REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1865

Allan Kardec

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Janvier

Aux abonnés de la Revue Spirite

La Revue Spirite commence sa huitième année ; c'est déjà un bail assez long quand il s'agit d'une idée nouvelle, en même temps qu'un démenti donné à ceux qui prédisaient la mort prématurée du Spiritisme. Comme les années précédentes, l'époque du renouvellement des abonnements est, pour la plupart des lecteurs qui s'adressent directement à nous, l'occasion de réitérer l'expression de leur reconnaissance pour les bienfaits de la doctrine. Ne pouvant répondre à chacun en particulier, nous les prions d'accepter ici nos remerciements sincères pour lestémoignages de sympathie qu'ils veulent bien nous donner en cette circonstance. Si la doctrine fait du bien, si elle donne des consolations aux affligés, si elle fortifie les faibles et relève les courages abattus, c'est Dieu d'abord qu'il faut en remercier avant son serviteur, puis les grands Esprits qui sont les véritables initiateurs de l'idée et les directeurs du mouvement. Nous n'en sommes pas moins profondément touché des vœux qui nous sont adressés, pour que la force d'aller jusqu'au bout de notre tâche nous soit conservée ; c'est ce que nous nous efforçons de mériter par notre zèle et notre dévouement qui ne failliront pas, afin de remettre l'œuvre aussi avancée que possible aux mains de celui qui doit nous remplacer un jour, et parfaire avec une plus grande puissance ce qui restera inachevé.


Coup d'œil sur le Spiritisme en 1864

Le Spiritisme a-t-il progressé ou diminué ? Cette question intéresse à la fois ses partisans et ses adversaires. Les premiers affirment qu'il grandit, les autres qu'il décline. Lesquels se font illusion ? Ni les uns ni les autres ; car ceux qui proclament sa décadence savent bien à quoi s'en tenir, et ils le prouvent à chaque instant par les craintes qu'ils manifestent et l'importance qu'ils lui accordent. Quelques-uns pourtant sont de bonne foi ; ils ont en eux une telle confiance que, parce qu'ils ont frappé un grand coup dans l'air, ils se disent sérieusement : Il est mort ! ou mieux : Il doit être mort !

Les Spirites s'appuient sur des données plus positives, sur les faits qu'ils sont à même de constater. Par notre position, nous pouvons mieux encore juger du mouvement de l'ensemble, et nous sommes heureux d'affirmer que la doctrine gagne incessamment du terrain dans tous les rangs de la société, et que l'année 1864 n'a pas été moins féconde que les autres en bons résultats. A défaut d'autres indices, notre Revue serait déjà une preuve matérielle de l'état de l'opinion à l'endroit des idées nouvelles. Un journal spécial qui en est à sa huitième année d'existence, et qui voit tous les ans le nombre de ses abonnés croître dans une notable proportion ; qui depuis sa fondation a vu trois fois s'épuiser les collections des années antérieures, ne prouve pas la décadence de la doctrine qu'il soutient, ni l'indifférence de ses adeptes. Jusqu'au mois de décembre il a été reçu de nouveaux abonnements pour l'année expirée, et le nombre de ceux inscrits au 1er janvier 1865 était déjà d'un cinquième plus considérable qu'il ne l'était à la même époque de l'année précédente.

C'est là un fait matériel qui n'est sans doute pas concluant pour des étrangers, mais qui pour nous est d'autant plus significatif, que nous ne sollicitons les abonnements de personne, et ne les imposons comme condition en aucune circonstance ; il n'en est donc aucun qui soit ou forcé ou le prix d'une condescendance particulière. En outre, nous ne flattons personne pour obtenir des adhésions à notre cause ; nous laissons les choses suivre leur cours naturel, nous disant que si notre manière de voir et de faire n'est pas bonne, rien ne saurait la faire prévaloir. Nous savons très bien que, faute d'avoir encensé certains individus, nous les avons éloignés de nous et qu'ils se sont tournés du côté d'où venait l'encens ; mais que nous importe ! Pour nous, les gens sérieux sont les plus utiles à la cause, et nous ne regardons pas comme sérieux ceux qu'on n'attire que par la glu de l'amour-propre, et plus d'un l'a prouvé. Nous ne leur en voulons pas : nous les plaignons d'avoir attaché plus de prix à la fumée des paroles qu'à la sincérité. Nous avons la conscience que, dans toute notre vie, nous n'avons jamais rien dû à l'adulation ni à l'intrigue ; c'est pourquoi nous n'avons pas amassé grand chose, et ce n'est pas avec le Spiritisme que nous aurions commencé.

Nous louons avec bonheur les faits accomplis, les services rendus, mais jamais, par anticipation, les services qu'on peut rendre, ou même qu'on promet de rendre : par principe, d'abord, et ensuite parce que nous n'avons qu'une très médiocre confiance sur la valeur réelle des traites tirées sur l'orgueil ; c'est pourquoi nous n'en tirons jamais. Quand nous cessons d'approuver, nous ne blâmons pas, nous gardons le silence, à moins que l'intérêt de la cause ne nous force à le rompre.

Ceux donc qui viennent à nous y viennent librement, volontairement, attirés par l'idée seule qui leur convient, et non par une sollicitation quelconque, ou par notre mérite personnel, qui est la question secondaire, attendu que, quel que pût être ce mérite, il ne saurait donner de la valeur à une idée qui n'en aurait pas. C'est pourquoi nous disons que les témoignages que nous recevons s'adressant à l'idée et non à la personne, il y aurait sotte présomption de notre part à en tirer vanité. Au point de vue de la doctrine, ces témoignages nous viennent, pour la plupart, de personnes que nous n'avons jamais vues, à qui souvent nous n'avons jamais écrit, et à qui, certes, nous n'avons jamais écrit le premier. L'idée de captation ou de coterie étant ainsi écartée, voilà pourquoi nous disons que la situation de la Revue a une signification particulière, comme indice du progrès du Spiritisme, et c'est pour cela seul que nous en avons parlé.

L'année a vu en outre naître plusieurs organes de l'idée : le Sauveur des peuples, la Lumière, la Voix d'outre-tombe, à Bordeaux ; l'Avenir, à Paris ; le Médium évangélique, à Toulouse ; à Bruxelles, le Monde musical qui, sans être un journal spécial, traite la question du Spiritisme d'une manière sérieuse. Assurément, si les fondateurs de ces publications eussent cru l'idée en déclin, ils ne se seraient pas aventurés dans de pareilles entreprises.

Le progrès, en 1864, est encore marqué par l'accroissement du nombre des groupes et sociétés spirites qui se sont formés dans une foule de localités où il n'en existait pas, tant à l'étranger qu'en France. A chaque instant, nous recevons l'avis de la création d'un nouveau centre. Ce nombre est encore bien plus grand qu'il ne paraît, par la multitude des réunions intimes et de famille qui n'ont aucun caractère officiel. C'est contre ces réunions que toutes les rigueurs d'une opposition systématique sont impuissantes, fût-elle même inquisitoriale, comme en Espagne, où cependant il en existe dans plus de trente villes, et chez les personnages du plus haut rang.

A côté de ces indices matériels, il y a celui qui se révèle par les relations sociales. Il est rare de rencontrer aujourd'hui des gens qui ne connaissent pas le Spiritisme, au moins de nom, et, presque partout, on en trouve qui lui sont sympathiques. Ceux mêmes qui ne croient pas en parlent avec plus de réserve, et chacun a pu constater combien l'esprit railleur a diminué ; il fait généralement place à une discussion plus raisonnée. Sauf quelques boutades de la presse et quelques sermons plus ou moins acerbes, les attaques violentes et passionnées sont incontestablement plus rares. C'est que les négateurs eux-mêmes, tout en repoussant l'idée, subissent à leur insu son ascendant, et commencent à comprendre qu'elle a conquis sa place dans l'opinion ; la plupart, d'ailleurs, trouvent des adeptes dans leurs rangs et parmi leurs amis qu'ils peuvent plaisanter dans l'intimité, mais qu'ils n'osent bafouer publiquement. Du reste, chacun a remarqué sous combien de formes la plupart des idées spirites sont aujourd'hui reproduites dans la littérature, d'une manière sérieuse, sans que le mot soit prononcé. Jamais on n'avait vu autant de productions de ce genre que dans ces derniers temps. Que ce soit conviction ou fantaisie de la part des écrivains, ce n'en est pas moins un signe de la vulgarisation de l'idée, car si on l'exploite, c'est avec la pensée qu'elle trouvera de l'écho.

Le progrès, cependant, est loin d'être uniforme. Dans certaines localités il est encore tenu en échec par les préjugés ou par une force occulte, mais souvent il se fait jour au moment où l'on s'y attend le moins. C'est que, dans beaucoup d'endroits, il y a plus de partisans qu'on ne le croit, mais qui ne se mettent pas en évidence ; on en a la preuve par la vente des ouvrages, qui y dépasse de beaucoup le nombre des Spirites connus. Il suffit alors d'une personne qui ait le courage de son opinion, pour que le progrès, de latent, devienne ostensible. Il a dû en être ainsi de Paris, resté si longtemps en arrière de quelques villes de province. Depuis deux ans, mais depuis un an surtout, le Spiritisme s'y est développé avec une rapidité surprenante. Aujourd'hui les groupes avoués sont nombreux, et les réunions privées innombrables. Il n'y a certes pas exagération à évaluer le nombre des adhérents à cent mille depuis le haut jusqu'au bas de l'échelle.

En résumé, le progrès pendant l'année qui vient de s'écouler est incontestable, si l'on considère l'ensemble et non les localités isolément ; quoiqu'il ne se soit manifesté par aucun signe éclatant, ni aucun événement exceptionnel, il est évident que l'idée, s'infiltre chaque jour de plus en plus dans l'esprit des masses et n'en a que plus de force. Il n'en faudrait pas conclure cependant que la période de la lutte soit terminée ; non, nos adversaires ne se tiennent pas si facilement pour battus. Ils dressent de nouvelles batteries dans le silence, c'est pourquoi il faut se tenir sur ses gardes. Nous en dirons quelques mots dans un prochain article.

Nouvelle cure d'une jeune obsédée de Marmande

M. Dombre nous transmet le récit suivant d'une nouvelle guérison des plus remarquables, obtenue par le cercle spirite de Marmande. Malgré son étendue, nous avons cru devoir le publier en une seule fois, en raison du haut intérêt qu'il présente et pour qu'on puisse mieux saisir l'enchaînement des faits. Nous pensons que nos lecteurs ne nous en sauront pas mauvais gré. Nous n'avons supprimé que quelques détails qui ne nous ont pas paru d'une importance capitale. Les enseignements qui en découlent sont nombreux et graves, et jettent une lumière nouvelle sur cette question d'actualité et ces phénomènes qui tendent à se multiplier. Vu la longueur de cet article, nous renvoyons les considérations au prochain numéro, afin d'y donner les développements nécessaires.

Monsieur Allan Kardec,

C'est avec une force nouvelle et une confiance en Dieu corroborée par des faits, qui m'enthousiasment sans m'étonner, que je viens vous faire le récit d'une guérison d'obsession, remarquable sous plusieurs rapports. Oh ! bien aveugle qui n'y voit pas le doigt de Dieu ! Tous les principes de la sublime doctrine du Spiritisme s'y trouvent confirmés ; l'individualité de l'âme, l'intervention des Esprits dans le monde corporel, l'expiation, le châtiment et la réincarnation sont démontrés d'une manière frappante dans les faits dont je vais vous entretenir. Je regrette, ainsi que je vous l'ai déjà exprimé, d'être obligé de vous parler de moi, du rôle qui m'est échu dans cette circonstance, comme instrument dont Dieu a daigné se servir pour frapper les yeux. Devais-je passer sous silence les faits qui ont rapport à moi ? Je ne l'ai point pensé. Vous êtes chargé de contrôler, d'étudier, d'analyser les faits et de répandre la lumière : les moindres détails doivent donc être portés à votre connaissance. Dieu, qui lit dans le fond des cœurs, sait qu'une vaine satisfaction d'amour-propre n'a pas été mon mobile ; je n'ignore pas, d'ailleurs, que celui qui, par privilège est appelé à faire quelque bien, est bientôt réduit à l'impuissance, s'il méconnaît un instant l'intervention divine : heureux même s'il n'est pas châtié !

J'arrive au récit des faits.

Dès les premiers jours de septembre 1864, il n'était question, dans certain quartier de la ville, que des crises convulsives éprouvées par une jeune fille, Valentine Laurent, âgée de treize ans. Ces crises, qui se renouvelaient plusieurs fois dans la journée, étaient d'une violence telle que cinq hommes la tenant par la tête, les bras et les jambes, avaient peine à la maintenir sur son lit. Elle trouvait assez de force pour les agiter, et quelquefois même se dégager de leurs étreintes. Alors ses mains s'accrochaient à tout ; les chemises, les habits, les couvertures du lit étaient promptement déchirées ; ses dents jouaient aussi un rôle très actif dans ses fureurs, dont s'effrayaient avec raison les personnes qui l'entouraient. Si on ne l'eût maintenue, elle se serait brisée la tête contre les murs, et malgré tous les efforts et les précautions, elle n'a pas été exempte de déchirures et de contusions.

Les secours de l'art ne lui ont pas manqué ; quatre médecins l'ont vue successivement ; potions d'éther, pilules, médicaments de toute nature, elle prenait tout sans répugnance ; les sangsues derrière les oreilles, les vésicatoires aux cuisses ne lui ont pas non plus été épargnés, mais sans succès. Pendant les crises, le pouls était parfaitement régulier ; après les crises, pas le moindre souvenir de ses souffrances, de ses convulsions, mais beaucoup d'étonnement de voir la maison pleine de monde, et son lit entouré d'hommes tout essoufflés, dont quelques-uns avaient à regretter une chemise ou un gilet déchiré.

Le curé de X…, paroisse située à deux ou trois kilomètres de Marmande, jouissant dans le pays d'une célébrité naissante, parmi un certain monde, comme guérisseur de toutes espèces de maux, fut consulté par le père de la jeune fille. Le curé, sans s'expliquer sur la nature du mal, lui donna gratuitement un peu de poudre blanche pour faire prendre à la malade ; il lui offrit ensuite de dire une messe. Mais, hélas ! ni la poudre ni la messe ne préservèrent la jeune Valentine de quatorze crises qu'elle eut le lendemain, ce qui ne lui était jamais arrivé.

Tant d'insuccès dans les soins de toutes sortes durent nécessairement faire naître dans l'esprit du vulgaire des idées superstitieuses. Les commères, en effet, parlèrent hautement de maléfice, de sortilège jeté sur l'enfant.

Pendant ce temps nous consultions dans le silence de l'intimité nos guides spirituels sur la nature de cette maladie, et voici ce qu'ils nous répondirent :

« C'est une obsession des plus graves, dont le caractère changera souvent de physionomie. Agissez froidement, avec calme ; observez, étudiez et appelez Germaine. »

A cette première évocation, cet Esprit prodigua les injures et montra une grande répugnance à répondre à nos interpellations. Aucun de nous n'était encore entré dans la maison de la malade, et avant d'intervenir nous voulions laisser la famille épuiser tous les moyens dont pouvait s'inspirer sa sollicitude. Ce ne fut que lorsque l'impuissance de la science et de l'Eglise eut été constatée, que nous engageâmes le père désespéré à venir assister à notre réunion pour apprendre la véritable cause du mal de son enfant, et le remède moral à y apporter. Cette première séance eut lieu le 16 septembre 1864. Avant l'évocation de Germaine, nos guides nous donnèrent l'instruction suivante :

« Apportez beaucoup de soin, beaucoup d'observation et beaucoup de zèle. Vous aurez affaire à un Esprit mystificateur qui joint la ruse, l'habileté hypocrite à un caractère très méchant. Ne cessez pas d'étudier, de travailler à la moralisation de cet Esprit et de prier à cet effet. Recommandez aux parents d'éviter, en présence de l'enfant, la manifestation de toute crainte sur son état ; ils doivent au contraire la faire vaquer à ses occupations ordinaires, et surtout éviter à son égard la brusquerie. Qu'on lui dise bien surtout qu'il n'y a pas de sorciers : ceci est très important. Le cerveau jeune et flexible reçoit les impressions avec trop de facilité, et son moral pourrait en souffrir ; qu'on ne la laisse pas s'entretenir avec les personnes susceptibles de lui raconter des histoires absurdes qui donnent aux enfants des idées fausses et souvent pernicieuses. Que les parents eux-mêmes se rassurent : la prière sincère est le seul remède qui doit délivrer l'enfant.

Nous vous l'avons dit, Spirites, l'Esprit de Germaine a de l'habileté ; il s'arrangera toujours des croyances ridicules, des bruits qui circulent autour de la jeune fille ; il cherchera à vous donner le change. Tirez parti de ce cas : l'obsession se présentera sous des phases nouvelles. Tenez-vous pour avertis ; songez que vous devez travailler avec persévérance, et suivre avec intelligence les moindres détails qui vous mettront sur la trace des manœuvres de l'Esprit. Ne vous fiez pas au calme. Si les crises sont les effets les plus frappants dans les obsessions, il est des suites bien autrement dangereuses. Méfiez-vous de l'idiotisme et de l'enfantillage d'un obsédé qui, comme dans ce cas, ne souffre pas physiquement. Les obsessions sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont plus cachées ; elles sont souvent purement morales. Tel déraisonne, tel autre perd le souvenir de ce qu'il a dit, de ce qu'il a fait. Il ne faut cependant pas juger trop précipitamment et tout attribuer à l'obsession. Je le répète, étudiez, discernez, travaillez sérieusement ; n'attendez pas tout de nous ; nous vous aiderons, puisque nous travaillons de concert, mais ne vous reposez pas en croyant que tout vous sera révélé. »



Evocation de Germaine

R. Me voici.

D. Avez-vous quelque chose à nous dire, comme suite à notre dernier entretien ? - R. Non, rien, messieurs.

D. Savez-vous que vous nous avez bien brusqués ? - R. Vous me parlez aussi assez mal.

D. Nous vous avons donné des conseils ; y avez-vous réfléchi ? - R. Oui, beaucoup, je vous le jure ; mes réflexions ont été sages ; j'étais folle, j'en conviens ; c'était du délire, mais me voici calme.

D. Eh bien ! voulez-vous nous dire pourquoi vous torturez cette enfant ? - R. Inutile de revenir sur ce sujet, ce serait trop long à raconter. J'imagine que ce n'est point ici un tribunal ; que je ne serai point priée avec autorité de m'asseoir sur la sellette, et de répondre au questionnaire.

D. Non, du tout ; vous êtes complètement libre ; c'est l'intérêt que nous vous portons, ainsi qu'à l'enfant, qui nous fait vous demander pour quel motif sérieux ou par quel caprice vous vous livrez à ces attaques ? - R. Caprice, dites-vous ? Ah ! vous devriez le désirer que ce ne fût qu'un caprice ; car, vous le savez, le caprice est changeant et finit.

D. Êtes-vous réellement calme ? - R. Vous le voyez.

D. Oui, en apparence ; mais ne déguisez-vous pas vos sentiments ? - R. Je ne viens point vous tendre des pièges, je n'en ai pas besoin.

D. Voulez-vous nous affirmer devant les Esprits qui nous entourent… ? - R. Ne mettons point d'autres gens entre nous. Si nous avons à causer ou à traiter, que ce soit de vous à moi ; je n'aime pas l'intervention des tiers.

D. Eh bien ! nous vous croyons de bonne foi, et… - R. C'est pour cela que vous devriez vous contenter de cette garantie. Au reste, je vous obligerai à me croire si vous y mettez de la résistance ; les preuves ne me manqueront pas pour vous convaincre de ma sincérité.

Germaine

Au nom de Germaine, le père de l'obsédée s'écria, stupéfait : Oh ! c'est drôle ! et en se retirant, il répéta souvent : C'est drôle !

(Ceci sera expliqué plus tard.)



Le lendemain 17 septembre, je me rendis pour la première fois dans cette famille, avec le désir d'être témoin d'une attaque de l'Esprit ; je fus servi à souhait. Valentine était en crise ; j'entrai avec les gens du quartier, qui se précipitaient dans la maison.

Je vis étendue sur un lit une jeune fille magnifique, robuste pour son âge, et tenue par huit ou dix bras vigoureux, ainsi que je l'ai décrit plus haut. La tête seule était dégagée, s'agitant, et fouettant en tous sens l'air de sa chevelure déroulée. La bouche entre ouverte laissait voir deux rangées de dents blanches et surtout menaçantes. Le regard était complètement perdu, et les deux prunelles, dont on ne voyait que le bord, étaient logées dans l'angle du côté du nez. Ajoutez à cela une espèce de cri sauvage, et jugez du tableau.

J'observai un instant la force des secousses, et me penchant vers la figure de l'enfant, je posai ma main gauche sur son front et ma main droite sur sa poitrine ; instantanément les mouvements et les efforts convulsifs cessèrent, et la tête se posa calme sur le traversin. Je dirigeai les doigts de la main droite sur la bouche qui en fut effleurée, et aussitôt le sourire revint sur ses lèvres ; ses deux grandes prunelles noires reprirent leur place au milieu de l'œil ; à cette figure satanique succéda le visage le plus gracieux. L'enfant manifesta son étonnement de voir tant de monde autour d'elle, en disant qu'elle n'était pas malade ; c'étaient toujours ses premières paroles après les crises. J'élevai mon âme à Dieu, et je sentis sous mes paupières deux larmes d'enthousiasme et de reconnaissance.

Ceci venait de se passer dans la matinée du 17. Les crises les plus multipliées ayant lieu le soir vers cinq heures, je m'y rendis, mais la crise avait devancé l'heure habituelle, et elle était terminée. A sept heures je rentrai chez moi pour dîner ; mais à peine de retour on vint m'avertir que l'enfant avait une crise terrible. Je m'y rendis aussitôt. Après avoir pris, d'une main, près des poignets, les deux bras réunis de la jeune fille, je dis aux hommes qui la tenaient : Lâchez-la ; puis, sous mon autre main posée sur sa poitrine, on la vit s'apaiser tout à coup ; ma main, portée ensuite sur le visage, y ramena le sourire, et ses yeux reprirent leur état normal. Le même effet du matin avait été produit. Je restai près de l'enfant une partie de la nuit ; elle n'eut point de crises, mais dormait d'un sommeil agité ; sa physionomie avait quelque chose de convulsif ; on lui voyait le blanc des yeux, et elle paraissait souffrir moralement. Elle gesticulait, parlait distinctement et s'écriait d'un accent énergique et émue : Va-t'en ! va-t'en !… oh ! la vilaine !… Et l'enfant… et l'enfant… dans les rochers… dans les rochers. A cette agitation succédait une sorte d'extase ; elle pleurait et reprenait d'un accent plaintif : Ah ! tu souffres des tourments de l'enfer !… et moi, tu veux me faire toujours souffrir !… toujours ! toujours donc ! Et tendant ses deux bras en l'air et cherchant à se soulever : Eh bien ! emmène, emmène-moi !

Le père poussait à chaque instant son exclamation : Oh ! c'est drôle ! Et la mère ajoutait : Il y a là du mystère. A partir d'une heure de la nuit, l'enfant dormit paisiblement jusqu'au jour.

Ces agitations, ces reproches, ces extases, ces pleurs se renouvelèrent chaque jour après les attaques violentes de l'Esprit, et durèrent bien avant dans la nuit des 18, 19 et 20 septembre. Chaque jour je me rendais auprès de la malade et m'installai pour ainsi dire dans la maison. Pendant ma présence, rien ne se manifestait ; mais à peine parti, une nouvelle crise se produisait. Je revenais et la calmais aussitôt comme on l'a vu. Ceci dura plusieurs jours. C'était certes un phénomène bien digne d'attention que ces crises apaisées subitement par la seule imposition des mains ; il en était bruit dans toute la ville, et il y avait là matière à étude sérieuse ; cependant, j'eus le regret de ne voir aucun des quatre médecins qui avaient soigné l'enfant venir l'observer.

Je remarquai pendant tout ce temps, chez l'enfant, tantôt une gaieté un peu outrée, tantôt une sorte de niaiserie ; le père et la mère ne trouvaient pas ces airs naturels, ce qui justifiait la prévision de nos guides.

Le 21 septembre, le père et l'enfant se rendirent avec moi à la séance. Au début, nos guides nous dirent : Appelez Germaine ; priez-la de rester près de vous, et dites-lui ceci :

« Germaine, vous êtes notre sœur ; cette jeune fille est aussi notre sœur et la vôtre. Si autrefois quelque funeste action vous a liées, et a fait peser sur vous deux la justice divine, vous pouvez fléchir le Juge suprême. Faites un appel à sa miséricorde infinie ; demandez-lui votre grâce, comme nous la demandons pour vous ; touchez le Seigneur par votre prière fervente et votre repentir. C'est en vain que vous chercherez du calme à vos remords et un refuge dans la vengeance ; c'est en vain que vous chercherez votre justification en l'accablant du poids de votre accusation. Revenez donc à notre voix ; pardonnez, et il vous sera pardonné ; ne cherchez pas à ruser avec nous ; ne croyez pas que la seule apparence de franchise puisse nous séduire ; quels que soient les moyens employés par vous, nous les connaîtrons, et nous vous opposerons notre force et notre volonté. Que votre cœur, aveuglé par la souffrance et la haine, s'ouvre à la pitié et au pardon. Nous ne cesserons de prier l'Éternel et les bons Esprits, ses messagers fidèles, de répandre sur vous la consolation et le bienfait. Ce que nous voulons, Germaine, c'est vous délivrer de vos souffrances. Vous serez toujours accueillie par nous comme une sœur ; vous serez secourue. Ne nous regardez donc pas comme des ennemis ; nous voulons votre bonheur ; ne soyez pas sourde à nos paroles ; écoutez nos conseils, et avant peu vous connaîtrez la paix de la conscience. Le remords aura fui loin de vous, le repentir aura pris sa place. Les bons Esprits vous accueilleront comme une brebis perdue qu'ils auront retrouvée ; les méchants imiteront votre exemple. Dans cette famille où vous provoquez la malédiction, il ne sera parlé de vous qu'en bien ; il y aura de la reconnaissance ; cette enfant priera aussi pour vous, et si la haine vous désunit, l'amour un jour vous rassemblera.

On est toujours malheureux quand on est altéré de vengeance ; plus de repos pour celui qui hait. Celui qui pardonne est près d'aimer ; le bonheur et la tranquillité remplacent la souffrance et l'inquiétude. Venez, Germaine, venez vous unir à nous par vos prières. Nous voulons qu'à l'exemple de Jules[1] et d'autres Esprits qui, comme vous, vivaient dans le mal, vous soyez près de nous sous l'heureuse protection de nos guides. Vous êtes seule ; soyez la fille adoptive de cette famille qui prie l'Éternel pour ceux qui souffrent, et apprend à tous à l'aimer pour être heureux. Si vous vous obstinez à rester cruelle à l'égard de cette enfant, vous prolongerez et aggraverez vos souffrances, et vous entendrez l'enfant et ceux qui l'entourent vous maudire.

Méritez donc de vos frères l'amitié qu'ils vous offrent de grand cœur ; cessez ces tortures, d'où vous vous retirez toute meurtrie. Croyez-en notre parole ; croyez surtout aux conseils des bons Esprits qui nous guident, et particulièrement à ceux de Petite Carita. Vous ne serez pas sourde à cette prière. Donnez-nous pour preuve que vous accueillez notre offre, la paix et le sommeil sans trouble de l'enfant pendant quelques jours. Nous allons prier pour vous, et ne cesserons de demander la fin de tous vos maux. »

Nous appelons Germaine, et lui lisons ce qui vient de nous être dicté.

D. Avez-vous bien entendu et compris les vœux que nous venons de vous exprimer ? - R. Oui ; je suis même étonnée de toutes ces promesses ; je ne mérite pas tant. Mais je suis un Esprit méfiant, et je n'ose y croire. Nous verrons si vos prières me donneront ce calme dont je suis privée depuis si longtemps. C'est vrai, je suis seule, et je ne connais que celle qui cherche à me déchirer[2]. Nous verrons.

D. Ne voyez-vous pas près de vous de bons Esprits ? - R. Si, mais je n'attends rien que de vous.

D. Eh bien ! en échange du bien que nous voulons vous faire, ne pourriez-vous cesser de faire le mal, de tourmenter ?… - R. Et suis-je moi seule la cause de ce mal ? Elle y contribue autant que moi. Tourmenter, dites-vous ? Nous luttons, nous nous étreignons ; la culpabilité est partagée. Elle a été ma complice ; je ne vois pas pourquoi vous feriez peser sur moi seule la responsabilité de ces actes violents dont je suis aussi victime, moi.

D. Cependant l'enfant ne va pas vous chercher, et si vous la tourmentez, c'est que vous le voulez bien ; vous avez votre libre arbitre. - R. Qui vous l'a dit ? vous êtes dans l'erreur ; une fatalité nous lie.

D. Eh bien ! racontez-nous tout. - R. Je ne puis ; on ne jouit pas ici de toute sa liberté… Je suis franche.

D. Allons ! Germaine, nous allons prier pour vous. A une autre fois !

En terminant, nos guides nous dirent :

« Pendant ces jours-ci, réunissez-vous aussi nombreux que possible ; occupez-vous plus particulièrement d'elle. Votre franchise et votre zèle à son égard la toucheront, et les résultats que nous demandons seront, nous l'espérons, prompts, grâce à cette mesure.

La journée du 22 se passa sans crise, et le soir nous nous réunîmes comme d'habitude.



Evocation de Germaine.

D. Eh bien ! Germaine, croyez-vous à notre attachement pour vous ? - R. Il m'est bien permis de douter ; le paria croit difficilement au baiser fraternel qu'on lui donne en passant. Je suis habituée à voir le dédain et le mépris me poursuivre.

D. Dieu veut que nous ayons de l'amour les uns pour les autres. - R. Je ne connais pas cela. Ici, celui que le remords poursuit ou étreint est un ennemi, un serpent que l'on fuit en lui jetant la pierre. Croyez-vous que cela n'est pas révoltant pour le maudit ? Il devient l'ennemi de tous par instinct ; la passion et la haine l'aveuglent ; malheur à celui qui tombe sous la griffe de ce vautour.

D. Nous, Germaine, nous voulons vous aimer, et nous vous tendons la main. - R. Pourquoi ne m'a-t-on pas parlé ainsi plus tôt ? Il y a cependant des cœurs généreux dans le monde que j'habite ; je leur faisais donc peur ? Pourquoi ne m'a-t-on jamais dit : Tu es notre sœur et tu peux partager notre sort ? J'ai encore le poison dans l'âme, lorsque surtout je pense au passé. Le crime mérite une peine, mais la punition a été trop grande : il semblait que tout tombait sur moi pour m'écraser. Dans ces moments on méconnaît Dieu, on le blasphème, on le nie, on se révolte contre lui et les siens, lorsqu'on est dans l'abandon.



Remarque. Ce dernier raisonnement de l'Esprit est le résultat de la surexcitation où il se trouve, mais il vient de poser une question qui a son importance. « Pourquoi, dit-il, dans le monde où je suis, ne m'a-t-on pas parlé comme vous le faites ? » Par la raison que l'ignorance de l'avenir fait momentanément partie du châtiment de certains coupables ; ce n'est que lorsque leur endurcissement est vaincu par la lassitude qu'on leur fait entrevoir un rayon d'espérance comme allégement à leurs peines ; il faut que ce soit volontairement qu'ils tournent leurs regards vers Dieu. Mais les bons Esprits ne les abandonnent pas ; ils s'efforcent de leur inspirer de bonnes pensées ; ils épient les moindres signes de progrès, et, dès qu'ils voient poindre en eux le germe du repentir, ils provoquent les instructions qui, en les éclairant, peuvent les ramener au bien. Ces instructions leur sont données par les Esprits en temps opportun ; elles peuvent aussi l'être par les incarnés, afin de montrer la solidarité qui existe entre le monde visible et le monde invisible. Dans le cas dont il s'agit, il était utile à la réhabilitation de Germaine que le pardon lui vînt de la part de ceux qui avaient à se plaindre d'elle, ce qui était en même temps un mérite pour ces derniers. Telle est la raison pour laquelle l'intervention des hommes est souvent requise pour l'amélioration et le soulagement des Esprits souffrants, surtout dans les cas d'obsession. Celle des bons Esprits
pourrait assurément suffire, mais la charité des hommes envers leurs frères de l'erraticité est pour eux-mêmes un moyen d'avancement que Dieu leur a réservé.

D. L'Esprit de Jules que vous voyez près de nous, était aussi un criminel, souffrant et malheureux ?… - R. Ma position a été pire à moi. Citez tout ce qui peut navrer l'âme ; dites combien le poison brûle les entrailles : j'ai tout éprouvé ; et le plus cruel pour moi était d'être seule, abandonnée, maudite ; je n'ai inspiré de pitié à personne. Comprenez-vous la rage qui déborde de mon cœur ? J'ai bien souffert ! je ne pouvais mourir ; le suicide ne m'était pas possible ; et toujours devant moi l'avenir le plus sombre ! Je n'ai jamais vu poindre une lueur ; pas une voix ne m'a dit : Espère ! Alors, j'ai crié : « Rage, vengeance ! A moi des victimes ! j'aurai au moins des compagnes de souffrances. Ce n'est pas la première fois que l'enfant sent mes étreintes[3]. »



Remarque. - Si l'on demandait pourquoi Dieu permet à de mauvais Esprits d'assouvir leur rage sur des innocents, nous dirions qu'il n'est pas de souffrance imméritée, et que celui qui est innocent aujourd'hui et qui souffre a sans doute encore quelque dette à payer ; ces mauvais Esprits servent, dans ce cas, d'instrument à l'expiation. Leur malveillance est en outre une épreuve pour la patience, la résignation et la charité.

D. Remerciez Dieu de vous avoir tant fait souffrir ; ces souffrances sont l'expiation qui vous a purifiée. - R. Remercier Dieu ! vous m'en demandez trop ; j'ai trop souffert ! L'enfer était préférable à ce que j'endurais. Les damnés, comme on me l'a appris, souffrent, pleurent et crient ensemble ; ils peuvent se débattre et lutter entre eux ; moi, j'étais seule. Oh ! c'est horrible ! Je me sens, en vous faisant ces descriptions, prête à blasphémer et à fondre sur ma proie. Ne croyez pas m'entraver en mettant entre elle et moi un ange souriant. Je lutterai avec tous, qui que ce soit.

D. Quel que soit le sentiment qui vous agite, nous ne vous opposerons que le calme, la prière et l'amour. - R. Ce qui me plaît le plus, c'est que vous me parlez sans m'injurier, sans me repousser, et que vous voulez me faire espérer. Oh ! n'attendez pas que je me livre tout de suite ; j'ai peur de la déception. Si, après m'avoir fait de si belles promesses, si belles que je ne puis encore y croire, vous alliez m'abandonner ! Oh! alors, que deviendrais-je ? Et, j'y réfléchis ; pourquoi ces consolations si tard ? et pourquoi vous ? serait-ce un piège caché ? Tenez ! je ne sais que croire, que faire ; vrai, cela me paraît étrange, surprenant !



Remarque. - L'expérience prouve en effet que les paroles dures et malveillantes sont un très mauvais moyen pour se débarrasser des mauvais Esprits ; elles les irritent, ce qui les porte à s'acharner davantage.

D. Germaine, écoutez-moi ; je vais vous expliquer ce qui vous surprend. Depuis peu d'années, l'immortalité, l'individualité et le rapport des âmes avec ceux qui sont encore sur la terre nous ont été démontrés d'une manière qui ne peut laisser aucun doute. Le Spiritisme, c'est le nom de cette nouvelle doctrine, fait à ses adeptes un devoir d'aimer et de secourir ses frères. Nous sommes Spirites, et, par amour pour deux sœurs qui souffrent, vous et l'enfant votre victime, nous sommes venus à vous pour vous offrir notre cœur et le secours de nos prières. Comprenez-vous maintenant ? - R. Pas trop. Vous raisonnez comme je n'ai jamais entendu. Vous avez donc à vous occuper de ceux qui vivent comme vous et au milieu de vous, et des Esprits qui souffrent comme moi ? C'est un travail qui ne doit pas être sans mérite.

D. Si vous avez lieu de nous croire sincères, voulez-vous nous promettre que vos dispositions à l'égard de l'enfant seront bonnes ? - R. Bonnes en raison de ce que vous aurez été bons pour moi. Je vous crois tous sincères ; votre langage tend à me le faire croire ; mais je doute encore. Enlevez-moi ce doute, et je suis à vous. Je vais m'efforcer de faire ce que je vais vous promettre : à mesure que le doute s'effacera, le mal faiblira, et le doute parti, le mal chez l'enfant aura cessé. Si vous me jouez, malheur ! elle mourra étranglée. Une victime attend, ou sa grâce qui dépend de vous, ou le coup que je tiens sur sa tête. Ce n'est pas une menace pour vous intimider, mais un avertissement que la haine et la rage m'aveugleraient. Vous êtes arrivés à temps ; elle serait peut-être morte déjà. Puisque nous ne pouvons pas toujours causer ensemble, dites à vos amis qui vivent où je vis, de continuer l'entretien ; qu'ils ne me repoussent pas, quoique je n'aie point peut-être cessé mes méchancetés ; car je ne me suis pas absolument engagée ; vous ne pouvez exiger plus que je n'ai promis.

Nous prions nos guides de faire bon accueil à Germaine. Ils répondent :

« Elle est d'avance notre sœur bien-aimée, d'autant plus qu'elle a plus souffert. Venez, Germaine ; si jamais aucune main amie n'a pressé votre main, approchez : nous vous tendons les nôtres. Votre bonheur seul nous occupe. Vous trouverez toujours en nous des frères, malgré la faiblesse dont vous vous sentez encore capable. Nous vous plaindrons et ne vous condamnerons pas. Entrez dans votre famille, le bonheur nous sourit. Chez nous les larmes amères ne coulent pas ; la joie remplace la douleur, et l'amour, la haine. Sœur, vos mains !

Vos guides. »

La journée du 23 se passa sans crise, comme celle de la veille. Le soir la jeune fille se rendit avec son père à la séance pour entendre Germaine à qui elle portait déjà beaucoup d'intérêt.

Nos guides nous dirent :

« Commencez vos travaux par l'évocation de Germaine ; elle le désire beaucoup ; vous devez lui prouver qu'elle vous occupe spécialement. Evitez tout ce qui pourrait avoir l'apparence de l'oubli et de l'indifférence afin de lever tous ses doutes. Songez que ses attaques ne sont que suspendues. Soyez prudents ; soyez heureux sans amour-propre et sans orgueil ; soyez surtout fervents dans vos prières. Si elle manifestait le désir de causer longuement, dût-elle vous prendre toute la soirée, ne marchandez pas le temps.

Vos guides. »



Evocation de Germaine

R. Me voici, beaucoup plus calme ; je veux être juste, je crois vous le devoir. Vous voyez aussi que j'ai agi selon que je l'avais dit ; les bons rapports font les bons amis. Parlez-moi donc, puisque vous êtes des voix amies ; c'est si étrange et si nouveau pour moi, que vous me permettrez bien de savourer un entretien où la haine sera remplacée par… j'allais dire l'amour, et je ne le connais pas ! Dites-moi ce qu'il faut faire pour aimer et être aimée, moi, la pauvre misérable Germaine, vieillie par le malheur, l'opprobre et le crime !… Baptise-t-on chez vous ? Voici une néophyte. »

- Le baptême que vous demandez, Jeanne, vous l'avez déjà reçu, lui répondis-je ; il est dans votre repentir, dans votre résolution de marcher dans une nouvelle voie.

La journée du 24 septembre fut aussi calme que la précédente.

A la réunion du soir, nous appelons Germaine.

D. Germaine, nous vous remercions… - R. « Ne me parlez pas de cela, car vous me rendez toute honteuse. C'est à moi à m'incliner et à demander grâce. Je te dois une grande réparation, pauvre enfant ! La vie dont jouissent les Esprits est éternelle. Dieu a mis devant moi les moyens et le temps de réparer les ravages causés par l'aveuglement de la passion. Sois rassurée ; prie quelquefois pour la malheureuse Germaine, la criminelle qui, aujourd'hui repentante, te demande son pardon. Oublie, pauvre enfant, tes douleurs et celle qui les a causées ; ne te souviens que de celle qui désire maintenant être ton amie. Ce n'est plus la même Germaine : la prière que l'on a versée sur moi m'a rendu l'âme plus nette ; ma soif de vengeance s'est éteinte. Le souvenir de mon infâme passé sera mon expiation. Ma prière, jointe à la vôtre, adoucira le remords qui me torture. Merci à vous tous, qui m'avez rappelée dans le sentier du vrai et du bien, alors que j'étais égarée dans les profondeurs du vice et de l'impénitence.

Je vous crois maintenant ; le doute a disparu. Je vous aime et vous remercie de m'avoir sauvée et guérie ; je vous remercie aussi pour cette pauvre enfant à qui vous avez rendu la santé et la vie.

Je puis me dire heureuse, car je suis au milieu de bons Esprits qui me consolent et me fortifient par leur douce et persuasive morale. Je ne suis plus seule ; malgré toute la noirceur de mon âme, ils m'ont admise dans leur bienheureuse famille. Je suis la malade, ils sont mes gardiens. Les expressions me manquent pour vous dire tout ce que je sens.

Dites-moi tous, toi surtout, pauvre fille, que vous me pardonnez. J'ai besoin d'entendre ce mot sortir de ton cœur. Donnez-moi, s'il vous plaît, cette consolation. »

La jeune Valentine lui dit : « Oui, Germaine, je vous pardonne ; bien plus, je vous aime ! »

- « Et nous aussi, repris-je aussitôt, nous vous aimons comme une sœur. »

Germaine continue :

« Et moi aussi, je commence à aimer. A qui dois-je cette transformation ? A ceux que j'ai injuriés, et qui, malgré toute l'horreur que je devais leur inspirer, ont eu pitié de moi et m'ont appelée leur sœur, et m'ont prouvé qu'ils ne me trompaient pas.

Oui, vous m'ouvrez le chemin de l'avenir heureux. J'étais pauvre et abandonnée, et je vis maintenant au milieu de ceux qui possèdent beaucoup : je ne suis plus à plaindre. Les bons Esprits me disent qu'ils vont me préparer aux épreuves que je subirai infailliblement ; et, munie de cette force, je redescendrai au milieu des créatures terrestres. Ce ne sera plus pour semer la mort autour de moi, mais pour aimer et mériter d'elles leur bienveillance et leur amitié.

J'aurais beaucoup à dire, mais je ne veux pas être importune. Prions ; il me semble que cela me fera du bien.

Dieu tout-puissant, éternel, miséricordieux, entends ma prière. Pardonne mes blasphèmes, pardonne mes égarements. Je ne connaissais point la route qui mène au royaume du juste. Mes frères de la terre me l'ont fait connaître ; mes frères les Esprits m'y conduisent. Que la justice infinie suive son cours sur la pauvre Germaine ; elle souffrira maintenant sans se plaindre ; pas un murmure ne sortira de sa bouche. Je reconnais ta grandeur et ta bonté de père pour tes bienheureux serviteurs qui sont venus me tirer du chemin du vice. Que ma prière monte vers toi ; que les anges qui te servent et entourent ton trône puissent un jour m'accueillir au milieu d'eux, comme l'ont fait ces bons Esprits. Je le comprends aujourd'hui, la vertu seule mène au bonheur. Faites grâce, ô mon Dieu, à ceux qui, comme moi, souffrent encore. Accordez à l'enfant que j'ai torturée les douceurs et les vertus qui font le bonheur sur la terre.

Germaine. »



« Aide-toi, le ciel t'aidera, vous a-t-on dit ; les Esprits qui vous guident ne feront pas le travail que le devoir vous impose ; mais, selon que vous serez travailleurs, ils abrégeront, autant qu'il sera en leur pouvoir, la tâche entreprise sous la bannière de l'immortelle charité. Agissez donc sans découragement et sans faiblesse ; que votre foi s'affermisse, et un jour, peut-être, vous vous demanderez d'où vous vient ce pouvoir. Travaillez à la moralisation de vos frères incarnés et à celle des Esprits arriérés ; ne vous contentez pas de prêcher les consolations du Spiritisme ; montrez-en la grandeur et le pouvoir par vos actes ; c'est la meilleure réfutation que vous puissiez opposer à vos adversaires. Les paroles s'envolent, et les actes fortifient et relèvent. Que le bonheur qui entrera dans la famille en compagnie de la jeune doctrine soit dû aux soins et à la charité des sincères adeptes. Soyez fiers, sans orgueil, de ce qui vous arrive, sans cela les fruits que vous devez en retirer seraient perdus pour vous.

Vos guides. »

Remarque. - Les Esprits, comme on le voit, ne sont ni inactifs ni indifférents à l'égard des Esprits souffrants qu'il faut amener au bien ; mais quand l'intervention des hommes peut être utile, ils leur en laissent l'initiative et le mérite, sauf à les seconder de leurs conseils et de leurs encouragements.

A partir du 25 septembre, d'après les conseils de nos guides, j'endormis tous les jours du sommeil magnétique la jeune Valentine pour la purger complètement de l'empreinte des mauvais fluides qui l'avaient enveloppée, et fortifier son organisme. Depuis sa délivrance, elle éprouvait des malaises, des langueurs d'estomac, de petits tiraillements nerveux, suite inévitable de l'obsession.



Remarque. - A quoi eût servi ce magnétisme, si la cause eût subsisté ? Il fallait d'abord détruire la cause avant de s'attaquer aux effets ; ou tout au moins agir sur les deux simultanément.

L'enfant était un peu gâtée par les soins et les caresses qu'on lui avait prodigués pendant sa maladie ; elle était devenue quelque peu capricieuse et volontaire, et se prêtait avec répugnance à être endormie. Un jour même elle s'y refusa, et je m'en allai. Rentré chez moi, on vint m'avertir qu'elle avait une crise. « Bien, m'écriai-je, c'est une punition de Germaine. » J'y retournai immédiatement, je trouvai l'enfant s'agitant sur son lit. Cette crise n'était pas aussi violente que les précédentes, mais elle avait les mêmes caractères ; je la calmai comme les autres. Quelques heures après, elle en eut une seconde, que j'arrêtai de même.

Le soir nous nous réunîmes. Germaine vint sans être appelée ; elle dit qu'elle avait voulu donner une leçon à l'enfant, et l'avertit que lorsqu'elle ne serait pas raisonnable, elle lui ferait sentir sa présence. Elle lui donna en outre de très bons conseils, et fit sentir aux parents les inconvénients de céder aux caprices de leurs enfants.

A la phase de la guérison et de la conversion de l'Esprit, a succédé celle des révélations touchant le drame dont l'obsession violente de la jeune Valentine était le dénouement. Quelque intéressante et émouvante que soit cette partie du récit, nous en supprimons les détails comme étrangers jusqu'à un certain point à notre sujet, et parce qu'elle a trait à des événements contemporains dont le souvenir pénible est encore présent, et qui ont eu pour témoins intéressés des personnes encore vivantes. Nous la résumons pour les conclusions que nous aurons à en tirer. Par les mêmes motifs, nous avons dissimulé les noms propres, qui n'ajouteraient rien à l'instruction qui ressort de cette histoire.

De ces révélations faites dans l'intimité, en dehors du groupe, et par l'intermédiaire d'un autre médium, il résulte que Germaine est la grand-mère du sieur Laurent, le père de la jeune obsédée Valentine. Elle avait une fille qui eut deux enfants dont l'un est le sieur Laurent
lui-même ; l'autre fut détruit par sa grand-mère, qui le précipita dans un ravin en bas des rochers de… Pour ce meurtre, elle fut condamnée à dix ans de réclusion, qu'elle subit dans la prison de C… Elle donne sur tous ces faits les indications les plus minutieuses, précisant avec exactitude les noms, les lieux et les dates, de manière à ne laisser aucun doute sur son identité. Ces détails intimes, connus de Laurent seul et de sa femme, ont été confirmés par eux. Pour se faire mieux encore reconnaître de son petit-fils, elle le désigna par son petit nom ignoré du médium, et ne lui parla que patois comme de son vivant.

Il n'y avait donc pas à s'y méprendre, Germaine était bien la grand-mère de Laurent, la condamnée pour infanticide. Quant à sa fille, celle dont on a détruit l'enfant, c'est aujourd'hui la fille de Laurent, la jeune Valentine, qu'elle vient encore de tourmenter par une cruelle obsession. Elle a expliqué la cause de la haine qu'elle lui avait vouée. Il y avait eu lutte entre elles deux comme Esprit, et cette lutte continua lorsque l'une d'elles fut réincarnée. Un fait vient confirmer cette assertion, ce sont les paroles que la jeune fille prononçait pendant son sommeil. Ses parents, comme on le conçoit, lui avaient toujours laissé ignorer ce qui s'était passé dans sa famille ; ces mots : L'enfant ! l'enfant ! dans les rochers ! dans les rochers ! étaient évidemment le résultat du souvenir que son Esprit conservait à l'état de dégagement.

« Eh bien ! dis-je au père de Valentine, êtes-vous bien convaincu que c'est l'Esprit de votre grand-mère ? - Oh ! monsieur, répondit-il, j'en étais déjà convaincu avant cet entretien. Ce nom de Germaine, et les paroles de Valentine, dans ses crises, ne me laissaient aucun doute à cet égard ; je le dis de suite à ma femme. Bien plus, lorsque vous m'eûtes parlé du Spiritisme et des réincarnations, j'eus dans la pensée que ma mère s'était incarnée en Valentine. »

Ainsi s'expliquent les exclamations répétées de Laurent : « C'est drôle ! » et celles de sa femme : « Il y a là un mystère ! »



[1] L'Esprit obsesseur de la jeune Thérèse B…, de Marmande. (V. Revue spirite de juin 1864.)


[2] La suite du récit fera comprendre ces dernières paroles.


[3] Les parents nous ont dit qu'en effet leur enfant avait, à l'âge de six ans, éprouvé des crises dont on ne pouvait se rendre compte.



Évocation d'un sourd-muet incarné

M. Rul, membre de la Société de Paris, nous transmet le fait suivant :

« Je connaissais, dit-il, en 1862, un jeune sourd-muet de douze à treize ans, et, désireux de faire une observation, je demandai à mes guides protecteurs s'il ne serait possible de l'évoquer. La réponse ayant été affirmative, je fis venir cet enfant dans ma chambre, et l'installai dans un fauteuil, en compagnie d'une assiette de raisins, qu'il se mit à égrener avec empressement. Je me mis, de mon côté, à une table ; je priai, et fis l'évocation, comme d'habitude. Au bout de quelques instants ma main trembla, et j'écrivis : Me voici.

Je regardai l'enfant : il était immobile, les yeux fermés, calme, endormi, l'assiette sur les genoux, et avait cessé de manger. Je lui adressai les questions suivantes :

D. Où es-tu en ce moment ? - R. Dans votre chambre, dans votre fauteuil.

D. Veux-tu me dire pourquoi tu es sourd-muet de naissance ? - R. C'est une expiation de mes crimes passés.

D. Quels crimes as-tu donc commis ? - R. J'ai été parricide.

D. Peux-tu me dire si ta mère, que tu aimes si tendrement, n'aurait pas été, soit comme étant ton père ou ta mère dans l'existence dont tu parles, l'objet du crime que tu as commis ?

« J'attendis vainement la réponse ; ma main resta immobile. Je portai de nouveau les yeux sur l'enfant ; il venait de s'éveiller, et mangeait à belles dents ses raisins. Ayant alors prié mes guides de m'expliquer ce qui venait de se passer, il me fut répondu :

Il t'a donné les renseignements que tu désirais, et Dieu n'a pas permis qu'il t'en donnât d'autres. Je ne sais comment les partisans de la communication exclusive des démons nous expliqueraient ce fait. Pour moi, j'en tirai la conclusion que, puisque Dieu nous permet quelquefois d'évoquer un Esprit incarné, il nous le permet également à l'égard des désincarnés, quand nous le faisons dans un esprit de charité. »

Remarque. - Nous ferons, de notre côté, une autre observation sur ce sujet. La preuve d'identité résulte ici du sommeil provoqué par l'évocation, et de la cessation de l'écriture au moment du réveil. Quant au silence gardé sur la dernière question, il prouve l'utilité du voile jeté sur le passé. En effet, supposons que la mère actuelle de cet enfant ait été sa victime dans une autre existence, et que celui-ci ait voulu réparer ses torts par l'affection qu'il lui témoigne, est-ce que la mère ne serait pas douloureusement affectée si elle savait que son enfant a été son meurtrier, et sa tendresse pour lui n'en serait-elle pas altérée ? Il a pu lui être permis de révéler la cause de son infirmité comme sujet d'instruction, afin de nous donner une preuve de plus que les afflictions d'ici-bas ont une cause antérieure, quand cette cause n'est pas dans la vie actuelle, et qu'ainsi tout est selon la justice ; mais le surplus était inutile, et aurait pu revenir aux oreilles de la mère, c'est pourquoi les Esprits l'ont réveillé au moment où il allait sans doute répondre. Nous expliquerons plus tard la différence qui existe entre la position de cet enfant et celle de Valentine du récit précédent.

Ce fait prouve en outre un point capital, c'est que ce n'est pas seulement après la mort que l'Esprit recouvre le souvenir de son passé ; on peut dire qu'il ne le perd jamais, même dans l'incarnation, car, pendant le sommeil du corps, alors qu'il jouit d'une certaine liberté, l'Esprit a la conscience de ses actes antérieurs ; il sait pourquoi il souffre, et qu'il souffre justement ; le souvenir ne s'efface que pendant la vie extérieure de relation. Mais, à défaut d'un souvenir précis qui pourrait lui être pénible et nuire à ses rapports sociaux, il puise de nouvelles forces dans ces instants d'émancipation de l'âme, s'il a su les mettre à profit.

Faut-il conclure de ce fait que tous les sourds-muets ont été des parricides ? Ce serait une conséquence absurde ; car la justice de Dieu n'est pas circonscrite dans des limites absolues, comme la justice humaine. D'autres exemples prouvent que cette infirmité est parfois le résultat du mauvais usage que l'individu a fait de la faculté de la parole. Hé quoi ! dira-t-on, la même expiation pour deux fautes aussi différentes dans leur gravité, est-ce là de la justice ? Mais ceux qui raisonnent ainsi ignorent-ils donc que la même faute offre des degrés infinis de culpabilité, et que Dieu mesure la responsabilité aux circonstances ? Qui sait, d'ailleurs, si cet enfant, en supposant son crime sans excuse, n'a pas subi dans le monde des Esprits un dur châtiment, et si son repentir et son désir de réparer n'ont pas réduit l'expiation terrestre à une simple infirmité ? En admettant, à titre d'hypothèse, puisque nous l'ignorons, que sa mère actuelle ait été sa victime, s'il ne tenait pas envers elle la résolution qu'il a prise de réparer sa faute par sa tendresse, il est certain qu'un châtiment plus terrible l'attendrait, soit dans le monde des Esprits, soit dans une nouvelle existence. La justice de Dieu ne fait jamais défaut, et, pour être parfois tardive, elle ne perd rien pour attendre ; mais Dieu, dans sa bonté infinie, ne condamne jamais d'une manière irrémissible, et laisse toujours ouverte la porte du repentir ; si le coupable est longtemps à en profiter, il souffre plus longtemps. Il dépend ainsi toujours de lui d'abréger ses souffrances. La durée du châtiment est proportionnée à la durée de l'endurcissement ; c'est ainsi que la justice de Dieu se concilie avec sa bonté et son amour pour ses créatures.



Variétés

Le périsprit décrit en 1805

Extrait de l'ouvrage allemand : Les Phénomènes mystiques de la vie humaine, par Maximilien Perty, professeur à l'université de Berne.

Leipzig et Heidelberg, 1861.

Sous le titre de : « Apparition réelle de ma femme après sa mort, - Chemnitz, 1804, » - le docteur Vœtzel publia un livre qui causa une assez grande sensation dans les premières années de ce siècle. L'auteur fut attaqué dans plusieurs écrits ; Wieland surtout le tourne en ridicule dans l'Enthanasia. Pendant une maladie de sa femme, Wœtzel avait demandé à cette dernière de se montrer à lui après sa mort. Elle lui en fit la promesse, mais plus tard, à sa prière, son mari la lui rendit. Cependant, quelques semaines après sa mort, un vent violent sembla souffler dans la chambre quoique fermée ; la lumière fut presque éteinte ; une petite fenêtre dans l'alcôve s'ouvrit, et, à la faible clarté qui régnait, Wœtzel vit la forme de sa femme qui lui dit d'une voix douce : « Charles, je suis immortelle ; un jour nous nous reverrons. » L'apparition et ces paroles consolantes se renouvelèrent plus tard une seconde fois. La femme se montra en robe blanche sous l'aspect qu'elle avait avant de mourir. Un chien qui n'avait pas bougé à la première apparition se mit à frétiller et à décrire un cercle comme autour d'une personne de connaissance.

Dans un second ouvrage sur le même sujet (Leipzig, 1805), l'auteur parle d'invitations qui lui auraient été adressées de démentir toute l'affaire, « parce qu'autrement beaucoup de savants seraient forcés de renoncer à ce que, jusque-là, ils avaient cru être des opinions vraies et justes, et que la superstition y trouverait un aliment. » Mais il avait déjà prié le conseil de l'Université de Leipzig de lui permettre de déposer un serment juridique à ce sujet. L'auteur développe sa théorie. Suivant lui, « l'âme, après la mort, serait enveloppée d'un corps éthéré, lumineux, au moyen duquel elle pourrait se rendre visible ; qu'elle pourrait mettre d'autres vêtements par-dessus cette enveloppe lumineuse ; que l'apparition n'avait pas agi sur son sens intérieur, mais uniquement sur ses sens extérieurs. »

A cette explication il ne manque, comme on le voit, que le mot périsprit. Toutefois Wœtzel est dans l'erreur quand il croit que l'apparition n'a agi que sur ses sens extérieurs, et non sur le sens intérieur ; on sait aujourd'hui que c'est le contraire qui a lieu ; mais il a peut-être voulu dire qu'il était parfaitement éveillé, et non en état de rêve, ce qui probablement lui a fait croire qu'il avait perçu l'apparition par la seule vue corporelle, attendu qu'il ne connaissait ni les propriétés du fluide périsprital, ni le mécanisme de la vue spirituelle.

Au reste, en lisant le savant ouvrage de M. Pezzani, sur la Pluralité des existences, on a la preuve que la connaissance du corps spirituel remonte à la plus haute antiquité, et que le nom de périsprit est seul moderne. Saint Paul l'a décrit dans la première aux Cor., ch. xv. Wœtzel l'a reconnu par la seule force de son raisonnement. Le Spiritisme moderne l'ayant étudié dans les faits nombreux qu'il a observés, en a décrit les propriétés, et déduit les lois de sa formation et de ses manifestations.

Quant à ce qui concerne le chien, cela n'a rien de surprenant ; plusieurs faits semblent prouver que certains animaux sentent la présence des Esprits. Dans la Revue Spirite de juin 1860, page 171, nous en citons un exemple qui a une remarquable analogie avec celui de Wœtzel. Il n'est même pas positivement prouvé qu'ils ne puissent les voir. Il n'y aurait rien d'impossible à ce qu'en certaines circonstances, par exemple, les chevaux qui s'effraient et refusent obstinément d'avancer sans motif connu subissent l'effet d'une influence occulte.

Un nouvel œuf de Saumur

Saumur est, à ce qu'il paraît, fécond en merveilles ovipares. On se rappelle qu'au mois de septembre dernier, une poule, native de cette ville et domiciliée rue de la Visitation, pondit des œufs miraculeux, sur la coquille desquels on voyait en relief, et nettement dessinés, des objets de sainteté et des inscriptions. Cela fit grande sensation dans un certain monde, et excita la verve railleuse des incrédules ; l'Echo saumurois, entre autres, s'en égaya fort. La foule se porta sur les lieux ; l'autorité s'en émut, et l'on préposa un gendarme à la garde de la poule pour attendre l'événement. Nous ne répéterons pas le spirituel récit et la non moins judicieuse explication qu'en a donnés le Sauveur des Peuples de Bordeaux, du 18 septembre 1864, auquel nous renvoyons nos lecteurs pour les détails circonstanciés de l'affaire.

Dernièrement un de nos abonnés de Saumur nous a remis un autre œuf phénoménal, originaire de la même ville, avec prière de vouloir bien examiner la bizarrerie qu'il présente, bien qu'il n'y eût ni dessins ni inscriptions ; non qu'il crût à un prodige, mais au contraire pour avoir notre opinion, afin de l'opposer aux gens trop crédules en matière de miracles, car il paraît qu'à la suite de ce qui s'était passé, cet œuf avait également produit une certaine sensation dans le public. Nous ne savons s'il est de la même poule. Voici ce dont il s'agit.

L'œuf présente à sa pointe une excroissance en forme de gros cordon retourné sur lui-même, de la même nature que la coquille et y adhérant dans toute sa longueur, qui est de 6 à 7 centimètres. Il suffit de connaître la formation des œufs pour se rendre compte de ce phénomène. On sait que l'œuf est d'abord formé d'une simple membrane semblable à une vessie, dans laquelle se développent le blanc et le jaune, germe et nourriture du futur poulet. Il en est parfois qui sont pondus dans cet état. Avant la ponte, cette pellicule se couvre d'une couche de carbonate de chaux qui forme la coquille. Dans le cas dont il s'agit, le contenu n'étant pas suffisant pour remplir la membrane vésiculaire, il en est résulté que la partie vide formant col de vessie est restée contractée, puis s'est rabattue en se tortillant sur le corps même de l'œuf. Le dépôt calcaire, s'étant formé après, a durci le tout, ce qui a donné lieu à cette excroissance anormale. Si toute la capacité eût été remplie, l'œuf eût été monstrueux pour un œuf de poule, car il aurait eu environ 10 centimètres dans son plus grand diamètre, tandis qu'il a une grosseur ordinaire.

Quel rapport tout cela a-t-il avec le Spiritisme ? Absolument aucun. Si nous en parlons, c'est parce que ses détracteurs ont voulu mêler son nom dans la première affaire, nous ne savons vraiment à quel titre, si ce n'est, selon leur habitude, de chercher toutes les occasions de le ridiculiser, même dans les choses qui lui sont le plus étrangères. Nous avons voulu prouver une fois de plus que les Spirites ne sont pas aussi crédules qu'on veut bien le dire. Dès qu'un phénomène insolite se présente, ils en cherchent avant tout l'explication dans le monde tangible, et ne mêlent pas les Esprits à tout ce qui est extraordinaire, parce qu'ils savent dans quelles limites et selon quelles lois s'exerce leur action.




Notices bibliographiques

La Pluralité des existences de l'âme

Par André Pezzani, avocat à la Cour impériale de Lyon.

Cet ouvrage, annoncé depuis quelque temps, et qui était attendu avec impatience, vient de paraître chez MM. Didier et Ce[1]. Tous ceux qui connaissent l'auteur, sa vaste érudition, son esprit judicieux d'analyse et d'investigation, ne doutaient pas que cette grave question de la pluralité des existences ne fût traitée par lui selon son importance. Nous sommes heureux de dire qu'il n'a point failli à sa tâche. Toutefois, il s'est peu attaché à démontrer cette grande loi de l'humanité par son propre raisonnement, bien qu'il n'en fasse pas abnégation. Quelque savant qu'il soit, il est modeste, très modeste même, ce qui est assez rarement le corollaire du savoir ; il s'est dit que son opinion personnelle pèserait peu dans la balance, c'est pourquoi il s'est plus appuyé sur celle des autres que sur la sienne. Il a voulu démontrer que ce principe avait été entrevu par les plus grands génies de tous les temps ; qu'on le trouve dans toutes les religions, parfois clairement et catégoriquement formulé, plus souvent voilé sous l'allégorie ; qu'il est implicitement la source première d'une foule de dogmes. Il prouve, par des documents authentiques, qu'il faisait, avec la théorie de l'immortalité et de la progression de l'âme, partie de l'enseignement secret réservé aux seuls initiés dans les mystères. Dans ces temps reculés, il pouvait y avoir utilité, ainsi qu'il le démontre, à cacher au vulgaire certaines vérités que les masses n'étaient pas mûres pour comprendre, et qui les eussent éblouies sans les éclairer. Son ouvrage est donc riche en citations, depuis les livres sacrés des Indiens, des Perses, des Juifs, des chrétiens ; les philosophes grecs, les néoplatoniciens, les doctrines druidiques, jusqu'aux écrivains modernes : Charles Bonnet, Ballanche, Fourier, Pierre Leroux, Jean Raynaud, Henri Martin, etc. ; et, comme conclusion et dernière expression, les livres spirites.

Dans ce vaste panorama, il passe en revue toutes les opinions, les théories diverses sur l'origine et les destinées de l'âme. La doctrine de la métempsycose animale y est traitée largement et d'une manière neuve. Il démontre que celle de la pluralité des existences humaines l'a précédée, et que la transmigration dans les corps d'animaux n'en est qu'une dérivation altérée et non le principe. C'était la croyance réservée au vulgaire, incapable de comprendre les hautes vérités abstraites, et comme frein des passions. L'incarnation dans les animaux était une punition, une sorte d'enfer visible, actuel, qui devait plus impressionner que la crainte d'un châtiment moral dans un monde spirituel. Voici ce que dit à ce sujet Timée de Locres, que Cicéron assure avoir été le maître de Platon :

« Si quelqu'un est vicieux et qu'il viole les règles de l'État, il faut qu'il soit puni par les lois et par les reproches ; on doit encore l'épouvanter par la crainte de l'enfer, par l'appréhension des peines continuelles, des châtiments, et par les terreurs et les punitions inévitables qui sont réservées aux malheureux criminels sous la terre.

Je loue beaucoup le poète ionien (Homère) d'avoir rendu les hommes religieux par des fables anciennes et utiles ; car, de même que nous guérissons les corps par des remèdes malsains, s'ils ne cèdent aux remèdes les plus salutaires, de même nous réprimons les âmes par des discours faux, si elles ne se laissent pas conduire par les véritables. C'est par la même raison qu'il faut établir des peines passagères fondées sur la croyance à la transformation des âmes. En sorte que les âmes des hommes timides passent, après la mort, dans le corps des femmes exposées au mépris et aux injures ; les âmes des meurtriers dans le corps des bêtes féroces pour y recevoir leur punition ; celles des impudiques dans les porcs et les sangliers ; celles des inconstants et des évaporés dans les oiseaux qui volent dans les airs ; celles des paresseux, des fainéants, des ignorants et des fous dans les formes des animaux aquatiques. C'est la déesse Némésis qui juge toutes ces choses, dans la seconde période, c'est-à-dire dans le cercle de la seconde région autour de la terre, avec les démons, vengeurs des crimes, qui sont les inquisiteurs terrestres des actions humaines, et à qui le Dieu conducteur de toutes choses a accordé l'administration du monde rempli de dieux, d'hommes et d'autres animaux qui ont été produits selon l'image excellente de la forme improduite et éternelle. »

Il ressort de là et de divers autres documents, que la plupart des philosophes qui professaient ostensiblement la métempsycose animale, comme moyen, n'y croyaient pas eux-mêmes, et qu'ils avaient une doctrine secrète plus rationnelle sur la vie future. Tel paraît avoir été aussi le sentiment de Pythagore, qui n'est point, comme on le sait, l'auteur de la métempsycose, et n'en a été que le propagateur en Grèce après l'avoir trouvée chez les Indiens. Du reste, l'incarnation dans l'animalité n'était qu'une punition temporaire de quelques milliers d'années, plus ou moins selon la culpabilité, une sorte de prison, au sortir de laquelle l'âme rentrait dans l'humanité. L'incarnation animale n'était donc pas une condition absolue, et elle s'alliait, comme on le voit, à la réincarnation humaine. C'était une sorte d'épouvantail pour les simples, bien plus qu'un article de foi chez les philosophes ; de même qu'on dit aux enfants : « Si vous êtes méchants, le loup vous mangera, » les Anciens disaient aux criminels : « Vous deviendrez loups. »

La doctrine de la pluralité des existences, dégagée des fables et des erreurs des temps d'ignorance, tend aujourd'hui, d'une manière évidente, à entrer dans la philosophie moderne, abstraction faite du Spiritisme, parce que les penseurs sérieux y trouvent la seule solution possible des plus grands problèmes de la morale et de la vie humaine. L'ouvrage de M. Pezzani vient donc fort à propos jeter la lumière de l'histoire sur cette importante question ; il épargnera des recherches laborieuses, difficiles et souvent impossibles à bien des gens. L'auteur ne l'a pas écrit au point de vue du Spiritisme, qui n'y figure que d'une manière accessoire et comme renseignement ; il l'a écrit au point de vue philosophique, de manière à lui ouvrir les portes qui lui eussent été fermées s'il lui eût donné l'étiquette des nouvelles croyances. C'est le complément de la Pluralité des mondes habités de M. Flammarion, qui, de son côté, a vulgarisé un des grands principes de notre doctrine sans en parler.

Nous aurons à revenir sur l'ouvrage de M. Pezzani, en lui empruntant diverses citations.

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(I) Un voI. in- 8º·, en vente. Prix : 6 fr. - Sous presse, édit. in- 12. Prix: 3 fr.

Le Médium évangélique

Nouveau journal spirite de Toulouse. *

Le dernier mois de l'année qui vient de s'écouler a vu naître un nouvel organe du Spiritisme, ce qui vient corroborer nos réflexions contenues dans l'article ci-dessus sur l'état du Spiritisme en 1864. D'après son début et la lettre que son directeur a bien voulu nous écrire avant sa publication, nous devons compter sur un nouveau champion pour la défense des vrais principes de la doctrine, nous voulons parler de ceux qui sont aujourd'hui sanctionnés par le grand contrôle de la concordance. Qu'il soit donc le bienvenu.

En attendant que nous ayons pu le juger à ses œuvres, nous dirons que si le dicton : Noblesse oblige, est vrai, on peut à plus forte raison dire que titre oblige. Celui de Médium évangélique est tout un programme et un beau programme, qui impose de grandes obligations, mais qui, toutefois, pourrait s'entendre de deux manières. Il pourrait signifier, ou que le journal s'occupera principalement de controverses religieuses au point de vue dogmatique, ou que, comprenant le but essentiel du Spiritisme qui est la moralisation, il sera rédigé selon l'esprit évangélique, qui est synonyme de charité, tolérance et modération. Dans le premier cas, nous ne le suivrions pas, parce que l'intérêt même de la doctrine exige une extrême réserve dans le développement de ses conséquences, et que souvent on recule en voulant aller trop vite : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. » Dans le second, nous serons tout à lui. Voici, du reste, un extrait de sa profession de foi mise en tête du premier numéro :

« Le journal que nous entreprenons de fonder, sous le titre de Médium évangélique, a pour but d'entrer dans les voies nouvelles dont se préoccupe aujourd'hui le monde, je veux dire dans les voies du Spiritisme. Ce journal nous a paru nécessaire à Toulouse, à l'heure où les Spirites ne se comptent déjà plus parmi nous, à l'heure où leurs groupes nombreux grossissent davantage chaque jour. La publicité sera un moyen, en effet, de faire mieux connaître le résultat des travaux de ces groupes divers et de les rendre plus utiles à la grande cause du progrès moral auquel toutes nos destinées nous convient.

Néanmoins, afin de ne pas flotter à tout vent de doctrine, dans ces sentiers encore difficiles, nous avons cru devoir arborer un étendard, sous les auspices duquel nous voulons sincèrement et résolument marcher, certains que le grand principe de la rénovation morale est là où il n'y a plus de Grecs ni de Romains, c'est-à-dire de juifs, de protestants, de catholiques, mais une grande famille unie par les liens de la fraternité, et tendant vers un but commun dans sa course haletante à travers les solitudes mystérieuses de la vie. Cet étendard, vous le connaissez. Ce n'est pas la croix d'or, fille de l'orgueil et des vaines pensées des hommes, mais la croix de bois, fille du dévouement et du sacrifice, disons-le, fille de la véritable charité. »

Nous regrettons que le défaut d'espace nous empêche de citer la profession de foi tout entière ; mais nous aurons sans doute occasion d'y revenir.


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* Le Médium évangélique parait tous les samedis depuis le 15 décembre. - Prix : Toulouse, 8 fr. par an; 6 mois, 4 fr. 50. - Départements, 9 fr. et 5 fr.- On s'abonne à. Toulouse, rue de la Pomme, 3t; à Paris, boulevard St.-Germain, 68.

Alphabet spirite pour apprendre à être heureux.

Sous ce titre, notre très honoré frère en Spiritisme, M. Delhez, de Vienne en Autriche, dont le zèle pour la cause de la doctrine est infatigable, vient de publier un opuscule en langue allemande, dont une partie contient la traduction française en regard. C'est un intéressant recueil de communications médianimiques en prose et en vers, obtenues dans la Société Spirite de Vienne, sur différents sujets de morale, rangés par ordre alphabétique. On le trouve à Vienne chez l'auteur, Singerstrasse, 7, et dans toutes les librairies. Prix : 1 florin. M. Delhez est le traducteur du Livre des Esprits en langue allemande.


Instructions des Esprits

Société spirite d'Anvers. – 1864

I

Reconnaissez la grandeur et la miséricorde de Dieu pour tous ses enfants. La voix du Très-Haut s'est fait entendre ! inclinez-vous et soyez humbles, car la puissance du Seigneur est grande. La terre entière doit s'ébranler sous sa main miséricordieuse, et ceux qui se soumettront à ses lois seront bénis, comme autrefois Abraham qui marchait vers une terre inconnue, parce que la voix de l'Éternel parlait dans son cœur.

Le Très-Haut vous soutiendra, vous qui marchez sous son regard paternel, humbles et croyants. Laissez-vous traiter de pauvres d'esprit, le Dieu fort vous attirera à lui par sa grâce ; soyez fermes en travaillant à sa vigne, et méprisez les dédains des impies, car l'Éternel vous a touché de sa main protectrice. Soyez courageux, et marchez sans savoir où il vous conduit ; il protège ceux qui appuient leur faiblesse sur sa force. Le Créateur est grand ; admirez-le dans ses œuvres.

Le Spiritisme se répand sur la terre, semblable à la rosée bienfaisante de la nuit qui rafraîchit une terre trop sèche. Il répandra dans vos âmes la rosée céleste : vos cœurs, par l'onction de la grâce divine, produiront de bons fruits, et vos travaux publieront sa gloire et sa grandeur.

Dieu est tout-puissant, et lorsqu'il conduisait par sa force le bras de Moïse, les tables de la loi n'ont-elles pas ébranlé la terre ? Que craignez-vous ? Dieu vous abandonnera-t-il à votre faiblesse, quand il a donné sa force à Moïse ? Le Très-Haut n'a-t-il pas envoyé la manne dans le désert ? Sera-t-il moins miséricordieux pour vous qu'il ne l'a été pour les enfants d'Israël, en laissant dessécher vos cœurs par l'ignorance ?

Dieu est aussi juste qu'il est grand ! Appuyez-vous sur lui, et il vous inondera de sa grâce ; vos cœurs s'épanouiront et deviendront l'asile de la foi et de la charité ; car la vérité a lui sur la terre, et le Très-Haut vous a touchés de sa main bienfaisante.

Courage, Spirites ! le Dieu fort vous regarde. Que vos cœurs soient les tables où il inscrivit ses lois, et que rien d'impur ne souille le temple de l'Éternel, afin que vous vous rendiez dignes de publier ses commandements. Ne craignez pas de marcher dans les ténèbres, quand la lumière divine vous conduit.

Les temps désignés par le Tout-Puissant sont arrivés ; les ténèbres disparaîtront de la terre pour faire place aux rayons divins qui inonderont vos âmes, si vous ne repoussez pas la voix de Dieu.

La force du Très-Haut se répandra sur son peuple, et ses enfants le béniront en chantant ses louanges par la pureté de leurs cœurs. Que rien ne vous arrête, que rien ne vous rebute ; soyez fermes dans l'œuvre de Dieu. Soyez tous les enfants d'une grande famille, et que le regard de votre Père céleste vous conduise et fasse fructifier vos travaux.


II

Le règne du Christ approche ; les précurseurs l'annoncent ; les guerres sourdes augmentent ; les Esprits incarnés s'agitent sous le souffle impur du prince des ténèbres : le démon d'orgueil qui lance son feu semblable au cratère d'un volcan en travail. Le monde invisible se dresse devant la croix ; toute la hiérarchie céleste est en marche pour le combat divin. Spirites, levez-vous ; donnez la main à vos frères, les apôtres de la foi, afin que vous soyez forts devant l'armée ténébreuse qui veut vous engloutir. Courbez-vous devant la croix, c'est votre sauvegarde dans le danger, le gage de la victoire. La lutte est semée de périls, nous ne vous le cachons pas ; mais les combats sont nécessaires pour rendre le triomphe de la foi plus éclatant et plus solide, et afin que ces paroles du Christ s'accomplissent : Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle.


III

L'homme n'est jamais aussi fort que lorsqu'il sent sa faiblesse ; il peut tout entreprendre sous le regard de Dieu. Sa force morale grandit en raison de sa confiance, parce qu'il sent le besoin de s'adresser au Créateur pour mettre sa faiblesse à l'abri des chutes où l'imperfection humaine peut l'entraîner. Celui qui met sa volonté dans celle de Dieu peut braver impunément l'Esprit du mal sans se croire téméraire. Si l'Être suprême permet la lutte entre l'ange et le démon, c'est pour donner à la créature l'occasion de triompher et de se sacrifier dans les combats. Lorsque saint Paul sentit vibrer en lui la voix de Dieu, il s'écria : « Je puis tout en Celui qui me fortifie ; » et le plus grand pécheur devint l'apôtre le plus zélé de la foi. Saint Augustin, abandonné à la faiblesse de sa nature ardente et passionnée, succombe ; il devient fort sous le regard de Dieu, qui donne toujours la force à celui qui la demande pour résister au mal. Mais l'homme, dans son aveuglement, se croit puissant par lui-même ; et en abandonnant le recours à Dieu, il tombe dans l'abîme que lui creuse l'amour-propre. Courage donc, car quelque fort que soit l'Esprit qui barre le chemin, appuyé sur la croix vous n'avez rien à craindre ; vous avez au contraire tout à gagner pour votre âme, qui grandira sous le rayon divin de la foi. Laissez-vous conduire à travers les orages, et vous arriverez au terme de votre course, où Jésus vous attend.

Tout homme a besoin de conseils ; malheur à celui qui se croit assez fort de ses propres lumières, car il aura de nombreuses déceptions. Le Spiritisme est rempli d'écueils même dans les groupes, à plus forte raison dans l'isolement. La crainte excessive que vous avez d'être abusés est un bien pour vous, car elle a été votre sauvegarde dans plus d'une circonstance. Cependant vos communications ont besoin de contrôle ; quelques appréciations ne suffisent pas ; c'est pourquoi vos Esprits protecteurs vous ont conseillé de vous adresser au chef spirite, afin que vous soyez fixés sur leur valeur.

Il faut prouver, par l'union, que tous les adeptes sérieux travaillent de concert à la vigne du Seigneur qui va étendre ses branches sur le monde entier. Plus les ouvriers se réuniront, plus vite la grande chaîne spirite sera formée, et plus vite aussi la famille humaine sera inondée des effluves divins de la foi et de la charité, qui régénéreront les âmes sous la puissance du Créateur.

Que chacun de vous apporte sa pierre à l'édifice dans la mesure de ses forces ; mais si chacun veut construire à sa guise, sans tenir compte des instructions que nous avons données, et qui en forment la base ; s'il n'y a pas entente parmi vous ; si vous n'avez pas un point de ralliement, alors vous ferez une tour de Babel. Ce point, nous vous l'avons montré : que chacun en fasse son but unique ; ce signe, nous vous l'avons donné : que chacun l'inscrive sur son drapeau ; alors vous vous reconnaîtrez tous et vous vous tendrez la main. Mais Dieu dispersera les présomptueux qui n'auront pas écouté sa voix ; il aveuglera les orgueilleux qui se croiront assez forts par eux-mêmes, et ceux qui s'écarteront de la route qu'il leur a tracée s'égareront dans le désert.

Spirites, soyez forts de courage, de persévérance et de fermeté, mais humbles de cœur, selon le précepte de l'Évangile, et Jésus vous conduira à travers les tourmentes et il bénira vos travaux.

Chaque lutte supportée courageusement sous le regard de Dieu est une prière fervente qui monte vers lui comme l'encens pur et d'agréable odeur. S'il suffisait de formuler des mots pour s'adresser à Dieu, les fainéants n'auraient qu'à prendre un livre de prières pour satisfaire à l'obligation de prier. Le travail, l'activité de l'âme, sont la seule bonne prière qui la purifie et la grandit.



Fénelon


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