait atteindre dans son voyage. – Elle ne savait pas un mot d'anglais. Elle ne connaissait personne. L'affaire qui la préoccupait était grave… Elle a accompli son voyage, elle s'est écrit toutes les nuits des consultations sur ce qu'elle devait faire, sur les personnes qu'elle devait voir, l'endroit où elle devait les trouver. Elle a suivi textuellement et au pied de la lettre les indications qu'elle s'était données, elle est allée chez des personnes qu'elle ne connaissait pas et dont elle n'avait jamais entendu parler, et qui se trouvaient être justement celles qui pouvaient tout… Si bien qu'au bout de huit jours, une affaire qui aurait exigé des années, sans espoir d'en voir la fin, a été terminée à sa complète satisfaction, et ma somnambule est retournée après avoir accompli des merveilles. – Dans l'état naturel, cette femme extraordinaire est tout simplement une femme fort ordinaire.
Remarquez ce fait : son écriture dans le sommeil est toute différente de son écriture habituelle. Des mots ont été mis en anglais, et elle ne connaît pas l'anglais. Elle converse avec moi en italien, et quand elle est réveillée, elle ne saurait dire deux mots de suite dans cette langue.
M. Bach a donc écrit lui-même et annoté de sa main l'air de Henri III quoique peut-être il ne reconnaisse pas son écriture. Et ce qui est plus fort, c'est qu'il doit douter de ses facultés magnétiques, comme ma somnambule, qui est, à cet égard, d'une incrédulité si radicale qu'on ne peut causer de magnétisme devant elle sans qu'elle ne se hâte de déclarer qu'il faut être absurde pour y croire.
Et peut-être encore, quoique vous ne le disiez pas, M. Bach n'avait ni papier ni encre. Ma somnambule, à Londres, trouva sur sa table, les indications voulues écrites au crayon ; elle n'avait pas de crayon !… Elle est allée, j'en suis certain, fouiller dans l'hôtel, a trouvé le crayon dont elle avait besoin, et l'a reporté à sa place, avec cette exactitude, ces précautions, cette légèreté vaporeuse, presque surnaturelle, habituelle aux somnambules.
Je pourrais vous citer des faits plus surprenants que celui de M. Bach. Mais en voilà assez pour aujourd'hui. J'hésite même à vous envoyer ces notes écrites au hasard de la plume.
Depuis vingt ans que je magnétise, j'ai caché, même à mes meilleurs amis, le résultat de mes découvertes. Il est si facile de taxer un homme de folie ; il y a tant de gens intéressés à mettre la lumière sous le boisseau, et, surtout il faut le dire, il y a tant de charlatans qui ont abusé du magnétisme, qu'il faudrait un courage surhumain, pour déclarer qu'on s'en occupe. On serait mieux venu de proclamer qu'on a assassiné père et mère, que de confesser qu'on y croit.
Règle générale, cependant : ne croyez jamais, au grand jamais, aux expériences publiques, aux somnambules de commande qu'on consulte moyennant finances, qui rendent des oracles comme les sibylles antiques, qui agissent, parlent au moindre commandement et à heure dite, devant un public nombreux, comme un automate habilement fabriqué. C'est du charlatanisme ! Rien n'est plus capricieux, volontaire, mobile, boudeur, rancuneux qu'un somnambule. Un rien paralyse ses facultés de seconde vue ; un rien le fait mentir pour faire une malice ; un rien le dérange et le fait dévier, et cela se conçoit. Y a-t-il rien de plus susceptible que le courant électrique ?
Je me suis séparé d'un savant docteur (le docteur E…, bien connu à Londres), sous lequel j'ai commencé mes premières expériences magnétiques, justement parce que j'ai toujours considéré comme une faute grave l'abus du magnétisme. Entraîné par les résultats miraculeux que nous obtenions, il voulut un jour greffer le système phrénologique sur le magnétisme ; il prétendait qu'en touchant certaines bosses de la tête, le somnambule éprouvait la sensation dont cette bosse était le siège. On touchait la bosse présumée du chant, le sujet chantait ; celle de la gourmandise, il mâchait à vide, disant que tel mets avait bon ou mauvais goût ; ainsi de suite.
J'estimai que c'était pousser l'expérience jusqu'à l'abus, et asseoir sur un fait réel, le somnambulisme, une science problématique, la phrénologie. Je voulais étendre le domaine des découvertes magnétiques, mais non en abuser, comme on le fait généralement.
J'eus l'irrévérence de déclarer à mon professeur qu'il s'égarait, et je maintiens qu'il est du devoir de tous ceux qui connaissent les phénomènes magnétiques de s'élever contre toutes ces expériences, dont le seul but est de satisfaire une curiosité ignorante, d'exploiter quelques faiblesses humaines et non d'atteindre un résultat pratique pour l'humanité et utile à tous.
Mais il est plus difficile qu'on ne croit de se maintenir dans ces bornes honorables, quand on est parvenu à des résultats merveilleux. Les plus forts magnétiseurs se laissent entraîner, et, phénomène plus merveilleux encore, lorsqu'on arrive à ce point d'exiger toujours des expériences publiques de son sujet, il semble alors se détraquer, il n'a plus cet imprévu, cette lucidité, cette clairvoyance qui le distinguaient ; il devient une machine automatique, qui répond sur un thème donné, et dont les facultés s'appauvrissent jusqu'au point de disparaître.
Malheureusement des gens qui n'oseraient tenter une simple expérience de physique amusante, qui s'avoueraient inhabiles à exécuter le moindre tour de prestidigitation, n'hésitent jamais, sans préparations, sans la moindre étude préparatoire, à faire des expériences magnétiques.
Ah ! si je ne craignais d'endormir les lecteurs de votre Grand Journal d'un sommeil moins intéressant, mais plus bruyant que celui de mes somnambules, je vous entretiendrais prochainement de faits éminemment curieux… Mais auparavant, il faut savoir quel accueil vous ferez à cette première lettre, et c'est ce que j'apprendrai samedi en faisant sauter la bande de mon numéro.
Bertellius. »
A l'encontre de certains magnétiseurs dits fluidistes, qui ne voient dans tous les effets magnétiques que l'action d'un fluide matériel, sans tenir aucun compte de l'âme, M. Bertelius fait jouer à celle-ci le rôle capital. Il la présente dans son état d'émancipation et de dégagement de la matière, jouissant de facultés qu'elle ne possède pas à l'état de veille. C'est donc une explication à un point de vue complètement spiritualiste, si ce n'est tout à fait spirite, et c'est déjà quelque chose que l'affirmation de la possibilité du fait par d'autres voies que celle de la matérialité pure, et cela dans un journal important.
Il est à remarquer qu'en ce moment il se produit, parmi les négateurs du Spiritisme, une sorte de réaction ; ou plutôt il se forme une opinion tierce que l'on peut considérer comme une transition. Beaucoup reconnaissent aujourd'hui l'impossibilité d'expliquer certains phénomènes par les seules lois de la matière, mais ne peuvent encore se résoudre à admettre l'intervention des Esprits ; ils en cherchent la cause dans l'action exclusive de l'âme incarnée, agissant indépendamment des organes matériels. C'est incontestablement un pas que l'on doit considérer comme une première victoire sur le matérialisme. De l'action indépendante et isolée de l'âme, pendant la vie, à cette même action après la mort, la distance n'est pas grande ; ils y seront conduits par l'évidence des faits et l'impuissance de tout expliquer à l'aide du seul Esprit incarné.
Voici l'article publié par le Grand Journal.
« En racontant, dans l'avant-dernier numéro du Grand Journal, le fait singulier arrivé à M. G. Bach, vous posez ces questions : « L'épinette a-t-elle appartenu à Baltazarini ? – Est-ce l'Esprit de Baltazarini qui a écrit la romance et la sarabande ? – Mystère que nous n'osons pas approfondir.
Pourquoi, s'il vous plaît, un homme, que je me plais à croire affranchi de préjugés, recule-t-il devant la recherche de la vérité ? Mystère ! dites-vous. – Non, monsieur ; il n'y a pas de mystère. Il y a une simple faculté dont Dieu a doté certains hommes, comme il en a doté d'autres d'une belle voix, du génie poétique, de l'esprit de calcul, d'une perspicacité rare, facultés que l'éducation peut réveiller, développer, améliorer. En revanche, il existe une infinité d'autres facultés accordées à l'homme, et que la civilisation, le progrès, l'éducation anéantissent, au lieu d'en favoriser le développement.
N'est-il pas vrai, par exemple, que les peuples sauvages ont une délicatesse d'ouïe que nous ne possédons pas ? – qu'en appliquant l'oreille à terre, ils distinguent le pas d'un homme ou de plusieurs hommes, d'un cheval, ou de plusieurs chevaux, ou d'une bête fauve à une grande distance ?
N'est-il pas vrai aussi qu'ils mesurent le temps avec précision, sans horloge, sans montre ? qu'ils dirigent sûrement leur marche à travers les forêts vierges, ou leurs nacelles à travers les fleuves et la mer, en regardant les étoiles, sans le secours de la boussole et sans aucune notion astronomique ? – N'est-il pas vrai enfin, qu'ils guérissent leurs maladies sans médecins ; les piqûres des animaux les plus venimeux avec des herbes, des simples, qu'ils distinguent au milieu de tant d'autres herbes, et trouvent sous leurs pas ? Ne sait-on pas qu'ils guérissent les plaies les plus dangereuses avec de la terre glaise ? Et ne prouvent-ils pas, comme me le disait si judicieusement, sur les confins des États-Unis, un chef de Peaux-Rouges, que le Grand Être a toujours mis le remède à côté du mal ?
Ces vérités sont devenues banales à force d'être répétées ; mais les uns s'en servent pour déguiser leur ignorance, les autres (c'est la majorité) pour y puiser des sujets de paradoxes. Il est si facile de prendre des allures d'esprit fort en niant tout ! il est si difficile d'expliquer l'œuvre de Dieu, dont nous cherchons le secret dans les livres, quand nous en trouverions la solution dans la nature ! Voilà le grand livre qui est ouvert à toutes les intelligences ; mais toutes ne sont pas faites pour déchiffrer ces mystères, parce que les uns y lisent à travers leurs préventions ou leurs préjugés, les autres à travers leur insuffisance ou leur orgueil de savant.
Servez-vous des moyens les plus simples pour approfondir les mystères de la nature, et vous trouverez la solution, jusqu'aux bornes imposées à l'intelligence humaine, par une intelligence supérieure.
M. Bach n'est pas somnambule, avez-vous dit. Qu'en savez-vous, et qu'en sait-il lui-même ? – M. Bach, je l'affirme, sans avoir jamais eu l'honneur de le rencontrer et sans le connaître, M. Bach est somnambule. Le somnambulisme est resté chez lui à l'état latent ; il a fallu un événement exceptionnel, une sensation très vive et très persistante, une émotion que comprendront tous ceux qui ont l'amour de la curiosité et de la collection, pour lui révéler à lui-même une faculté dont il doit avoir eu plus d'un exemple, restés inaperçus dans sa vie, mais dont il se souviendra sans doute aujourd'hui, s'il veut interroger son passé et réfléchir.
M. Bach, d'après ce que vous nous avez appris, employa une partie de la journée dans la contemplation de sa précieuse épinette ; il découvrit l'état civil de l'instrument (avril 1564). « il y pensait en se couchant ; lorsque le sommeil vint fermer sa paupière, il y pensait encore. »
Le somnambule procède par degrés. – Quand vous voulez qu'il voie ce qui se passe à Londres, par exemple, il faut lui indiquer que vous le mettez en voiture, qu'il entre en chemin de fer, qu'il roule, qu'il s'embarque, traverse la mer (alors là, il éprouve souvent des nausées), qu'il débarque, reprend le chemin de fer, et finalement arrive au terme de son voyage.
M. Bach a suivi la marche habituelle aux somnambules. Il avait tourné, retourné, démonté, fouillé son épinette ; il était rempli de cette idée, et, mentalement, sans même y songer, il a dû se dire : « A qui cet instrument a-t-il pu appartenir ? » Le courant magnétique (les esprits forts ne nieront pas ce courant) s'est établi entre lui et l'instrument. Il s'est endormi, il est tombé dans le sommeil naturel, et a passé ensuite naturellement à l'état de somnambulisme. Alors il a cherché, il a fouillé dans le passé, il s'est mis en communication plus intime avec l'épinette ; il a dû la tourner, la retourner, poser la main où la main de l'ancien propriétaire de l'instrument s'est posée il y a trois siècles ; et interrogeant le passé (ce qui est infiniment plus facile que de voir l'avenir), il s'est trouvé en contact avec cet être qui n'est plus. Il l'a vu vêtu de ses habits, et il a exécuté l'air que l'instrument a si souvent rendu ; il a entendu les paroles si souvent accompagnées ; et entraîné par cette puissance magnétique qu'on appelle électricité, il a écrit, lui, M. Bach, de sa main, cet air, aussi bien qu'on transmet aujourd'hui à Lyon une dépêche écrite de votre main avec votre écriture. Il a écrit, lui, M. Bach, dans son état de somnambulisme, je le répète, cet air et ces paroles qu'il n'a jamais entendus ; et, surexcité par une émotion trop vive, il s'est réveillé tout en larmes.
Vous allez crier à l'impossibilité. – Eh bien ! écoutez ce fait : – J'ai envoyé moi-même une somnambule en Angleterre ; elle a accompli le voyage, non pas dans le sommeil de somnambule, mais dans une condition qui n'était ni l'état tout à fait naturel, ni l'état complet de somnambulisme. – Seulement, je lui ai ordonné de dormir toutes les nuits pendant le temps nécessaire, du sommeil surnaturel, et de s'écrire ce qu'elle aurait à faire pour arriver au résultat qu'elle devait atteindre dans son voyage. – Elle ne savait pas un mot d'anglais. Elle ne connaissait personne. L'affaire qui la préoccupait était grave… Elle a accompli son voyage, elle s'est écrit toutes les nuits des consultations sur ce qu'elle devait faire, sur les personnes qu'elle devait voir, l'endroit où elle devait les trouver. Elle a suivi textuellement et au pied de la lettre les indications qu'elle s'était données, elle est allée chez des personnes qu'elle ne connaissait pas et dont elle n'avait jamais entendu parler, et qui se trouvaient être justement celles qui pouvaient tout… Si bien qu'au bout de huit jours, une affaire qui aurait exigé des années, sans espoir d'en voir la fin, a été terminée à sa complète satisfaction, et ma somnambule est retournée après avoir accompli des merveilles. – Dans l'état naturel, cette femme extraordinaire est tout simplement une femme fort ordinaire.
Remarquez ce fait : son écriture dans le sommeil est toute différente de son écriture habituelle. Des mots ont été mis en anglais, et elle ne connaît pas l'anglais. Elle converse avec moi en italien, et quand elle est réveillée, elle ne saurait dire deux mots de suite dans cette langue.
M. Bach a donc écrit lui-même et annoté de sa main l'air de Henri III quoique peut-être il ne reconnaisse pas son écriture. Et ce qui est plus fort, c'est qu'il doit douter de ses facultés magnétiques, comme ma somnambule, qui est, à cet égard, d'une incrédulité si radicale qu'on ne peut causer de magnétisme devant elle sans qu'elle ne se hâte de déclarer qu'il faut être absurde pour y croire.
Et peut-être encore, quoique vous ne le disiez pas, M. Bach n'avait ni papier ni encre. Ma somnambule, à Londres, trouva sur sa table, les indications voulues écrites au crayon ; elle n'avait pas de crayon !… Elle est allée, j'en suis certain, fouiller dans l'hôtel, a trouvé le crayon dont elle avait besoin, et l'a reporté à sa place, avec cette exactitude, ces précautions, cette légèreté vaporeuse, presque surnaturelle, habituelle aux somnambules.
Je pourrais vous citer des faits plus surprenants que celui de M. Bach. Mais en voilà assez pour aujourd'hui. J'hésite même à vous envoyer ces notes écrites au hasard de la plume.
Depuis vingt ans que je magnétise, j'ai caché, même à mes meilleurs amis, le résultat de mes découvertes. Il est si facile de taxer un homme de folie ; il y a tant de gens intéressés à mettre la lumière sous le boisseau, et, surtout il faut le dire, il y a tant de charlatans qui ont abusé du magnétisme, qu'il faudrait un courage surhumain, pour déclarer qu'on s'en occupe. On serait mieux venu de proclamer qu'on a assassiné père et mère, que de confesser qu'on y croit.
Règle générale, cependant : ne croyez jamais, au grand jamais, aux expériences publiques, aux somnambules de commande qu'on consulte moyennant finances, qui rendent des oracles comme les sibylles antiques, qui agissent, parlent au moindre commandement et à heure dite, devant un public nombreux, comme un automate habilement fabriqué. C'est du charlatanisme ! Rien n'est plus capricieux, volontaire, mobile, boudeur, rancuneux qu'un somnambule. Un rien paralyse ses facultés de seconde vue ; un rien le fait mentir pour faire une malice ; un rien le dérange et le fait dévier, et cela se conçoit. Y a-t-il rien de plus susceptible que le courant électrique ?
Je me suis séparé d'un savant docteur (le docteur E…, bien connu à Londres), sous lequel j'ai commencé mes premières expériences magnétiques, justement parce que j'ai toujours considéré comme une faute grave l'abus du magnétisme. Entraîné par les résultats miraculeux que nous obtenions, il voulut un jour greffer le système phrénologique sur le magnétisme ; il prétendait qu'en touchant certaines bosses de la tête, le somnambule éprouvait la sensation dont cette bosse était le siège. On touchait la bosse présumée du chant, le sujet chantait ; celle de la gourmandise, il mâchait à vide, disant que tel mets avait bon ou mauvais goût ; ainsi de suite.
J'estimai que c'était pousser l'expérience jusqu'à l'abus, et asseoir sur un fait réel, le somnambulisme, une science problématique, la phrénologie. Je voulais étendre le domaine des découvertes magnétiques, mais non en abuser, comme on le fait généralement.
J'eus l'irrévérence de déclarer à mon professeur qu'il s'égarait, et je maintiens qu'il est du devoir de tous ceux qui connaissent les phénomènes magnétiques de s'élever contre toutes ces expériences, dont le seul but est de satisfaire une curiosité ignorante, d'exploiter quelques faiblesses humaines et non d'atteindre un résultat pratique pour l'humanité et utile à tous.
Mais il est plus difficile qu'on ne croit de se maintenir dans ces bornes honorables, quand on est parvenu à des résultats merveilleux. Les plus forts magnétiseurs se laissent entraîner, et, phénomène plus merveilleux encore, lorsqu'on arrive à ce point d'exiger toujours des expériences publiques de son sujet, il semble alors se détraquer, il n'a plus cet imprévu, cette lucidité, cette clairvoyance qui le distinguaient ; il devient une machine automatique, qui répond sur un thème donné, et dont les facultés s'appauvrissent jusqu'au point de disparaître.
Malheureusement des gens qui n'oseraient tenter une simple expérience de physique amusante, qui s'avoueraient inhabiles à exécuter le moindre tour de prestidigitation, n'hésitent jamais, sans préparations, sans la moindre étude préparatoire, à faire des expériences magnétiques.
Ah ! si je ne craignais d'endormir les lecteurs de votre Grand Journal d'un sommeil moins intéressant, mais plus bruyant que celui de mes somnambules, je vous entretiendrais prochainement de faits éminemment curieux… Mais auparavant, il faut savoir quel accueil vous ferez à cette première lettre, et c'est ce que j'apprendrai samedi en faisant sauter la bande de mon numéro.
Bertellius. »
Un égoïste
Étude spirite morale
Un de nos correspondants de Lyon nous a transmis le récit suivant à la date du 10 janvier 1865.
Nous connaissions, dans une localité voisine, un individu que je ne nomme pas, pour ne pas faire de la médisance et parce que le nom ne fait rien à la chose. Il était Spirite, et sous l'empire de cette croyance il s'était amélioré, mais cependant il n'en avait point profité autant qu'il aurait pu le faire, eu égard à son intelligence. Il vivait avec une vieille tante qui l'aimait comme son fils, et à qui rien ne coûtait, ni peines ni sacrifices, pour son cher neveu. Par économie c'était la bonne femme qui faisait le ménage ; jusque-là, rien que de très naturel ; ce qui l'était moins, c'est que le neveu, jeune et bien portant, la laissât faire les travaux au-dessus de ses forces, sans que jamais il lui vint à la pensée de lui épargner des courses pénibles pour son âge, le transport de quelques fardeaux ou quelque chose de semblable. Il n'aurait pas plus remué un meuble dans la maison que s'il avait eu des domestiques à ses ordres ; et même s'il arrivait qu'il prévît quelque opération exceptionnellement pénible, il prenait un prétexte pour s'absenter dans la crainte qu'on ne lui demandât de donner un coup de main qu'il n'aurait pu refuser. Il avait reçu cependant à ce sujet plusieurs leçons, on pourrait dire des affronts, capables de faire réfléchir un homme de cœur ; mais il y était insensible. Un jour que la tante s'exténuait à fendre du bois, il était là assis, fumant tranquillement sa pipe. Un voisin entre, et voyant cela, dit en jetant un regard de mépris sur le jeune homme : « C'est là l'ouvrage d'un homme et non d'une femme ; » puis, prenant le merlin, il se mit à fendre le bois, tandis que l'autre le regardait faire. Il était estimé comme honnête homme et de bonne conduite, mais son caractère sans aménité et sans prévenance ne le faisait pas aimer, et avait éloigné de lui la plupart de ses amis. Nous autres Spirites, nous étions affligés de ce manque de cœur, et nous disions qu'un jour il le payerait sans doute bien cher.
La prévision s'est réalisée dernièrement. Il faut vous dire que par suite des efforts que faisait la vieille femme, elle fut atteinte d'une hernie très grave qui la faisait beaucoup souffrir, mais dont elle avait le courage de ne pas se plaindre. Pendant ces derniers grands froids, voulant probablement esquiver une corvée, le neveu sortit dès le matin, mais il ne rentra pas. En traversant un pont, il fut atteint par la chute d'une voiture entraînée sur une pente glissante, et mourut deux heures après.
Quand nous fûmes informés de l'événement, nous voulûmes l'évoquer, et voici ce qui nous fut répondu par un de nos bons guides :
« Celui que vous voulez appeler ne pourra se communiquer avant quelque temps. Je viens vous répondre pour lui, et vous apprendre ce que vous désirez savoir ; plus tard, il vous le confirmera ; dans ce moment, il est trop troublé par les pensées qui l'agitent. Il voit sa tante, et la maladie qu'elle a contractée par suite de ses fatigues corporelles et dont elle mourra. C'est là ce qui le tourmente, car il se considère comme son meurtrier. Il l'est en effet, puisqu'il pouvait lui épargner le travail qui sera cause de sa mort. C'est pour lui un remords poignant et qui le poursuivra longtemps, jusqu'à ce qu'il ait réparé sa faute. Il voudrait le faire en ce moment ; il ne quitte pas sa tante, mais ses efforts sont impuissants, et alors il se désespère. Il faut, pour sa punition qu'il la voie mourir des suites de sa nonchalance égoïste, car sa conduite est une variété de l'égoïsme, Priez pour lui afin d'entretenir en lui le repentir qui le sauvera plus tard. »
D. Notre cher guide voudrait-il nous dire s'il ne lui est tenu aucun compte des autres défauts dont il s'est corrigé par suite du Spiritisme, et si sa position n'en est pas adoucie ? – R. Sans aucun doute, il lui est tenu compte de cette amélioration, car rien n'échappe aux regards scrutateurs de la divine providence. Mais voici de quelle manière chaque action bonne ou mauvaise a ses conséquences naturelles, inévitables, selon cette parole du Christ : A chacun selon ses œuvres : celui qui s'est corrigé de quelques défauts s'épargne la punition qu'ils eussent entraînés, et reçoit au contraire le prix des qualités qui les ont remplacés ; mais il ne peut échapper aux suites des défauts qui lui restent. Il n'est donc puni que dans la proportion et selon la gravité de ces derniers : moins il en a, meilleure est sa position. Une qualité ne rachète pas un défaut ; elle diminue le nombre de ceux-ci et par suite la somme des punitions.
Ceux dont on se corrige d'abord sont les plus faciles à extirper, et celui dont on se défait le plus difficilement, c'est l'égoïsme. On croit avoir beaucoup fait parce qu'on a modéré la violence de son caractère, qu'on se résigne à son sort, ou qu'on se défait de quelques mauvaises habitudes ; c'est quelque chose sans doute et qui profite, mais n'empêche pas de payer le tribut d'épuration pour le reste.
Mes amis, l'égoïsme est ce qu'on voit le mieux chez les autres, parce qu'on en ressent le contrecoup, et que l'égoïste nous blesse ; mais l'égoïste trouve en lui-même sa satisfaction, c'est pour cela qu'il ne s'en aperçoit pas. L'égoïsme est toujours une preuve de sécheresse du cœur ; il émousse la sensibilité sur les souffrances d'autrui. L'homme de cœur, au contraire, ressent cette souffrance et s'en émeut ; c'est pour cela qu'il se dévoue pour les épargner ou les apaiser chez les autres, parce qu'il voudrait qu'on en fît autant pour lui ; aussi est-il heureux quand il épargne une peine ou une souffrance à quelqu'un ; s'étant identifié avec le mal de son semblable, il éprouve un soulagement réel quand le mal n'existe plus. Comptez sur sa reconnaissance si vous lui rendez service ; mais de l'égoïste n'attendez que de l'ingratitude ; la reconnaissance en paroles ne lui coûte rien, mais en action, elle le fatiguerait et troublerait son repos. Il n'agit pour autrui que quand il y est forcé, mais jamais spontanément ; son attachement est en raison du bien qu'il attend des gens, et cela quelquefois à son insu. Le jeune homme dont nous avons parlé aimait certainement sa tante, et il se serait révolté si on lui avait dit le contraire, et cependant son affection n'allait pas jusqu'à se fatiguer pour elle ; ce n'était pas de sa part un dessein prémédité, mais une répulsion instinctive, suite de son égoïsme natif. La lumière qu'il n'avait pas su trouver de son vivant lui apparaît aujourd'hui, et il regrette de n'avoir pas mieux profité des enseignements qu'il a reçus. Priez pour lui.
L'égoïsme est le ver rongeur de la société, c'est plus ou moins celui de chacun de vous. Bientôt, je vous donnerai une dissertation où il sera envisagé sous ses diverses nuances ; ce sera un miroir ; regardez-le avec soin ; pour voir si vous n'apercevez pas dans un coin quelque reflet de votre personnalité.
Votre guide spirituel.
Un de nos correspondants de Lyon nous a transmis le récit suivant à la date du 10 janvier 1865.
Nous connaissions, dans une localité voisine, un individu que je ne nomme pas, pour ne pas faire de la médisance et parce que le nom ne fait rien à la chose. Il était Spirite, et sous l'empire de cette croyance il s'était amélioré, mais cependant il n'en avait point profité autant qu'il aurait pu le faire, eu égard à son intelligence. Il vivait avec une vieille tante qui l'aimait comme son fils, et à qui rien ne coûtait, ni peines ni sacrifices, pour son cher neveu. Par économie c'était la bonne femme qui faisait le ménage ; jusque-là, rien que de très naturel ; ce qui l'était moins, c'est que le neveu, jeune et bien portant, la laissât faire les travaux au-dessus de ses forces, sans que jamais il lui vint à la pensée de lui épargner des courses pénibles pour son âge, le transport de quelques fardeaux ou quelque chose de semblable. Il n'aurait pas plus remué un meuble dans la maison que s'il avait eu des domestiques à ses ordres ; et même s'il arrivait qu'il prévît quelque opération exceptionnellement pénible, il prenait un prétexte pour s'absenter dans la crainte qu'on ne lui demandât de donner un coup de main qu'il n'aurait pu refuser. Il avait reçu cependant à ce sujet plusieurs leçons, on pourrait dire des affronts, capables de faire réfléchir un homme de cœur ; mais il y était insensible. Un jour que la tante s'exténuait à fendre du bois, il était là assis, fumant tranquillement sa pipe. Un voisin entre, et voyant cela, dit en jetant un regard de mépris sur le jeune homme : « C'est là l'ouvrage d'un homme et non d'une femme ; » puis, prenant le merlin, il se mit à fendre le bois, tandis que l'autre le regardait faire. Il était estimé comme honnête homme et de bonne conduite, mais son caractère sans aménité et sans prévenance ne le faisait pas aimer, et avait éloigné de lui la plupart de ses amis. Nous autres Spirites, nous étions affligés de ce manque de cœur, et nous disions qu'un jour il le payerait sans doute bien cher.
La prévision s'est réalisée dernièrement. Il faut vous dire que par suite des efforts que faisait la vieille femme, elle fut atteinte d'une hernie très grave qui la faisait beaucoup souffrir, mais dont elle avait le courage de ne pas se plaindre. Pendant ces derniers grands froids, voulant probablement esquiver une corvée, le neveu sortit dès le matin, mais il ne rentra pas. En traversant un pont, il fut atteint par la chute d'une voiture entraînée sur une pente glissante, et mourut deux heures après.
Quand nous fûmes informés de l'événement, nous voulûmes l'évoquer, et voici ce qui nous fut répondu par un de nos bons guides :
« Celui que vous voulez appeler ne pourra se communiquer avant quelque temps. Je viens vous répondre pour lui, et vous apprendre ce que vous désirez savoir ; plus tard, il vous le confirmera ; dans ce moment, il est trop troublé par les pensées qui l'agitent. Il voit sa tante, et la maladie qu'elle a contractée par suite de ses fatigues corporelles et dont elle mourra. C'est là ce qui le tourmente, car il se considère comme son meurtrier. Il l'est en effet, puisqu'il pouvait lui épargner le travail qui sera cause de sa mort. C'est pour lui un remords poignant et qui le poursuivra longtemps, jusqu'à ce qu'il ait réparé sa faute. Il voudrait le faire en ce moment ; il ne quitte pas sa tante, mais ses efforts sont impuissants, et alors il se désespère. Il faut, pour sa punition qu'il la voie mourir des suites de sa nonchalance égoïste, car sa conduite est une variété de l'égoïsme, Priez pour lui afin d'entretenir en lui le repentir qui le sauvera plus tard. »
D. Notre cher guide voudrait-il nous dire s'il ne lui est tenu aucun compte des autres défauts dont il s'est corrigé par suite du Spiritisme, et si sa position n'en est pas adoucie ? – R. Sans aucun doute, il lui est tenu compte de cette amélioration, car rien n'échappe aux regards scrutateurs de la divine providence. Mais voici de quelle manière chaque action bonne ou mauvaise a ses conséquences naturelles, inévitables, selon cette parole du Christ : A chacun selon ses œuvres : celui qui s'est corrigé de quelques défauts s'épargne la punition qu'ils eussent entraînés, et reçoit au contraire le prix des qualités qui les ont remplacés ; mais il ne peut échapper aux suites des défauts qui lui restent. Il n'est donc puni que dans la proportion et selon la gravité de ces derniers : moins il en a, meilleure est sa position. Une qualité ne rachète pas un défaut ; elle diminue le nombre de ceux-ci et par suite la somme des punitions.
Ceux dont on se corrige d'abord sont les plus faciles à extirper, et celui dont on se défait le plus difficilement, c'est l'égoïsme. On croit avoir beaucoup fait parce qu'on a modéré la violence de son caractère, qu'on se résigne à son sort, ou qu'on se défait de quelques mauvaises habitudes ; c'est quelque chose sans doute et qui profite, mais n'empêche pas de payer le tribut d'épuration pour le reste.
Mes amis, l'égoïsme est ce qu'on voit le mieux chez les autres, parce qu'on en ressent le contrecoup, et que l'égoïste nous blesse ; mais l'égoïste trouve en lui-même sa satisfaction, c'est pour cela qu'il ne s'en aperçoit pas. L'égoïsme est toujours une preuve de sécheresse du cœur ; il émousse la sensibilité sur les souffrances d'autrui. L'homme de cœur, au contraire, ressent cette souffrance et s'en émeut ; c'est pour cela qu'il se dévoue pour les épargner ou les apaiser chez les autres, parce qu'il voudrait qu'on en fît autant pour lui ; aussi est-il heureux quand il épargne une peine ou une souffrance à quelqu'un ; s'étant identifié avec le mal de son semblable, il éprouve un soulagement réel quand le mal n'existe plus. Comptez sur sa reconnaissance si vous lui rendez service ; mais de l'égoïste n'attendez que de l'ingratitude ; la reconnaissance en paroles ne lui coûte rien, mais en action, elle le fatiguerait et troublerait son repos. Il n'agit pour autrui que quand il y est forcé, mais jamais spontanément ; son attachement est en raison du bien qu'il attend des gens, et cela quelquefois à son insu. Le jeune homme dont nous avons parlé aimait certainement sa tante, et il se serait révolté si on lui avait dit le contraire, et cependant son affection n'allait pas jusqu'à se fatiguer pour elle ; ce n'était pas de sa part un dessein prémédité, mais une répulsion instinctive, suite de son égoïsme natif. La lumière qu'il n'avait pas su trouver de son vivant lui apparaît aujourd'hui, et il regrette de n'avoir pas mieux profité des enseignements qu'il a reçus. Priez pour lui.
L'égoïsme est le ver rongeur de la société, c'est plus ou moins celui de chacun de vous. Bientôt, je vous donnerai une dissertation où il sera envisagé sous ses diverses nuances ; ce sera un miroir ; regardez-le avec soin ; pour voir si vous n'apercevez pas dans un coin quelque reflet de votre personnalité.
Votre guide spirituel.
Notices bibliographiques
Le Ciel et l'Enfer, ou la Justice divine selon le Spiritisme, par Allan
Kardec.
Contenant : l'examen comparé des doctrines sur le passage de la vie corporelle à la vie spirituelle, les peines et les récompenses futures, les anges et les démons, les peines éternelles, etc. ; suivi de nombreux exemples sur la situation réelle de l'âme pendant et après la mort.
Comme il ne nous appartient de faire ni l'éloge, ni la critique de cet ouvrage, nous nous bornons à en faire connaître le but, par la reproduction d'un extrait de la préface.
« Le titre de cet ouvrage en indique clairement l'objet. Nous y avons réuni tous les éléments propres à éclairer l'homme sur sa destinée. Comme dans nos autres écrits sur la doctrine spirite, nous n'y avons rien mis qui soit le produit d'un système préconçu ou d'une conception personnelle qui n'aurait aucune autorité : tout y est déduit de l'observation et de la concordance des faits.
Le Livre des Esprits contient les bases fondamentales du Spiritisme ; c'est la pierre angulaire de l'édifice ; tous les principes de la doctrine y sont posés, jusqu'à ceux qui doivent en faire le couronnement ; mais il fallait en donner les développements, en déduire toutes les conséquences et toutes les applications, à mesure qu'elles se déroulaient par l'enseignement complémentaire des Esprits et par de nouvelles observations ; c'est ce que nous avons fait dans le Livre des Médiums et dans l'Evangile selon le Spiritisme, à des points de vue spéciaux ; c'est ce que nous faisons dans cet ouvrage à un autre point de vue, et c'est ce que nous ferons successivement dans ceux qui nous restent à publier, et qui viendront en leur temps.
Les idées nouvelles ne fructifient que lorsque la terre est préparée pour les recevoir ; or, par cette terre préparée, il ne faut pas entendre quelques intelligences précoces, qui ne donneraient que des fruits isolés, mais un certain ensemble dans la prédisposition générale, afin que, non seulement elle donne des fruits plus abondants, mais que l'idée, trouvant un plus grand nombre de points d'appui, rencontre moins d'opposition et soit plus forte pour résister à ses antagonistes. L'Évangile selon le Spiritisme était déjà un pas en avant ; le Ciel et l'Enfer est un pas de plus dont la portée sera facilement comprise, car il touche au vif de certaines questions, mais il ne devait pas venir plus tôt.
Si l'on considère l'époque à laquelle est arrivé le Spiritisme, on reconnaît sans peine qu'il est venu en temps opportun, ni trop tôt, ni trop tard ; plus tôt, il eût avorté, parce que, les sympathies n'étant pas assez nombreuses, il eût succombé sous les coups de ses adversaires ; plus tard, il eût manqué l'occasion favorable de se produire ; les idées auraient pu prendre un autre cours dont il eût été difficile de les détourner. Il fallait laisser aux vieilles idées le temps de s'user et de prouver leur insuffisance, avant d'en présenter de nouvelles.
Les idées prématurées avortent, parce qu'on n'est pas mûr pour les comprendre, et que le besoin d'un changement de position ne se fait pas encore sentir. Aujourd'hui il est évident pour tout le monde qu'un immense mouvement se manifeste dans l'opinion ; une réaction formidable s'opère dans le sens progressif contre l'esprit stationnaire ou rétrograde de la routine ; les satisfaits de la veille sont les impatients du lendemain. L'humanité est dans le travail de l'enfantement ; il y a dans l'air quelque chose, une force irrésistible qui la pousse en avant ; elle est comme un jeune homme sorti de l'adolescence, qui entrevoit de nouveaux horizons sans les définir, et secoue les langes de l'enfance. On veut quelque chose de mieux, des aliments plus solides pour la raison ; mais ce mieux est encore dans le vague ; on le cherche ; tout le monde y travaille, depuis le croyant jusqu'à l'incrédule, depuis le laboureur jusqu'au savant. L'univers est un vaste chantier : les uns démolissent, les autres reconstruisent ; chacun taille une pierre pour le nouvel édifice dont le grand architecte possède seul le plan définitif, et dont on ne comprendra l'économie que lorsque ses formes commenceront à se dessiner au-dessus de la surface du sol. C'est ce moment que la souveraine sagesse a choisi pour l'avènement du Spiritisme.
Les Esprits qui président au grand mouvement régénérateur agissent donc avec plus de sagesse et de prévoyance que ne peuvent le faire les hommes, parce qu'ils embrassent la marche générale des événements, tandis que nous ne voyons que le cercle borné de notre horizon. Les temps de la rénovation étant arrivés, selon les décrets divins, il fallait qu'au milieu des ruines du vieil édifice, l'homme, pour ne pas se décourager, entrevît les assises du nouvel ordre de choses ; il fallait que le matelot pût apercevoir l'étoile polaire qui doit le guider vers le port.
La sagesse des Esprits, qui s'est montrée dans l'apparition du spiritisme, révélé presque instantanément par toute la terre, à l'époque la plus propice, n'est pas moins évidente dans l'ordre et la gradation logiques des révélations complémentaires successives. Il ne dépend de personne de contraindre leur volonté à cet égard, car ils ne mesurent pas leurs enseignements au gré de l'impatience des hommes. Il ne nous suffit pas de dire : « Nous voudrions avoir telle chose, » pour qu'elle soit donnée ; et encore moins nous convient-il de dire à Dieu : « Nous jugeons que le moment est venu pour vous de nous donner telle chose ; nous nous jugeons nous-mêmes assez avancés pour la recevoir ; » car ce serait lui dire : « Nous savons mieux que vous ce qu'il convient de faire. » Aux impatients, les Esprits répondent : « Commencez d'abord par bien savoir, bien comprendre, et surtout bien pratiquer ce que vous savez, afin que Dieu vous juge dignes d'en apprendre davantage ; puis, quand le moment sera venu, nous saurons agir et choisirons nos instruments. »
La première partie de cet ouvrage, intitulée Doctrine, contient l'examen comparé des diverses croyances sur le ciel et sur l'enfer, les anges et les démons, les peines et les récompenses futures ; le dogme des peines éternelles y est envisagé d'une manière spéciale et réfuté par des arguments tirés des lois mêmes de la nature, et qui en démontrent non seulement le côté illogique, déjà signalé cent fois, mais l'impossibilité matérielle. Avec les peines éternelles tombent naturellement les conséquences qu'on avait cru pouvoir en tirer.
La seconde partie renferme de nombreux exemples à l'appui de la théorie, ou mieux qui ont servi à établir la théorie. Ils puisent leur autorité dans la diversité des temps et des lieux où ils ont été obtenus, car s'ils émanaient d'une seule source, on pourrait les regarder comme le produit d'une même influence ; ils la puisent, en outre, dans leur concordance avec ce qui s'obtient tous les jours partout où l'on s'occupe des manifestations spirites à un point de vue sérieux et philosophique. Ces exemples auraient pu être multipliés à l'infini, car il n'est pas de centre spirite qui ne puisse en fournir un notable contingent. Pour éviter des répétitions fastidieuses, nous avons dû faire un choix parmi les plus instructifs. Chacun de ces exemples est une étude où toutes les paroles ont leur portée pour quiconque les méditera avec attention, car de chaque point jaillit une lumière sur la situation de l'âme après sa mort, et le passage, jusqu'alors si obscur et si redouté, de la vie corporelle à la vie spirituelle. C'est le guide du voyageur avant d'entrer dans un pays nouveau. La vie d'outre-tombe s'y déroule sous tous ses aspects comme un vaste panorama ; chacun y puisera de nouveaux motifs d'espérance et de consolation, et de nouveaux soutiens pour affermir sa foi en l'avenir et en la justice de Dieu.
Dans ces exemples, pris pour la plupart dans des faits contemporains, nous avons dissimulé les noms propres toutes les fois que nous l'avons jugé utile, par des motifs de convenance faciles à apprécier. Ceux que ces exemples peuvent intéresser les reconnaîtront facilement ; pour le public, des noms plus ou moins connus, et quelquefois très obscurs, n'eussent rien ajouté à l'instruction qu'on peut en retirer.
Voici les titres des chapitres :
Première partie. Doctrine. I L'avenir et le néant. – II De l'appréhension de la mort. – III Le ciel. – IV L'enfer. – V Tableau comparatif de l'enfer païen et de l'enfer chrétien. – VI Le purgatoire. – VII De la doctrine des peines éternelles. – VIII Les peines futures, selon le Spiritisme. – IX Les anges. – X Les démons. – XI Intervention des démons dans les manifestations modernes. – XII De la défense d'évoquer les morts.
Deuxième partie. Exemples. I Le passage. – II Esprits heureux. – III Esprits dans une condition moyenne. – IV Esprits souffrants. – V Suicidés. – VI Criminels repentants. – VII Esprits endurcis. – VIII Expiations terrestres.
Contenant : l'examen comparé des doctrines sur le passage de la vie corporelle à la vie spirituelle, les peines et les récompenses futures, les anges et les démons, les peines éternelles, etc. ; suivi de nombreux exemples sur la situation réelle de l'âme pendant et après la mort.
Comme il ne nous appartient de faire ni l'éloge, ni la critique de cet ouvrage, nous nous bornons à en faire connaître le but, par la reproduction d'un extrait de la préface.
« Le titre de cet ouvrage en indique clairement l'objet. Nous y avons réuni tous les éléments propres à éclairer l'homme sur sa destinée. Comme dans nos autres écrits sur la doctrine spirite, nous n'y avons rien mis qui soit le produit d'un système préconçu ou d'une conception personnelle qui n'aurait aucune autorité : tout y est déduit de l'observation et de la concordance des faits.
Le Livre des Esprits contient les bases fondamentales du Spiritisme ; c'est la pierre angulaire de l'édifice ; tous les principes de la doctrine y sont posés, jusqu'à ceux qui doivent en faire le couronnement ; mais il fallait en donner les développements, en déduire toutes les conséquences et toutes les applications, à mesure qu'elles se déroulaient par l'enseignement complémentaire des Esprits et par de nouvelles observations ; c'est ce que nous avons fait dans le Livre des Médiums et dans l'Evangile selon le Spiritisme, à des points de vue spéciaux ; c'est ce que nous faisons dans cet ouvrage à un autre point de vue, et c'est ce que nous ferons successivement dans ceux qui nous restent à publier, et qui viendront en leur temps.
Les idées nouvelles ne fructifient que lorsque la terre est préparée pour les recevoir ; or, par cette terre préparée, il ne faut pas entendre quelques intelligences précoces, qui ne donneraient que des fruits isolés, mais un certain ensemble dans la prédisposition générale, afin que, non seulement elle donne des fruits plus abondants, mais que l'idée, trouvant un plus grand nombre de points d'appui, rencontre moins d'opposition et soit plus forte pour résister à ses antagonistes. L'Évangile selon le Spiritisme était déjà un pas en avant ; le Ciel et l'Enfer est un pas de plus dont la portée sera facilement comprise, car il touche au vif de certaines questions, mais il ne devait pas venir plus tôt.
Si l'on considère l'époque à laquelle est arrivé le Spiritisme, on reconnaît sans peine qu'il est venu en temps opportun, ni trop tôt, ni trop tard ; plus tôt, il eût avorté, parce que, les sympathies n'étant pas assez nombreuses, il eût succombé sous les coups de ses adversaires ; plus tard, il eût manqué l'occasion favorable de se produire ; les idées auraient pu prendre un autre cours dont il eût été difficile de les détourner. Il fallait laisser aux vieilles idées le temps de s'user et de prouver leur insuffisance, avant d'en présenter de nouvelles.
Les idées prématurées avortent, parce qu'on n'est pas mûr pour les comprendre, et que le besoin d'un changement de position ne se fait pas encore sentir. Aujourd'hui il est évident pour tout le monde qu'un immense mouvement se manifeste dans l'opinion ; une réaction formidable s'opère dans le sens progressif contre l'esprit stationnaire ou rétrograde de la routine ; les satisfaits de la veille sont les impatients du lendemain. L'humanité est dans le travail de l'enfantement ; il y a dans l'air quelque chose, une force irrésistible qui la pousse en avant ; elle est comme un jeune homme sorti de l'adolescence, qui entrevoit de nouveaux horizons sans les définir, et secoue les langes de l'enfance. On veut quelque chose de mieux, des aliments plus solides pour la raison ; mais ce mieux est encore dans le vague ; on le cherche ; tout le monde y travaille, depuis le croyant jusqu'à l'incrédule, depuis le laboureur jusqu'au savant. L'univers est un vaste chantier : les uns démolissent, les autres reconstruisent ; chacun taille une pierre pour le nouvel édifice dont le grand architecte possède seul le plan définitif, et dont on ne comprendra l'économie que lorsque ses formes commenceront à se dessiner au-dessus de la surface du sol. C'est ce moment que la souveraine sagesse a choisi pour l'avènement du Spiritisme.
Les Esprits qui président au grand mouvement régénérateur agissent donc avec plus de sagesse et de prévoyance que ne peuvent le faire les hommes, parce qu'ils embrassent la marche générale des événements, tandis que nous ne voyons que le cercle borné de notre horizon. Les temps de la rénovation étant arrivés, selon les décrets divins, il fallait qu'au milieu des ruines du vieil édifice, l'homme, pour ne pas se décourager, entrevît les assises du nouvel ordre de choses ; il fallait que le matelot pût apercevoir l'étoile polaire qui doit le guider vers le port.
La sagesse des Esprits, qui s'est montrée dans l'apparition du spiritisme, révélé presque instantanément par toute la terre, à l'époque la plus propice, n'est pas moins évidente dans l'ordre et la gradation logiques des révélations complémentaires successives. Il ne dépend de personne de contraindre leur volonté à cet égard, car ils ne mesurent pas leurs enseignements au gré de l'impatience des hommes. Il ne nous suffit pas de dire : « Nous voudrions avoir telle chose, » pour qu'elle soit donnée ; et encore moins nous convient-il de dire à Dieu : « Nous jugeons que le moment est venu pour vous de nous donner telle chose ; nous nous jugeons nous-mêmes assez avancés pour la recevoir ; » car ce serait lui dire : « Nous savons mieux que vous ce qu'il convient de faire. » Aux impatients, les Esprits répondent : « Commencez d'abord par bien savoir, bien comprendre, et surtout bien pratiquer ce que vous savez, afin que Dieu vous juge dignes d'en apprendre davantage ; puis, quand le moment sera venu, nous saurons agir et choisirons nos instruments. »
La première partie de cet ouvrage, intitulée Doctrine, contient l'examen comparé des diverses croyances sur le ciel et sur l'enfer, les anges et les démons, les peines et les récompenses futures ; le dogme des peines éternelles y est envisagé d'une manière spéciale et réfuté par des arguments tirés des lois mêmes de la nature, et qui en démontrent non seulement le côté illogique, déjà signalé cent fois, mais l'impossibilité matérielle. Avec les peines éternelles tombent naturellement les conséquences qu'on avait cru pouvoir en tirer.
La seconde partie renferme de nombreux exemples à l'appui de la théorie, ou mieux qui ont servi à établir la théorie. Ils puisent leur autorité dans la diversité des temps et des lieux où ils ont été obtenus, car s'ils émanaient d'une seule source, on pourrait les regarder comme le produit d'une même influence ; ils la puisent, en outre, dans leur concordance avec ce qui s'obtient tous les jours partout où l'on s'occupe des manifestations spirites à un point de vue sérieux et philosophique. Ces exemples auraient pu être multipliés à l'infini, car il n'est pas de centre spirite qui ne puisse en fournir un notable contingent. Pour éviter des répétitions fastidieuses, nous avons dû faire un choix parmi les plus instructifs. Chacun de ces exemples est une étude où toutes les paroles ont leur portée pour quiconque les méditera avec attention, car de chaque point jaillit une lumière sur la situation de l'âme après sa mort, et le passage, jusqu'alors si obscur et si redouté, de la vie corporelle à la vie spirituelle. C'est le guide du voyageur avant d'entrer dans un pays nouveau. La vie d'outre-tombe s'y déroule sous tous ses aspects comme un vaste panorama ; chacun y puisera de nouveaux motifs d'espérance et de consolation, et de nouveaux soutiens pour affermir sa foi en l'avenir et en la justice de Dieu.
Dans ces exemples, pris pour la plupart dans des faits contemporains, nous avons dissimulé les noms propres toutes les fois que nous l'avons jugé utile, par des motifs de convenance faciles à apprécier. Ceux que ces exemples peuvent intéresser les reconnaîtront facilement ; pour le public, des noms plus ou moins connus, et quelquefois très obscurs, n'eussent rien ajouté à l'instruction qu'on peut en retirer.
Voici les titres des chapitres :
Première partie. Doctrine. I L'avenir et le néant. – II De l'appréhension de la mort. – III Le ciel. – IV L'enfer. – V Tableau comparatif de l'enfer païen et de l'enfer chrétien. – VI Le purgatoire. – VII De la doctrine des peines éternelles. – VIII Les peines futures, selon le Spiritisme. – IX Les anges. – X Les démons. – XI Intervention des démons dans les manifestations modernes. – XII De la défense d'évoquer les morts.
Deuxième partie. Exemples. I Le passage. – II Esprits heureux. – III Esprits dans une condition moyenne. – IV Esprits souffrants. – V Suicidés. – VI Criminels repentants. – VII Esprits endurcis. – VIII Expiations terrestres.
Entretiens familiers sur le Spiritisme
Entretiens familiers sur le Spiritisme, par madame Émilie Collingon (de Bordeaux).
Nous nous faisons un plaisir et un devoir de rappeler à l'attention de nos lecteurs cette brochure, que nous n'avons fait qu'annoncer dans notre dernier numéro, et que nous inscrivons avec plaisir parmi les livres recommandés. C'est un exposé complet, quoique sommaire, des principes vrais de la doctrine, dans un langage familier, à la portée de tout le monde, et sous une forme attrayante. Faire l'analyse de cette production, serait faire celle du livre des Esprits et des médiums. Ce n'est donc point comme contenant des idées nouvelles, que nous recommandons cet opuscule, mais comme un moyen de propager la doctrine.
Allan Kardec
Nous nous faisons un plaisir et un devoir de rappeler à l'attention de nos lecteurs cette brochure, que nous n'avons fait qu'annoncer dans notre dernier numéro, et que nous inscrivons avec plaisir parmi les livres recommandés. C'est un exposé complet, quoique sommaire, des principes vrais de la doctrine, dans un langage familier, à la portée de tout le monde, et sous une forme attrayante. Faire l'analyse de cette production, serait faire celle du livre des Esprits et des médiums. Ce n'est donc point comme contenant des idées nouvelles, que nous recommandons cet opuscule, mais comme un moyen de propager la doctrine.
Allan Kardec