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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Juillet
Juillet
Le point de vueIl n'est personne qui n'ait remarqué combien les choses changent d'aspect selon le point de vue sous lequel on les considère ; ce n'est pas seulement l'aspect qui se modifie, mais encore l'importance même de la chose. Que l'on se place au centre d'un milieu quelconque, fût-il petit, il paraîtra immense ; qu'on se place au dehors, il semble tout autre. Tel qui voit une chose du haut d'une montagne la trouve insignifiante, alors qu'au bas de la montagne elle lui paraissait gigantesque.
Ceci est un effet d'optique, mais qui s'applique également aux choses morales. Soyez une journée entière dans la souffrance, elle vous paraîtra éternelle ; à mesure que cette journée s'éloigne de vous, vous vous étonnez d'avoir pu vous désespérer pour si peu. Les chagrins de l'enfance ont aussi leur importance relative, et, pour l'enfant, ils sont tout aussi amers que ceux de l'âge mur. Pourquoi donc nous semblent-ils si futiles ? Parce que nous n'y sommes plus, tandis que l'enfant y est tout entier, et ne voit pas au delà de son petit cercle d'activité ; il les voit de l'intérieur, nous les voyons de l'extérieur. Supposons un être placé, par rapport à nous, dans la position où nous sommes par rapport à l'enfant, il jugera nos soucis au même point de vue, et les trouvera puérils.
Un charretier est insulté par un charretier ; ils se querellent et se battent ; qu'un grand seigneur soit injurié par un charretier, il ne s'en croira pas offensé, et il ne se battra pas avec lui. Pourquoi cela ? Parce qu'il se place en dehors de sa sphère : il se croit tellement supérieur que l'offense ne peut l'atteindre ; mais qu'il descende au niveau de son adversaire, qu'il se place, par la pensée, dans le même milieu, et il se battra.
Le Spiritisme nous montre une application de ce principe bien autrement importante dans ses conséquences. Il nous fait voir la vie terrestre pour ce qu'elle est, en nous plaçant au point de vue de la vie future ; par les preuves matérielles qu'il nous en fournit, par l'intuition nette, précise, logique qu'il nous en donne, par les exemples qu'il met sous nos yeux, il nous y transporte par la pensée : on la voit, on la comprend ; ce n'est plus cette notion vague, incertaine, problématique, que l'on nous enseignait de l'avenir, et qui, involontairement, laissait des doutes ; pour le Spirite, c'est une certitude acquise, c'est une réalité.
Il fait plus encore : il nous montre la vie de l'âme, l'être essentiel, puisque c'est l'être pensant, remontant dans le passé à une époque inconnue, et s'étendant indéfiniment dans l'avenir, de telle sorte que la vie terrestre, fût-elle d'un siècle, n'est plus qu'un point dans ce long parcours. Si la vie entière est si peu de chose comparée à la vie de l'âme, que seront donc les incidents de la vie ? Et pourtant l'homme, placé au centre de cette vie, s'en préoccupe comme si elle devait durer toujours ; tout prend pour lui des proportions colossales : la moindre pierre qui le heurte lui semble un rocher ; une déception le désespère ; un revers l'abat ; un mot le met en fureur. Sa vue bornée au présent, à ce qui le touche immédiatement, lui exagère l'importance des plus petits incidents ; une affaire manquée lui ôte l'appétit ; une question de préséance est une affaire d'État ; un passe-droit le met hors de lui. Parvenir est le but de tous ses efforts, l'objet de toutes ses combinaisons ; mais, pour la plupart, qu'est-ce que parvenir ? Est-ce, si l'on n'a pas de quoi vivre, se créer, par des moyens honnêtes, une existence tranquille ? Est-ce la noble émulation d'acquérir du talent et de développer son intelligence ? Est-ce le désir de laisser après soi un nom justement honoré, et d'accomplir des travaux utiles pour l'humanité ? Non ; parvenir, c'est supplanter son voisin, c'est l'éclipser, c'est l'écarter, le renverser même, pour se mettre à sa place ; et pour ce beau triomphe, dont la mort ne le laissera peut-être pas jouir vingt-quatre heures, que de soucis ; que de tribulations ! Que de génie même dépensé quelquefois, qui eût pu être plus utilement employé ! Puis, que de rage, que d'insomnies si l'on ne réussit pas ! quelle fièvre de jalousie cause le succès d'un rival ! Alors, on s'en prend à sa mauvaise étoile, à son sort, à sa chance fatale, tandis que la mauvaise étoile est le plus souvent la maladresse et l'incapacité. On dirait vraiment que l'homme prend à tâche de rendre aussi pénibles que possible les quelques instants qu'il doit passer sur la terre et dont il n'est pas le maître, puisqu'il n'est jamais assuré du lendemain.
Combien toutes ces choses changent de face, quand, par la pensée, l'homme sort de l'étroite vallée de la vie terrestre, et s'élève dans la radieuse, splendide et incommensurable vie d'outre-tombe ! Combien alors il prend en pitié les tourments qu'il se créait à plaisir ! Combien alors lui paraissent mesquines et puériles les ambitions, les jalousies, les susceptibilités, les vaines satisfactions de l'orgueil ! Il lui semble de l'âge mûr considérer les jeux de l'enfance ; du sommet d'une montagne, considérer les hommes dans la vallée. En partant de ce point de vue, se rend-il volontairement le jouet d'une illusion ? Non ; il est au contraire dans la réalité, dans le vrai, et l'illusion, pour lui, c'est lorsqu'il voit les choses du point de vue terrestre. En effet, il n'est personne sur la terre qui n'attache plus d'importance à ce qui, pour lui, doit durer longtemps, qu'à ce qui ne doit durer qu'un jour ; qui ne préfère un bonheur durable à un bonheur éphémère. On s'inquiète peu d'un désagrément passager ; ce qui intéresse par-dessus tout, c'est la situation normale. Si donc on élève sa pensée de manière à embrasser la vie de l'âme, on arrive forcément à cette conséquence, qu'on y aperçoit la vie terrestre comme une station momentanée ; que la vie spirituelle est la vie réelle, parce qu'elle est indéfinie ; que l'illusion, c'est de prendre la partie pour le tout, c'est-à-dire la vie du corps, qui n'est que transitoire, pour la vie définitive. L'homme qui ne considère les choses que du point de vue terrestre, est comme celui qui, étant dans l'intérieur d'une maison, ne peut juger ni de la forme, ni de l'importance du bâtiment ; il juge sur de fausses apparences, parce qu'il ne voit pas tout ; tandis que celui qui voit du dehors, pouvant seul juger de l'ensemble, juge plus sainement.
Pour voir les choses de cette manière, dira-t-on, il faut une intelligence peu commune, un esprit philosophique qu'on ne saurait trouver dans les masses ; d'où il faudrait conclure qu'à peu d'exceptions près, l'humanité se traînera toujours dans le terre à terre. C'est une erreur ; pour s'identifier avec la vie future, il ne faut pas une intelligence exceptionnelle, ni de grands efforts d'imagination, car chacun en porte avec soi l'intuition et le désir ; mais la manière dont on la présente généralement est assez peu séduisante, puisqu'on offre pour alternative des flammes éternelles ou une contemplation perpétuelle, ce qui fait que beaucoup trouvent le néant préférable ; d'où l'incrédulité absolue chez quelques-uns, et le doute chez le plus grand nombre. Ce qui a manqué jusqu'à présent, c'est la preuve irrécusable de la vie future, et cette preuve le Spiritisme vient la donner, non plus par une théorie vague, mais par des faits patents. Bien plus, il la montre telle que la raison la plus sévère peut l'accepter, car il explique tout, justifie tout, et résout toutes les difficultés. Par cela même qu'il est clair et logique, il est à la portée de tout le monde ; voilà pourquoi le Spiritisme ramène à la croyance tant de gens qui s'en étaient écartés. L'expérience démontre chaque jour que de simples artisans, que des paysans sans instruction comprennent ce raisonnement sans efforts ; ils se placent à ce nouveau point de vue d'autant plus volontiers, qu'ils y trouvent, comme tous les gens malheureux, une immense consolation, et la seule compensation possible dans leur pénible et laborieuse existence.
Si cette manière d'envisager les choses terrestres se généralisait, n'aurait-elle pas pour conséquence de détruire l'ambition, stimulant des grandes entreprises, des travaux les plus utiles, des œuvres même du génie ? Si l'humanité tout entière ne songeait plus qu'à la vie future, tout ne péricliterait-il pas en ce monde ? Que font les moines dans les couvents, si ce n'est de s'occuper exclusivement du ciel ? Or, que deviendrait la terre si tout le monde se faisait moine ?
Un tel état de choses serait désastreux, et les inconvénients plus grands qu'on ne pense, car les hommes y perdraient sur la terre et n'y gagneraient rien au ciel ; mais le résultat du principe que nous exposons est tout autre pour quiconque ne le comprend pas à demi, ainsi que nous allons l'expliquer.
La vie corporelle est nécessaire à l'Esprit, ou à l'âme, ce qui est tout un, pour qu'il puisse accomplir dans le monde matériel les fonctions qui lui sont dévolues par la Providence : c'est un des rouages de l'harmonie universelle. L'activité qu'il est forcé de déployer dans ces fonctions qu'il exerce à son insu, croyant n'agir que pour lui-même, aide au développement de son intelligence et facilite son avancement. Le bonheur de l'Esprit dans la vie spirituelle étant proportionné à son avancement et au bien qu'il a pu faire comme homme, il en résulte que plus la vie spirituelle acquiert d'importance aux yeux de l'homme, plus il sent la nécessité de faire ce qu'il faut pour s'y assurer la meilleur place possible. L'expérience de ceux qui ont vécu vient prouver qu'une vie terrestre inutile ou mal employée est sans profit pour l'avenir, et que ceux qui ne cherchent ici-bas que les satisfactions matérielles les payent bien chèrement, soit par leurs souffrances dans le monde des Esprits, soit par l'obligation où ils sont de recommencer leur tâche dans des conditions plus pénibles que par le passé, et tel est le cas de beaucoup de ceux qui souffrent sur la terre. Donc en considérant les choses de ce monde du point de vue extra-corporel, l'homme, loin d'être excité à l'insouciance et à l'oisiveté, comprend mieux la nécessité du travail. En partant du point de vue terrestre, cette nécessité est une injustice à ses yeux quand il se compare à ceux qui peuvent vivre sans rien faire : il les jalouse, il les envie. En partant du point de vue spirituel, cette nécessité a sa raison d'être, son utilité, et il l'accepte sans murmure, parce qu'il comprend que, sans travail, il resterait indéfiniment dans l'infériorité et privé du bonheur suprême auquel il aspire, et qu'il ne saurait atteindre s'il ne se développe intellectuellement et moralement. Sous ce rapport, beaucoup de moines nous semblent mal comprendre le but de la vie terrestre, et encore moins les conditions de la vie future. Par la séquestration, ils se privent des moyens de se rendre utiles à leurs semblables, et beaucoup de ceux qui sont aujourd'hui dans le monde des Esprits nous ont avoué s'être étrangement trompés, et subir les conséquences de leur erreur.
Ce point de vue a pour l'homme une autre conséquence immense et immédiate : c'est de lui rendre plus supportables les tribulations de la vie. Qu'il cherche à se procurer le bien-être, à passer le plus agréablement possible le temps de son existence sur terre, c'est très naturel et rien ne le lui défend. Mais, sachant qu'il n'est ici-bas que momentanément, qu'un avenir meilleur l'attend, il se tourmente peu des déceptions qu'il éprouve, et, voyant les choses d'en haut, il prend ses revers avec moins d'amertume ; il reste indifférent aux tracasseries auxquelles il est en butte de la part des envieux et des jaloux ; il réduit à leur juste valeur les objets de son ambition et se met au-dessus des petites susceptibilités de l'amour-propre. Délivré des soucis que se crée l'homme qui ne sort pas de son étroite sphère, par la perspective grandiose qui se déroule devant lui, il n'en est que plus libre pour se livrer à un travail profitable pour lui-même et pour les autres. Les avanies, les diatribes, les méchancetés de ses ennemis ne sont pour lui que d'imperceptibles nuages dans un immense horizon ; il ne s'en inquiète pas plus que des mouches qui bourdonnent à ses oreilles, parce qu'il sait qu'il en sera bientôt délivré ; aussi toutes les petites misères qu'on lui suscite, glissent-elles sur lui comme l'eau sur le marbre. En se plaçant au point de vue terrestre, il s'en irriterait, il s'en vengerait peut-être ; au point de vue extra-terrestre, il les méprise comme les éclaboussures d'un passant mal-appris. Ce sont des épines jetées sur sa route, et sur lesquelles il passe, sans même se donner la peine de les écarter, pour ne pas ralentir sa marche vers le but plus sérieux qu'il se propose d'atteindre. Loin d'en vouloir à ses ennemis, il leur sait gré de lui fournir l'occasion d'exercer sa patience et sa modération au profit de son avancement futur, tandis qu'il en perdrait le fruit s'il s'abaissait aux représailles. Il les plaint de se donner tant de peines inutiles, et se dit que ce sont eux-mêmes qui marchent sur les épines par les soucis qu'ils prennent pour faire le mal. Tel est le résultat de la différence du point de vue sous lequel on envisage la vie : l'un vous donne les tracas et l'anxiété ; l'autre, le calme et la sérénité. Spirites qui éprouvez des déceptions, quittez un instant la terre, par la pensée ; montez dans les régions de l'infini et regardez-les d'en haut : vous verrez ce qu'elles seront.
On dit quelquefois. Vous qui êtes malheureux, regardez au-dessous de vous et non au-dessus, et vous en verrez de plus malheureux encore. Cela est très vrai, mais beaucoup de gens se disent que le mal des autres ne guérit pas le leur. Le remède n'est toujours que dans la comparaison, et il en est pour lesquels il est difficile de ne pas regarder en haut et de se dire : « Pourquoi ceux-ci ont-ils ce que je n'ai pas ? » Tandis qu'en se plaçant au point de vue dont nous parlons, à celui où nous serons forcément avant peu, on est tout naturellement au-dessus de ceux que nous pourrions envier, car, de là, les plus grands paraissent bien petits.
Il nous souvient d'avoir vu jouer à l'Odéon, il y a quelque quarante ans, une pièce en un acte, intitulée les Éphémères, nous ne savons plus de quel auteur ; mais, quoique jeune alors, elle nous fit une vive impression. La scène se passait dans le pays des Éphémères, dont les habitants ne vivent que vingt-quatre heures. Dans l'espace d'un acte, on les voit passer du berceau à l'adolescence, à la jeunesse, à l'âge mûr, à la vieillesse, à la décrépitude et à la mort. Dans cet intervalle, ils accomplissent tous les actes de la vie : baptême, mariage, affaires civiles et gouvernementales, etc. ; mais, comme le temps est court et les heures comptées, il faut se hâter ; aussi tout se fait avec une rapidité prodigieuse, ce qui ne les empêche pas de s'occuper d'intrigues, et de se donner beaucoup de peine pour satisfaire leur ambition et se supplanter les uns les autres. Cette pièce, comme on le voit, renfermait une pensée profondément philosophique, et involontairement le spectateur, qui voyait en un instant se dérouler toutes les phases d'une existence bien remplie, se prenait à dire : Que ces gens sont sots de se donner tant de mal pour si peu de temps qu'ils ont à vivre ! Que leur reste-t-il des tracas d'une ambition de quelques heures ? Ne feraient-ils pas mieux de vivre en paix ?
C'est bien là le tableau de la vie humaine vue d'en haut. La pièce pourtant ne vécut guère plus que ses héros, on ne la comprit pas. Si l'auteur vivait encore, ce que nous ignorons, il serait probablement Spirite aujourd'hui.
Statistique des suicides.
On lit dans le Siècle du … mai 1862 :
« Dans la Comédie sociale au dix-neuvième siècle, le nouveau livre que M. B. Gastineau vient de publier chez Dentu, nous trouvons cette curieuse statistique des suicides :
« On a calculé que depuis le commencement du siècle, le nombre des suicides en France ne s'élève pas à moins de 300 000 ; et cette évaluation est peut-être en deçà de la vérité, car la statistique ne fournit des résultats complets qu'à partir de l'année 1836. De 1836 à 1852, c'est-à-dire dans une période de dix-sept ans, il y a eu 52 126 suicides, soit en moyenne 3 066 par année. En 1858, on a compté 3 903 suicides, dont 853 femmes et 3 050 hommes ; enfin, suivant la dernière statistique que nous ayons vue dans le cours de l'année 1859, 3 899 personnes se sont tuées, savoir 3 057 hommes et 842 femmes. »
« En constatant que le nombre des suicides augmente claque année, M. Gastineau déplore en termes éloquents la triste monomanie qui semble s'être emparée de l'espèce humaine. »
Voilà une oraison funèbre bien vite expédiée sur les malheureux suicidés ; la question nous paraît cependant assez grave pour mériter un examen sérieux. Au point où en sont les choses, le suicide n'est plus un fait isolé et accidentel ; il peut, à juste titre, être regardé comme un mal social, une véritable calamité ; or, un mal qui enlève régulièrement 3 à 4 000 personnes par an dans un seul pays, et qui suit une progression croissante, n'est pas dû à une cause fortuite ; il y en a nécessairement une radicale, absolument comme quand on voit un grand nombre de personnes mourir de la même maladie, et qui doit appeler l'attention de la science et la sollicitude de l'autorité. En pareil cas on se borne généralement à constater le genre de mort et le mode employé pour se la donner, tandis qu'on néglige l'élément le plus essentiel, le seul qui puisse mettre sur la voie du remède : le motif déterminant de chaque suicide ; on arriverait ainsi à constater la cause prédominante ; mais, à moins de circonstances bien caractérisées, on trouve plus simple et plus expéditif d'en surcharger la classe des monomanes et des maniaques.
Il y a incontestablement des suicides par monomanie, accomplis en dehors de l'empire de la raison, comme ceux, par exemple, qui ont lieu dans la folie, dans la fièvre chaude, dans l'ivresse ; ici la cause est purement physiologique ; mais à côté se trouve la catégorie, de beaucoup plus nombreuse, des suicides volontaires, accomplis avec préméditation et en pleine connaissance de cause. Certaines personnes pensent que le suicidé n'est jamais complètement dans son bon sens ; c'est une erreur que nous partagions jadis, mais qui est tombée devant une observation plus attentive. Il est assez rationnel, en effet, de penser que l'instinct de conservation étant dans la nature, la destruction volontaire doit être contre nature, et que telle est la raison pour laquelle on voit souvent cet instinct l'emporter au dernier moment sur la volonté de mourir ; d'où l'on conclut que, pour accomplir cet acte, il faut n'avoir plus la tête à soi. Il y a sans doute beaucoup de suicidés qui sont pris à cet instant d'une sorte de vertige et succombent à un premier moment d'exaltation ; si l'instinct de conservation l'emporte en dernier lieu, ils sont comme dégrisés et se rattachent à la vie ; mais il est bien évident aussi que beaucoup se tuent de sang-froid et avec réflexion, et la preuve en est dans les précautions calculées qu'ils prennent, dans l'ordre raisonné qu'ils mettent à leurs affaires, ce qui n'est pas le caractère de la folie.
Nous ferons remarquer en passant un trait caractéristique du suicide, c'est que les actes de cette nature accomplis dans les endroits complètement isolés et inhabités sont excessivement rares ; l'homme perdu dans les déserts ou sur l'Océan, mourra de privations, mais ne se suicidera pas, alors même qu'il n'espère aucun secours. Celui qui veut quitter volontairement la vie profite bien du moment où il est seul pour n'être pas arrêté dans son dessein, mais il le fait de préférence dans les centres de population, où son corps a tout au moins quelque chance d'être retrouvé. Tel se jettera du haut d'un monument au centre d'une ville, qui ne le ferait pas du haut d'une falaise où toute trace de lui serait perdue ; tel autre se pendra au bois de Boulogne, qui n'irait pas le faire dans une forêt où personne ne passe. Le suicidé veut bien n'être pas empêché, mais il désire que l'on sache tôt ou tard qu'il s'est suicidé ; il lui semble que ce souvenir des hommes le rattache au monde qu'il a voulu quitter, tant il est vrai que l'idée du néant absolu a quelque chose de plus effrayant que la mort même. Voici un curieux exemple à l'appui de cette théorie.
Vers 1815, un riche Anglais, étant allé visiter la fameuse chute du Rhin, en fut tellement enthousiasmé, qu'il retourna en Angleterre mettre ordre à ses affaires, puis revint quelques mois après se précipiter dans le gouffre. C'est incontestablement un acte d'originalité, mais nous doutons fort qu'il eût été de même se jeter dans le Niagara si personne n'eût dû le savoir ; une singularité de caractère a causé l'acte ; mais la pensée qu'on allait parler de lui a déterminé le choix du lieu et le moment ; si son corps ne devait pas être retrouvé, sa mémoire du moins ne périssait pas.
A défaut d'une statistique officielle qui donnerait l'exacte proportion des différents motifs de suicide, il n'est pas douteux que les cas les plus nombreux sont déterminés par les revers de fortune, les déceptions, les chagrins de toute nature. Le suicide, dans ce cas, n'est pas un acte de folie, mais de désespoir. A côté de ces motifs qu'on pourrait appeler sérieux, il y en a d'évidemment futiles, sans parler de l'indéfinissable dégoût de la vie, au milieu des jouissances, comme celui que nous venons de citer. Ce qui est certain, c'est que tous ceux qui se suicident ne recourent à cette extrémité que parce que, à tort ou à raison, ils ne sont pas contents. Il n'est sans doute donné à personne de remédier à cette cause première, mais ce qu'il faut déplorer, c'est la facilité avec laquelle les hommes cèdent depuis quelque temps à ce fatal entraînement ; c'est là surtout ce qui doit appeler l'attention, et ce qui, à notre avis, est parfaitement remédiable.
On s'est souvent demandé s'il y a lâcheté ou courage dans le suicide ; il y a incontestablement lâcheté à faiblir devant les épreuves de la vie, mais il y a courage à braver les douleurs et les angoisses de la mort ; ces deux points nous paraissent renfermer tout le problème du suicide.
Quelque poignantes que soient les étreintes de la mort, l'homme les affronte et les supporte s'il y est excité par l'exemple ; c'est l'histoire du conscrit qui, seul, reculerait devant le feu, tandis qu'il est électrisé en voyant les autres y marcher sans crainte. Il en est de même pour le suicide ; la vue de ceux qui s'affranchissent par ce moyen des ennuis et des dégoûts de la vie fait dire que ce moment est bientôt passé ; Ceux que la crainte de la souffrance aurait retenus se disent que puisque tant de gens font ainsi, on peut bien faire comme eux ; qu'il vaut encore mieux souffrir quelques minutes que souffrir pendant des années. C'est en ce sens seulement que le suicide est contagieux ; la contagion n'est ni dans les fluides ni dans les attractions ; elle est dans l'exemple qui familiarise avec l'idée de la mort et avec l'emploi des moyens pour se la donner ; cela est si vrai que lorsqu'un suicide a lieu d'une certaine manière, il n'est pas rare d'en voir plusieurs du même genre se succéder. L'histoire de la fameuse guérite dans laquelle quatorze militaires se pendirent successivement en peu de temps n'avait pas d'autre cause. Le moyen était là sous les yeux ; il paraissait commode, et pour peu que ces hommes eussent quelque vélleité d'en finir avec la vie, ils en profitaient ; la vue même pouvait en faire naître l'idée. Le fait ayant été rapporté à Napoléon, il ordonna de brûler la fatale guérite ; le moyen n'était plus là sous les yeux et le mal s'arrêta.
La publicité donnée aux suicides produit sur les masses l'effet de la guérite ; elle excite, elle encourage, elle familiarise avec l'idée, elle la provoque même. Sous ce rapport, nous regardons les récits de ce genre dont les journaux abondent comme une des causes excitantes du suicide : ils donnent le courage de la mort. Il en est de même de ceux des crimes à l'aide desquels on pique la curiosité publique ; ils produisent, par l'exemple, une véritable contagion morale ; ils n'ont jamais arrêté un criminel, tandis qu'ils en ont développé plus d'un.
Examinons maintenant le suicide à un autre point de vue. Nous disons que, quels qu'en soient les motifs particuliers, il a toujours pour cause un mécontentement ; or, celui qui est certain de n'être malheureux qu'un jour et d'être mieux les jours suivants prend aisément patience ; il ne se désespère que s'il ne voit pas de terme à ses souffrances. Qu'est-ce donc que la vie humaine par rapport à l'éternité, sinon moins qu'un jour ? Mais pour celui qui ne croit pas à l'éternité, qui croit que tout finit en lui avec la vie, s'il est accablé par le chagrin et l'infortune, il n'y voit de terme que dans la mort ; n'espérant rien, il trouve tout naturel, très logique même, d'abréger ses souffrances par le suicide.
L'incrédulité, le simple doute sur l'avenir, les idées matérialistes en un mot, sont les plus grands excitants au suicide : elles donnent la lâcheté morale. Et quand on voit des hommes de science s'appuyer sur l'autorité de leur savoir pour s'efforcer de prouver à leurs auditeurs ou à leurs lecteurs qu'ils n'ont rien à attendre après la mort, n'est-ce pas les amener à cette conséquence que s'ils sont malheureux, ils n'ont rien de mieux à faire que de se tuer ? Que pourraient-ils leur dire pour les en détourner ? Quelle compensation peuvent-ils leur offrir ? Quelle espérance peuvent-ils leur donner ? Rien autre chose que le néant ; d'où il faut conclure que si le néant est le remède héroïque, la seule perspective, mieux vaut y tomber tout de suite que plus tard et souffrir ainsi moins longtemps. La propagation ces idées matérialistes est donc le poison qui inocule chez un grand nombre la pensée du suicide, et ceux qui s'en font les apôtres assument sur eux une terrible responsabilité.
A cela on objectera sans doute que tous les suicidés ne sont pas matérialistes, puisqu'il y a des personnes qui se tuent pour aller plus vite au ciel, et d'autres pour rejoindre plus tôt ceux qu'elles ont aimés. Cela est vrai, mais c'est incontestablement le très petit nombre, ce dont on se convaincrait si l'on avait une statistique consciencieusement faite des causes intimes de tous les suicides. Quoi qu'il en soit, si les personnes qui cèdent à cette pensée croient à la vie future, il est évident qu'elles s'en font une idée tout à fait fausse, et la manière dont on la présente en général n'est guère propre à en donner une idée plus juste. Le Spiritisme vient non seulement confirmer la théorie de la vie future, mais il la prouve par les faits les plus patents qu'il soit possible d'avoir : le témoignage de ceux mêmes qui y sont ; il fait plus, il nous la montre sous des couleurs si rationnelles, si logiques, que le raisonnement vient à l'appui de la foi. Le doute n'étant plus permis, l'aspect de la vie change ; son importance diminue en raison de la certitude que l'on acquiert d'un avenir plus prospère ; pour le croyant, la vie se prolonge indéfiniment au delà de la tombe, de là la patience et la résignation qui détournent tout naturellement de la pensée du suicide ; de là, en un mot, le courage moral.
Le Spiritisme a encore sous ce rapport un autre résultat tout aussi positif, et peut-être plus déterminant. La religion dit bien que se suicider est un péché mortel dont on est puni ; mais comment ? par des flammes éternelles auxquelles on ne croit plus. Le Spiritisme nous montre les suicidés eux-mêmes venant rendre compte de leur position malheureuse, mais avec cette différence que les peines varient selon les circonstances aggravantes ou atténuantes, ce qui est plus conforme à la justice de Dieu ; qu'au lieu d'être uniformes, elles sont la conséquence si naturelle de la cause qui a provoqué la faute, qu'on ne peut s'empêcher d'y voir une souveraine justice équitablement distributive. Parmi les suicidés, il en est dont la souffrance, pour n'être que temporaire au lieu d'être éternelle, n'en est pas moins terrible et de nature à donner à réfléchir à quiconque serait tenté de partir d'ici avant l'ordre de Dieu. Le Spirite a donc pour contrepoids à la pensée du suicide, plusieurs motifs : la certitude d'une vie future dans laquelle il sait qu'il sera d'autant plus heureux qu'il aura été plus malheureux et plus résigné sur la terre ; la certitude qu'en abrégeant sa vie il arrive juste à un résultat tout autre que celui qu'il espérait atteindre ; qu'il s'affranchit d'un mal pour en avoir un pire, plus long et plus terrible ; qu'il ne reverra pas dans l'autre monde les objets de ses affections qu'il voulait aller rejoindre ; d'où la conséquence que le suicidé est contre ses propres intérêts. Aussi le nombre des suicides empêchés par le Spiritisme est-il considérable, et l'on peut en conclure que lorsque tout le monde sera Spirite, il n'y aura plus de suicides volontaires, et cela arrivera plus tôt qu'on ne croit. En comparant donc les résultats des doctrines matérialiste et spirite au seul point de vue du suicide, on trouve que la logique de l'une y conduit, tandis que la logique de l'autre en détourne, ce qui est confirmé par l'expérience.
Par ce moyen, dira-t-on, détruirez-vous l'hypocondrie, cette cause de tant de suicides non motivés, de cet insurmontable dégoût de la vie que rien ne semble justifier ? Cette cause est éminemment physiologique, tandis que les autres sont morales. Or, le Spiritisme ne guérirait-il que celles-ci, ce serait déjà beaucoup ; la première est à proprement parler du ressort de la science, à laquelle nous pourrions l'abandonner, en lui disant : Nous guérissons ce qui nous regarde, pourquoi ne guérissez-vous pas ce qui est de votre compétence ? Cependant nous n'hésitons pas à répondre affirmativement à la question.
Certaines affections organiques sont évidemment entretenues et même provoquées par les dispositions morales. Le dégoût de la vie est le plus souvent le fruit de la satiété. L'homme qui a usé de tout, ne voyant rien au delà, est dans la position de l'ivrogne qui, ayant vidé sa bouteille et n'y trouvant plus rien, la brise. Les abus et les excès de toutes sortes amènent forcément un affaiblissement et un trouble dans les fonctions vitales ; de là une foule de maladies dont la source est inconnue, que l'on croit causatives, tandis qu'elles ne sont que consécutives ; de là aussi un sentiment de langueur et de découragement. Que manque-t-il à l'hypocondriaque pour combattre ses idées mélancoliques ? Un but à la vie, un mobile à son activité. Quel but peut-il avoir s'il ne croit à rien ? Le Spirite fait plus que de croire à l'avenir : il sait, non par les yeux de la foi, mais par les exemples qu'il a devant lui, que la vie future, à laquelle il ne peut échapper, est heureuse ou malheureuse, selon l'emploi qu'il a fait de la vie corporelle ; que le bonheur y est proportionné au bien qu'on a fait. Or, certain de vivre après la mort, et de vivre bien plus longtemps que sur la terre, il est tout naturel de songer à y être le plus heureux possible ; certain en outre d'y être malheureux s'il ne fait rien de bien, ou même si, ne faisant point de mal, il ne fait rien du tout, il comprend la nécessité de l'occupation, le meilleur préservatif de l'hypocondrie. Avec la certitude de l'avenir, il a un but ; avec le doute, il n'en a point. L'ennui le gagne, et il en finit avec la vie parce qu'il n'attend plus rien. Qu'on nous permette une comparaison un peu triviale, mais qui ne manque pas d'analogie. Un homme a passé une heure au spectacle ; s'il croit que tout est fini, il se lève et s'en va ; mais, s'il sait qu'on doit jouer encore quelque chose de mieux et de plus long que ce qu'il a vu, il restera, fût-il à la plus mauvaise place : l'attente du mieux triomphera chez lui de la fatigue.
Les mêmes causes qui conduisent au suicide produisent aussi la folie. Le remède de l'un est aussi le remède de l'autre, ainsi que nous l'avons démontré ailleurs. Malheureusement, tant que la médecine ne tiendra compte que de l'élément matériel, elle se privera de toutes les lumières que lui apporterait l'élément spirituel, qui joue un rôle si actif dans un grand nombre d'affections.
Le Spiritisme nous révèle en outre la cause première du sucide, et seul il pouvait le faire. Les tribulations de la vie sont à la fois des expiations pour les fautes passées des existences, et des épreuves pour l'avenir. L'Esprit lui-même les choisit en vue de son avancement ; mais il peut arriver qu'une fois à l'œuvre, il trouve la charge trop lourde et recule devant son accomplissement ; c'est alors qu'il a recours au suicide, ce qui le retarde au lieu de l'avancer. Il arrive encore qu'un Esprit s'est suicidé dans une précédente incarnation, et que, comme expiation, il lui est imposé d'avoir, dans sa nouvelle existence, à lutter contre la tendance au suicide ; s'il sort vainqueur, il avance ; s'il succombe, il lui faudra recommencer une vie peut-être plus pénible encore que la précédente, et il devra lutter ainsi jusqu'à ce qu'il ait triomphé, car toute récompense dans l'autre vie est le fruit d'une victoire, et qui dit victoire, dit lutte. Le Spirite puise donc, dans la certitude qu'il a de cet état de choses, une force de persévérance qu'aucune autre philosophie ne saurait lui donner.
« Dans la Comédie sociale au dix-neuvième siècle, le nouveau livre que M. B. Gastineau vient de publier chez Dentu, nous trouvons cette curieuse statistique des suicides :
« On a calculé que depuis le commencement du siècle, le nombre des suicides en France ne s'élève pas à moins de 300 000 ; et cette évaluation est peut-être en deçà de la vérité, car la statistique ne fournit des résultats complets qu'à partir de l'année 1836. De 1836 à 1852, c'est-à-dire dans une période de dix-sept ans, il y a eu 52 126 suicides, soit en moyenne 3 066 par année. En 1858, on a compté 3 903 suicides, dont 853 femmes et 3 050 hommes ; enfin, suivant la dernière statistique que nous ayons vue dans le cours de l'année 1859, 3 899 personnes se sont tuées, savoir 3 057 hommes et 842 femmes. »
« En constatant que le nombre des suicides augmente claque année, M. Gastineau déplore en termes éloquents la triste monomanie qui semble s'être emparée de l'espèce humaine. »
Voilà une oraison funèbre bien vite expédiée sur les malheureux suicidés ; la question nous paraît cependant assez grave pour mériter un examen sérieux. Au point où en sont les choses, le suicide n'est plus un fait isolé et accidentel ; il peut, à juste titre, être regardé comme un mal social, une véritable calamité ; or, un mal qui enlève régulièrement 3 à 4 000 personnes par an dans un seul pays, et qui suit une progression croissante, n'est pas dû à une cause fortuite ; il y en a nécessairement une radicale, absolument comme quand on voit un grand nombre de personnes mourir de la même maladie, et qui doit appeler l'attention de la science et la sollicitude de l'autorité. En pareil cas on se borne généralement à constater le genre de mort et le mode employé pour se la donner, tandis qu'on néglige l'élément le plus essentiel, le seul qui puisse mettre sur la voie du remède : le motif déterminant de chaque suicide ; on arriverait ainsi à constater la cause prédominante ; mais, à moins de circonstances bien caractérisées, on trouve plus simple et plus expéditif d'en surcharger la classe des monomanes et des maniaques.
Il y a incontestablement des suicides par monomanie, accomplis en dehors de l'empire de la raison, comme ceux, par exemple, qui ont lieu dans la folie, dans la fièvre chaude, dans l'ivresse ; ici la cause est purement physiologique ; mais à côté se trouve la catégorie, de beaucoup plus nombreuse, des suicides volontaires, accomplis avec préméditation et en pleine connaissance de cause. Certaines personnes pensent que le suicidé n'est jamais complètement dans son bon sens ; c'est une erreur que nous partagions jadis, mais qui est tombée devant une observation plus attentive. Il est assez rationnel, en effet, de penser que l'instinct de conservation étant dans la nature, la destruction volontaire doit être contre nature, et que telle est la raison pour laquelle on voit souvent cet instinct l'emporter au dernier moment sur la volonté de mourir ; d'où l'on conclut que, pour accomplir cet acte, il faut n'avoir plus la tête à soi. Il y a sans doute beaucoup de suicidés qui sont pris à cet instant d'une sorte de vertige et succombent à un premier moment d'exaltation ; si l'instinct de conservation l'emporte en dernier lieu, ils sont comme dégrisés et se rattachent à la vie ; mais il est bien évident aussi que beaucoup se tuent de sang-froid et avec réflexion, et la preuve en est dans les précautions calculées qu'ils prennent, dans l'ordre raisonné qu'ils mettent à leurs affaires, ce qui n'est pas le caractère de la folie.
Nous ferons remarquer en passant un trait caractéristique du suicide, c'est que les actes de cette nature accomplis dans les endroits complètement isolés et inhabités sont excessivement rares ; l'homme perdu dans les déserts ou sur l'Océan, mourra de privations, mais ne se suicidera pas, alors même qu'il n'espère aucun secours. Celui qui veut quitter volontairement la vie profite bien du moment où il est seul pour n'être pas arrêté dans son dessein, mais il le fait de préférence dans les centres de population, où son corps a tout au moins quelque chance d'être retrouvé. Tel se jettera du haut d'un monument au centre d'une ville, qui ne le ferait pas du haut d'une falaise où toute trace de lui serait perdue ; tel autre se pendra au bois de Boulogne, qui n'irait pas le faire dans une forêt où personne ne passe. Le suicidé veut bien n'être pas empêché, mais il désire que l'on sache tôt ou tard qu'il s'est suicidé ; il lui semble que ce souvenir des hommes le rattache au monde qu'il a voulu quitter, tant il est vrai que l'idée du néant absolu a quelque chose de plus effrayant que la mort même. Voici un curieux exemple à l'appui de cette théorie.
Vers 1815, un riche Anglais, étant allé visiter la fameuse chute du Rhin, en fut tellement enthousiasmé, qu'il retourna en Angleterre mettre ordre à ses affaires, puis revint quelques mois après se précipiter dans le gouffre. C'est incontestablement un acte d'originalité, mais nous doutons fort qu'il eût été de même se jeter dans le Niagara si personne n'eût dû le savoir ; une singularité de caractère a causé l'acte ; mais la pensée qu'on allait parler de lui a déterminé le choix du lieu et le moment ; si son corps ne devait pas être retrouvé, sa mémoire du moins ne périssait pas.
A défaut d'une statistique officielle qui donnerait l'exacte proportion des différents motifs de suicide, il n'est pas douteux que les cas les plus nombreux sont déterminés par les revers de fortune, les déceptions, les chagrins de toute nature. Le suicide, dans ce cas, n'est pas un acte de folie, mais de désespoir. A côté de ces motifs qu'on pourrait appeler sérieux, il y en a d'évidemment futiles, sans parler de l'indéfinissable dégoût de la vie, au milieu des jouissances, comme celui que nous venons de citer. Ce qui est certain, c'est que tous ceux qui se suicident ne recourent à cette extrémité que parce que, à tort ou à raison, ils ne sont pas contents. Il n'est sans doute donné à personne de remédier à cette cause première, mais ce qu'il faut déplorer, c'est la facilité avec laquelle les hommes cèdent depuis quelque temps à ce fatal entraînement ; c'est là surtout ce qui doit appeler l'attention, et ce qui, à notre avis, est parfaitement remédiable.
On s'est souvent demandé s'il y a lâcheté ou courage dans le suicide ; il y a incontestablement lâcheté à faiblir devant les épreuves de la vie, mais il y a courage à braver les douleurs et les angoisses de la mort ; ces deux points nous paraissent renfermer tout le problème du suicide.
Quelque poignantes que soient les étreintes de la mort, l'homme les affronte et les supporte s'il y est excité par l'exemple ; c'est l'histoire du conscrit qui, seul, reculerait devant le feu, tandis qu'il est électrisé en voyant les autres y marcher sans crainte. Il en est de même pour le suicide ; la vue de ceux qui s'affranchissent par ce moyen des ennuis et des dégoûts de la vie fait dire que ce moment est bientôt passé ; Ceux que la crainte de la souffrance aurait retenus se disent que puisque tant de gens font ainsi, on peut bien faire comme eux ; qu'il vaut encore mieux souffrir quelques minutes que souffrir pendant des années. C'est en ce sens seulement que le suicide est contagieux ; la contagion n'est ni dans les fluides ni dans les attractions ; elle est dans l'exemple qui familiarise avec l'idée de la mort et avec l'emploi des moyens pour se la donner ; cela est si vrai que lorsqu'un suicide a lieu d'une certaine manière, il n'est pas rare d'en voir plusieurs du même genre se succéder. L'histoire de la fameuse guérite dans laquelle quatorze militaires se pendirent successivement en peu de temps n'avait pas d'autre cause. Le moyen était là sous les yeux ; il paraissait commode, et pour peu que ces hommes eussent quelque vélleité d'en finir avec la vie, ils en profitaient ; la vue même pouvait en faire naître l'idée. Le fait ayant été rapporté à Napoléon, il ordonna de brûler la fatale guérite ; le moyen n'était plus là sous les yeux et le mal s'arrêta.
La publicité donnée aux suicides produit sur les masses l'effet de la guérite ; elle excite, elle encourage, elle familiarise avec l'idée, elle la provoque même. Sous ce rapport, nous regardons les récits de ce genre dont les journaux abondent comme une des causes excitantes du suicide : ils donnent le courage de la mort. Il en est de même de ceux des crimes à l'aide desquels on pique la curiosité publique ; ils produisent, par l'exemple, une véritable contagion morale ; ils n'ont jamais arrêté un criminel, tandis qu'ils en ont développé plus d'un.
Examinons maintenant le suicide à un autre point de vue. Nous disons que, quels qu'en soient les motifs particuliers, il a toujours pour cause un mécontentement ; or, celui qui est certain de n'être malheureux qu'un jour et d'être mieux les jours suivants prend aisément patience ; il ne se désespère que s'il ne voit pas de terme à ses souffrances. Qu'est-ce donc que la vie humaine par rapport à l'éternité, sinon moins qu'un jour ? Mais pour celui qui ne croit pas à l'éternité, qui croit que tout finit en lui avec la vie, s'il est accablé par le chagrin et l'infortune, il n'y voit de terme que dans la mort ; n'espérant rien, il trouve tout naturel, très logique même, d'abréger ses souffrances par le suicide.
L'incrédulité, le simple doute sur l'avenir, les idées matérialistes en un mot, sont les plus grands excitants au suicide : elles donnent la lâcheté morale. Et quand on voit des hommes de science s'appuyer sur l'autorité de leur savoir pour s'efforcer de prouver à leurs auditeurs ou à leurs lecteurs qu'ils n'ont rien à attendre après la mort, n'est-ce pas les amener à cette conséquence que s'ils sont malheureux, ils n'ont rien de mieux à faire que de se tuer ? Que pourraient-ils leur dire pour les en détourner ? Quelle compensation peuvent-ils leur offrir ? Quelle espérance peuvent-ils leur donner ? Rien autre chose que le néant ; d'où il faut conclure que si le néant est le remède héroïque, la seule perspective, mieux vaut y tomber tout de suite que plus tard et souffrir ainsi moins longtemps. La propagation ces idées matérialistes est donc le poison qui inocule chez un grand nombre la pensée du suicide, et ceux qui s'en font les apôtres assument sur eux une terrible responsabilité.
A cela on objectera sans doute que tous les suicidés ne sont pas matérialistes, puisqu'il y a des personnes qui se tuent pour aller plus vite au ciel, et d'autres pour rejoindre plus tôt ceux qu'elles ont aimés. Cela est vrai, mais c'est incontestablement le très petit nombre, ce dont on se convaincrait si l'on avait une statistique consciencieusement faite des causes intimes de tous les suicides. Quoi qu'il en soit, si les personnes qui cèdent à cette pensée croient à la vie future, il est évident qu'elles s'en font une idée tout à fait fausse, et la manière dont on la présente en général n'est guère propre à en donner une idée plus juste. Le Spiritisme vient non seulement confirmer la théorie de la vie future, mais il la prouve par les faits les plus patents qu'il soit possible d'avoir : le témoignage de ceux mêmes qui y sont ; il fait plus, il nous la montre sous des couleurs si rationnelles, si logiques, que le raisonnement vient à l'appui de la foi. Le doute n'étant plus permis, l'aspect de la vie change ; son importance diminue en raison de la certitude que l'on acquiert d'un avenir plus prospère ; pour le croyant, la vie se prolonge indéfiniment au delà de la tombe, de là la patience et la résignation qui détournent tout naturellement de la pensée du suicide ; de là, en un mot, le courage moral.
Le Spiritisme a encore sous ce rapport un autre résultat tout aussi positif, et peut-être plus déterminant. La religion dit bien que se suicider est un péché mortel dont on est puni ; mais comment ? par des flammes éternelles auxquelles on ne croit plus. Le Spiritisme nous montre les suicidés eux-mêmes venant rendre compte de leur position malheureuse, mais avec cette différence que les peines varient selon les circonstances aggravantes ou atténuantes, ce qui est plus conforme à la justice de Dieu ; qu'au lieu d'être uniformes, elles sont la conséquence si naturelle de la cause qui a provoqué la faute, qu'on ne peut s'empêcher d'y voir une souveraine justice équitablement distributive. Parmi les suicidés, il en est dont la souffrance, pour n'être que temporaire au lieu d'être éternelle, n'en est pas moins terrible et de nature à donner à réfléchir à quiconque serait tenté de partir d'ici avant l'ordre de Dieu. Le Spirite a donc pour contrepoids à la pensée du suicide, plusieurs motifs : la certitude d'une vie future dans laquelle il sait qu'il sera d'autant plus heureux qu'il aura été plus malheureux et plus résigné sur la terre ; la certitude qu'en abrégeant sa vie il arrive juste à un résultat tout autre que celui qu'il espérait atteindre ; qu'il s'affranchit d'un mal pour en avoir un pire, plus long et plus terrible ; qu'il ne reverra pas dans l'autre monde les objets de ses affections qu'il voulait aller rejoindre ; d'où la conséquence que le suicidé est contre ses propres intérêts. Aussi le nombre des suicides empêchés par le Spiritisme est-il considérable, et l'on peut en conclure que lorsque tout le monde sera Spirite, il n'y aura plus de suicides volontaires, et cela arrivera plus tôt qu'on ne croit. En comparant donc les résultats des doctrines matérialiste et spirite au seul point de vue du suicide, on trouve que la logique de l'une y conduit, tandis que la logique de l'autre en détourne, ce qui est confirmé par l'expérience.
Par ce moyen, dira-t-on, détruirez-vous l'hypocondrie, cette cause de tant de suicides non motivés, de cet insurmontable dégoût de la vie que rien ne semble justifier ? Cette cause est éminemment physiologique, tandis que les autres sont morales. Or, le Spiritisme ne guérirait-il que celles-ci, ce serait déjà beaucoup ; la première est à proprement parler du ressort de la science, à laquelle nous pourrions l'abandonner, en lui disant : Nous guérissons ce qui nous regarde, pourquoi ne guérissez-vous pas ce qui est de votre compétence ? Cependant nous n'hésitons pas à répondre affirmativement à la question.
Certaines affections organiques sont évidemment entretenues et même provoquées par les dispositions morales. Le dégoût de la vie est le plus souvent le fruit de la satiété. L'homme qui a usé de tout, ne voyant rien au delà, est dans la position de l'ivrogne qui, ayant vidé sa bouteille et n'y trouvant plus rien, la brise. Les abus et les excès de toutes sortes amènent forcément un affaiblissement et un trouble dans les fonctions vitales ; de là une foule de maladies dont la source est inconnue, que l'on croit causatives, tandis qu'elles ne sont que consécutives ; de là aussi un sentiment de langueur et de découragement. Que manque-t-il à l'hypocondriaque pour combattre ses idées mélancoliques ? Un but à la vie, un mobile à son activité. Quel but peut-il avoir s'il ne croit à rien ? Le Spirite fait plus que de croire à l'avenir : il sait, non par les yeux de la foi, mais par les exemples qu'il a devant lui, que la vie future, à laquelle il ne peut échapper, est heureuse ou malheureuse, selon l'emploi qu'il a fait de la vie corporelle ; que le bonheur y est proportionné au bien qu'on a fait. Or, certain de vivre après la mort, et de vivre bien plus longtemps que sur la terre, il est tout naturel de songer à y être le plus heureux possible ; certain en outre d'y être malheureux s'il ne fait rien de bien, ou même si, ne faisant point de mal, il ne fait rien du tout, il comprend la nécessité de l'occupation, le meilleur préservatif de l'hypocondrie. Avec la certitude de l'avenir, il a un but ; avec le doute, il n'en a point. L'ennui le gagne, et il en finit avec la vie parce qu'il n'attend plus rien. Qu'on nous permette une comparaison un peu triviale, mais qui ne manque pas d'analogie. Un homme a passé une heure au spectacle ; s'il croit que tout est fini, il se lève et s'en va ; mais, s'il sait qu'on doit jouer encore quelque chose de mieux et de plus long que ce qu'il a vu, il restera, fût-il à la plus mauvaise place : l'attente du mieux triomphera chez lui de la fatigue.
Les mêmes causes qui conduisent au suicide produisent aussi la folie. Le remède de l'un est aussi le remède de l'autre, ainsi que nous l'avons démontré ailleurs. Malheureusement, tant que la médecine ne tiendra compte que de l'élément matériel, elle se privera de toutes les lumières que lui apporterait l'élément spirituel, qui joue un rôle si actif dans un grand nombre d'affections.
Le Spiritisme nous révèle en outre la cause première du sucide, et seul il pouvait le faire. Les tribulations de la vie sont à la fois des expiations pour les fautes passées des existences, et des épreuves pour l'avenir. L'Esprit lui-même les choisit en vue de son avancement ; mais il peut arriver qu'une fois à l'œuvre, il trouve la charge trop lourde et recule devant son accomplissement ; c'est alors qu'il a recours au suicide, ce qui le retarde au lieu de l'avancer. Il arrive encore qu'un Esprit s'est suicidé dans une précédente incarnation, et que, comme expiation, il lui est imposé d'avoir, dans sa nouvelle existence, à lutter contre la tendance au suicide ; s'il sort vainqueur, il avance ; s'il succombe, il lui faudra recommencer une vie peut-être plus pénible encore que la précédente, et il devra lutter ainsi jusqu'à ce qu'il ait triomphé, car toute récompense dans l'autre vie est le fruit d'une victoire, et qui dit victoire, dit lutte. Le Spirite puise donc, dans la certitude qu'il a de cet état de choses, une force de persévérance qu'aucune autre philosophie ne saurait lui donner.
A. K.
Hérédité morale
Un de nos abonnés nous écrit de Wiesbaden :
« Monsieur, j'étudie avec soin le Spiritisme dans tous vos livres, et malgré la clarté qui en découle, deux points importants ne semblent pas assez expliqués aux yeux de certaines personnes, ce sont : 1° les facultés héréditaires ; 2° les rêves.
« Comment concilier, en effet, le système de l'antériorité de l'âme avec l'existence des facultés héréditaires ? Elles existent pourtant, quoique d'une manière non absolue ; chaque jour nous en sommes frappés dans la vie privée, et nous voyons aussi, dans un ordre plus élevé, les talents succéder aux talents, l'intelligence à l'intelligence. Le fils de Racine fut poète ; Alexandre Dumas a pour fils un auteur distingué ; dans l'art dramatique, nous voyons la tradition des talents dans une même famille, et dans l'art de la guerre une race, telle que celle des ducs de Brunswick, par exemple, fournit une série de héros. L'ineptie, le vice, le crime même conservent aussi leur tradition. Eugène Sue cite des familles où plusieurs générations ont successivement passé par le meurtre et la guillotine. La création de l'âme par individu expliquerait encore moins ces difficultés, je le comprends, mais il faut avouer que l'une et l'autre doctrine prêtent le flanc aux coups des matérialistes, qui ne voient dans toute faculté qu'une concentration de forces nerveuses.
« Quant aux rêves, la doctrine spirite ne concilie pas assez le système des pérégrinations de l'âme pendant le sommeil avec l'opinion vulgaire qui en fait simplement le reflet des impressions perçues pendant la veille. Cette dernière opinion pourrait sembler la véritable explication des rêves, tandis que la pérégrination ne serait qu'un cas exceptionnel. (Suivent plusieurs exemples à l'appui.)
« Il est bien entendu, monsieur le président, que je ne prétends faire ici aucune objection en mon nom personnel, mais il me semblerait utile que la Revue spirite s'occupât de ces questions, ne fût-ce que pour donner les moyens de répondre aux incrédules ; quant à moi, je suis croyant et ne cherche que mon instruction. »
La question des rêves sera examinée ultérieurement dans un article spécial ; nous ne nous occuperons aujourd'hui que de celle de l'hérédité morale, que nous laisserons traiter par les Esprits, nous bornant à quelques observations préliminaires.
Quoi que l'on puisse dire à ce sujet, les matérialistes n'en seront pas plus convaincus pour cela, parce que, n'admettant pas le principe, ils ne peuvent en admettre les conséquences ; il faudrait avant tout les rendre spiritualistes ; or, ce n'est pas par cette question qu'il faudrait commencer ; nous ne pouvons donc nous occuper de leurs objections.
Prenant pour point de départ l'existence d'un principe intelligent en dehors de la matière, autrement dit l'existence de l'âme, la question est de savoir si les âmes procèdent des âmes, ou si elles sont indépendantes. Nous croyons avoir déjà démontré, dans notre article sur les Esprits et le blason, publié dans le numéro du mois de mars dernier, les impossibilités qui existent à la création de l'âme par l'âme ; en effet, si l'âme de l'enfant était une partie de celle du père, elle devrait toujours en avoir les qualités et les imperfections, en vertu de l'axiome que la partie est de la même nature que le tout ; or, l'expérience prouve chaque jour le contraire. On cite, il est vrai, des exemples de similitudes morales et intellectuelles qui semblent dues à l'hérédité, d'où il faudrait conclure qu'il y a eu transmission ; mais alors pourquoi cette transmission n'a-t-elle pas toujours lieu ? Pourquoi voit-on journellement des parents essentiellement bons, avoir des enfants instinctivement vicieux, et vice versa ? Puisqu'il est impossible de faire de l'hérédité morale une règle générale, il s'agit d'expliquer, avec le système de l'indépendance réciproque des âmes, la cause des similitudes. Ce pourrait être tout au plus une difficulté, mais qui ne préjugerait rien contre la doctrine de l'antériorité de l'âme et de la pluralité des existences, attendu que cette doctrine est prouvée par cent autres faits concluants et contre lesquels il est impossible d'élever aucune abjection sérieuse. Nous laissons parler les Esprits qui ont bien voulu traiter la question. Voici les deux communications que nous avons obtenues à ce sujet :
(Société spirite de Paris, 23 mai 1862. ‑ Médium, M. d'Ambel.)
Il a déjà été dit bien souvent qu'il ne fallait point échafauder de système sur de simples apparences, et c'est un système de cette nature que celui qui déduit des ressemblances familiales une théorie contraire à celle que vous vous avons donnée de l'existence des âmes antérieure à leur incarnation terrestre. Il est positif que fort souvent celles-ci n'ont jamais eu de relations directes avec les milieux, avec les familles dans lesquelles elles s'incarnent ici-bas. Nous vous avons déjà répété bien souvent que les ressemblances corporelles tiennent à une question matérielle et physiologique tout à fait en dehors de l'action spirituelle, et que pour les aptitudes et les goûts semblables, ils résultent, non de la procréation de l'âme par une âme déjà née, mais de ce que les Esprits similaires s'attirent ; de là des familles de héros ou des races de brigands. Admettez donc en principe que les bons Esprits choisissent de préférence pour leur nouvelle étape terrestre le milieu où le terrain est déjà préparé, la famille d'Esprits avancés où ils sont sûrs de trouver les matériaux nécessaires à leur avancement futur ; admettez également que les Esprits arriérés, encore enclins aux vices et aux appétits de la brute, fuient les groupes élevés, les familles morales, et s'incarnent, au contraire, là où ils espèrent rencontrer les moyens de satisfaire les passions qui les dominent encore. Ainsi donc, en thèse générale, les ressemblances spirituelles viennent de ce que les semblables attirent leurs semblables, tandis que les ressemblances corporelles tiennent à la procréation. Maintenant, il faut ajouter ceci : c'est que bien souvent il naît dans des familles, dignes à tous égards du respect de leurs concitoyens, des individus vicieux et mauvais qui y sont envoyés pour être la pierre de touche de celles-ci ; comme quelquefois encore ils y viennent de leur plein gré, dans l'espérance de sortir de l'ornière où ils se sont traînés jusqu'alors et de se perfectionner sous l'influence de ces milieux vertueux et moraux. Il en est de même des Esprits déjà avancés moralement qui, à l'exemple de cette jeune femme de Saint-Étienne dont il a été question l'année dernière s'incarnent dans des familles obscures, parmi des Esprits arriérés, afin de leur montrer le chemin qui conduit au progrès. Vous n'avez point oublié, j'en suis certain, cet ange aux blanches ailes en qui elle parut transfigurée aux yeux de ceux qui l'avaient aimée sur la terre, quand ceux-ci rentrèrent à leur tour dans le monde des Esprits. (Revue spirite de juin 1861, page 179 : Madame Gourdon).
Éraste.
(Autre ; même séance. ‑ Médium, madame Costel.)
Je viens vous expliquer l'importante question de l'hérédité des vertus et des vices dans la race humaine. Cette transmission fait hésiter ceux qui ne comprennent pas l'immensité du dogme révélé par le Spiritisme. Les mondes intermédiaires sont peuplés d'Esprits attendant l'épreuve de l'incarnation ou s'y préparant de nouveau, selon leur degré d'avancement. Les Esprits, dans ces pépinières de la vie éternelle, sont groupés et divisés en de grandes tribus, les unes en avant, les autres en arrière du progrès, et chacune choisit, parmi les groupes humains, ceux qui correspondent sympathiquement à leurs facultés acquises, lesquelles progressent et ne peuvent rétrograder.
L'Esprit qui s'incarne choisit le père dont l'exemple le fera avancer dans la voie préférée, et il répercute, en les élevant ou en les affaiblissant, les talents de celui qui lui a donné la vie corporelle ; dans les deux cas, la conjonction sympathique existe antérieurement à la naissance, et est développée ensuite dans les rapports de la famille, par l'imitation et l'habitude.
Après l'hérédité familiale, je veux, mes amis, vous révéler l'origine de la discordance qui sépare les individus d'une même race tout à coup illustrée ou déshonorée par un de ses membres demeuré étranger parmi elle. La brute vicieuse qui est incarnée dans un centre élevé, et l'Esprit lumineux qui s'incarne parmi des êtres grossiers, obéissent tous deux à la mystérieuse harmonie qui rapproche les parties divisées d'un tout, et fait concorder l'infiniment petit avec la suprême grandeur. L'Esprit coupable, appuyé sur les vertus acquises de son procréateur terrestre, espère se fortifier par elles, et s'il succombe encore dans l'épreuve, il acquiert par l'exemple la connaissance du bien, et il revient à l'erraticité moins chargé d'ignorance et mieux préparé à soutenir une nouvelle lutte.
Les Esprits avancés entrevoient la gloire de Jésus et brûlent d'épuiser après lui le calice de l'ardente charité ; après lui aussi, ils veulent guider l'humanité vers le but sacré du progrès, et ils naissent dans les bas-fonds sociaux où se débattent, enchaînés l'un à l'autre, l'ignorance et le vice dont ils sont tour à tour les vainqueurs et les martyrs.
Si cette réponse ne satisfait pas tous vos doutes, interrogez-moi, mes amis.
Saint Louis.
Poésie spirite (Société spirite de Bordeaux. Médium, M. Ricard.)
L'Enfant et la Vision.
Petite mère, il est nuit close,
Et je sens le sommeil venir ;
Vite, mets-moi dans mon lit rose,
Ou sur tes bras je vais dormir.
Enfant, à Dieu fais ta prière.
Allons, ma fille, à deux genoux
Prions ensemble pour ton père
Qui est au ciel !… bien loin de nous.
Il est là-haut, n'est-ce pas, mère ?
Tout près de lui Dieu l'a voulu ;
Les méchants seuls ont sa colère,
Mais petit père est son élu !
Que Dieu t'entende !… ô fille chère !
Que ton désir soit écouté !
Demandons-lui pour ton bon père
Repos !… bonheur !… félicité !
Je prie aussi pour toi, ma mère ;
Je dis à Dieu : « Vous, tout-puissant,
« Vous m'avez pris déjà mon père,
« Laissez la mère à son enfant. »
Merci !… merci !… ma Gabrielle.
Si jeune encor ton cœur est bon !
Sur toi, d'en haut, ton père veille :
Je vois son âme sur ton front.
Je voudrais bien, mère chérie,
Puisque mon père nous entend,
Qu'il vînt ici de l'autre vie
Pour embrasser sa chère enfant.
Demande à Dieu qu'un tel prodige
Ait lieu pour nous qui souffrons tant !…
L'âme d'un mort parfois voltige
Autour du lit de son enfant.
Petite mère, il est nuit close,
Et je sens le sommeil venir…
Vite, mets-moi dans mon lit rose !…
Bonsoir, maman !… je vais dormir.
Mais non !… je vois !… C'est bien mon père !
Il est ici… près de mon lit
Approche donc, petite mère !
Il nous regarde et nous sourit…
Tiens, sur mon front je sens sa bouche ;
Sa main caresse mes cheveux !…
Comme toi-même il clôt ma bouche,
Et je le vois monter aux cieux !
Petite mère, il est nuit close,
Et ton enfant ne peut dormir…
C'est que mon père, à ce lit rose,
A bien promis de revenir !
Ton ange gardien.
Double suicide par amour et par devoir - Étude morale
On lit dans l'Opinion nationale du 13 juin :
« Mardi dernier, deux cercueils entraient ensemble dans l'église Bonne-Nouvelle. Ils étaient suivis d'un homme paraissant en proie à une profonde douleur et d'une foule considérable, dont on remarquait le recueillement et la tristesse. Voici un court récit des événements par suite desquels avait lieu la double cérémonie funèbre.
« La demoiselle Palmyre, modiste, demeurant chez ses parents, était douée d'un extérieur charmant auquel se joignait le plus aimable caractère. Aussi était-elle très recherchée en mariage. Parmi les aspirants à sa main, elle avait distingué le sieur B…, qui éprouvait pour elle une vive passion. Quoique l'aimant beaucoup elle-même, elle crut cependant devoir, par respect filial, se rendre aux vœux de ses parents en épousant le sieur D…, dont la position sociale leur semblait plus avantageuse que celle de son rival. Le mariage fut célébré il y a quatre ans.
« Les sieurs B… et D… étaient amis intimes. Quoique n'ayant ensemble aucun rapport d'intérêt, ils ne cessèrent pas de se voir. L'amour mutuel de B… et de Palmyre, devenue la dame D…, ne s'était nullement affaibli, et, comme ils s'efforçaient de le comprimer, il s'augmentait en raison même de la violence qu'on lui faisait. Pour essayer de l'éteindre, B… prit le parti de se marier. Il épousa une jeune femme possédant d'éminentes qualités, et il fit tout son possible pour l'aimer ; mais il ne tarda pas à s'apercevoir que ce moyen héroïque était impuissant à le guérir. Néanmoins, pendant quatre années, ni B… ni la dame D… ne manquèrent à leurs devoirs. Ce qu'ils eurent à souffrir ne saurait s'exprimer, car D…, qui aimait véritablement son ami, l'attirait toujours chez lui et, lorsqu'il voulait fuir, le contraignait à rester.
« Enfin, il y a quelques jours, rapprochés par une circonstance fortuite, les deux amants ne purent résister à la passion qui les entraînait l'un vers l'autre. A peine la faute était-elle commise, qu'ils en éprouvèrent le remords le plus cuisant. La jeune femme se jeta aux pieds de son mari dès qu'il fut rentré et lui dit en sanglotant :
« - Chassez-moi ! tuez-moi ! Je suis maintenant indigne de vous !
« Et, comme il restait muet d'étonnement et de douleur, elle lui raconta ses luttes, ses souffrances, tout ce qu'il lui avait fallu de courage pour ne pas faillir plus tôt ; elle lui fit comprendre que, dominée par un illégitime amour, elle n'avait jamais cessé d'avoir pour lui le respect, l'estime, l'attachement dont il était digne.
« Au lieu de maudire, le mari pleurait. B… arriva au milieu de cette scène et fit une confession semblable. D… les releva tous deux et leur dit :
« ‑ Vous êtes des cœurs loyaux et bons ; la fatalité seule vous a rendus coupables, j'ai lu dans le fond de votre pensée et j'y ai lu la sincérité. Pourquoi vous punirais-je d'un entraînement auquel toutes vos forces morales n'ont pu résister ? La punition est dans le regret que vous éprouvez. Promettez-moi de cesser de vous voir, et vous n'aurez rien perdu de mon estime ni de mon affection.
« Ces deux infortunés amants s'empressèrent de faire le serment qu'on leur demandait. La manière dont leurs aveux avaient été reçus par le sieur D… augmenta leur douleur et leurs remords. Le hasard leur ayant ménagé une entrevue qu'ils n'avaient pas cherchée, ils se firent part de l'état de leur âme et s'accordèrent à penser que la mort était le seul remède aux maux qu'ils éprouvaient. Ils résolurent de se faire mourir ensemble et de mettre à exécution ce projet le lendemain, le sieur D… devant être absent de son domicile une grande partie de la journée.
« Après avoir fait leurs derniers préparatifs, ils écrivirent une longue lettre dans laquelle ils disaient en substance :
« Notre amour est plus fort que toutes nos promesses. Nous pourrions encore, malgré nous, faiblir, succomber ; nous ne conserverons pas une existence coupable. Par notre expiation nous ferons voir que la faute que nous avons commise ne doit pas être attribuée à notre volonté, mais à l'égarement d'une passion dont la violence était au-dessus de nos forces. »
« Cette lettre touchante se terminait par une demande de pardon, et les deux amants imploraient comme une grâce d'être réunis dans le même tombeau.
« Lorsque le sieur D… rentra, un étrange et douloureux spectacle s'offrit à lui. Au milieu de l'épaisse vapeur s'exhalant d'un fourneau portatif rempli de charbon, les deux amants, couchés tout habillés sur le lit, étaient étroitement enlacés. Ils avaient cessé de vivre.
« Le sieur D… a respecté le dernier vœu des deux amants ; il a voulu qu'ils eussent part ensemble aux prières de l'Église et qu'au cimetière ils ne fussent pas séparés. »
M. le curé de Bonne-Nouvelle a cru devoir démentir, par un article inséré dans plusieurs journaux, l'admission des deux corps dans son église, les règles canoniques s'y opposant.
Cette relation ayant été lue, comme sujet d'étude morale, à la Société spirite de Paris, deux Esprits en donnèrent l'appréciation suivante :
« Voilà pourtant l'ouvrage de votre société et de vos mœurs ! mais le progrès s'accomplira ; encore quelque temps et de semblables évènements ne se renouvelleront plus. Il en est de certains individus comme de certaines plantes que l'on met dans une serre ; elle manquent d'air, étouffent et ne peuvent répandre leur parfum. Vos lois et vos mœurs ont assigné des limites à l'expansion de certains sentiments, ce qui fait souvent que deux âmes douées des mêmes facultés, des mêmes instincts sympathiques, se rencontrent dans deux ordres différents, et, ne pouvant s'unir, se brisent dans leur ténacité à vouloir se trouver. De l'amour, qu'en avez-vous fait ? vous l'avez réduit au poids d'un rouleau de métal ; vous l'avez jeté dans une balance ; au lieu d'être roi, il est esclave ; d'un lien sacré vos mœurs ont fait une chaîne de fer dont les maillons écrasent et tuent ceux qui n'étaient point nés pour les river.
« Ah ! si vos sociétés marchaient dans la voie de Dieu, vos cœurs ne se consumeraient point à des flammes passagères, et vos législateurs n'eussent point été forcés de maintenir vos passions par des lois ; mais le temps marche, et la grande heure sonnera où vous pourrez vivre tous de la vraie vie, de la vie du cœur. Lorsque les battements du cœur ne seront plus comprimés par les froids calculs des intérêts matériels, vous ne verrez plus ces affreux suicides qui viennent de temps à autre jeter un démenti à vos préjugés sociaux. »
Saint Augustin (méd., M. Vézy).
« Les deux amants qui se sont suicidés ne peuvent encore vous répondre ; je les vois ; ils sont plongés dans le trouble et effrayés par le souffle de l'éternité. Les conséquences morales de leur faute les châtieront pendant des migrations successives où leurs âmes dépareillées se chercheront sans cesse et souffriront le double supplice du pressentiment et du désir. L'expiation accomplie, ils seront réunis pour toujours dans le sein de l'éternel amour. »
Georges (méd., M. Costel).
Huit jours après, ayant consulté le guide spirituel du médium sur la possibilité de l'évocation de ces deux Esprits, il fut répondu : « Je vous ai dit la dernière fois que dans votre prochaine séance vous pourriez les évoquer ; ils viendront à l'appel de mon médium, mais ils ne se verront pas : une nuit profonde les cache pour longtemps l'un à l'autre.
Saint Augustin (Médium, M. Vézy.)
1. Évocation de la femme. ‑ R. Oui, je me communiquerai, mais avec l'aide de l'Esprit qui est là, qui m'aide et m'impose.
2. Voyez-vous votre amant, avec lequel vous vous êtes suicidée ? ‑ R. Je ne vois rien ; je ne vois pas même les Esprits qui rôdent avec moi dans le séjour où je suis. Quelle nuit ! quelle nuit ! et quel voile épais sur mon visage !
3. Quelle sensation avez-vous éprouvée lorsque vous vous êtes réveillée après votre mort ? ‑ R. Étrange ; j'avais froid et je brûlais ; de la glace courait dans mes veines, et du feu était dans mon front ! Chose étrange, mélange inouï ! de la glace et du feu semblant m'étreindre ! Je pensais que j'allais succomber une seconde fois.
4. Éprouvez-vous une douleur physique ? ‑ R. Toute ma souffrance est là, et là.
5. Que voulez-vous dire par là et là ? ‑ R. Là, dans mon cerveau ; là, dans mon cœur.
Remarque. Il est probable que, si l'on eût pu voir l'Esprit, on l'aurait vu porter la main à son front et à son cœur.
6. Croyez-vous que vous serez toujours dans cette situation ? R. Oh ! toujours, toujours ! j'entends parfois des rires infernaux, des voix épouvantables qui me hurlent ces mots : Toujours ainsi !
7. Eh bien ! nous pouvons vous dire en toute assurance qu'il n'en sera pas toujours ainsi ; en vous repentant, vous obtiendrez votre pardon. ‑ R. Qu'avez-vous dit ? Je n'entends pas.
8. Je vous répète que vos souffrances auront un terme que vous pourrez hâter par votre repentir, et nous vous y aiderons par la prière. ‑ R. Je n'ai entendu qu'un mot et de vagues sons ; ce mot, c'est grâce ! Est-ce de grâce que vous avez-voulu parler ? Oh ! l'adultère et le suicide sont deux crimes trop odieux ! Vous avez parlé de grâce : c'est sans doute à l'âme qui passe à mes côtés, pauvre enfant qui pleure et qui espère.
Remarque. Une dame de la société dit qu'elle vient d'adresser à Dieu une prière pour cette infortunée, et que c'est sans doute ce qui l'a frappée ; qu'elle avait en effet mentalement imploré pour elle la grâce de Dieu.
9. Vous dites que vous êtes dans les ténèbres ; est-ce que vous ne nous voyez pas ? - R. Il m'est permis d'entendre quelques-uns des mots que vous prononcez, mais je ne vois rien qu'un crêpe noir sur lequel se dessine, à de certaines heures, une tête qui pleure.
10. Si vous ne voyez pas votre amant, ne sentez-vous pas sa présence auprès de vous, car il est ici ? ‑ R. Ah ! ne me parlez pas de lui, je dois l'oublier pour l'instant, si je veux que du crêpe s'efface l'image que j'y vois tracée.
11. Quelle est cette image ? ‑ R. Celle d'un homme qui souffre, et dont j'ai tué l'existence morale sur la terre pour longtemps.
Remarque. L'obscurité, ainsi que le démontre l'observation des faits, accompagne très souvent le châtiment des Esprits criminels ; elle succède immédiatement à la mort, et sa durée, très variable selon les circonstances, peut être de quelques mois à quelques siècles. On conçoit aisément l'horreur d'une pareille situation dans laquelle le coupable n'entrevoit que ce qui peut lui rappeler sa faute et augmenter, par le silence, la solitude et l'incertitude où il est plongé, les anxiétés du remords.
En lisant ce récit on est tout d'abord disposé à trouver à ce suicide des circonstances atténuantes, à le regarder même comme un acte héroïque, puisqu'il a été provoqué par le sentiment du devoir. On voit qu'il en a été jugé autrement et que la peine des coupables sera longue et terrible pour s'être réfugiés volontairement dans la mort afin de fuir la lutte ; l'intention de ne pas manquer à leur devoir était honorable sans doute, et il leur en sera tenu compte plus tard, mais le vrai mérite eût consisté à vaincre l'entraînement, tandis qu'ils ont fait comme le déserteur qui s'esquive au moment du danger.
La peine des deux coupables consistera, comme on le voit, à se chercher longtemps sans se rencontrer, soit dans le monde des Esprits, soit dans d'autres incarnations terrestres ; elle est momentanément aggravée par l'idée que leur état présent croit durer toujours ; cette pensée faisant partie du châtiment, il ne leur a pas été permis d'entendre les paroles d'espérance que nous leur avons adressées. A ceux qui trouveraient cette peine bien terrible et bien longue, surtout si elle ne doit cesser qu'après plusieurs incarnations, nous dirons que sa durée n'est pas absolue, et qu'elle dépendra de la manière dont ils supporteront leurs épreuves futures, ce à quoi on peut les aider par la prière ; ils seront, comme tous les Esprits coupables, les arbitres de leur propre destinée. Cela ne vaut-il pas encore mieux que la damnation éternelle, sans espoir, à laquelle ils sont irrévocablement condamnés selon la doctrine de l'Église, qui les regarde tellement comme à jamais voués à l'enfer, qu'elle leur a refusé les dernières prières, sans doute comme inutiles ?
Certains catholiques reprochent au Spiritisme de ne pas admettre l'enfer ; certes non, il n'admet pas l'existence d'un enfer localisé, avec ses flammes, ses fourches et ses tortures corporelles renouvelées du Tartare des païens ; mais la position où il nous montre les Esprits malheureux n'en vaut guère mieux, avec cette différence radicale toutefois que la nature des peines n'a rien d'irrationnel, et que leur durée, au lieu d'être irrémissible, est subordonnée au repentir, à l'expiation et à la réparation, ce qui est à la fois plus logique et plus conforme à la doctrine de la justice et de la bonté de Dieu.
Le Spiritisme eût-il été un remède assez efficace dans le cas dont il s'agit pour prévenir ce suicide ? Cela n'est pas douteux. Il eût donné à ces deux êtres une confiance dans l'avenir qui aurait changé totalement leur manière d'envisager la vie terrestre et, par suite, leur eût donné la force morale qui leur a manqué. En supposant qu'ils aient eu foi en l'avenir, ce que nous ignorons, et que leur but en se tuant fût d'être plus vite réunis, ils auraient su, par tous les exemples analogues, qu'ils arriveraient à un résultat diamétralement opposé et se trouveraient séparés pour beaucoup plus longtemps qu'ils ne l'eussent été ici-bas, Dieu ne permettant pas qu'on soit récompensé pour avoir enfreint ses lois ; donc, certains de ne pas voir réaliser leurs désirs et de se trouver au contraire dans une position cent fois pire, leur propre intérêt les engageait à la patience.
Nous les recommandons aux prières de tous les Spirites, afin de leur donner la force et la résignation qui pourront les soutenir dans leurs nouvelles épreuves, et hâter ainsi le terme de leur châtiment.
« Mardi dernier, deux cercueils entraient ensemble dans l'église Bonne-Nouvelle. Ils étaient suivis d'un homme paraissant en proie à une profonde douleur et d'une foule considérable, dont on remarquait le recueillement et la tristesse. Voici un court récit des événements par suite desquels avait lieu la double cérémonie funèbre.
« La demoiselle Palmyre, modiste, demeurant chez ses parents, était douée d'un extérieur charmant auquel se joignait le plus aimable caractère. Aussi était-elle très recherchée en mariage. Parmi les aspirants à sa main, elle avait distingué le sieur B…, qui éprouvait pour elle une vive passion. Quoique l'aimant beaucoup elle-même, elle crut cependant devoir, par respect filial, se rendre aux vœux de ses parents en épousant le sieur D…, dont la position sociale leur semblait plus avantageuse que celle de son rival. Le mariage fut célébré il y a quatre ans.
« Les sieurs B… et D… étaient amis intimes. Quoique n'ayant ensemble aucun rapport d'intérêt, ils ne cessèrent pas de se voir. L'amour mutuel de B… et de Palmyre, devenue la dame D…, ne s'était nullement affaibli, et, comme ils s'efforçaient de le comprimer, il s'augmentait en raison même de la violence qu'on lui faisait. Pour essayer de l'éteindre, B… prit le parti de se marier. Il épousa une jeune femme possédant d'éminentes qualités, et il fit tout son possible pour l'aimer ; mais il ne tarda pas à s'apercevoir que ce moyen héroïque était impuissant à le guérir. Néanmoins, pendant quatre années, ni B… ni la dame D… ne manquèrent à leurs devoirs. Ce qu'ils eurent à souffrir ne saurait s'exprimer, car D…, qui aimait véritablement son ami, l'attirait toujours chez lui et, lorsqu'il voulait fuir, le contraignait à rester.
« Enfin, il y a quelques jours, rapprochés par une circonstance fortuite, les deux amants ne purent résister à la passion qui les entraînait l'un vers l'autre. A peine la faute était-elle commise, qu'ils en éprouvèrent le remords le plus cuisant. La jeune femme se jeta aux pieds de son mari dès qu'il fut rentré et lui dit en sanglotant :
« - Chassez-moi ! tuez-moi ! Je suis maintenant indigne de vous !
« Et, comme il restait muet d'étonnement et de douleur, elle lui raconta ses luttes, ses souffrances, tout ce qu'il lui avait fallu de courage pour ne pas faillir plus tôt ; elle lui fit comprendre que, dominée par un illégitime amour, elle n'avait jamais cessé d'avoir pour lui le respect, l'estime, l'attachement dont il était digne.
« Au lieu de maudire, le mari pleurait. B… arriva au milieu de cette scène et fit une confession semblable. D… les releva tous deux et leur dit :
« ‑ Vous êtes des cœurs loyaux et bons ; la fatalité seule vous a rendus coupables, j'ai lu dans le fond de votre pensée et j'y ai lu la sincérité. Pourquoi vous punirais-je d'un entraînement auquel toutes vos forces morales n'ont pu résister ? La punition est dans le regret que vous éprouvez. Promettez-moi de cesser de vous voir, et vous n'aurez rien perdu de mon estime ni de mon affection.
« Ces deux infortunés amants s'empressèrent de faire le serment qu'on leur demandait. La manière dont leurs aveux avaient été reçus par le sieur D… augmenta leur douleur et leurs remords. Le hasard leur ayant ménagé une entrevue qu'ils n'avaient pas cherchée, ils se firent part de l'état de leur âme et s'accordèrent à penser que la mort était le seul remède aux maux qu'ils éprouvaient. Ils résolurent de se faire mourir ensemble et de mettre à exécution ce projet le lendemain, le sieur D… devant être absent de son domicile une grande partie de la journée.
« Après avoir fait leurs derniers préparatifs, ils écrivirent une longue lettre dans laquelle ils disaient en substance :
« Notre amour est plus fort que toutes nos promesses. Nous pourrions encore, malgré nous, faiblir, succomber ; nous ne conserverons pas une existence coupable. Par notre expiation nous ferons voir que la faute que nous avons commise ne doit pas être attribuée à notre volonté, mais à l'égarement d'une passion dont la violence était au-dessus de nos forces. »
« Cette lettre touchante se terminait par une demande de pardon, et les deux amants imploraient comme une grâce d'être réunis dans le même tombeau.
« Lorsque le sieur D… rentra, un étrange et douloureux spectacle s'offrit à lui. Au milieu de l'épaisse vapeur s'exhalant d'un fourneau portatif rempli de charbon, les deux amants, couchés tout habillés sur le lit, étaient étroitement enlacés. Ils avaient cessé de vivre.
« Le sieur D… a respecté le dernier vœu des deux amants ; il a voulu qu'ils eussent part ensemble aux prières de l'Église et qu'au cimetière ils ne fussent pas séparés. »
M. le curé de Bonne-Nouvelle a cru devoir démentir, par un article inséré dans plusieurs journaux, l'admission des deux corps dans son église, les règles canoniques s'y opposant.
Cette relation ayant été lue, comme sujet d'étude morale, à la Société spirite de Paris, deux Esprits en donnèrent l'appréciation suivante :
« Voilà pourtant l'ouvrage de votre société et de vos mœurs ! mais le progrès s'accomplira ; encore quelque temps et de semblables évènements ne se renouvelleront plus. Il en est de certains individus comme de certaines plantes que l'on met dans une serre ; elle manquent d'air, étouffent et ne peuvent répandre leur parfum. Vos lois et vos mœurs ont assigné des limites à l'expansion de certains sentiments, ce qui fait souvent que deux âmes douées des mêmes facultés, des mêmes instincts sympathiques, se rencontrent dans deux ordres différents, et, ne pouvant s'unir, se brisent dans leur ténacité à vouloir se trouver. De l'amour, qu'en avez-vous fait ? vous l'avez réduit au poids d'un rouleau de métal ; vous l'avez jeté dans une balance ; au lieu d'être roi, il est esclave ; d'un lien sacré vos mœurs ont fait une chaîne de fer dont les maillons écrasent et tuent ceux qui n'étaient point nés pour les river.
« Ah ! si vos sociétés marchaient dans la voie de Dieu, vos cœurs ne se consumeraient point à des flammes passagères, et vos législateurs n'eussent point été forcés de maintenir vos passions par des lois ; mais le temps marche, et la grande heure sonnera où vous pourrez vivre tous de la vraie vie, de la vie du cœur. Lorsque les battements du cœur ne seront plus comprimés par les froids calculs des intérêts matériels, vous ne verrez plus ces affreux suicides qui viennent de temps à autre jeter un démenti à vos préjugés sociaux. »
Saint Augustin (méd., M. Vézy).
« Les deux amants qui se sont suicidés ne peuvent encore vous répondre ; je les vois ; ils sont plongés dans le trouble et effrayés par le souffle de l'éternité. Les conséquences morales de leur faute les châtieront pendant des migrations successives où leurs âmes dépareillées se chercheront sans cesse et souffriront le double supplice du pressentiment et du désir. L'expiation accomplie, ils seront réunis pour toujours dans le sein de l'éternel amour. »
Georges (méd., M. Costel).
Huit jours après, ayant consulté le guide spirituel du médium sur la possibilité de l'évocation de ces deux Esprits, il fut répondu : « Je vous ai dit la dernière fois que dans votre prochaine séance vous pourriez les évoquer ; ils viendront à l'appel de mon médium, mais ils ne se verront pas : une nuit profonde les cache pour longtemps l'un à l'autre.
Saint Augustin (Médium, M. Vézy.)
1. Évocation de la femme. ‑ R. Oui, je me communiquerai, mais avec l'aide de l'Esprit qui est là, qui m'aide et m'impose.
2. Voyez-vous votre amant, avec lequel vous vous êtes suicidée ? ‑ R. Je ne vois rien ; je ne vois pas même les Esprits qui rôdent avec moi dans le séjour où je suis. Quelle nuit ! quelle nuit ! et quel voile épais sur mon visage !
3. Quelle sensation avez-vous éprouvée lorsque vous vous êtes réveillée après votre mort ? ‑ R. Étrange ; j'avais froid et je brûlais ; de la glace courait dans mes veines, et du feu était dans mon front ! Chose étrange, mélange inouï ! de la glace et du feu semblant m'étreindre ! Je pensais que j'allais succomber une seconde fois.
4. Éprouvez-vous une douleur physique ? ‑ R. Toute ma souffrance est là, et là.
5. Que voulez-vous dire par là et là ? ‑ R. Là, dans mon cerveau ; là, dans mon cœur.
Remarque. Il est probable que, si l'on eût pu voir l'Esprit, on l'aurait vu porter la main à son front et à son cœur.
6. Croyez-vous que vous serez toujours dans cette situation ? R. Oh ! toujours, toujours ! j'entends parfois des rires infernaux, des voix épouvantables qui me hurlent ces mots : Toujours ainsi !
7. Eh bien ! nous pouvons vous dire en toute assurance qu'il n'en sera pas toujours ainsi ; en vous repentant, vous obtiendrez votre pardon. ‑ R. Qu'avez-vous dit ? Je n'entends pas.
8. Je vous répète que vos souffrances auront un terme que vous pourrez hâter par votre repentir, et nous vous y aiderons par la prière. ‑ R. Je n'ai entendu qu'un mot et de vagues sons ; ce mot, c'est grâce ! Est-ce de grâce que vous avez-voulu parler ? Oh ! l'adultère et le suicide sont deux crimes trop odieux ! Vous avez parlé de grâce : c'est sans doute à l'âme qui passe à mes côtés, pauvre enfant qui pleure et qui espère.
Remarque. Une dame de la société dit qu'elle vient d'adresser à Dieu une prière pour cette infortunée, et que c'est sans doute ce qui l'a frappée ; qu'elle avait en effet mentalement imploré pour elle la grâce de Dieu.
9. Vous dites que vous êtes dans les ténèbres ; est-ce que vous ne nous voyez pas ? - R. Il m'est permis d'entendre quelques-uns des mots que vous prononcez, mais je ne vois rien qu'un crêpe noir sur lequel se dessine, à de certaines heures, une tête qui pleure.
10. Si vous ne voyez pas votre amant, ne sentez-vous pas sa présence auprès de vous, car il est ici ? ‑ R. Ah ! ne me parlez pas de lui, je dois l'oublier pour l'instant, si je veux que du crêpe s'efface l'image que j'y vois tracée.
11. Quelle est cette image ? ‑ R. Celle d'un homme qui souffre, et dont j'ai tué l'existence morale sur la terre pour longtemps.
Remarque. L'obscurité, ainsi que le démontre l'observation des faits, accompagne très souvent le châtiment des Esprits criminels ; elle succède immédiatement à la mort, et sa durée, très variable selon les circonstances, peut être de quelques mois à quelques siècles. On conçoit aisément l'horreur d'une pareille situation dans laquelle le coupable n'entrevoit que ce qui peut lui rappeler sa faute et augmenter, par le silence, la solitude et l'incertitude où il est plongé, les anxiétés du remords.
En lisant ce récit on est tout d'abord disposé à trouver à ce suicide des circonstances atténuantes, à le regarder même comme un acte héroïque, puisqu'il a été provoqué par le sentiment du devoir. On voit qu'il en a été jugé autrement et que la peine des coupables sera longue et terrible pour s'être réfugiés volontairement dans la mort afin de fuir la lutte ; l'intention de ne pas manquer à leur devoir était honorable sans doute, et il leur en sera tenu compte plus tard, mais le vrai mérite eût consisté à vaincre l'entraînement, tandis qu'ils ont fait comme le déserteur qui s'esquive au moment du danger.
La peine des deux coupables consistera, comme on le voit, à se chercher longtemps sans se rencontrer, soit dans le monde des Esprits, soit dans d'autres incarnations terrestres ; elle est momentanément aggravée par l'idée que leur état présent croit durer toujours ; cette pensée faisant partie du châtiment, il ne leur a pas été permis d'entendre les paroles d'espérance que nous leur avons adressées. A ceux qui trouveraient cette peine bien terrible et bien longue, surtout si elle ne doit cesser qu'après plusieurs incarnations, nous dirons que sa durée n'est pas absolue, et qu'elle dépendra de la manière dont ils supporteront leurs épreuves futures, ce à quoi on peut les aider par la prière ; ils seront, comme tous les Esprits coupables, les arbitres de leur propre destinée. Cela ne vaut-il pas encore mieux que la damnation éternelle, sans espoir, à laquelle ils sont irrévocablement condamnés selon la doctrine de l'Église, qui les regarde tellement comme à jamais voués à l'enfer, qu'elle leur a refusé les dernières prières, sans doute comme inutiles ?
Certains catholiques reprochent au Spiritisme de ne pas admettre l'enfer ; certes non, il n'admet pas l'existence d'un enfer localisé, avec ses flammes, ses fourches et ses tortures corporelles renouvelées du Tartare des païens ; mais la position où il nous montre les Esprits malheureux n'en vaut guère mieux, avec cette différence radicale toutefois que la nature des peines n'a rien d'irrationnel, et que leur durée, au lieu d'être irrémissible, est subordonnée au repentir, à l'expiation et à la réparation, ce qui est à la fois plus logique et plus conforme à la doctrine de la justice et de la bonté de Dieu.
Le Spiritisme eût-il été un remède assez efficace dans le cas dont il s'agit pour prévenir ce suicide ? Cela n'est pas douteux. Il eût donné à ces deux êtres une confiance dans l'avenir qui aurait changé totalement leur manière d'envisager la vie terrestre et, par suite, leur eût donné la force morale qui leur a manqué. En supposant qu'ils aient eu foi en l'avenir, ce que nous ignorons, et que leur but en se tuant fût d'être plus vite réunis, ils auraient su, par tous les exemples analogues, qu'ils arriveraient à un résultat diamétralement opposé et se trouveraient séparés pour beaucoup plus longtemps qu'ils ne l'eussent été ici-bas, Dieu ne permettant pas qu'on soit récompensé pour avoir enfreint ses lois ; donc, certains de ne pas voir réaliser leurs désirs et de se trouver au contraire dans une position cent fois pire, leur propre intérêt les engageait à la patience.
Nous les recommandons aux prières de tous les Spirites, afin de leur donner la force et la résignation qui pourront les soutenir dans leurs nouvelles épreuves, et hâter ainsi le terme de leur châtiment.
Enseignements et dissertations spirites
Union sympathique des âmes(Bordeaux, 15 février 1862. ‑ Médium, madame H…)
D. ‑ Tu m'as dit déjà plusieurs fois que nous nous réunirions pour ne
plus nous séparer. Comment cela pourra-t-il se faire ? Est-ce que les
réincarnations, même celles qui succèdent à celles de la terre, ne
séparent pas toujours pour un temps plus ou moins long ?
R. ‑ Je te l'ai dit : Dieu permet à ceux qui s'aiment sincèrement, et ont su souffrir avec résignation pour expier leurs fautes, de se réunir d'abord dans le monde des Esprits, où ils progressent ensemble, pour obtenir d'être réincarnés dans les mondes supérieurs. Ils peuvent donc, s'ils le demandent avec ferveur, quitter les mondes spirites à la même époque, se réincarner dans les mêmes lieux, et, par un enchaînement de circonstances prévues à l'avance, se réunir par les liens qui conviendront le mieux à leur cœur.
Les uns auront demandé à être père ou mère d'un Esprit qui leur était sympathique, et qu'ils seront heureux de diriger dans la bonne voie en l'entourant des doux soins de la famille et de l'amitié. Les autres auront demandé la grâce d'être unis par le mariage et de voir s'écouler de nombreuses années de félicité et d'amour. Je parle du mariage entendu dans le sens de la réunion intime de deux êtres qui ne veulent plus se séparer ; mais le mariage, tel qu'il est compris sur votre terre, n'est pas connu dans les mondes supérieurs. Dans ces lieux de bonheur, de liberté et de joie, les liens sont de fleurs et d'amour ; et ne va pas croire qu'ils soient moins durables pour cela. Les cœurs seuls parlent et guident dans ces unions si douces. Unions libres et heureuses, mariages d'âme à âme devant Dieu, voilà la loi d'amour des mondes supérieurs ! Et les êtres privilégiés de ces contrées bénies, se croyant plus fortement liés par de semblables sentiments que ne le sont les hommes de la terre, qui foulent si souvent aux pieds les plus sacrés engagements, n'offrent pas le navrant spectacle d'unions troublées sans cesse par l'influence des vices, des passions mauvaises, de l'inconstance, de la jalousie, de l'injustice, de l'aversion, de tous ces horribles penchants qui conduisent au mal, au parjure et à la violation des serments les plus solennels. Eh bien ! ces mariages bénis par Dieu, ces unions si douces, sont la récompense de ceux qui, s'étant aimés profondément dans la souffrance, demandent au Seigneur juste et bon de continuer dans les mondes supérieurs à s'aimer encore, mais sans craindre une prochaine et affreuse séparation.
Et qu'y a-t-il là qui ne soit facile à comprendre et à admettre ? Dieu qui aime tous ses enfants, n'a-t-il pas dû créer, pour ceux qui s'en étaient rendus dignes, un bonheur aussi parfait que les épreuves avaient été cruelles ? Que pouvait-il accorder qui fût plus conforme au désir sincère de tout cœur aimant ? Y a-t-il, de toutes les récompenses promises aux hommes, quelque chose de semblable à cette pensée, à cet espoir, je pourrais dire à cette certitude : être réuni pour l'éternité aux êtres adorés ?
Crois-moi, fille chérie, nos secrètes aspirations, ce besoin mystérieux mais irrésistible d'aimer, d'aimer longtemps, d'aimer toujours, n'ont été placés par Dieu dans nos cœurs que parce que la promesse de l'avenir nous permettait ces douces espérances. Dieu ne nous fera pas éprouver les douleurs de la déception. Nos cœurs veulent le bonheur, ils ne battent que pour les affections pures ; la récompense ne pouvait être que l'accomplissement parfait de nos rêves d'amour. De même que, pauvres Esprits souffrants destinés à l'épreuve, il nous a fallu demander et choisir même quelquefois l'expiation la plus cruelle, de même Esprits heureux, régénérés, nous choisissons encore, avec la nouvelle vie destinée à nous épurer davantage, la somme de bonheur dévolue à l'Esprit avancé. Voici, fille bien-aimée, un aperçu bien succinct des félicités futures. Nous aurons souvent l'occasion de revenir sur cet agréable sujet. Tu dois comprendre si la perspective de cet avenir me rend heureux, et s'il m'est doux de te confier mes espérances !
D. ‑ Se reconnaît-on dans ces nouvelles et heureuses existences ?
R. ‑ Si l'on ne s'y reconnaissait pas, le bonheur serait-il bien complet ? Ce pourrait être le bonheur, sans doute, puisque dans ces mondes privilégiés tous les êtres sont destinés à être heureux ; mais serait-ce bien la perfection du bonheur pour ceux qui, séparés brusquement à la plus belle époque de la vie, demandent à Dieu d'être réunis dans son sein ? Serait-ce la réalisation de nos rêves et de nos espérances ? Non, tu le penses comme moi. Si un voile était jeté sur le passé, il n'y aurait pas le suprême bonheur, l'ineffable joie de se revoir après les tristesses de l'absence et de la séparation ; il n'y aurait pas, ou du moins on l'ignorerait, cette ancienneté d'affection qui resserre davantage les liens. De même que sur votre terre deux amis d'enfance aiment à se retrouver dans le monde, dans la société, et se recherchent bien plus que si leurs relations ne dataient que de quelques jours, de même les Esprits qui ont mérité la faveur inappréciable de se rejoindre dans les mondes supérieurs sont doublement heureux et reconnaissants envers Dieu de cette nouvelle rencontre qui répond à leurs vœux les plus chers.
Les mondes placés au-dessus de la terre, dans les degrés de la perfection, sont comblés de toutes les faveurs qui peuvent contribuer à la félicité parfaite des êtres qui les habitent ; le passé ne leur est pas caché, car le souvenir de leurs anciennes souffrances, de leurs erreurs rachetées au prix de bien des maux, et celui plus vif encore de leurs sincères affections, leur font trouver mille fois plus douce cette nouvelle vie, et les garantissent des fautes auxquelles ils pourraient, peut-être, par un reste de faiblesse, se laisser aller quelquefois. Ces mondes sont pour l'homme le paradis terrestre destiné à le conduire au paradis divin.
Remarque. ‑ On se méprendrait étrangement sur le sens de cette communication si l'on y voyait la critique des lois qui régissent le mariage et la sanction des unions éphémères extra-officielles. En fait de lois, les seules qui soient immuables sont les lois divines ; mais les lois humaines, devant être appropriées aux mœurs, aux usages, aux climats, au degré de civilisation, sont essentiellement mobiles, et il serait très fâcheux qu'il en fût autrement, et que les peuples du dix-neuvième siècle fussent enchaînés à la même règle qui régissait nos pères ; donc si les lois ont changé de nos pères à nous, comme nous ne sommes pas arrivés à la perfection, elles devront changer de nous à nos descendants. Toute loi, au moment où elle est faite, a sa raison d'être et son utilité, mais il se peut que, bonne aujourd'hui, elle ne le soit plus demain. Dans l'état de nos mœurs, de nos exigences sociales, le mariage a besoin d'être réglementé par la loi, et la preuve que cette loi n'est pas absolue, c'est qu'elle n'est pas la même dans tous les pays civilisés. Il est donc permis de penser que, dans les mondes supérieurs, où il n'y a pas les mêmes intérêts matériels à sauvegarder, où le mal n'existe pas, c'est-à-dire d'où les mauvais Esprits incarnés sont exclus, où, par conséquent, les unions sont le résultat de la sympathie et non d'un calcul, les conditions doivent être différentes ; mais ce qui est bon chez eux pourrait être très mauvais chez nous.
Il faut en outre considérer que les Esprits se dématérialisent à mesure qu'ils s'élèvent et s'épurent ; ce n'est que dans les rangs inférieurs que l'incarnation est matérielle ; pour les Esprits supérieurs il n'y a plus d'incarnation matérielle, et par conséquent plus de procréation, car la procréation est pour le corps et non pour l'Esprit. Une affection pure est donc le seul but de leur union, et pour cela, pas plus que pour l'amitié sur la terre, il n'est besoin de la sanction des officiers ministériels.
R. ‑ Je te l'ai dit : Dieu permet à ceux qui s'aiment sincèrement, et ont su souffrir avec résignation pour expier leurs fautes, de se réunir d'abord dans le monde des Esprits, où ils progressent ensemble, pour obtenir d'être réincarnés dans les mondes supérieurs. Ils peuvent donc, s'ils le demandent avec ferveur, quitter les mondes spirites à la même époque, se réincarner dans les mêmes lieux, et, par un enchaînement de circonstances prévues à l'avance, se réunir par les liens qui conviendront le mieux à leur cœur.
Les uns auront demandé à être père ou mère d'un Esprit qui leur était sympathique, et qu'ils seront heureux de diriger dans la bonne voie en l'entourant des doux soins de la famille et de l'amitié. Les autres auront demandé la grâce d'être unis par le mariage et de voir s'écouler de nombreuses années de félicité et d'amour. Je parle du mariage entendu dans le sens de la réunion intime de deux êtres qui ne veulent plus se séparer ; mais le mariage, tel qu'il est compris sur votre terre, n'est pas connu dans les mondes supérieurs. Dans ces lieux de bonheur, de liberté et de joie, les liens sont de fleurs et d'amour ; et ne va pas croire qu'ils soient moins durables pour cela. Les cœurs seuls parlent et guident dans ces unions si douces. Unions libres et heureuses, mariages d'âme à âme devant Dieu, voilà la loi d'amour des mondes supérieurs ! Et les êtres privilégiés de ces contrées bénies, se croyant plus fortement liés par de semblables sentiments que ne le sont les hommes de la terre, qui foulent si souvent aux pieds les plus sacrés engagements, n'offrent pas le navrant spectacle d'unions troublées sans cesse par l'influence des vices, des passions mauvaises, de l'inconstance, de la jalousie, de l'injustice, de l'aversion, de tous ces horribles penchants qui conduisent au mal, au parjure et à la violation des serments les plus solennels. Eh bien ! ces mariages bénis par Dieu, ces unions si douces, sont la récompense de ceux qui, s'étant aimés profondément dans la souffrance, demandent au Seigneur juste et bon de continuer dans les mondes supérieurs à s'aimer encore, mais sans craindre une prochaine et affreuse séparation.
Et qu'y a-t-il là qui ne soit facile à comprendre et à admettre ? Dieu qui aime tous ses enfants, n'a-t-il pas dû créer, pour ceux qui s'en étaient rendus dignes, un bonheur aussi parfait que les épreuves avaient été cruelles ? Que pouvait-il accorder qui fût plus conforme au désir sincère de tout cœur aimant ? Y a-t-il, de toutes les récompenses promises aux hommes, quelque chose de semblable à cette pensée, à cet espoir, je pourrais dire à cette certitude : être réuni pour l'éternité aux êtres adorés ?
Crois-moi, fille chérie, nos secrètes aspirations, ce besoin mystérieux mais irrésistible d'aimer, d'aimer longtemps, d'aimer toujours, n'ont été placés par Dieu dans nos cœurs que parce que la promesse de l'avenir nous permettait ces douces espérances. Dieu ne nous fera pas éprouver les douleurs de la déception. Nos cœurs veulent le bonheur, ils ne battent que pour les affections pures ; la récompense ne pouvait être que l'accomplissement parfait de nos rêves d'amour. De même que, pauvres Esprits souffrants destinés à l'épreuve, il nous a fallu demander et choisir même quelquefois l'expiation la plus cruelle, de même Esprits heureux, régénérés, nous choisissons encore, avec la nouvelle vie destinée à nous épurer davantage, la somme de bonheur dévolue à l'Esprit avancé. Voici, fille bien-aimée, un aperçu bien succinct des félicités futures. Nous aurons souvent l'occasion de revenir sur cet agréable sujet. Tu dois comprendre si la perspective de cet avenir me rend heureux, et s'il m'est doux de te confier mes espérances !
D. ‑ Se reconnaît-on dans ces nouvelles et heureuses existences ?
R. ‑ Si l'on ne s'y reconnaissait pas, le bonheur serait-il bien complet ? Ce pourrait être le bonheur, sans doute, puisque dans ces mondes privilégiés tous les êtres sont destinés à être heureux ; mais serait-ce bien la perfection du bonheur pour ceux qui, séparés brusquement à la plus belle époque de la vie, demandent à Dieu d'être réunis dans son sein ? Serait-ce la réalisation de nos rêves et de nos espérances ? Non, tu le penses comme moi. Si un voile était jeté sur le passé, il n'y aurait pas le suprême bonheur, l'ineffable joie de se revoir après les tristesses de l'absence et de la séparation ; il n'y aurait pas, ou du moins on l'ignorerait, cette ancienneté d'affection qui resserre davantage les liens. De même que sur votre terre deux amis d'enfance aiment à se retrouver dans le monde, dans la société, et se recherchent bien plus que si leurs relations ne dataient que de quelques jours, de même les Esprits qui ont mérité la faveur inappréciable de se rejoindre dans les mondes supérieurs sont doublement heureux et reconnaissants envers Dieu de cette nouvelle rencontre qui répond à leurs vœux les plus chers.
Les mondes placés au-dessus de la terre, dans les degrés de la perfection, sont comblés de toutes les faveurs qui peuvent contribuer à la félicité parfaite des êtres qui les habitent ; le passé ne leur est pas caché, car le souvenir de leurs anciennes souffrances, de leurs erreurs rachetées au prix de bien des maux, et celui plus vif encore de leurs sincères affections, leur font trouver mille fois plus douce cette nouvelle vie, et les garantissent des fautes auxquelles ils pourraient, peut-être, par un reste de faiblesse, se laisser aller quelquefois. Ces mondes sont pour l'homme le paradis terrestre destiné à le conduire au paradis divin.
Remarque. ‑ On se méprendrait étrangement sur le sens de cette communication si l'on y voyait la critique des lois qui régissent le mariage et la sanction des unions éphémères extra-officielles. En fait de lois, les seules qui soient immuables sont les lois divines ; mais les lois humaines, devant être appropriées aux mœurs, aux usages, aux climats, au degré de civilisation, sont essentiellement mobiles, et il serait très fâcheux qu'il en fût autrement, et que les peuples du dix-neuvième siècle fussent enchaînés à la même règle qui régissait nos pères ; donc si les lois ont changé de nos pères à nous, comme nous ne sommes pas arrivés à la perfection, elles devront changer de nous à nos descendants. Toute loi, au moment où elle est faite, a sa raison d'être et son utilité, mais il se peut que, bonne aujourd'hui, elle ne le soit plus demain. Dans l'état de nos mœurs, de nos exigences sociales, le mariage a besoin d'être réglementé par la loi, et la preuve que cette loi n'est pas absolue, c'est qu'elle n'est pas la même dans tous les pays civilisés. Il est donc permis de penser que, dans les mondes supérieurs, où il n'y a pas les mêmes intérêts matériels à sauvegarder, où le mal n'existe pas, c'est-à-dire d'où les mauvais Esprits incarnés sont exclus, où, par conséquent, les unions sont le résultat de la sympathie et non d'un calcul, les conditions doivent être différentes ; mais ce qui est bon chez eux pourrait être très mauvais chez nous.
Il faut en outre considérer que les Esprits se dématérialisent à mesure qu'ils s'élèvent et s'épurent ; ce n'est que dans les rangs inférieurs que l'incarnation est matérielle ; pour les Esprits supérieurs il n'y a plus d'incarnation matérielle, et par conséquent plus de procréation, car la procréation est pour le corps et non pour l'Esprit. Une affection pure est donc le seul but de leur union, et pour cela, pas plus que pour l'amitié sur la terre, il n'est besoin de la sanction des officiers ministériels.
Une tuile
(Société spirite de Paris. ‑ Médium, madame C.)
Un homme passe dans la rue, une tuile tombe à ses pieds, et il dit : «
Quelle chance ! un pas de plus et j'étais tué. » C'est généralement le
seul remerciement qu'il adresse à Dieu. Cependant ce même homme, à peu
de temps de là, tombe malade et meurt dans son lit. Pourquoi donc a-t-il
été préservé de la tuile pour mourir quelques jours après comme tout le
monde ? C'est le hasard, dira l'incrédule, comme lui-même a dit :
Quelle chance ! A quoi donc lui a servi d'échapper au premier accident
puisqu'il a succombé au second ? dans tous les cas, si la chance l'a
favorisé, sa faveur n'a pas été de longue durée.
A cette question, le Spirite répond : A chaque instant vous échappez à des accidents qui vous mettent, comme on dit, à deux doigts de la mort ; n'y voyez-vous donc pas un avertissement du ciel pour vous prouver que votre vie tient à un fil, que vous n'êtes jamais sûr aujourd'hui de vivre demain ; et qu'ainsi vous devez toujours être prêts à partir. Mais, que faites-vous quand vous devez entreprendre un long voyage ? vous faites vos dispositions, vous arrangez vos affaires, vous vous munissez de provisions et des choses nécessaires pour la route ; vous vous débarrassez de tout ce qui pourrait vous gêner et retarder votre marche ; si vous connaissez le pays où vous allez, et si vous y avez des amis et des connaissances, vous partez sans crainte, certain d'y être bien reçu ; dans le cas contraire, vous étudiez la carte de la contrée et vous vous procurez des lettres de recommandation. Supposez que vous soyez obligés d'entreprendre ce voyage du jour au lendemain, vous n'aurez pas le temps de faire vos préparatifs, tandis que, si vous êtes prévenu longtemps à l'avance, vous aurez tout disposés pour votre utilité et votre agrément.
Eh bien ! tous les jours vous êtes exposés à entreprendre le plus grand, le plus important des voyages, celui que vous devez faire inévitablement, et cependant vous n'y songez pas plus que si vous deviez rester à perpétuité sur la terre ! Dieu, dans sa bonté, a pourtant soin de vous en avertir par les nombreux accidents auxquels vous échappez, et vous n'avez pour lui que cette parole : Quelle chance !
Spirites ! vous savez quels sont les préparatifs que vous devez faire pour ce grand voyage qui a pour vous des conséquences bien autrement importantes que tous ceux que vous entreprenez ici-bas, car, de la manière dont il s'accomplira, dépend votre bonheur futur. La carte qui doit vous faire connaître le pays où vous allez entrer, c'est l'initiation aux mystères de la vie future ; par là, ce pays ne sera pas nouveau pour vous ; vos provisions sont les bonnes actions que vous aurez accomplies et qui vous serviront de passeport et de lettres de recommandation. Quant aux amis que vous y trouverez, vous les connaissez. Ce dont vous devez vous débarrasser, ce sont les mauvais sentiments, car malheur à celui que la mort surprendrait la haine dans le cœur : il serait comme une personne qui tomberait à l'eau avec une pierre au cou, qui l'entraînerait dans le gouffre ; les affaires que vous devez mettre en ordre, c'est le pardon à accorder à ceux qui vous ont offensés ; ce sont les torts ; que vous avez pu avoir envers votre prochain et qu'il faut vous hâter de réparer, afin d'en emporter vous-mêmes le pardon, car les torts sont les dettes dont le pardon est la quittance. Hâtez-vous donc, car l'heure du départ peut sonner d'un moment à l'autre et ne point vous laisser le temps de la réflexion.
Je vous dis en vérité, la tuile qui tombe à vos pieds est le signal qui vous avertit d'être toujours prêts à partir au premier appel, afin que vous ne soyez pas pris au dépourvu.
L'Esprit de Vérité.
A cette question, le Spirite répond : A chaque instant vous échappez à des accidents qui vous mettent, comme on dit, à deux doigts de la mort ; n'y voyez-vous donc pas un avertissement du ciel pour vous prouver que votre vie tient à un fil, que vous n'êtes jamais sûr aujourd'hui de vivre demain ; et qu'ainsi vous devez toujours être prêts à partir. Mais, que faites-vous quand vous devez entreprendre un long voyage ? vous faites vos dispositions, vous arrangez vos affaires, vous vous munissez de provisions et des choses nécessaires pour la route ; vous vous débarrassez de tout ce qui pourrait vous gêner et retarder votre marche ; si vous connaissez le pays où vous allez, et si vous y avez des amis et des connaissances, vous partez sans crainte, certain d'y être bien reçu ; dans le cas contraire, vous étudiez la carte de la contrée et vous vous procurez des lettres de recommandation. Supposez que vous soyez obligés d'entreprendre ce voyage du jour au lendemain, vous n'aurez pas le temps de faire vos préparatifs, tandis que, si vous êtes prévenu longtemps à l'avance, vous aurez tout disposés pour votre utilité et votre agrément.
Eh bien ! tous les jours vous êtes exposés à entreprendre le plus grand, le plus important des voyages, celui que vous devez faire inévitablement, et cependant vous n'y songez pas plus que si vous deviez rester à perpétuité sur la terre ! Dieu, dans sa bonté, a pourtant soin de vous en avertir par les nombreux accidents auxquels vous échappez, et vous n'avez pour lui que cette parole : Quelle chance !
Spirites ! vous savez quels sont les préparatifs que vous devez faire pour ce grand voyage qui a pour vous des conséquences bien autrement importantes que tous ceux que vous entreprenez ici-bas, car, de la manière dont il s'accomplira, dépend votre bonheur futur. La carte qui doit vous faire connaître le pays où vous allez entrer, c'est l'initiation aux mystères de la vie future ; par là, ce pays ne sera pas nouveau pour vous ; vos provisions sont les bonnes actions que vous aurez accomplies et qui vous serviront de passeport et de lettres de recommandation. Quant aux amis que vous y trouverez, vous les connaissez. Ce dont vous devez vous débarrasser, ce sont les mauvais sentiments, car malheur à celui que la mort surprendrait la haine dans le cœur : il serait comme une personne qui tomberait à l'eau avec une pierre au cou, qui l'entraînerait dans le gouffre ; les affaires que vous devez mettre en ordre, c'est le pardon à accorder à ceux qui vous ont offensés ; ce sont les torts ; que vous avez pu avoir envers votre prochain et qu'il faut vous hâter de réparer, afin d'en emporter vous-mêmes le pardon, car les torts sont les dettes dont le pardon est la quittance. Hâtez-vous donc, car l'heure du départ peut sonner d'un moment à l'autre et ne point vous laisser le temps de la réflexion.
Je vous dis en vérité, la tuile qui tombe à vos pieds est le signal qui vous avertit d'être toujours prêts à partir au premier appel, afin que vous ne soyez pas pris au dépourvu.
L'Esprit de Vérité.
César, Clovis et Charlemagne
(Société Spirite de Paris, 24 janvier 1862 ; sujet proposé. – Médium M. A. Didier.)
Cette question n'est pas seulement une question matérielle, mais bien aussi très spiritualiste. Avant d'aborder le point principal, il en est un dont nous parlerons en premier lieu Qu'est-ce que la guerre ? La guerre, répondrons-nous d'abord, est permise par Dieu, puisqu'elle existe, qu'elle a toujours existé et qu'elle existera toujours. On a tort, dans l'éducation de l'intelligence, de ne voir dans César qu'un conquérant, dans Clovis que l'homme barbare, dans Charlemagne qu'un despote dont le rêve insensé voulait fonder un empire immense. Eh ! mon Dieu ! comme on le dit généralement, les conquérants sont eux-mêmes les jouets de Dieu. Comme leur audace, leur génie les à fait parvenir au premier rang, ils ont vu autour d'eux non seulement des hommes armés, mais des idées, des progrès, des civilisations qu'il fallait lancer chez les autres nations ; ils sont partis, comme César, pour porter Rome dans Lutèce ; comme Clovis, pour porter les germes d'une solidarité monarchique ; comme Charlemagne, pour faire rayonner le flambeau du christianisme chez des peuples aveugles, chez des nations déjà corrompues par les hérésies des premiers âges de l'Église. Or, voici ce qui est arrivé : César, le plus égoïste de ces trois grands génies, fait servir la tactique militaire, la discipline, la loi, en un mot, pour les importer dans les Gaules ; à la suite de ses armées, l'idée immortelle suivait, et les peuplades vaincues et indomptables subissaient le joug de Rome, il est vrai, mais devenaient provinces romaines. L'orgueilleuse Marseille aurait-elle existé sans Rome ? Lugdunum et tant d'autres villes célèbres dans les annales devinrent des centres immenses, foyers de lumière pour les sciences, les lettres et les arts. César est donc un grand propagateur, un de ces hommes universels qui se servent de l'homme pour civiliser l'homme, un de ces hommes qui sacrifient les hommes au profit de l'idée.
Le rêve de Clovis fut d'établir une monarchie, des bases, une règle pour son peuple ; mais comme la grâce du christianisme ne l'éclairait pas encore, il fut propagateur barbare. Nous devons l'envisager dans sa conversion : Imagination active, fiévreuse, belliqueuse, il vit dans sa victoire sur les Visigoths un gage de la protection de Dieu ; et, sûr désormais d'être toujours avec lui, il se fit baptiser. Voilà, donc le baptême qui se propage dans les Gaules, et le christianisme qui se répand de plus en plus. C'est le moment de dire, avec Corneille, Rome n'était plus Rome. Les barbares envahissaient le monde romain.
Après le saccagement de toutes les civilisations ébauchées par les Romains, voilà qu'un homme rêve de répandre sur le monde, non plus les mystères et le prestige du Capitole, mais les formidables croyances d'Aix-la-Chapelle ; voilà un homme qui est ou se croit avec Dieu. Un culte odieux, rival du christianisme, occupe encore les barbares ; Charlemagne fond sur ces peuples, et Witikind, après des luttes et des victoires balancées, se soumet enfin humblement et reçoit le baptême.
Certes, voilà un immense tableau que celui où se déroulent tant de faits, tant de coups de la Providence, tant de chutes et tant de victoires ; mais quelle en est la conclusion ? L'idée, s'universalisant, se propageant de plus en plus, ne s'arrêtant ni aux démembrements des familles, ni aux découragements des peuples, et ayant pour but partout l'implantation de la croix du Christ sur tous les points de la terre, n'est-ce pas là un fait spiritualiste immense ? Il faut donc regarder ces trois hommes comme de grands propagateurs qui, par ambition ou par croyance, ont avancé la lumière dans l'Occident, quand l'Orient succombait dans son enivrante paresse et dans son inactivité. Or, la terre n'est pas un monde où le progrès se fasse vite, et par les voies de la persuasion et de la mansuétude ; ne vous étonnez donc pas qu'il faille souvent prendre l'épée au lieu de la croix.
Lamennais.
Demande. ‑ Vous avez dit que la guerre existera toujours ; cependant il semble que le progrès moral, en en détruisant les causes, les fera cesser.
Réponse. ‑ Elle existera toujours, en ce sens qu'il y aura toujours des luttes ; mais les luttes changeront de forme. Le Spiritisme, il est vrai, doit répandre sur le monde la paix et la fraternité ; mais, vous le savez, si le bien triomphe, il y aura néanmoins toujours lutte. Le Spiritisme fera évidemment et de mieux en mieux comprendre la nécessité de la paix ; mais le mal veille toujours ; il faudra longtemps encore, sur la terre, combattre pour le bien ; seulement ces luttes deviendront de plus en plus rares.
(Même sujet. ‑ Médium, M. Leymar.)
L'influence des hommes de génie sur l'avenir des peuples est incontestable ; ils sont entre les mains de la Providence des instruments pour hâter les grandes réformes qui, sans eux, n'arriveraient qu'à la suite des temps ; ce sont eux qui sèment les germes des idées nouvelles ; et le plus souvent ils reviennent quelques siècles plus tard sous d'autres noms continuer ou compléter l'œuvre commencée par eux.
César, cette grande figure de l'antiquité, nous représente le génie de la guerre, la loi organisée. Les passions poussées par lui à l'extrême, la société romaine en est profondément ébranlée ; elle change de face, et dans son évolution tout se transforme autour d'elle. Les peuples sentent changer leur ancienne constitution ; une loi implacable, celle de la force, unit ce qui devait ne pas se séparer selon l'époque où César vivait. Sous sa main triomphante les Gaules se transforment, et après dix ans de combats constituent une puissante unité. Mais de cette époque date la décadence romaine. Poussée à l'excès, cette puissance qui faisait trembler le monde commettait les fautes de la puissance extrême. Tout ce qui grandit en dehors des proportions assignées par Dieu doit tomber de même. Ce grand empire fut envahi par une nuée peuples sortis de contrées inconnues alors ; la renommée avait apporté avec les armes de César les idées nouvelles dans les pays du Nord, qui fondirent sur lui comme sur un torrent. Voyez-les, ces tribus barbares, se lancer avec rapacité sur ces provinces où le soleil était meilleur, le vin si doux, les femmes si belles ; elles traversent les Gaules, les Alpes, les Pyrénées pour aller fonder partout de puissantes colonies, et désagréger ce grand corps appelé empire romain. Le génie seul de César avait suffi pour porter sa nation au faîte de la puissance ; de lui date l'époque de rénovation où tous les peuples se confondent, se ruant les uns sur les autres pour chercher d'autres cohésions, d'autres éléments ; et pendant plusieurs siècles quelle haine entre ces peuplades ! quels combats ! que de crimes ! que de sang !Barbaret.
Clovis devait, sous sa main barbare, être le point de départ d'une ère nouvelle pour les peuples. Il obéissait à la coutume, et pour former une nation, il ne reculait devant aucun moyen. Il la formait avec le poignard et l'astuce ; il créait un nouvel élément en adoptant le baptême, en initiant ses rudes soldats aux croyances nouvelles ; et cependant, après lui, tout allait à la dérive, malgré l'idée, malgré le christianisme. Il fallait Charles Martel, Pépin, puis Charlemagne.
Saluons cette figure puissante, cette énergique nature qui sait, nouveau César, réunir en un faisceau tous ces peuples dispersés, changer les idées et donner une forme à ce chaos. Charlemagne, c'est la grandeur dans la guerre, dans la loi, dans la politique, dans la moralité naissante qui devait fusionner les peuples et leur donner l'intuition de la conservation, de l'unité, de la solidarité. De lui datent les grands principes qui ont formé la France ; de lui datent nos lois et nos sciences appliquées. Transformateur, il était marqué par la Providence pour être le trait d'union entre César et l'avenir. Aussi l'appelle-t-on le Grand, parce que, s'il employa des moyens exécutifs terribles, c'était pour donner une forme, une pensée unique à cette réunion de peuples barbares qui ne pouvaient obéir qu'à ce qui était puissant et fort.
Barbaret.
Nota. ‑ Ce nom étant inconnu, on prie l'Esprit de vouloir bien donner quelques renseignements sur sa personne.
Je vivais sous Henri IV ; j'étais un humble parmi tous. Perdu dans ce Paris où l'on oublie si bien celui qui se cache et ne cherche que l'étude, je me plaisais à être seul, à lire, à commenter à ma manière. Pauvre, je travaillais, et le labeur de chaque jour me donnait cette joie ineffable qu'appelle la liberté. Je copiais des livres, et faisais ces merveilleuses vignettes, prodiges de patience et de savoir, qui ne donnaient que le pain et l'eau à toute ma patience. Mais j'étudiais, j'aimais mon pays et je cherchais la vérité dans la science ; je m'occupais d'histoire, et pour ma France bien-aimée j'aurais voulu la liberté ; j'aurais voulu toutes les aspirations que rêvait mon humilité. Depuis, je suis dans un monde meilleur, et Dieu m'a récompensé de mon abnégation en me donnant cette tranquillité d'esprit où toutes les obsessions du corps sont absentes, et je rêve pour mon pays, pour le monde entier, notre pays à nous, l'amour et la liberté.
Je viens souvent vous voir et vous entendre ; j'aime vos travaux, j'y participe de tout mon être ; je vous désire parfaits et satisfaits dans l'avenir. Puissiez-vous être heureux, comme je le désire ; mais vous ne le deviendrez complètement qu'en vous dépouillant du vieux vêtement que depuis trop longtemps revêt le monde entier : je parle de l'égoïsme. Étudiez le passé, l'histoire de votre pays, et vous apprendrez plus avec les souffrances de vos frères qu'avec toute autre science.
Vivre, c'est savoir, c'est aimer, c'est s'entraider. Allez donc, et faites selon votre Esprit ; Dieu est là qui vous voit et vous juge.
Barbaret.
Le rêve de Clovis fut d'établir une monarchie, des bases, une règle pour son peuple ; mais comme la grâce du christianisme ne l'éclairait pas encore, il fut propagateur barbare. Nous devons l'envisager dans sa conversion : Imagination active, fiévreuse, belliqueuse, il vit dans sa victoire sur les Visigoths un gage de la protection de Dieu ; et, sûr désormais d'être toujours avec lui, il se fit baptiser. Voilà, donc le baptême qui se propage dans les Gaules, et le christianisme qui se répand de plus en plus. C'est le moment de dire, avec Corneille, Rome n'était plus Rome. Les barbares envahissaient le monde romain.
Après le saccagement de toutes les civilisations ébauchées par les Romains, voilà qu'un homme rêve de répandre sur le monde, non plus les mystères et le prestige du Capitole, mais les formidables croyances d'Aix-la-Chapelle ; voilà un homme qui est ou se croit avec Dieu. Un culte odieux, rival du christianisme, occupe encore les barbares ; Charlemagne fond sur ces peuples, et Witikind, après des luttes et des victoires balancées, se soumet enfin humblement et reçoit le baptême.
Certes, voilà un immense tableau que celui où se déroulent tant de faits, tant de coups de la Providence, tant de chutes et tant de victoires ; mais quelle en est la conclusion ? L'idée, s'universalisant, se propageant de plus en plus, ne s'arrêtant ni aux démembrements des familles, ni aux découragements des peuples, et ayant pour but partout l'implantation de la croix du Christ sur tous les points de la terre, n'est-ce pas là un fait spiritualiste immense ? Il faut donc regarder ces trois hommes comme de grands propagateurs qui, par ambition ou par croyance, ont avancé la lumière dans l'Occident, quand l'Orient succombait dans son enivrante paresse et dans son inactivité. Or, la terre n'est pas un monde où le progrès se fasse vite, et par les voies de la persuasion et de la mansuétude ; ne vous étonnez donc pas qu'il faille souvent prendre l'épée au lieu de la croix.
Lamennais.
Demande. ‑ Vous avez dit que la guerre existera toujours ; cependant il semble que le progrès moral, en en détruisant les causes, les fera cesser.
Réponse. ‑ Elle existera toujours, en ce sens qu'il y aura toujours des luttes ; mais les luttes changeront de forme. Le Spiritisme, il est vrai, doit répandre sur le monde la paix et la fraternité ; mais, vous le savez, si le bien triomphe, il y aura néanmoins toujours lutte. Le Spiritisme fera évidemment et de mieux en mieux comprendre la nécessité de la paix ; mais le mal veille toujours ; il faudra longtemps encore, sur la terre, combattre pour le bien ; seulement ces luttes deviendront de plus en plus rares.
(Même sujet. ‑ Médium, M. Leymar.)
L'influence des hommes de génie sur l'avenir des peuples est incontestable ; ils sont entre les mains de la Providence des instruments pour hâter les grandes réformes qui, sans eux, n'arriveraient qu'à la suite des temps ; ce sont eux qui sèment les germes des idées nouvelles ; et le plus souvent ils reviennent quelques siècles plus tard sous d'autres noms continuer ou compléter l'œuvre commencée par eux.
César, cette grande figure de l'antiquité, nous représente le génie de la guerre, la loi organisée. Les passions poussées par lui à l'extrême, la société romaine en est profondément ébranlée ; elle change de face, et dans son évolution tout se transforme autour d'elle. Les peuples sentent changer leur ancienne constitution ; une loi implacable, celle de la force, unit ce qui devait ne pas se séparer selon l'époque où César vivait. Sous sa main triomphante les Gaules se transforment, et après dix ans de combats constituent une puissante unité. Mais de cette époque date la décadence romaine. Poussée à l'excès, cette puissance qui faisait trembler le monde commettait les fautes de la puissance extrême. Tout ce qui grandit en dehors des proportions assignées par Dieu doit tomber de même. Ce grand empire fut envahi par une nuée peuples sortis de contrées inconnues alors ; la renommée avait apporté avec les armes de César les idées nouvelles dans les pays du Nord, qui fondirent sur lui comme sur un torrent. Voyez-les, ces tribus barbares, se lancer avec rapacité sur ces provinces où le soleil était meilleur, le vin si doux, les femmes si belles ; elles traversent les Gaules, les Alpes, les Pyrénées pour aller fonder partout de puissantes colonies, et désagréger ce grand corps appelé empire romain. Le génie seul de César avait suffi pour porter sa nation au faîte de la puissance ; de lui date l'époque de rénovation où tous les peuples se confondent, se ruant les uns sur les autres pour chercher d'autres cohésions, d'autres éléments ; et pendant plusieurs siècles quelle haine entre ces peuplades ! quels combats ! que de crimes ! que de sang !Barbaret.
Clovis devait, sous sa main barbare, être le point de départ d'une ère nouvelle pour les peuples. Il obéissait à la coutume, et pour former une nation, il ne reculait devant aucun moyen. Il la formait avec le poignard et l'astuce ; il créait un nouvel élément en adoptant le baptême, en initiant ses rudes soldats aux croyances nouvelles ; et cependant, après lui, tout allait à la dérive, malgré l'idée, malgré le christianisme. Il fallait Charles Martel, Pépin, puis Charlemagne.
Saluons cette figure puissante, cette énergique nature qui sait, nouveau César, réunir en un faisceau tous ces peuples dispersés, changer les idées et donner une forme à ce chaos. Charlemagne, c'est la grandeur dans la guerre, dans la loi, dans la politique, dans la moralité naissante qui devait fusionner les peuples et leur donner l'intuition de la conservation, de l'unité, de la solidarité. De lui datent les grands principes qui ont formé la France ; de lui datent nos lois et nos sciences appliquées. Transformateur, il était marqué par la Providence pour être le trait d'union entre César et l'avenir. Aussi l'appelle-t-on le Grand, parce que, s'il employa des moyens exécutifs terribles, c'était pour donner une forme, une pensée unique à cette réunion de peuples barbares qui ne pouvaient obéir qu'à ce qui était puissant et fort.
Barbaret.
Nota. ‑ Ce nom étant inconnu, on prie l'Esprit de vouloir bien donner quelques renseignements sur sa personne.
Je vivais sous Henri IV ; j'étais un humble parmi tous. Perdu dans ce Paris où l'on oublie si bien celui qui se cache et ne cherche que l'étude, je me plaisais à être seul, à lire, à commenter à ma manière. Pauvre, je travaillais, et le labeur de chaque jour me donnait cette joie ineffable qu'appelle la liberté. Je copiais des livres, et faisais ces merveilleuses vignettes, prodiges de patience et de savoir, qui ne donnaient que le pain et l'eau à toute ma patience. Mais j'étudiais, j'aimais mon pays et je cherchais la vérité dans la science ; je m'occupais d'histoire, et pour ma France bien-aimée j'aurais voulu la liberté ; j'aurais voulu toutes les aspirations que rêvait mon humilité. Depuis, je suis dans un monde meilleur, et Dieu m'a récompensé de mon abnégation en me donnant cette tranquillité d'esprit où toutes les obsessions du corps sont absentes, et je rêve pour mon pays, pour le monde entier, notre pays à nous, l'amour et la liberté.
Je viens souvent vous voir et vous entendre ; j'aime vos travaux, j'y participe de tout mon être ; je vous désire parfaits et satisfaits dans l'avenir. Puissiez-vous être heureux, comme je le désire ; mais vous ne le deviendrez complètement qu'en vous dépouillant du vieux vêtement que depuis trop longtemps revêt le monde entier : je parle de l'égoïsme. Étudiez le passé, l'histoire de votre pays, et vous apprendrez plus avec les souffrances de vos frères qu'avec toute autre science.
Vivre, c'est savoir, c'est aimer, c'est s'entraider. Allez donc, et faites selon votre Esprit ; Dieu est là qui vous voit et vous juge.
Barbaret.
Avis
Il nous a été adressé un manuscrit assez volumineux, intitulé : l'Amour, révélations de l'Esprit du 3° ordre de la série angélique au frère P. Montani. Cet envoi n'étant accompagné d'aucune lettre, nous ignorons quelle est la personne à qui nous en sommes redevable. Si ce numéro lui tombe sous les yeux, nous le prierons de vouloir bien se faire connaître afin que nous puissions l'en remercier. Nous dirons, en attendant, que ce travail renferme d'excellentes choses, et qu'il est basé sur la plus saine morale et sur les principes fondamentaux du Spiritisme ; mais à côté de cela il y a des théories hasardées sur divers points et qui pourraient donner lieu à une critique fondée ; nous ne saurions, pour notre part, accepter tout ce qu'il contient, et nous verrions de l'inconvénient à le publier sans modifications.
Allan Kardec.
Allan Kardec.