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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Février
Février
Les Souhaits de nouvel anPlusieurs centaines de lettres nous ayant été adressées à l'occasion de la nouvelle année, il nous a été matériellement impossible de répondre à chacune en particulier ; nous prions donc nos honorables correspondants d'agréer ici l'expression de notre sincère gratitude pour les témoignages de sympathie qu'ils veulent bien nous donner. Dans le nombre, cependant ; il en est une qui, par sa nature, demandait une réponse spéciale ; c'est celle des Spirites de Lyon, revêtue d'environ deux cents signatures. Nous en avons profité pour y joindre, sur leur demande, quelques conseils généraux. La Société Spirite de Paris, à laquelle nous en avons donné connaissance, ayant jugé qu'elle pouvait être utile à tout le monde, nous a non seulement invité à la publier dans la Revue, mais en a voté l'impression séparée pour être distribuée à tous ses membres. Tous ceux qui ont eu l'obligeance de nous écrire voudront bien prendre leur part des sentiments de réciprocité que nous y exprimons, et qui s'adressent, sans exception, à tous les Spirites français et étrangers qui nous honorent du titre de leur chef et de leur guide dans la nouvelle voie qui leur est ouverte. Ce n'est donc pas seulement à ceux qui nous ont écrit à l'occasion de la nouvelle année que nous nous adressons, mais à tous ceux qui nous donnent à chaque instant des preuves si touchantes de leur reconnaissance pour le bonheur et les consolations qu'ils puisent dans la doctrine, et qui nous tiennent compte de nos peines et de nos efforts pour aider à sa propagation ; à tous ceux enfin qui pensent que nos travaux sont pour quelque chose dans la marche progressive du Spiritisme.
Réponse à l'adresse des Spirites Lyonnais à l'occasion de la nouvelle année
Mes chers frères et amis de Lyon,
L'adresse collective que vous avez bien voulu m'envoyer à l'occasion de la nouvelle année m'a causé une bien vive satisfaction, en me prouvant que vous avez conservé de moi un bon souvenir ; mais ce qui m'a fait le plus de plaisir dans cet acte spontané de votre part, c'est de trouver parmi les nombreuses signatures qui y figurent des représentants d'à peu près tous les groupes, parce que c'est un signe de l'harmonie qui règne entre eux. Je suis heureux de voir que vous avez parfaitement compris le but de cette organisation, dont vous pouvez déjà apprécier les résultats, car il doit être évident pour vous maintenant qu'une Société unique eût été à peu près impossible.
Je vous remercie, mes bons amis, des vœux que vous formez pour moi ; ils me sont d'autant plus agréables que je sais qu'ils partent du cœur, et ce sont ceux que Dieu écoute. Soyez donc satisfaits, car il les exauce chaque jour en me donnant la joie, inouïe dans l'établissement d'une nouvelle doctrine, de voir celle à laquelle je me suis dévoué grandir et prospérer de mon vivant avec une merveilleuse rapidité. Je regarde comme une grande faveur du ciel d'être témoin du bien qu'elle fait déjà. Cette certitude, dont je reçois journellement les plus touchants témoignages, me paye avec usure de toutes mes peines et de toutes mes fatigues ; je ne demande à Dieu qu'une grâce, c'est de me donner la force physique nécessaire pour aller jusqu'au bout de ma tâche, qui est loin d'être achevée ; mais, quoi qu'il arrive, j'aurai toujours la consolation d'être assuré que la semence des idées nouvelles, maintenant répandue partout, est impérissable ; plus heureux que beaucoup d'autres, qui n'ont travaillé que pour l'avenir, il m'est donné d'en voir les premiers fruits. Si je regrette une chose, c'est que l'exiguïté de mes ressources personnelles ne me permette pas de mettre à exécution les plans que j'ai conçus pour son avancement plus rapide encore ; mais si Dieu, dans sa sagesse, a cru devoir en décider autrement, je léguerai ces plans à mes successeurs, qui, sans doute, seront plus heureux. Malgré la pénurie des ressources matérielles, le mouvement qui s'opère dans l'opinion a dépassé toute espérance ; croyez bien, mes frères, qu'en cela votre exemple n'aura pas été sans influence. Recevez donc nos félicitations pour la manière dont vous savez comprendre et pratiquer la doctrine. Je sais combien sont grandes les épreuves que beaucoup d'entre vous ont à supporter ; Dieu seul en connaît le terme ici-bas ; mais aussi quelle force la foi en l'avenir ne donne-t-elle pas contre l'adversité ! Oh ! plaignez ceux qui croient au néant après la mort, car pour eux le mal présent est sans compensation. L'incrédule malheureux est comme le malade qui n'espère aucune guérison ; le Spirite, au contraire, est comme celui qui est malade aujourd'hui et qui sait que demain il se portera bien.
Vous me demandez de vous continuer mes conseils ; j'en donne volontiers à ceux qui croient en avoir besoin et qui les réclament ; mais je n'en donne qu'à ceux-là ; à ceux qui pensent en savoir assez et pouvoir se passer des leçons de l'expérience, je n'ai rien à dire, sinon que je souhaite qu'ils n'aient pas à regretter un jour d'avoir trop présumé de leurs propres forces. Cette prétention, d'ailleurs, accuse un sentiment d'orgueil contraire au véritable esprit du Spiritisme ; or, péchant par la base, ils prouvent par cela seul qu'ils s'écartent de la vérité. Vous n'êtes pas de ce nombre, mes amis, c'est pourquoi je profite de la circonstance pour vous adresser quelques paroles qui vous prouveront que, de loin comme de près, je suis tout à vous.
Au point où en sont les choses aujourd'hui, et à voir la marche du Spiritisme à travers les obstacles semés sur sa route, on peut dire que les principales difficultés sont vaincues ; il a pris son rang et s'est assis sur des bases qui défient désormais les efforts de ses adversaires. On se demande comment une doctrine qui rend heureux et meilleur peut avoir des ennemis ; cela est tout naturel : l'établissement des meilleures choses froisse toujours des intérêts en commençant ; n'en a-t-il pas été ainsi de toutes les inventions et découvertes qui ont fait révolution dans l'industrie ? Celles qui sont regardées aujourd'hui comme des bienfaits dont on ne pourrait plus se passer n'ont-elles pas eu des ennemis acharnés ? Toute loi qui réprime des abus n'a-t-elle pas contre elle ceux qui vivent des abus ? Comment voudriez-vous qu'une doctrine qui conduit au règne de la charité effective ne soit pas combattue par tous ceux qui vivent d'égoïsme ; et vous savez s'ils sont nombreux sur la terre ! Dans le principe ils ont espéré le tuer par la raillerie ; aujourd'hui ils voient que cette arme est impuissante, et que sous le feu roulant des sarcasmes il a continué sa route sans broncher ; ne croyez pas qu'ils vont s'avouer vaincus ; non, l'intérêt matériel est plus tenace ; reconnaissant que c'est une puissance avec laquelle il faut désormais compter, ils vont lui livrer des assauts plus sérieux, mais qui ne serviront qu'à mieux prouver leur faiblesse. Les uns l'attaqueront ouvertement en paroles et en actions et le poursuivront jusque dans la personne de ses adhérents, qu'ils essayeront de décourager à force de tracasseries, tandis que d'autres, en dessous main et par des voies détournées, chercheront à le miner sourdement. Tenez-vous donc pour avertis que la lutte n'est pas terminée. Je suis prévenu qu'ils vont tenter un suprême effort ; mais soyez sans crainte : le gage du succès est dans cette devise, qui est celle de tous les vrais Spirites : Hors la charité point de salut. Arborez-la hautement, car elle est la tête de Méduse pour les égoïstes.
La tactique déjà mise en œuvre par les ennemis des Spirites, mais qu'ils vont employer avec une nouvelle ardeur, c'est d'essayer de les diviser en créant des systèmes divergents et en suscitant parmi eux la défiance et la jalousie. Ne vous laissez pas prendre au piège, et tenez pour certain que quiconque cherche, par un moyen quel qu'il soit, à rompre la bonne harmonie, ne peut avoir une bonne intention. C'est pourquoi je vous invite à mettre la plus grande circonspection dans la formation de vos groupes, non seulement pour votre tranquillité, mais dans l'intérêt même de vos travaux.
La nature des travaux spirites exige le calme et le recueillement ; or, point de recueillement possible, si l'on est distrait par les discussions et l'expression de sentiments malveillants. Il n'y aura pas de sentiments malveillants, s'il y a fraternité ; mais il ne peut y avoir fraternité avec des égoïstes, des ambitieux et des orgueilleux. Avec des orgueilleux qui se froissent et se blessent de tout, des ambitieux qui seront déçus s'ils n'ont pas la suprématie, des égoïstes qui ne pensent qu'à eux, la zizanie ne peut tarder à s'introduire, et de là, la dissolution. C'est ce que voudraient nos ennemis, et c'est ce qu'ils chercheront à faire. Si un groupe veut être dans des conditions d'ordre, de tranquillité et de stabilité, il faut qu'il y règne un sentiment fraternel. Tout groupe ou société qui se formera sans avoir la charité effective pour base, n'a pas de vitalité ; tandis que ceux qui seront fondés selon le véritable esprit de la doctrine se regarderont comme les membres d'une même famille, qui, ne pouvant tous habiter sous le même toit, demeurent en des endroits différents. La rivalité entre eux serait un non-sens ; elle ne saurait exister là où règne la vraie charité, car la charité ne peut s'entendre de deux manières. Reconnaissez donc le vrai Spirite à la pratique de la charité en pensées, en paroles et en actions, et dites-vous que quiconque nourrit en son âme des sentiments d'animosité, de rancune, de haine, d'envie ou de jalousie se ment à lui-même s'il prétend comprendre et pratiquer le Spiritisme.
L'égoïsme et l'orgueil tuent les sociétés particulières, comme ils tuent les peuples et la société en général. Lisez l'histoire, et vous verrez que les peuples succombent sous l'étreinte de ces deux mortels ennemis du bonheur des hommes. Quand ils s'appuieront sur les bases de la charité, ils seront indissolubles, parce qu'ils seront en paix entre eux et chez eux, chacun respectant les droits et les biens de son voisin. C'est là l'ère nouvelle prédite dont le Spiritisme est le précurseur, et à laquelle tout Spirite doit travailler, chacun dans sa sphère d'activité. C'est une tâche qui leur incombe, et dont ils seront récompensés selon la manière dont ils l'auront accomplie, car Dieu saura distinguer ceux qui n'auront cherché dans le Spiritisme que leur satisfaction personnelle, de ceux qui auront en même temps travaillé au bonheur de leurs frères.
Je dois encore vous signaler une autre tactique de nos adversaires, c'est de chercher à compromettre les Spirites en les poussant à s'écarter du véritable but de la doctrine, qui est celui de la morale, pour aborder des questions qui ne sont pas de son ressort, et qui pourraient à juste titre éveiller des susceptibilités ombrageuses. Ne vous laissez pas non plus prendre à ce piège ; écartez avec soin, dans vos réunions, tout ce qui à rapport à la politique et aux questions irritantes ; les discussions, sous ce rapport, n'aboutiraient à rien qu'à vous susciter des embarras, tandis que personne ne peut trouver à redire à la morale quand elle est bonne. Cherchez, dans le Spiritisme, ce qui peut vous améliorer, c'est là l'essentiel ; lorsque les hommes seront meilleurs, les réformes sociales vraiment utiles en seront la conséquence toute naturelle ; en travaillant au progrès moral, vous poserez les véritables et les plus solides fondements de toutes les améliorations, et laissez à Dieu le soin de faire arriver les choses en leur temps. Opposez donc, dans l'intérêt même du Spiritisme qui est encore jeune, mais qui vieillit vite, une inébranlable fermeté à ceux qui chercheraient à vous entraîner dans une voie périlleuse.
En vue de discréditer le Spiritisme, quelques-uns prétendent qu'il va détruire la religion. Vous savez bien le contraire, puisque la plupart d'entre vous qui croyaient à peine à Dieu et à leur âme y croient maintenant ; qui ne savaient ce que c'était que prier, et qui prient avec ferveur ; qui ne mettaient plus les pieds dans les églises, et qui y vont avec recueillement. D'ailleurs, si la religion devait être détruite par le Spiritisme, c'est qu'elle serait destructible et que le Spiritisme serait plus puissant : le dire serait une maladresse, car ce serait avouer la faiblesse de l'une et la force de l'autre. Le Spiritisme est une doctrine morale qui fortifie les sentiments religieux en général et s'applique à toutes les religions ; il est de toutes, et n'est d'aucune en particulier ; c'est pourquoi il ne dit à personne d'en changer ; il laisse chacun libre d'adorer Dieu à sa manière, et d'observer les pratiques que lui dicte sa conscience : Dieu tenant plus compte de l'intention que du fait. Allez donc chacun dans les temples de votre culte, et prouvez par là qu'en le taxant d'impiété on le calomnie.
Dans l'impossibilité matérielle où je suis d'entretenir des rapports avec tous les groupes, j'ai prié un de vos confrères de vouloir bien me représenter plus spécialement à Lyon, comme je l'ai fait ailleurs ; c'est M. Villon, dont le zèle et le dévouement vous sont connus, aussi bien que la pureté de ses sentiments. Sa position indépendante lui donne en outre plus de loisir pour la tâche dont il veut bien se charger ; tâche lourde, mais devant laquelle il ne reculera pas. Le groupe qu'il a formé chez lui l'a été sous mes auspices et d'après mes instructions lors de mon dernier voyage ; vous y trouverez d'excellents conseils et de salutaires exemples. Je verrai donc avec une vive satisfaction tous ceux qui m'honorent de leur confiance s'y rallier comme à un centre commun. Si quelques-uns voulaient faire bande à part, gardez-vous de les voir d'un mauvais œil ; et s'ils vous jettent la pierre, ne la ramassez pas, ne la leur renvoyez pas : entre eux et vous Dieu sera juge des sentiments de chacun. Que ceux qui croiront être dans le vrai à l'exclusion des autres le prouvent par une plus grande charité et une plus grande abnégation d'amour-propre, car la vérité ne saurait être du côté de celui qui manque au premier précepte de la doctrine. Si vous êtes dans le doute, faites toujours le bien : les erreurs de l'esprit pèsent moins dans la balance de Dieu que les erreurs du cœur.
Je répéterai ici ce que j'ai dit en d'autres occasions : en cas de divergence d'opinion, il est un moyen facile de sortir d'incertitude, c'est de voir celle qui rallie le plus de partisans, parce qu'il y a dans les masses un bon sens inné qui ne saurait tromper. L'erreur ne peut séduire que quelques esprits aveuglés par l'amour-propre et un faux jugement, mais la vérité finit toujours par l'emporter ; tenez donc pour certain qu'elle déserte les rangs qui s'éclaircissent, et qu'il y a une obstination irrationnelle à croire qu'un seul a raison contre tous. Si les principes que je professe ne trouvaient que quelques échos isolés, et s'ils étaient repoussés par l'opinion générale, je serais le premier à reconnaître que j'ai pu me tromper ; mais en voyant croître sans cesse le nombre des adhérents, dans tous les rangs de la société et dans tous les pays du monde, je dois croire à la solidité des bases sur lesquelles ils reposent ; c'est pourquoi je vous dis en toute sécurité de marcher d'un pas ferme dans la voie qui vous est tracée ; dites à vos antagonistes que, s'ils veulent que vous les suiviez, ils vous offrent une doctrine plus consolante, plus claire, plus intelligible, qui satisfasse mieux la raison, et qui soit en même temps une meilleure garantie pour l'ordre social ; déjouez, par votre union, les calculs de ceux qui voudraient vous diviser ; prouvez enfin, par votre exemple, que la doctrine rend plus modéré, plus doux, plus patient, plus indulgent, et ce sera la meilleure réponse à faire à ses détracteurs, en même temps que la vue de ses résultats bienfaisants est le plus puissant moyen de propagande.
Voilà, mes amis, les conseils que je vous donne et auxquels je joins mes vœux pour l'année qui commence. Je ne sais quelles épreuves Dieu nous destine pour cette année, mais je sais que, quelles qu'elles soient, vous les supporterez avec fermeté et résignation, car vous savez que, pour vous comme pour le soldat, la récompense est proportionnée au courage.
Quant au Spiritisme, auquel vous vous intéressez plus qu'à vous-mêmes, et dont, par ma position, je puis mieux que personne juger les progrès, je suis heureux de vous dire que l'année s'ouvre sous les auspices les plus favorables, et qu'elle verra, sans aucun doute, le nombre des adeptes s'accroître dans une proportion impossible à prévoir ; encore quelques années comme celles qui viennent de s'écouler, et le Spiritisme aura pour lui les trois quarts de la population. Laissez-moi vous citer un fait entre mille.
Dans un département voisin de Paris est une petite ville où le Spiritisme a pénétré depuis six mois à peine. En quelques semaines, il y a pris un développement considérable ; une opposition formidable fut aussitôt organisée contre ses partisans, menaçant même leurs intérêts privés ; ils ont tout bravé avec un courage, un désintéressement dignes des plus grands éloges ; ils s'en sont remis à la Providence, et la Providence ne leur a pas fait défaut. Cette ville compte une population ouvrière nombreuse parmi laquelle les idées spirites, grâce à l'opposition qu'on y a faite, se font jour rapidement ; or, un fait digne de remarque, c'est que des femmes, des jeunes filles ont attendu leurs étrennes pour se procurer les ouvrages nécessaires à leur instruction, et c'est par centaines qu'un libraire a été chargé d'en expédier dans cette seule ville. N'est-il pas prodigieux de voir de simples ouvrières réserver leurs économies pour acheter des livres de morale et de philosophie plutôt que des romans et des colifichets ? des hommes préférer cette lecture aux joies bruyantes et abrutissantes du cabaret ? Ah ! C'est que ces hommes et ces femmes, qui souffrent comme vous, comprennent maintenant que ce n'est pas ici-bas que leur sort s'accomplit ; le rideau se lève, et ils entrevoient les splendides horizons de l'avenir. Cette petite ville est Chauny, dans le département de l'Aisne. Nouveaux enfants dans la grande famille, ils vous saluent, frères de Lyon, comme leurs aînés, et forment désormais un des anneaux de la chaîne spirituelle qui unit déjà Paris, Lyon, Metz, Sens, Bordeaux et autres, et qui reliera bientôt toutes les villes du monde dans un sentiment de mutuelle confraternité ; car partout le Spiritisme a jeté des semences fécondes, et ses enfants se tendent déjà la main par-dessus les barrières des préjugés de sectes, de castes et de nationalités.
Votre tout dévoué frère et ami,
Allan Kardec.
L'adresse collective que vous avez bien voulu m'envoyer à l'occasion de la nouvelle année m'a causé une bien vive satisfaction, en me prouvant que vous avez conservé de moi un bon souvenir ; mais ce qui m'a fait le plus de plaisir dans cet acte spontané de votre part, c'est de trouver parmi les nombreuses signatures qui y figurent des représentants d'à peu près tous les groupes, parce que c'est un signe de l'harmonie qui règne entre eux. Je suis heureux de voir que vous avez parfaitement compris le but de cette organisation, dont vous pouvez déjà apprécier les résultats, car il doit être évident pour vous maintenant qu'une Société unique eût été à peu près impossible.
Je vous remercie, mes bons amis, des vœux que vous formez pour moi ; ils me sont d'autant plus agréables que je sais qu'ils partent du cœur, et ce sont ceux que Dieu écoute. Soyez donc satisfaits, car il les exauce chaque jour en me donnant la joie, inouïe dans l'établissement d'une nouvelle doctrine, de voir celle à laquelle je me suis dévoué grandir et prospérer de mon vivant avec une merveilleuse rapidité. Je regarde comme une grande faveur du ciel d'être témoin du bien qu'elle fait déjà. Cette certitude, dont je reçois journellement les plus touchants témoignages, me paye avec usure de toutes mes peines et de toutes mes fatigues ; je ne demande à Dieu qu'une grâce, c'est de me donner la force physique nécessaire pour aller jusqu'au bout de ma tâche, qui est loin d'être achevée ; mais, quoi qu'il arrive, j'aurai toujours la consolation d'être assuré que la semence des idées nouvelles, maintenant répandue partout, est impérissable ; plus heureux que beaucoup d'autres, qui n'ont travaillé que pour l'avenir, il m'est donné d'en voir les premiers fruits. Si je regrette une chose, c'est que l'exiguïté de mes ressources personnelles ne me permette pas de mettre à exécution les plans que j'ai conçus pour son avancement plus rapide encore ; mais si Dieu, dans sa sagesse, a cru devoir en décider autrement, je léguerai ces plans à mes successeurs, qui, sans doute, seront plus heureux. Malgré la pénurie des ressources matérielles, le mouvement qui s'opère dans l'opinion a dépassé toute espérance ; croyez bien, mes frères, qu'en cela votre exemple n'aura pas été sans influence. Recevez donc nos félicitations pour la manière dont vous savez comprendre et pratiquer la doctrine. Je sais combien sont grandes les épreuves que beaucoup d'entre vous ont à supporter ; Dieu seul en connaît le terme ici-bas ; mais aussi quelle force la foi en l'avenir ne donne-t-elle pas contre l'adversité ! Oh ! plaignez ceux qui croient au néant après la mort, car pour eux le mal présent est sans compensation. L'incrédule malheureux est comme le malade qui n'espère aucune guérison ; le Spirite, au contraire, est comme celui qui est malade aujourd'hui et qui sait que demain il se portera bien.
Vous me demandez de vous continuer mes conseils ; j'en donne volontiers à ceux qui croient en avoir besoin et qui les réclament ; mais je n'en donne qu'à ceux-là ; à ceux qui pensent en savoir assez et pouvoir se passer des leçons de l'expérience, je n'ai rien à dire, sinon que je souhaite qu'ils n'aient pas à regretter un jour d'avoir trop présumé de leurs propres forces. Cette prétention, d'ailleurs, accuse un sentiment d'orgueil contraire au véritable esprit du Spiritisme ; or, péchant par la base, ils prouvent par cela seul qu'ils s'écartent de la vérité. Vous n'êtes pas de ce nombre, mes amis, c'est pourquoi je profite de la circonstance pour vous adresser quelques paroles qui vous prouveront que, de loin comme de près, je suis tout à vous.
Au point où en sont les choses aujourd'hui, et à voir la marche du Spiritisme à travers les obstacles semés sur sa route, on peut dire que les principales difficultés sont vaincues ; il a pris son rang et s'est assis sur des bases qui défient désormais les efforts de ses adversaires. On se demande comment une doctrine qui rend heureux et meilleur peut avoir des ennemis ; cela est tout naturel : l'établissement des meilleures choses froisse toujours des intérêts en commençant ; n'en a-t-il pas été ainsi de toutes les inventions et découvertes qui ont fait révolution dans l'industrie ? Celles qui sont regardées aujourd'hui comme des bienfaits dont on ne pourrait plus se passer n'ont-elles pas eu des ennemis acharnés ? Toute loi qui réprime des abus n'a-t-elle pas contre elle ceux qui vivent des abus ? Comment voudriez-vous qu'une doctrine qui conduit au règne de la charité effective ne soit pas combattue par tous ceux qui vivent d'égoïsme ; et vous savez s'ils sont nombreux sur la terre ! Dans le principe ils ont espéré le tuer par la raillerie ; aujourd'hui ils voient que cette arme est impuissante, et que sous le feu roulant des sarcasmes il a continué sa route sans broncher ; ne croyez pas qu'ils vont s'avouer vaincus ; non, l'intérêt matériel est plus tenace ; reconnaissant que c'est une puissance avec laquelle il faut désormais compter, ils vont lui livrer des assauts plus sérieux, mais qui ne serviront qu'à mieux prouver leur faiblesse. Les uns l'attaqueront ouvertement en paroles et en actions et le poursuivront jusque dans la personne de ses adhérents, qu'ils essayeront de décourager à force de tracasseries, tandis que d'autres, en dessous main et par des voies détournées, chercheront à le miner sourdement. Tenez-vous donc pour avertis que la lutte n'est pas terminée. Je suis prévenu qu'ils vont tenter un suprême effort ; mais soyez sans crainte : le gage du succès est dans cette devise, qui est celle de tous les vrais Spirites : Hors la charité point de salut. Arborez-la hautement, car elle est la tête de Méduse pour les égoïstes.
La tactique déjà mise en œuvre par les ennemis des Spirites, mais qu'ils vont employer avec une nouvelle ardeur, c'est d'essayer de les diviser en créant des systèmes divergents et en suscitant parmi eux la défiance et la jalousie. Ne vous laissez pas prendre au piège, et tenez pour certain que quiconque cherche, par un moyen quel qu'il soit, à rompre la bonne harmonie, ne peut avoir une bonne intention. C'est pourquoi je vous invite à mettre la plus grande circonspection dans la formation de vos groupes, non seulement pour votre tranquillité, mais dans l'intérêt même de vos travaux.
La nature des travaux spirites exige le calme et le recueillement ; or, point de recueillement possible, si l'on est distrait par les discussions et l'expression de sentiments malveillants. Il n'y aura pas de sentiments malveillants, s'il y a fraternité ; mais il ne peut y avoir fraternité avec des égoïstes, des ambitieux et des orgueilleux. Avec des orgueilleux qui se froissent et se blessent de tout, des ambitieux qui seront déçus s'ils n'ont pas la suprématie, des égoïstes qui ne pensent qu'à eux, la zizanie ne peut tarder à s'introduire, et de là, la dissolution. C'est ce que voudraient nos ennemis, et c'est ce qu'ils chercheront à faire. Si un groupe veut être dans des conditions d'ordre, de tranquillité et de stabilité, il faut qu'il y règne un sentiment fraternel. Tout groupe ou société qui se formera sans avoir la charité effective pour base, n'a pas de vitalité ; tandis que ceux qui seront fondés selon le véritable esprit de la doctrine se regarderont comme les membres d'une même famille, qui, ne pouvant tous habiter sous le même toit, demeurent en des endroits différents. La rivalité entre eux serait un non-sens ; elle ne saurait exister là où règne la vraie charité, car la charité ne peut s'entendre de deux manières. Reconnaissez donc le vrai Spirite à la pratique de la charité en pensées, en paroles et en actions, et dites-vous que quiconque nourrit en son âme des sentiments d'animosité, de rancune, de haine, d'envie ou de jalousie se ment à lui-même s'il prétend comprendre et pratiquer le Spiritisme.
L'égoïsme et l'orgueil tuent les sociétés particulières, comme ils tuent les peuples et la société en général. Lisez l'histoire, et vous verrez que les peuples succombent sous l'étreinte de ces deux mortels ennemis du bonheur des hommes. Quand ils s'appuieront sur les bases de la charité, ils seront indissolubles, parce qu'ils seront en paix entre eux et chez eux, chacun respectant les droits et les biens de son voisin. C'est là l'ère nouvelle prédite dont le Spiritisme est le précurseur, et à laquelle tout Spirite doit travailler, chacun dans sa sphère d'activité. C'est une tâche qui leur incombe, et dont ils seront récompensés selon la manière dont ils l'auront accomplie, car Dieu saura distinguer ceux qui n'auront cherché dans le Spiritisme que leur satisfaction personnelle, de ceux qui auront en même temps travaillé au bonheur de leurs frères.
Je dois encore vous signaler une autre tactique de nos adversaires, c'est de chercher à compromettre les Spirites en les poussant à s'écarter du véritable but de la doctrine, qui est celui de la morale, pour aborder des questions qui ne sont pas de son ressort, et qui pourraient à juste titre éveiller des susceptibilités ombrageuses. Ne vous laissez pas non plus prendre à ce piège ; écartez avec soin, dans vos réunions, tout ce qui à rapport à la politique et aux questions irritantes ; les discussions, sous ce rapport, n'aboutiraient à rien qu'à vous susciter des embarras, tandis que personne ne peut trouver à redire à la morale quand elle est bonne. Cherchez, dans le Spiritisme, ce qui peut vous améliorer, c'est là l'essentiel ; lorsque les hommes seront meilleurs, les réformes sociales vraiment utiles en seront la conséquence toute naturelle ; en travaillant au progrès moral, vous poserez les véritables et les plus solides fondements de toutes les améliorations, et laissez à Dieu le soin de faire arriver les choses en leur temps. Opposez donc, dans l'intérêt même du Spiritisme qui est encore jeune, mais qui vieillit vite, une inébranlable fermeté à ceux qui chercheraient à vous entraîner dans une voie périlleuse.
En vue de discréditer le Spiritisme, quelques-uns prétendent qu'il va détruire la religion. Vous savez bien le contraire, puisque la plupart d'entre vous qui croyaient à peine à Dieu et à leur âme y croient maintenant ; qui ne savaient ce que c'était que prier, et qui prient avec ferveur ; qui ne mettaient plus les pieds dans les églises, et qui y vont avec recueillement. D'ailleurs, si la religion devait être détruite par le Spiritisme, c'est qu'elle serait destructible et que le Spiritisme serait plus puissant : le dire serait une maladresse, car ce serait avouer la faiblesse de l'une et la force de l'autre. Le Spiritisme est une doctrine morale qui fortifie les sentiments religieux en général et s'applique à toutes les religions ; il est de toutes, et n'est d'aucune en particulier ; c'est pourquoi il ne dit à personne d'en changer ; il laisse chacun libre d'adorer Dieu à sa manière, et d'observer les pratiques que lui dicte sa conscience : Dieu tenant plus compte de l'intention que du fait. Allez donc chacun dans les temples de votre culte, et prouvez par là qu'en le taxant d'impiété on le calomnie.
Dans l'impossibilité matérielle où je suis d'entretenir des rapports avec tous les groupes, j'ai prié un de vos confrères de vouloir bien me représenter plus spécialement à Lyon, comme je l'ai fait ailleurs ; c'est M. Villon, dont le zèle et le dévouement vous sont connus, aussi bien que la pureté de ses sentiments. Sa position indépendante lui donne en outre plus de loisir pour la tâche dont il veut bien se charger ; tâche lourde, mais devant laquelle il ne reculera pas. Le groupe qu'il a formé chez lui l'a été sous mes auspices et d'après mes instructions lors de mon dernier voyage ; vous y trouverez d'excellents conseils et de salutaires exemples. Je verrai donc avec une vive satisfaction tous ceux qui m'honorent de leur confiance s'y rallier comme à un centre commun. Si quelques-uns voulaient faire bande à part, gardez-vous de les voir d'un mauvais œil ; et s'ils vous jettent la pierre, ne la ramassez pas, ne la leur renvoyez pas : entre eux et vous Dieu sera juge des sentiments de chacun. Que ceux qui croiront être dans le vrai à l'exclusion des autres le prouvent par une plus grande charité et une plus grande abnégation d'amour-propre, car la vérité ne saurait être du côté de celui qui manque au premier précepte de la doctrine. Si vous êtes dans le doute, faites toujours le bien : les erreurs de l'esprit pèsent moins dans la balance de Dieu que les erreurs du cœur.
Je répéterai ici ce que j'ai dit en d'autres occasions : en cas de divergence d'opinion, il est un moyen facile de sortir d'incertitude, c'est de voir celle qui rallie le plus de partisans, parce qu'il y a dans les masses un bon sens inné qui ne saurait tromper. L'erreur ne peut séduire que quelques esprits aveuglés par l'amour-propre et un faux jugement, mais la vérité finit toujours par l'emporter ; tenez donc pour certain qu'elle déserte les rangs qui s'éclaircissent, et qu'il y a une obstination irrationnelle à croire qu'un seul a raison contre tous. Si les principes que je professe ne trouvaient que quelques échos isolés, et s'ils étaient repoussés par l'opinion générale, je serais le premier à reconnaître que j'ai pu me tromper ; mais en voyant croître sans cesse le nombre des adhérents, dans tous les rangs de la société et dans tous les pays du monde, je dois croire à la solidité des bases sur lesquelles ils reposent ; c'est pourquoi je vous dis en toute sécurité de marcher d'un pas ferme dans la voie qui vous est tracée ; dites à vos antagonistes que, s'ils veulent que vous les suiviez, ils vous offrent une doctrine plus consolante, plus claire, plus intelligible, qui satisfasse mieux la raison, et qui soit en même temps une meilleure garantie pour l'ordre social ; déjouez, par votre union, les calculs de ceux qui voudraient vous diviser ; prouvez enfin, par votre exemple, que la doctrine rend plus modéré, plus doux, plus patient, plus indulgent, et ce sera la meilleure réponse à faire à ses détracteurs, en même temps que la vue de ses résultats bienfaisants est le plus puissant moyen de propagande.
Voilà, mes amis, les conseils que je vous donne et auxquels je joins mes vœux pour l'année qui commence. Je ne sais quelles épreuves Dieu nous destine pour cette année, mais je sais que, quelles qu'elles soient, vous les supporterez avec fermeté et résignation, car vous savez que, pour vous comme pour le soldat, la récompense est proportionnée au courage.
Quant au Spiritisme, auquel vous vous intéressez plus qu'à vous-mêmes, et dont, par ma position, je puis mieux que personne juger les progrès, je suis heureux de vous dire que l'année s'ouvre sous les auspices les plus favorables, et qu'elle verra, sans aucun doute, le nombre des adeptes s'accroître dans une proportion impossible à prévoir ; encore quelques années comme celles qui viennent de s'écouler, et le Spiritisme aura pour lui les trois quarts de la population. Laissez-moi vous citer un fait entre mille.
Dans un département voisin de Paris est une petite ville où le Spiritisme a pénétré depuis six mois à peine. En quelques semaines, il y a pris un développement considérable ; une opposition formidable fut aussitôt organisée contre ses partisans, menaçant même leurs intérêts privés ; ils ont tout bravé avec un courage, un désintéressement dignes des plus grands éloges ; ils s'en sont remis à la Providence, et la Providence ne leur a pas fait défaut. Cette ville compte une population ouvrière nombreuse parmi laquelle les idées spirites, grâce à l'opposition qu'on y a faite, se font jour rapidement ; or, un fait digne de remarque, c'est que des femmes, des jeunes filles ont attendu leurs étrennes pour se procurer les ouvrages nécessaires à leur instruction, et c'est par centaines qu'un libraire a été chargé d'en expédier dans cette seule ville. N'est-il pas prodigieux de voir de simples ouvrières réserver leurs économies pour acheter des livres de morale et de philosophie plutôt que des romans et des colifichets ? des hommes préférer cette lecture aux joies bruyantes et abrutissantes du cabaret ? Ah ! C'est que ces hommes et ces femmes, qui souffrent comme vous, comprennent maintenant que ce n'est pas ici-bas que leur sort s'accomplit ; le rideau se lève, et ils entrevoient les splendides horizons de l'avenir. Cette petite ville est Chauny, dans le département de l'Aisne. Nouveaux enfants dans la grande famille, ils vous saluent, frères de Lyon, comme leurs aînés, et forment désormais un des anneaux de la chaîne spirituelle qui unit déjà Paris, Lyon, Metz, Sens, Bordeaux et autres, et qui reliera bientôt toutes les villes du monde dans un sentiment de mutuelle confraternité ; car partout le Spiritisme a jeté des semences fécondes, et ses enfants se tendent déjà la main par-dessus les barrières des préjugés de sectes, de castes et de nationalités.
Votre tout dévoué frère et ami,
Allan Kardec.
Le Spiritisme est-il prouvé par des miracles ?
Un ecclésiastique nous adresse la question
suivante :
« Tous ceux qui ont eu mission de Dieu d'enseigner la vérité aux hommes ont prouvé leur mission par des miracles. Par quels miracles prouvez-vous la vérité de votre enseignement ? »
Ce n'est pas la première fois que cette question est adressée, soit à nous, soit à d'autres Spirites ; il paraît qu'on y attache une grande importance, et que de sa solution dépend l'arrêt qui doit condamner ou absoudre le Spiritisme. Il faut convenir que, dans ce cas, notre position est critique, car nous sommes comme le pauvre diable qui n'a pas un sou dans sa poche et à qui l'on demande la bourse ou la vie. Nous avouons donc humblement que nous n'avons pas le plus petit miracle à offrir ; nous disons plus, c'est que le Spiritisme ne s'appuie sur aucun fait miraculeux ; ses adeptes n'ont point fait, et n'ont la prétention de faire aucun miracle ; ils ne se croient pas assez dignes pour qu'à leur voix Dieu change l'ordre éternel des choses. Le Spiritisme constate un fait matériel, celui de la manifestation des âmes ou Esprits. Ce fait est-il réel, oui ou non ? Là est toute la question ; or, dans ce fait, en l'admettant comme vrai, il n'y a rien de miraculeux. Comme les manifestations de ce genre, telles que les visions, apparitions et autres, ont eu lieu de tout temps, ainsi que l'attestent les historiens sacrés et profanes et les livres de toutes les religions, elles ont pu passer jadis pour surnaturelles ; mais aujourd'hui qu'on en connaît la cause, qu'on sait qu'elles se produisent en vertu de certaines lois, on sait aussi qu'elles manquent du caractère essentiel des faits miraculeux, celui de faire exception à la loi commune.
Ces manifestations, observées de nos jours avec plus de soin que dans l'antiquité, observées surtout sans prévention, et à l'aide d'investigations aussi minutieuses que celles que l'on apporte dans l'étude des sciences, ont pour conséquence de prouver d'une manière irrécusable l'existence d'un principe intelligent en dehors de la matière, sa survivance au corps, son individualité après la mort, son immortalité, son avenir heureux ou malheureux, par conséquent la base de toutes les religions.
Si la vérité n'était prouvée que par des miracles, on pourrait demander pourquoi les prêtres d'Égypte, qui étaient dans l'erreur, reproduisaient devant le Pharaon ceux que fit Moïse ? pourquoi Apollonius de Tyanne, qui était païen, guérissait par attouchement, rendait la vue aux aveugles, la parole aux muets, prédisait les choses futures et voyait ce qui se passait à distance ? Le Christ lui-même n'a-t-il pas dit : « Il y aura de faux prophètes qui feront des prodiges » ? Un de nos amis, après une fervente prière à son Esprit protecteur, fut guéri presque instantanément d'une maladie très grave et très ancienne qui avait résisté à tous les remèdes, pour lui le fait était vraiment miraculeux ; mais, comme il croit aux Esprits, un curé, à qui il racontait la chose, lui dit que le diable aussi peut faire des miracles. « En ce cas, dit cet ami, si c'est le diable qui m'a guéri, c'est le diable que je dois remercier. »
Les prodiges et les miracles ne sont donc pas le privilège exclusif de la vérité, puisque le diable lui-même peut en faire. Comment alors distinguer les bons des mauvais ? Toutes les religions idolâtres, sans en excepter celle de Mahomet, s'appuient sur des faits surnaturels. Cela prouve une chose, c'est que les fondateurs de ces religions connaissaient des secrets naturels inconnus du vulgaire. Christophe Colomb ne passa-t-il pas pour un être surhumain aux yeux des sauvages de l'Amérique pour avoir prédit une éclipse ? Il n'eût tenu qu'à lui de se faire passer pour un envoyé de Dieu. Pour prouver sa puissance, Dieu a-t-il donc besoin de défaire ce qu'il a fait ? de faire tourner à droite ce qui doit tourner à gauche ? En prouvant le mouvement de la terre par les lois de la nature, Galilée n'était-il pas plus dans le vrai que ceux qui prétendaient que, par une dérogation à ces mêmes lois, il avait fallu arrêter le soleil ? Aussi, on sait ce qu'il lui en coûta, à lui et à tant d'autres, pour avoir démontré une erreur. Nous disons que Dieu est plus grand par l'immuabilité de ses lois qu'en y dérogeant, et que s'il lui a plu de le faire en quelques circonstances, ce ne peut être le seul signe qu'il donne de la vérité. Nous prions de vouloir bien se reporter à ce que nous avons dit à ce sujet dans notre article du mois de janvier à propos du surnaturel. Revenons aux preuves de la vérité du Spiritisme.
Il y a dans le Spiritisme deux choses : le fait de l'existence des Esprits et de leurs manifestations, et la doctrine qui en découle. Le premier point ne peut être révoqué en doute que par ceux qui n'ont pas vu ou qui n'ont pas voulu voir ; quant au second, la question est de savoir si cette doctrine est juste ou fausse : c'est un résultat d'appréciation.
Si les Esprits ne manifestaient leur présence que par des bruits, des mouvements, par des effets physiques en un mot, cela ne prouverait pas grand'chose, car on ne saurait s'ils sont bons ou mauvais. Ce qui est surtout caractéristique dans ce phénomène, ce qui est de nature à convaincre les incrédules, c'est de pouvoir reconnaître parmi les Esprits ses parents et ses amis. Mais comment les Esprits peuvent-ils attester leur présence, leur individualité, et faire juger de leurs qualités, si ce n'est en parlant ? On sait que l'écriture par médiums est un des moyens qu'ils emploient. Dès lors qu'ils ont un moyen d'exprimer leurs idées, ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent ; selon le degré de leur avancement, ils diront des choses plus ou moins bonnes, justes ou profondes ; en quittant la terre, ils n'ont pas abdiqué leur libre arbitre ; comme tous les êtres pensants, ils ont leur opinion ; comme parmi les hommes, les plus avancés donnent des enseignements d'une haute moralité, des conseils empreints de la plus profonde sagesse. Ce sont ces enseignements et ces conseils qui, recueillis et mis en ordre, constituent la doctrine spirite ou des Esprits. Considérez cette doctrine, si vous le voulez, non comme une révélation divine, mais comme l'expression d'une opinion personnelle à tel ou tel Esprit, la question est de savoir si elle est bonne ou mauvaise, juste ou fausse, rationnelle ou illogique. A qui s'en rapporter pour cela ? Est-ce au jugement d'un individu ? de quelques individus même ? Non ; car, dominés par les préjugés, les idées préconçues, ou les intérêts personnels, ils peuvent se tromper. Le seul, le vrai juge, c'est le public, parce que là il n'y a pas d'intérêt de coterie, et que dans les masses il y a un bon sens inné qui ne trompe pas. La saine logique dit que l'adoption d'une idée ou d'un principe par l'opinion générale est une preuve qu'elle repose sur un fond de vérité.
Les Spirites ne disent donc point : « Voilà une doctrine sortie de la bouche de Dieu même, révélée à un seul homme par des moyens prodigieux, et qu'il faut imposer au genre humain. » Ils disent, au contraire : « Voilà une doctrine qui n'est pas de nous, et dont nous ne revendiquons pas le mérite ; nous l'adoptons, parce que nous la trouvons rationnelle. Attribuez-lui l'origine que vous voudrez : de Dieu, des Esprits ou des hommes ; examinez-la ; si elle vous convient, adoptez-la ; dans le cas contraire, mettez-la de côté. » On ne peut pas être moins absolu. Le Spiritisme ne vient point empiéter sur la religion ; il ne s'impose pas ; il ne vient point forcer la conscience, pas plus des catholiques, que des protestants ou des juifs ; il se présente et dit : « Prenez-moi si vous me trouvez bon. » Est-ce la faute des Spirites si on le trouve bon ? si l'on y trouve la solution de ce qu'on cherchait en vain ailleurs ? si l'on y puise des consolations qui rendent heureux, qui dissipent les terreurs de l'avenir, calment les angoisses du doute et donnent du courage pour le présent ? Il ne s'adresse pas à ceux à qui les croyances catholiques ou autres suffisent, mais à ceux qu'elles ne satisfont pas complètement ou qui les ont désertées ; au lieu de ne plus croire à rien, il les amène à croire à quelque chose, et à croire avec ferveur. Le Spiritisme ne veut point faire bande à part ; il ramène, par les moyens qui lui sont propres, ceux qui s'éloignent ; si vous les repoussez, ils seront bien forcés de rester dehors. En votre âme et conscience, dites si, pour eux, il serait préférable d'être athées.
On nous demande sur quel miracle nous nous appuyons pour croire la doctrine spirite bonne. Nous la croyons bonne, non pas seulement parce que c'est notre avis, mais parce que des millions d'autres pensent comme nous ; parce qu'elle amène à croire ceux qui ne croyaient pas ; parce qu'elle rend bons des gens qui étaient mauvais ; parce qu'elle donne du courage dans les misères de la vie. Le miracle ! c'est la rapidité de sa propagation, inouïe dans les fastes des doctrines philosophiques ; c'est d'avoir en quelques années fait le tour du monde, et de s'être implantée dans tous les pays et dans tous les rangs de la société ; c'est d'avoir progressé malgré tout ce qu'on a fait pour l'arrêter, de renverser les barrières qu'on lui oppose, de trouver un surcroît de force dans ces mêmes barrières. Est-ce là le caractère d'une utopie ? Une idée fausse peut trouver quelques partisans, mais elle n'a jamais qu'une existence éphémère et circonscrite ; elle perd du terrain au lieu d'en gagner, tandis que le Spiritisme en gagne au lieu d'en perdre. Quand on le voit germer de toutes parts, accueilli partout comme un bienfait de la Providence, c'est qu'il y a là le doigt de la Providence ; voilà le vrai miracle, et nous le croyons suffisant pour assurer son avenir. Vous direz qu'à vos yeux, il n'a pas un caractère providentiel, mais un caractère diabolique ; libre à vous d'avoir cette opinion : pourvu qu'il marche, c'est l'essentiel. Nous dirons seulement que si une chose s'établissait universellement par la puissance du démon, et malgré les efforts de ceux qui disent agir au nom de Dieu, cela pourrait faire croire à certaines gens que le démon est plus puissant que la Providence. Vous demandez des miracles ! En voici un que nous adresse un de nos correspondants d'Algérie :
« M. P…, ancien officier, était bien le plus encroûté des incrédules ; il avait le fanatisme de l'irréligion ; il avait dit : Dieu, c'est le mal, avant Proudhon ; ou, pour mieux dire, il n'admettait aucun Dieu et ne reconnaissait que le néant. Quand je le vis venir chercher votre Livre des Esprits, j'ai cru qu'il allait couronner cette lecture par quelque élucubration satirique comme il avait l'habitude d'en faire contre les prêtres, et même contre le Christ ; il ne me semblait pas possible qu'un athéisme aussi invétéré pût être jamais guéri. Eh bien ! le Livre des Esprits a pourtant fait ce miracle. Si vous connaissiez l'homme comme je le connais, vous seriez fier de votre œuvre, et regarderiez la chose comme votre plus grand succès. Ici, cela étonne tout le monde ; cependant, quand on a été initié à la parole de vérité, il n'y a pas là de quoi surprendre, après réflexion, bien entendu. »
Ajoutons, ce qui ne peut pas nuire, que notre correspondant est un journaliste qui, lui aussi, professait des opinions fort peu spiritualistes, et encore moins spirites. A-t-on été prendre ce monsieur de force pour lui imposer la croyance en Dieu et en son âme ? Non, et il n'est pas probable qu'il s'y fût prêté. L'a-t-on fasciné par la vue de quelques phénomènes prodigieux ? Pas davantage, car il n'a rien vu en fait de manifestations ; seulement il a lu, il a compris, il a trouvé les raisonnements logiques, et il a cru. Direz-vous que cette conversion et tant d'autres sont l'œuvre du diable ? S'il en est ainsi, le diable a une singulière politique de donner des armes contre lui-même, et il est bien maladroit de laisser échapper ceux qu'il tenait dans ses griffes. Ce miracle, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Seriez-vous donc moins forts que le diable pour faire croire à Dieu ? Une autre question, je vous prie. Ce monsieur, alors qu'il était athée et blasphémateur, était-il damné pour l'éternité ? - Sans aucun doute. - Maintenant que, selon vous, il est converti à Dieu par le diable, est-il encore damné ? Supposons que, tout en croyant à Dieu, à son âme, à la vie future heureuse ou malheureuse, et qu'en vertu de cette croyance il soit meilleur qu'il n'était, il n'adopte pas complètement à la lettre l'interprétation de tous les dogmes, qu'il en repousse même quelques-uns, est-il encore damné ? Si vous dites : « oui, » la croyance en Dieu ne lui sert à rien ; si vous dites : « non, » que devient la maxime : Hors l'Église point de salut ? Le Spiritisme dit : Hors la charité point de salut. Croyez-vous qu'entre les deux ce monsieur balance ? Brûlé quand même selon l'un, sauvé selon l'autre ; le choix ne paraît pas douteux.
Ces idées, comme toutes les idées nouvelles, contrarient certaines personnes, certaines habitudes, certains intérêts même, comme les chemins de fer ont contrarié les maîtres de poste et ceux qui avaient peur ; comme une révolution contrarie certaines opinions ; comme l'imprimerie a contrarié les écrivains ; comme le christianisme a contrarié les prêtres païens ; mais qu'y faire, quand une chose s'installe bon gré mal gré, par sa propre force, et qu'elle est acceptée par la généralité ? Il faut bien en prendre son parti et dire, comme Mahomet, que ce qui est doit être. Que ferez-vous si le Spiritisme devient une croyance universelle ? Repousserez-vous tous ceux qui l'admettront ? - Cela ne sera pas ; cela ne peut pas être, direz-vous. - Mais si cela est, encore une fois, que ferez-vous ?
Peut-on arrêter cet essor ? Il faudrait pour cela arrêter non un homme, mais les Esprits, et les empêcher de parler ; brûler non un livre, mais les idées ; empêcher les médiums d'écrire et de se multiplier. Un de nos correspondants nous écrit d'une ville du département du Tarn : « Notre curé fait de la propagande pour nous ; il tonne en chair contre le Spiritisme, qui n'est autre chose que l'œuvre du démon, dit-il. Il m'a presque désigné comme le grand prêtre de la doctrine dans notre ville ; je l'en remercie du fond du cœur ; il me fournit ainsi les occasions d'en entretenir ceux qui n'en avaient pas entendu parler et qui m'abordent pour savoir ce que c'est. Les médiums abondent aujourd'hui chez nous. » Le résultat est le même partout où l'on a voulu crier contre. Aujourd'hui l'idée spirite est lancée ; elle est accueillie, parce qu'elle plaît ; elle va du palais à la chaumière, et l'on peut juger de l'effet des tentatives futures par celles qu'on a faites pour l'étouffer.
En résumé, le Spiritisme, pour s'établir, ne revendique l'action d'aucun miracle ; il ne veut en rien changer l'ordre des choses ; il a cherché, et il a trouvé la cause de certains phénomènes réputés à tort comme surnaturels ; au lieu de s'appuyer sur le surnaturel, il le répudie pour son propre compte ; il s'adresse au cœur et à la raison ; la logique lui a ouvert la route, la logique la lui fera achever.
Ceci est un à-compte sur la réponse que nous devons à la brochure de M. le curé Marouzeau.
Laissons maintenant parler les Esprits. La question ci-dessus leur ayant été posée, voici quelques-unes des réponses obtenues par l'intermédiaire des différents médiums :
« Je viens vous parler de la réalité de la doctrine spirite, et l'opposer aux miracles dont l'absence parait devoir servir d'arme à ses détracteurs. Les miracles, nécessaires aux premiers âges de l'humanité pour frapper les esprits qu'il importait de soumettre ; les miracles, presque tous expliqués aujourd'hui par les découvertes des sciences physiques ou autres, sont maintenant devenus inutiles, je dirai même dangereux, puisque leurs manifestations n'éveilleraient que l'incrédulité ou la raillerie. Le règne de l'intelligence est enfin arrivé, non pas encore dans sa triomphante expression, mais dans ses tendances. Que demandez-vous ? Vous voulez de nouveau voir les baguettes transformées en serpents, les infirmes se lever et les pains se multiplier ? Non, vous ne verrez pas cela ; mais vous verrez les incrédules s'attendrir et plier devant l'autel leurs genoux roidis. Ce miracle vaut bien celui de l'eau jaillissant du rocher. Vous verrez l'homme désolé, fléchissant sous le faix du malheur, vous le verrez se détourner du pistolet armé et s'écrier : « Mon Dieu, soyez béni, puisque votre volonté élève mes épreuves au niveau de l'amour que je vous dois. » Partout enfin, vous qui battez les faits avec les textes, l'esprit avec la lettre, vous verrez la lumineuse vérité s'établir sur les ruines de vos mystères vermoulus. »
Lazare (Médium Mme Costel).
« J'ai démontré, dans une de mes dernières méditations, que l'on a lue, je crois, ici, que l'humanité est en progression actuellement. Jusqu'au Christ, l'humanité avait bien un corps ; elle était certainement splendide ; elle avait eu même d'héroïques efforts et de sublimes vertus ; mais où était sa tendresse, où était sa mansuétude ? Il y aurait, dans l'antiquité, trop d'exemples à ce sujet. Ouvrez un poème antique : où est la mansuétude ; où est la tendresse ? Vous rencontrez déjà l'expansion dans le poème presque tout chrétien de la Didon de Virgile, sorte d'héroïne mélancolique que le Tasse ou l'Arioste auraient rendue intéressante dans leurs chants remplis de l'allégresse chrétienne.
« Christ est donc venu parler au cœur de l'humanité ; mais vous savez, Christ l'a dit lui-même, il est venu en chair au milieu du paganisme, et il a promis de venir au milieu du christianisme. Il y a chez l'individu l'éducation du cœur comme il y a l'éducation de l'intelligence ; de même pour l'humanité. Christ est donc le grand éducateur. Sa résurrection est le symbole de sa fusion spirituelle dans tous, et cette fusion, cette expansion de lui-même, vous commencez à peine à la sentir. Christ ne vient plus faire de miracles ; il vient parler au cœur directement, au lieu de parler aux sens. Avec ceux qui lui demandaient un miracle dans le ciel, il passait outre, et quelques pas plus loin il improvisait son magnifique sermon sur la montagne. Or donc, à ceux qui demandent encore des miracles, Christ répond par tous les Esprits sages et éclairés : Croyez-vous donc plus à vos yeux, à vos oreilles, à vos mains qu'à votre cœur ? Mes plaies sont fermées actuellement ; l'Agneau a été sacrifié ; la chair a été égorgée ; le matérialisme a vu ; maintenant c'est le tour de l'Esprit. Je laisse les faux prophètes ; je ne me présente pas devant les puissants de la terre comme Simon le magicien, mais je vais à ceux qui ont réellement soif, qui ont réellement faim, à ceux qui souffrent dans leur cœur, et non à ceux qui ne sont spiritualistes que comme de vrais et de purs matérialistes. »
Lamennais (Med. M. A. Didier)
« On nous demande quels sont les miracles que nous faisons ; mais il me semble que depuis quelques années les preuves en sont assez évidentes. Les progrès de l'esprit humain ont changé la face du monde civilisé ; tout a progressé, et ceux qui ont voulu rester en arrière de ce mouvement sont comme les parias des sociétés nouvelles.
« A la société telle qu'elle est aujourd'hui préparée pour les événements, que faut-il, si non tout ce qui frappe la raison et l'éclaire ? Il se peut qu'à certaines époques Dieu ait voulu se communiquer par des intelligences supérieures telles que Moïse et autres ; de ces grands hommes datent les grandes époques, mais l'esprit des peuples a progressé depuis. Les grandes images des prédestinés envoyés par Dieu rappelaient une légende miraculeuse ; et puis un fait, souvent simple en lui-même, devient merveilleux devant la foule impressionnable et préparée à des émotions que la nature sait seule donner à ses enfants ignorants.
« Mais aujourd'hui avez-vous besoin de miracles ? - Tout s'est transformé autour de vous ; la science, la philosophie, l'industrie, ont développé tout ce qui vous entoure, et pensez-vous que nous, les Esprits, n'ayons participé en rien à ces modifications profondes ? - En étudiant, en commentant, vous apprenez et méditez mieux ; les miracles ne sont plus de votre époque et vous devez vous élever au-dessus de ces préjugés qui vous sont restés en mémoire comme les traditions. Nous vous donnerons la vérité, et toujours notre concours. Nous vous éclairerons afin de vous rendre meilleurs et forts ; croyez et aimez, et le miracle cherché se produira en vous. En connaissant et comprenant mieux le but de cette vie, vous serez transformés sans faits physiques.
Vous cherchez à palper, à toucher la vérité, et elle vous entoure et vous pénètre. Soyez donc confiants en vos propres forces, et le Dieu de bonté qui vous donnait l'esprit rendra votre force redoutable. Par lui vous chasserez les nuages qui obscurcissent votre intelligence, et vous comprendrez que l'esprit est tout immortalité, toute puissance. Mis en relation avec cette loi de Dieu appelée progrès, vous ne chercherez plus dans le prestige des grands noms qui sont comme des mythes de l'antiquité, une réponse et un écueil contre le Spiritisme qui est la révélation vraie, la foi, la science nouvelle qui console et rend fort. »
Baluze (Méd. M. Leymarie).
« Pour prouver la vérité de la doctrine spirite, on demande des miracles ; et qui demande cette preuve de la vérité ? Celui qui devrait le premier croire et enseigner…
« Le plus grand des miracles va s'opérer bientôt ; prêtres du catholicisme, écoutez ; vous voulez des miracles, les voici qui s'opèrent… La croix du Christ s'écroulait sous les coups du matérialisme de l'indifférence et de l'égoïsme, la voici qui se relève belle et resplendissante, soutenue par le Spiritisme ! Dites-moi, n'est-ce point le plus grand miracle : une croix qui se redresse ayant à chacun de ses côtés l'Espérance et la Charité ? - En vérité, prêtres de l'Église, croyez et voyez : les miracles vous environnent !… Comment appellerez-vous ce retour commun à la croyance chaste et pure de l'Évangile, car toutes les philosophies se rallieront au Spiritisme ? Le Spiritisme sera la gloire et le flambeau qui illuminera tout l'univers. Oh ! alors le miracle sera manifeste et éclatant, car il n'y aura plus ici-bas qu'une seule et même famille. Vous voulez des miracles ! Voyez cette pauvre femme souffrante et sans pain ; comme elle grelotte dans sa mansarde ; le souffle dont elle veut réchauffer deux petits êtres qui meurent de faim est plus froid et plus glacial que le vent qui s'engouffre dans son misérable gîte ; pourquoi donc tant de calme et de sérénité sur son visage au milieu de tant de misère ? Ah ! c'est qu'elle a vu briller une étoile ardente au-dessus de sa tête ; la lumière céleste se répand dans son réduit ; elle ne pleure plus, elle espère ! Elle ne maudit plus, elle ne demande seulement à Dieu que de lui donner le courage de supporter l'épreuve !… Et voici que les portes de la mansarde s'ouvrent et que la Charité vient y déposer ce que sa bienfaisante main peut répandre !…
« Quelle doctrine donnera plus de sentiment et d'élans au cœur ? Le Christianisme planta l'étendard de l'égalité sur la terre, le Spiritisme arbore celui de la fraternité !… Voilà le miracle le plus céleste et le plus divin qu'il puisse produire !… Prêtres, dont les mains quelquefois sont souillées par le sacrilège, ne demandez point de miracles physiques, car alors vos fronts pourraient aller se briser sur la pierre que vous foulez pour monter à l'autel !…
« Non, le Spiritisme ne se rattache point aux phénomènes physiques, ne s'appuie point sur les miracles qui parlent aux yeux, mais il donne la foi au cœur, et, dites-moi, n'est-ce point encore là le plus grand miracle ?… »
Saint Augustin (Méd. M. VÉRY).
Nota. - Ceci ne peut évidemment s'appliquer qu'aux prêtres qui ont souillé le sanctuaire, comme Verger et autres.
« Tous ceux qui ont eu mission de Dieu d'enseigner la vérité aux hommes ont prouvé leur mission par des miracles. Par quels miracles prouvez-vous la vérité de votre enseignement ? »
Ce n'est pas la première fois que cette question est adressée, soit à nous, soit à d'autres Spirites ; il paraît qu'on y attache une grande importance, et que de sa solution dépend l'arrêt qui doit condamner ou absoudre le Spiritisme. Il faut convenir que, dans ce cas, notre position est critique, car nous sommes comme le pauvre diable qui n'a pas un sou dans sa poche et à qui l'on demande la bourse ou la vie. Nous avouons donc humblement que nous n'avons pas le plus petit miracle à offrir ; nous disons plus, c'est que le Spiritisme ne s'appuie sur aucun fait miraculeux ; ses adeptes n'ont point fait, et n'ont la prétention de faire aucun miracle ; ils ne se croient pas assez dignes pour qu'à leur voix Dieu change l'ordre éternel des choses. Le Spiritisme constate un fait matériel, celui de la manifestation des âmes ou Esprits. Ce fait est-il réel, oui ou non ? Là est toute la question ; or, dans ce fait, en l'admettant comme vrai, il n'y a rien de miraculeux. Comme les manifestations de ce genre, telles que les visions, apparitions et autres, ont eu lieu de tout temps, ainsi que l'attestent les historiens sacrés et profanes et les livres de toutes les religions, elles ont pu passer jadis pour surnaturelles ; mais aujourd'hui qu'on en connaît la cause, qu'on sait qu'elles se produisent en vertu de certaines lois, on sait aussi qu'elles manquent du caractère essentiel des faits miraculeux, celui de faire exception à la loi commune.
Ces manifestations, observées de nos jours avec plus de soin que dans l'antiquité, observées surtout sans prévention, et à l'aide d'investigations aussi minutieuses que celles que l'on apporte dans l'étude des sciences, ont pour conséquence de prouver d'une manière irrécusable l'existence d'un principe intelligent en dehors de la matière, sa survivance au corps, son individualité après la mort, son immortalité, son avenir heureux ou malheureux, par conséquent la base de toutes les religions.
Si la vérité n'était prouvée que par des miracles, on pourrait demander pourquoi les prêtres d'Égypte, qui étaient dans l'erreur, reproduisaient devant le Pharaon ceux que fit Moïse ? pourquoi Apollonius de Tyanne, qui était païen, guérissait par attouchement, rendait la vue aux aveugles, la parole aux muets, prédisait les choses futures et voyait ce qui se passait à distance ? Le Christ lui-même n'a-t-il pas dit : « Il y aura de faux prophètes qui feront des prodiges » ? Un de nos amis, après une fervente prière à son Esprit protecteur, fut guéri presque instantanément d'une maladie très grave et très ancienne qui avait résisté à tous les remèdes, pour lui le fait était vraiment miraculeux ; mais, comme il croit aux Esprits, un curé, à qui il racontait la chose, lui dit que le diable aussi peut faire des miracles. « En ce cas, dit cet ami, si c'est le diable qui m'a guéri, c'est le diable que je dois remercier. »
Les prodiges et les miracles ne sont donc pas le privilège exclusif de la vérité, puisque le diable lui-même peut en faire. Comment alors distinguer les bons des mauvais ? Toutes les religions idolâtres, sans en excepter celle de Mahomet, s'appuient sur des faits surnaturels. Cela prouve une chose, c'est que les fondateurs de ces religions connaissaient des secrets naturels inconnus du vulgaire. Christophe Colomb ne passa-t-il pas pour un être surhumain aux yeux des sauvages de l'Amérique pour avoir prédit une éclipse ? Il n'eût tenu qu'à lui de se faire passer pour un envoyé de Dieu. Pour prouver sa puissance, Dieu a-t-il donc besoin de défaire ce qu'il a fait ? de faire tourner à droite ce qui doit tourner à gauche ? En prouvant le mouvement de la terre par les lois de la nature, Galilée n'était-il pas plus dans le vrai que ceux qui prétendaient que, par une dérogation à ces mêmes lois, il avait fallu arrêter le soleil ? Aussi, on sait ce qu'il lui en coûta, à lui et à tant d'autres, pour avoir démontré une erreur. Nous disons que Dieu est plus grand par l'immuabilité de ses lois qu'en y dérogeant, et que s'il lui a plu de le faire en quelques circonstances, ce ne peut être le seul signe qu'il donne de la vérité. Nous prions de vouloir bien se reporter à ce que nous avons dit à ce sujet dans notre article du mois de janvier à propos du surnaturel. Revenons aux preuves de la vérité du Spiritisme.
Il y a dans le Spiritisme deux choses : le fait de l'existence des Esprits et de leurs manifestations, et la doctrine qui en découle. Le premier point ne peut être révoqué en doute que par ceux qui n'ont pas vu ou qui n'ont pas voulu voir ; quant au second, la question est de savoir si cette doctrine est juste ou fausse : c'est un résultat d'appréciation.
Si les Esprits ne manifestaient leur présence que par des bruits, des mouvements, par des effets physiques en un mot, cela ne prouverait pas grand'chose, car on ne saurait s'ils sont bons ou mauvais. Ce qui est surtout caractéristique dans ce phénomène, ce qui est de nature à convaincre les incrédules, c'est de pouvoir reconnaître parmi les Esprits ses parents et ses amis. Mais comment les Esprits peuvent-ils attester leur présence, leur individualité, et faire juger de leurs qualités, si ce n'est en parlant ? On sait que l'écriture par médiums est un des moyens qu'ils emploient. Dès lors qu'ils ont un moyen d'exprimer leurs idées, ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent ; selon le degré de leur avancement, ils diront des choses plus ou moins bonnes, justes ou profondes ; en quittant la terre, ils n'ont pas abdiqué leur libre arbitre ; comme tous les êtres pensants, ils ont leur opinion ; comme parmi les hommes, les plus avancés donnent des enseignements d'une haute moralité, des conseils empreints de la plus profonde sagesse. Ce sont ces enseignements et ces conseils qui, recueillis et mis en ordre, constituent la doctrine spirite ou des Esprits. Considérez cette doctrine, si vous le voulez, non comme une révélation divine, mais comme l'expression d'une opinion personnelle à tel ou tel Esprit, la question est de savoir si elle est bonne ou mauvaise, juste ou fausse, rationnelle ou illogique. A qui s'en rapporter pour cela ? Est-ce au jugement d'un individu ? de quelques individus même ? Non ; car, dominés par les préjugés, les idées préconçues, ou les intérêts personnels, ils peuvent se tromper. Le seul, le vrai juge, c'est le public, parce que là il n'y a pas d'intérêt de coterie, et que dans les masses il y a un bon sens inné qui ne trompe pas. La saine logique dit que l'adoption d'une idée ou d'un principe par l'opinion générale est une preuve qu'elle repose sur un fond de vérité.
Les Spirites ne disent donc point : « Voilà une doctrine sortie de la bouche de Dieu même, révélée à un seul homme par des moyens prodigieux, et qu'il faut imposer au genre humain. » Ils disent, au contraire : « Voilà une doctrine qui n'est pas de nous, et dont nous ne revendiquons pas le mérite ; nous l'adoptons, parce que nous la trouvons rationnelle. Attribuez-lui l'origine que vous voudrez : de Dieu, des Esprits ou des hommes ; examinez-la ; si elle vous convient, adoptez-la ; dans le cas contraire, mettez-la de côté. » On ne peut pas être moins absolu. Le Spiritisme ne vient point empiéter sur la religion ; il ne s'impose pas ; il ne vient point forcer la conscience, pas plus des catholiques, que des protestants ou des juifs ; il se présente et dit : « Prenez-moi si vous me trouvez bon. » Est-ce la faute des Spirites si on le trouve bon ? si l'on y trouve la solution de ce qu'on cherchait en vain ailleurs ? si l'on y puise des consolations qui rendent heureux, qui dissipent les terreurs de l'avenir, calment les angoisses du doute et donnent du courage pour le présent ? Il ne s'adresse pas à ceux à qui les croyances catholiques ou autres suffisent, mais à ceux qu'elles ne satisfont pas complètement ou qui les ont désertées ; au lieu de ne plus croire à rien, il les amène à croire à quelque chose, et à croire avec ferveur. Le Spiritisme ne veut point faire bande à part ; il ramène, par les moyens qui lui sont propres, ceux qui s'éloignent ; si vous les repoussez, ils seront bien forcés de rester dehors. En votre âme et conscience, dites si, pour eux, il serait préférable d'être athées.
On nous demande sur quel miracle nous nous appuyons pour croire la doctrine spirite bonne. Nous la croyons bonne, non pas seulement parce que c'est notre avis, mais parce que des millions d'autres pensent comme nous ; parce qu'elle amène à croire ceux qui ne croyaient pas ; parce qu'elle rend bons des gens qui étaient mauvais ; parce qu'elle donne du courage dans les misères de la vie. Le miracle ! c'est la rapidité de sa propagation, inouïe dans les fastes des doctrines philosophiques ; c'est d'avoir en quelques années fait le tour du monde, et de s'être implantée dans tous les pays et dans tous les rangs de la société ; c'est d'avoir progressé malgré tout ce qu'on a fait pour l'arrêter, de renverser les barrières qu'on lui oppose, de trouver un surcroît de force dans ces mêmes barrières. Est-ce là le caractère d'une utopie ? Une idée fausse peut trouver quelques partisans, mais elle n'a jamais qu'une existence éphémère et circonscrite ; elle perd du terrain au lieu d'en gagner, tandis que le Spiritisme en gagne au lieu d'en perdre. Quand on le voit germer de toutes parts, accueilli partout comme un bienfait de la Providence, c'est qu'il y a là le doigt de la Providence ; voilà le vrai miracle, et nous le croyons suffisant pour assurer son avenir. Vous direz qu'à vos yeux, il n'a pas un caractère providentiel, mais un caractère diabolique ; libre à vous d'avoir cette opinion : pourvu qu'il marche, c'est l'essentiel. Nous dirons seulement que si une chose s'établissait universellement par la puissance du démon, et malgré les efforts de ceux qui disent agir au nom de Dieu, cela pourrait faire croire à certaines gens que le démon est plus puissant que la Providence. Vous demandez des miracles ! En voici un que nous adresse un de nos correspondants d'Algérie :
« M. P…, ancien officier, était bien le plus encroûté des incrédules ; il avait le fanatisme de l'irréligion ; il avait dit : Dieu, c'est le mal, avant Proudhon ; ou, pour mieux dire, il n'admettait aucun Dieu et ne reconnaissait que le néant. Quand je le vis venir chercher votre Livre des Esprits, j'ai cru qu'il allait couronner cette lecture par quelque élucubration satirique comme il avait l'habitude d'en faire contre les prêtres, et même contre le Christ ; il ne me semblait pas possible qu'un athéisme aussi invétéré pût être jamais guéri. Eh bien ! le Livre des Esprits a pourtant fait ce miracle. Si vous connaissiez l'homme comme je le connais, vous seriez fier de votre œuvre, et regarderiez la chose comme votre plus grand succès. Ici, cela étonne tout le monde ; cependant, quand on a été initié à la parole de vérité, il n'y a pas là de quoi surprendre, après réflexion, bien entendu. »
Ajoutons, ce qui ne peut pas nuire, que notre correspondant est un journaliste qui, lui aussi, professait des opinions fort peu spiritualistes, et encore moins spirites. A-t-on été prendre ce monsieur de force pour lui imposer la croyance en Dieu et en son âme ? Non, et il n'est pas probable qu'il s'y fût prêté. L'a-t-on fasciné par la vue de quelques phénomènes prodigieux ? Pas davantage, car il n'a rien vu en fait de manifestations ; seulement il a lu, il a compris, il a trouvé les raisonnements logiques, et il a cru. Direz-vous que cette conversion et tant d'autres sont l'œuvre du diable ? S'il en est ainsi, le diable a une singulière politique de donner des armes contre lui-même, et il est bien maladroit de laisser échapper ceux qu'il tenait dans ses griffes. Ce miracle, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Seriez-vous donc moins forts que le diable pour faire croire à Dieu ? Une autre question, je vous prie. Ce monsieur, alors qu'il était athée et blasphémateur, était-il damné pour l'éternité ? - Sans aucun doute. - Maintenant que, selon vous, il est converti à Dieu par le diable, est-il encore damné ? Supposons que, tout en croyant à Dieu, à son âme, à la vie future heureuse ou malheureuse, et qu'en vertu de cette croyance il soit meilleur qu'il n'était, il n'adopte pas complètement à la lettre l'interprétation de tous les dogmes, qu'il en repousse même quelques-uns, est-il encore damné ? Si vous dites : « oui, » la croyance en Dieu ne lui sert à rien ; si vous dites : « non, » que devient la maxime : Hors l'Église point de salut ? Le Spiritisme dit : Hors la charité point de salut. Croyez-vous qu'entre les deux ce monsieur balance ? Brûlé quand même selon l'un, sauvé selon l'autre ; le choix ne paraît pas douteux.
Ces idées, comme toutes les idées nouvelles, contrarient certaines personnes, certaines habitudes, certains intérêts même, comme les chemins de fer ont contrarié les maîtres de poste et ceux qui avaient peur ; comme une révolution contrarie certaines opinions ; comme l'imprimerie a contrarié les écrivains ; comme le christianisme a contrarié les prêtres païens ; mais qu'y faire, quand une chose s'installe bon gré mal gré, par sa propre force, et qu'elle est acceptée par la généralité ? Il faut bien en prendre son parti et dire, comme Mahomet, que ce qui est doit être. Que ferez-vous si le Spiritisme devient une croyance universelle ? Repousserez-vous tous ceux qui l'admettront ? - Cela ne sera pas ; cela ne peut pas être, direz-vous. - Mais si cela est, encore une fois, que ferez-vous ?
Peut-on arrêter cet essor ? Il faudrait pour cela arrêter non un homme, mais les Esprits, et les empêcher de parler ; brûler non un livre, mais les idées ; empêcher les médiums d'écrire et de se multiplier. Un de nos correspondants nous écrit d'une ville du département du Tarn : « Notre curé fait de la propagande pour nous ; il tonne en chair contre le Spiritisme, qui n'est autre chose que l'œuvre du démon, dit-il. Il m'a presque désigné comme le grand prêtre de la doctrine dans notre ville ; je l'en remercie du fond du cœur ; il me fournit ainsi les occasions d'en entretenir ceux qui n'en avaient pas entendu parler et qui m'abordent pour savoir ce que c'est. Les médiums abondent aujourd'hui chez nous. » Le résultat est le même partout où l'on a voulu crier contre. Aujourd'hui l'idée spirite est lancée ; elle est accueillie, parce qu'elle plaît ; elle va du palais à la chaumière, et l'on peut juger de l'effet des tentatives futures par celles qu'on a faites pour l'étouffer.
En résumé, le Spiritisme, pour s'établir, ne revendique l'action d'aucun miracle ; il ne veut en rien changer l'ordre des choses ; il a cherché, et il a trouvé la cause de certains phénomènes réputés à tort comme surnaturels ; au lieu de s'appuyer sur le surnaturel, il le répudie pour son propre compte ; il s'adresse au cœur et à la raison ; la logique lui a ouvert la route, la logique la lui fera achever.
Ceci est un à-compte sur la réponse que nous devons à la brochure de M. le curé Marouzeau.
Laissons maintenant parler les Esprits. La question ci-dessus leur ayant été posée, voici quelques-unes des réponses obtenues par l'intermédiaire des différents médiums :
« Je viens vous parler de la réalité de la doctrine spirite, et l'opposer aux miracles dont l'absence parait devoir servir d'arme à ses détracteurs. Les miracles, nécessaires aux premiers âges de l'humanité pour frapper les esprits qu'il importait de soumettre ; les miracles, presque tous expliqués aujourd'hui par les découvertes des sciences physiques ou autres, sont maintenant devenus inutiles, je dirai même dangereux, puisque leurs manifestations n'éveilleraient que l'incrédulité ou la raillerie. Le règne de l'intelligence est enfin arrivé, non pas encore dans sa triomphante expression, mais dans ses tendances. Que demandez-vous ? Vous voulez de nouveau voir les baguettes transformées en serpents, les infirmes se lever et les pains se multiplier ? Non, vous ne verrez pas cela ; mais vous verrez les incrédules s'attendrir et plier devant l'autel leurs genoux roidis. Ce miracle vaut bien celui de l'eau jaillissant du rocher. Vous verrez l'homme désolé, fléchissant sous le faix du malheur, vous le verrez se détourner du pistolet armé et s'écrier : « Mon Dieu, soyez béni, puisque votre volonté élève mes épreuves au niveau de l'amour que je vous dois. » Partout enfin, vous qui battez les faits avec les textes, l'esprit avec la lettre, vous verrez la lumineuse vérité s'établir sur les ruines de vos mystères vermoulus. »
Lazare (Médium Mme Costel).
« J'ai démontré, dans une de mes dernières méditations, que l'on a lue, je crois, ici, que l'humanité est en progression actuellement. Jusqu'au Christ, l'humanité avait bien un corps ; elle était certainement splendide ; elle avait eu même d'héroïques efforts et de sublimes vertus ; mais où était sa tendresse, où était sa mansuétude ? Il y aurait, dans l'antiquité, trop d'exemples à ce sujet. Ouvrez un poème antique : où est la mansuétude ; où est la tendresse ? Vous rencontrez déjà l'expansion dans le poème presque tout chrétien de la Didon de Virgile, sorte d'héroïne mélancolique que le Tasse ou l'Arioste auraient rendue intéressante dans leurs chants remplis de l'allégresse chrétienne.
« Christ est donc venu parler au cœur de l'humanité ; mais vous savez, Christ l'a dit lui-même, il est venu en chair au milieu du paganisme, et il a promis de venir au milieu du christianisme. Il y a chez l'individu l'éducation du cœur comme il y a l'éducation de l'intelligence ; de même pour l'humanité. Christ est donc le grand éducateur. Sa résurrection est le symbole de sa fusion spirituelle dans tous, et cette fusion, cette expansion de lui-même, vous commencez à peine à la sentir. Christ ne vient plus faire de miracles ; il vient parler au cœur directement, au lieu de parler aux sens. Avec ceux qui lui demandaient un miracle dans le ciel, il passait outre, et quelques pas plus loin il improvisait son magnifique sermon sur la montagne. Or donc, à ceux qui demandent encore des miracles, Christ répond par tous les Esprits sages et éclairés : Croyez-vous donc plus à vos yeux, à vos oreilles, à vos mains qu'à votre cœur ? Mes plaies sont fermées actuellement ; l'Agneau a été sacrifié ; la chair a été égorgée ; le matérialisme a vu ; maintenant c'est le tour de l'Esprit. Je laisse les faux prophètes ; je ne me présente pas devant les puissants de la terre comme Simon le magicien, mais je vais à ceux qui ont réellement soif, qui ont réellement faim, à ceux qui souffrent dans leur cœur, et non à ceux qui ne sont spiritualistes que comme de vrais et de purs matérialistes. »
Lamennais (Med. M. A. Didier)
« On nous demande quels sont les miracles que nous faisons ; mais il me semble que depuis quelques années les preuves en sont assez évidentes. Les progrès de l'esprit humain ont changé la face du monde civilisé ; tout a progressé, et ceux qui ont voulu rester en arrière de ce mouvement sont comme les parias des sociétés nouvelles.
« A la société telle qu'elle est aujourd'hui préparée pour les événements, que faut-il, si non tout ce qui frappe la raison et l'éclaire ? Il se peut qu'à certaines époques Dieu ait voulu se communiquer par des intelligences supérieures telles que Moïse et autres ; de ces grands hommes datent les grandes époques, mais l'esprit des peuples a progressé depuis. Les grandes images des prédestinés envoyés par Dieu rappelaient une légende miraculeuse ; et puis un fait, souvent simple en lui-même, devient merveilleux devant la foule impressionnable et préparée à des émotions que la nature sait seule donner à ses enfants ignorants.
« Mais aujourd'hui avez-vous besoin de miracles ? - Tout s'est transformé autour de vous ; la science, la philosophie, l'industrie, ont développé tout ce qui vous entoure, et pensez-vous que nous, les Esprits, n'ayons participé en rien à ces modifications profondes ? - En étudiant, en commentant, vous apprenez et méditez mieux ; les miracles ne sont plus de votre époque et vous devez vous élever au-dessus de ces préjugés qui vous sont restés en mémoire comme les traditions. Nous vous donnerons la vérité, et toujours notre concours. Nous vous éclairerons afin de vous rendre meilleurs et forts ; croyez et aimez, et le miracle cherché se produira en vous. En connaissant et comprenant mieux le but de cette vie, vous serez transformés sans faits physiques.
Vous cherchez à palper, à toucher la vérité, et elle vous entoure et vous pénètre. Soyez donc confiants en vos propres forces, et le Dieu de bonté qui vous donnait l'esprit rendra votre force redoutable. Par lui vous chasserez les nuages qui obscurcissent votre intelligence, et vous comprendrez que l'esprit est tout immortalité, toute puissance. Mis en relation avec cette loi de Dieu appelée progrès, vous ne chercherez plus dans le prestige des grands noms qui sont comme des mythes de l'antiquité, une réponse et un écueil contre le Spiritisme qui est la révélation vraie, la foi, la science nouvelle qui console et rend fort. »
Baluze (Méd. M. Leymarie).
« Pour prouver la vérité de la doctrine spirite, on demande des miracles ; et qui demande cette preuve de la vérité ? Celui qui devrait le premier croire et enseigner…
« Le plus grand des miracles va s'opérer bientôt ; prêtres du catholicisme, écoutez ; vous voulez des miracles, les voici qui s'opèrent… La croix du Christ s'écroulait sous les coups du matérialisme de l'indifférence et de l'égoïsme, la voici qui se relève belle et resplendissante, soutenue par le Spiritisme ! Dites-moi, n'est-ce point le plus grand miracle : une croix qui se redresse ayant à chacun de ses côtés l'Espérance et la Charité ? - En vérité, prêtres de l'Église, croyez et voyez : les miracles vous environnent !… Comment appellerez-vous ce retour commun à la croyance chaste et pure de l'Évangile, car toutes les philosophies se rallieront au Spiritisme ? Le Spiritisme sera la gloire et le flambeau qui illuminera tout l'univers. Oh ! alors le miracle sera manifeste et éclatant, car il n'y aura plus ici-bas qu'une seule et même famille. Vous voulez des miracles ! Voyez cette pauvre femme souffrante et sans pain ; comme elle grelotte dans sa mansarde ; le souffle dont elle veut réchauffer deux petits êtres qui meurent de faim est plus froid et plus glacial que le vent qui s'engouffre dans son misérable gîte ; pourquoi donc tant de calme et de sérénité sur son visage au milieu de tant de misère ? Ah ! c'est qu'elle a vu briller une étoile ardente au-dessus de sa tête ; la lumière céleste se répand dans son réduit ; elle ne pleure plus, elle espère ! Elle ne maudit plus, elle ne demande seulement à Dieu que de lui donner le courage de supporter l'épreuve !… Et voici que les portes de la mansarde s'ouvrent et que la Charité vient y déposer ce que sa bienfaisante main peut répandre !…
« Quelle doctrine donnera plus de sentiment et d'élans au cœur ? Le Christianisme planta l'étendard de l'égalité sur la terre, le Spiritisme arbore celui de la fraternité !… Voilà le miracle le plus céleste et le plus divin qu'il puisse produire !… Prêtres, dont les mains quelquefois sont souillées par le sacrilège, ne demandez point de miracles physiques, car alors vos fronts pourraient aller se briser sur la pierre que vous foulez pour monter à l'autel !…
« Non, le Spiritisme ne se rattache point aux phénomènes physiques, ne s'appuie point sur les miracles qui parlent aux yeux, mais il donne la foi au cœur, et, dites-moi, n'est-ce point encore là le plus grand miracle ?… »
Saint Augustin (Méd. M. VÉRY).
Nota. - Ceci ne peut évidemment s'appliquer qu'aux prêtres qui ont souillé le sanctuaire, comme Verger et autres.
Le Vent
Fable Spirite
Plus la critique a de retentissement, plus elle peut faire de bien, en appelant l'attention des indifférents. (Allan Kardec.)
L'autan voulait régner en maître dans la plaine.
Dans son essor impétueux,
Il tourmentait de sa brûlante haleine
Un orme séculaire, au pied large et noueux.
De ses rameaux féconds, disait-il, la semence
Pourrait joncher la terre, y germer et surgir ;
Prévenons une lutte, et gardons l'avenir
De tant d'obstacles faits pour gêner ma puissance.
Et les petits panaches verts,
S'effeuillant aux coups qui les frappent,
En tourbillons légers se perdent dans les airs,
Les graines cependant échappent
Au souffle qui s'efforce à balayer leur vol,
Et, malgré lui, prennent racine au sol.
Contre les lois d'amour et d'austère sagesse
Qu'épand le Spiritisme, arbre de vérité,
Le vent de l'incrédulité
Souffle, gronde, frappe sans cesse.
Il fait naître et grandir ce qu'il croit comprimer :
Il veut chasser le germe… il aide à le semer.
C. Dombre (de Marmande)
Plus la critique a de retentissement, plus elle peut faire de bien, en appelant l'attention des indifférents. (Allan Kardec.)
L'autan voulait régner en maître dans la plaine.
Dans son essor impétueux,
Il tourmentait de sa brûlante haleine
Un orme séculaire, au pied large et noueux.
De ses rameaux féconds, disait-il, la semence
Pourrait joncher la terre, y germer et surgir ;
Prévenons une lutte, et gardons l'avenir
De tant d'obstacles faits pour gêner ma puissance.
Et les petits panaches verts,
S'effeuillant aux coups qui les frappent,
En tourbillons légers se perdent dans les airs,
Les graines cependant échappent
Au souffle qui s'efforce à balayer leur vol,
Et, malgré lui, prennent racine au sol.
Contre les lois d'amour et d'austère sagesse
Qu'épand le Spiritisme, arbre de vérité,
Le vent de l'incrédulité
Souffle, gronde, frappe sans cesse.
Il fait naître et grandir ce qu'il croit comprimer :
Il veut chasser le germe… il aide à le semer.
C. Dombre (de Marmande)
La Réincarnation en Amérique
On s'est souvent étonné que la doctrine de la réincarnation n'ait pas été enseignée en Amérique, et les incrédules n'ont pas manqué de s'en étayer pour accuser les Esprits de contradiction. Nous ne répéterons pas ici les explications qui nous ont été données et que nous avons publiées sur ce sujet, nous nous bornerons à rappeler qu'en cela les Esprits ont montré leur prudence habituelle ; ils ont voulu que le Spiritisme prît naissance dans un pays de liberté absolue quant à l'émission des opinions ; le point essentiel était l'adoption du principe, et pour cela ils n'ont voulu être gênés en rien ; il n'en était pas de même de toutes ses conséquences, et surtout de la réincarnation, qui se serait heurtée contre les préjugés de l'esclavage et de la couleur. L'idée qu'un noir pouvait devenir un blanc ; qu'un blanc pouvait avoir été noir ; qu'un maître avait pu être esclave, eût paru tellement monstrueuse qu'elle eût suffi pour faire rejeter le tout ; les Esprits ont donc préféré sacrifier momentanément l'accessoire au principal, et nous ont toujours dit que, plus tard, l'unité se ferait sur ce point comme sur tous les autres. C'est en effet ce qui commence à avoir lieu : plusieurs personnes du pays nous ont dit que cette doctrine y trouve maintenant d'assez nombreux partisans ; que certains Esprits, après l'avoir fait pressentir, viennent la confirmer. Voici ce que nous écrit à ce sujet, de Montréal (Canada), M. Fleury Lacroix, natif des Etats-Unis :
« … La question de la réincarnation, dont vous avez été le premier promoteur visible, nous a pris par surprise ici ; mais aujourd'hui nous sommes réconciliés avec elle, avec cet enfant de votre pensée. Tout est rendu compréhensible par cette nouvelle clarté, et nous voyons maintenant au-devant de nous bien loin sur la route éternelle. Cela nous semblait pourtant bien absurde, comme nous disions dans les commencements ; mais aujourd'hui nous nions, demain nous croyons, voilà l'humanité. Heureux sont ceux qui veulent savoir, car la lumière se fait pour eux ; malheureux sont les autres, car ils demeurent dans les ténèbres. »
Ainsi c'est la logique, la force du raisonnement, qui les a amenés à cette doctrine, et parce qu'ils y ont trouvé la seule clef qui pouvait résoudre des problèmes insolubles jusqu'alors. Toutefois notre honorable correspondant se trompe sur un fait important, en nous attribuant l'initiative de cette doctrine qu'il appelle l'enfant de notre pensée. C'est un honneur qui ne nous revient pas : la réincarnation a été enseignée par les Esprits à d'autres qu'à nous avant la publication du Livre des Esprits ; de plus, le principe en a été clairement posé dans plusieurs ouvrages antérieurs, non seulement aux nôtres, mais à l'apparition des tables tournantes, entre autres dans Ciel et Terre de Jean Raynaud, et dans un charmant petit livre de M. Louis Jourdan, intitulé Prières de Ludowic, publié en 1849, sans compter que ce dogme était professé par les Druides, auxquels, certes, nous ne l'avons pas enseigné[1]. Lorsqu'il nous fut révélé, nous fûmes surpris, et nous l'accueillîmes avec hésitation, avec défiance ; nous le combattîmes même pendant quelque temps, jusqu'à ce que l'évidence nous en fut démontrée. Ainsi, ce dogme, nous l'avons ACCEPTÉ et non INVENTÉ, ce qui est bien différent.
Ceci répond à l'objection d'un de nos abonnés, M. Salgues (d'Angers), qui est un des antagonistes avoués de la réincarnation, et qui prétend que les Esprits et les médiums qui l'enseignent subissent notre influence, attendu que ceux qui se communiquent à lui disent le contraire. Au reste, M. Salgues allègue contre la réincarnation des objections spéciales dont nous ferons un de ces jours l'objet d'un examen particulier. En attendant, nous constatons un fait, c'est que le nombre de ses partisans croît sans cesse, et que celui de ses adversaires diminue ; si ce résultat est dû à notre influence, c'est nous en attribuer une bien grande, puisqu'elle s'étend de l'Europe à l'Amérique, à l'Asie, à l'Afrique et jusqu'à l'Océanie. Si l'opinion contraire est la vérité, comment se fait-il qu'elle n'ait pas la prépondérance ? L'erreur serait donc plus puissante que la vérité ?
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« … La question de la réincarnation, dont vous avez été le premier promoteur visible, nous a pris par surprise ici ; mais aujourd'hui nous sommes réconciliés avec elle, avec cet enfant de votre pensée. Tout est rendu compréhensible par cette nouvelle clarté, et nous voyons maintenant au-devant de nous bien loin sur la route éternelle. Cela nous semblait pourtant bien absurde, comme nous disions dans les commencements ; mais aujourd'hui nous nions, demain nous croyons, voilà l'humanité. Heureux sont ceux qui veulent savoir, car la lumière se fait pour eux ; malheureux sont les autres, car ils demeurent dans les ténèbres. »
Ainsi c'est la logique, la force du raisonnement, qui les a amenés à cette doctrine, et parce qu'ils y ont trouvé la seule clef qui pouvait résoudre des problèmes insolubles jusqu'alors. Toutefois notre honorable correspondant se trompe sur un fait important, en nous attribuant l'initiative de cette doctrine qu'il appelle l'enfant de notre pensée. C'est un honneur qui ne nous revient pas : la réincarnation a été enseignée par les Esprits à d'autres qu'à nous avant la publication du Livre des Esprits ; de plus, le principe en a été clairement posé dans plusieurs ouvrages antérieurs, non seulement aux nôtres, mais à l'apparition des tables tournantes, entre autres dans Ciel et Terre de Jean Raynaud, et dans un charmant petit livre de M. Louis Jourdan, intitulé Prières de Ludowic, publié en 1849, sans compter que ce dogme était professé par les Druides, auxquels, certes, nous ne l'avons pas enseigné[1]. Lorsqu'il nous fut révélé, nous fûmes surpris, et nous l'accueillîmes avec hésitation, avec défiance ; nous le combattîmes même pendant quelque temps, jusqu'à ce que l'évidence nous en fut démontrée. Ainsi, ce dogme, nous l'avons ACCEPTÉ et non INVENTÉ, ce qui est bien différent.
Ceci répond à l'objection d'un de nos abonnés, M. Salgues (d'Angers), qui est un des antagonistes avoués de la réincarnation, et qui prétend que les Esprits et les médiums qui l'enseignent subissent notre influence, attendu que ceux qui se communiquent à lui disent le contraire. Au reste, M. Salgues allègue contre la réincarnation des objections spéciales dont nous ferons un de ces jours l'objet d'un examen particulier. En attendant, nous constatons un fait, c'est que le nombre de ses partisans croît sans cesse, et que celui de ses adversaires diminue ; si ce résultat est dû à notre influence, c'est nous en attribuer une bien grande, puisqu'elle s'étend de l'Europe à l'Amérique, à l'Asie, à l'Afrique et jusqu'à l'Océanie. Si l'opinion contraire est la vérité, comment se fait-il qu'elle n'ait pas la prépondérance ? L'erreur serait donc plus puissante que la vérité ?
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[1] Voir la Revue Spirite, avril 1858, page 95 : le Spiritisme chez les Druides ; article contenant les Triades.
Nouveaux médiums américains à Paris
Les médiums américains passent avec raison pour l'emporter par le nombre et la puissance sur ceux de l'ancien continent, en fait de manifestations physiques. Leur réputation, sous ce rapport, est si bien établie, surtout depuis M. Home, que ce titre seul semble promettre des prodiges ; M. Squire, par beaucoup de gens, n'était désigné que sous le nom du médium américain. Un charlatan qui courait les villes et les foires, il y a quelques années, pour donner des représentations, s'affichait comme médium américain, quoiqu'il fût parfaitement Français. En voici venir deux nouveaux, qui n'ont de médium que le nom, et dont nous n'aurions pas parlé, parce que leur art est étranger à notre sujet, si leur arrivée annoncée avec fracas, n'avait causé une certaine sensation par la nature de leurs prétentions. Pour l'édification de nos lecteurs et n'être pas taxé de partialité, nous transcrivons textuellement leur prospectus, dont Paris vient d'être inondé.
« Divertissements des salons parisiens. — De la nouveauté, rien que de la nouveauté !!! — Soirées pour les familles et réunions privées données par les MÉDIUMS AMÉRICAINS, M. C. Eddwards Girroodd, de Kingstown (lac Ontario), haut Canada, et madame Julia Girroodd, surnommée par la presse anglaise et américaine la Gracieuse Sensitive.
« Un album de plus de 200 pages, dont chaque feuillet est une lettre de félicitation, signée des plus grands noms de France, soit dans la noblesse, la magistrature, l'armée, la littérature, ainsi que par 16 archevêques et évêques de France, et d'un grand nombre d'ecclésiastiques de haute distinction, est à la disposition des personnes qui, voulant donner une soirée, désireraient à l'avance s'assurer du bon goût, de la richesse et de la nouveauté de leurs expériences.
« M. et madame Girroodd, les seuls en France donnant leurs expériences, n'ont encore passé que trois mois à Paris, et quarante-deux séances dans les premiers Salons de la Capitale, et aux Tuileries, 12 mai 1861, ainsi que chez plusieurs membres de la Famille Impériale.
« Ont immédiatement placé leurs EXPÉRIENCES bien au-dessus de tout ce qu'on avait vu jusqu'à ce jour comme Récréation des Soirées.
« Leur prestidigitation, contrairement à l'usage de MM. les physiciens, n'exige pas les moindres préparatifs ni arrangements particuliers, et les artistes opèrent facilement au milieu d'un cercle de spectateurs attentifs, sans craindre une seule minute de voir détruire l'illusion.
« LES PRESTIGES ne sont qu'une très faible partie de leurs talents variés. Le Monde des Esprits obéit à leurs voix : Visions — Extase — Fascination — MAGNÉTISME — Électro-Biologie — Esprits Frappeurs —Spiritualisme, etc., etc., tout ce que la science et le charlatanisme ont inventé, qui ébahit de nos jours les crédules, jusqu'à leur donner une foi robuste dans tout ce qui n'est qu'habile jonglerie, où l'on est compère à son insu. En un mot, M. et madame GIRROODD, après s'être montrés sorciers — mais sorciers de bonne compagnie, — savants comme Merlin l'Enchanteur, démontreront au besoin les secrets de leur science.
« La foi chrétienne ne peut que gagner à voir clairement que tout ce qu'elle n'a pas enseigné n'est que brillant charlatanisme.
« Pour les petites réunions ou soirées pour les enfants, M. Girroodd a traité pour tout l'hiver avec un des plus habiles physiciens de la Capitale, et avec un Ventriloque surnommé L'HOMME AUX POUPÉES PARLANTES, qui donneront des séances à prix réduits. »
Ce monsieur et cette dame, comme on le voit, n'ont rien moins que la prétention de tuer le Spiritisme, et se posent en défenseurs de la foi chrétienne, fort surprise, sans doute, de trouver la prestidigitation pour auxiliaire ; mais cela peut augmenter une certaine clientèle.
Ils se disent médiums, et n'ont garde d'omettre le titre d'américains, passeport indispensable, comme les noms en i pour les musiciens, et cela pour prouver que les médiums n'existent pas, attendu, disent-ils, qu'ils peuvent reproduire, à l'aide de l'adresse, de la mécanique et de moyens qui leur sont particuliers, tout ce que font les médiums. Cela prouve une chose, c'est que tout peut être imité : l'illusion est une question d'habileté. Mais de ce qu'on peut imiter une chose, s'ensuit-il que la chose n'existe pas ? La prestidigitation a imité, à s'y méprendre, la lucidité somnambulique, en faut-il conclure qu'il n'y a pas de somnambules ? On a fait des copies de Raphaël que l'on a prises pour des originaux ; est-ce que Raphaël n'aurait pas existé ? M. Robert-Houdin change l'eau en vin, il fait sortir d'un chapeau (non préparé) des milliers d'objets pouvant remplir une grande caisse, cela préjuge-t-il contre les miracles des noces de Cana et de la multiplication des pains ? Il fait cependant bien mieux que de changer l'eau en vin, puisque, d'une seule bouteille, il fait sortir une demi-douzaine de liqueurs différentes et délicieuses.
Toutes les manifestations physiques se prêtent merveilleusement à l'imitation, et ce sont aussi celles que le charlatanisme exploite ; il distance même de bien loin les Esprits, surtout en fait d'apports, puisqu'il les produit à volonté et à point nommé, ce dont les Esprits et les meilleurs médiums sont incapables. Au reste, il faut rendre justice à ce monsieur et à sa dame, c'est qu'ils ne cherchent nullement à tromper le public ; ils ne se font pas passer pour ce qu'ils ne sont pas, et se posent carrément en imitateurs adroits, et en cela ils sont plus estimables que ceux qui se donnent faussement pour de vrais médiums ; ils le sont même beaucoup plus que les vrais médiums qui, pour produire plus d'effets et surpasser leurs concurrents, ajoutent le subterfuge à la réalité. Il est vrai que la franchise est quelquefois une bonne politique ; se poser en vulgaires prestidigitateurs, c'est bien usé ; mais vouloir prouver que les médiums sont des escamoteurs, en escamotant soi-même, c'est un attrait de nouveauté qu'on peut largement faire payer aux curieux.
Leur adressse, comme nous l'avons dit, ne préjuge donc rien contre la réalité des phénomènes ; loin de nuire, elle aura une grande utilité. C'est d'abord une trompette de plus qui appellera l'attention et fera penser au Spiritisme des gens qui n'en avaient point entendu parler ; comme dans toutes les critiques, on voudra voir le pour et le contre ; or, le résultat de la comparaison n'est pas douteux. Une utilité plus grande encore, c'est de mettre en garde contre la possibilité de la fraude et les subterfuges des faux médiums ; en prouvant la possibilité de l'imitation, c'est jouer à ceux-ci un très mauvais tour et ruiner leur crédit. Si leur adresse pouvait nuire à quelque chose, ce serait à la confiance que l'on accorde, peut-être un peu légèrement, aux prodiges qu'obtiennent si facilement certains médiums au delà de l'Atlantique, car il n'est pas dit que M. et madame Girroodd aient le privilège de leurs secrets. S'il nous est un jour donné d'assister à une de leurs séances, nous nous ferons un plaisir d'en rendre compte pour l'instruction de nos lecteurs.
Quand nous disons que tout peut être imité, il faut cependant en excepter les conditions vraiment normales dans lesquelles peuvent se produire les manifestations spirites ; d'où l'on peut dire que tout phénomène qui s'écarte de ces conditions doit être tenu pour suspect ; or, pour juger sainement d'une chose, il faut l'avoir étudiée. Les manifestations intelligentes elles-mêmes ne sont pas à l'abri de la jonglerie ; mais il en est qui, par leur nature et les circonstances dans lesquelles elles s'obtiennent, défient l'habileté d'imitation la plus consommée, telles que, par exemple, l'évocation de personnes mortes, révélant avec vérité des particularités de leur existence inconnues du médium et des assistants et, mieux encore, ces dissertations de plusieurs pages, écrites d'un seul jet, sans ratures, avec rapidité, éloquence, correction, profondeur, science et sublimité de pensées, sur des sujets donnés, en dehors des connaissances et de la capacité du médium, et que celui-ci même ne comprend pas. Pour exécuter de tels tours de force, il faudrait être un génie universel ; or, les génies universels sont rares, et d'ailleurs ne se donnent pas en spectacle ; c'est pourtant ce qui se fait tous les jours, non par un individu privilégié, mais par des milliers d'individus de tout âge, de tout sexe, de tout rang et de tout degré d'instruction, dont l'honorabilité et le désintéressement absolu sont la meilleure garantie de sincérité, car le charlatanisme ne donne rien pour rien. Si M. et madame Girroodd voulaient accepter une lutte, c'est sur ce terrain que nous les appellerions, leur abandonnant volontiers celui des manifestations physiques.
Nota. - Une personne qui se dit bien informée nous assure que Eddwards Girrodd doit se traduire par Edouard Girod, et Kingstown, lac Ontario, Haut-Canada, par Saint-Flour, Cantal.
Souscription au profit des ouvriers lyonnais
La Société Spirite de Paris ne pouvait oublier ses frères de Lyon dans leur détresse ; dès le mois de novembre elle s'est empressée de souscrire pour 260 francs à une loterie de bienfaisance organisée par plusieurs groupes de cette ville. Mais le Spiritisme n'est pas exclusif ; pour lui tous les hommes sont frères et se doivent un mutuel appui, sans acception de croyance. Voulant donc donner son obole à l'œuvre commune, elle a ouvert au siège de la Société, 59, rue et passage Sainte-Anne, une souscription dont le produit sera versé à la caisse de la souscription générale du journal le Siècle.
Une lettre de Lyon, adressée à M. Allan Kardec, lui apprend qu'un Spirite anonyme vient d'envoyer directement, à cet effet, une somme de 500 francs. Que ce généreux bienfaiteur, dont nous respecterons l'incognito, reçoive ici les remerciements de tous les membres de la Société.
Un Esprit qui se fait connaître sous le nom caractéristique et gracieux de Carita, et dont la mission paraît être d'appeler la bienfaisance au secours du malheur, a bien voulu dicter à ce sujet l'épître suivante qui nous a été envoyée de Lyon, et que nos lecteurs placeront sans doute, comme nous, au nombre des plus charmantes productions d'outre-tombe. Puisse-t-elle éveiller la sympathie de tous les Spirites pour leurs frères souffrants ! Toutes les communications de Carita sont empreintes du même cachet de bonté et de simplicité. Évoquée à la Société de Paris, elle a dit avoir été sainte Irène, impératrice.
AUX SPIRITES PARISIENS QUI ONT ENVOYÉ 500 FRANCS POUR LES PAUVRES DE LYON, MERCI !
« Merci ! à vous dont le cœur généreux a su comprendre notre appel, et qui êtes venus en aide à vos frères malheureux. Merci ! car votre offrande va cicatriser bien des blessures, engourdir bien des douleurs. Merci ! puisque vous avez su deviner qu'avec ce fruit d'or que vous avez envoyé on va pouvoir apaiser momentanément la faim, et réchauffer bien des foyers éteints depuis longtemps.
« Merci ! surtout pour la délicate attention que vous avez eue de déguiser votre bonne action sous le manteau de l'anonyme ; mais si vous avez caché cette généreuse pensée d'être utiles à vos semblables, comme la violette se cache sous la feuillée, il y a un juge, un maître pour lequel votre cœur n'a pas de secret, et qui sait d'où est partie cette bienfaisante rosée qui est venue rafraîchir plus d'un front brûlant, et chasser la misère si redoutée des pauvres mères de famille. Dieu, qui voit tout, connaît le secret de l'anonyme, et se chargera de récompenser ceux qui ont eu l'inspiration de secourir les pauvres victimes de circonstances indépendantes de leur volonté. Dieu, mes amis, aime cet encens de vos cœurs qui, sachant compatir aux douleurs d'autrui, sait aussi comment on pratique la charité ; il apprécie surtout ce dévouement, cette abnégation qui recule devant un remerciement pompeux et préfère abriter sa modestie sous de simples initiales ; mais il a attaché à toutes les bénédictions que votre secours va faire naître, le nom du bienfaiteur, car, vous le savez tous, ces transports de joie éprouvés par les cœurs secourus montent vers Dieu, et comme il voit que ces effluves, parties de la reconnaissance, sont le résultat de vos bienfaits, il porte au grand-livre de l'esprit généreux qui les a fait naître la récompense qui lui en revient.
« S'il vous était donné d'entendre ces douces émotions, ces timides marques de sympathie que laissent échapper ces malheureux à la vue d'une minime pièce d'argent, manne céleste tombée du ciel dans leur pauvre réduit ; s'il vous était donné d'assister à ces cris enfantins du pauvre petit être qui comprend que le pain est assuré pour quelques jours, vous seriez bien heureux et vous diriez : La charité est douce et vaut bien qu'on la pratique. C'est que, voyez-vous, il faut peu de chose pour changer les larmes en gaieté, surtout chez le travailleur qui n'est pas habitué à voir le bonheur le visiter souvent ; si cette pauvre fourmi qui ramasse miette à miette le pain du jour trouve sur son chemin un pain tout entier au moment où elle désespérait de pouvoir donner à sa famille la nourriture quotidienne, alors cette fortune inespérée lui paraît si incompréhensible que, ne trouvant pas d'expression pour dire son bonheur, elle laisse échapper quelques mots sans suite auxquels succèdent des larmes d'attendrissement. Secourez donc les pauvres, mes amis, ces ouvriers qui n'ont pour espérance dernière que la mort à l'hôpital ou la mendicité au coin d'une rue. Secourez-les autant que vous le pourrez, afin que lorsque Dieu vous réunira, et que suivant la longue avenue qui conduit à l'immense portail sur le frontispice duquel il a gravé ces mots : Amour et Charité, Dieu, rassemblant les bienfaiteurs et les obligés, vous dise à tous : Vous avez su donner, vous avez été heureux de recevoir ; allez, c'est bien, entrez ; que la charité qui vous a guidés vous introduise dans ce monde radieux que je réserve à ceux qui ont eu pour devise : « Aimons-nous les uns les autres. »
« Carita. »
Remarque. — A qui fera-t-on croire que c'est le démon qui a dicté de telles paroles ? En tout cas, si c'est le démon qui pousse à la charité, on ne risque toujours rien de la faire.
Enseignements et dissertations spirites
La FoiJe suis la sueur aînée de l'Espérance et de la Charité, je me nomme la Foi.
Je suis grande et forte ; celui qui me possède ne craint ni le fer ni le feu : il est à l'épreuve de toutes les souffrances physiques et morales. Je rayonne sur vous avec un flambeau dont les jets étincelants se reflètent au fond de vos cœurs, et je vous communique la force et la vie. On dit, parmi vous, que je soulève les montagnes, et moi je vous dis : Je viens soulever le monde, car le Spiritisme est le levier qui doit m'aider. Ralliez-vous donc à moi, je viens vous y convier : je suis la Foi.
Je suis la Foi ! j'habite, avec l'Espérance, la Charité et l'Amour, le monde des purs Esprits ; j'ai souvent quitté les régions éthérées, et suis venue sur la terre pour vous régénérer, en vous donnant la vie de l'esprit ; mais, à part les martyrs des premiers temps du christianisme et quelques fervents sacrifices de loin en loin au progrès de la science, des lettres, de l'industrie et de la liberté, je n'ai trouvé parmi les hommes qu'indifférence et froideur, et j'ai repris tristement mon vol vers les cieux ; vous me croyiez au milieu de vous, mais vous vous trompiez, car la Foi sans les œuvres est un semblant de Foi ; la véritable Foi, c'est la vie et l'action.
Avant la révélation du Spiritisme, la vie était stérile ; c'était un arbre desséché par les éclats de la foudre qui ne produisait aucun fruit. On me reconnaît à mes actes : j'illumine les intelligences, je réchauffe et je fortifie les cœurs ; je chasse loin de vous les influences trompeuses et vous conduis à Dieu par la perfection de l'esprit et du cœur. Venez vous ranger sous mon drapeau, je suis puissante et forte : je suis la Foi.
Je suis la Foi, et mon règne commence parmi les hommes ; règne pacifique qui va les rendre heureux pour le temps présent et pour l'éternité. L'aurore de mon avènement parmi vous est pure et sereine ; son soleil sera resplendissant, et son couchant viendra doucement bercer l'humanité dans les bras des félicités éternelles. Spiritisme ! verse sur les hommes ton baptême régénérateur ; je leur fais un appel suprême : je suis la Foi.
Georges,
Évêque de Périgueux.
Je suis grande et forte ; celui qui me possède ne craint ni le fer ni le feu : il est à l'épreuve de toutes les souffrances physiques et morales. Je rayonne sur vous avec un flambeau dont les jets étincelants se reflètent au fond de vos cœurs, et je vous communique la force et la vie. On dit, parmi vous, que je soulève les montagnes, et moi je vous dis : Je viens soulever le monde, car le Spiritisme est le levier qui doit m'aider. Ralliez-vous donc à moi, je viens vous y convier : je suis la Foi.
Je suis la Foi ! j'habite, avec l'Espérance, la Charité et l'Amour, le monde des purs Esprits ; j'ai souvent quitté les régions éthérées, et suis venue sur la terre pour vous régénérer, en vous donnant la vie de l'esprit ; mais, à part les martyrs des premiers temps du christianisme et quelques fervents sacrifices de loin en loin au progrès de la science, des lettres, de l'industrie et de la liberté, je n'ai trouvé parmi les hommes qu'indifférence et froideur, et j'ai repris tristement mon vol vers les cieux ; vous me croyiez au milieu de vous, mais vous vous trompiez, car la Foi sans les œuvres est un semblant de Foi ; la véritable Foi, c'est la vie et l'action.
Avant la révélation du Spiritisme, la vie était stérile ; c'était un arbre desséché par les éclats de la foudre qui ne produisait aucun fruit. On me reconnaît à mes actes : j'illumine les intelligences, je réchauffe et je fortifie les cœurs ; je chasse loin de vous les influences trompeuses et vous conduis à Dieu par la perfection de l'esprit et du cœur. Venez vous ranger sous mon drapeau, je suis puissante et forte : je suis la Foi.
Je suis la Foi, et mon règne commence parmi les hommes ; règne pacifique qui va les rendre heureux pour le temps présent et pour l'éternité. L'aurore de mon avènement parmi vous est pure et sereine ; son soleil sera resplendissant, et son couchant viendra doucement bercer l'humanité dans les bras des félicités éternelles. Spiritisme ! verse sur les hommes ton baptême régénérateur ; je leur fais un appel suprême : je suis la Foi.
Georges,
Évêque de Périgueux.
L'Espérance
Je me nomme l'Espérance ; je vous souris à votre entrée dans la vie ; je
vous y suis pas à pas, et ne vous quitte que dans les mondes où se
réalisent pour vous les promesses de bonheur que vous entendez sans
cesse murmurer à vos oreilles. Je suis votre fidèle amie ; ne repoussez
pas mes inspirations : je suis l'Espérance.
C'est moi qui chante par la voie du rossignol et qui jette aux échos des forêts ces notes plaintives et cadencées qui vous font rêver des cieux ; c'est moi qui inspire à l'hirondelle le désir de réchauffer ses amours à l'abri de vos demeures ; je joue dans la brise légère qui caresse vos cheveux ; je répands à vos pieds les parfums suaves des fleurs de vos parterres, et c'est à peine si vous donnez une pensée à cette amie qui vous est si dévouée ! Ne la repoussez pas : c'est l'Espérance.
Je prends toutes les formes pour me rapprocher de vous : je suis l'étoile qui brille dans l'azur, le chaud rayon de soleil qui vous vivifie ; je berce vos nuits de songes riants ; je chasse loin de vous le noir souci et les sombres pensées ; je guide vos pas vers le sentier de la vertu ; je vous accompagne dans vos visites aux pauvres, aux affligés, aux mourants, et vous inspire les paroles affectueuses qui consolent ; ne me repoussez pas : je suis l'Espérance.
Je suis l'Espérance ! c'est moi qui, dans l'hiver, fais croître sur l'écorce des chênes la mousse épaisse dont les petits oiseaux construisent leur nid ; c'est moi qui, au printemps, couronne le pommier et l'amandier de leurs fleurs blanches et roses, et les répands sur la terre comme une jonchée céleste qui fait aspirer aux mondes heureux ; je suis surtout avec vous quand vous êtes pauvres et souffrants ; ma voix résonne sans cesse à vos oreilles ; ne me repoussez pas : je suis l'Espérance.
Ne me repoussez pas, car l'ange du désespoir me fait une guerre acharnée et s'épuise en vains efforts pour me remplacer près de vous ; je ne suis pas toujours la plus forte, et, quand il parvient à m'éloigner, il vous enveloppe de ses ailes funèbres, détourne vos pensées de Dieu et vous conduit au suicide ; unissez-vous à moi pour éloigner sa funeste influence et laissez-vous bercer doucement dans mes bras, car je suis l'Espérance.
Felicia,
Fille du médium.
C'est moi qui chante par la voie du rossignol et qui jette aux échos des forêts ces notes plaintives et cadencées qui vous font rêver des cieux ; c'est moi qui inspire à l'hirondelle le désir de réchauffer ses amours à l'abri de vos demeures ; je joue dans la brise légère qui caresse vos cheveux ; je répands à vos pieds les parfums suaves des fleurs de vos parterres, et c'est à peine si vous donnez une pensée à cette amie qui vous est si dévouée ! Ne la repoussez pas : c'est l'Espérance.
Je prends toutes les formes pour me rapprocher de vous : je suis l'étoile qui brille dans l'azur, le chaud rayon de soleil qui vous vivifie ; je berce vos nuits de songes riants ; je chasse loin de vous le noir souci et les sombres pensées ; je guide vos pas vers le sentier de la vertu ; je vous accompagne dans vos visites aux pauvres, aux affligés, aux mourants, et vous inspire les paroles affectueuses qui consolent ; ne me repoussez pas : je suis l'Espérance.
Je suis l'Espérance ! c'est moi qui, dans l'hiver, fais croître sur l'écorce des chênes la mousse épaisse dont les petits oiseaux construisent leur nid ; c'est moi qui, au printemps, couronne le pommier et l'amandier de leurs fleurs blanches et roses, et les répands sur la terre comme une jonchée céleste qui fait aspirer aux mondes heureux ; je suis surtout avec vous quand vous êtes pauvres et souffrants ; ma voix résonne sans cesse à vos oreilles ; ne me repoussez pas : je suis l'Espérance.
Ne me repoussez pas, car l'ange du désespoir me fait une guerre acharnée et s'épuise en vains efforts pour me remplacer près de vous ; je ne suis pas toujours la plus forte, et, quand il parvient à m'éloigner, il vous enveloppe de ses ailes funèbres, détourne vos pensées de Dieu et vous conduit au suicide ; unissez-vous à moi pour éloigner sa funeste influence et laissez-vous bercer doucement dans mes bras, car je suis l'Espérance.
Felicia,
Fille du médium.
La Charité
Je suis la Charité ; oui, la vraie Charité ; je ne ressemble en rien à
la charité dont vous suivez les pratiques. Celle qui a usurpé mon nom
parmi vous est fantasque, capricieuse, exclusive, orgueilleuse, et je
viens vous prémunir contre les défauts qui ternissent, aux yeux de Dieu,
le mérite et l'éclat de ses bonnes actions. Soyez dociles aux leçons
que l'Esprit de vérité vous fait donner par ma voix ; suivez-moi, mes
fidèles je suis la Charité.
Suivez-moi ; je connais toutes les infortunes, toutes les douleurs, toutes les souffrances, toutes les afflictions qui assiègent l'humanité. Je suis la mère des orphelins ; la fille des vieillards, la protectrice et le soutien des veuves ; je panse les plaies infectes ; je soigne toutes les maladies ; je donne des vêtements du pain et un abri à ceux qui n'en ont pas ; je monte dans les plus misérables greniers, dans l'humble mansarde ; je frappe à la porte des riches et des puissants, car, partout où vit une créature humaine, il y a sous le masque du bonheur d'amères et cuisantes douleurs. Oh ! que ma tâche est grande ! je ne puis suffire à la remplir si vous ne venez pas à mon aide ; venez à moi : je suis la Charité.
Je n'ai de préférence pour personne ; je ne dis jamais à ceux qui ont besoin de moi : « J'ai mes pauvres, adressez-vous ailleurs. » Oh ! fausse charité, que tu fais de mal ! Amis, nous nous devons à tous ; croyez-moi, ne refusez votre assistance à personne ; secourez-vous les uns les autres avec assez de désintéressement pour n'exiger aucune reconnaissance de la part de ceux que vous aurez secourus. La paix du cœur et de la conscience est la douce récompense de mes œuvres : je suis la vraie Charité.
Nul ne connaît sur la terre le nombre et la nature de mes bienfaits ; la fausse charité seule blesse et humilie celui qu'elle soulage. Gardez-vous de ce funeste écart ; les actions de ce genre n'ont aucun mérite auprès de Dieu et attirent sur vous sa colère. Lui seul doit savoir et connaître les élans généreux de vos cœurs, quand vous vous faites les dispensateurs de ses bienfaits. Gardez-vous donc, amis, de donner de la publicité à la pratique de l'assistance mutuelle ; ne lui donnez plus le nom d'aumône ; croyez en moi : Je suis la Charité.
J'ai tant d'infortunes à soulager que j'ai souvent les mamelles et les mains vides ; je viens vous dire que j'espère en vous. Le Spiritisme a pour devise : Amour et Charité, et tous les vrais Spirites voudront, à l'avenir, se conformer à ce sublime précepte prêché par le Christ, il y a dix-huit siècles. Suivez-moi donc, frères, je vous conduirai dans le royaume de Dieu, notre père. Je suis la Charité.
Adolphe,
Évêque d'Alger.
Suivez-moi ; je connais toutes les infortunes, toutes les douleurs, toutes les souffrances, toutes les afflictions qui assiègent l'humanité. Je suis la mère des orphelins ; la fille des vieillards, la protectrice et le soutien des veuves ; je panse les plaies infectes ; je soigne toutes les maladies ; je donne des vêtements du pain et un abri à ceux qui n'en ont pas ; je monte dans les plus misérables greniers, dans l'humble mansarde ; je frappe à la porte des riches et des puissants, car, partout où vit une créature humaine, il y a sous le masque du bonheur d'amères et cuisantes douleurs. Oh ! que ma tâche est grande ! je ne puis suffire à la remplir si vous ne venez pas à mon aide ; venez à moi : je suis la Charité.
Je n'ai de préférence pour personne ; je ne dis jamais à ceux qui ont besoin de moi : « J'ai mes pauvres, adressez-vous ailleurs. » Oh ! fausse charité, que tu fais de mal ! Amis, nous nous devons à tous ; croyez-moi, ne refusez votre assistance à personne ; secourez-vous les uns les autres avec assez de désintéressement pour n'exiger aucune reconnaissance de la part de ceux que vous aurez secourus. La paix du cœur et de la conscience est la douce récompense de mes œuvres : je suis la vraie Charité.
Nul ne connaît sur la terre le nombre et la nature de mes bienfaits ; la fausse charité seule blesse et humilie celui qu'elle soulage. Gardez-vous de ce funeste écart ; les actions de ce genre n'ont aucun mérite auprès de Dieu et attirent sur vous sa colère. Lui seul doit savoir et connaître les élans généreux de vos cœurs, quand vous vous faites les dispensateurs de ses bienfaits. Gardez-vous donc, amis, de donner de la publicité à la pratique de l'assistance mutuelle ; ne lui donnez plus le nom d'aumône ; croyez en moi : Je suis la Charité.
J'ai tant d'infortunes à soulager que j'ai souvent les mamelles et les mains vides ; je viens vous dire que j'espère en vous. Le Spiritisme a pour devise : Amour et Charité, et tous les vrais Spirites voudront, à l'avenir, se conformer à ce sublime précepte prêché par le Christ, il y a dix-huit siècles. Suivez-moi donc, frères, je vous conduirai dans le royaume de Dieu, notre père. Je suis la Charité.
Adolphe,
Évêque d'Alger.
Instruction donnée par nos guides au sujet des trois communications ci-dessus
Mes chers amis, vous avez dû croire que c'était l'un de nous qui vous
avait donné ces enseignements sur la foi, l'espérance et la charité, et
vous avez eu raison.
Heureux de voir des Esprits très supérieurs vous donner si souvent les conseils qui doivent vous guider dans vos travaux spirituels, nous n'en éprouvons pas moins une joie douce et pure quand nous venons vous aider â la tâche de votre apostolat spirite.
Vous pouvez donc attribuer à l'Esprit de M. Georges la communication de la Foi ; celle de l'Espérance, à Félicia : vous y retrouvez le style poétique qu'elle avait pendant sa vie ; et celle de la Charité à M. Dupuch, évêque d'Alger, qui a été, sur la terre, un de ses fervents apôtres.
Nous avons encore à vous faire traiter la charité à un autre point de vue ; nous le ferons dans quelques jours.
Vos Guides.
Heureux de voir des Esprits très supérieurs vous donner si souvent les conseils qui doivent vous guider dans vos travaux spirituels, nous n'en éprouvons pas moins une joie douce et pure quand nous venons vous aider â la tâche de votre apostolat spirite.
Vous pouvez donc attribuer à l'Esprit de M. Georges la communication de la Foi ; celle de l'Espérance, à Félicia : vous y retrouvez le style poétique qu'elle avait pendant sa vie ; et celle de la Charité à M. Dupuch, évêque d'Alger, qui a été, sur la terre, un de ses fervents apôtres.
Nous avons encore à vous faire traiter la charité à un autre point de vue ; nous le ferons dans quelques jours.
Vos Guides.
Oubli des injures (Société spirite de Paris. — Médium, madame Costel.)
Ma fille, l'oubli des injures est la perfection de l'âme, comme le
pardon des blessures faites à la vanité est la perfection de l'esprit.
Il a été plus facile à Jésus de pardonner les outrages de sa Passion
qu'il n'est facile au dernier d'entre vous de pardonner une légère
raillerie. La grande âme du Sauveur, habituée à la douceur, ne concevait
ni l'amertume ni la vengeance ; les nôtres, atteintes par ce qui est
petit, oublient ce qui est grand. Chaque jour les hommes implorent le
pardon de Dieu qui descend sur eux comme une bienfaisante rosée ; mais
leurs cœurs oublient ce mot sans cesse répété dans la prière. Je vous le
dis, en vérité, le fiel intérieur corrompt l'âme ; il est la pierre
pesante qui la fixe au sol et retient son élévation. Lorsque vous êtes
blâmés, rentrez en vous-mêmes ; examinez votre péché intérieur : celui
que le monde ignore ; mesurez sa profondeur, et guérissez votre vanité
par la connaissance de votre misère. Si, plus grave, l'offense atteint
le cœur, plaignez le malheureux qui l'a commise, comme vous plaindriez
le blessé dont la plaie ouverte laisse couler le sang : la pitié est due
à celui qui anéantit son être futur. Jésus, au jardin des Oliviers,
connut la douleur humaine, mais il ignora toujours les âpretés de
l'orgueil et les petitesses de la vanité ; il fut incarné pour montrer
aux hommes le type de la beauté morale qui devait leur servir de modèle :
ne vous en écartez jamais. Pétrissez vos âmes comme de la cire molle,
et faites que votre argile transformée devienne un marbre impérissable
que Dieu, le grand sculpteur, puisse signer.
Lazare.
Lazare.
Sur les Instincts. (Société spirite de Paris. — Médium, madame Costel.)
Je t'enseignerai la vraie connaissance du bien et du mal que l'esprit confond si souvent. Le mal est la révolte des instincts contre la conscience, ce tact intérieur et délicat qui est le toucher moral. Quelles sont les limites qui le séparent du bien qu'il côtoie partout ? Le mal n'est pas complexe : il est un, et il émane de l'être primitif qui veut la satisfaction de l'instinct aux dépens du devoir. L'instinct, primitivement destiné à développer chez l'homme animal le soin de sa conservation et de son bien-être, est la seule origine du mal ; car, persistant plus violent et plus âpre dans certaines natures, il les pousse à s'emparer de ce qu'elles désirent ou à concentrer ce qu'elles possèdent. L'instinct, que les animaux suivent aveuglément, et qui est leur vertu même, doit sans cesse être combattu par l'homme qui veut s'élever et remplacer le grossier outil du besoin par les armes finement ciselées de l'intelligence. Mais, penses-tu, l'instinct n'est pas toujours mauvais, et souvent l'humanité lui doit de sublimes inspirations, par exemple, dans la maternité et dans certains actes de dévouement où il remplace sûrement et promptement la réflexion. Ma fille, ton objection est précisément la cause de l'erreur dans laquelle tombent les hommes prompts à méconnaître la vérité toujours absolue dans ses conséquences. Quels que puissent être les bons résultats d'une cause mauvaise, les exemples ne doivent jamais faire conclure contre les prémisses établies par la raison. L'instinct est mauvais, parce qu'il est purement humain et que l'humanité ne doit songer qu'à se dépouiller elle-même, à quitter la chair pour s'élever à l'esprit ; et si le mal côtoie le bien, c'est parce que son principe a souvent des résultats opposés à lui-même qui le font méconnaître par l'homme léger et emporté par la sensation. Rien de vraiment bien ne peut émaner de l'instinct : un sublime élan n'est pas plus le dévouement qu'une inspiration isolée n'est le génie. Le vrai progrès de l'humanité est sa lutte et son triomphe contre l'essence même de son être. Jésus a été envoyé sur la terre pour le prouver humainement. Il a mis à découvert la vérité, belle source enfouie dans le sable de l'ignorance. Ne troublez plus la limpidité du divin breuvage par les composés de l'erreur. Et, croyez-le, les hommes qui ne sont bons et dévoués qu'instinctivement le sont mal ; car ils subissent une aveugle domination qui peut tout à coup les précipiter dans l'abîme.
Lazare.
Remarque. — Malgré tout notre respect pour l'esprit de Lazare qui nous a si souvent donné de belles et bonnes choses, nous nous permettrons de n'être pas de son avis sur ces dernières propositions. On peut dire qu'il y a deux sortes d'instincts : l'instinct animal et l'instinct moral. Le premier, comme le dit très bien Lazare, est organique ; il est donné aux êtres vivants pour leur conservation et celle de leur progéniture ; il est aveugle, et presque inconscient, parce que la Providence a voulu donner un contrepoids à leur indifférence et à leur négligence. Il n'en est pas de même de l'instinct moral qui est le privilège de l'homme ; on peut le définir ainsi : Propension innée à faire le bien ou le mal ; or cette propension tient à l'état d'avancement plus ou moins grand de l'Esprit. L'homme dont l'Esprit est déjà épuré fait le bien sans préméditation et comme une chose toute naturelle, c'est pourquoi il s'étonne d'en être loué. Il n'est donc pas juste de dire que « les hommes qui ne sont bons et dévoués qu'instinctivement le sont mal, et subissent une aveugle domination qui peut tout à coup les précipiter dans l'abîme. » Ceux qui sont bons et dévoués instinctivement dénotent un progrès accompli ; chez ceux qui le sont avec intention, le progrès est en train de s'accomplir, c'est pourquoi il y a travail, lutte entre deux sentiments ; chez le premier, la difficulté est vaincue ; chez le second, il faut la vaincre ; le premier est comme l'homme qui sait lire et qui lit sans peine, et presque sans s'en douter ; le second est comme celui qui épelle. L'un, pour être arrivé plus tôt, a-t-il donc moins de mérite que l'autre ?
Méditations philosophiques et religieuses Dictées par l'esprit de Lamennais. (Société Spirite de Paris, méd. M. A. Didier)
La CroixAu milieu des révolutions humaines, au milieu de tous les troubles, de
tous les déchaînements de la pensée, s'élève une croix haute et simple,
et cette croix est fixée sur un autel de pierre. Un jeune enfant,
sculpté dans la pierre, tient dans ses deux petites mains une banderole
sur laquelle on lit ce mot : Simplicitas. Philanthropes, philosophes,
déistes, poètes, venez lire et contempler ce mot : c'est tout
l'Évangile, toute l'explication du christianisme. Philanthropes,
n'inventez pas la philanthropie : il n'y a que la charité ; philosophes,
n'inventez pas une sagesse, il n'y en a qu'une ; déistes, n'inventez
pas un Dieu, il n'y en a qu'un ; poètes, ne troublez pas le cœur de
l'homme. Philanthropes, vous voulez briser les chaînes matérielles qui
retiennent l'humanité captive ; philosophes, vous élevez des panthéons ;
poètes, vous idéalisez le fanatisme ; arrière ! vous êtes de ce monde,
et le Christ a dit : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » Oh ! vous
êtes trop de ce monde de boue pour comprendre ces sublimes paroles ; et
si quelque juge assez puissant pouvait vous dire : « Êtes-vous les fils
de Dieu ? » votre volonté mourrait au fond de votre gorge, et vous ne
pourriez répondre comme Christ en face de l'humanité : « Vous l'avez
dit. » — « Vous êtes tous des dieux, a dit le Christ, quand la langue de
feu descend sur vos têtes et pénètre votre cœur ; vous êtes tous des
dieux quand vous parcourez la terre au nom de la charité ; mais vous
êtes les fils du monde quand vous contemplez les peines présentes de
l'humanité et que vous ne songez pas à son avenir divin. » Homme ! que
ce soit ton cœur qui lise ce mot et non tes yeux de chair ; Christ n'a
pas élevé de Panthéon : il a élevé une croix.
Bienheureux les pauvres d'esprit.
Les différentes actions méritoires de l'Esprit après la mort sont
surtout celles du cœur, plus que celles de l'intelligence. Bienheureux
les pauvres d'esprit ne veut pas dire uniquement bienheureux les
imbéciles, mais bienheureux aussi ceux qui, comblés des dons de
l'intelligence, n'en font point usage pour le mal, car c'est une arme
bien puissante pour entraîner les masses. Cependant, comme disait Gérard
de Nerval dernièrement[1],
l'intelligence méconnue sur terre sera un très grand mérite devant
Dieu. En effet, l'homme puissant en intelligence, et luttant contre
toutes les circonstances malheureuses qui viennent l'assaillir, doit se
réjouir de ces paroles : « Les premiers seront les derniers et les
derniers seront les premiers ; » ce qui ne doit pas s'entendre dans
l'ordre uniquement matériel, mais aussi pour les manifestations de
l'esprit et les œuvres de l'intelligence humaine. Les qualités du cœur
sont méritoires, parce que les circonstances qui peuvent les empêcher
sont bien petites, bien rares, bien futiles. La charité doit briller
partout, malgré tout, pour tous, comme le soleil est pour tout le monde.
L'homme peut empêcher l'intelligence de son prochain de se manifester,
mais il ne peut rien sur le cœur. Les luttes contre l'adversité, les
angoisses de la douleur, peuvent paralyser les élans du génie, mais
elles ne peuvent arrêter ceux de la charité.
[1] Allusion à une communication de Gérard de Nerval.
L'Esclavage
L'esclavage ! Quand on prononce ce nom, le cœur a froid, parce qu'il
voit devant lui l'égoïsme et l'orgueil. Un prêtre, lorsqu'il vous parle
de l'esclavage, entend cet esclavage de l'âme qui abaisse l'esprit de
l'homme et lui fait oublier sa conscience, c'est-à-dire sa liberté. Oh !
oui, cet esclavage de l'âme est horrible, et excite chaque jour
l'éloquence de plus d'un prédicateur ; mais l'esclavage de l'ilote,
l'esclavage du nègre, que devient-il à ses yeux ? Devant cette question
le prêtre montre la croix et dit : « Espérez. » C'est, en effet, pour
ces malheureux la consolation à offrir, et elle leur dit : « Quand votre
corps sera déchiré sous le fouet, et que vous mourrez à la peine, ne
songez plus à la terre ; songez au ciel. »
Ici nous touchons à une de ces questions graves et terribles qui bouleversent l'âme humaine et la jettent dans l'incertitude. Le nègre est-il à la hauteur des peuples de l'Europe, et la prudence humaine ou plutôt la justice humaine doit-elle leur montrer l'émancipation comme le plus sûr moyen d'arriver au progrès de la civilisation ? Les philanthropes, à cette question, montrent l'Évangile et disent : Jésus a-t-il parlé d'esclaves ? Non ; mais Jésus a parlé de résignation et a dit cette parole sublime : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » John Brown, quand je contemple votre cadavre au gibet, je me sens saisi d'une pitié profonde et d'une admiration enthousiaste ; mais la raison, cette brutale raison qui nous ramène sans cesse au pourquoi, nous fait dire en nous-mêmes : « Qu'auriez-vous fait après la victoire ? »
Allan Kardec.
Ici nous touchons à une de ces questions graves et terribles qui bouleversent l'âme humaine et la jettent dans l'incertitude. Le nègre est-il à la hauteur des peuples de l'Europe, et la prudence humaine ou plutôt la justice humaine doit-elle leur montrer l'émancipation comme le plus sûr moyen d'arriver au progrès de la civilisation ? Les philanthropes, à cette question, montrent l'Évangile et disent : Jésus a-t-il parlé d'esclaves ? Non ; mais Jésus a parlé de résignation et a dit cette parole sublime : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » John Brown, quand je contemple votre cadavre au gibet, je me sens saisi d'une pitié profonde et d'une admiration enthousiaste ; mais la raison, cette brutale raison qui nous ramène sans cesse au pourquoi, nous fait dire en nous-mêmes : « Qu'auriez-vous fait après la victoire ? »
Allan Kardec.