REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1864

Allan Kardec

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Avril

En vente : imitation de l’Evangile Selon le Spiritisme[1].
Contenant : l'explication des maximes morales du Christ, leur concordance avec le Spiritisme, et leur application aux diverses positions de la vie, par Allan Kardec, avec cette épigraphe : « Il n'y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face à tous les ages de l'humanité. »

Nous nous abstenons de toute réflexion sur cet ouvrage, nous bornant à extraire de l'introduction la partie qui en indique le but.

« On peut diviser les matières contenues dans les Évangiles en quatre parties : Les actes ordinaires de la vie du Christ, les miracles, les prédictions, l'enseignement moral. Si les trois premières parties ont été l'objet de controverses, la dernière est demeurée inattaquable. Devant ce code divin, l'incrédulité elle-même s'incline ; c'est le terrain où tous les cultes peuvent se rencontrer, le drapeau sous lequel tous peuvent s'abriter, quelles que soient leurs croyances, car elle n'a jamais fait le sujet des disputes religieuses, toujours et partout soulevées par les questions de dogmes ; en les discutant, d'ailleurs, les sectes y eussent trouvé leur propre condamnation, car la plupart se sont plus attachées à la partie mystique, qu'à la partie morale qui exige la réforme de soi-même. Pour les hommes en particulier, c'est une règle de conduite embrassant toutes les circonstances de la vie privée ou publique, le principe de tous les rapports sociaux fondés sur la plus rigoureuse justice ; c'est enfin, et par-dessus tout, la route infaillible du bonheur à venir, un coin de voile levé sur la vie future. C'est cette partie qui fait l'objet exclusif de cet ouvrage.

Tout le monde admire la morale évangélique ; chacun en proclame la sublimité et la nécessité, mais beaucoup le font de confiance, sur ce qu'ils ont entendu dire, ou sur la foi de quelques maximes devenues proverbiales ; mais peu la connaissent à fond, moins encore la comprennent et savent en déduire les conséquences. La raison en est en grande partie dans la difficulté que présente la lecture de l'Évangile, inintelligible pour le plus grand nombre. La forme allégorique, le mysticisme intentionnel du langage, font que la plupart le lisent par acquit de conscience et par devoir, comme ils lisent les prières sans les comprendre, c'est-à-dire sans fruit. Les préceptes de morale, disséminés çà et là, confondus dans la masse des autres récits, passent inaperçus ; il devient alors impossible d'en saisir l'ensemble, et d'en faire l'objet d'une lecture et d'une méditation séparées.

On a fait, il est vrai, des traités de morale évangélique, mais l'arrangement en style littéraire moderne leur ôte la naïveté primitive qui en fait à la fois le charme et l'authenticité. Il en est de même des maximes détachées, réduites à leur plus simple expression proverbiale ; ce ne sont plus alors que des aphorismes qui perdent une partie de leur valeur et de leur intérêt, par l'absence des accessoires et des circonstances dans lesquelles ils ont été donnés.

Pour obvier à ces inconvénients, nous avons réuni dans cet ouvrage les articles qui peuvent constituer, à proprement parler, un code de morale universelle, sans distinction de culte ; dans les citations nous avons conservé tout ce qui était utile au développement de la pensée, n'élaguant que les choses étrangères au sujet. Nous avons en outre scrupuleusement respecté la traduction originale de Sacy, ainsi que la division par versets. Mais au lieu de nous attacher à un ordre chronologique impossible et sans avantage réel dans un pareil sujet, les maximes ont été groupées et classées méthodiquement selon leur nature, de manière à ce qu'elles se déduisent autant que possible les unes des autres. Le rappel des numéros d'ordre des chapitres et des versets, permet de recourir à la classification vulgaire, si on le juge à propos.

Ce n'était là qu'un travail matériel qui, seul, n'eût été que d'une utilité secondaire ; l'essentiel était de le mettre à la portée de tous, par l'explication des passages obscurs, et le développement de toutes les conséquences en vue de l'application aux différentes positions de la vie. C'est ce que nous avons essayé de faire avec l'aide des bons Esprits qui nous assistent.

Beaucoup de points de l'Évangile, de la Bible et des auteurs sacrés en général, ne sont inintelligibles, beaucoup même ne paraissent irrationnels, que faute de la clef pour en comprendre le véritable sens ; cette clef est tout entière dans le Spiritisme, ainsi qu'ont déjà pu s'en convaincre ceux qui l'ont étudié sérieusement, et ainsi qu'on le reconnaîtra mieux encore plus tard. Le Spiritisme se retrouve partout dans l'antiquité et à tous les âges de l'humanité ; partout on en trouve des traces dans les écrits, dans les croyances, et sur les monuments ; c'est pour cela que, s'il ouvre des horizons nouveaux pour l'avenir, il jette une lumière non moins vive sur les mystères du passé.

Comme complément de chaque précepte, nous avons ajouté quelques instructions choisies parmi celles qui ont été dictées par les Esprits en divers pays, et par l'entremise de différents médiums. Si ces instructions fussent sorties d'une source unique, elles auraient pu subir une influence personnelle ou celle du milieu, tandis que la diversité d'origines prouve que les Esprits donnent leurs enseignements partout, et qu'il n'y a personne de privilégié sous ce rapport.

Cet ouvrage est à l'usage de tout le monde ; chacun peut y puiser les moyens de conformer sa conduite à la morale du Christ. Les Spirites y trouveront en outre les applications qui les concernent plus spécialement. Grâce aux communications établies désormais d'une manière permanente entre les hommes et le monde invisible, la loi évangélique enseignée à toutes les nations par les Esprits eux-mêmes, ne sera plus une lettre morte, parce que chacun la comprendra, et sera incessamment sollicité de la mettre en pratique, par les conseils de ses guides spirituels. Les instructions des Esprits sont véritablement les voix du ciel qui viennent éclairer les hommes, et les convier à l'imitation de l'Evangile. »



[1] Un fort vol. in‑12. chez MM. Didier et Ce, 35, quai des Grands-Augustins ; Ledoyen, au Palais-Royal, et au bureau de la Revue spirite. Prix : 3fr. 50 c.



Contrôle universel de l'enseignement des Esprits

Nous avons déjà effleuré cette question dans notre dernier numéro, à propos d'un article spécial (de la perfection des êtres créés) ; mais elle est d'une telle gravité, elle a des conséquences tellement importantes pour l'avenir du Spiritisme, que nous avons cru devoir la traiter d'une manière complète.

Si la doctrine spirite était une conception purement humaine, elle n'aurait pour garant que les lumières de celui qui l'aurait conçue ; or, personne ici-bas ne saurait avoir la prétention fondée de posséder à lui seul la vérité absolue. Si les Esprits qui l'ont révélée se fussent manifestés à un seul homme, rien n'en garantirait l'origine, car il faudrait croire sur parole celui qui dirait avoir reçu leur enseignement. En admettant de sa part une parfaite sincérité, tout au plus pourrait-il convaincre les personnes de son entourage ; il pourrait avoir des sectaires, mais il ne parviendrait jamais à rallier tout le monde.

Dieu a voulu que la nouvelle révélation arrivât aux hommes par une voie plus rapide et plus authentique, c'est pourquoi il a chargé les Esprits d'aller la porter d'un pôle à l'autre, en se manifestant partout, sans donner à personne le privilège exclusif d'entendre leur parole. Un homme peut être abusé, peut s'abuser lui-même ; il n'en saurait être ainsi quand des millions d'hommes voient et entendent la même chose ; c'est une garantie pour chacun et pour tous. D'ailleurs on peut faire disparaître un homme, on ne fait pas disparaître des masses ; on peut brûler les livres, mais on ne peut brûler les Esprits ; or, brûlât-on tous les livres, la source de la doctrine n'en serait pas moins intarissable, par cela même qu'elle n'est pas sur la terre, qu'elle surgit de partout, et que chacun peut y puiser. A défaut des hommes pour la répandre, il y aura toujours les Esprits qui atteignent tout le monde et que personne ne peut atteindre.

Ce sont donc en réalité les Esprits qui font eux-mêmes la propagande, à l'aide des innombrables médiums qu'ils suscitent de tous les côtés. S'ils n'avaient eu qu'un interprète unique, quelque favorisé qu'il fût, le Spiritisme serait à peine connu ; cet interprète lui-même, à quelque classe qu'il appartînt, eût été l'objet de préventions de la part de beaucoup de gens ; toutes les nations ne l'eussent pas accepté, tandis que les Esprits se communiquant partout, à tous les peuples, à toutes les sectes et à tous les partis, sont acceptés par tous ; le Spiritisme n'a pas de nationalité ; il est en dehors de tous les cultes particuliers ; il n'est imposé par aucune classe de la société, puisque chacun peut recevoir des instructions de ses parents et de ses amis d'outre-tombe. Il fallait qu'il en fût ainsi pour qu'il pût appeler tous les hommes à la fraternité ; s'il ne se fût pas placé sur un terrain neutre, il aurait maintenu les dissensions au lieu de les apaiser.

Cette universalité dans l'enseignement des Esprits fait la force du Spiritisme ; là aussi est la cause de sa propagation si rapide. Tandis que la voix d'un seul homme, même avec le secours de l'imprimerie, eût mis des siècles avant de parvenir à l'oreille de tous, voilà que des milliers de voix se font entendre simultanément sur tous les points de la terre pour proclamer les mêmes principes, et les transmettre aux plus ignorants comme aux plus savants, afin que personne ne soit déshérité. C'est un avantage dont n'a joui aucune des doctrines qui ont paru jusqu'à ce jour. Si donc le Spiritisme est une vérité, il ne craint ni le mauvais vouloir des hommes, ni les révolutions morales, ni les bouleversements physiques du globe, parce qu'aucune de ces choses ne peut atteindre les Esprits.

Mais ce n'est pas le seul avantage qui résulte de cette position exceptionnelle ; le Spiritisme y trouve une garantie toute-puissante contre les schismes que pourraient susciter, soit l'ambition de quelques-uns, soit les contradictions de certains Esprits. Ces contradictions sont assurément un écueil, mais qui porte en soi le remède à côté du mal.

On sait que les Esprits, par suite de la différence qui existe dans leurs capacités, sont loin d'être individuellement en possession de toute la vérité ; qu'il n'est pas donné à tous de pénétrer certains mystères ; que leur savoir est proportionné à leur épuration ; que les Esprits vulgaires n'en savent pas plus que les hommes, et moins que certains hommes ; qu'il y a parmi eux, comme parmi ces derniers, des présomptueux et des faux savants qui croient savoir ce qu'ils ne savent pas ; des systématiques qui prennent leurs idées pour la vérité ; enfin que les Esprits de l'ordre le plus élevé, ceux qui sont complètement dématérialisés, ont seuls dépouillé les idées et les préjugés terrestres ; mais on sait aussi que les Esprits trompeurs ne se font pas scrupule de s'abriter sous des noms d'emprunt, pour faire accepter leurs utopies. Il en résulte que, pour tout ce qui est en dehors de l'enseignement exclusivement moral, les révélations que chacun peut obtenir, ont un caractère individuel sans authenticité ; qu'elles doivent être considérées comme des opinions personnelles de tel ou tel Esprit, et qu'il y aurait imprudence à les accepter et à les promulguer légèrement comme des vérités absolues.

Le premier contrôle est sans contredit celui de la raison, auquel il faut soumettre, sans exception, tout ce qui vient des Esprits ; toute théorie en contradiction manifeste avec le bon sens, avec une logique rigoureuse, et avec les données positives que l'on possède, de quelque nom respectable qu'elle soit signée, doit être rejetée. Mais ce contrôle est incomplet dans beaucoup de cas, par suite de l'insuffisance des lumières de certaines personnes, et de la tendance de beaucoup à prendre leur propre jugement pour unique arbitre de la vérité. En pareil cas, que font les hommes qui n'ont pas en eux-mêmes une confiance absolue ? Ils prennent l'avis du plus grand nombre, et l'opinion de la majorité est leur guide. Ainsi doit-il en être à l'égard de l'enseignement des Esprits, qui nous en fournissent eux-mêmes les moyens.

La concordance dans l'enseignement des Esprits est donc le meilleur contrôle ; mais il faut encore qu'elle ait lieu dans certaines conditions. La moins sûre de toutes, c'est lorsqu'un médium interroge lui-même plusieurs Esprits sur un point douteux ; il est bien évident que s'il est sous l'empire d'une obsession, et s'il a affaire à un Esprit trompeur, cet Esprit peut lui dire la même chose sous des noms différents. Il n'y a pas non plus une garantie suffisante dans la conformité qu'on peut obtenir par les médiums d'un seul centre, parce qu'ils peuvent subir la même influence. La seule garantie sérieuse est dans la concordance qui existe entre les révélations faites spontanément, par d'entremise d'un grand nombre de médiums étrangers les uns aux autres, et dans diverses contrées. On conçoit qu'il ne s'agit point ici des communications relatives à des intérêts secondaires, mais de ce qui se rattache aux principes mêmes de la doctrine. L'expérience prouve que lorsqu'un principe nouveau doit recevoir sa solution, il est enseigné spontanément sur différents points à la fois, et d'une manière identique, sinon pour la forme, du moins pour le fond. Si donc il plaît à un Esprit de formuler un système excentrique, basé sur ses seules idées et en dehors de la vérité, on peut être certain que ce système restera circonscrit, et tombera devant l'unanimité des instructions données partout ailleurs, ainsi qu'on en a déjà eu plusieurs exemples. C'est cette unanimité qui a fait tomber tous les systèmes partiels éclos à l'origine du Spiritisme, alors que chacun expliquait les phénomènes à sa manière, et avant qu'on ne connût les lois qui régissent les rapports du monde visible et du monde invisible.

Telle est la base sur laquelle nous nous appuyons quand nous formulons un principe de la doctrine ; ce n'est pas parce qu'il est selon nos idées que nous le donnons comme vrai ; nous ne nous posons nullement en arbitre suprême de la vérité, et nous ne disons à personne : « Croyez telle chose, parce que nous le disons. » Notre opinion n'est à nos propres yeux qu'une opinion personnelle qui peut être juste ou fausse, parce que nous ne sommes pas plus infaillible qu'un autre. Ce n'est pas non plus parce qu'un principe nous est enseigné qu'il est pour nous la vérité, mais parce qu'il a reçu la sanction de la concordance.

Ce contrôle universel est une garantie pour l'unité future du Spiritisme, et annulera toutes les théories contradictoires. C'est là que, dans l'avenir, on cherchera le critérium de la vérité. Ce qui a fait le succès de la doctrine formulée dans le Livre des Esprits et dans le Livre des Médiums, c'est que partout chacun a pu recevoir directement des Esprits la confirmation de ce qu'ils renferment. Si, de toutes parts, les Esprits fussent venus les contredire, ces livres auraient depuis longtemps subi le sort de toutes les conceptions fantastiques. L'appui même de la presse ne les eût pas sauvés du naufrage, tandis que, privés de cet appui, ils n'en ont pas moins fait un chemin rapide, parce qu'ils ont eu celui des Esprits, dont le bon vouloir a compensé, et au delà, le mauvais vouloir des hommes. Ainsi en sera-t-il de toutes les idées émanant des Esprits ou des hommes, qui ne pourraient supporter l'épreuve de ce contrôle, dont personne ne peut contester la puissance.

Supposons donc qu'il plaise à certains Esprits de dicter, sous un titre quelconque, un livre en sens contraire ; supposons même que, dans une intention hostile, et en vue de discréditer la doctrine, la malveillance suscitât des communications apocryphes, quelle influence pourraient avoir ces écrits s'ils sont démentis de tous côtés par les Esprits ? C'est de l'adhésion de ces derniers dont il faudrait s'assurer avant de lancer un système en leur nom. Du système d'un seul à celui de tous, il y a la distance de l'unité à l'infini. Que peuvent même tous les arguments des détracteurs sur l'opinion des masses, quand des millions de voix amies, parties de l'espace, viennent de tous les points du globe, et dans le sein de chaque famille, les battre en brèche ? L'expérience, sous ce rapport, n'a-t-elle pas déjà confirmé la théorie ? Que sont devenues toutes ces publications qui devaient, soi-disant, anéantir le Spiritisme ? Quelle est celle qui en a seulement arrêté la marche ? Jusqu'à ce jour on n'avait pas envisagé la question sous ce point de vue, l'un des plus graves sans contredit ; chacun a compté sur soi, mais sans compter avec les Esprits.

Il ressort de tout ceci une vérité capitale, c'est que quiconque voudrait se mettre à la traverse du courant d'idées établi et sanctionné, pourrait bien causer une petite perturbation locale et momentanée, mais jamais dominer l'ensemble, même dans le présent, et encore moins dans l'avenir.

Il en ressort de plus que les instructions données par les Esprits sur les points de la doctrine non encore élucidés, ne sauraient faire loi, tant qu'elles resteront isolées ; qu'elles ne doivent, par conséquent, être acceptées que sous toutes réserves et à titre de renseignement.

De là la nécessité d'apporter à leur publication la plus grande prudence ; et, dans le cas où l'on croirait devoir les publier, il importe de ne les présenter que comme des opinions individuelles, plus ou moins probables, mais ayant, dans tous les cas, besoin de confirmation. C'est cette confirmation qu'il faut attendre avant de présenter un principe comme vérité absolue, si l'on ne veut être accusé de légèreté ou de crédulité irréfléchie.

Les Esprits supérieurs procèdent dans leurs révélations avec une extrême sagesse ; ils n'abordent les grandes questions de la doctrine que graduellement, à mesure que l'intelligence est apte à comprendre des vérités d'un ordre plus élevé, et que les circonstances sont propices pour l'émission d'une idée nouvelle. C'est pourquoi, dès le commencement, ils n'ont pas tout dit, et n'ont pas encore tout dit aujourd'hui, ne cédant jamais à l'impatience des gens trop pressés qui veulent cueillir les fruits avant leur maturité. Il serait donc superflu de vouloir devancer le temps assigné à chaque chose par la Providence, car alors les Esprits vraiment sérieux refusent positivement leur concours ; mais les Esprits légers, se souciant peu de la vérité, répondent à tout ; c'est pour cette raison que, sur toutes les questions prématurées, il y a toujours des réponses contradictoires.

Les principes ci-dessus ne sont point le fait d'une théorie personnelle, mais la conséquence forcée des conditions dans lesquelles les Esprits se manifestent. Il est bien évident que si un Esprit dit une chose d'un côté, tandis que des millions d'Esprits disent le contraire ailleurs, la présomption de vérité ne peut être pour celui qui est seul ou à peu près de son avis ; or, prétendre avoir seul raison contre tous, serait aussi illogique de la part d'un Esprit que de la part des hommes. Les Esprits vraiment sages, s'ils ne se sentent pas suffisamment éclairés sur une question, ne la tranchent jamais d'une manière absolue ; ils déclarent ne la traiter qu'à leur point de vue, et conseillent eux-mêmes d'en attendre la confirmation.

Quelque grande, belle et juste que soit une idée, il est impossible qu'elle rallie, dès le début, toutes les opinions. Les conflits qui en résultent sont la conséquence inévitable du mouvement qui s'opère ; ils sont même nécessaire pour mieux faire ressortir la vérité, et il est utile qu'ils aient lieu au commencement, pour que les idées fausses soient plus promptement usées. Les Spirites qui en concevraient quelques craintes doivent donc être parfaitement rassurés. Toutes les prétentions isolées tomberont, par la force des choses, devant le grand et puissant critérium du contrôle universel. Ce n'est pas à l'opinion d'un homme qu'on se ralliera, c'est à la voix unanime des Esprits ; ce n'est pas un homme, pas plus nous qu'un autre, qui fondera l'orthodoxie spirite ; ce n'est pas non plus un Esprit venant s'imposer à qui que ce soit : c'est l'universalité des Esprits se communiquant sur toute la terre par l'ordre de Dieu ; là est le caractère essentiel de la doctrine spirite ; là est sa force, là est son autorité. Dieu a voulu que sa loi fût assise sur une base inébranlable, c'est pourquoi il ne l'a pas fait reposer sur la tête fragile d'un seul.

C'est devant ce puissant aréopage, qui ne connaît ni les coteries, ni les rivalités jalouses, ni les sectes, ni les nations, que viendront se briser toutes les oppositions, toutes les ambitions, toutes les prétentions à la suprématie individuelle ; que nous nous briserions nous-même si nous voulions substituer nos propres idées à ses décrets souverains ; c'est lui seul qui tranchera toutes les questions litigieuses, qui fera taire les dissidences, et donnera tort ou raison à qui de droit. Devant cet imposant accord de toutes les voix du ciel, que peut l'opinion d'un homme ou d'un Esprit ? Moins que la goutte d'eau qui se perd dans l'océan, moins que la voix de l'enfant étouffée par la tempête.

L'opinion universelle, voilà donc le juge suprême, celui qui prononce en dernier ressort ; elle se forme de toutes les opinions individuelles ; si l'une d'elles est vraie, elle n'a que son poids relatif dans la balance ; si elle est fausse, elle ne peut l'emporter sur toutes les autres. Dans cet immense concours, les individualités s'effacent, et c'est là un nouvel échec pour l'orgueil humain.

Cet ensemble harmonieux se dessine déjà ; or, ce siècle ne passera pas qu'il ne resplendisse de tout son éclat, de manière à fixer toutes les incertitudes ; car d'ici là des voix puissantes auront reçu mission de se faire entendre pour rallier les hommes sous le même drapeau, dès que le champ sera suffisamment labouré. En attendant, celui qui flotterait entre deux systèmes opposés, peut observer dans quel sens se forme l'opinion générale : c'est l'indice certain du sens dans lequel se prononce la majorité des Esprits sur les divers points où ils se communiquent ; c'est un signe non moins certain de celui des deux systèmes qui l'emportera.



Cette instruction est surtout faite en vue des personnes qui ne possèdent aucune notion du Spiritisme, et auxquelles on veut en donner une idée succincte en peu de mots. Dans les groupes ou réunions spirites, où se trouvent des assistants novices, elle peut utilement servir de préambule aux séances, selon les besoins.

Les personnes étrangères au Spiritisme n'en comprenant ni le but ni les moyens, s'en font presque toujours une idée complètement fausse. Ce qui leur manque surtout, c'est la connaissance du principe, la clef première des phénomènes ; faute de cela, ce qu'elles voient et ce qu'elles entendent est sans profit, et même sans intérêt, pour elles. Il est un fait acquis à l'expérience, c'est que la vue seule ou le récit des phénomènes ne suffit point pour convaincre. Celui même qui est témoin de faits capables de le confondre est plus étonné que convaincu ; plus l'effet lui semble extraordinaire, plus il le suspecte. Une étude préalable sérieuse est le seul moyen d'amener la conviction ; souvent même elle suffit pour changer entièrement le cours des idées. Dans tous les cas, elle est indispensable pour l'intelligence des phénomènes les plus simples. A défaut d'une instruction complète, qui ne peut être donnée en quelques mots, un résumé succinct de la loi qui régit les manifestations suffira pour faire envisager la chose sous son véritable jour par les personnes qui n'y sont point encore initiées. C'est ce premier jalon que nous donnons dans la petite instruction ci-après. Toutefois, une observation préalable est nécessaire.

La propension des incrédules est généralement de suspecter la bonne foi des médiums, et de supposer l'emploi de moyens frauduleux. Outre qu'à l'égard de certaines personnes cette supposition est injurieuse, il faut avant tout se demander quel intérêt elles pourraient avoir à tromper et à jouer ou faire jouer la comédie. La meilleure garantie de sincérité est dans le désintéressement absolu, car là où il n'y a rien à gagner, le charlatanisme n'a pas de raison d'être.

Quant à la réalité des phénomènes, chacun peut la constater, si l'on se place dans les conditions favorables, et si l'on apporte à l'observation des faits la patience, la persévérance et l'impartialité nécessaires.

1. Le Spiritisme est à la fois une science d'observation et une doctrine philosophique. Comme science pratique, il consiste dans les relations que l'on peut établir avec les Esprits ; comme philosophie, il comprend toutes les conséquences morales qui découlent de ces relations.

2. Les Esprits ne sont point, comme on se le figure souvent, des êtres à part dans la création ; ce sont les âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d'autres mondes. Les âmes ou Esprits sont donc une seule et même chose ; d'où il suit que quiconque croit à l'existence de l'âme, croit, par cela même, à celle des Esprits.

3. On se fait généralement une idée très fausse de l'état des Esprits ; ce ne sont point, comme quelques-uns le croient, des êtres vagues et indéfinis, ni des flammes comme les feux follets, ni des fantômes comme dans les contes de revenants. Ce sont des êtres semblables à nous, ayant un corps comme le nôtre, mais fluidique et invisible dans l'état normal.

4. Lorsque l'âme est unie au corps pendant la vie, elle a une double enveloppe : l'une lourde, grossière et destructible qui est le corps ; l'autre fluidique, légère et indestructible appelée périsprit. Le périsprit est le lien qui unit l'âme et le corps ; c'est par son intermédiaire que l'âme fait agir le corps, et qu'elle perçoit les sensations éprouvées par le corps.

5. La mort n'est que la destruction de la grossière enveloppe ; l'âme abandonne cette enveloppe, comme on quitte un vêlement usé, ou comme le papillon quitte sa chrysalide ; mais elle conserve son corps fluidique ou périsprit.

L'union de l'âme, du périsprit et du corps matériel constitue l'homme ; l'âme et le périsprit séparés du corps constituent l'être appelé Esprit.

6. La mort du corps débarrasse l'Esprit de l'enveloppe qui l'attachait à la terre et le faisait souffrir ; une fois délivré de ce fardeau, il n'a plus que son corps éthéré qui lui permet de parcourir l'espace et de franchir les distances avec la rapidité de la pensée.

7. Le fluide qui compose le périsprit pénètre tous les corps et les traverse comme la lumière traverse les corps transparents ; aucune matière ne lui fait obstacle. C'est pour cela que les Esprits pénètrent partout, dans les endroits le plus hermétiquement clos ; c'est une idée ridicule de croire qu'ils s'introduisent par une petite ouverture, comme le trou d'une serrure ou le tuyau de la cheminée.

8. Les Esprits peuplent l'espace ; ils constituent le monde invisible qui nous entoure, au milieu duquel nous vivons, et avec lequel nous sommes sans cesse en contact.

9. Les Esprits ont toutes les perceptions qu'ils avaient sur la terre, mais à un plus haut degré, parce que leurs facultés ne sont pas amorties par la matière ; ils ont des sensations qui nous sont inconnues ; ils voient et entendent des choses que nos sens limités ne nous permettent ni de voir ni d'entendre. Pour eux il n'y a point d'obscurité, sauf ceux dont la punition est d'être temporairement dans les ténèbres. Toutes nos pensées se répercutent en eux, et ils y lisent comme dans un livre ouvert ; de sorte que ce que nous pouvions cacher à quelqu'un de son vivant, nous ne le pouvons plus dès qu'il est Esprit.

10. Les Esprits conservent les affections sérieuses qu'ils avaient sur la terre ; ils se plaisent à revenir vers ceux qu'ils ont aimés, surtout lorsqu'ils y sont attirés par la pensée et les sentiments affectueux qu'on leur porte, tandis qu'ils sont indifférents pour ceux qui n'ont pour eux que de l'indifférence.

11. Les Esprits peuvent se manifester de bien des manières différentes : par la vue, par l'audition, par le toucher, par des bruits, le mouvement des corps, l'écriture, le dessin, la musique, etc. Ils se manifestent par l'intermédiaire de personnes douées d'une aptitude spéciale pour chaque genre de manifestation, et que l'on distingue sous le nom de médiums. C'est ainsi qu'on distingue les médiums voyants, parlants, auditifs, sensitifs, à effets physiques, dessinateurs, typteurs, écrivains, etc. Parmi les médiums écrivains il y a des variétés nombreuses, selon la nature des communications qu'ils sont aptes à recevoir.

12. Le périsprit, quoique invisible pour nous dans l'état normal, n'en est pas moins une matière éthérée. L'Esprit peut, dans certains cas, lui faire subir une sorte de modification moléculaire qui le rende visible et même tangible ; c'est ainsi que se produisent les apparitions. Ce phénomène n'est pas plus extraordinaire que celui de la vapeur qui est invisible quand elle est très raréfiée, et qui devient visible quand elle est condensée.

Les Esprits qui se rendent visibles se présentent presque toujours sous les apparences qu'ils avaient de leur vivant, et qui peut les faire reconnaître.

13. C'est à l'aide de son périsprit que l'Esprit agissait sur son corps vivant ; c'est encore avec ce même fluide qu'il se manifeste en agissant sur la matière inerte, qu'il produit les bruits, les mouvements des tables et autres objets qu'il soulève, renverse ou transporte. Ce phénomène n'a rien de surprenant si l'on considère que, parmi nous, les plus puissants moteurs se trouvent dans les fluides les plus raréfiés et même impondérables, comme l'air, la vapeur et l'électricité.

C'est également à l'aide de son périsprit que l'Esprit fait écrire, parler ou dessiner les médiums ; n'ayant pas de corps tangible pour agir ostensiblement quand il veut se manifester, il se sert du corps du médium dont il emprunte les organes qu'il fait agir comme si c'était son propre corps, et cela par l'effluve fluidique qu'il déverse sur lui.

14. C'est par le même moyen que l'Esprit agit sur la table, soit pour la faire mouvoir sans signification déterminée, soit pour lui faire frapper des coups intelligents indiquant les lettres de l'alphabet, pour former des mots et des phrases, phénomène désigné sous le nom de typtologie. La table n'est ici qu'un instrument dont il se sert, comme il le fait du crayon pour écrire ; il lui donne une vitalité momentanée par le fluide dont il la pénètre, mais il ne s'identifie point avec elle. Les personnes qui, dans leur émotion, en voyant se manifester un être qui leur est cher, embrassent la table, font un acte ridicule, car c'est absolument comme si elles embrassaient le bâton dont un ami se sert pour frapper des coups. Il en est de même de celles qui adressent la parole à la table, comme si l'Esprit était enfermé dans le bois, ou comme si le bois était devenu Esprit.

Lorsque des communications ont lieu par ce moyen, il faut se représenter l'Esprit, non dans la table, mais à côté, tel qu'il était de son vivant, et tel qu'on le verrait si, à ce moment, il pouvait se rendre visible. La même chose a lieu dans les communications par l'écriture ; on verrait l'Esprit à côté du médium, dirigeant sa main, ou lui transmettant sa pensée par un courant fluidique.

Lorsque la table se détache du sol et flotte dans l'espace sans point d'appui, l'Esprit ne la soulève pas à force de bras, mais l'enveloppe et la pénètre d'une sorte d'atmosphère fluidique qui neutralise l'effet de la gravitation, comme le fait l'air pour les ballons et les cerfs-volants. Le fluide dont elle est pénétrée lui donne momentanément une légèreté spécifique plus grande. Lorsqu'elle est clouée au sol, elle est dans un cas analogue à celui de la cloche pneumatique sous laquelle on fait le vide. Ce ne sont ici que des comparaisons, pour montrer l'analogie des effets, et non la similitude absolue des causes.

On comprend, d'après cela, qu'il n'est pas plus difficile à l'Esprit d'enlever une personne que d'enlever une table, de transporter un objet d'un endroit à un autre, ou de le lancer quelque part ; ces phénomènes se produisent par la même loi.

Lorsque la table poursuit quelqu'un, ce n'est pas l'Esprit qui court, car il peut rester tranquillement à la même place, mais qui lui donne l'impulsion par un courant fluidique à l'aide duquel il la fait mouvoir à son gré.

Lorsque des coups se font entendre dans la table ou ailleurs, l'Esprit ne frappe ni avec sa main, ni avec un objet quelconque ; il dirige sur le point d'où part le bruit un jet de fluide qui produit l'effet d'un choc électrique. Il modifie le bruit, comme on peut modifier les sons produits par l'air.

15. On peut voir, par ce peu de mots, que les manifestations spirites, de quelque nature qu'elles soient, n'ont rien de surnaturel ni de merveilleux. Ce sont des phénomènes qui se produisent en vertu de la loi qui régit les rapports du monde visible et du monde invisible, loi tout aussi naturelle que celles de l'électricité, de la gravitation, etc. Le Spiritisme est la science qui nous fait connaître cette loi, comme la mécanique nous fait connaître la loi du mouvement, l'optique celle de la lumière. Les manifestations spirites étant dans la nature, se sont produites à toutes les époques ; la loi qui les régit étant connue, nous explique une foule de problèmes regardés comme insolubles ; c'est la clef d'une multitude de phénomènes exploités et amplifiés par la superstition.

16. Le merveilleux étant complètement écarté, ces phénomènes n'ont plus rien qui répugne à la raison, car ils viennent prendre place à côté des autres phénomènes naturels. Dans les temps d'ignorance, tous les effets dont on ne connaissait pas la cause étaient réputés surnaturels ; les découvertes de la science ont successivement restreint le cercle du merveilleux ; la connaissance de cette nouvelle loi vient le réduire à néant. Ceux donc qui accusent le Spiritisme de ressusciter le merveilleux, prouvent, par cela même, qu'ils parlent d'une chose qu'ils ne connaissent pas.

17. Une idée à peu près générale chez les personnes qui ne connaissent pas le Spiritisme, est de croire que les Esprits, par cela seul qu'ils sont dégagés de la matière, doivent tout savoir et posséder la souveraine sagesse. C'est là une erreur grave. En quittant leur enveloppe corporelle ils ne se dépouillent pas immédiatement de leurs imperfections ; ce n'est qu'à la longue qu'ils s'épurent et s'améliorent.

Les Esprits étant les âmes des hommes, comme il y a des hommes de tous les degrés de savoir et d'ignorance, de bonté et de méchanceté, on trouve la même chose chez les Esprits. Il y en a qui ne sont que légers et espiègles, d'autres sont menteurs, fourbes, hypocrites, méchants, vindicatifs ; d'autres, au contraire, possèdent les vertus les plus sublimes et le savoir à un degré inconnu sur la terre. Cette diversité dans la qualité des Esprits est un des points les plus importants à considérer, car elle explique la nature bonne ou mauvaise des communications que l'on reçoit ; c'est à les distinguer qu'il faut surtout s'attacher.

Il en résulte qu'il ne suffit pas de s'adresser à un Esprit quelconque pour avoir une réponse juste à toute question ; car l'Esprit répondra selon ce qu'il sait, et souvent ne donnera que son opinion personnelle, qui peut être juste ou fausse. S'il est sage, il avouera son ignorance sur ce qu'il ne sait pas ; s'il est léger ou menteur, il répondra sur tout sans se soucier de la vérité ; s'il est orgueilleux, il donnera son idée comme une vérité absolue. C'est pour cela que saint Jean l'évangéliste dit : « Ne croyez point à tout Esprit, mais éprouvez si les Esprits sont de Dieu. » L'expérience prouve la sagesse de ce conseil. Il y aurait donc imprudence et légèreté à accepter sans contrôle tout ce qui vient des Esprits.

Les Esprits ne peuvent répondre que sur ce qu'ils savent, et, de plus, sur ce qu'il leur est permis de dire, car il est des choses qu'ils ne doivent pas révéler, parce qu'il n'est pas encore donné aux hommes de tout connaître.

18. On reconnaît la qualité des Esprits à leur langage ; celui des Esprits vraiment bons et supérieurs est toujours digne, noble, logique, exempt de toute trivialité, puérilité ou contradiction ; il respire la sagesse, la bienveillance et la modestie ; il est concis et sans paroles inutiles. Celui des Esprits inférieurs, ignorants ou orgueilleux manque de ces qualités ; le vide des idées y est presque toujours compensé par l'abondance des paroles.

19. Un autre point également essentiel à considérer, c'est que les Esprits sont libres ; ils se communiquent quand ils veulent, à qui il leur convient, et aussi quand ils le peuvent, car ils ont leurs occupations. Ils ne sont aux ordres et au caprice de qui que ce soit, et il n'est donné à personne de les faire venir contre leur gré, ni de leur faire dire ce qu'ils veulent taire ; de sorte que nul ne peut affirmer qu'un Esprit quelconque viendra à son appel à un moment déterminé, ou répondra à telle ou telle question. Dire le contraire, c'est prouver l'ignorance absolue des principes les plus élémentaires du Spiritisme ; le charlatanisme seul a des sources infaillibles.

20. Les Esprits sont attirés par la sympathie, la similitude des goûts et des caractères, l'intention qui fait désirer leur présence. Les Esprits supérieurs ne vont pas plus dans les réunions futiles qu'un savant de la terre n'irait dans une assemblée de jeunes étourdis. Le simple bon sens dit qu'il n'en peut être autrement ; ou, s'ils y vont parfois, c'est pour donner un conseil salutaire, combattre les vices, tâcher de ramener dans la bonne voie ; s'ils ne sont pas écoutés, ils se retirent. Ce serait avoir une idée complètement fausse, de croire que des Esprits sérieux puissent se complaire à répondre à des futilités, à des questions oiseuses qui ne prouvent ni attachement, ni respect pour eux, ni désir réel de s'instruire, et encore moins qu'ils puissent venir se mettre en spectacle pour l'amusement des curieux. Ils ne l'eussent pas fait de leur vivant, ils ne peuvent le faire après leur mort.

21. De ce qui précède, il résulte que toute réunion spirite, pour être profitable, doit, comme première condition, être sérieuse et recueillie ; que tout doit s'y passer respectueusement, religieusement, et avec dignité, si l'on veut obtenir le concours habituel des bons Esprits. Il ne faut pas oublier que si ces mêmes Esprits s'y fussent présentés de leur vivant, on aurait eu pour eux des égards auxquels ils ont encore plus de droit après leur mort.

En vain allègue-t-on l'utilité de certaines expériences curieuses, frivoles et amusantes pour convaincre les incrédules : c'est à un résultat tout opposé qu'on arrive. L'incrédule, déjà porté à se railler des croyances les plus sacrées, ne peut voir une chose sérieuse dans ce dont on fait une plaisanterie ; il ne peut être porté à respecter ce qui ne lui est pas présenté d'une manière respectable ; aussi, des réunions futiles et légères, de celles où il n'y a ni ordre, ni gravité, ni recueillement, il emporte toujours une mauvaise impression. Ce qui peut surtout le convaincre, c'est la preuve de la présence d'êtres dont la mémoire lui est chère ; c'est devant leurs paroles graves et solennelles, c'est devant les révélations intimes qu'on le voit s'émouvoir et pâlir. Mais, par cela, même qu'il a plus de respect, de vénération, d'attachement pour la personne dont l'âme se présente à lui, il est choqué, scandalisé de la voir venir dans une assemblée irrespectueuse, au milieu des tables qui dansent et des lazzis des Esprits légers ; tout incrédule qu'il est, sa conscience repousse cette alliance du sérieux et du frivole, du religieux et du profane, c'est pourquoi il taxe tout cela de jonglerie, et sort souvent moins convaincu qu'il n'était entré.

Les réunions de cette nature font toujours plus de mal que de bien, car elles éloignent de la doctrine plus de personnes qu'elles n'y en amènent, sans compter qu'elles prêtent le flanc à la critique des détracteurs qui y trouvent des motifs fondés de raillerie.

22. C'est à tort qu'on se fait un jeu des manifestations physiques ; si elles n'ont pas l'importance de l'enseignement philosophique, elle ont leur utilité, au point de vue des phénomènes, car elles sont l'alphabet de la science dont elles ont donné la clef. Quoique moins nécessaires aujourd'hui, elles aident encore à la conviction de certaines personnes. Mais elles n'excluent nullement l'ordre et la bonne tenue dans les réunions où on les expérimente ; si elles étaient toujours pratiquées d'une manière convenable, elles convaincraient plus facilement et produiraient, sous tous les rapports, de bien meilleurs résultats.

23. Ces explications sont sans doute très incomplètes et peuvent nécessairement provoquer de nombreuses questions, mais il ne faut pas perdre de vue que ce n'est point un cours de Spiritisme. Telles qu'elles sont, elles suffisent pour montrer la base sur laquelle il repose, le caractère des manifestations et le degré de confiance qu'elles peuvent inspirer selon les circonstances.

Quant à l'utilité des manifestations, elle est immense, par leurs conséquences ; mais n'eussent-elles pour résultat que de faire connaître une nouvelle loi de nature, de démontrer matériellement l'existence de l'âme et son immortalité, ce serait déjà beaucoup, car ce serait une large voie ouverte à la philosophie.

Société d'Anvers et de Marseille

Anvers, 27 février 1864.

Cher maître, nous avons l'honneur de vous informer que nous venons de constituer à Anvers une nouvelle société sous la dénomination de : Cercle Spirite, amour et charité.

Comme vous le verrez par l'art. 2 du règlement, nous nous mettons sous le patronage de la société centrale de Paris, ainsi que sous le vôtre. Nous déclarons en conséquence nous rallier à la doctrine émise dans le Livre des Esprits et dans le Livre des médiums.

Nous avons la ferme volonté de nous maintenir dans la voie des vrais Spirites ; c'est vous dire que la charité est le but principal de nos réunions. Afin que vous soyez bien convaincu de la sincérité de nos sentiments, veuillez consulter le président spirituel de votre société ; quelque faibles qu'aient été nos efforts jusqu'ici, ils ont été sincères, et à ce point de vue, nous avons la conviction que nous ne sommes plus des étrangers pour lui.

Ci-joint, nous avons la faveur de vous adresser une des communications obtenues dans notre cercle, au moyen d'un médium parlant, afin que vous puissiez juger de nos tendances… etc.

Remarque. ‑ Cette lettre est en effet suivie d'une communication très étendue qui témoigne de la bonne voie dans laquelle est cette société.

Nous en avons reçu une dans le même sens de la part de la société spirite de Bruxelles.

Marseille, 21 mars 1864.

Monsieur le Président, nous avons le bonheur de vous annoncer la formation de notre nouvelle société qui prend le titre de : Société marseillaise des études spirites, et dont l'autorisation vient d'être accordée par M. le sénateur chargé de l'administration du département des Bouches-du-Rhône.

Aidés par vos bons conseils, cher maître, nous ferons tous nos efforts pour marcher sur les traces de nos frères de Paris, dont nous avons adopté le règlement pour l'ordre de nos séances. En nous plaçant sous le patronage de l'honorable société de Paris, nous inscrirons, comme elle, sur notre bannière : Hors la charité point de salut.

M. le docteur C…, notre président, aura aussi l'honneur de vous écrire aussitôt après l'inauguration.

Nous vous prions, monsieur, dans l'intérêt de la cause, de vouloir bien donner à notre société la publicité que vous jugerez utile, afin de rallier les adeptes sincères.

Recevez, etc.

Nous avons déjà dit que parmi les sociétés spirites qui se forment tant en France qu'à l'étranger, la plupart déclarent se placer sous le patronage de la Société de Paris. Toutes les lettres qui nous sont adressées à cet effet sont conçues dans le même esprit que celles ci-dessus. Ces adhésions données spontanément témoignent des principes qui prévalent parmi les Spirites, et la Société de Paris ne peut être que très sensible à ces marques de sympathie qui prouvent la sérieuse intention de marcher sous le même drapeau. Ce n'est pas à dire que toutes celles qui n'ont pas fait de déclaration officielle en suivent un autre, loin de là ; la correspondance qu'elles entretiennent avec nous est une garantie suffisante de leurs sentiments et de la bonne direction de leurs études. Un très grand nombre de réunions n'ont point, d'ailleurs, le caractère de sociétés proprement dites, et ne sont en grande partie que de simples groupes. En dehors des sociétés et des groupes réguliers, les réunions de famille, où l'on ne reçoit que les connaissances intimes, sont innombrables, et se multiplient chaque jour, surtout dans les classes élevées.



Instructions des Esprits

(Communication spontanée. ‑ Société spirite de Paris, 19 février 1864. Médium, M. Leymarie.)

C'est au quinzième siècle que fut inventée l'imprimerie. Comme tant d'autres connus ou inconnus, il a fallu prendre la coupe et en boire le fiel. Je ne viens pas à vous, Spirites, pour vous raconter mes déboires ou mes souffrances ; car en ces temps d'ignorance et de tristesse, où vos pères avaient sur la poitrine ce cauchemar appelé féodalité et une théocratie aveugle et jalouse de son pouvoir, tout homme de progrès avait la tête de trop. Je veux seulement vous dire quelques mots au sujet de mon invention, de ses résultats, et de son affinité spirituelle avec vous, avec les éléments qui font votre force expansive.

La révolution mère, celle qui portait dans ses flancs le mode d'expression de l'humanité, la pensée humaine se dépouillant du passé, de sa peau symbolique, c'est l'invention de l'imprimerie. Sous cette forme, la pensée se mêle à l'air, elle se spiritualise, elle sera indestructible ; maîtresse des siècles à venir, elle prend son vol intelligent pour relier tous les points de l'espace, et de ce jour, elle maîtrise la vieille manière de parler. Aux peuples primitifs, il fallait des monuments représentant un peuple, des montagnes de pierre disant à ceux qui savent voir : Voici ma religion, ma loi, mes espérances, ma poésie.

En effet, l'imprimerie remplace l'hiéroglyphe ; son langage est accessible à tous, son attirail est léger ; c'est qu'un livre ne demande qu'un peu de papier, un peu d'encre, quelques mains, tandis qu'une cathédrale exige plusieurs vies d'un peuple, et de l'or par tonnes.

Ici, permettez-moi une digression. L'alphabet des premiers peuples fut composé de quartiers de roche que le fer n'avait pas touchés. Les pierres levées des Celtes se retrouvent aussi bien en Sibérie qu'en Amérique. C'étaient les souvenirs humains devenus confus, écrits en monuments durables. Le Galgal hébreu, les crombels, les dolmens, les tumulus, exprimèrent plus tard des mots.

Puis vinrent la tradition et le symbole ; ces premiers monuments ne suffisant plus, on créa l'édifice, et l'architecture devint monstrueuse ; elle se fixa comme une géante, répétant aux générations nouvelles les symboles du passé ; telles furent les pagodes, les pyramides, le temple de Salomon.

C'est l'édifice qui enfermait le Verbe, cette idée mère des nations ; sa forme, son emplacement représentaient toute une pensée, et c'est pour cela que tous les symboles ont leurs grandes et magnifiques pages de pierres.

La maçonnerie, c'est l'idée écrite, intelligente, appartenant à ces hommes devenus unis par un symbole, prenant Iram pour patron et composant cette franc-maçonnerie tant conspuée qui a porté en elle le germe de toute liberté. Elle sut semer ses monuments et les symboles du passé sur le monde entier, remplaçant la théocratie des premières civilisations par la démocratie, cette loi de la liberté.

Après les monuments théocratiques de l'Inde et de l'Égypte, viennent leurs sœurs, les architectures grecque et romaine, puis le style roman si sombre, représentant l'absolu, l'unité, le prêtre ; les croisades nous apportent l'ogive, et le seigneur veut partager, en attendant le peuple qui saura bien faire sa place ; la féodalité voit naître la commune, et la face de l'Europe change, car l'ogive détrône le roman ; le maçon devient artiste et poétise la matière ; il se donne le privilège de la liberté dans l'architecture, car la pensée n'avait alors que ce mode d'expression. Que de séditions écrites aussi au front de nos monuments ! Et c'est pour cela que les poètes, les penseurs, les déshérités, tout ce qui était intelligent, a couvert l'Europe de cathédrales.

Vous le voyez, jusqu'au pauvre Guttemberg, l'architecture est l'écriture universelle ; à son tour, l'imprimerie renverse le gothique ; la théocratie, c'est l'horreur du progrès, la conservation momifiée des types primitifs ; l'ogive, c'est la transition de la nuit au crépuscule où chacun peut lire la pierre facile à comprendre ; mais l'imprimerie, c'est le jour complet, renversant le manuscrit, demandant la place la plus large que désormais nul ne pourra restreindre.

Comme le soleil, l'imprimerie fécondera le monde de ses rayons bienfaisants ; l'architecture ne représentera plus la société ; elle sera classique et renaissance, et ce monde d'artistes, divorçant avec le passé, fait de rudes brèches aux théogonies humaines pour suivre la route tracée par Dieu ; il laisse de simples manœuvres aux monuments de la renaissance pour se faire statuaire, peintre, musicien ; la force d'harmonie se dépense en livres, et déjà, au seizième siècle, elle est si robuste, si forte cette imprimerie de Nuremberg, qu'elle est l'avènement d'un siècle littéraire ; elle est tout à la fois Luther, Jean Goujon, Rousseau, Voltaire ; elle livre à la vieille Europe ce combat lent mais sûr qui sait reconstruire après avoir détruit.

Et maintenant que la pensée est émancipée, quelle est la puissance qui pourrait écrire le livre architectural de notre époque ? Tous les milliards de notre planète ne sauraient y suffire, et nul ne saura relever ce qui est au passé et lui appartient exclusivement.

Sans dédaigner le grand livre de l'architecture qui est le passé et son enseignement, remercions Dieu qui sait, aux époques voulues, mettre en notre puissance une arme si forte qu'elle devient le pain de l'Esprit, l'émancipation du corps, le libre arbitre de l'homme, l'idée commune à tous, la science un a, b, c qui féconde la terre en nous rendant meilleurs. Mais si l'imprimerie vous a émancipés, l'électricité vous fera vraiment libres, c'est elle qui détrônera la presse de Guttemberg pour mettre en vos mains une puissance bien autrement redoutable, et cela sera bientôt.

La science spirite, cette sauvegarde de l'humanité, vous aidera à comprendre la nouvelle puissance dont je vous parle. Guttemberg, à qui Dieu donna une mission providentielle, fera sans doute partie de la seconde, c'est-à-dire de celle qui vous guidera dans l'étude des fluides.

Bientôt vous serez prêts, chers amis ; mais aussi, il ne s'agit plus seulement d'être Spirites fervents, il faut aussi étudier, afin que tout ce qui vous a été enseigné sur l'électricité et tous les fluides en général soit pour vous une grammaire sue par cœur. Rien n'est étranger à la science des Esprits ; plus votre bagage intellectuel sera solide, moins vous serez étonnés des nouvelles découvertes ; devant être les initiateurs à de nouvelles formes de pensée, vous devez être forts et sûrs de vos facultés spirituelles.

J'avais donc raison de vous parler de ma mission, sœur de la vôtre. Vous êtes les élus parmi les hommes. Les bons Esprits vous donnent un livre qui fait le tour de la terre, et sans l'imprimerie vous ne seriez rien. Par vous, l'obsession qui voile la vérité aux hommes disparaîtra ; mais, je le répète, préparez-vous et étudiez pour ne pas être indignes du nouveau bienfait, et pour savoir au contraire plus intelligemment que d'autres le répandre et le faire accepter.

Guttemberg.



Remarque. ‑ L'imprimerie, par la diffusion des idées qu'elle a rendues impérissables et qu'elle répand aux quatre coins du monde, a produit une révolution intellectuelle que nul ne peut méconnaître. C'est parce que ce résultat était entrevu qu'elle fut, à son début, qualifiée, par quelques-uns, d'invention diabolique ; c'est un rapport de plus qu'elle a avec le Spiritisme, et dont Guttemberg a omis de parler. Il semblerait vraiment, à entendre certaines gens, que le diable a le monopole de toutes les grandes idées ; toutes celles qui tendent à faire faire un pas à l'humanité lui sont attribuées. Jésus lui-même, on le sait, fut accusé d'agir par l'entremise du démon qui, en vérité, doit être fier de toutes les bonnes et belles choses qu'on retire à Dieu pour les lui attribuer. N'est-ce pas lui qui a inspiré Galilée et toutes les découvertes scientifiques qui ont fait avancer l'humanité ? D'après cela, il faudrait qu'il fût bien modeste pour ne pas se croire le maître de l'univers.

Mais ce qui peut paraître étrange, c'est sa maladresse, puisqu'il n'est pas un seul progrès de la science qui n'ait pour effet de ruiner son empire. C'est un point auquel on n'a pas assez songé.

Si telle a été la puissance de ce moyen de propagation tout matériel, combien ne sera pas plus grande celle de l'enseignement des Esprits se communiquant partout, pénétrant là où l'accès des livres est interdit, se faisant entendre à ceux-mêmes qui ne veulent pas les écouter ! Quelle puissance humaine pourrait résister à une telle puissance ?

Cette remarquable dissertation a provoqué, dans le sein de la Société, les réflexions suivantes de la part d'un autre Esprit.

(Société spirite de Paris. ‑ Méd., M. A. Didier)

L'Esprit de Guttemberg a fort poétiquement défini les effets positifs et si universellement progressifs de l'imprimerie et de l'avenir de l'électricité ; néanmoins je me permets, en ma qualité d'ancien tailleur de castels, de machicoulis, de terrassements et de cathédrales, d'exposer certaines théories sur le caractère et le but de l'architecture du moyen âge.

Tout le monde sait, et d'illustres professeurs archéologues l'ont enseigné de nos jours, que la religion, la foi naïve ont élevé avec le génie de l'homme ces superbes monuments gothiques répandus sur la surface de l'Europe ; et ici, plus que jamais, l'idée exprimée par l'Esprit de Guttemberg est pleine d'élévation.

Nous croyons cependant devoir émettre, non pas contre, mais à côté, notre opinion.

L'idée, cette lumière de l'âme, étincelle réelle qui communique la volonté et le mouvement à l'organisme humain, se manifeste de différentes manières, soit par l'art, la philosophie, etc. L'architecture, cet art élevé qui exprime peut-être le mieux le naturel et le génie d'un peuple, fut consacrée, dans les nations impressionnables et croyantes, au culte de Dieu et aux cérémonies religieuses. Le moyen âge, fort de la féodalité et de sa croyance, eut la gloire de fonder deux arts essentiellement différents dans leur but et leur consécration, mais qui expriment parfaitement l'état de sa civilisation : le château fort, habité pair le seigneur ou le roi ; l'abbaye, le monastère et l'Église ; en un mot, l'art architectural militaire, et l'art architectural religieux. Les Romains, essentiellement administrateurs, guerriers, civilisateurs, colonisateurs universels, forcés qu'ils étaient par l'extension de leurs conquêtes, n'eurent jamais un art architectural inspiré par leur foi religieuse ; l'avidité seule, l'amour du gain et du pouvoir exécutif, leur firent construire ces formidables entassements de pierres, symbole de leur audace et de leur assise intellectuelle. La poésie du Nord, contemplative et nuageuse, unie à la somptuosité de l'art oriental, créa le genre gothique, d'abord austère et peu à peu fleuri. En effet, nous voyons en architecture la réalisation des tendances religieuses et du despotisme féodal.

Ces ruines fameuses de bien des révolutions humaines, plus que du temps, imposent encore par leur aspect grandiose et formidable. Il semble que le siècle qui les vit s'élever était dur, sombre et inexorable comme elles ; mais il ne faut pas conclure de là que la découverte de l'imprimerie, à force d'étendre la pensée, ait simplifié l'art de l'architecture.

Non, l'art qui est une part de l'idée, sera toujours une manifestation ou religieuse, ou politique, ou militaire, ou démocratique, ou princière. L'art a son rôle, l'imprimerie a le sien ; sans être exclusivement spécialiste, il ne faut pas confondre le but de chaque chose ; il faut dire seulement qu'il ne faut pas mêler les différentes facultés et les différentes manifestations de l'idée humaine.

Robert de Luzarches.

(Société Spirite de Paris, 25 février 1864.)

Nota. ‑ Dans cette séance, des remerciements furent adressés à l'Esprit de Guttemberg, avec prière de vouloir bien prendre part à nos entretiens, quand il le jugerait à propos.

Dans la même séance, la présence de plusieurs dignitaires étrangers de l'Ordre maçonnique motiva la question suivante :

Quel concours le Spiritisme peut-il trouver dans la Franc-Maçonnerie ?

Plusieurs dissertations furent obtenues sur ce sujet.



I

Monsieur le Président, je vous remercie de votre aimable invitation ; c'est la première fois qu'une de mes communications a été lue à la Société spirite de Paris, et ce ne sera pas, je l'espère, la dernière.

Vous avez peut-être trouvé dans mes réflexions un peu longues sur l'imprimerie quelques pensées que vous n'approuvez pas complètement ; mais, en réfléchissant à la difficulté que nous éprouvons à nous mettre en relation avec les médiums et à employer leurs facultés, vous voudrez bien passer légèrement sur certaines expressions ou certains tours de langage que nous ne sommes pas toujours à même de maîtriser. Plus tard, l'électricité fera sa révolution médianimique, et comme tout sera changé dans la manière de reproduire la pensée de l'Esprit, vous ne trouverez plus de ces lacunes quelquefois regrettables, surtout quand les communications sont lues devant des étrangers.

Vous avez parlé de la franc-maçonnerie, et vous avez raison d'espérer trouver en elle de bons éléments. Que demande-t-on à tout maçon initié ? De croire à l'immortalité de l'âme, au divin Architecte, d'être bienfaisants, dévoués, sociables, dignes et humbles. On y pratique l'égalité sur la plus large échelle ; il y a donc dans ces sociétés une affinité avec le Spiritisme tellement évidente qu'elle frappe les yeux.

La question du Spiritisme a été portée à l'ordre du jour dans plusieurs loges, et voici quel en a été le résultat : on a lu de volumineux rapports bien embrouillés sur ce sujet, mais on ne l'a pas étudié à fond, ce qui fait que là, comme en beaucoup d'autres endroits, on a discuté sur une chose que l'on ne connaissait pas, la jugeant sur ouï-dire bien plus que sur la réalité. Cependant beaucoup de maçons sont Spirites, et travaillent grandement à propager cette croyance ; toutes les oreilles écoutent, et si l'habitude dit : Non ; la raison dit : Oui.

Espérez donc ; car le temps est un racoleur sans égal ; par lui les impressions se modifient, et nécessairement, dans le vaste champ des études ouvertes dans les loges, l'étude spirite entrera comme complément ; car cela est déjà dans l'air ; on a ri, on a parlé : on ne rit plus, on médite.

Alors donc vous aurez une pépinière spirite dans ces sociétés essentiellement libérales ; par elles, vous entrerez pleinement dans cette seconde période qui doit préparer les voies promises. Les hommes intelligents de la maçonnerie vous béniront à leur tour ; car la morale des Esprits donnera un corps à cette secte tant compromise, tant redoutée, mais qui a fait plus de bien qu'on ne croit.

Tout a un laborieux enfantement, une affinité mystérieuse ; et si cela existe pour ce qui trouble les couches sociales, cela est bien plus vrai pour ce qui conduit à l'avancement moral des peuples.

Guttemberg (Médium, M. Leymarie.)



II

Mon cher frère en doctrine (l'Esprit s'adresse à l'un des francs-maçons spirites présents à la séance), je viens avec bonheur répondre au bienveillant appel que tu fais aux Esprits qui ont aimé et fondé les institutions franc-maçonniques. Pour cimenter cette association généreuse, deux fois j'ai versé mon sang ; deux fois les places publiques de cette cité ont été teintes du sang du pauvre Jacques Molé. Chers frères, faudra-t-il le donner une troisième ? Je dirai avec bonheur : Non. Il vous l'a été dit : Plus de sang, plus de despotisme, plus de bourreaux ! Une société de frères, d'amis, d'hommes pleins de bonne volonté qui ne désirent qu'une chose : connaître la vérité pour faire le bien ! Je ne m'étais point encore communiqué dans cette assemblée ; tant que vous avez parlé science spirite, philosophie spirite, j'ai cédé la place aux Esprits qui sont plus aptes à vous donner des conseils sur ces divers points, et j'attendais patiemment, sachant que mon tour viendrait ; il y a temps pour tout, de même il y a moment pour tous ; aussi, je crois que l'heure a sonné et que le moment est opportun. Je puis donc venir vous dire quelle est mon opinion touchant le Spiritisme et la franc-maçonnerie.

Les institutions maçonniques ont été pour la société un acheminement au bonheur. A une époque où toute idée libérale était considérée comme un crime, il fallait aux hommes une force qui, tout en étant soumise aux lois, n'était pas moins émancipée : émancipée par ses croyances, par ses institutions et par l'unité de son enseignement. La religion, à cette époque, était encore, non une mère consolatrice, mais une puissance despotique qui, par la voix de ses ministres, ordonnait, frappait, faisait tout courber sous sa volonté ; elle était un sujet d'effroi pour quiconque voulait, en libre penseur, agir et donner aux hommes souffrants quelque encouragement, et dans le malheur, quelques consolations morales. Unis par le cœur, par la fortune et par la charité, nos temples furent les seuls autels où l'on n'avait pas méconnu le vrai Dieu, où l'homme pouvait encore se dire homme, où l'enfant pouvait espérer trouver plus tard un protecteur, et l'abandonné des amis.

Plusieurs siècles se sont passés et tous ont ajouté quelques fleurs de plus à la couronne maçonnique. Ce furent des martyrs, des hommes lettrés, des législateurs, qui ajoutèrent à sa gloire en s'en faisant les défenseurs et les conservateurs. Au dix-neuvième siècle, le Spiritisme vient, avec son clair flambeau, donner la main aux commandeurs, aux rose-croix, et d'une voix tonnante leur crie : Allons, mes frères, le suis vraiment la voix qui se fait entendre à l'Orient et à laquelle l'Occident répond, disant : Gloire, honneur, victoire aux enfants des hommes ! Quelques jours encore, et le Spiritisme aura franchi le mur qui sépare la plupart de l'enceinte du temple des secrets ; et, de ce jour, la société verra fleurir en son sein la plus belle fleur spirite qui, en laissant tomber ses pétales, donnera une semence régénératrice de vraie liberté. Le Spiritisme a fait des progrès, mais du jour où il aura donné la main à la franc-maçonnerie, toutes difficultés seront vaincues, tout obstacle sera levé, la vérité se sera fait jour, et le plus grand progrès moral sera accompli ; il aura franchi les premières marches du trône où il doit régner bientôt.

A vous, salut fraternel et amitié,

Jacques de Molé (Médium, Mlle Béguet).



III

J'ai pris un charme très grand à me mêler aux discussions de ce centre si profondément spiritualiste, et je reviens attiré par Guttemberg, comme je l'avais été l'autre jour par Jacquart.

La meilleure partie de la dissertation du grand typographe a traité la question à un point de vue de métier, et il n'a vu principalement dans cette belle invention que le côté pratique, matériel, utilitaire. Elargissons le débat, et prenons la question de plus haut.

Ce serait une erreur de croire que l'imprimerie est venue se substituer à l'architecture, car celle-ci restera pour continuer son rôle d'historiographe, au moyen de monuments caractéristiques, frappés au coin de l'esprit de chaque siècle, de chaque génération, de chaque révolution humanitaire. Non ; disons-le hautement, l'imprimerie n'est rien venue renverser ; elle est venue pour compléter, et pour son œuvre spéciale, grande et émancipatrice ; elle est arrivée à son heure, comme toutes les découvertes qui éclosent providentiellement ici-bas. Contemporain du moine qui a inventé la poudre, et qui, par là, a bouleversé le vieil art des batailles, Guttemberg a apporté un nouveau levier à l'expansion des idées. Ne l'oublions pas : l'imprimerie ne pouvait avoir sa légitime raison d'être que par l'émancipation des masses et le développement intellectuel des individus. Sans ce besoin à satisfaire, sans cette nourriture, cette manne spirituelle à distribuer, l'imprimerie se fût longtemps encore débattue dans le vide, et n'eût été considérée que comme le rêve d'un fou, ou comme une utopie sans portée. N'est-ce point ainsi que furent traités les premiers inventeurs, disons mieux, ceux qui, les premiers, découvrirent et constatèrent les propriétés de la vapeur ? Faites naître Guttemberg dans les îles Andaman, et l'imprimerie avorte fatalement.

Donc l'idée : voilà le levier primordial qu'il faut considérer. Sans l'idée, sans le travail fécond des penseurs, des philosophes, des idéologues, et même des moines songeurs du moyen âge, l'imprimerie fût restée lettre morte. Guttemberg peut donc brûler plus d'un cierge en l'honneur des dialecticiens de l'école qui ont fait germer l'idée, et dégrossi les intelligences. L'idée fiévreuse, qui revêt une forme plastique dans le cerveau humain, est et restera toujours le plus grand moteur des découvertes et des inventions. Créer un besoin nouveau au milieu des sociétés modernes, c'est ouvrir un nouveau chemin à l'idée perpétuellement novatrice ; c'est pousser l'homme intelligent à la recherche de ce qui satisfera ce nouveau besoin de l'humanité ; c'est pourquoi, partout où l'idée sera souveraine, partout où elle sera accueillie avec respect, partout enfin où les penseurs seront honorés, on est sûr de progresser vers Dieu.

La franc-maçonnerie, contre laquelle on a tant crié, contre laquelle l'Eglise romaine n'a pas eu assez d'anathèmes, et qui n'en a pas moins survécu, la franc-maçonnerie a ouvert ses temples à deux battants au culte émancipateur de l'idée. Dans son sein, toutes les questions les plus graves ont été traitées, et, avant que le Spiritisme n'eût fait son apparition, les vénérables et les grands-maîtres savaient et professaient que l'âme est immortelle, et que les mondes visibles et invisibles communiquent entre eux. C'est là, dans ces sanctuaires où les profanes n'étaient pas admis, que les Swedemborg, les Pasqualis, les Saint-Martin, obtinrent de foudroyants résultats ; c'est là où la grande Sophia, cette inspiratrice éthérée, vint enseigner à ces premiers-nés de l'humanité, les dogmes émancipateurs où 89 a puisé ses principes féconds et généreux ; c'est là où, bien avant vos médiums contemporains, des précurseurs de votre médianimité, de grands inconnus, avaient évoqué et fait apparaître les sages de l'antiquité et des premiers siècles de l'ère ; c'est là… Mais je m'arrête ; le cadre restreint de vos séances, le temps qui s'écoule, ne me permettent pas de m'étendre, comme je le voudrais, sur cet intéressant sujet. Nous y reviendrons plus tard. Tout ce que je dirai, c'est que le Spiritisme trouvera dans le sein des loges maçonniques une phalange nombreuse et compacte de croyants, non de croyants éphémères, mais sérieux, résolus et inébranlables dans leur foi.

Le Spiritisme réalise toutes les aspirations généreuses et charitables de la franc-maçonnerie ; il sanctionne les croyances qu'elle professe, en donnant des preuves irrécusables de l'immortalité de l'âme ; il conduit l'humanité au but qu'elle se propose : l'union, la paix, la fraternité universelle, par la foi en Dieu et en l'avenir. Est-ce que les Spirites sincères de toutes les nations, de tous les cultes et de tous les rangs, ne se regardent pas comme frères ? N'y a-t-il pas entre eux une véritable franc-maçonnerie, avec cette différence qu'au lieu d'être secrète, elle se pratique au grand jour ? Des hommes éclairés comme ceux qu'elle possède, que leurs lumières mettent au-dessus des préjugés de coterie et de castes, ne peuvent voir avec indifférence le mouvement que cette nouvelle doctrine, essentiellement émancipatrice, produit dans le monde. Repousser un élément aussi puissant de progrès moral, serait abjurer leurs principes, et se mettre au niveau des hommes rétrogrades. Non, j'en ai l'assurance, ils ne se laisseront pas déborder, car j'en vois qui, sous notre influence, vont prendre en main cette grave question.

Le Spiritisme est un courant d'idées irrésistible, qui doit gagner tout le monde : ce n'est qu'une question de temps ; or, ce serait méconnaître le caractère de l'institution maçonnique, de croire qu'elle consentira à s'annihiler, et à jouer un rôle négatif au milieu du mouvement qui pousse l'humanité en avant ; de croire surtout qu'elle jettera l'éteignoir sur le flambeau, comme si elle avait peur de la lumière.

Il est bien entendu que je ne parle ici que de la haute franc-maçonnerie, et non de ces loges faites pour l'illusion, où l'on se réunit plutôt pour manger et boire, ou pour rire des perplexités que d'innocentes épreuves causent aux néophytes, que pour discuter les questions de morale et de philosophie. Il fallait bien, pour que la franc-maçonnerie pût continuer sa large mission sans entrave, qu'il y eût de distance en distance, de rayon en rayon, de méridien en méridien, des temples en dehors du temple, des lieux profanes en dehors des lieux sucrés, de faux tabernacles en dehors de l'arche. C'est dans ces centres que des adeptes du Spiritisme ont inutilement essayé de se faire entendre.

Bref, la franc-maçonnerie a enseigné le dogme précurseur du vôtre, et professé en secret ce que vous proclamez tout haut. Je reviendrai, je l'ai dit, sur ces questions, si toutefois les grands Esprits qui président à vos travaux veulent bien le permettre. En attendant, je vous l'affirme, la doctrine spirite peut parfaitement se souder à celles des grandes loges de l'Orient. Maintenant gloire au grand Architecte !

Un ancien franc-maçon,

Vaucanson (médium, M. d'Ambel).

(Société spirite de Paris, 17 janvier 1864. ‑ Médium, madame Costel.)

Je viens à vous, mes amis, à vous qui êtes les éprouvés et les prolétaires de la souffrance ; je viens vous saluer, braves et dignes ouvriers, au nom de la charité et de l'amour. Vous êtes les bien-aimés de Jésus dont je fus l'ami ; reposez-vous dans la croyance spirite, comme je me suis reposé sur le sein de l'envoyé divin. Ouvriers, vous êtes les élus dans la voie douloureuse de l'épreuve, où vous marchez les pieds saignants et le cœur découragé. Frères, espérez ! Toute peine porte avec elle son salaire ; toute journée laborieuse a son soir de repos. Croyez en l'avenir qui sera votre récompense, et ne cherchez pas l'oubli, qui est impie. L'oubli, mes amis, c'est l'ivresse égoïste ou brutale ; c'est la faim pour vos enfants et les pleurs pour vos femmes. L'oubli est une lâcheté. Que penseriez-vous d'un ouvrier qui, sous le prétexte d'une légère fatigue, déserterait l'atelier et interromprait lâchement la journée commencée ? Mes amis, la vie est la journée de l'éternité ; accomplissez bravement son labeur ; ne rêvez pas un repos impossible ; n'avancez pas l'heure de l'horloge des temps ; tout vient à point : la récompense au courage et la bénédiction au cœur ému qui se confie à la justice éternelle.

Soyez Spirites : vous deviendrez forts et patients, parce que vous apprendrez que les épreuves sont un gage assuré de progrès, et qu'elles vous ouvriront l'entrée des séjours heureux où vous bénirez les souffrances qui vous en auront ouvert l'accès.

A vous tous, ouvriers et amis, mes bénédictions. J'assiste à vos assemblées, car vous êtes les bien-aimés de celui qui fut

Jean L'Évangéliste.




Dictée spontanée faisant partie d'une série d'instructions sur la théorie des fluides.

(Paris, 11 novembre 1863. ‑ Médium, mademoiselle A. C.)

La progression de toutes choses amène nécessairement à la transsubstantiation, et la médianimité spirituelle est une des forces de la nature qui y fera arriver plus vite notre planète, car elle doit, comme tous les mondes, subir la loi de l'avancement et de la transformation. Non seulement son personnel humain, mais toutes ses productions minérales, végétales et animales, ses gaz et ses fluides impondérables, doivent aussi se perfectionner et se transformer en substances plus épurées. La science, qui a déjà travaillé cette question si intéressante de la formation de ce monde, a reconnu qu'il n'a pas été créé d'une parole, ainsi que le dit la Genèse, dans une sublime allégorie, mais qu'il a subi, pendant une longue suite de siècles, des transformations qui ont produit des couches minérales de diverses natures. En suivant la gradation de ces couches, on voit apparaître successivement et se multiplier les productions végétales ; on trouve plus tard la trace des animaux, ce qui indique qu'à cette époque seulement les corps organisés avaient trouvé la possibilité d'y vivre.

En étudiant la progression des êtres animés, comme on l'a fait pour les minéraux et les végétaux, on reconnaît que ces êtres, coquillages d'abord, se sont élevés graduellement dans l'échelle animale, et que leur progression a suivi celle des productions et de l'épuration du sol ; on remarque en même temps la disparition de certaines espèces, dès que les conditions physiques nécessaires à leur vie n'existent plus. C'est ainsi, par exemple, que les grands sauriens, monstres amphibies, et les mammifères géants dont on ne retrouve plus que les fossiles, ont totalement disparu de la terre avec les conditions d'existence que les inondations avaient créées pour eux. Les déluges, étant un des moyens de transformation de la terre, ont été presque généraux ; c'est-à-dire que, pendant une certaine période, ils ont bouleversé le globe et ont amené ainsi des productions végétales et des fluides atmosphériques différents. L'homme, de même que tous les êtres organiques, a paru sur la terre, lorsqu'il a pu y trouver les conditions nécessaires à son existence.

Là s'arrête la création matérielle par les seules forces de la nature ; là commence le rôle de l'Esprit incarné dans l'homme pour le travail, car il doit concourir à l'œuvre commune ; il doit, en travaillant pour lui-même, travailler à l'amélioration générale. Aussi le voyons-nous, dès les premières races, cultiver la terre, la faire produire pour ses besoins corporels, et par là amener des transformations dans le sol, dans ses produits, dans ses gaz et dans ses fluides. Plus la terre se peuple, plus les hommes la travaillent, la cultivent et l'assainissent, plus ses produits sont abondants et variés ; l'épuration de ses fluides amène peu à peu la disparition des espèces végétales et animales vénéneuses et nuisibles à l'homme, qui ne peuvent plus exister dans un air trop épuré et trop subtil pour leur organisation, et ne leur fournit plus les éléments nécessaires à leur entretien. L'état sanitaire du globe s'est sensiblement amélioré depuis son origine ; mais comme il laisse encore beaucoup à désirer, c'est l'indice qu'il s'améliorera encore par le travail et l'industrie de l'homme. Ce n'est pas sans dessein que celui-ci est poussé à s'établir dans les contrées les plus ingrates et les plus insalubres ; déjà il a rendu habitables des pays infestés par les animaux immondes et les miasmes délétères ; peu à peu les transformations qu'il fait subir au sol amèneront l'épuration complète.

Par le travail, l'homme apprend à connaître et à diriger les forces de la nature. On peut suivre dans l'histoire le fil des découvertes et des conquêtes de l'esprit humain, et l'application qu'il en a faite à ses besoins et à ses satisfactions. Mais en suivant cette filière, on doit remarquer aussi que l'homme s'est dégrossi, dématérialisé ; et si l'on veut faire le parallèle de l'homme d'aujourd'hui avec les premiers habitants du globe, on jugera du progrès déjà accompli ; on verra que plus l'homme progresse, plus il est excité à progresser davantage, et que la progression est en raison du progrès accompli. Aujourd'hui le progrès marche à grande vitesse et entraîne forcément les retardataires.

Nous venons de parler du progrès physique, matériel, intelligent ; mais voyons le progrès moral et l'influence qu'il doit avoir sur le premier.

Le progrès moral s'est éveillé en même temps que le développement matériel, mais il a été plus lent, parce que l'homme se trouvant au milieu d'une création toute matérielle, avait des besoins et des aspirations en harmonie avec ce qui l'entourait. En avançant, il a senti le spirituel se développer et grandir en lui, et, aidé par les influences célestes, il a commencé à comprendre la nécessité de la direction intelligente de l'Esprit sur la matière ; le progrès moral a continué son développement, et, à différentes époques, des Esprits avancés sont venus guider l'humanité, et donner une plus grande impulsion à sa marche ascendante ; tels sont Moïse, les prophètes, Confucius, les sages de l'antiquité et le Christ, le plus grand de tous quoique le plus humble sur la terre. Le Christ a donné à l'homme une idée plus grande de sa propre valeur, de son indépendance et de sa personnalité spirituelle. Mais ses successeurs étant bien inférieurs à lui n'ont pas compris l'idée grandiose qui brille dans tous ses enseignements ; ils ont matérialisé ce qui était spirituel ; de là l'espèce de statu quo moral dans lequel s'est arrêtée l'humanité. Le progrès scientifique et intelligent continue sa marche, le progrès moral se traîne lentement. N'est-il pas certain que, si depuis le Christ, tous ceux qui ont professé sa doctrine l'eussent pratiquée, les hommes se fussent épargné bien des maux, et seraient aujourd'hui plus avancés moralement ?

Le Spiritisme vient hâter ce progrès en dévoilant à l'humanité terrestre ses destinées, et déjà nous voyons sa force par le nombre de ses adeptes et la facilité avec laquelle il est compris. Il va amener une transformation morale active, et, par la multiplicité des communications médianimiques, le cœur et l'Esprit de tous les incarnés seront travaillés par les Esprits amis et instructeurs. De cette instruction va naître une nouvelle impulsion scientifique, car de nouvelles voies vont être ouvertes à la science qui dirigera ses recherches vers les nouvelles forces de la nature qui se révèlent ; les facultés humaines qui se développent déjà, se développeront davantage encore par le travail médianimique.

Le Spiritisme, accueilli d'abord par les âmes tendres et inconsolables de la perte de leurs parents et amis, l'a été ensuite par les malheureux de ce monde, dont le nombre est grand, et qui ont été encouragés et soutenus dans leurs épreuves par sa doctrine à la fois si douce et si fortifiante ; il s'est ainsi propagé rapidement, et beaucoup d'incrédules étonnés, qui l'ont d'abord étudié en curieux, ont été convaincus quand ils y ont trouvé pour eux-mêmes des espérances et des consolations.

Aujourd'hui les savants commencent à s'émouvoir, et quelques-uns d'entre eux l'étudient sérieusement, et l'admettent connue force naturelle inconnue jusqu'à présent ; en y appliquant leur intelligence, leurs connaissances déjà acquises, ils feront faire un pas scientifique immense à l'humanité.

Mais les Esprits ne se bornent pas à l'instruction scientifique ; leur devoir est double, et ils doivent surtout cultiver votre moral. A côté des études de la science, ils vous feront, et vous font dès à présent, travailler votre vous-même ; les incarnés intelligents et désireux d'avancer, comprendront que leur dématérialisation est la meilleure condition pour l'étude progressive, et que leur bonheur présent et futur y est attaché.

Remarque. ‑ C'est ainsi que le monde, après avoir atteint un certain degré d'élévation dans le progrès intellectuel, va entrer dans la période du progrès moral dont le Spiritisme lui ouvre la route. Ce progrès s'accomplira par la force des choses et amènera naturellement la transformation de l'humanité, par l'élargissement du cercle des idées dans le sens spirituel, et par la pratique intelligente et raisonnée des lois morales enseignées par le Christ. La rapidité avec laquelle les idées spirites se propagent au milieu même du matérialisme qui domine notre époque, est l'indice certain d'un prompt changement dans l'ordre des choses ; il suffit pour cela de l'extinction d'une génération, car déjà celle qui s'élève s'annonce sous de tout autres auspices.


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