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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Avril
Avril
Phrénologie spiritualiste et spirite Perfectibilité de la race nègre[1]
La race nègre est-elle perfectible ? Selon quelques personnes, cette question jugée est résolue négativement. S'il en est ainsi, et si cette race est vouée par Dieu à une éternelle infériorité, la conséquence est qu'il est inutile de s'en préoccuper, et qu'il faut se borner à faire du nègre une sorte d'animal domestique dressé à la culture du sucre et du coton. Cependant l'humanité, autant que l'intérêt social, requiert un examen plus attentif : c'est ce que nous allons essayer de faire ; mais comme une conclusion de cette gravité, dans l'un ou l'autre sens, ne peut être prise légèrement et doit s'appuyer sur un raisonnement sérieux, nous demandons la permission de développer quelques considérations préliminaires, qui nous serviront à montrer une fois de plus que le Spiritisme est la seule clef possible d'une foule de problèmes insolubles à l'aide des données actuelles de la science. La phrénologie nous servira de point de départ ; nous en exposerons sommairement les bases fondamentales pour l'intelligence du sujet.
La phrénologie, comme on le sait, repose sur ce principe que le cerveau est l'organe de la pensée, comme le cœur est celui de la circulation, l'estomac celui de la digestion, le foie celui de la sécrétion de la bile. Ce point est admis par tout le monde, car il n'est personne qui puisse attribuer la pensée à une autre partie du corps ; chacun sent qu'il pense par la tête et non par le bras ou la jambe. Il y a plus : on sent instinctivement que le siège de la pensée est au front ; c'est là, et non à l'occiput, qu'on porte la main pour indiquer qu'une pensée vient de surgir. Pour tout le monde, le développement de la partie frontale fait présumer plus d'intelligence que lorsqu'elle est basse et déprimée. D'un autre côté, les expériences anatomiques et physiologiques ont clairement démontré le rôle spécial de certaines parties du cerveau dans les fonctions vitales, et la différence des phénomènes produits par la lésion de telle ou telle partie. Les recherches de la science ne peuvent laisser de doute à cet égard ; celles de M. Flourens ont surtout prouvé jusqu'à l'évidence la spécialité des fonctions du cervelet.
Il est donc admis en principe que toutes les parties du cerveau n'ont pas la même fonction. Il est en outre reconnu que les cordons nerveux qui, du cerveau comme souche, se ramifient dans toutes les parties du corps, comme les filaments d'une racine, sont affectés d'une manière différente selon leur destination ; c'est ainsi que le nerf optique qui aboutit à l'œil et s'épanouit dans la rétine est affecté par la lumière et les couleurs, et en transmet la sensation au cerveau dans une portion spéciale ; que le nerf auditif est affecté par les sons, les nerfs olfactifs par les odeurs. Qu'un de ces nerfs perde sa sensibilité par une cause quelconque, la sensation n'a plus lieu : on est aveugle, sourd ou privé de l'odorat. Ces nerfs ont donc des fonctions distinctes et ne peuvent nullement se suppléer, et pourtant l'examen le plus attentif ne montre pas la plus légère différence dans leur contexture.
La phrénologie, partant de ces principes, va plus loin : elle localise toutes les facultés morales et intellectuelles, à chacune desquelles elle assigne une place spéciale dans le cerveau ; c'est ainsi qu'elle affecte un organe à l'instinct de destruction qui, poussé à l'excès, devient cruauté et férocité ; un autre à la fermeté, dont l'excès, sans le contre-poids du jugement, produit l'entêtement ; un autre à l'amour de la progéniture ; d'autres à la mémoire des localités, à celle des nombres, à celle des formes, au sentiment poétique, à l'harmonie des sons, des couleurs, etc., etc. Ce n'est point ici le lieu de faire la description anatomique du cerveau ; nous dirons seulement que, si l'on fait une section longitudinale dans la masse, on reconnaîtra que de la base partent des faisceaux fibreux allant s'épanouir à la surface, et présentant à peu près l'aspect d'un champignon coupé dans sa hauteur. Chaque faisceau correspond à l'une des circonvolutions de la surface externe, d'où il suit que le développement de la circonvolution correspond au développement du faisceau fibreux. Chaque faisceau étant, selon la phrénologie, le siège d'une sensation ou d'une faculté, elle en conclut que l'énergie de la sensation ou de la faculté est en raison du développement de l'organe.
Dans le fœtus, la boîte osseuse du crâne n'est point encore formée ; ce n'est d'abord qu'une pellicule, une membrane très flexible, qui se moule, par conséquent, sur les parties saillantes du cerveau et en conserve l'empreinte, à mesure qu'elle se durcit par le dépôt du phosphate de chaux qui est la base des os. Des saillies du crâne, la phrénologie conclut au volume de l'organe, et du volume de l'organe elle conclut au développement de la faculté.
Tel est, en peu de mots, le principe de la science phrénologique. Quoique notre but ne soit pas de la développer ici, un mot encore est nécessaire sur le mode d'appréciation. On se tromperait étrangement si l'on croyait pouvoir déduire le caractère absolu d'une personne par la seule inspection des saillies du crâne. Les facultés se font réciproquement contrepoids, s'équilibrent, se corroborent ou s'atténuent les unes par les autres, de telle sorte que, pour juger un individu, il faut tenir compte du degré d'influence de chacune, en raison de leur développement, puis faire entrer dans la balance le tempérament, le milieu, les habitudes et l'éducation. Supposons un homme ayant l'organe de la destruction très prononcé, avec atrophie des organes des facultés morales et affectives, il sera bassement féroce ; mais si, à la destruction, il joint la bienveillance, l'affection, les facultés intellectuelles, la destruction sera neutralisée, elle aura pour effet de lui donner plus d'énergie, et il pourra être un fort honnête homme, tandis que l'observateur superficiel, qui le jugerait sur l'inspection du premier organe seul, le prendrait pour un assassin. On conçoit, d'après cela, toutes les modifications de caractère qui peuvent résulter du concours des autres facultés, comme la ruse, la circonspection, l'estime de soi, le courage, etc. Le sentiment de la couleur, seul, fera le coloriste, mais ne fera pas le peintre ; celui de la forme, seul, ne fera qu'un dessinateur ; les deux réunis ne feront qu'un bon peintre copiste, s'il n'y a pas en même temps le sentiment de l'idéalité ou de la poésie, et les facultés réflectives et comparatives. Ceci suffit pour montrer que les observations phrénologiques pratiques présentent une très grande difficulté, et reposent sur des considérations philosophiques, qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Ces préliminaires posés, envisageons la chose à un autre point de vue.
Deux systèmes radicalement opposés ont, dès le principe, divisé les phrénologues en matérialistes et en spiritualistes. Les premiers, n'admettant rien en dehors de la matière, disent que la pensée est un produit de la substance cérébrale ; que le cerveau sécrète la pensée, comme les glandes salivaires sécrètent la salive, comme le foie sécrète la bile ; or, comme la quantité de la sécrétion est généralement proportionnée au volume et à la qualité de l'organe sécréteur, ils disent que la quantité de pensées est proportionnée au volume et à la qualité du cerveau ; que chaque partie du cerveau, sécrétant un ordre particulier de pensées, les divers sentiments et les diverses aptitudes sont en raison de l'organe qui les produit. Nous ne réfuterons pas cette monstrueuse doctrine qui fait de l'homme une machine, sans responsabilité de ses actes mauvais, sans mérite de ses bonnes qualités, et qui ne doit son génie et ses vertus qu'au hasard de son organisation[2]. Avec un pareil système, toute punition est injuste et tous les crimes sont justifiés.
Les spiritualistes disent, au contraire, que les organes ne sont pas la cause des facultés, mais les instruments de la manifestation des facultés ; que la pensée est un attribut de l'âme et non du cerveau ; que l'âme possédant par elle-même des aptitudes diverses, la prédominance de telle ou telle faculté pousse au développement de l'organe correspondant, comme l'exercice d'un bras pousse au développement des muscles de ce bras ; d'où il suit que le développement de l'organe est un effet et non la cause. Ainsi un homme n'est pas poète parce qu'il a l'organe de la poésie ; il a l'organe de la poésie, parce qu'il est poète, ce qui est fort différent. Mais ici se présente une autre difficulté devant laquelle s'arrête forcément le phrénologiste : s'il est spiritualiste, il nous dira bien que le poète a l'organe de la poésie parce qu'il est poète, mais il ne nous dit pas pourquoi il est poète ; pourquoi il l'est plutôt que son frère, quoique élevé dans les mêmes conditions ; et ainsi de toutes les autres aptitudes. Le Spiritisme seul peut en donner l'explication.
En effet, si l'âme est créée en même temps que le corps, celle du savant de l'Institut est tout aussi neuve que celle du sauvage ; dès lors, pourquoi donc sur la terre des sauvages et des membres de l'Institut ? Le milieu dans lequel ils vivent, direz-vous. Soit ; dites-nous alors pourquoi des hommes nés dans le milieu le plus ingrat et le plus réfractaire deviennent des génies, tandis que des enfants qui sucent la science avec le lait sont des imbéciles. Les faits ne prouvent-ils pas jusqu'à l'évidence qu'il y a des hommes instinctivement bons ou mauvais, intelligents ou stupides ? Il faut donc qu'il y ait dans l'âme un germe ; d'où vient-il ? Peut-on raisonnablement dire que Dieu en a fait de toutes sortes, les unes qui arrivent sans peine, et d'autres qui n'arrivent pas même avec un travail opiniâtre ? Serait-ce là de la justice et de la bonté ? Évidemment non. Une seule solution est possible : la préexistence de l'âme, son antériorité à la naissance du corps, le développement acquis selon le temps qu'elle a vécu et les différentes migrations qu'elle a parcourues. L'âme apporte donc en s'unissant au corps ce qu'elle a acquis, ses qualités bonnes ou mauvaises ; de là les prédispositions instinctives ; d'où l'on peut dire avec certitude que celui qui est né poète a déjà cultivé la poésie ; que celui qui est né musicien a cultivé la musique ; que celui qui est né scélérat a été plus scélérat encore. Telle est la source des facultés innées qui se produisent, dans les organes affectés à leur manifestation, un travail intérieur, moléculaire, qui en amène le développement.
Ceci nous conduit à l'examen de l'importante question de l'infériorité de certaines races et de leur perfectibilité.
Nous posons d'abord en principe que toutes les facultés, toutes les passions, tous les sentiments, toutes les aptitudes sont dans la nature ; qu'elles sont nécessaires à l'harmonie générale, parce que Dieu ne fait rien d'inutile ; que le mal résulte de l'abus, ainsi que du défaut de contrepoids et d'équilibre entre les diverses facultés. Les facultés ne se développant pas toutes simultanément, il en résulte que l'équilibre ne peut s'établir qu'à la longue ; que ce défaut d'équilibre produit les hommes imparfaits en qui le mal domine momentanément. Prenons pour exemple l'instinct de la destruction ; cet instinct est nécessaire, parce que, dans la nature, il faut que tout se détruise pour se renouveler ; c'est pourquoi toutes les espèces vivantes sont à la fois les agents destructeurs et reproducteurs. Mais l'instinct de destruction isolé est un instinct aveugle et brutal ; il domine chez les peuples primitifs, chez les sauvages dont l'âme n'a pas encore acquis les qualités réflectives propres à régler la destruction dans une juste mesure. Le sauvage féroce peut-il, dans une seule existence, acquérir ces qualités qui lui manquent ? Quelque éducation que vous lui donniez dès le berceau, en ferez-vous un saint Vincent de Paul, un savant, un orateur, un artiste ? Non ; c'est matériellement impossible. Et pourtant ce sauvage a une âme ; quel est le sort de cette âme après la mort ? Est-elle punie pour des actes barbares que rien n'a réprimés ? est-elle placée à l'égal de celle de l'homme de bien ? L'un n'est pas plus rationnel que l'autre. Est-elle alors condamnée à rester éternellement dans un état mixte, qui n'est ni le bonheur ni le malheur ? Cela ne serait pas juste ; car, si elle n'est pas plus parfaite, cela n'a pas dépendu d'elle. Vous ne pouvez sortir de ce dilemme qu'en admettant la possibilité d'un progrès ; or, comment peut-elle progresser, si ce n'est en prenant de nouvelles existences ? Elle pourra, direz-vous, progresser comme Esprit, sans revenir sur la terre. Mais alors pourquoi nous, civilisés, éclairés, sommes-nous nés en Europe plutôt qu'en Océanie ? dans des corps blancs plutôt que dans des corps noirs ? Pourquoi un point de départ si différent, si l'on ne progresse que comme Esprit ? Pourquoi Dieu nous a-t-il affranchis de la longue route que doit parcourir le sauvage ? Nos âmes seraient-elles d'une autre nature que la sienne ? pourquoi chercher alors à le faire chrétien ? Si vous le faites chrétien, c'est que vous le regardez comme votre égal devant Dieu ; s'il est votre égal devant Dieu, pourquoi Dieu vous accorde-t-il des privilèges ? Vous aurez beau faire, vous n'arriverez à aucune solution qu'en admettant pour nous un progrès antérieur, pour le sauvage un progrès ultérieur ; si l'âme du sauvage doit progresser ultérieurement, c'est qu'elle nous atteindra ; si nous avons progressé antérieurement, c'est que nous avons été sauvages, car, si le point de départ est différent, il n'y a plus de justice, et si Dieu n'est pas juste, il n'est pas Dieu. Voilà donc forcément deux existences extrêmes : celle du sauvage et celle de l'homme le plus civilisé ; mais, entre ces deux extrêmes, ne trouvez-vous aucun intermédiaire ? Suivez l'échelle des peuples, et vous verrez que c'est une chaîne non interrompue, sans solution de continuité. Encore une fois, tous ces problèmes sont insolubles sans la pluralité des existences. Dites que les Zélandais renaîtront chez un peuple un peu moins barbare, et ainsi de suite jusqu'à la civilisation, et tout s'explique ; que si, au lieu de suivre les degrés de l'échelle, il les franchit tout d'un coup et arrive sans transition parmi nous, il nous donnera le hideux spectacle d'un Dumollard, qui est un monstre pour nous, et qui n'eût rien présenté d'anormal chez les peuplades de l'Afrique centrale, d'où il est peut-être sorti. C'est ainsi qu'en se renfermant dans une seule existence, tout est obscurité, tout est problème sans issue ; tandis qu'avec la réincarnation tout est clarté, tout est solution.
Revenons à la phrénologie. Elle admet des organes spéciaux pour chaque faculté, et nous croyons qu'elle est dans le vrai ; mais nous allons plus loin. Nous avons vu que chaque organe cérébral est formé d'un faisceau de fibres ; nous pensons que chaque fibre correspond à une nuance de la faculté. Ceci n'est qu'une hypothèse, il est vrai, mais qui pourra ouvrir la voie à de nouvelles observations. Le nerf auditif reçoit les sons et les transmet au cerveau ; mais si le nerf est homogène, comment perçoit-il des sons si variés ? Il est donc permis d'admettre que chaque fibre nerveuse est affectée par un son différent avec lequel elle vibre en quelque sorte à l'unisson, comme les cordes d'une harpe. Tous les tons sont dans la nature ; supposons-en cent, depuis le plus aigu jusqu'au plus grave : l'homme qui posséderait les cent fibres correspondantes les percevrait tous ; celui qui n'en posséderait que la moitié ne percevra que la moitié des sons, les autres lui échapperont, il n'en aura aucune conscience. Il en sera de même des cordes vocales pour exprimer les sons ; des fibres optiques pour percevoir les différentes couleurs ; des fibres olfactives pour percevoir toutes les odeurs. Le même raisonnement peut s'appliquer aux organes de tous les genres de perceptions et de manifestations.
Tous les corps animés renferment incontestablement le principe de tous les organes, mais il en est qui, chez certains individus, sont à l'état tellement rudimentaire, qu'ils ne sont pas susceptibles de développement, et que c'est absolument comme s'ils n'existaient pas ; donc, chez ces personnes, il ne peut y avoir ni les perceptions, ni les manifestations correspondant à ces organes ; en un mot elles sont, pour ces facultés, comme les aveugles pour la lumière, les sourds pour la musique.
L'examen phrénologique des peuples peu intelligents constate la prédominance des facultés instinctives, et l'atrophie des organes de l'intelligence. Ce qui est exceptionnel chez les peuples avancés est la règle chez certaines races. Pourquoi cela ? Est-ce une injuste préférence ? Non, c'est de la sagesse. La nature est toujours prévoyante ; elle ne fait rien d'inutile ; or, ce serait une chose inutile de donner un instrument complet à qui n'a pas les moyens de s'en servir. Les Esprits sauvages sont des Esprits encore enfants, si l'on peut s'exprimer ainsi ; chez eux, beaucoup de facultés sont encore latentes. Que ferait donc l'Esprit d'un Hottentot dans le corps d'un Arago ? Il serait comme celui qui ne sait pas la musique devant un excellent piano. Par une raison inverse, que ferait l'Esprit d'Arago dans le corps d'un Hottentot ? Il serait comme Litz devant un piano qui n'aurait que quelques mauvaises cordes fausses, et auquel tout son talent ne parviendra jamais à faire rendre des sons harmonieux. Arago chez les sauvages, avec tout son génie, sera aussi intelligent que peut l'être un sauvage, mais rien de plus ; il ne sera jamais, sous une peau noire, membre de l'Institut. Son Esprit pousserait-il au développement des organes ? Des organes faibles, oui ; des organes rudimentaires, non[3].
La nature a donc approprié les corps au degré d'avancement des Esprits qui doivent s'y incarner ; voilà pourquoi les corps des races primitives possèdent moins de cordes vibrantes que ceux des races avancées. Il y a donc en l'homme deux êtres bien distincts : l'Esprit, être pensant ; le corps, instrument des manifestations de la pensée, plus ou moins complet, plus ou moins riche en cordes, selon les besoins.
Arrivons maintenant à la perfectibilité des races ; cette question est pour ainsi dire résolue par ce qui précède : nous n'avons qu'à en déduire quelques conséquences. Elles sont perfectibles par l'Esprit qui se développe à travers ses différentes migrations, à chacune desquelles il acquiert peu à peu les facultés qui lui manquent ; mais à mesure que ses facultés s'étendent, il lui faut un instrument approprié, comme à un enfant qui grandit il faut des habits plus larges ; or, les corps constitués pour son état primitif étant insuffisants, il lui faut s'incarner dans de meilleures conditions, et ainsi de suite à mesure qu'il progresse.
Les races sont aussi perfectibles par le corps, mais ce n'est que par le croisement avec des races plus perfectionnées, qui y apportent de nouveaux éléments, qui y greffent pour ainsi dire les germes de nouveaux organes. Ce croisement se fait par les émigrations, les guerres et les conquêtes. Sous ce rapport, il en est des races comme des familles qui s'abâtardissent si elles ne mélangent des sangs divers. Alors on ne peut pas dire que ce soit la race primitive pure, car sans croisement cette race sera toujours la même, son état d'infériorité tenant à sa nature ; elle dégénérera au lieu de progresser, et c'est ce qui en amène la disparition dans un temps donné.
Au sujet des nègres esclaves on dit : « Ce sont des êtres si bruts, si peu intelligents, que ce serait peine perdue de chercher à les instruire ; c'est une race inférieure, incorrigible et profondément incapable ». La théorie que nous venons de donner permet de les envisager sous un autre jour ; dans la question du perfectionnement des races, il faut toujours tenir compte des deux éléments constitutifs de l'homme : l'élément spirituel et l'élément corporel. Il faut les connaître l'un et l'autre, et le Spiritisme seul peut nous éclairer sur la nature de l'élément spirituel, le plus important, puisque c'est celui qui pense et qui survit, tandis que l'élément corporel se détruit.
Les nègres donc, comme organisation physique, seront toujours les mêmes ; comme Esprits, c'est sans doute une race inférieure, c'est-à-dire primitive ; ce sont de véritables enfants auxquels on peut apprendre bien peu de chose ; mais par des soins intelligents on peut toujours modifier certaines habitudes, certaines tendances, et c'est déjà un progrès qu'ils apporteront dans une autre existence, et qui leur permettra plus tard de prendre une enveloppe dans de meilleures conditions. En travaillant à leur amélioration, on travaille moins pour leur présent que pour leur avenir, et quelque peu que l'on gagne, c'est toujours pour eux autant d'acquis ; chaque progrès est un pas en avant qui facilite de nouveaux progrès.
Sous la même enveloppe, c'est-à-dire avec les mêmes instruments de manifestation de la pensée, les races ne sont perfectibles que dans des limites étroites, par les raisons que nous avons développées. Voilà pourquoi la race nègre, en tant que race nègre, corporellement parlant, n'atteindra jamais le niveau des races caucasiques ; mais, en tant qu'Esprits, c'est autre chose ; elle peut devenir, et elle deviendra ce que nous sommes ; seulement il lui faudra du temps et de meilleurs instruments. Voilà pourquoi les races sauvages, même au contact de la civilisation, restent toujours sauvages ; mais à mesure que les races civilisées s'étendent, les races sauvages diminuent, jusqu'à ce qu'elles disparaissent complètement, comme ont disparu les races des Caraïbes, des Guanches et autres. Les corps ont disparu, mais que sont devenus les Esprits ? Plus d'un est peut-être parmi nous.
Nous l'avons dit, et nous le répétons, le Spiritisme ouvre à toutes les sciences des horizons nouveaux ; quand les savants consentiront à tenir compte de l'élément spirituel dans les phénomènes de la nature, ils seront tout surpris de voir les difficultés contre lesquelles ils se heurtent à chaque pas s'aplanir comme par enchantement ; mais il est probable que, pour beaucoup, il faudra renouveler l'habit. Quand ils reviendront, ils auront eu le temps de réfléchir et apporteront de nouvelles idées. Ils trouveront les choses bien changées ici-bas ; les idées spirites, qu'ils repoussent aujourd'hui, auront germé partout et seront la base de toutes les institutions sociales ; eux-mêmes seront élevés et nourris dans cette croyance qui ouvrira à leur génie un nouveau champ pour le progrès de la science. En attendant, et pendant qu'ils sont encore ici, qu'ils cherchent la solution de ce problème : Pourquoi l'autorité de leur savoir et leurs dénégations n'arrêtent pas un seul instant la marche, de jour en jour plus rapide, des idées nouvelles ?
[1] Voir Revue Spirite, juillet 1860 : La Phrénologie et la Physiognomonie.
[2] Voyez la Revue de mars 1861 : La tête de Garibaldi, page 76.
[3] Voyez la Revue Spirite d'octobre 1861 : Les Crétins.
La race nègre est-elle perfectible ? Selon quelques personnes, cette question jugée est résolue négativement. S'il en est ainsi, et si cette race est vouée par Dieu à une éternelle infériorité, la conséquence est qu'il est inutile de s'en préoccuper, et qu'il faut se borner à faire du nègre une sorte d'animal domestique dressé à la culture du sucre et du coton. Cependant l'humanité, autant que l'intérêt social, requiert un examen plus attentif : c'est ce que nous allons essayer de faire ; mais comme une conclusion de cette gravité, dans l'un ou l'autre sens, ne peut être prise légèrement et doit s'appuyer sur un raisonnement sérieux, nous demandons la permission de développer quelques considérations préliminaires, qui nous serviront à montrer une fois de plus que le Spiritisme est la seule clef possible d'une foule de problèmes insolubles à l'aide des données actuelles de la science. La phrénologie nous servira de point de départ ; nous en exposerons sommairement les bases fondamentales pour l'intelligence du sujet.
La phrénologie, comme on le sait, repose sur ce principe que le cerveau est l'organe de la pensée, comme le cœur est celui de la circulation, l'estomac celui de la digestion, le foie celui de la sécrétion de la bile. Ce point est admis par tout le monde, car il n'est personne qui puisse attribuer la pensée à une autre partie du corps ; chacun sent qu'il pense par la tête et non par le bras ou la jambe. Il y a plus : on sent instinctivement que le siège de la pensée est au front ; c'est là, et non à l'occiput, qu'on porte la main pour indiquer qu'une pensée vient de surgir. Pour tout le monde, le développement de la partie frontale fait présumer plus d'intelligence que lorsqu'elle est basse et déprimée. D'un autre côté, les expériences anatomiques et physiologiques ont clairement démontré le rôle spécial de certaines parties du cerveau dans les fonctions vitales, et la différence des phénomènes produits par la lésion de telle ou telle partie. Les recherches de la science ne peuvent laisser de doute à cet égard ; celles de M. Flourens ont surtout prouvé jusqu'à l'évidence la spécialité des fonctions du cervelet.
Il est donc admis en principe que toutes les parties du cerveau n'ont pas la même fonction. Il est en outre reconnu que les cordons nerveux qui, du cerveau comme souche, se ramifient dans toutes les parties du corps, comme les filaments d'une racine, sont affectés d'une manière différente selon leur destination ; c'est ainsi que le nerf optique qui aboutit à l'œil et s'épanouit dans la rétine est affecté par la lumière et les couleurs, et en transmet la sensation au cerveau dans une portion spéciale ; que le nerf auditif est affecté par les sons, les nerfs olfactifs par les odeurs. Qu'un de ces nerfs perde sa sensibilité par une cause quelconque, la sensation n'a plus lieu : on est aveugle, sourd ou privé de l'odorat. Ces nerfs ont donc des fonctions distinctes et ne peuvent nullement se suppléer, et pourtant l'examen le plus attentif ne montre pas la plus légère différence dans leur contexture.
La phrénologie, partant de ces principes, va plus loin : elle localise toutes les facultés morales et intellectuelles, à chacune desquelles elle assigne une place spéciale dans le cerveau ; c'est ainsi qu'elle affecte un organe à l'instinct de destruction qui, poussé à l'excès, devient cruauté et férocité ; un autre à la fermeté, dont l'excès, sans le contre-poids du jugement, produit l'entêtement ; un autre à l'amour de la progéniture ; d'autres à la mémoire des localités, à celle des nombres, à celle des formes, au sentiment poétique, à l'harmonie des sons, des couleurs, etc., etc. Ce n'est point ici le lieu de faire la description anatomique du cerveau ; nous dirons seulement que, si l'on fait une section longitudinale dans la masse, on reconnaîtra que de la base partent des faisceaux fibreux allant s'épanouir à la surface, et présentant à peu près l'aspect d'un champignon coupé dans sa hauteur. Chaque faisceau correspond à l'une des circonvolutions de la surface externe, d'où il suit que le développement de la circonvolution correspond au développement du faisceau fibreux. Chaque faisceau étant, selon la phrénologie, le siège d'une sensation ou d'une faculté, elle en conclut que l'énergie de la sensation ou de la faculté est en raison du développement de l'organe.
Dans le fœtus, la boîte osseuse du crâne n'est point encore formée ; ce n'est d'abord qu'une pellicule, une membrane très flexible, qui se moule, par conséquent, sur les parties saillantes du cerveau et en conserve l'empreinte, à mesure qu'elle se durcit par le dépôt du phosphate de chaux qui est la base des os. Des saillies du crâne, la phrénologie conclut au volume de l'organe, et du volume de l'organe elle conclut au développement de la faculté.
Tel est, en peu de mots, le principe de la science phrénologique. Quoique notre but ne soit pas de la développer ici, un mot encore est nécessaire sur le mode d'appréciation. On se tromperait étrangement si l'on croyait pouvoir déduire le caractère absolu d'une personne par la seule inspection des saillies du crâne. Les facultés se font réciproquement contrepoids, s'équilibrent, se corroborent ou s'atténuent les unes par les autres, de telle sorte que, pour juger un individu, il faut tenir compte du degré d'influence de chacune, en raison de leur développement, puis faire entrer dans la balance le tempérament, le milieu, les habitudes et l'éducation. Supposons un homme ayant l'organe de la destruction très prononcé, avec atrophie des organes des facultés morales et affectives, il sera bassement féroce ; mais si, à la destruction, il joint la bienveillance, l'affection, les facultés intellectuelles, la destruction sera neutralisée, elle aura pour effet de lui donner plus d'énergie, et il pourra être un fort honnête homme, tandis que l'observateur superficiel, qui le jugerait sur l'inspection du premier organe seul, le prendrait pour un assassin. On conçoit, d'après cela, toutes les modifications de caractère qui peuvent résulter du concours des autres facultés, comme la ruse, la circonspection, l'estime de soi, le courage, etc. Le sentiment de la couleur, seul, fera le coloriste, mais ne fera pas le peintre ; celui de la forme, seul, ne fera qu'un dessinateur ; les deux réunis ne feront qu'un bon peintre copiste, s'il n'y a pas en même temps le sentiment de l'idéalité ou de la poésie, et les facultés réflectives et comparatives. Ceci suffit pour montrer que les observations phrénologiques pratiques présentent une très grande difficulté, et reposent sur des considérations philosophiques, qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Ces préliminaires posés, envisageons la chose à un autre point de vue.
Deux systèmes radicalement opposés ont, dès le principe, divisé les phrénologues en matérialistes et en spiritualistes. Les premiers, n'admettant rien en dehors de la matière, disent que la pensée est un produit de la substance cérébrale ; que le cerveau sécrète la pensée, comme les glandes salivaires sécrètent la salive, comme le foie sécrète la bile ; or, comme la quantité de la sécrétion est généralement proportionnée au volume et à la qualité de l'organe sécréteur, ils disent que la quantité de pensées est proportionnée au volume et à la qualité du cerveau ; que chaque partie du cerveau, sécrétant un ordre particulier de pensées, les divers sentiments et les diverses aptitudes sont en raison de l'organe qui les produit. Nous ne réfuterons pas cette monstrueuse doctrine qui fait de l'homme une machine, sans responsabilité de ses actes mauvais, sans mérite de ses bonnes qualités, et qui ne doit son génie et ses vertus qu'au hasard de son organisation[2]. Avec un pareil système, toute punition est injuste et tous les crimes sont justifiés.
Les spiritualistes disent, au contraire, que les organes ne sont pas la cause des facultés, mais les instruments de la manifestation des facultés ; que la pensée est un attribut de l'âme et non du cerveau ; que l'âme possédant par elle-même des aptitudes diverses, la prédominance de telle ou telle faculté pousse au développement de l'organe correspondant, comme l'exercice d'un bras pousse au développement des muscles de ce bras ; d'où il suit que le développement de l'organe est un effet et non la cause. Ainsi un homme n'est pas poète parce qu'il a l'organe de la poésie ; il a l'organe de la poésie, parce qu'il est poète, ce qui est fort différent. Mais ici se présente une autre difficulté devant laquelle s'arrête forcément le phrénologiste : s'il est spiritualiste, il nous dira bien que le poète a l'organe de la poésie parce qu'il est poète, mais il ne nous dit pas pourquoi il est poète ; pourquoi il l'est plutôt que son frère, quoique élevé dans les mêmes conditions ; et ainsi de toutes les autres aptitudes. Le Spiritisme seul peut en donner l'explication.
En effet, si l'âme est créée en même temps que le corps, celle du savant de l'Institut est tout aussi neuve que celle du sauvage ; dès lors, pourquoi donc sur la terre des sauvages et des membres de l'Institut ? Le milieu dans lequel ils vivent, direz-vous. Soit ; dites-nous alors pourquoi des hommes nés dans le milieu le plus ingrat et le plus réfractaire deviennent des génies, tandis que des enfants qui sucent la science avec le lait sont des imbéciles. Les faits ne prouvent-ils pas jusqu'à l'évidence qu'il y a des hommes instinctivement bons ou mauvais, intelligents ou stupides ? Il faut donc qu'il y ait dans l'âme un germe ; d'où vient-il ? Peut-on raisonnablement dire que Dieu en a fait de toutes sortes, les unes qui arrivent sans peine, et d'autres qui n'arrivent pas même avec un travail opiniâtre ? Serait-ce là de la justice et de la bonté ? Évidemment non. Une seule solution est possible : la préexistence de l'âme, son antériorité à la naissance du corps, le développement acquis selon le temps qu'elle a vécu et les différentes migrations qu'elle a parcourues. L'âme apporte donc en s'unissant au corps ce qu'elle a acquis, ses qualités bonnes ou mauvaises ; de là les prédispositions instinctives ; d'où l'on peut dire avec certitude que celui qui est né poète a déjà cultivé la poésie ; que celui qui est né musicien a cultivé la musique ; que celui qui est né scélérat a été plus scélérat encore. Telle est la source des facultés innées qui se produisent, dans les organes affectés à leur manifestation, un travail intérieur, moléculaire, qui en amène le développement.
Ceci nous conduit à l'examen de l'importante question de l'infériorité de certaines races et de leur perfectibilité.
Nous posons d'abord en principe que toutes les facultés, toutes les passions, tous les sentiments, toutes les aptitudes sont dans la nature ; qu'elles sont nécessaires à l'harmonie générale, parce que Dieu ne fait rien d'inutile ; que le mal résulte de l'abus, ainsi que du défaut de contrepoids et d'équilibre entre les diverses facultés. Les facultés ne se développant pas toutes simultanément, il en résulte que l'équilibre ne peut s'établir qu'à la longue ; que ce défaut d'équilibre produit les hommes imparfaits en qui le mal domine momentanément. Prenons pour exemple l'instinct de la destruction ; cet instinct est nécessaire, parce que, dans la nature, il faut que tout se détruise pour se renouveler ; c'est pourquoi toutes les espèces vivantes sont à la fois les agents destructeurs et reproducteurs. Mais l'instinct de destruction isolé est un instinct aveugle et brutal ; il domine chez les peuples primitifs, chez les sauvages dont l'âme n'a pas encore acquis les qualités réflectives propres à régler la destruction dans une juste mesure. Le sauvage féroce peut-il, dans une seule existence, acquérir ces qualités qui lui manquent ? Quelque éducation que vous lui donniez dès le berceau, en ferez-vous un saint Vincent de Paul, un savant, un orateur, un artiste ? Non ; c'est matériellement impossible. Et pourtant ce sauvage a une âme ; quel est le sort de cette âme après la mort ? Est-elle punie pour des actes barbares que rien n'a réprimés ? est-elle placée à l'égal de celle de l'homme de bien ? L'un n'est pas plus rationnel que l'autre. Est-elle alors condamnée à rester éternellement dans un état mixte, qui n'est ni le bonheur ni le malheur ? Cela ne serait pas juste ; car, si elle n'est pas plus parfaite, cela n'a pas dépendu d'elle. Vous ne pouvez sortir de ce dilemme qu'en admettant la possibilité d'un progrès ; or, comment peut-elle progresser, si ce n'est en prenant de nouvelles existences ? Elle pourra, direz-vous, progresser comme Esprit, sans revenir sur la terre. Mais alors pourquoi nous, civilisés, éclairés, sommes-nous nés en Europe plutôt qu'en Océanie ? dans des corps blancs plutôt que dans des corps noirs ? Pourquoi un point de départ si différent, si l'on ne progresse que comme Esprit ? Pourquoi Dieu nous a-t-il affranchis de la longue route que doit parcourir le sauvage ? Nos âmes seraient-elles d'une autre nature que la sienne ? pourquoi chercher alors à le faire chrétien ? Si vous le faites chrétien, c'est que vous le regardez comme votre égal devant Dieu ; s'il est votre égal devant Dieu, pourquoi Dieu vous accorde-t-il des privilèges ? Vous aurez beau faire, vous n'arriverez à aucune solution qu'en admettant pour nous un progrès antérieur, pour le sauvage un progrès ultérieur ; si l'âme du sauvage doit progresser ultérieurement, c'est qu'elle nous atteindra ; si nous avons progressé antérieurement, c'est que nous avons été sauvages, car, si le point de départ est différent, il n'y a plus de justice, et si Dieu n'est pas juste, il n'est pas Dieu. Voilà donc forcément deux existences extrêmes : celle du sauvage et celle de l'homme le plus civilisé ; mais, entre ces deux extrêmes, ne trouvez-vous aucun intermédiaire ? Suivez l'échelle des peuples, et vous verrez que c'est une chaîne non interrompue, sans solution de continuité. Encore une fois, tous ces problèmes sont insolubles sans la pluralité des existences. Dites que les Zélandais renaîtront chez un peuple un peu moins barbare, et ainsi de suite jusqu'à la civilisation, et tout s'explique ; que si, au lieu de suivre les degrés de l'échelle, il les franchit tout d'un coup et arrive sans transition parmi nous, il nous donnera le hideux spectacle d'un Dumollard, qui est un monstre pour nous, et qui n'eût rien présenté d'anormal chez les peuplades de l'Afrique centrale, d'où il est peut-être sorti. C'est ainsi qu'en se renfermant dans une seule existence, tout est obscurité, tout est problème sans issue ; tandis qu'avec la réincarnation tout est clarté, tout est solution.
Revenons à la phrénologie. Elle admet des organes spéciaux pour chaque faculté, et nous croyons qu'elle est dans le vrai ; mais nous allons plus loin. Nous avons vu que chaque organe cérébral est formé d'un faisceau de fibres ; nous pensons que chaque fibre correspond à une nuance de la faculté. Ceci n'est qu'une hypothèse, il est vrai, mais qui pourra ouvrir la voie à de nouvelles observations. Le nerf auditif reçoit les sons et les transmet au cerveau ; mais si le nerf est homogène, comment perçoit-il des sons si variés ? Il est donc permis d'admettre que chaque fibre nerveuse est affectée par un son différent avec lequel elle vibre en quelque sorte à l'unisson, comme les cordes d'une harpe. Tous les tons sont dans la nature ; supposons-en cent, depuis le plus aigu jusqu'au plus grave : l'homme qui posséderait les cent fibres correspondantes les percevrait tous ; celui qui n'en posséderait que la moitié ne percevra que la moitié des sons, les autres lui échapperont, il n'en aura aucune conscience. Il en sera de même des cordes vocales pour exprimer les sons ; des fibres optiques pour percevoir les différentes couleurs ; des fibres olfactives pour percevoir toutes les odeurs. Le même raisonnement peut s'appliquer aux organes de tous les genres de perceptions et de manifestations.
Tous les corps animés renferment incontestablement le principe de tous les organes, mais il en est qui, chez certains individus, sont à l'état tellement rudimentaire, qu'ils ne sont pas susceptibles de développement, et que c'est absolument comme s'ils n'existaient pas ; donc, chez ces personnes, il ne peut y avoir ni les perceptions, ni les manifestations correspondant à ces organes ; en un mot elles sont, pour ces facultés, comme les aveugles pour la lumière, les sourds pour la musique.
L'examen phrénologique des peuples peu intelligents constate la prédominance des facultés instinctives, et l'atrophie des organes de l'intelligence. Ce qui est exceptionnel chez les peuples avancés est la règle chez certaines races. Pourquoi cela ? Est-ce une injuste préférence ? Non, c'est de la sagesse. La nature est toujours prévoyante ; elle ne fait rien d'inutile ; or, ce serait une chose inutile de donner un instrument complet à qui n'a pas les moyens de s'en servir. Les Esprits sauvages sont des Esprits encore enfants, si l'on peut s'exprimer ainsi ; chez eux, beaucoup de facultés sont encore latentes. Que ferait donc l'Esprit d'un Hottentot dans le corps d'un Arago ? Il serait comme celui qui ne sait pas la musique devant un excellent piano. Par une raison inverse, que ferait l'Esprit d'Arago dans le corps d'un Hottentot ? Il serait comme Litz devant un piano qui n'aurait que quelques mauvaises cordes fausses, et auquel tout son talent ne parviendra jamais à faire rendre des sons harmonieux. Arago chez les sauvages, avec tout son génie, sera aussi intelligent que peut l'être un sauvage, mais rien de plus ; il ne sera jamais, sous une peau noire, membre de l'Institut. Son Esprit pousserait-il au développement des organes ? Des organes faibles, oui ; des organes rudimentaires, non[3].
La nature a donc approprié les corps au degré d'avancement des Esprits qui doivent s'y incarner ; voilà pourquoi les corps des races primitives possèdent moins de cordes vibrantes que ceux des races avancées. Il y a donc en l'homme deux êtres bien distincts : l'Esprit, être pensant ; le corps, instrument des manifestations de la pensée, plus ou moins complet, plus ou moins riche en cordes, selon les besoins.
Arrivons maintenant à la perfectibilité des races ; cette question est pour ainsi dire résolue par ce qui précède : nous n'avons qu'à en déduire quelques conséquences. Elles sont perfectibles par l'Esprit qui se développe à travers ses différentes migrations, à chacune desquelles il acquiert peu à peu les facultés qui lui manquent ; mais à mesure que ses facultés s'étendent, il lui faut un instrument approprié, comme à un enfant qui grandit il faut des habits plus larges ; or, les corps constitués pour son état primitif étant insuffisants, il lui faut s'incarner dans de meilleures conditions, et ainsi de suite à mesure qu'il progresse.
Les races sont aussi perfectibles par le corps, mais ce n'est que par le croisement avec des races plus perfectionnées, qui y apportent de nouveaux éléments, qui y greffent pour ainsi dire les germes de nouveaux organes. Ce croisement se fait par les émigrations, les guerres et les conquêtes. Sous ce rapport, il en est des races comme des familles qui s'abâtardissent si elles ne mélangent des sangs divers. Alors on ne peut pas dire que ce soit la race primitive pure, car sans croisement cette race sera toujours la même, son état d'infériorité tenant à sa nature ; elle dégénérera au lieu de progresser, et c'est ce qui en amène la disparition dans un temps donné.
Au sujet des nègres esclaves on dit : « Ce sont des êtres si bruts, si peu intelligents, que ce serait peine perdue de chercher à les instruire ; c'est une race inférieure, incorrigible et profondément incapable ». La théorie que nous venons de donner permet de les envisager sous un autre jour ; dans la question du perfectionnement des races, il faut toujours tenir compte des deux éléments constitutifs de l'homme : l'élément spirituel et l'élément corporel. Il faut les connaître l'un et l'autre, et le Spiritisme seul peut nous éclairer sur la nature de l'élément spirituel, le plus important, puisque c'est celui qui pense et qui survit, tandis que l'élément corporel se détruit.
Les nègres donc, comme organisation physique, seront toujours les mêmes ; comme Esprits, c'est sans doute une race inférieure, c'est-à-dire primitive ; ce sont de véritables enfants auxquels on peut apprendre bien peu de chose ; mais par des soins intelligents on peut toujours modifier certaines habitudes, certaines tendances, et c'est déjà un progrès qu'ils apporteront dans une autre existence, et qui leur permettra plus tard de prendre une enveloppe dans de meilleures conditions. En travaillant à leur amélioration, on travaille moins pour leur présent que pour leur avenir, et quelque peu que l'on gagne, c'est toujours pour eux autant d'acquis ; chaque progrès est un pas en avant qui facilite de nouveaux progrès.
Sous la même enveloppe, c'est-à-dire avec les mêmes instruments de manifestation de la pensée, les races ne sont perfectibles que dans des limites étroites, par les raisons que nous avons développées. Voilà pourquoi la race nègre, en tant que race nègre, corporellement parlant, n'atteindra jamais le niveau des races caucasiques ; mais, en tant qu'Esprits, c'est autre chose ; elle peut devenir, et elle deviendra ce que nous sommes ; seulement il lui faudra du temps et de meilleurs instruments. Voilà pourquoi les races sauvages, même au contact de la civilisation, restent toujours sauvages ; mais à mesure que les races civilisées s'étendent, les races sauvages diminuent, jusqu'à ce qu'elles disparaissent complètement, comme ont disparu les races des Caraïbes, des Guanches et autres. Les corps ont disparu, mais que sont devenus les Esprits ? Plus d'un est peut-être parmi nous.
Nous l'avons dit, et nous le répétons, le Spiritisme ouvre à toutes les sciences des horizons nouveaux ; quand les savants consentiront à tenir compte de l'élément spirituel dans les phénomènes de la nature, ils seront tout surpris de voir les difficultés contre lesquelles ils se heurtent à chaque pas s'aplanir comme par enchantement ; mais il est probable que, pour beaucoup, il faudra renouveler l'habit. Quand ils reviendront, ils auront eu le temps de réfléchir et apporteront de nouvelles idées. Ils trouveront les choses bien changées ici-bas ; les idées spirites, qu'ils repoussent aujourd'hui, auront germé partout et seront la base de toutes les institutions sociales ; eux-mêmes seront élevés et nourris dans cette croyance qui ouvrira à leur génie un nouveau champ pour le progrès de la science. En attendant, et pendant qu'ils sont encore ici, qu'ils cherchent la solution de ce problème : Pourquoi l'autorité de leur savoir et leurs dénégations n'arrêtent pas un seul instant la marche, de jour en jour plus rapide, des idées nouvelles ?
[1] Voir Revue Spirite, juillet 1860 : La Phrénologie et la Physiognomonie.
[2] Voyez la Revue de mars 1861 : La tête de Garibaldi, page 76.
[3] Voyez la Revue Spirite d'octobre 1861 : Les Crétins.
Conséquences de la doctrine de la réincarnation sur la propagation du Spiritisme
Le Spiritisme marche avec rapidité, c'est là un fait
que personne ne saurait nier ; or, quand une chose se propage, c'est
qu'elle convient, donc si le Spiritisme se propage, c'est qu'il convient. A
cela il y plusieurs causes ; la première est sans contredit, ainsi que
nous l'avons expliqué en diverses circonstances, la satisfaction morale qu'il
procure à ceux qui le comprennent et le pratiquent ; mais cette cause même
reçoit en partie sa puissance du principe de la réincarnation ; c'est ce
que nous allons essayer de démontrer.
Tout homme qui réfléchit ne peut s'empêcher de se préoccuper de son avenir après sa mort, et cela en vaut bien la peine. Quel est celui qui n'attache pas à sa situation sur la terre pendant quelques années plus d'importance qu'à celle de quelques jours ? On fait plus : pendant la première partie de la vie, on travaille, on s'exténue de fatigue, on s'impose toutes sortes de privations pour s'assurer dans l'autre moitié un peu de repos et de bien-être. Si l'on prend tant de soins pour quelques années éventuelles, n'est-il pas rationnel d'en prendre encore davantage pour la vie d'outre-tombe dont la durée est illimitée ? Pourquoi la plupart travaillent-ils plus pour le présent fugitif que pour l'avenir sans fin ? C'est qu'on croit à la réalité du présent et qu'on doute de l'avenir ; or, on ne doute que de ce que l'on ne comprend pas. Que l'avenir soit compris, et le doute cessera. Aux yeux mêmes de celui qui, dans l'état des croyances vulgaires, est le mieux convaincu de la vie future, elle se présente d'une manière si vague, que la foi ne suffit pas toujours pour fixer les idées, et qu'elle a plus des caractères de l'hypothèse que de ceux de la réalité. Le Spiritisme vient lever cette incertitude par le témoignage de ceux qui ont vécu, et par des preuves en quelque sorte matérielles.
Toute religion repose nécessairement sur la vie future, et tous les dogmes convergent forcément vers ce but unique ; c'est en vue d'atteindre ce but qu'on les pratique, et la foi en ces dogmes est en raison de l'efficacité qu'on leur suppose pour y arriver. La théorie de la vie future est donc la pierre angulaire de toute doctrine religieuse ; si cette théorie pèche par la base ; si elle ouvre le champ des objections sérieuses ; si elle se contredit elle-même ; si l'on peut démontrer l'impossibilité de certaines parties, tout s'écroule : le doute vient d'abord, au doute succède la négation absolue, et les dogmes sont entraînés dans le naufrage de la foi. On a cru échapper au danger en proscrivant l'examen et en faisant une vertu de la foi aveugle ; mais prétendre imposer la foi aveugle en ce siècle-ci, c'est méconnaître le temps où nous vivons ; on réfléchit malgré soi ; on examine par la force des choses ; on veut savoir le pourquoi et le comment ; le développement de l'industrie et des sciences exactes apprend à regarder le terrain sur lequel on pose le pied, c'est pourquoi on sonde celui sur lequel on dit que l'on marchera après la mort ; si on ne le trouve pas solide, c'est-à-dire logique, rationnel, on ne s'en préoccupe pas. On aura beau faire, on ne parviendra pas à neutraliser cette tendance, parce qu'elle est inhérente au développement intellectuel et moral de l'humanité. Selon les uns c'est un bien, selon d'autres c'est un mal ; quelle que soit la manière dont on l'envisage, il faut bon gré mal gré s'en accommoder, car il n'y a pas moyen de faire autrement.
Le besoin de se rendre compte et de comprendre se reporte des choses matérielles sur les choses morales. La vie future n'est sans doute pas une chose palpable comme un chemin de fer et une machine à vapeur, mais elle peut être comprise par le raisonnement ; si le raisonnement en vertu duquel on cherche à la démontrer ne satisfait pas la raison, on rejette et prémisses et conclusions. Interrogez ceux qui nient la vie future, et tous vous diront qu'ils ont été conduits à l'incrédulité par le tableau même qu'on leur en fait avec son cortège de diables, de flammes et de peines sans fin.
Toutes les questions morales, psychologiques et métaphysiques se lient d'une manière plus ou moins directe à la question de l'avenir ; il en résulte que de cette dernière question dépend en quelque sorte la rationalité de toutes les doctrines philosophiques et religieuses. Le Spiritisme vient à son tour, non comme une religion, mais comme doctrine philosophique, apporter sa théorie appuyée sur le fait des manifestations ; il ne s'impose pas ; il ne réclame pas de confiance aveugle ; il se met sur les rangs et dit : Examinez, comparez et jugez ; si vous trouvez quelque chose de mieux que ce que je vous donne, prenez-le. Il ne dit point : Je viens saper les fondements de la religion et y substituer un culte nouveau ; il dit : Je ne m'adresse pas à ceux qui croient et qui sont satisfaits de leurs croyances, mais à ceux qui désertent vos rangs pour l'incrédulité et que vous n'avez pas su ou pu retenir ; je viens leur donner, sur les vérités qu'ils repoussent, une interprétation de nature à satisfaire leur raison et qui les leur fasse accepter ; et la preuve que je réussis, c'est le nombre de ceux que je tire du bourbier de l'incrédulité. Écoutez-les, et ils vous diront tous : Si l'on m'avait enseigné ces choses de cette manière dès mon enfance, je n'aurais jamais douté ; maintenant je crois, parce que je comprends. Devez-vous les repousser parce qu'ils acceptent l'esprit et non la lettre, le principe au lieu de la forme ? Libre à vous ; si votre conscience vous en fait un devoir, nul ne songe à la violenter, mais je n'en dirai pas moins que c'est une faute ; je dis plus, une imprudence.
La vie future est, comme nous l'avons dit, le but essentiel de toute doctrine morale ; sans la vie future, la morale n'a plus de base. Le triomphe du Spiritisme est précisément dans la manière dont il présente l'avenir ; outre les preuves qu'il en donne, le tableau qu'il en fait est si clair, si simple, si logique, si conforme à la justice et à la bonté de Dieu, qu'involontairement on se dit : Oui, c'est bien ainsi que cela doit être, c'est ainsi que je l'avais rêvé, et si je n'y ai pas cru, c'est parce qu'on m'avait affirmé que c'était autrement. Mais qu'est-ce qui donne à la théorie de l'avenir une telle puissance ? qu'est-ce qui lui concilie de si nombreuses sympathies ? C'est, disons-nous, son inflexible logique, c'est parce qu'elle résout des difficultés jusqu'alors insolubles, et cela, elle le doit au principe de la pluralité des existences ; en effet, ôtez ce principe, et mille problèmes tous plus insolubles les uns que les autres se présentent à l'instant ; on se heurte à chaque pas contre des objections sans nombre. Ces objections, on ne les faisait pas autrefois, c'est-à-dire on n'y songeait pas ; mais, aujourd'hui que l'enfant est devenu homme, il veut aller au fond de choses ; il veut voir clair dans le chemin où on le conduit ; il sonde et pèse la valeur des arguments qu'on lui donne, et s'ils ne satisfont pas sa raison, s'ils le laissent dans le vague et l'incertitude, il les rejette en attendant mieux. La pluralité des existences est une clef qui ouvre des horizons nouveaux, qui donne une raison d'être à une foule de choses incomprises, qui explique ce qui était inexplicable ; elle concilie tous les événements de la vie avec la justice et la bonté de Dieu ; voilà pourquoi ceux qui en étaient arrivés à douter de cette justice et de cette bonté reconnaissent maintenant le doigt de la Providence là où ils l'avaient méconnu. Sans la réincarnation, en effet, quelle cause assigner aux idées innées ; comment justifier l'idiotisme, le crétinisme, la sauvagerie à côté du génie et de la civilisation ; la profonde misère des uns à côté du bonheur des autres, les morts prématurées et tant d'autres choses ? Au point de vue religieux, certains dogmes, tels que le péché originel, la chute des anges, l'éternité des peines, la résurrection de la chair, etc., trouvent dans ce principe une interprétation rationnelle qui en fait accepter l'esprit par ceux mêmes qui en repoussaient la lettre.
En résumé, l'homme actuel veut comprendre ; le principe de la réincarnation jette la lumière sur ce qui était obscur ; voilà pourquoi nous disons que ce principe est une des causes qui font accueillir le Spiritisme avec faveur.
La réincarnation, dira-t-on, n'est pas nécessaire pour croire aux Esprits et à leur manifestation, et la preuve en est, c'est qu'il y a des croyants qui ne l'admettent pas. Cela est vrai ; aussi ne disons-nous pas qu'on ne puisse être très bon Spirite sans cela ; nous ne sommes pas de ceux qui jettent la pierre à qui ne pense pas comme nous. Nous disons seulement qu'ils n'ont pas abordé tous les problèmes que soulève le système unitaire, sans cela ils auraient reconnu l'impossibilité d'en donner une solution satisfaisante. L'idée de la pluralité des existences a d'abord été accueillie avec étonnement, avec défiance ; puis, peu à peu, on s'est familiarisé avec cette idée, à mesure qu'on a reconnu l'impossibilité de sortir sans cela des innombrables difficultés que soulèvent la psychologie et la vie future. Il est un fait certain, c'est que ce système gagne tous les jours du terrain, et que l'autre en perd tous les jours ; en France, aujourd'hui, les adversaires de la réincarnation, — nous parlons de ceux qui ont étudié la science spirite, — sont en nombre imperceptible comparativement à ses partisans ; en Amérique même, où ils sont le plus nombreux, par les causes que nous avons expliquées dans notre précédent numéro, ce principe commence à se populariser, d'où l'on peut conclure que le temps n'est pas loin où il n'y aura aucune dissidence sous ce rapport.
Tout homme qui réfléchit ne peut s'empêcher de se préoccuper de son avenir après sa mort, et cela en vaut bien la peine. Quel est celui qui n'attache pas à sa situation sur la terre pendant quelques années plus d'importance qu'à celle de quelques jours ? On fait plus : pendant la première partie de la vie, on travaille, on s'exténue de fatigue, on s'impose toutes sortes de privations pour s'assurer dans l'autre moitié un peu de repos et de bien-être. Si l'on prend tant de soins pour quelques années éventuelles, n'est-il pas rationnel d'en prendre encore davantage pour la vie d'outre-tombe dont la durée est illimitée ? Pourquoi la plupart travaillent-ils plus pour le présent fugitif que pour l'avenir sans fin ? C'est qu'on croit à la réalité du présent et qu'on doute de l'avenir ; or, on ne doute que de ce que l'on ne comprend pas. Que l'avenir soit compris, et le doute cessera. Aux yeux mêmes de celui qui, dans l'état des croyances vulgaires, est le mieux convaincu de la vie future, elle se présente d'une manière si vague, que la foi ne suffit pas toujours pour fixer les idées, et qu'elle a plus des caractères de l'hypothèse que de ceux de la réalité. Le Spiritisme vient lever cette incertitude par le témoignage de ceux qui ont vécu, et par des preuves en quelque sorte matérielles.
Toute religion repose nécessairement sur la vie future, et tous les dogmes convergent forcément vers ce but unique ; c'est en vue d'atteindre ce but qu'on les pratique, et la foi en ces dogmes est en raison de l'efficacité qu'on leur suppose pour y arriver. La théorie de la vie future est donc la pierre angulaire de toute doctrine religieuse ; si cette théorie pèche par la base ; si elle ouvre le champ des objections sérieuses ; si elle se contredit elle-même ; si l'on peut démontrer l'impossibilité de certaines parties, tout s'écroule : le doute vient d'abord, au doute succède la négation absolue, et les dogmes sont entraînés dans le naufrage de la foi. On a cru échapper au danger en proscrivant l'examen et en faisant une vertu de la foi aveugle ; mais prétendre imposer la foi aveugle en ce siècle-ci, c'est méconnaître le temps où nous vivons ; on réfléchit malgré soi ; on examine par la force des choses ; on veut savoir le pourquoi et le comment ; le développement de l'industrie et des sciences exactes apprend à regarder le terrain sur lequel on pose le pied, c'est pourquoi on sonde celui sur lequel on dit que l'on marchera après la mort ; si on ne le trouve pas solide, c'est-à-dire logique, rationnel, on ne s'en préoccupe pas. On aura beau faire, on ne parviendra pas à neutraliser cette tendance, parce qu'elle est inhérente au développement intellectuel et moral de l'humanité. Selon les uns c'est un bien, selon d'autres c'est un mal ; quelle que soit la manière dont on l'envisage, il faut bon gré mal gré s'en accommoder, car il n'y a pas moyen de faire autrement.
Le besoin de se rendre compte et de comprendre se reporte des choses matérielles sur les choses morales. La vie future n'est sans doute pas une chose palpable comme un chemin de fer et une machine à vapeur, mais elle peut être comprise par le raisonnement ; si le raisonnement en vertu duquel on cherche à la démontrer ne satisfait pas la raison, on rejette et prémisses et conclusions. Interrogez ceux qui nient la vie future, et tous vous diront qu'ils ont été conduits à l'incrédulité par le tableau même qu'on leur en fait avec son cortège de diables, de flammes et de peines sans fin.
Toutes les questions morales, psychologiques et métaphysiques se lient d'une manière plus ou moins directe à la question de l'avenir ; il en résulte que de cette dernière question dépend en quelque sorte la rationalité de toutes les doctrines philosophiques et religieuses. Le Spiritisme vient à son tour, non comme une religion, mais comme doctrine philosophique, apporter sa théorie appuyée sur le fait des manifestations ; il ne s'impose pas ; il ne réclame pas de confiance aveugle ; il se met sur les rangs et dit : Examinez, comparez et jugez ; si vous trouvez quelque chose de mieux que ce que je vous donne, prenez-le. Il ne dit point : Je viens saper les fondements de la religion et y substituer un culte nouveau ; il dit : Je ne m'adresse pas à ceux qui croient et qui sont satisfaits de leurs croyances, mais à ceux qui désertent vos rangs pour l'incrédulité et que vous n'avez pas su ou pu retenir ; je viens leur donner, sur les vérités qu'ils repoussent, une interprétation de nature à satisfaire leur raison et qui les leur fasse accepter ; et la preuve que je réussis, c'est le nombre de ceux que je tire du bourbier de l'incrédulité. Écoutez-les, et ils vous diront tous : Si l'on m'avait enseigné ces choses de cette manière dès mon enfance, je n'aurais jamais douté ; maintenant je crois, parce que je comprends. Devez-vous les repousser parce qu'ils acceptent l'esprit et non la lettre, le principe au lieu de la forme ? Libre à vous ; si votre conscience vous en fait un devoir, nul ne songe à la violenter, mais je n'en dirai pas moins que c'est une faute ; je dis plus, une imprudence.
La vie future est, comme nous l'avons dit, le but essentiel de toute doctrine morale ; sans la vie future, la morale n'a plus de base. Le triomphe du Spiritisme est précisément dans la manière dont il présente l'avenir ; outre les preuves qu'il en donne, le tableau qu'il en fait est si clair, si simple, si logique, si conforme à la justice et à la bonté de Dieu, qu'involontairement on se dit : Oui, c'est bien ainsi que cela doit être, c'est ainsi que je l'avais rêvé, et si je n'y ai pas cru, c'est parce qu'on m'avait affirmé que c'était autrement. Mais qu'est-ce qui donne à la théorie de l'avenir une telle puissance ? qu'est-ce qui lui concilie de si nombreuses sympathies ? C'est, disons-nous, son inflexible logique, c'est parce qu'elle résout des difficultés jusqu'alors insolubles, et cela, elle le doit au principe de la pluralité des existences ; en effet, ôtez ce principe, et mille problèmes tous plus insolubles les uns que les autres se présentent à l'instant ; on se heurte à chaque pas contre des objections sans nombre. Ces objections, on ne les faisait pas autrefois, c'est-à-dire on n'y songeait pas ; mais, aujourd'hui que l'enfant est devenu homme, il veut aller au fond de choses ; il veut voir clair dans le chemin où on le conduit ; il sonde et pèse la valeur des arguments qu'on lui donne, et s'ils ne satisfont pas sa raison, s'ils le laissent dans le vague et l'incertitude, il les rejette en attendant mieux. La pluralité des existences est une clef qui ouvre des horizons nouveaux, qui donne une raison d'être à une foule de choses incomprises, qui explique ce qui était inexplicable ; elle concilie tous les événements de la vie avec la justice et la bonté de Dieu ; voilà pourquoi ceux qui en étaient arrivés à douter de cette justice et de cette bonté reconnaissent maintenant le doigt de la Providence là où ils l'avaient méconnu. Sans la réincarnation, en effet, quelle cause assigner aux idées innées ; comment justifier l'idiotisme, le crétinisme, la sauvagerie à côté du génie et de la civilisation ; la profonde misère des uns à côté du bonheur des autres, les morts prématurées et tant d'autres choses ? Au point de vue religieux, certains dogmes, tels que le péché originel, la chute des anges, l'éternité des peines, la résurrection de la chair, etc., trouvent dans ce principe une interprétation rationnelle qui en fait accepter l'esprit par ceux mêmes qui en repoussaient la lettre.
En résumé, l'homme actuel veut comprendre ; le principe de la réincarnation jette la lumière sur ce qui était obscur ; voilà pourquoi nous disons que ce principe est une des causes qui font accueillir le Spiritisme avec faveur.
La réincarnation, dira-t-on, n'est pas nécessaire pour croire aux Esprits et à leur manifestation, et la preuve en est, c'est qu'il y a des croyants qui ne l'admettent pas. Cela est vrai ; aussi ne disons-nous pas qu'on ne puisse être très bon Spirite sans cela ; nous ne sommes pas de ceux qui jettent la pierre à qui ne pense pas comme nous. Nous disons seulement qu'ils n'ont pas abordé tous les problèmes que soulève le système unitaire, sans cela ils auraient reconnu l'impossibilité d'en donner une solution satisfaisante. L'idée de la pluralité des existences a d'abord été accueillie avec étonnement, avec défiance ; puis, peu à peu, on s'est familiarisé avec cette idée, à mesure qu'on a reconnu l'impossibilité de sortir sans cela des innombrables difficultés que soulèvent la psychologie et la vie future. Il est un fait certain, c'est que ce système gagne tous les jours du terrain, et que l'autre en perd tous les jours ; en France, aujourd'hui, les adversaires de la réincarnation, — nous parlons de ceux qui ont étudié la science spirite, — sont en nombre imperceptible comparativement à ses partisans ; en Amérique même, où ils sont le plus nombreux, par les causes que nous avons expliquées dans notre précédent numéro, ce principe commence à se populariser, d'où l'on peut conclure que le temps n'est pas loin où il n'y aura aucune dissidence sous ce rapport.
Épidémie démoniaque en Savoie
Les journaux ont parlé, il y a quelque temps, d'une monomanie épidémique qui s'est déclarée dans une partie de la Haute-Savoie, et contre laquelle ont échoué tous les secours de la médecine et de la religion. Le seul moyen qui ait produit des résultats un peu satisfaisants, c'est la dispersion des individus dans différentes villes. Nous recevons à ce sujet la lettre suivante du capitaine B…, membre de la Société spirite de Paris, en ce moment à Annecy.
Annecy, 7 mars 1862.
« Monsieur le président,
« Pensant me rendre utile à la Société, j'ai l'honneur de vous envoyer une brochure que m'a remise un de mes amis, M. le docteur Caille, chargé par le ministre de suivre l'enquête faite par M. Constant, inspecteur des maisons d'aliénés, sur les cas très nombreux de démonomanie observés dans la commune de Morzine, arrondissement de Thonon (Haute-Savoie). Cette malheureuse population est encore aujourd'hui sous l'influence de l'obsession, malgré les exorcismes, les traitements médicaux, les mesures prises par l'autorité, l'internement dans les hôpitaux du département ; les cas ont un peu diminué, mais non cessé, et le mal existe pour ainsi dire à l'état latent. Le curé, voulant exorciser ces malheureux, pour la plupart enfants, les avait fait amener à l'église, conduits par des hommes vigoureux. A peine avait-il prononcé les premières paroles latines, qu'une scène épouvantable se produisit : cris, bonds furieux, convulsions, etc., à tel point qu'on dut envoyer quérir la gendarmerie et une compagnie d'infanterie pour mettre le bon ordre.
« Je n'ai pu me procurer tous les renseignements que je voudrais pouvoir vous donner dès aujourd'hui, mais ces faits me semblent assez graves pour mériter votre examen. M. le docteur aliéniste Arthaud, de Lyon, a lu un rapport à la Société médicale de cette ville, rapport qui est imprimé dans la Gazette médicale de Lyon, et que vous pourrez vous procurer par votre correspondant. Nous avons, dans l'hôpital de cette ville, deux femmes de Morzine qui sont en traitement. M. le docteur Caille conclut à une affection nerveuse épidémique qui échappe à toute espèce de traitement et d'exorcisme ; l'isolement seul a produit de bons résultats. Tous ces malheureux obsédés prononcent dans leurs crises des paroles ordurières ; ils font des bonds prodigieux par-dessus les tables, grimpent sur les arbres, sur les toits, et prophétisent quelquefois.
« Si ces faits se sont présentés au seizième et au dix-septième siècle, dans les couvents et dans les pays de labour, il n'en est pas moins vrai que dans notre dix-neuvième siècle ils nous offrent, à nous Spirites, un sujet d'étude au point de vue de l'obsession épidémique, se généralisant et persistant pendant des années, puisqu'il y a près de cinq ans que le premier cas a été observé.
« J'aurai l'honneur de vous envoyer tous les documents et renseignements que je pourrai me procurer.
« Agréez, etc.
B… »
Les deux communications suivantes nous ont été données à ce sujet, dans la Société de Paris, par nos Esprits habituels.
« Ce ne sont pas des médecins, mais des magnétiseurs, des spiritualistes ou des spirites qu'il faudrait envoyer pour dissiper la légion des mauvais Esprits égarés dans votre planète. Je dis égarés, car ils ne feront que passer. Mais longtemps la malheureuse population, souillée par leur contact impur, souffrira dans son moral et dans son corps. Où est le remède ? demandez-vous. Il surgira du mal, car les hommes, effrayés par ces manifestations, accueilleront avec transport le contact bienfaisant des bons Esprits qui leur succéderont comme l'aube succède à la nuit. Cette pauvre population, ignorante de tout travail intellectuel, aurait méconnu les communications intelligentes des Esprits, ou plutôt ne les aurait pas même perçues. L'initiation et les maux qu'entraîne cette tourbe impure ouvrent les yeux fermés, et les désordres, les actes de démence, ne sont que le prélude de l'initiation, car tous doivent participer à la grande lumière spirite. Ne vous récriez pas sur la cruelle façon de procéder : tout a un but, et les souffrances doivent féconder comme font les orages qui détruisent la moisson d'un pays, tandis qu'ils fertilisent d'autres contrées.
Georges (Médium, madame Costel).
« Les cas de démonomanie qui se produisent aujourd'hui en Savoie se produisent également dans beaucoup d'autres contrées, notamment en Allemagne, mais plus principalement en Orient. Ce fait anomal est plus caractéristique que vous ne le pensez. En effet, il révèle pour l'observateur attentif une situation analogue à celle qui s'est manifestée dans les dernières années du paganisme. Personne n'ignore que lorsque Christ, notre maître bien-aimé, s'incarna en Judée sous les traits du charpentier Jésus, cette contrée avait été envahie par des légions de mauvais Esprits qui s'emparaient, par la possession, comme aujourd'hui, des classes sociales les plus ignorantes, des Esprits incarnés les plus faibles et les moins avancés, en un mot, des individus qui gardaient les troupeaux ou qui vaquaient aux occupations de la vie des champs. N'apercevez-vous pas une analogie très grande entre la reproduction de ces phénomènes identiques de possession ? Ah ! il y a là un enseignement bien profond ! et vous devez en conclure que les temps prédits approchent de plus en plus, et que le Fils de l'homme reviendra bientôt chasser de nouveau cette tourbe d'Esprits impurs qui se sont abattus sur la terre, et raviver la foi chrétienne en donnant sa haute et divine sanction aux révélations consolantes et aux enseignements régénérateurs du Spiritisme. Pour en revenir aux cas actuels de démonomanie, il faut se rappeler, que les savants, que les médecins du siècle d'Auguste traitèrent, suivant les procédés hippocratiques, les malheureux possédés de la Palestine, et que toute leur science se brisa devant cette puissance inconnue. Eh bien ! Aujourd’hui encore, tous vos inspecteurs d'épidémies, tous vos aliénistes les plus distingués, savants docteurs en matérialisme pur, échoueront de même devant cette maladie toute morale, devant cette épidémie toute spirituelle. Mais qu'importe ! mes amis, vous que la grâce nouvelle a touchés, vous savez combien ces maux passagers sont guérissables par ceux qui ont la foi. Espérez donc, attendez avec confiance la venue de Celui qui a déjà racheté l'humanité ; l'heure est proche ; l'Esprit précurseur est incarné déjà ; à bientôt donc l'épanouissement complet de cette doctrine qui a pris pour devise : « Hors de la charité, pas de salut ! »
Éraste (Médium, M. d'Ambel).
De ce qui précède, il faudrait conclure qu'il ne s'agit point ici d'une affection organique, mais bien d'une influence occulte. Nous avons d'autant moins de peine à le croire, que nous avons eu de nombreux cas identiques isolés dus à cette même cause ; et ce qui le prouve, c'est que les moyens enseignés par le Spiritisme ont suffi pour faire cesser l'obsession. Il est démontré par l'expérience que les Esprits malveillants agissent non seulement sur la pensée, mais aussi sur le corps, avec lequel ils s'identifient, et dont ils se servent comme si c'était le leur ; qu'ils provoquent des actes ridicules, des cris, des mouvements désordonnés ayant toutes les apparences de la folie ou de la monomanie. On en trouvera l'explication dans notre Livre des Médiums, au chapitre de l'Obsession, et dans un prochain article nous citerons plusieurs faits qui le démontrent d'une manière incontestable. C'est bien, en effet, une sorte de folie, puisqu'on peut donner ce nom à tout état anomal où l'esprit n'agit pas librement ; à ce point de vue, l'ivresse est une véritable folie accidentelle.
Il faut donc distinguer la folie pathologique de la folie obsessionnelle. La première est produite par un désordre dans les organes de la manifestation de la pensée. Remarquons que, dans cet état de choses, ce n'est pas l'Esprit qui est fou ; il conserve la plénitude de ses facultés, ainsi que le démontre l'observation ; seulement, l'instrument dont il se sert pour se manifester étant désorganisé, la pensée, ou plutôt l'expression de la pensée est incohérente.
Dans la folie obsessionnelle, il n'y a pas de lésion organique ; c'est l'Esprit lui-même qui est affecté par la subjugation d'un Esprit étranger qui le domine et le maîtrise. Dans le premier cas, il faut essayer de guérir l'organe malade ; dans le second, il suffit de délivrer l'Esprit malade d'un hôte importun, afin de lui rendre sa liberté. Les cas semblables sont très fréquents, et l'on a souvent pris pour de la folie ce qui n'était en réalité qu'une obsession, pour laquelle il fallait employer des moyens moraux et non des douches. Par les traitements physiques, et surtout par le contact des véritables aliénés, on a souvent déterminé une vraie folie là où elle n'existait pas.
Le Spiritisme, qui ouvre des horizons nouveaux à toutes les sciences, vient donc aussi éclairer la question si obscure des maladies mentales, en signalant une cause dont, jusqu'à ce jour, on n'avait tenu aucun compte ; cause réelle, évidente, prouvée par l'expérience, et dont on reconnaîtra plus tard la vérité. Mais comment faire admettre cette cause par ceux qui sont tout prêts à envoyer aux Petites-Maisons quiconque a la faiblesse de croire que nous avons une âme, que cette âme joue un rôle dans les fonctions vitales, qu'elle survit au corps et peut agir sur les vivants ? Dieu merci ! et pour le bien de l'humanité, les idées spirites font plus de progrès parmi les médecins qu'on ne pouvait l'espérer, et tout fait prévoir que, dans un avenir peu éloigné, la médecine sortira enfin de l'ornière matérialiste.
Les cas isolés d'obsession physique ou de subjugation étant avérés, on comprend que, semblable à une nuée de sauterelles, une troupe de mauvais Esprits peut s'abattre sur un certain nombre d'individus, s'en emparer et produire une sorte d'épidémie morale. L'ignorance, la faiblesse des facultés, le défaut de culture intellectuelle, leur donnent naturellement plus de prise ; c'est pourquoi ils sévissent de préférence sur certaines classes, quoique les personnes intelligentes et instruites n'en soient pas toujours exemptes. C'est probablement, comme le dit Éraste, une épidémie de ce genre qui régnait du temps du Christ, et dont il est si souvent parlé dans l'Évangile. Mais pourquoi sa parole seule suffisait-elle pour chasser ce que l'on appelait alors des démons ? Cela prouve que le mal ne pouvait être guéri que par une influence morale ; or, qui peut nier l'influence morale du Christ ? Cependant, dira-t-on, on a employé l'exorcisme, qui est un remède moral, et il n'a rien produit ? S'il n'a rien produit, c'est que le remède ne vaut rien, et qu'il en faut chercher un autre ; cela est évident. Étudiez le Spiritisme, et vous en comprendrez la raison. Le Spiritisme seul, en signalant la véritable cause du mal, peut donner les moyens de combattre les fléaux de cette nature. Mais quand nous disons de l'étudier, nous entendons qu'il faut le faire sérieusement, et non dans l'espoir d'y trouver une recette banale à l'usage du premier venu.
Ce qui arrive en Savoie, en appelant l'attention, hâtera probablement le moment où l'on reconnaîtra la part d'action du monde invisible dans les phénomènes de la nature ; une fois entrée dans cette voie, la science possédera la clef de bien des mystères, et verra s'abaisser la plus formidable barrière qui arrête le progrès : le matérialisme, qui rétrécit le cercle de l'observation, au lieu de l'élargir.
Annecy, 7 mars 1862.
« Monsieur le président,
« Pensant me rendre utile à la Société, j'ai l'honneur de vous envoyer une brochure que m'a remise un de mes amis, M. le docteur Caille, chargé par le ministre de suivre l'enquête faite par M. Constant, inspecteur des maisons d'aliénés, sur les cas très nombreux de démonomanie observés dans la commune de Morzine, arrondissement de Thonon (Haute-Savoie). Cette malheureuse population est encore aujourd'hui sous l'influence de l'obsession, malgré les exorcismes, les traitements médicaux, les mesures prises par l'autorité, l'internement dans les hôpitaux du département ; les cas ont un peu diminué, mais non cessé, et le mal existe pour ainsi dire à l'état latent. Le curé, voulant exorciser ces malheureux, pour la plupart enfants, les avait fait amener à l'église, conduits par des hommes vigoureux. A peine avait-il prononcé les premières paroles latines, qu'une scène épouvantable se produisit : cris, bonds furieux, convulsions, etc., à tel point qu'on dut envoyer quérir la gendarmerie et une compagnie d'infanterie pour mettre le bon ordre.
« Je n'ai pu me procurer tous les renseignements que je voudrais pouvoir vous donner dès aujourd'hui, mais ces faits me semblent assez graves pour mériter votre examen. M. le docteur aliéniste Arthaud, de Lyon, a lu un rapport à la Société médicale de cette ville, rapport qui est imprimé dans la Gazette médicale de Lyon, et que vous pourrez vous procurer par votre correspondant. Nous avons, dans l'hôpital de cette ville, deux femmes de Morzine qui sont en traitement. M. le docteur Caille conclut à une affection nerveuse épidémique qui échappe à toute espèce de traitement et d'exorcisme ; l'isolement seul a produit de bons résultats. Tous ces malheureux obsédés prononcent dans leurs crises des paroles ordurières ; ils font des bonds prodigieux par-dessus les tables, grimpent sur les arbres, sur les toits, et prophétisent quelquefois.
« Si ces faits se sont présentés au seizième et au dix-septième siècle, dans les couvents et dans les pays de labour, il n'en est pas moins vrai que dans notre dix-neuvième siècle ils nous offrent, à nous Spirites, un sujet d'étude au point de vue de l'obsession épidémique, se généralisant et persistant pendant des années, puisqu'il y a près de cinq ans que le premier cas a été observé.
« J'aurai l'honneur de vous envoyer tous les documents et renseignements que je pourrai me procurer.
« Agréez, etc.
B… »
Les deux communications suivantes nous ont été données à ce sujet, dans la Société de Paris, par nos Esprits habituels.
« Ce ne sont pas des médecins, mais des magnétiseurs, des spiritualistes ou des spirites qu'il faudrait envoyer pour dissiper la légion des mauvais Esprits égarés dans votre planète. Je dis égarés, car ils ne feront que passer. Mais longtemps la malheureuse population, souillée par leur contact impur, souffrira dans son moral et dans son corps. Où est le remède ? demandez-vous. Il surgira du mal, car les hommes, effrayés par ces manifestations, accueilleront avec transport le contact bienfaisant des bons Esprits qui leur succéderont comme l'aube succède à la nuit. Cette pauvre population, ignorante de tout travail intellectuel, aurait méconnu les communications intelligentes des Esprits, ou plutôt ne les aurait pas même perçues. L'initiation et les maux qu'entraîne cette tourbe impure ouvrent les yeux fermés, et les désordres, les actes de démence, ne sont que le prélude de l'initiation, car tous doivent participer à la grande lumière spirite. Ne vous récriez pas sur la cruelle façon de procéder : tout a un but, et les souffrances doivent féconder comme font les orages qui détruisent la moisson d'un pays, tandis qu'ils fertilisent d'autres contrées.
Georges (Médium, madame Costel).
« Les cas de démonomanie qui se produisent aujourd'hui en Savoie se produisent également dans beaucoup d'autres contrées, notamment en Allemagne, mais plus principalement en Orient. Ce fait anomal est plus caractéristique que vous ne le pensez. En effet, il révèle pour l'observateur attentif une situation analogue à celle qui s'est manifestée dans les dernières années du paganisme. Personne n'ignore que lorsque Christ, notre maître bien-aimé, s'incarna en Judée sous les traits du charpentier Jésus, cette contrée avait été envahie par des légions de mauvais Esprits qui s'emparaient, par la possession, comme aujourd'hui, des classes sociales les plus ignorantes, des Esprits incarnés les plus faibles et les moins avancés, en un mot, des individus qui gardaient les troupeaux ou qui vaquaient aux occupations de la vie des champs. N'apercevez-vous pas une analogie très grande entre la reproduction de ces phénomènes identiques de possession ? Ah ! il y a là un enseignement bien profond ! et vous devez en conclure que les temps prédits approchent de plus en plus, et que le Fils de l'homme reviendra bientôt chasser de nouveau cette tourbe d'Esprits impurs qui se sont abattus sur la terre, et raviver la foi chrétienne en donnant sa haute et divine sanction aux révélations consolantes et aux enseignements régénérateurs du Spiritisme. Pour en revenir aux cas actuels de démonomanie, il faut se rappeler, que les savants, que les médecins du siècle d'Auguste traitèrent, suivant les procédés hippocratiques, les malheureux possédés de la Palestine, et que toute leur science se brisa devant cette puissance inconnue. Eh bien ! Aujourd’hui encore, tous vos inspecteurs d'épidémies, tous vos aliénistes les plus distingués, savants docteurs en matérialisme pur, échoueront de même devant cette maladie toute morale, devant cette épidémie toute spirituelle. Mais qu'importe ! mes amis, vous que la grâce nouvelle a touchés, vous savez combien ces maux passagers sont guérissables par ceux qui ont la foi. Espérez donc, attendez avec confiance la venue de Celui qui a déjà racheté l'humanité ; l'heure est proche ; l'Esprit précurseur est incarné déjà ; à bientôt donc l'épanouissement complet de cette doctrine qui a pris pour devise : « Hors de la charité, pas de salut ! »
Éraste (Médium, M. d'Ambel).
De ce qui précède, il faudrait conclure qu'il ne s'agit point ici d'une affection organique, mais bien d'une influence occulte. Nous avons d'autant moins de peine à le croire, que nous avons eu de nombreux cas identiques isolés dus à cette même cause ; et ce qui le prouve, c'est que les moyens enseignés par le Spiritisme ont suffi pour faire cesser l'obsession. Il est démontré par l'expérience que les Esprits malveillants agissent non seulement sur la pensée, mais aussi sur le corps, avec lequel ils s'identifient, et dont ils se servent comme si c'était le leur ; qu'ils provoquent des actes ridicules, des cris, des mouvements désordonnés ayant toutes les apparences de la folie ou de la monomanie. On en trouvera l'explication dans notre Livre des Médiums, au chapitre de l'Obsession, et dans un prochain article nous citerons plusieurs faits qui le démontrent d'une manière incontestable. C'est bien, en effet, une sorte de folie, puisqu'on peut donner ce nom à tout état anomal où l'esprit n'agit pas librement ; à ce point de vue, l'ivresse est une véritable folie accidentelle.
Il faut donc distinguer la folie pathologique de la folie obsessionnelle. La première est produite par un désordre dans les organes de la manifestation de la pensée. Remarquons que, dans cet état de choses, ce n'est pas l'Esprit qui est fou ; il conserve la plénitude de ses facultés, ainsi que le démontre l'observation ; seulement, l'instrument dont il se sert pour se manifester étant désorganisé, la pensée, ou plutôt l'expression de la pensée est incohérente.
Dans la folie obsessionnelle, il n'y a pas de lésion organique ; c'est l'Esprit lui-même qui est affecté par la subjugation d'un Esprit étranger qui le domine et le maîtrise. Dans le premier cas, il faut essayer de guérir l'organe malade ; dans le second, il suffit de délivrer l'Esprit malade d'un hôte importun, afin de lui rendre sa liberté. Les cas semblables sont très fréquents, et l'on a souvent pris pour de la folie ce qui n'était en réalité qu'une obsession, pour laquelle il fallait employer des moyens moraux et non des douches. Par les traitements physiques, et surtout par le contact des véritables aliénés, on a souvent déterminé une vraie folie là où elle n'existait pas.
Le Spiritisme, qui ouvre des horizons nouveaux à toutes les sciences, vient donc aussi éclairer la question si obscure des maladies mentales, en signalant une cause dont, jusqu'à ce jour, on n'avait tenu aucun compte ; cause réelle, évidente, prouvée par l'expérience, et dont on reconnaîtra plus tard la vérité. Mais comment faire admettre cette cause par ceux qui sont tout prêts à envoyer aux Petites-Maisons quiconque a la faiblesse de croire que nous avons une âme, que cette âme joue un rôle dans les fonctions vitales, qu'elle survit au corps et peut agir sur les vivants ? Dieu merci ! et pour le bien de l'humanité, les idées spirites font plus de progrès parmi les médecins qu'on ne pouvait l'espérer, et tout fait prévoir que, dans un avenir peu éloigné, la médecine sortira enfin de l'ornière matérialiste.
Les cas isolés d'obsession physique ou de subjugation étant avérés, on comprend que, semblable à une nuée de sauterelles, une troupe de mauvais Esprits peut s'abattre sur un certain nombre d'individus, s'en emparer et produire une sorte d'épidémie morale. L'ignorance, la faiblesse des facultés, le défaut de culture intellectuelle, leur donnent naturellement plus de prise ; c'est pourquoi ils sévissent de préférence sur certaines classes, quoique les personnes intelligentes et instruites n'en soient pas toujours exemptes. C'est probablement, comme le dit Éraste, une épidémie de ce genre qui régnait du temps du Christ, et dont il est si souvent parlé dans l'Évangile. Mais pourquoi sa parole seule suffisait-elle pour chasser ce que l'on appelait alors des démons ? Cela prouve que le mal ne pouvait être guéri que par une influence morale ; or, qui peut nier l'influence morale du Christ ? Cependant, dira-t-on, on a employé l'exorcisme, qui est un remède moral, et il n'a rien produit ? S'il n'a rien produit, c'est que le remède ne vaut rien, et qu'il en faut chercher un autre ; cela est évident. Étudiez le Spiritisme, et vous en comprendrez la raison. Le Spiritisme seul, en signalant la véritable cause du mal, peut donner les moyens de combattre les fléaux de cette nature. Mais quand nous disons de l'étudier, nous entendons qu'il faut le faire sérieusement, et non dans l'espoir d'y trouver une recette banale à l'usage du premier venu.
Ce qui arrive en Savoie, en appelant l'attention, hâtera probablement le moment où l'on reconnaîtra la part d'action du monde invisible dans les phénomènes de la nature ; une fois entrée dans cette voie, la science possédera la clef de bien des mystères, et verra s'abaisser la plus formidable barrière qui arrête le progrès : le matérialisme, qui rétrécit le cercle de l'observation, au lieu de l'élargir.
Réponses à la question des anges déchus
Remarque. — Nous avons reçu de divers côtés des réponses à toutes les questions
proposées dans le numéro de janvier dernier. Leur étendue ne nous permet pas de
les publier toutes simultanément ; nous nous bornons aujourd'hui à la
question des anges rebelles.
(Bordeaux. — Médium, madame Cazemajoux.)
Mes amis, la théorie contenue dans le résumé que vous venez de lire est la plus logique et la plus rationnelle. La saine raison ne peut admettre la création d'Esprits purs et parfaits se révoltant contre Dieu et cherchant à l'égaler en puissance, en majesté, en grandeur.
Avant d'arriver à la perfection, l'Esprit ignorant et faible, laissé à son libre arbitre, se livre trop souvent à la corruption, et se plonge à plaisir dans l'océan de l'iniquité ; mais ce qui cause surtout sa perte, c'est l'orgueil. Il nie Dieu, attribue au hasard son existence, les merveilles de la création et l'harmonie universelle. Alors malheur à lui ! c'est un ange déchu. Au lieu d'avancer dans les mondes heureux, il est même exilé de la planète qu'il habite pour aller expier dans les mondes inférieurs sa rébellion incessante contre Dieu.
Gardez-vous, frères, de les imiter : ce sont les anges pervers ; faites tous vos efforts pour ne pas en augmenter le nombre ; que le flambeau de la foi spirite vous éclaire sur vos devoirs présents et sur vos intérêts futurs, afin que vous puissiez un jour éviter le sort des Esprits rebelles, et gravir l'échelle spirituelle qui mène à la perfection.
Vos Guides Spirituels.
(La Haye (Hollande). — Médium, M. le baron de Kock.)
Sur cet article je n'ai que très peu de mots à dire, sinon qu'il est sublime de vérité ; il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher ; bienheureux ceux qui ajouteront foi à ces belles paroles, ceux qui accepteront cette doctrine écrite par Kardec. Kardec est l'homme élu de Dieu pour l'instruction de l'homme d'à présent ; ce sont des paroles inspirées par des Esprits du bien, des Esprits très supérieurs. Ajoutez-y foi ; lisez, étudiez toute cette doctrine : c'est un bon conseil que je vous donne.
Votre Guide Protecteur.
(Sens. — Médium, M. Pichon.)
Dem. Que devons-nous penser de l'interprétation de la doctrine des anges déchus que M. Kardec a publiée dans le dernier numéro de la Revue spirite ? — Rép. Qu'elle est parfaitement rationnelle et que nous ne l'aurions pas mieux expliquée nous-mêmes.
Arago.
(Paris. Communication particulière. — Médium, mademoiselle Stéphanie.)
C'est bien défini, mais, il faut être franc, je ne trouve qu'une chose qui me contrarie : pourquoi parler de ce dogme de l'Immaculée Conception ? Avez-vous eu des révélations concernant la Mère du Christ ? Laissez ces discussions à l'Église catholique. Je regrette d'autant plus cette comparaison, que les prêtres croiront et diront que vous voulez leur faire la cour.
Un Esprit ami sincère du médium et du directeur de la Revue Spirite.
(Lyon. — Médium, madame Bouillant.)
Autrefois nous croyions que les anges, après avoir habité le monde le plus radieux, s'étaient révoltés contre Dieu, et avaient mérité d'être chassés de l'Eden que Dieu leur avait donné comme demeure. Nous avons chanté leur chute et leur faiblesse, et, croyant à cette fable du Paradis perdu, nous l'avons brodée de toutes les fleurs de rhétorique que nous connaissions. C'était pour nous un thème qui nous offrait un charme particulier. Ce premier homme et cette première femme chassés de leur oasis, condamnés à vivre sur terre, en proie à tous les maux qui viennent assiéger l'humanité, c'était pour l'auteur une grande ressource pour étendre ses idées, et le sujet surtout se prêtait parfaitement à nos idées mélancoliques ; comme les autres, nous avons accrédité l'erreur, et nous avons ajouté notre parole à toutes celles qui avaient déjà été prononcées. Mais à présent que notre existence dans l'espace nous a permis de juger les choses à leur véritable point de vue ; à présent que nous pouvons comprendre combien il était absurde d'admettre que l'Esprit, arrivé à son plus grand degré de pureté, pouvait rétrograder tout à coup, se révolter contre son Créateur et entrer en lutte avec lui ; à présent que nous pouvons juger par combien de creusets il faut que la liqueur se filtre pour arriver à s'épurer au point de devenir essence et quintessence, nous sommes en état de vous dire ce que sont les anges déchus, et ce que vous devez croire du Paradis perdu.
Dieu, dans son immuable loi du progrès, veut que les hommes avancent, et avancent sans cesse, de siècle en siècle, à des époques déterminées par lui. Quand la majorité des êtres qui habitent la terre est devenue trop supérieure pour la partie terrestre qu'elle occupe, Dieu ordonne alors une émigration d'Esprits, et ceux qui ont accompli leur mission avec conscience vont habiter des régions qui leur sont assignées ; mais l'Esprit récalcitrant ou paresseux qui vient faire ombre au tableau, celui-là est obligé de rester en arrière, et dans cette épuration de l'Esprit il est rejeté comme font les chimistes des matières qui n'ont pas passé par la filtration ; alors l'Esprit se trouve en contact avec d'autres Esprits qui lui sont inférieurs, et il souffre réellement de la contrainte qui lui est imposée.
Il se souvient intuitivement du bonheur dont il jouissait, et se trouve au milieu de ses égaux comme une fleur exotique qui serait brusquement transplantée dans un champ inculte. Cet Esprit se révolte en comprenant sa supériorité ; il cherche à dominer ceux qui l'entourent, et cette révolte, cette lutte contre lui-même, tourne aussi vers le Créateur qui lui a donné l'existence, et qu'il méconnaît. Si ses pensées peuvent se développer, il répandra le trop-plein de son cœur en récriminations amères comme le condamné dans sa prison, et il souffrira cruellement jusqu'à ce qu'il ait expié la paresse et l'égoïsme qui l'ont empêché de suivre ses frères. Voilà, mes amis, quels sont les anges déchus et pourquoi ils regrettent tous leur paradis. Tâchez donc, à votre tour, de vous hâter pour ne pas être abandonnés quand sonnera le signal du retour ; rappelez-vous tout ce que vous vous devez à vous-mêmes ; dites-vous bien que vous êtes vous, et que vous avez votre libre arbitre. Cette personnalité de l'Esprit vous explique pourquoi le fils d'un homme savant est souvent un idiot, et pourquoi l'intelligence ne peut pas se transformer en majorat. Un grand homme pourra bien donner à sa progéniture le galbe de sa figure, mais il ne lui transmettra jamais son génie, et vous pouvez être certains que tous les génies qui sont venus déployer leurs talents parmi vous étaient bien les enfants de leurs œuvres, car, ainsi que l'a dit un homme très savant : « C'est que les mères des Patay, des Letronne et du vaste Arago ont créé ces grands hommes très innocemment. » Non, mon ami, la mère qui donne naissance à un talent illustre n'est pour rien dans l'Esprit qui anime son enfant : cet Esprit était déjà très avancé quand il est venu se réincarner dans le creuset de l'épuration. Gravissez donc ces degrés de l'échelle ; degrés lumineux et brillants comme des soleils, puisque Dieu les éclaire de sa splendide lumière ; et rappelez-vous que maintenant que vous connaissez la route, vous seriez bien coupables si vous deveniez des anges déchus ; du reste, je ne crois pas que personne oserait vous plaindre et vous chanter encore le Paradis perdu.
Milton.
(Francfort. — Médium, madame Delton.)
Je ne dirai rien autre sur cette interprétation des anges rebelles et des anges déchus, sinon qu'elle fait partie des enseignements qui doivent vous être donnés afin d'assigner aux choses mal comprises leur véritable sens. Ne croyez pas que l'auteur de cet article l'ait écrit sans assistance, comme il se l'est figuré lui-même ; il a cru émettre ses propres idées et c'est pour cela qu'il s'en est défié, tandis qu'en réalité il n'a fait que donner une forme à celles qui lui étaient inspirées.
Oui, il est dans le vrai quand il dit que les anges rebelles sont encore sur la terre, et que ce sont les matérialistes et les impies, ceux qui osent nier la puissance de Dieu ; n'est-ce pas là le comble de l'orgueil ? Vous tous qui croyez en Dieu et chantez ses louanges, vous vous indignez d'une telle audace de la créature, et vous avez raison ; mais sondez votre conscience, et voyez si vous n'êtes pas vous-mêmes à chaque instant en révolte contre lui par l'oubli de ses plus saintes lois. Pratiquez-vous l'humilité, vous qui croyez à la supériorité de votre mérite ; qui vous glorifiez des dons que vous avez reçus ; qui voyez avec envie et jalousie le rang de votre voisin, les faveurs qui lui échoient, l'autorité qui lui est concédée ? Pratiquez-vous la charité, vous qui dénigrez votre frère ; qui répandez sur lui la médisance et la calomnie ; qui au lieu de jeter un voile sur ses défauts prenez plaisir à les étaler au grand jour afin de le rabaisser ? Vous qui croyez en Dieu, vous surtout, Spirites, et qui agissez ainsi, je vous le dis en vérité, vous êtes plus coupables que l'athée et le matérialiste, car vous avez la lumière et vous ne voyez pas. Oui, vous êtes aussi des anges rebelles, car vous n'obéissez pas à la loi de Dieu, et au grand jour Dieu vous dira : « Qu'avez-vous fait de mes enseignements ? »
Paul, Esprit protecteur.
(Bordeaux. — Médium, madame Cazemajoux.)
Mes amis, la théorie contenue dans le résumé que vous venez de lire est la plus logique et la plus rationnelle. La saine raison ne peut admettre la création d'Esprits purs et parfaits se révoltant contre Dieu et cherchant à l'égaler en puissance, en majesté, en grandeur.
Avant d'arriver à la perfection, l'Esprit ignorant et faible, laissé à son libre arbitre, se livre trop souvent à la corruption, et se plonge à plaisir dans l'océan de l'iniquité ; mais ce qui cause surtout sa perte, c'est l'orgueil. Il nie Dieu, attribue au hasard son existence, les merveilles de la création et l'harmonie universelle. Alors malheur à lui ! c'est un ange déchu. Au lieu d'avancer dans les mondes heureux, il est même exilé de la planète qu'il habite pour aller expier dans les mondes inférieurs sa rébellion incessante contre Dieu.
Gardez-vous, frères, de les imiter : ce sont les anges pervers ; faites tous vos efforts pour ne pas en augmenter le nombre ; que le flambeau de la foi spirite vous éclaire sur vos devoirs présents et sur vos intérêts futurs, afin que vous puissiez un jour éviter le sort des Esprits rebelles, et gravir l'échelle spirituelle qui mène à la perfection.
Vos Guides Spirituels.
(La Haye (Hollande). — Médium, M. le baron de Kock.)
Sur cet article je n'ai que très peu de mots à dire, sinon qu'il est sublime de vérité ; il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher ; bienheureux ceux qui ajouteront foi à ces belles paroles, ceux qui accepteront cette doctrine écrite par Kardec. Kardec est l'homme élu de Dieu pour l'instruction de l'homme d'à présent ; ce sont des paroles inspirées par des Esprits du bien, des Esprits très supérieurs. Ajoutez-y foi ; lisez, étudiez toute cette doctrine : c'est un bon conseil que je vous donne.
Votre Guide Protecteur.
(Sens. — Médium, M. Pichon.)
Dem. Que devons-nous penser de l'interprétation de la doctrine des anges déchus que M. Kardec a publiée dans le dernier numéro de la Revue spirite ? — Rép. Qu'elle est parfaitement rationnelle et que nous ne l'aurions pas mieux expliquée nous-mêmes.
Arago.
(Paris. Communication particulière. — Médium, mademoiselle Stéphanie.)
C'est bien défini, mais, il faut être franc, je ne trouve qu'une chose qui me contrarie : pourquoi parler de ce dogme de l'Immaculée Conception ? Avez-vous eu des révélations concernant la Mère du Christ ? Laissez ces discussions à l'Église catholique. Je regrette d'autant plus cette comparaison, que les prêtres croiront et diront que vous voulez leur faire la cour.
Un Esprit ami sincère du médium et du directeur de la Revue Spirite.
(Lyon. — Médium, madame Bouillant.)
Autrefois nous croyions que les anges, après avoir habité le monde le plus radieux, s'étaient révoltés contre Dieu, et avaient mérité d'être chassés de l'Eden que Dieu leur avait donné comme demeure. Nous avons chanté leur chute et leur faiblesse, et, croyant à cette fable du Paradis perdu, nous l'avons brodée de toutes les fleurs de rhétorique que nous connaissions. C'était pour nous un thème qui nous offrait un charme particulier. Ce premier homme et cette première femme chassés de leur oasis, condamnés à vivre sur terre, en proie à tous les maux qui viennent assiéger l'humanité, c'était pour l'auteur une grande ressource pour étendre ses idées, et le sujet surtout se prêtait parfaitement à nos idées mélancoliques ; comme les autres, nous avons accrédité l'erreur, et nous avons ajouté notre parole à toutes celles qui avaient déjà été prononcées. Mais à présent que notre existence dans l'espace nous a permis de juger les choses à leur véritable point de vue ; à présent que nous pouvons comprendre combien il était absurde d'admettre que l'Esprit, arrivé à son plus grand degré de pureté, pouvait rétrograder tout à coup, se révolter contre son Créateur et entrer en lutte avec lui ; à présent que nous pouvons juger par combien de creusets il faut que la liqueur se filtre pour arriver à s'épurer au point de devenir essence et quintessence, nous sommes en état de vous dire ce que sont les anges déchus, et ce que vous devez croire du Paradis perdu.
Dieu, dans son immuable loi du progrès, veut que les hommes avancent, et avancent sans cesse, de siècle en siècle, à des époques déterminées par lui. Quand la majorité des êtres qui habitent la terre est devenue trop supérieure pour la partie terrestre qu'elle occupe, Dieu ordonne alors une émigration d'Esprits, et ceux qui ont accompli leur mission avec conscience vont habiter des régions qui leur sont assignées ; mais l'Esprit récalcitrant ou paresseux qui vient faire ombre au tableau, celui-là est obligé de rester en arrière, et dans cette épuration de l'Esprit il est rejeté comme font les chimistes des matières qui n'ont pas passé par la filtration ; alors l'Esprit se trouve en contact avec d'autres Esprits qui lui sont inférieurs, et il souffre réellement de la contrainte qui lui est imposée.
Il se souvient intuitivement du bonheur dont il jouissait, et se trouve au milieu de ses égaux comme une fleur exotique qui serait brusquement transplantée dans un champ inculte. Cet Esprit se révolte en comprenant sa supériorité ; il cherche à dominer ceux qui l'entourent, et cette révolte, cette lutte contre lui-même, tourne aussi vers le Créateur qui lui a donné l'existence, et qu'il méconnaît. Si ses pensées peuvent se développer, il répandra le trop-plein de son cœur en récriminations amères comme le condamné dans sa prison, et il souffrira cruellement jusqu'à ce qu'il ait expié la paresse et l'égoïsme qui l'ont empêché de suivre ses frères. Voilà, mes amis, quels sont les anges déchus et pourquoi ils regrettent tous leur paradis. Tâchez donc, à votre tour, de vous hâter pour ne pas être abandonnés quand sonnera le signal du retour ; rappelez-vous tout ce que vous vous devez à vous-mêmes ; dites-vous bien que vous êtes vous, et que vous avez votre libre arbitre. Cette personnalité de l'Esprit vous explique pourquoi le fils d'un homme savant est souvent un idiot, et pourquoi l'intelligence ne peut pas se transformer en majorat. Un grand homme pourra bien donner à sa progéniture le galbe de sa figure, mais il ne lui transmettra jamais son génie, et vous pouvez être certains que tous les génies qui sont venus déployer leurs talents parmi vous étaient bien les enfants de leurs œuvres, car, ainsi que l'a dit un homme très savant : « C'est que les mères des Patay, des Letronne et du vaste Arago ont créé ces grands hommes très innocemment. » Non, mon ami, la mère qui donne naissance à un talent illustre n'est pour rien dans l'Esprit qui anime son enfant : cet Esprit était déjà très avancé quand il est venu se réincarner dans le creuset de l'épuration. Gravissez donc ces degrés de l'échelle ; degrés lumineux et brillants comme des soleils, puisque Dieu les éclaire de sa splendide lumière ; et rappelez-vous que maintenant que vous connaissez la route, vous seriez bien coupables si vous deveniez des anges déchus ; du reste, je ne crois pas que personne oserait vous plaindre et vous chanter encore le Paradis perdu.
Milton.
(Francfort. — Médium, madame Delton.)
Je ne dirai rien autre sur cette interprétation des anges rebelles et des anges déchus, sinon qu'elle fait partie des enseignements qui doivent vous être donnés afin d'assigner aux choses mal comprises leur véritable sens. Ne croyez pas que l'auteur de cet article l'ait écrit sans assistance, comme il se l'est figuré lui-même ; il a cru émettre ses propres idées et c'est pour cela qu'il s'en est défié, tandis qu'en réalité il n'a fait que donner une forme à celles qui lui étaient inspirées.
Oui, il est dans le vrai quand il dit que les anges rebelles sont encore sur la terre, et que ce sont les matérialistes et les impies, ceux qui osent nier la puissance de Dieu ; n'est-ce pas là le comble de l'orgueil ? Vous tous qui croyez en Dieu et chantez ses louanges, vous vous indignez d'une telle audace de la créature, et vous avez raison ; mais sondez votre conscience, et voyez si vous n'êtes pas vous-mêmes à chaque instant en révolte contre lui par l'oubli de ses plus saintes lois. Pratiquez-vous l'humilité, vous qui croyez à la supériorité de votre mérite ; qui vous glorifiez des dons que vous avez reçus ; qui voyez avec envie et jalousie le rang de votre voisin, les faveurs qui lui échoient, l'autorité qui lui est concédée ? Pratiquez-vous la charité, vous qui dénigrez votre frère ; qui répandez sur lui la médisance et la calomnie ; qui au lieu de jeter un voile sur ses défauts prenez plaisir à les étaler au grand jour afin de le rabaisser ? Vous qui croyez en Dieu, vous surtout, Spirites, et qui agissez ainsi, je vous le dis en vérité, vous êtes plus coupables que l'athée et le matérialiste, car vous avez la lumière et vous ne voyez pas. Oui, vous êtes aussi des anges rebelles, car vous n'obéissez pas à la loi de Dieu, et au grand jour Dieu vous dira : « Qu'avez-vous fait de mes enseignements ? »
Paul, Esprit protecteur.
Entretiens familiers d'outre-tombe
Girard de Codemberg (Bordeaux, novembre 1861.)M. Girard de Codemberg, ancien élève
de l'Ecole polytechnique, est auteur d'un livre intitulé : Le Monde
spirituel, ou Science chrétienne de communiquer intimement avec les
puissances célestes et les âmes heureuses. Cet ouvrage contient des
communications excentriques qui dénotent une obsession manifeste, et
dont les Spirites sérieux n'ont pu voir qu'avec peine la publication.
L'auteur est mort en novembre 1858, et fut évoqué dans la Société de
Paris le 14 janvier 1859. On peut voir le résultat de cette évocation
dans le numéro de la Revue spirite du mois d'avril 1859. L'évocation
suivante a été faite à Bordeaux en novembre 1861 ; la coïncidence de ces
deux évocations est digne de remarque.
Dem. Voudriez-vous répondre à quelques-unes des questions que je me propose de vous adresser ? — Rép. C'est un devoir.
D. Quelle est votre position dans le monde des Esprits ? — R. Heureuse relativement à celle de la terre ; car là-bas je ne voyais le monde spirituel qu'à travers le brouillard de mes pensées, et maintenant je vois se dérouler devant moi la grandeur et la magnificence des œuvres de Dieu.
D. Vous dites, dans un passage de votre ouvrage que j'ai sous la main : « On demande à la table le nom de mon ange gardien qui, d'après la croyance américaine, n'est autre qu'une âme heureuse, ayant vécu de notre vie terrestre, et à laquelle, par conséquent, un nom doit avoir appartenu dans la société humaine. » Cette croyance, dites-vous, est une hérésie. Que pensez-vous aujourd'hui de cette hérésie ? — R. Je vous l'ai dit, j'ai mal vu, parce que, inexpérimenté dans la pratique du Spiritisme, j'ai accepté comme vraies des données qui m'étaient dictées par des Esprits légers et imposteurs ; mais je confesse, en présence des vrais et sincères Spirites qui sont réunis ici ce soir, que l'ange gardien, ou Esprit protecteur, n'est autre que l'Esprit arrivé au progrès moral et intellectuel par les diverses phases qu'il a parcourues dans ses incarnations dans les divers mondes, et que la réincarnation, que j'ai niée, est la plus sublime et la plus grande preuve de la justice de notre Père qui est au ciel, et qui ne veut pas notre perte, mais notre bonheur.
D. Vous parlez également dans votre ouvrage du purgatoire. Quelle est la signification que vous avez voulu donner à ce mot ? — R. Je pensais, avec raison, que les hommes ne pouvaient arriver au bonheur sans être purifiés des souillures que laisse toujours à l'Esprit la vie matérielle ; mais le purgatoire, au lieu d'être un abîme de feu, tel que je me le figurais, ou, pour mieux dire, que la crainte que j'en avais m'y faisait ajouter une foi aveugle, n'était que les mondes inférieurs, dont la terre est du nombre, où toutes les misères auxquelles est sujette l'humanité se manifestent de mille manières. N'est-ce pas là l'explication de cette parole : purgare ?
D. Vous dites également que votre ange gardien vous a répondu, à propos du jeûne : « Le jeûne est le complément de la vie chrétienne, et tu dois t'y soumettre. » Qu'en pensez-vous maintenant ? — R. Le complément de la vie chrétienne ! Et les Juifs, les Musulmans jeûnent bien aussi ! Le jeûne n'est pas approprié à la vie chrétienne exclusivement ; cependant il est utile quelquefois, en ce qu'il peut affaiblir le corps et apaiser les révoltes de la chair ; croyez-moi, une vie simple et frugale vaut mieux que tous les jeûnes qui sont faits en vue de se donner en spectacle aux hommes, mais qui ne corrigent en rien vos penchants et votre tendance au mal. Je vois ce que vous exigez de moi ; c'est une rétractation complète de mes écrits ; je vous la dois, parce que quelques fanatiques, qui ne font pas la part de l'époque à laquelle j'écrivais, ajoutent une foi aveugle à ce que j'ai fait imprimer alors comme l'exacte vérité. Je n'en suis pas puni, parce que j'étais de bonne foi, et que j'écrivais sous l'influence craintive des leçons du premier âge auxquelles je ne pouvais soustraire ma volonté d'agir et de penser ; mais, croyez-le : il sera bien restreint, le nombre de ceux qui abandonneront la voie tracée par M. Kardec pour suivre la mienne ; ce sont des gens sur qui il ne faut pas compter beaucoup, et qui sont marqués par l'ange de la délivrance pour être emportés dans le tourbillon rénovateur qui doit transformer la société. Oui, mes amis, soyez Spirites ; c'est Girard de Codemberg qui vous invite à vous asseoir à ce grand banquet fraternel, car vous êtes et nous sommes tous frères, et la réincarnation nous rend tous solidaires les uns des autres en resserrant entre nous les liens de la fraternité en Dieu.
Remarque. — Cette pensée que, dans le grand mouvement qui doit amener la rénovation de l'humanité, les hommes qui pourraient y faire obstacle et n'auraient pas mis à profit les avertissements de Dieu en seront expulsés et envoyés dans des mondes inférieurs, se trouve aujourd'hui reproduite de tous côtés dans les communications des Esprits. Il en est de même de celle-ci : que nous touchons au moment de cette transformation dont les symptômes se font déjà sentir. Quant à celle qui assigne le Spiritisme comme devant être la base de cette transformation, elle est universelle. Cette coïncidence a quelque chose de caractéristique. — A. K.
D. Vous avez évoqué dites-vous la Sainte Vierge Marie, et vous dites avoir reçu d'elle des conseils. Cette manifestation était-elle réelle ? — R. Combien d'entre vous qui se croient inspirés par elle et qui se sont trompés ! Soyez vous-mêmes vos juges et les miens.
D. En adressant à la Vierge cette question : « Y a-t-il au moins dans le sort des âmes punies l'espoir que plusieurs théologiens ont conservé de la gradation des peines ? » La réponse de la Vierge, dites-vous, a été celle-ci : « Les peines éternelles n'ont pas de gradation ; elles sont toutes les mêmes, et les flammes en sont les ministres. » Quelle est votre opinion à ce sujet ? — R. les peines infligées aux méchants Esprits sont réelles, mais ne sont pas éternelles ; témoin vos parents et vos amis qui viennent tous les jours à votre appel, et qui vous donnent, sous toutes formes, des enseignements qui ne peuvent que confirmer la vérité.
D. Quelqu'un de l'assemblée vous demande si le feu brûle physiquement ou moralement ? — R. Feu moral.
L'esprit reprend ensuite spontanément : « Chers frères en Spiritisme, vous êtes choisis par Dieu pour sa sainte propagation ; plus heureux que moi, un Esprit en mission sur votre terre vous a tracé la route où vous devez entrer d'un pas ferme et déterminé ; soyez dociles, ne craignez rien, c'est le chemin du progrès et de la moralité de la race humaine. Pour moi qui n'avais qu'ébauché l'œuvre que votre maître vous a tracée, parce que je manquais de courage pour m'éloigner du sentier battu, j'ai mission de vous guider à l'état d'Esprit dans la bonne et sûre voie où vous êtes entrés ; je pourrai donc, par là, réparer le mal que j'ai fait par mon ignorance et aider de mes faibles facultés la grande réforme de la société. N'ayez nul souci des frères qui s'éloignent de vos croyances ; faites, au contraire, de manière à ce qu'ils ne soient plus mêlés au troupeau des vrais croyants, car ce sont des brebis galeuses, et vous devez vous garder de la contagion. Adieu ; je reviendrai avec ce médium ; à bientôt.
Girard de Codemberg.
Nota. — Nos guides, consultés sur l'identité de l'Esprit, nous ont répondu : « Oui, mes amis, il souffre de voir le mal que cause la doctrine erronée qu'il a publiée ; mais il avait déjà expié sur la terre cette erreur, car il était obsédé, et la maladie dont il est mort a été le fruit de l'obsession. »
Dem. Voudriez-vous répondre à quelques-unes des questions que je me propose de vous adresser ? — Rép. C'est un devoir.
D. Quelle est votre position dans le monde des Esprits ? — R. Heureuse relativement à celle de la terre ; car là-bas je ne voyais le monde spirituel qu'à travers le brouillard de mes pensées, et maintenant je vois se dérouler devant moi la grandeur et la magnificence des œuvres de Dieu.
D. Vous dites, dans un passage de votre ouvrage que j'ai sous la main : « On demande à la table le nom de mon ange gardien qui, d'après la croyance américaine, n'est autre qu'une âme heureuse, ayant vécu de notre vie terrestre, et à laquelle, par conséquent, un nom doit avoir appartenu dans la société humaine. » Cette croyance, dites-vous, est une hérésie. Que pensez-vous aujourd'hui de cette hérésie ? — R. Je vous l'ai dit, j'ai mal vu, parce que, inexpérimenté dans la pratique du Spiritisme, j'ai accepté comme vraies des données qui m'étaient dictées par des Esprits légers et imposteurs ; mais je confesse, en présence des vrais et sincères Spirites qui sont réunis ici ce soir, que l'ange gardien, ou Esprit protecteur, n'est autre que l'Esprit arrivé au progrès moral et intellectuel par les diverses phases qu'il a parcourues dans ses incarnations dans les divers mondes, et que la réincarnation, que j'ai niée, est la plus sublime et la plus grande preuve de la justice de notre Père qui est au ciel, et qui ne veut pas notre perte, mais notre bonheur.
D. Vous parlez également dans votre ouvrage du purgatoire. Quelle est la signification que vous avez voulu donner à ce mot ? — R. Je pensais, avec raison, que les hommes ne pouvaient arriver au bonheur sans être purifiés des souillures que laisse toujours à l'Esprit la vie matérielle ; mais le purgatoire, au lieu d'être un abîme de feu, tel que je me le figurais, ou, pour mieux dire, que la crainte que j'en avais m'y faisait ajouter une foi aveugle, n'était que les mondes inférieurs, dont la terre est du nombre, où toutes les misères auxquelles est sujette l'humanité se manifestent de mille manières. N'est-ce pas là l'explication de cette parole : purgare ?
D. Vous dites également que votre ange gardien vous a répondu, à propos du jeûne : « Le jeûne est le complément de la vie chrétienne, et tu dois t'y soumettre. » Qu'en pensez-vous maintenant ? — R. Le complément de la vie chrétienne ! Et les Juifs, les Musulmans jeûnent bien aussi ! Le jeûne n'est pas approprié à la vie chrétienne exclusivement ; cependant il est utile quelquefois, en ce qu'il peut affaiblir le corps et apaiser les révoltes de la chair ; croyez-moi, une vie simple et frugale vaut mieux que tous les jeûnes qui sont faits en vue de se donner en spectacle aux hommes, mais qui ne corrigent en rien vos penchants et votre tendance au mal. Je vois ce que vous exigez de moi ; c'est une rétractation complète de mes écrits ; je vous la dois, parce que quelques fanatiques, qui ne font pas la part de l'époque à laquelle j'écrivais, ajoutent une foi aveugle à ce que j'ai fait imprimer alors comme l'exacte vérité. Je n'en suis pas puni, parce que j'étais de bonne foi, et que j'écrivais sous l'influence craintive des leçons du premier âge auxquelles je ne pouvais soustraire ma volonté d'agir et de penser ; mais, croyez-le : il sera bien restreint, le nombre de ceux qui abandonneront la voie tracée par M. Kardec pour suivre la mienne ; ce sont des gens sur qui il ne faut pas compter beaucoup, et qui sont marqués par l'ange de la délivrance pour être emportés dans le tourbillon rénovateur qui doit transformer la société. Oui, mes amis, soyez Spirites ; c'est Girard de Codemberg qui vous invite à vous asseoir à ce grand banquet fraternel, car vous êtes et nous sommes tous frères, et la réincarnation nous rend tous solidaires les uns des autres en resserrant entre nous les liens de la fraternité en Dieu.
Remarque. — Cette pensée que, dans le grand mouvement qui doit amener la rénovation de l'humanité, les hommes qui pourraient y faire obstacle et n'auraient pas mis à profit les avertissements de Dieu en seront expulsés et envoyés dans des mondes inférieurs, se trouve aujourd'hui reproduite de tous côtés dans les communications des Esprits. Il en est de même de celle-ci : que nous touchons au moment de cette transformation dont les symptômes se font déjà sentir. Quant à celle qui assigne le Spiritisme comme devant être la base de cette transformation, elle est universelle. Cette coïncidence a quelque chose de caractéristique. — A. K.
D. Vous avez évoqué dites-vous la Sainte Vierge Marie, et vous dites avoir reçu d'elle des conseils. Cette manifestation était-elle réelle ? — R. Combien d'entre vous qui se croient inspirés par elle et qui se sont trompés ! Soyez vous-mêmes vos juges et les miens.
D. En adressant à la Vierge cette question : « Y a-t-il au moins dans le sort des âmes punies l'espoir que plusieurs théologiens ont conservé de la gradation des peines ? » La réponse de la Vierge, dites-vous, a été celle-ci : « Les peines éternelles n'ont pas de gradation ; elles sont toutes les mêmes, et les flammes en sont les ministres. » Quelle est votre opinion à ce sujet ? — R. les peines infligées aux méchants Esprits sont réelles, mais ne sont pas éternelles ; témoin vos parents et vos amis qui viennent tous les jours à votre appel, et qui vous donnent, sous toutes formes, des enseignements qui ne peuvent que confirmer la vérité.
D. Quelqu'un de l'assemblée vous demande si le feu brûle physiquement ou moralement ? — R. Feu moral.
L'esprit reprend ensuite spontanément : « Chers frères en Spiritisme, vous êtes choisis par Dieu pour sa sainte propagation ; plus heureux que moi, un Esprit en mission sur votre terre vous a tracé la route où vous devez entrer d'un pas ferme et déterminé ; soyez dociles, ne craignez rien, c'est le chemin du progrès et de la moralité de la race humaine. Pour moi qui n'avais qu'ébauché l'œuvre que votre maître vous a tracée, parce que je manquais de courage pour m'éloigner du sentier battu, j'ai mission de vous guider à l'état d'Esprit dans la bonne et sûre voie où vous êtes entrés ; je pourrai donc, par là, réparer le mal que j'ai fait par mon ignorance et aider de mes faibles facultés la grande réforme de la société. N'ayez nul souci des frères qui s'éloignent de vos croyances ; faites, au contraire, de manière à ce qu'ils ne soient plus mêlés au troupeau des vrais croyants, car ce sont des brebis galeuses, et vous devez vous garder de la contagion. Adieu ; je reviendrai avec ce médium ; à bientôt.
Girard de Codemberg.
Nota. — Nos guides, consultés sur l'identité de l'Esprit, nous ont répondu : « Oui, mes amis, il souffre de voir le mal que cause la doctrine erronée qu'il a publiée ; mais il avait déjà expié sur la terre cette erreur, car il était obsédé, et la maladie dont il est mort a été le fruit de l'obsession. »
De La Bruyère (Société de Bordeaux. — Médium, madame Cazemajoux.)
1. Evocation. — R. Me voilà !
2. Notre évocation vous fait-elle plaisir ? — R. oui, car bien peu d'entre vous songent à ce pauvre Esprit frondeur.
3. Quelle est votre position dans le monde spirite ? — R. Heureuse.
4. Que pensez-vous de la génération d'hommes qui vit actuellement sur la terre ? — R. Je pense qu'ils n'ont guère progressé en moralité, car si je vivais parmi eux, je pourrais appliquer mes Caractères avec la même vérité saisissante qui les a fait remarquer de mon vivant. Je retrouve mes gourmands, mes égoïstes, mes orgueilleux au même point où je les ai laissés quand je suis mort.
5. Vos Caractères jouissent d'une réputation méritée ; quelle est votre opinion actuelle sur vos ouvrages ? — R. Je pense qu'ils n'avaient pas le mérite que vous leur attribuez, car ils auraient produit un autre résultat. Mais je comprends que tous ceux qui lisent ne se comparent à aucun de ces portraits, quoique la plupart soient frappants de vérité. Vous avez tous une petite dose d'amour-propre suffisante pour appliquer à votre prochain vos torts personnels, et ne vous reconnaissez jamais quand on vous dépeint avec des traits véridiques.
6. Vous venez de dire que vos Caractères pourraient être appliqués aujourd'hui avec la même vérité ; est-ce que vous ne trouvez pas les hommes plus avancés ? — R. En général l'intelligence a marché, mais l'amélioration n'a pas fait un pas. Si Molière et moi pouvions encore écrire, nous ne ferions autre chose que ce que nous avons fait : travaux inutiles qui vont ont avertis sans vous corriger. Le Spiritisme sera plus heureux ; vous vous conformerez peu à peu à sa doctrine, et réformerez les vices que nous vous avons signalés de notre vivant.
7. Pensez-vous que l'humanité sera encore rebelle aux avertissements qui lui sont donnés par les Esprits incarnés en mission sur la terre et par les Esprits qui viennent les aider ? — R. Non ; l'époque du progrès et de la rénovation de la terre et de ses habitants est arrivée ; c'est pour cela que les bons Esprits viennent vous donner leur concours. Je vous en ai dit assez pour ce soir, mais je préparerai pour dans quelques jours un de mes Caractères.
8. Vos Caractères ne peuvent-ils s'appliquer également à quelques-uns des Esprits errants mus par des sentiments identiques ? — R. A tous ceux qui ont encore, à l'état d'Esprit, ces mêmes passions qui les maîtrisaient de leur vivant. Pardonnez-moi ma franchise, mais je vous dirai, quand vous m'appellerez, les choses sans finesse et sans détour. Adieu.
Jean de la Bruyère
2. Notre évocation vous fait-elle plaisir ? — R. oui, car bien peu d'entre vous songent à ce pauvre Esprit frondeur.
3. Quelle est votre position dans le monde spirite ? — R. Heureuse.
4. Que pensez-vous de la génération d'hommes qui vit actuellement sur la terre ? — R. Je pense qu'ils n'ont guère progressé en moralité, car si je vivais parmi eux, je pourrais appliquer mes Caractères avec la même vérité saisissante qui les a fait remarquer de mon vivant. Je retrouve mes gourmands, mes égoïstes, mes orgueilleux au même point où je les ai laissés quand je suis mort.
5. Vos Caractères jouissent d'une réputation méritée ; quelle est votre opinion actuelle sur vos ouvrages ? — R. Je pense qu'ils n'avaient pas le mérite que vous leur attribuez, car ils auraient produit un autre résultat. Mais je comprends que tous ceux qui lisent ne se comparent à aucun de ces portraits, quoique la plupart soient frappants de vérité. Vous avez tous une petite dose d'amour-propre suffisante pour appliquer à votre prochain vos torts personnels, et ne vous reconnaissez jamais quand on vous dépeint avec des traits véridiques.
6. Vous venez de dire que vos Caractères pourraient être appliqués aujourd'hui avec la même vérité ; est-ce que vous ne trouvez pas les hommes plus avancés ? — R. En général l'intelligence a marché, mais l'amélioration n'a pas fait un pas. Si Molière et moi pouvions encore écrire, nous ne ferions autre chose que ce que nous avons fait : travaux inutiles qui vont ont avertis sans vous corriger. Le Spiritisme sera plus heureux ; vous vous conformerez peu à peu à sa doctrine, et réformerez les vices que nous vous avons signalés de notre vivant.
7. Pensez-vous que l'humanité sera encore rebelle aux avertissements qui lui sont donnés par les Esprits incarnés en mission sur la terre et par les Esprits qui viennent les aider ? — R. Non ; l'époque du progrès et de la rénovation de la terre et de ses habitants est arrivée ; c'est pour cela que les bons Esprits viennent vous donner leur concours. Je vous en ai dit assez pour ce soir, mais je préparerai pour dans quelques jours un de mes Caractères.
8. Vos Caractères ne peuvent-ils s'appliquer également à quelques-uns des Esprits errants mus par des sentiments identiques ? — R. A tous ceux qui ont encore, à l'état d'Esprit, ces mêmes passions qui les maîtrisaient de leur vivant. Pardonnez-moi ma franchise, mais je vous dirai, quand vous m'appellerez, les choses sans finesse et sans détour. Adieu.
Jean de la Bruyère
Poésies spirites
Croyez aux Esprits du Seigneur.Croyez-en nous ; nous sommes l'étincelle,
Rayon brillant sorti du sein de Dieu,
Qui nous penchons sur chaque âme nouvelle,
En son berceau, pleurant son beau ciel bleu.
Croyez-en nous ; notre flamme légère,
Esprit errant, près des tombeaux amis,
A renversé l'obstacle, la barrière
Que l'Éternel, entre nous, avait mis.
Croyez-en nous ; ténèbres et mensonges
Sont dispersés, quand nous venons du ciel
Riants et doux, vous verser dans vos songes
Le doux nectar, l'ambroisie et le miel.
Croyez-en nous ; nous errons dans l'espace
Pour vous guider au bien.
Croyez-en nous
Qui vous aimons…
Mais chaque heure qui passe,
Chers exilés, nous rapproche de vous.
Élisa Mercoeur
Les Voix du ciel
Les voix du ciel soupirent dans la brise,
Grondent dans l'air, mugissent dans les flots ;
Dans les forêts, sur la montagne grise,
De leurs soupirs, entendez les échos.
Les voix du ciel murmurent sous la feuille,
Dans les prés verts, dans les bois, dans les champs,
Près de la source où pleure et se recueille
L'humble poète aux timides accents.
Les voix du ciel chantent dans le bocage,
Dans les blés mûrs, dans les jardins en fleurs,
Dans l'azur bleu qui rit dans le nuage,
Dans l'arc-en-ciel aux splendides couleurs.
Les voix du ciel pleurent dans le silence ;
Recueillez-vous, elles parlent au cœur ;
Et les Esprits dont le règne commence
Vous conduiront vers votre Créateur.
Élisa Mercoeur
Dissertations spirites
Les martyrs du Spiritisme.A propos de la question des miracles du Spiritisme qui nous avait été
proposée, et que nous avons traitée dans notre dernier numéro, on a
également proposé celle-ci : « Les martyrs ont scellé de leur sang la
vérité du christianisme ; où sont les martyrs du Spiritisme ? »
Vous êtes donc bien pressés de voir les spirites mis sur le bûcher et jetés aux bêtes ! ce qui doit faire supposer que la bonne volonté ne vous manquerait pas si cela se pouvait encore. Vous voulez donc à toute force élever le Spiritisme au rang d'une religion ! Remarquez bien que jamais il n'a eu cette prétention ; jamais il ne s'est posé en rival du christianisme, dont il déclare être l'enfant ; qu'il combat ses plus cruels ennemis : l'athéisme et le matérialisme. Encore une fois, c'est une philosophie reposant sur les bases fondamentales de toute religion et sur la morale du Christ ; s'il reniait le christianisme, il se démentirait, il se suiciderait. Ce sont ses ennemis qui le montrent comme une nouvelle secte, qui lui ont donné des prêtres et des grands prêtres. Ils crieront tant et si souvent que c'est une religion, qu'on pourrait finir par le croire. Est-il nécessaire d'être une religion pour avoir ses martyrs ? La science, les arts, le génie, le travail, n'ont-ils pas eu de tout temps leurs martyrs, ainsi que toutes les idées nouvelles ?
N'aident-ils pas à faire des martyrs, ceux qui signalent les Spirites comme des réprouvés, des parias dont il faut fuir le contact ; qui ameutent contre eux la populace ignorante, et vont jusqu'à leur enlever les ressources de leur travail, espérant les vaincre par la famine, à défaut de bonnes raisons ? Belle victoire s'ils réussissaient ! Mais la semence est jetée, elle germe partout ; si elle est coupée dans un coin, elle pousse en cent autres. Essayez donc de faucher la terre entière ! Mais laissons parler les Esprits qui se sont chargés de répondre à la question.
I
Vous avez demandé des miracles, aujourd'hui vous demandez des martyrs ! Les martyrs du Spiritisme existent déjà : entrez dans l'intérieur des maisons et vous les verrez. Vous demandez des persécutés : ouvrez donc le cœur de ces fervents adeptes de l'idée nouvelle qui ont à lutter avec les préjugés, avec le monde, souvent même avec la famille ! Comme leurs cœurs saignent et se gonflent quand leurs bras sont tendus pour embrasser un père, une mère, un frère ou une épouse, et qu'ils ne reçoivent pour prix de leurs caresses et de leurs transports que des sarcasmes, des sourires de dédain ou de mépris. Les martyrs du Spiritisme sont ceux qui entendent à chacun de leurs pas ces mots insultants : fou, insensé, visionnaire !… et ils auront longtemps à subir ces avanies de l'incrédulité et d'autres souffrances plus amères encore ; mais la récompense sera belle pour eux, car si le Christ a fait préparer aux martyrs du christianisme une place superbe, celle qu'il prépare aux martyrs du Spiritisme est plus brillante encore. Martyrs du christianisme dans son enfance, ils marchaient au supplice, fiers et résignés, parce qu'ils ne comptaient souffrir que les jours, les heures ou la seconde du martyre, aspirant après la mort comme la seule barrière à franchir pour vivre de la vie céleste. Martyrs du Spiritisme, ils ne doivent ni rechercher, ni désirer la mort ; ils doivent souffrir aussi longtemps qu'il plaira à Dieu de les laisser sur la terre, et ils n'osent pas se croire dignes des pures jouissances célestes aussitôt en quittant la vie. Ils prient et espèrent, murmurant tout bas des paroles de paix, d'amour et de pardon pour ceux qui les torturent, en attendant de nouvelles incarnations où ils pourront racheter leurs fautes passées.
Le Spiritisme s'élèvera comme un temple superbe ; les marches seront d'abord rudes à monter ; mais, les premiers degrés franchis, de bons Esprits aideront à franchir les autres jusqu'à la place unie et droite qui conduit à Dieu. Allez, allez, enfants, prêcher le Spiritisme ! On demande des martyrs : vous êtes les premiers que le Seigneur a marqués, car on vous montre au doigt, et vous êtes traités de fous et d'insensés à cause de la vérité ! Mais, je vous le dis, l'heure de la lumière va venir bientôt, et alors il n'y aura plus ni persécuteurs ni persécutés, vous serez tous frères et le mémo banquet réunira l'oppresseur et l'opprimé !
Saint Augustin. (Méd. M. E. Vézy.)
II
Le progrès du temps a remplacé les tortures physiques par le martyre de la conception et de l'enfantement cérébral des idées qui, filles du passé, seront mères de l'avenir. Lorsque le Christ vint détruire la coutume barbare des sacrifices, lorsqu'il vint proclamer l'égalité et la fraternité du sayon prolétaire avec la toge patricienne, les autels, rouges encore, fumaient du sang des victimes immolées ; les esclaves tremblaient devant le caprice du maître, et les peuples, ignorant leur grandeur, oubliaient la justice de Dieu. Dans cet état d'abaissement moral, les paroles du Christ seraient demeurées impuissantes et méprisées par la multitude, si elles n'avaient pas été criées par ses plaies et rendues sensibles par la chair pantelante des martyrs ; pour être accomplie, la mystérieuse loi des semblables exigeait que le sang versé pour l'idée rachetât le sang répandu par la brutalité.
Aujourd'hui, les hommes pacifiques ignorent les tortures physiques ; leur être intellectuel souffre seul, parce qu'il se débat, comprimé par les traditions du passé, tandis qu'il aspire aux horizons nouveaux. Qui pourra peindre les angoisses de la génération présente, ses doutes poignants, ses incertitudes, ses ardeurs impuissantes et son extrême lassitude ? Inquiets pressentiments des mondes supérieurs, douleurs ignorées par la matérielle antiquité, qui ne souffrait que lorsqu'elle ne jouissait pas ; douleurs qui sont la torture moderne, et qui rendront martyrs ceux qui, inspirés par la révélation spirite, croiront et ne seront point crus, parleront et seront raillés, marcheront et seront repoussés. Ne vous découragez pas ; vos ennemis eux-mêmes vous préparent une récompense d'autant plus belle, qu’ils auront semé plus d'épines sur votre route.
Lazare. (Méd. M. Costel.)
III
De tout temps, comme vous dites, les croyances ont eu des martyrs ; mais aussi, il faut le dire, le fanatisme était souvent des deux côtés, et alors, presque toujours, le sang coula. Aujourd'hui, grâce aux modérateurs des passions, aux philosophes, ou plutôt grâce à cette philosophie qui a commencé par les écrivains du dix-huitième siècle, le fanatisme a éteint son flambeau, et remis son glaive dans le fourreau. On ne se figure guère à notre époque le cimeterre de Mahomet, le gibet et la roue du moyen âge, ses bûchers et ses tortures de toutes sortes, pas plus qu'on ne se figure les sorcières et les magiciennes. Autre temps, autre mœurs, dit un proverbe fort sage. Le mot mœurs est ici très large, comme vous le voyez, et signifie, d'après son étymologie latine : habitudes, manières de vivre. Or, dans notre siècle, notre manière d'être n'est pas de revêtir un cilice, d'aller dans les catacombes, ni de soustraire ses prières aux proconsuls et aux magistrats de la ville de Paris. Le Spiritisme ne verra donc pas la hache se lever et la flamme dévorer ses adeptes. On se bat à coups d'idées, à coups de livres, à coups de commentaires, à coups d'éclectisme et à coups de théologies, mais la Saint-Barthélemy ne se renouvellera pas. Il pourra certainement y avoir quelques victimes chez des nations grossières, mais dans les centres civilisés, l'idée seule sera combattue et ridiculisée. Ainsi donc pas de haches, de faisceaux, d'huile bouillante, mais prenez garde à l'esprit voltairien mal entendu : voilà le bourreau. Il faut le prévenir, celui-là, mais non le redouter ; il rit au lieu de menacer ; il lance le ridicule au lieu du blasphème, et ses supplices sont les tortures de l'esprit succombant sous les étreintes du sarcasme moderne. Mais, n'en déplaise aux petits Voltaires de notre époque, la jeunesse comprendra facilement ces trois mots magiques : Liberté, Égalité, Fraternité. Quant aux sectaires, ceux-ci sont plus à craindre, parce qu'ils sont toujours les mêmes, malgré le temps et malgré tout ; ceux-là peuvent faire du mal quelquefois, mais ils sont boiteux, contrefaits, vieux et hargneux ; or, vous qui passez dans la fontaine de Jouvence, et dont l'âme reverdit et rajeunit, ne les craignez donc pas, car leur fanatisme les perdra eux-mêmes.
Lamennais (Médium, M. A. Didier)
Vous êtes donc bien pressés de voir les spirites mis sur le bûcher et jetés aux bêtes ! ce qui doit faire supposer que la bonne volonté ne vous manquerait pas si cela se pouvait encore. Vous voulez donc à toute force élever le Spiritisme au rang d'une religion ! Remarquez bien que jamais il n'a eu cette prétention ; jamais il ne s'est posé en rival du christianisme, dont il déclare être l'enfant ; qu'il combat ses plus cruels ennemis : l'athéisme et le matérialisme. Encore une fois, c'est une philosophie reposant sur les bases fondamentales de toute religion et sur la morale du Christ ; s'il reniait le christianisme, il se démentirait, il se suiciderait. Ce sont ses ennemis qui le montrent comme une nouvelle secte, qui lui ont donné des prêtres et des grands prêtres. Ils crieront tant et si souvent que c'est une religion, qu'on pourrait finir par le croire. Est-il nécessaire d'être une religion pour avoir ses martyrs ? La science, les arts, le génie, le travail, n'ont-ils pas eu de tout temps leurs martyrs, ainsi que toutes les idées nouvelles ?
N'aident-ils pas à faire des martyrs, ceux qui signalent les Spirites comme des réprouvés, des parias dont il faut fuir le contact ; qui ameutent contre eux la populace ignorante, et vont jusqu'à leur enlever les ressources de leur travail, espérant les vaincre par la famine, à défaut de bonnes raisons ? Belle victoire s'ils réussissaient ! Mais la semence est jetée, elle germe partout ; si elle est coupée dans un coin, elle pousse en cent autres. Essayez donc de faucher la terre entière ! Mais laissons parler les Esprits qui se sont chargés de répondre à la question.
I
Vous avez demandé des miracles, aujourd'hui vous demandez des martyrs ! Les martyrs du Spiritisme existent déjà : entrez dans l'intérieur des maisons et vous les verrez. Vous demandez des persécutés : ouvrez donc le cœur de ces fervents adeptes de l'idée nouvelle qui ont à lutter avec les préjugés, avec le monde, souvent même avec la famille ! Comme leurs cœurs saignent et se gonflent quand leurs bras sont tendus pour embrasser un père, une mère, un frère ou une épouse, et qu'ils ne reçoivent pour prix de leurs caresses et de leurs transports que des sarcasmes, des sourires de dédain ou de mépris. Les martyrs du Spiritisme sont ceux qui entendent à chacun de leurs pas ces mots insultants : fou, insensé, visionnaire !… et ils auront longtemps à subir ces avanies de l'incrédulité et d'autres souffrances plus amères encore ; mais la récompense sera belle pour eux, car si le Christ a fait préparer aux martyrs du christianisme une place superbe, celle qu'il prépare aux martyrs du Spiritisme est plus brillante encore. Martyrs du christianisme dans son enfance, ils marchaient au supplice, fiers et résignés, parce qu'ils ne comptaient souffrir que les jours, les heures ou la seconde du martyre, aspirant après la mort comme la seule barrière à franchir pour vivre de la vie céleste. Martyrs du Spiritisme, ils ne doivent ni rechercher, ni désirer la mort ; ils doivent souffrir aussi longtemps qu'il plaira à Dieu de les laisser sur la terre, et ils n'osent pas se croire dignes des pures jouissances célestes aussitôt en quittant la vie. Ils prient et espèrent, murmurant tout bas des paroles de paix, d'amour et de pardon pour ceux qui les torturent, en attendant de nouvelles incarnations où ils pourront racheter leurs fautes passées.
Le Spiritisme s'élèvera comme un temple superbe ; les marches seront d'abord rudes à monter ; mais, les premiers degrés franchis, de bons Esprits aideront à franchir les autres jusqu'à la place unie et droite qui conduit à Dieu. Allez, allez, enfants, prêcher le Spiritisme ! On demande des martyrs : vous êtes les premiers que le Seigneur a marqués, car on vous montre au doigt, et vous êtes traités de fous et d'insensés à cause de la vérité ! Mais, je vous le dis, l'heure de la lumière va venir bientôt, et alors il n'y aura plus ni persécuteurs ni persécutés, vous serez tous frères et le mémo banquet réunira l'oppresseur et l'opprimé !
Saint Augustin. (Méd. M. E. Vézy.)
II
Le progrès du temps a remplacé les tortures physiques par le martyre de la conception et de l'enfantement cérébral des idées qui, filles du passé, seront mères de l'avenir. Lorsque le Christ vint détruire la coutume barbare des sacrifices, lorsqu'il vint proclamer l'égalité et la fraternité du sayon prolétaire avec la toge patricienne, les autels, rouges encore, fumaient du sang des victimes immolées ; les esclaves tremblaient devant le caprice du maître, et les peuples, ignorant leur grandeur, oubliaient la justice de Dieu. Dans cet état d'abaissement moral, les paroles du Christ seraient demeurées impuissantes et méprisées par la multitude, si elles n'avaient pas été criées par ses plaies et rendues sensibles par la chair pantelante des martyrs ; pour être accomplie, la mystérieuse loi des semblables exigeait que le sang versé pour l'idée rachetât le sang répandu par la brutalité.
Aujourd'hui, les hommes pacifiques ignorent les tortures physiques ; leur être intellectuel souffre seul, parce qu'il se débat, comprimé par les traditions du passé, tandis qu'il aspire aux horizons nouveaux. Qui pourra peindre les angoisses de la génération présente, ses doutes poignants, ses incertitudes, ses ardeurs impuissantes et son extrême lassitude ? Inquiets pressentiments des mondes supérieurs, douleurs ignorées par la matérielle antiquité, qui ne souffrait que lorsqu'elle ne jouissait pas ; douleurs qui sont la torture moderne, et qui rendront martyrs ceux qui, inspirés par la révélation spirite, croiront et ne seront point crus, parleront et seront raillés, marcheront et seront repoussés. Ne vous découragez pas ; vos ennemis eux-mêmes vous préparent une récompense d'autant plus belle, qu’ils auront semé plus d'épines sur votre route.
Lazare. (Méd. M. Costel.)
III
De tout temps, comme vous dites, les croyances ont eu des martyrs ; mais aussi, il faut le dire, le fanatisme était souvent des deux côtés, et alors, presque toujours, le sang coula. Aujourd'hui, grâce aux modérateurs des passions, aux philosophes, ou plutôt grâce à cette philosophie qui a commencé par les écrivains du dix-huitième siècle, le fanatisme a éteint son flambeau, et remis son glaive dans le fourreau. On ne se figure guère à notre époque le cimeterre de Mahomet, le gibet et la roue du moyen âge, ses bûchers et ses tortures de toutes sortes, pas plus qu'on ne se figure les sorcières et les magiciennes. Autre temps, autre mœurs, dit un proverbe fort sage. Le mot mœurs est ici très large, comme vous le voyez, et signifie, d'après son étymologie latine : habitudes, manières de vivre. Or, dans notre siècle, notre manière d'être n'est pas de revêtir un cilice, d'aller dans les catacombes, ni de soustraire ses prières aux proconsuls et aux magistrats de la ville de Paris. Le Spiritisme ne verra donc pas la hache se lever et la flamme dévorer ses adeptes. On se bat à coups d'idées, à coups de livres, à coups de commentaires, à coups d'éclectisme et à coups de théologies, mais la Saint-Barthélemy ne se renouvellera pas. Il pourra certainement y avoir quelques victimes chez des nations grossières, mais dans les centres civilisés, l'idée seule sera combattue et ridiculisée. Ainsi donc pas de haches, de faisceaux, d'huile bouillante, mais prenez garde à l'esprit voltairien mal entendu : voilà le bourreau. Il faut le prévenir, celui-là, mais non le redouter ; il rit au lieu de menacer ; il lance le ridicule au lieu du blasphème, et ses supplices sont les tortures de l'esprit succombant sous les étreintes du sarcasme moderne. Mais, n'en déplaise aux petits Voltaires de notre époque, la jeunesse comprendra facilement ces trois mots magiques : Liberté, Égalité, Fraternité. Quant aux sectaires, ceux-ci sont plus à craindre, parce qu'ils sont toujours les mêmes, malgré le temps et malgré tout ; ceux-là peuvent faire du mal quelquefois, mais ils sont boiteux, contrefaits, vieux et hargneux ; or, vous qui passez dans la fontaine de Jouvence, et dont l'âme reverdit et rajeunit, ne les craignez donc pas, car leur fanatisme les perdra eux-mêmes.
Lamennais (Médium, M. A. Didier)
Les attaques contre l'idée nouvelle
Ainsi que vous le voyez, on commence à commenter les idées spirites
jusque dans les cours de théologie, et la Revue catholique a la
prétention de démonter ex professo, comme ils disent, que le Spiritisme
actuel est l'œuvre du démon, ainsi que cela résulte de l'article
intitulé du Satanisme dans le Spiritisme moderne, que donne ladite
Revue. Bah ! laissez dire, laissez faire : le Spiritisme est comme
l'acier, et tous les serpents possibles useront leurs dents à le mordre.
Quoi qu'il en soit, il y a là un fait digne de remarque : c'est
qu'autrefois on dédaignait de s'occuper de ceux qui faisaient tourner
des chaises et des tables, tandis que, aujourd'hui, on s'occupe beaucoup
de ces novateurs dont les idées et les théories se sont élevées à la
hauteur d'une doctrine. Ah ! c'est que cette doctrine, cette révélation,
bat en brèche toutes les anciennes doctrines, toutes les anciennes
philosophies insuffisantes à satisfaire les besoins de la raison
humaine. Aussi abbés, savants, journalistes descendent la plume à la
main dans l'arène, pour repousser l'idée nouvelle : le progrès. Eh !
qu'importe ! n'est-ce pas une preuve irréfragable de la propagation de
nos enseignements ? Allez ! on ne discute, on ne combat que les idées
réellement sérieuses et assez partagées pour qu'on ne puisse plus les
traiter d'utopies, de billevesées émanées de quelques cerveaux malades.
Du reste, mieux que personne, vous êtes à même de voir ici avec quelle
rapidité le Spiritisme se recrute chaque jour, et cela jusque dans les
rangs éclairés de l'armée, parmi les officiers de toutes armes. Ne vous
inquiétez donc pas de tous ces malheureux qui hurlent au perdu ! car ils
ne savent plus où ils en sont : ils sont désarçonnés. Leurs certitudes,
leurs probabilités s'évanouissent au flambeau spirite, car au fond de
leur conscience ils sentent que nous seuls sommes dans la vérité ; je
dis nous, parce qu'aujourd'hui, Esprits ou incarnés, nous n'avons qu'un
but : la destruction des idées matérialistes et la régénération de la
foi en Dieu, à qui nous devons tout.
Éraste (Médium, M. d'Ambel).
Éraste (Médium, M. d'Ambel).
Persécution
Allons ! bravo, enfants ! je suis heureux de vous voir réunis, luttant
de zèle et de persistance. Du courage ! travaillez rudement au champ du
Seigneur ; car, je vous le dis, il arrivera un temps où ce ne sera plus
seulement à huis clos qu'il faudra prêcher la doctrine sainte du
Spiritisme.
On a flagellé la chair, on doit flageller l'esprit ; or, je vous le dis en vérité, quand cette chose arrivera, vous serez près de chanter tous ensemble le cantique d'actions de grâces, et l'on sera près d'entendre un seul et même cri d'allégresse sur la terre ! Mais, je vous le dis, avant l'âge d'or et le règne de l'esprit, il faut les déchirements, les grincements de dents et les larmes.
Les persécutions ont commencé déjà. Spirites ! soyez fermes, et tenez-vous debout : vous êtes marqués de l'oint du Seigneur. On vous traitera d'insensés, de fous et de visionnaires ; on ne fera plus bouillir d'huile ; on ne dressera plus d'échafauds ni de bûchers, mais le feu dont on se servira pour vous faire renoncer à vos croyances sera plus cuisant et plus vif encore. Spirites ! dépouillez-vous donc du vieil homme, puisque c'est le vieil homme que l'on fera souffrir ; que vos nouvelles tuniques soient blanches ; ceignez vos fronts de couronnes et préparez-vous à entrer dans la lice. On vous maudira : laissez vos frères vous appeler racca ; priez pour eux, au contraire, et écartez de leurs têtes le châtiment que le Christ a dit réserver à ceux qui diraient à leurs frères racca !
Préparez-vous aux persécutions par l'étude, la prière et la charité ; les serviteurs seront chassés de chez leurs maîtres et traités de fous ! mais à la porte de la demeure, ils rencontreront le Samaritain, et, quoique pauvres et dénués de tout, ils partageront encore avec lui le dernier morceau de pain et leurs vêtements. A ce spectacle, les maîtres se diront : Mais quels sont donc ces hommes que nous avons chassés de nos demeures ! Ils n'ont qu'un morceau de pain, pour vivre ce soir, et ils le donnent ; ils n'ont qu'un manteau pour se couvrir, et ils le partagent en deux avec un étranger. C'est alors que leurs portes seront ouvertes de nouveau, car c'est vous qui êtes les serviteurs du maître ; mais cette fois ils vous accueilleront et vous embrasseront ; ils vous conjureront de les bénir et de leur apprendre à aimer ; ils ne vous appelleront plus serviteurs ni esclaves, mais ils vous diront : Mon frère, viens t'asseoir à ma table ; il n'y a plus qu'une seule et même famille sur la terre, comme il n'y a qu'un seul et même père dans le ciel.
Allez, allez, mes frères ! prêchez et surtout soyez unis : le ciel vous est préparé.
Saint Augustin. (Médium, M. E. Vézy.)
On a flagellé la chair, on doit flageller l'esprit ; or, je vous le dis en vérité, quand cette chose arrivera, vous serez près de chanter tous ensemble le cantique d'actions de grâces, et l'on sera près d'entendre un seul et même cri d'allégresse sur la terre ! Mais, je vous le dis, avant l'âge d'or et le règne de l'esprit, il faut les déchirements, les grincements de dents et les larmes.
Les persécutions ont commencé déjà. Spirites ! soyez fermes, et tenez-vous debout : vous êtes marqués de l'oint du Seigneur. On vous traitera d'insensés, de fous et de visionnaires ; on ne fera plus bouillir d'huile ; on ne dressera plus d'échafauds ni de bûchers, mais le feu dont on se servira pour vous faire renoncer à vos croyances sera plus cuisant et plus vif encore. Spirites ! dépouillez-vous donc du vieil homme, puisque c'est le vieil homme que l'on fera souffrir ; que vos nouvelles tuniques soient blanches ; ceignez vos fronts de couronnes et préparez-vous à entrer dans la lice. On vous maudira : laissez vos frères vous appeler racca ; priez pour eux, au contraire, et écartez de leurs têtes le châtiment que le Christ a dit réserver à ceux qui diraient à leurs frères racca !
Préparez-vous aux persécutions par l'étude, la prière et la charité ; les serviteurs seront chassés de chez leurs maîtres et traités de fous ! mais à la porte de la demeure, ils rencontreront le Samaritain, et, quoique pauvres et dénués de tout, ils partageront encore avec lui le dernier morceau de pain et leurs vêtements. A ce spectacle, les maîtres se diront : Mais quels sont donc ces hommes que nous avons chassés de nos demeures ! Ils n'ont qu'un morceau de pain, pour vivre ce soir, et ils le donnent ; ils n'ont qu'un manteau pour se couvrir, et ils le partagent en deux avec un étranger. C'est alors que leurs portes seront ouvertes de nouveau, car c'est vous qui êtes les serviteurs du maître ; mais cette fois ils vous accueilleront et vous embrasseront ; ils vous conjureront de les bénir et de leur apprendre à aimer ; ils ne vous appelleront plus serviteurs ni esclaves, mais ils vous diront : Mon frère, viens t'asseoir à ma table ; il n'y a plus qu'une seule et même famille sur la terre, comme il n'y a qu'un seul et même père dans le ciel.
Allez, allez, mes frères ! prêchez et surtout soyez unis : le ciel vous est préparé.
Saint Augustin. (Médium, M. E. Vézy.)
Bibliographie
Le Spiritisme à sa plus simple expression, dont près de dix mille exemplaires ont été écoulés, se réimprime en ce moment avec plusieurs corrections importantes. Nous savons qu'il est déjà traduit en allemand, en russe et en polonais. Nous engageons les traducteurs à se conformer au texte de la nouvelle édition. Nous recevons de Vienne (Autriche) la traduction allemande publiée dans cette ville où se forme une société spirite sous les auspices de celle de Paris.
Le second volume des Révélations d'outre-tombe, par madame H. Dozon, est sous presse.
Nous appelons de nouveau l'attention de nos lecteurs sur l'intéressante brochure de mademoiselle Clémence Guérin, intitulée : Essai biographique sur Andrew Jackson Davis, un des principaux écrivains spiritualistes des Etats-Unis. — Chez Ledoyen. Prix, 1fr.
Le second volume des Révélations d'outre-tombe, par madame H. Dozon, est sous presse.
Nous appelons de nouveau l'attention de nos lecteurs sur l'intéressante brochure de mademoiselle Clémence Guérin, intitulée : Essai biographique sur Andrew Jackson Davis, un des principaux écrivains spiritualistes des Etats-Unis. — Chez Ledoyen. Prix, 1fr.