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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Novembre
Novembre
Voyage spirite en 1862Nous venons de faire une visite à quelques-uns des centres spirites de France, regrettant que le temps ne nous ait pas permis d'aller partout où l'on nous en avait exprimé le désir, ni de prolonger notre séjour, dans chaque localité, autant que nous l'eussions souhaité, en raison de l'accueil si sympathique et si fraternel que nous avons reçu partout. Pendant un voyage de plus de six semaines et d'un parcours total de six cent quatre-vingt-treize lieues, nous nous sommes arrêté dans vingt villes et avons assisté à plus de cinquante réunions. Le résultat a été pour nous une grande satisfaction morale sous le double rapport des observations que nous avons recueillies et de la constatation des immenses progrès du Spiritisme.
Le récit de ce voyage, qui comprend principalement les instructions que nous avons données dans les différents groupes, est trop étendu pour pouvoir être inséré dans la Revue, dont il absorberait près de deux livraisons ; nous en faisons une publication à part, du même format que le journal, afin d'y pouvoir être annexée au besoin[1].
Dans notre route, nous avons été visiter les possédés de Morzine, en Savoie ; là aussi nous avons recueilli des observations importantes et très instructives sur les causes et le mode de l'obsession à tous les degrés, corroborées par les cas identiques et isolés et que nous avons vus dans d'autres localités, et sur les moyens de la combattre. Ce sera l'objet d'un article spécial développé que nous avions l'intention d'insérer dans ce numéro de la Revue, mais le temps ne nous ayant pas permis de le terminer assez tôt, nous sommes forcé de l'ajourner au prochain numéro ; il ne pourra, du reste, que gagner à être fait avec moins de précipitation. Plusieurs faits récents sont d'ailleurs venus depuis éclairer cette question, qui ouvre un horizon nouveau à la pathologie.
Cet article répondra à toutes les demandes de renseignements qui nous sont fréquemment adressées sur des cas analogues.
Nous croyons devoir profiter de cette circonstance pour rectifier une opinion qui nous a paru assez généralement répandue.
Plusieurs personnes, surtout en province, avaient pensé que les frais de ces voyages étaient supportés par la Société de Paris ; nous avons dû relever cette erreur quand l'occasion s'en est présentée ; à ceux qui pourraient encore la partager, nous rappellerons ce que nous avons dit dans une autre circonstance (N° de juin 1862, page 167), que la Société se borne à pourvoir à ses dépenses courantes, et n'a point de réserve ; pour qu'elle pût amasser un capital, il lui faudrait viser au nombre ; c'est ce qu'elle ne fait pas et ne veut pas faire, parce que la spéculation n'est pas son but, et que le nombre n'ajoute rien à l'importance de ses travaux ; son influence est toute morale et dans le caractère de ses réunions, qui donnent aux étrangers l'idée d'une assemblée grave et sérieuse ; c'est là son plus puissant moyen de propagande. Elle ne pourrait donc pourvoir à une pareille dépense. Les frais de voyage, comme tous ceux que nécessitent nos relations pour le Spiritisme, sont pris sur nos ressources personnelles et nos économies, accrues du produit de nos ouvrages, sans lequel il nous serait impossible de subvenir à toutes les charges qui sont pour nous la conséquence de l'œuvre que nous avons entreprise. Cela dit sans vanité, mais uniquement pour rendre hommage à la vérité et pour l'édification de ceux qui se figurent que nous thésaurisons.
Le récit de ce voyage, qui comprend principalement les instructions que nous avons données dans les différents groupes, est trop étendu pour pouvoir être inséré dans la Revue, dont il absorberait près de deux livraisons ; nous en faisons une publication à part, du même format que le journal, afin d'y pouvoir être annexée au besoin[1].
Dans notre route, nous avons été visiter les possédés de Morzine, en Savoie ; là aussi nous avons recueilli des observations importantes et très instructives sur les causes et le mode de l'obsession à tous les degrés, corroborées par les cas identiques et isolés et que nous avons vus dans d'autres localités, et sur les moyens de la combattre. Ce sera l'objet d'un article spécial développé que nous avions l'intention d'insérer dans ce numéro de la Revue, mais le temps ne nous ayant pas permis de le terminer assez tôt, nous sommes forcé de l'ajourner au prochain numéro ; il ne pourra, du reste, que gagner à être fait avec moins de précipitation. Plusieurs faits récents sont d'ailleurs venus depuis éclairer cette question, qui ouvre un horizon nouveau à la pathologie.
Cet article répondra à toutes les demandes de renseignements qui nous sont fréquemment adressées sur des cas analogues.
Nous croyons devoir profiter de cette circonstance pour rectifier une opinion qui nous a paru assez généralement répandue.
Plusieurs personnes, surtout en province, avaient pensé que les frais de ces voyages étaient supportés par la Société de Paris ; nous avons dû relever cette erreur quand l'occasion s'en est présentée ; à ceux qui pourraient encore la partager, nous rappellerons ce que nous avons dit dans une autre circonstance (N° de juin 1862, page 167), que la Société se borne à pourvoir à ses dépenses courantes, et n'a point de réserve ; pour qu'elle pût amasser un capital, il lui faudrait viser au nombre ; c'est ce qu'elle ne fait pas et ne veut pas faire, parce que la spéculation n'est pas son but, et que le nombre n'ajoute rien à l'importance de ses travaux ; son influence est toute morale et dans le caractère de ses réunions, qui donnent aux étrangers l'idée d'une assemblée grave et sérieuse ; c'est là son plus puissant moyen de propagande. Elle ne pourrait donc pourvoir à une pareille dépense. Les frais de voyage, comme tous ceux que nécessitent nos relations pour le Spiritisme, sont pris sur nos ressources personnelles et nos économies, accrues du produit de nos ouvrages, sans lequel il nous serait impossible de subvenir à toutes les charges qui sont pour nous la conséquence de l'œuvre que nous avons entreprise. Cela dit sans vanité, mais uniquement pour rendre hommage à la vérité et pour l'édification de ceux qui se figurent que nous thésaurisons.
[1]Brochure grand in-8°, format et caractère de la Revue. ‑ Prix : 1 fr., franco pour toute la France. (Sous presse.)
A nos Correspondants
A notre retour nous avons trouvé une correspondance telle qu'il faudrait pas moins d'un grand mois pour y répondre, en ne faisant pas autre chose ; si l'on considère que chaque jour vient y ajouter un nouveau contingent, sans préjudice des occupations courantes strictement obligatoires, on comprendra l'impossibilité matérielle où nous sommes de suffire à un pareil travail. Nous l'avons dit, et nous le répétons encore, nous sommes loin de nous plaindre du nombre des lettres qu'on nous écrit, parce qu'elles prouvent l'immense extension que prend la doctrine, et le point de vue moral et philosophique sous lequel on l'envisage maintenant partout où elle pénètre ; ce sont de précieuses archives pour le Spiritisme ; mais nous sommes encore une fois forcé de réclamer l'indulgence pour notre inexactitude à répondre. Ce travail seul absorberait le temps de deux personnes, et nous sommes seul. Il en résulte que beaucoup de choses restent en souffrance, et c'est à cette cause qu'est dû le retard apporté à la publication de plusieurs ouvrages que nous avions annoncés.
Espérons qu'un temps viendra où nous pourrons avoir une collaboration permanente et assidue pour que tout puisse marcher de front ; les Esprits nous le promettent ; en attendant, il n'y a pas d'alternative, il nous faut négliger ou la correspondance, ou les autres travaux qui augmentent en proportion de l'accroissement de la doctrine.
Espérons qu'un temps viendra où nous pourrons avoir une collaboration permanente et assidue pour que tout puisse marcher de front ; les Esprits nous le promettent ; en attendant, il n'y a pas d'alternative, il nous faut négliger ou la correspondance, ou les autres travaux qui augmentent en proportion de l'accroissement de la doctrine.
Les mystères de la Tour Saint-Michel de Bordeaux
Histoire d'une momie.
Dans un des caveaux de la tour Saint-Michel, à Bordeaux, on voit un certain nombre de cadavres momifiés qui ne paraissent pas remonter à plus de deux ou trois siècles, et qui ont sans doute été amenés à cet état par la nature du sol. C'est une des curiosités de la ville, et que les étrangers ne manquent pas d'aller visiter. Tous ces corps ont la peau complètement parcheminée ; la plupart sont dans un état de conservation qui permet de distinguer les traits du visage et l'expression de la physionomie ; plusieurs ont des ongles d'une fraîcheur remarquable ; quelques-uns ont encore des lambeaux de vêtements, et même des dentelles très fines.
Parmi ces momies, il en est une qui fixe particulièrement l'attention ; c'est celle d'un homme dont les contractions du corps, de la figure et des bras portés à la bouche, ne laissent aucun doute sur son genre de mort ; il est évident qu'il a été enterré vivant, et qu'il est mort dans les convulsions d'une agonie terrible.
Un nouveau journal de Bordeaux publie un roman-feuilleton sous le titre de Mystères de la tour Saint-Michel. Nous ne connaissons cet ouvrage que de nom, et par les grandes images placardées sur tous les murs de la ville et représentant le caveau de la tour. Nous ne savons par conséquent dans quel esprit il est conçu, ni la source où l'auteur a puisé les faits qu'il raconte. Celui que nous allons rapporter a au moins le mérite de n'être pas le fruit de l'imagination humaine, puisqu'il vient directement d'outre-tombe, ce qui peut-être fera beaucoup rire l'auteur en question. Quoi qu'il en soit, nous croyons que ce récit n'est pas un des épisodes les moins saisissants des drames qui ont dû se passer dans ces lieux ; il sera lu avec d'autant plus d'intérêt par tous les Spirites, qu'il renferme en soi un profond enseignement ; c'est l'histoire de l'homme enterré vivant et de deux autres personnes qui s'y rattachent, obtenue dans une série d'évocations faites à la Société spirite de Saint-Jean d'Angély, dans le mois d'août dernier, et que l'on nous a communiquées lors de notre passage. Pour ce qui concerne l'authenticité des faits, nous nous en référons à la remarque placée à la fin de cet article.
(Saint-Jean d'Angély, 9 août 1862. ‑ Médium, M. Del…, par la typtologie.)
1. Demande au guide protecteur : Pouvons-nous évoquer l'Esprit qui a animé le corps qu'on voit dans le caveau de la tour Saint-Michel de Bordeaux, et qui paraît avoir été enterré vivant ? ‑ R. Oui, et que cela serve à votre enseignement.
2. Évocation. ‑ (L'Esprit manifeste sa présence.)
3. Pourriez-vous nous dire quel fut votre nom lorsque vous animiez le corps dont nous parlons ? ‑ R. Guillaume Remone.
4. Votre mort a-t-elle été une expiation ou une épreuve que vous aviez choisie dans le but de votre avancement ? ‑ R. Mon Dieu, pourquoi, dans ta bonté, poursuivre ta justice sacrée ? Vous savez que l'expiation est toujours obligatoire, et que celui qui a commis un crime ne peut l'éviter. J'étais dans ce cas, c'est tout vous dire. Après bien des souffrances, je suis parvenu à reconnaître mes torts, et j'en éprouve tout le repentir nécessaire à ma rentrée en grâce devant l'Éternel.
5. Pouvez-vous nous dire quel fut votre crime ? ‑ R. J'avais assassiné ma femme dans son lit.
(10 août. ‑ Médium ; madame Guérin, par l'écriture.)
6. Lorsque, avant votre réincarnation, vous avez choisi votre genre d'épreuves, saviez-vous que vous seriez enterré vivant ? – Non ; je savais seulement que je devais commettre un crime odieux qui remplirait ma vie de remords cuisants, et que cette vie, je la finirais dans des douleurs atroces. Je vais être bientôt réincarné ; Dieu a pris en pitié ma douleur et mon repentir.
Remarque. Cette phrase : Je savais que je devais commettre un crime, est expliquée ci-après, questions 30 et 31.
7. La justice a-t-elle poursuivi quelqu'un à l'occasion de la mort de votre femme ! – R. Non ; on a cru à une mort subite ; je l'avais étouffée.
8. Quel motif vous a porté à cet acte criminel ? – R. La jalousie.
9. Est-ce par mégarde qu'on vous a enterré vivant ? - R. Oui.
10. Vous rappelez-vous les instants de votre mort ? – R. C'est quelque chose de terrible, d'impossible à décrire. Figurez-vous être dans une fosse avec dix pieds de terre sur vous, vouloir respirer et manquer d'air, vouloir crier : « Je suis vivant ! » et sentir sa voix étouffée ; se voir mourir et ne pouvoir appeler du secours ; se sentir plein de vie et rayé de la liste des vivants ; avoir soif et ne pouvoir se désaltérer ; ressentir les douleurs de la faim et ne pouvoir la faire cesser ; mourir en un mot dans une rage de damné.
11. A ce moment suprême avez-vous pensé que c'était le commencement de votre punition ? ‑ R. Je n'ai pensé à rien ; je suis mort comme un enragé, me heurtant aux parois de ma bière, voulant en sortir et vivre à tout prix.
Remarque. Cette réponse est logique et se trouve justifiée par les contorsions dans lesquelles on voit, en examinant le cadavre, que l'individu a dû mourir.
12. Votre Esprit dégagé a-t-il revu le corps de Guillaume Remone ? – R. Aussitôt après ma mort, je me voyais encore dans la terre.
13. Combien de temps êtes-vous resté dans cet état, c'est-à-dire ayant votre Esprit attaché à votre corps quoique ne l'animant plus ? – R. Quinze à dix-huit jours environ.
14. Lorsque vous avez pu quitter votre corps, où vous êtes-vous trouvé ? ‑ R. Je me suis vu entouré d'une foule d'Esprits comme moi remplis de douleur, n'osant lever vers Dieu leur cœur encore attaché à la terre, et désespérant de recevoir leur pardon.
Remarque. ‑ L'Esprit lié à son corps et souffrant encore les tortures des derniers instants, puis se trouvant au milieu d'Esprits souffrants, désespérant de leur pardon, n'est-ce pas l'enfer avec ses pleurs et ses grincements de dents ? Est-il besoin d'en faire une fournaise avec des flammes et des fourches ? Cette croyance à la perpétuité des souffrances est, comme on le sait, un des châtiments infligés aux Esprits coupables. Cet état dure tant que l'Esprit ne se repent pas, et il durerait toujours s'il ne se repentait jamais, car Dieu ne pardonne qu'au pécheur repentant. Dès que le repentir entre dans son cœur, un rayon d'espérance lui fait entrevoir la possibilité d'un terme à ses maux ; mais le repentir seul ne suffit pas ; Dieu veut l'expiation et la réparation, et c'est par les réincarnations successives que Dieu donne aux Esprits imparfaits la possibilité de s'améliorer. Dans l'erraticité ils prennent des résolutions qu'ils cherchent à exécuter dans la vie corporelle ; c'est ainsi qu'à chaque existence, laissant quelques impuretés, ils arrivent graduellement à se perfectionner, et font un pas en avant vers la félicité éternelle. La porte du bonheur ne leur est donc jamais fermée, mais ils l'atteignent dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté et le travail qu'ils font sur eux-mêmes pour le mériter.
On ne peut admettre la toute-puissance de Dieu sans la prescience ; dès lors on se demande pourquoi Dieu, sachant en créant une âme quelle devait faillir sans pouvoir se relever, l'a tirée du néant pour la vouer à des tourments éternels ? Il a donc voulu créer des âmes malheureuses ? Cette proposition est insoutenable avec l'idée de bonté infinie qui est un de ses attributs essentiels. De deux choses l'une, ou il le savait, ou il ne le savait pas ; s'il ne le savait pas, il n'est pas tout-puissant ; s'il le savait, il n'est ni juste ni bon ; or, ôter une parcelle de l'infini des attributs de Dieu, c'est nier la Divinité. Tout se concilie, au contraire, avec la possibilité laissée à l'Esprit de réparer ses fautes. Dieu savait qu'en vertu de son libre arbitre, l'Esprit faillirait, mais il savait aussi qu'il se relèverait ; il savait qu'en prenant la mauvaise route il retardait son arrivée au but, mais qu'il arriverait tôt ou tard, et c'est pour le faire arriver plus vite qu'il multiplie les avertissements sur son chemin ; s'il ne les écoute pas, il n'en est que plus coupable, et mérite la prolongation de ses épreuves. De ces deux doctrines quelle est la plus rationnelle ?
A. K.
(11 août.)
15. Nos questions vous seraient-elles désagréables ? ‑ R. Cela me rappelle de poignants souvenirs ; mais maintenant que je suis rentré en grâce par mon repentir, je suis heureux de pouvoir donner ma vie en exemple, afin de prémunir mes frères contre les passions qui pourraient les entraîner comme moi.
16. Votre genre de mort, comparé à celui de votre femme, nous fait supposer qu'on vous a appliqué la peine du talion, et que ces paroles du Christ ont été accomplies dans votre personne : « Celui qui frappe par l'épée périra par l'épée. » Veuillez donc nous dire comment vous avez étouffé votre victime ? ‑ R. Dans son lit, comme je l'ai dit, entre deux matelas, après lui avoir mis un bâillon pour l'empêcher de crier.
17. Jouissiez-vous d'une bonne réputation dans votre voisinage ? ‑ R. Oui ; j'étais pauvre, mais honnête et estimé ; ma femme était également d'une famille honorable ; et c'est une nuit, pendant laquelle la jalousie m'avait tenu éveillé, que je vis sortir un homme de sa chambre ; ivre de fureur, et ne sachant ce que je faisais, je me rendis coupable du crime que je vous ai dévoilé.
18. Avez-vous revu votre femme dans le monde spirite ? ‑ R. Ce fut le premier Esprit qui s'offrit à ma vue, comme pour me reprocher mon crime. Je l'ai vue longtemps et malheureuse aussi ; ce n'est que depuis qu'il est décidé que je serai réincarné que je suis débarrassé de sa présence.
Remarque. ‑ La vue incessante des victimes est un des châtiments les plus ordinaires infligés aux Esprits criminels. Ceux qui sont plongés dans les ténèbres, ce qui est très fréquent, ne peuvent souvent pas y échapper. Ils ne voient rien, si ce n'est ce qui peut leur rappeler leur crime.
19. Lui avez-vous demandé de vous pardonner ? – R. Non ; nous nous fuyions sans cesse, et nous nous retrouvions toujours vis à vis l'un de l'autre pour nous torturer réciproquement.
20. Cependant du moment que vous vous êtes repenti, il a été nécessaire de lui demander pardon ? – R. Du moment que je me suis repenti, je ne l'ai plus revue.
21. Savez-vous où elle est maintenant ? – R. Je ne sais ce qu'elle est devenue, mais il vous sera facile de vous en informer, auprès de votre guide spirituel, saint Jean-Baptiste.
22. Quelles ont été vos souffrances comme Esprit ? ‑ R. J'étais entouré d'Esprits désespérés ; moi-même je ne croyais jamais sortir de cet état malheureux ; nulle lueur d'espoir ne brillait à mon âme endurcie ; la vue de ma victime couronnait mon martyre.
23. Comment avez-vous été amené à un état meilleur ? ‑ R. Du milieu de mes frères en désespoir, un jour j'ai visé un but que, je le compris bientôt, je ne pouvais atteindre que par le repentir.
24. Quel était ce but ? – R. Dieu, dont tout être a l'idée malgré lui.
25. Vous avez déjà dit deux fois que vous alliez être bientôt réincarné ; y a-t-il de l'indiscrétion à vous demander quel genre d'épreuves vous avez choisi ? ‑ R. La mort moissonnera tous les êtres qui me seront chers, et moi-même je passerai par les maladies les plus abjectes.
26. Etes-vous heureux maintenant ? – R. Relativement, oui, puisque j'entrevois un terme à mes souffrances ; effectivement, non.
27. Du moment où vous êtes tombé en léthargie, jusqu'au moment où vous vous êtes réveillé dans votre bière, avez-vous vu et entendu ce qui se passait autour de vous ? – R. Oui, mais si vaguement que je croyais faire un rêve.
28. En quelle année êtes-vous mort ? – R. En 1612.
29. (A saint Jean-Baptiste.) G. Remone n'a-t-il pas été contraint par punition, sans doute, de venir à notre évocation confesser son crime ? Cela semble résulter de sa première réponse, dans laquelle il parle de la justice de Dieu. ‑ R. Oui, il y fut forcé, mais il s'y résigna volontiers lorsqu'il y vit un moyen de plus d'être agréable à Dieu en vous servant dans vos études spirites.
30. Cet Esprit s'est sans doute trompé quand il a dit (question 6) : « Je savais que je devais commettre un crime. » Il savait probablement qu'il serait exposé à commettre un crime, mais ayant son libre arbitre il pouvait fort bien ne pas succomber à la tentation. ‑ R. Il s'est mal expliqué ; il aurait du dire : « Je savais que ma vie serait pleine de remords. » Il était libre de choisir un autre genre d'épreuve ; or, pour avoir des remords, il faut supposer qu'il commettrait une mauvaise action.
31. Ne pourrait-on pas admettre qu'il n'a eu son libre arbitre qu'à l'état errant en choisissant telle ou telle épreuve, mais que, cette épreuve une fois choisie, il n'avait plus, comme incarné, la liberté de ne pas commettre l'action, et qu'il fallait nécessairement que le crime fût accompli par lui ? ‑ R. Il pouvait l'éviter ; son libre arbitre, il l'avait comme Esprit et à l'état d'incarné ; il pouvait donc résister, mais ses passions l'ont entraîné.
Remarque. ‑ Il est évident que l'Esprit ne s'était pas bien rendu compte de sa situation ; il a confondu l'épreuve, c'est-à-dire la tentation de faire, avec l'action ; et comme il a succombé, il a pu croire à une action fatale choisie par lui, ce qui ne serait pas rationnel. Le libre arbitre est le plus beau privilège de l'esprit humain, et une preuve éclatante de la justice de Dieu qui rend l'Esprit l'arbitre de sa destinée, puisqu'il dépend de lui d'abréger ses souffrances ou de les prolonger par son endurcissement et son mauvais vouloir. Supposer qu'il puisse perdre sa liberté morale comme incarné, serait lui ôter la responsabilité de ses actes. On peut voir par là qu'il ne faut admettre qu'après mûr examen certaines réponses des Esprits, surtout quand elles ne sont pas de tous points conformes à la logique.
A.K.
32. Devons-nous supposer qu'un Esprit puisse, comme épreuve, choisir une vie de crimes, puisqu'il choisit le remords, qui n'est que la conséquence de l'infraction à la loi divine ? ‑ R. Il peut choisir l'épreuve d'y être exposé, mais, ayant son libre arbitre, il peut aussi ne pas succomber. Ainsi G. Remone avait choisi une vie remplie de chagrins domestiques qui lui susciteraient l'idée d'un crime, lequel devait inonder sa vie de remords s'il l'accomplissait. Il voulut donc tenter cette épreuve pour essayer d'en sortir victorieux.
Votre langage est si peu en harmonie avec la manière de communiquer des esprits, qu'il arrive très souvent qu'il y a des rectifications à faire dans les phrases que vous donnent les médiums, surtout les médiums intuitifs ; par la combinaison des fluides, nous leur transmettons l'idée qu'ils traduisent plus ou moins bien, selon que cette combinaison est plus ou moins facile entre le fluide de notre périsprit, et le fluide animal du médium.
Femme Remone.
(12 août.)
33. (A saint Jean.) Pourrions-nous évoquer l'Esprit de la femme de G. Remone ? – R. Non ; elle est réincarnée.
34. Sur la terre ? ‑ R. Oui.
35. Si nous ne pouvons l'évoquer comme Esprit errant, ne pourrions-nous le faire comme incarné, et ne pourriez-vous nous dire quand elle dormira ? ‑Vous le pouvez en ce moment, car les nuits pour cet Esprit sont les jours pour vous.
36. Évocation de l'Esprit de la femme Remone. ‑ (L'Esprit se manifeste.)
37. Vous rappelez-vous l'existence dans laquelle on vous nommait madame Remone ? ‑ R. Oui ; oh ! pourquoi me faire souvenir de ma honte et de mon malheur ?
38. Si ces questions vous causent quelque peine, nous les cesserons. – R. Je vous en prie.
39. Notre but n'est pas de vous faire de la peine ; nous ne vous connaissons pas, et ne vous connaîtrons probablement jamais ; nous voulons seulement faire des études spirites. – R. Mon esprit est tranquille, pourquoi vouloir l'agiter par des souvenirs pénibles ? Ne pouvez-vous donc faire des études sur des Esprits errants ?
40. (A saint Jean.) Devons-nous cesser nos questions qui paraissent réveiller un souvenir pénible chez cet Esprit ? ‑ R. Je vous y engage ; c'est encore une enfant, et la fatigue de son Esprit réagirait sur son corps ; du reste, c'est à peu de chose près la répétition de ce que vous a dit son mari.
41. G. Rémone et sa femme se sont-ils pardonné leurs torts réciproques ? ‑ R. Non ; il faut pour cela qu'ils arrivent à un degré de perfection plus élevé.
42. Si ces deux Esprits se rencontraient sur la terre à l'état d'incarné, quels sentiments éprouveraient-ils l'un pour l'autre ? – R. Ils n'éprouveraient que de l'antipathie.
43. G. Rémone revoyant, comme visiteur, con corps dans le caveau de Saint-Michel, éprouverait-il une sensation inconnue aux autres curieux ? – R. Oui ; mais cette sensation lui semblerait toute naturelle.
44. A-t-il revu son corps depuis qu'on l'a retiré de terre ? ‑ R. Oui.
45. Quelles ont été ses impressions ? ‑ R. Nulles ; vous savez bien que les Esprits dégagés de leur enveloppe voient les choses d'ici-bas d'un autre œil que vous autres incarnés.
46. Pourrions-nous obtenir quelques renseignements sur la position actuelle de la femme Remone ? ‑ R. Questionnez.
47. Quel est aujourd'hui son sexe ? ‑ R. Féminin.
48. Son pays natal ? ‑ R. Elle est dans les Antilles la fille d'un riche négociant.
49. Les Antilles appartiennent à plusieurs puissances ; quelle est sa nation ? – R. Elle habite la Havane.
50. Pourrions-nous savoir son nom ? ‑ R. Ne le demandez pas.
51. Quel est son âge ? ‑ R. Onze ans.
52. Quelles seront ses épreuves ? ‑ R. La perte de sa fortune ; un amour illégitime et sans espoir, joints à la misère et aux travaux les plus pénibles.
53. Vous dites un amour illégitime ; aimera-t-elle donc son père, son frère, ou l'un des siens ? ‑ R. Elle aimera un homme consacré à Dieu, seule et sans espoir de retour.
54. Maintenant que nous connaissons les épreuves de cet Esprit, si nous l'évoquions de temps à autre pendant son sommeil, aux jours de ses malheurs, ne pourrions-nous lui donner quelques conseils pour relever son courage et mettre son espoir en Dieu ; cela influerait-il sur les résolutions qu'il pourrait prendre à l'état de veille ? ‑ R. Très peu ; cette jeune fille a déjà une imagination de feu et une tête de fer.
55. Vous avez dit que, dans le pays qu'elle habite, les nuits sont les jours pour nous ; or, entre la Havane et Saint-Jean d'Angély, il n'y a qu'une différence de cinq heures et demie ; comme il était ici deux heures au moment de l'évocation, il devait être à la Havane huit heures et demie du matin ? ‑ R. Enfin elle sommeillait encore au moment où vous l'avez évoquée, tandis que depuis longtemps vous étiez éveillés. On dort tard dans ces contrées quand on est riche et qu'on n'a rien à faire.
Remarque. - De cette évocation ressortent plusieurs enseignements. Si, dans la vie extérieure de relation, l'Esprit incarné ne se souvient pas de son passé, dégagé pendant le repos du corps, il se souvient. Il n'y a donc pas de solution de continuité dans la vie de l'Esprit, qui, dans ses moments d'émancipation, peut jeter un regard rétrospectif sur ses existences antérieures, et en rapporter une intuition qui peut le diriger à l'état de veille.
Nous avons déjà, en maintes occasions, fait ressortir les inconvénients que présenterait, à l'état de veille, le souvenir précis du passé. Ces évocations nous en fournissent un exemple. On a dit que si G. Remone et sa femme se rencontraient, ils éprouveraient l'un pour l'autre de l'antipathie ; que serait-ce donc s'ils se rappelaient leurs anciennes relations ! La haine entre eux se réveillerait inévitablement ; au lieu de deux êtres simplement antipathiques ou indifférents l'un à l'autre, ils seraient peut-être ennemis mortels ! Avec leur ignorance, ils sont plus eux-mêmes, et marchent plus librement dans la nouvelle route qu'ils ont à parcourir ; le souvenir du passé les troublerait en les humiliant à leurs propres yeux et aux yeux des autres. L'oubli ne leur fait point perdre le bénéfice de l'expérience, car ils naissent avec ce qu'ils ont acquis en intelligence et en moralité ; ils sont ce qu'ils se sont faits ; c'est pour eux un nouveau point de départ. Si, aux nouvelles épreuves que G. Remone aura à supporter, se joignait le souvenir des tortures de sa dernière mort, ce serait un supplice atroce que Dieu a voulu épargner en jetant pour lui un voile sur le passé.
A. K.
Jacques Noulin.
(15 août.)
56. (A saint Jean.) Pouvons-nous évoquer le complice de la femme Remone ? ‑ R. Oui.
57. Évocation. ‑ (L'Esprit se manifeste.)
58. Jurez au nom de Dieu que vous êtes l'Esprit de celui qui fut le rival de Remone. ‑ R. Je le jurerai au nom de tout ce que vous voudrez. – Jurez-le au nom de Dieu. ‑ Je le jure au nom de Dieu.
59. Vous ne paraissez pas être un Esprit très avancé ? ‑ R. Occupez-vous de vos affaires et laissez-moi m'en aller.
Remarque. ‑ Comme il n'y a pas de portes fermées pour les Esprits, si celui-ci demande qu'on le laisse aller, c'est qu'une puissance supérieure le contraint de rester, sans doute pour son instruction.
60. Nous nous occupons de nos affaires, car nous voulons savoir comment, dans l'autre vie, la vertu est récompensée et le vice puni ? – R. Oui, mon très cher, chacun reçoit récompense ou punition, selon ses œuvres ; tâchez donc de marcher droit.
61. Vos fanfaronnades ne nous effrayent pas ; nous mettons notre confiance en Dieu ; mais vous paraissez encore bien arriéré. – R. Je suis toujours Gros-Jean comme devant.
62. Ne pouvez-vous donc répondre sérieusement à des questions sérieuses ? ‑ R. Pourquoi vous adressez-vous à moi, gens sérieux ? Je suis plutôt disposé à rire qu'à faire de la philosophie ; j'ai toujours aimé les tables bien servies, les femmes aimables et le bon vin.
63. (A l'ange gardien du médium.) Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur cet Esprit ? – R. Il n'est pas assez avancé pour vous donner de bonnes raisons.
64. Y aurait-il du danger à entrer en communication avec lui ? Pourrions-nous l'amener à de meilleurs sentiments ? – R. Cela pourra profiter plus à lui qu'à vous. Essayez, vous pourrez peut-être le décider à envisager les choses à un autre point de vue.
65. (A l'Esprit.) Savez-vous que l'Esprit doit progresser ; qu'il doit, par des incarnations successives, arriver jusqu'à Dieu dont vous paraissez être bien éloigné ? ‑ R. Je n'y ai jamais songé ; et puis j'en suis si loin ! Je ne veux pas entreprendre un si long voyage.
Remarque. ‑ Voilà donc un Esprit qui, en raison de sa légèreté et de son peu d'avancement, ne se doute pas de la réincarnation. Quand le moment sera venu pour lui de reprendre une nouvelle existence, quel choix pourra-t-il faire ? Evidemment un choix en rapport avec son caractère et ses habitudes, en vue de jouir, et non en vue d'expier, jusqu'à ce que son Esprit soit assez développé pour en comprendre les conséquences. C'est l'histoire de l'enfant inexpérimenté qui se jette étourdiment dans toutes les aventures et qui acquiert l'expérience à ses dépens. Rappelons ici que pour les Esprits arriérés, incapables de faire un choix en connaissance de cause, il y a des incarnations obligatoires.A. K.
66. Avez-vous connu G. Remone ? ‑ R. Oui, vraiment, le pauvre diable…
67. L'avez-vous soupçonné d'avoir tué sa femme ? ‑ R. J'étais un peu égoïste, m'occupant plus de moi que des autres ; lorsque j'appris sa mort, je la pleurai sincèrement et n'ai pas cherché la cause.
68. Quelle était alors votre position ? ‑ J'étais un pauvre clerc d'huissier ; un saute-ruisseau, comme vous dites aujourd'hui.
69. Après la mort de cette femme, avez-vous quelquefois pensé à elle ? ‑ R. Ne me rappelez donc pas tout cela.
70. Nous voulons vous le rappeler, car vous paraissez meilleur que vous ne vous faites. ‑ R. J'y ai bien pensé quelquefois, mais, comme j'étais sans souci de mon naturel, son souvenir passait comme un éclair, sans laisser de traces.
71. Quel était votre nom ? ‑ R. Vous êtes bien curieux, et, si je n'y étais forcé, je vous aurais déjà laissé en plan avec votre morale et vos sermons.
72. Vous viviez dans un siècle religieux ; n'avez-vous donc jamais prié pour cette femme que vous aimiez ? ‑ R. C'est comme cela.
73. Avez-vous revu G. Remone et sa femme dans le monde des Esprits ? ‑ R. J'ai été trouver de bons enfants comme moi, et quand ces pleurards voulaient se montrer, je leur tournais le dos ; je n'aime pas à me faire de la peine, et…
74. Continuez. – R. Je ne suis pas si bavard que vous ; je m'en tiendrai là, si vous le voulez bien.
75. Êtes-vous heureux aujourd'hui ? ‑ R. Pourquoi pas ? Je m'amuse à faire des niches à ceux qui ne s'en doutent pas, et qui croient avoir affaire à de bons Esprits ; depuis qu'on s'occupe de nous, nous faisons de bons tours.
76. Ce n'est pas là le bonheur ; la preuve que vous n'êtes pas heureux, c'est que vous avez dit que vous étiez forcé de venir ; or, ce n'est pas être heureux que d'être forcé de faire ce qui déplaît. – R. N'a-t-on pas toujours des supérieurs ? cela n'empêche pas d'être heureux. Chacun prend son bonheur où il le trouve.
77. Vous pourriez, avec quelques efforts, par la prière surtout, atteindre le bonheur de ceux qui vous commandent. ‑ R. Je n'ai point pensé à cela ; vous allez me rendre ambitieux. Vous ne me trompez pas, toujours ? N'allez pas tracasser mon pauvre Esprit pour rien.
78. Nous ne vous trompons pas ; travaillez donc à votre avancement. ‑ R. Il faut se donner trop de mal, et je suis paresseux.
79. Quand on est paresseux, on prie un ami de nous aider ; nous vous aiderons donc ; nous prierons pour vous. – R. Priez donc, pour que je me décide à prier moi-même.
80. Nous prierons, mais priez de votre côté. ‑ R. Croyez-vous que si je priais cela me donnerait des idées dans le sens des vôtres ?
81. Sans doute ; mais priez de votre côté ; nous vous évoquerons jeudi 21, pour voir le progrès que vous aurez fait et vous donner des conseils, si cela peut vous être agréable. ‑ R. Au revoir alors.
82. Voulez-vous nous dire votre nom maintenant ? ‑ R. Jacques Noulin.
Le lendemain, l'Esprit fut évoqué de nouveau, et on lui fit différentes questions sur la femme Rémone ; ses réponses furent assez peu édifiantes et dans le genre des premières. Saint Jean, consulté, répondit : « Vous avez eu tort de troubler cet Esprit et d'éveiller en lui l'idée de ses anciennes passions. On eût beaucoup mieux fait d'attendre le jour indiqué ; il était dans un trouble nouveau pour lui ; votre évocation l'avait jeté dans des idées d'un ordre tout à fait différent de ses idées habituelles ; il n'avait pu encore prendre de décision bien positive, cependant il se disposait à essayer de la prière. Laissez faire jusqu'au jour que vous lui avez indiqué ; d'ici là, s'il écoute les bons Esprits qui veulent vous aider dans votre bonne œuvre, vous pourrez obtenir quelque chose de lui. »
(Jeudi 21.)
83. (A saint Jean.) Depuis notre dernière évocation, Jacques Noulin s'est-il amendé ? ‑ R. Il a prié, et la lumière s'est faite dans son âme : il croit maintenant qu'il est destiné à devenir meilleur et se dispose à y travailler.
84. Quelle marche devons-nous suivre dans son intérêt ? ‑ R. Demandez-lui l'état actuel de son âme, et faites-le regarder en lui-même, pour qu'il se rende compte de son changement.
85. (A Jacques Noulin.) Avez-vous réfléchi, comme vous nous l'avez promis, et pouvez-vous nous dire quelle est aujourd'hui votre manière d'envisager les choses ? ‑ R. Je veux avant tout vous remercier ; vous m'avez épargné bien des années d'aveuglement. Depuis quelques jours je comprends que Dieu est mon but ; que je dois faire tous mes efforts pour me rendre digne d'arriver à lui. Une ère nouvelle s'ouvre pour moi ; les ténèbres se sont dissipées, et je vois maintenant la route que je dois suivre. J'ai le cœur rempli d'espérance, et soutenu par les bons Esprits qui viennent en aide aux faibles. Je vais marcher dans cette nouvelle voie où j'ai déjà trouvé la tranquillité et qui doit me conduire au bonheur.
86. Étiez-vous véritablement heureux, comme vous nous l'avez dit ? ‑ R. J'étais bien malheureux ; je le vois maintenant, mais je me trouvais heureux comme tous ceux qui ne regardent pas au-dessus d'eux. Je ne pensais point à l'avenir ; j'allais, comme sur la terre, en être insouciant, ne me donnant pas la peine de penser sérieusement. Oh ! combien je déplore l'aveuglement qui m'a fait perdre un temps si précieux ! Vous vous êtes fait un ami, ne l'oubliez pas. Appelez-moi quand vous voudrez, et, si je le puis, je viendrai.
87. Que pensent de votre disposition les Esprits avec lesquels vous aviez l'habitude de vous réunir ? ‑ R. Ils se moquent de moi qui ai écouté les bons Esprits dont nous détestions tous la présence et les conseils.
88. Vous serait-il permis d'aller les revoir ? ‑ R. Je ne m'occupe plus que de mon avancement ; du reste, les bons anges qui veillent sur moi et qui m'entourent de leurs soins ne me permettent plus de regarder en arrière que pour me montrer quel abaissement était le mien.
Remarque. ‑ Il n'existe assurément aucun moyen matériel de constater l'identité des Esprits qui se sont manifestés dans les évocations ci-dessus, aussi ne l'affirmerons-nous pas d'une manière absolue. Nous faisons cette réserve pour ceux qui croiraient que nous acceptons aveuglément tout ce qui vient des Esprits ; nous péchons plutôt par un excès de défiance ; c'est qu'il faut se garder de donner comme vérité absolue ce qui ne peut être contrôlé ; or, en l'absence de preuves positives, il faut se borner à constater la possibilité et chercher les preuves morales à défaut des preuves physiques. Dans le fait dont il s'agit, les réponses ont un caractère évident de probabilité et surtout de haute moralité ; on n'y voit aucune de ces contradictions, aucun de ces défauts de logique qui choquent le bon sens et décèlent la supercherie ; tout se lie et s'enchaîne parfaitement, tout concorde avec ce que l'expérience a déjà montré ; on peut donc dire que l'histoire est au moins vraisemblable, ce qui est déjà beaucoup. Ce qui est certain, c'est que ce n'est point un roman inventé par les hommes, mais bien une œuvre médianimique ; si c'était une fantaisie d'Esprit, elle ne pourrait venir que d'un Esprit léger, car les Esprits sérieux ne s'amusent pas à faire des contes, et les Esprits légers laissent toujours percer le bout de l'oreille. Ajoutons que la Société Spirite de Saint-Jean d'Angély est un des centres les plus graves et les mieux dirigés que nous ayons vus, et qu'elle n'est composée que de personnes aussi recommandables par leur caractère que par leur savoir, poussant même, si l'on peut dire, le scrupule à l'excès ; on la peut juger par la sagesse et la méthode avec lesquelles les questions sont posées et formulées ; aussi toutes les communications que l'on y obtient attestent-elles la supériorité des Esprits qui se manifestent. Les évocations ci-dessus ont donc été faites dans d'excellentes conditions, tant pour le milieu que pour la nature des médiums ; c'est au moins pour nous une garantie de sincérité absolue. Nous ajouterons que la véracité de ce récit nous a été attestée de la manière la plus explicite par plusieurs des meilleurs médiums de la Société de Paris.
En n'envisageant la chose qu'au point de vue moral, une grave question se présente. Voici deux Esprits, Remone et Noulin, tirés de leur situation et amenés à de meilleurs sentiments par l'évocation et les conseils qu'on leur a donnés. On peut se demander s'ils seraient restés malheureux dans le cas où on ne les aurait pas évoqués, et ce qu'il en est de tous les Esprits souffrants que l'on n'évoque pas ? La réponse a déjà été faite dans l'Histoire d'un damné (Esprit de Castelnaudary) publiée dans la Revue de 1860. Nous ajouterons que ces deux Esprits étant arrivés au moment où ils pouvaient être touchés par le repentir et recevoir la lumière, des circonstances providentielles, quoique en apparence fortuites, ont provoqué leur évocation, soit pour leur bien, soit pour notre instruction ; l'évocation était un moyen, mais a défaut de celui-là, Dieu n'est pas à court de ressources pour venir en aide aux malheureux, et l'on peut être certain que tout Esprit qui veut avancer trouve toujours assistance d'une manière ou d'une autre.
A. K.
Dans un des caveaux de la tour Saint-Michel, à Bordeaux, on voit un certain nombre de cadavres momifiés qui ne paraissent pas remonter à plus de deux ou trois siècles, et qui ont sans doute été amenés à cet état par la nature du sol. C'est une des curiosités de la ville, et que les étrangers ne manquent pas d'aller visiter. Tous ces corps ont la peau complètement parcheminée ; la plupart sont dans un état de conservation qui permet de distinguer les traits du visage et l'expression de la physionomie ; plusieurs ont des ongles d'une fraîcheur remarquable ; quelques-uns ont encore des lambeaux de vêtements, et même des dentelles très fines.
Parmi ces momies, il en est une qui fixe particulièrement l'attention ; c'est celle d'un homme dont les contractions du corps, de la figure et des bras portés à la bouche, ne laissent aucun doute sur son genre de mort ; il est évident qu'il a été enterré vivant, et qu'il est mort dans les convulsions d'une agonie terrible.
Un nouveau journal de Bordeaux publie un roman-feuilleton sous le titre de Mystères de la tour Saint-Michel. Nous ne connaissons cet ouvrage que de nom, et par les grandes images placardées sur tous les murs de la ville et représentant le caveau de la tour. Nous ne savons par conséquent dans quel esprit il est conçu, ni la source où l'auteur a puisé les faits qu'il raconte. Celui que nous allons rapporter a au moins le mérite de n'être pas le fruit de l'imagination humaine, puisqu'il vient directement d'outre-tombe, ce qui peut-être fera beaucoup rire l'auteur en question. Quoi qu'il en soit, nous croyons que ce récit n'est pas un des épisodes les moins saisissants des drames qui ont dû se passer dans ces lieux ; il sera lu avec d'autant plus d'intérêt par tous les Spirites, qu'il renferme en soi un profond enseignement ; c'est l'histoire de l'homme enterré vivant et de deux autres personnes qui s'y rattachent, obtenue dans une série d'évocations faites à la Société spirite de Saint-Jean d'Angély, dans le mois d'août dernier, et que l'on nous a communiquées lors de notre passage. Pour ce qui concerne l'authenticité des faits, nous nous en référons à la remarque placée à la fin de cet article.
(Saint-Jean d'Angély, 9 août 1862. ‑ Médium, M. Del…, par la typtologie.)
1. Demande au guide protecteur : Pouvons-nous évoquer l'Esprit qui a animé le corps qu'on voit dans le caveau de la tour Saint-Michel de Bordeaux, et qui paraît avoir été enterré vivant ? ‑ R. Oui, et que cela serve à votre enseignement.
2. Évocation. ‑ (L'Esprit manifeste sa présence.)
3. Pourriez-vous nous dire quel fut votre nom lorsque vous animiez le corps dont nous parlons ? ‑ R. Guillaume Remone.
4. Votre mort a-t-elle été une expiation ou une épreuve que vous aviez choisie dans le but de votre avancement ? ‑ R. Mon Dieu, pourquoi, dans ta bonté, poursuivre ta justice sacrée ? Vous savez que l'expiation est toujours obligatoire, et que celui qui a commis un crime ne peut l'éviter. J'étais dans ce cas, c'est tout vous dire. Après bien des souffrances, je suis parvenu à reconnaître mes torts, et j'en éprouve tout le repentir nécessaire à ma rentrée en grâce devant l'Éternel.
5. Pouvez-vous nous dire quel fut votre crime ? ‑ R. J'avais assassiné ma femme dans son lit.
(10 août. ‑ Médium ; madame Guérin, par l'écriture.)
6. Lorsque, avant votre réincarnation, vous avez choisi votre genre d'épreuves, saviez-vous que vous seriez enterré vivant ? – Non ; je savais seulement que je devais commettre un crime odieux qui remplirait ma vie de remords cuisants, et que cette vie, je la finirais dans des douleurs atroces. Je vais être bientôt réincarné ; Dieu a pris en pitié ma douleur et mon repentir.
Remarque. Cette phrase : Je savais que je devais commettre un crime, est expliquée ci-après, questions 30 et 31.
7. La justice a-t-elle poursuivi quelqu'un à l'occasion de la mort de votre femme ! – R. Non ; on a cru à une mort subite ; je l'avais étouffée.
8. Quel motif vous a porté à cet acte criminel ? – R. La jalousie.
9. Est-ce par mégarde qu'on vous a enterré vivant ? - R. Oui.
10. Vous rappelez-vous les instants de votre mort ? – R. C'est quelque chose de terrible, d'impossible à décrire. Figurez-vous être dans une fosse avec dix pieds de terre sur vous, vouloir respirer et manquer d'air, vouloir crier : « Je suis vivant ! » et sentir sa voix étouffée ; se voir mourir et ne pouvoir appeler du secours ; se sentir plein de vie et rayé de la liste des vivants ; avoir soif et ne pouvoir se désaltérer ; ressentir les douleurs de la faim et ne pouvoir la faire cesser ; mourir en un mot dans une rage de damné.
11. A ce moment suprême avez-vous pensé que c'était le commencement de votre punition ? ‑ R. Je n'ai pensé à rien ; je suis mort comme un enragé, me heurtant aux parois de ma bière, voulant en sortir et vivre à tout prix.
Remarque. Cette réponse est logique et se trouve justifiée par les contorsions dans lesquelles on voit, en examinant le cadavre, que l'individu a dû mourir.
12. Votre Esprit dégagé a-t-il revu le corps de Guillaume Remone ? – R. Aussitôt après ma mort, je me voyais encore dans la terre.
13. Combien de temps êtes-vous resté dans cet état, c'est-à-dire ayant votre Esprit attaché à votre corps quoique ne l'animant plus ? – R. Quinze à dix-huit jours environ.
14. Lorsque vous avez pu quitter votre corps, où vous êtes-vous trouvé ? ‑ R. Je me suis vu entouré d'une foule d'Esprits comme moi remplis de douleur, n'osant lever vers Dieu leur cœur encore attaché à la terre, et désespérant de recevoir leur pardon.
Remarque. ‑ L'Esprit lié à son corps et souffrant encore les tortures des derniers instants, puis se trouvant au milieu d'Esprits souffrants, désespérant de leur pardon, n'est-ce pas l'enfer avec ses pleurs et ses grincements de dents ? Est-il besoin d'en faire une fournaise avec des flammes et des fourches ? Cette croyance à la perpétuité des souffrances est, comme on le sait, un des châtiments infligés aux Esprits coupables. Cet état dure tant que l'Esprit ne se repent pas, et il durerait toujours s'il ne se repentait jamais, car Dieu ne pardonne qu'au pécheur repentant. Dès que le repentir entre dans son cœur, un rayon d'espérance lui fait entrevoir la possibilité d'un terme à ses maux ; mais le repentir seul ne suffit pas ; Dieu veut l'expiation et la réparation, et c'est par les réincarnations successives que Dieu donne aux Esprits imparfaits la possibilité de s'améliorer. Dans l'erraticité ils prennent des résolutions qu'ils cherchent à exécuter dans la vie corporelle ; c'est ainsi qu'à chaque existence, laissant quelques impuretés, ils arrivent graduellement à se perfectionner, et font un pas en avant vers la félicité éternelle. La porte du bonheur ne leur est donc jamais fermée, mais ils l'atteignent dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté et le travail qu'ils font sur eux-mêmes pour le mériter.
On ne peut admettre la toute-puissance de Dieu sans la prescience ; dès lors on se demande pourquoi Dieu, sachant en créant une âme quelle devait faillir sans pouvoir se relever, l'a tirée du néant pour la vouer à des tourments éternels ? Il a donc voulu créer des âmes malheureuses ? Cette proposition est insoutenable avec l'idée de bonté infinie qui est un de ses attributs essentiels. De deux choses l'une, ou il le savait, ou il ne le savait pas ; s'il ne le savait pas, il n'est pas tout-puissant ; s'il le savait, il n'est ni juste ni bon ; or, ôter une parcelle de l'infini des attributs de Dieu, c'est nier la Divinité. Tout se concilie, au contraire, avec la possibilité laissée à l'Esprit de réparer ses fautes. Dieu savait qu'en vertu de son libre arbitre, l'Esprit faillirait, mais il savait aussi qu'il se relèverait ; il savait qu'en prenant la mauvaise route il retardait son arrivée au but, mais qu'il arriverait tôt ou tard, et c'est pour le faire arriver plus vite qu'il multiplie les avertissements sur son chemin ; s'il ne les écoute pas, il n'en est que plus coupable, et mérite la prolongation de ses épreuves. De ces deux doctrines quelle est la plus rationnelle ?
A. K.
(11 août.)
15. Nos questions vous seraient-elles désagréables ? ‑ R. Cela me rappelle de poignants souvenirs ; mais maintenant que je suis rentré en grâce par mon repentir, je suis heureux de pouvoir donner ma vie en exemple, afin de prémunir mes frères contre les passions qui pourraient les entraîner comme moi.
16. Votre genre de mort, comparé à celui de votre femme, nous fait supposer qu'on vous a appliqué la peine du talion, et que ces paroles du Christ ont été accomplies dans votre personne : « Celui qui frappe par l'épée périra par l'épée. » Veuillez donc nous dire comment vous avez étouffé votre victime ? ‑ R. Dans son lit, comme je l'ai dit, entre deux matelas, après lui avoir mis un bâillon pour l'empêcher de crier.
17. Jouissiez-vous d'une bonne réputation dans votre voisinage ? ‑ R. Oui ; j'étais pauvre, mais honnête et estimé ; ma femme était également d'une famille honorable ; et c'est une nuit, pendant laquelle la jalousie m'avait tenu éveillé, que je vis sortir un homme de sa chambre ; ivre de fureur, et ne sachant ce que je faisais, je me rendis coupable du crime que je vous ai dévoilé.
18. Avez-vous revu votre femme dans le monde spirite ? ‑ R. Ce fut le premier Esprit qui s'offrit à ma vue, comme pour me reprocher mon crime. Je l'ai vue longtemps et malheureuse aussi ; ce n'est que depuis qu'il est décidé que je serai réincarné que je suis débarrassé de sa présence.
Remarque. ‑ La vue incessante des victimes est un des châtiments les plus ordinaires infligés aux Esprits criminels. Ceux qui sont plongés dans les ténèbres, ce qui est très fréquent, ne peuvent souvent pas y échapper. Ils ne voient rien, si ce n'est ce qui peut leur rappeler leur crime.
19. Lui avez-vous demandé de vous pardonner ? – R. Non ; nous nous fuyions sans cesse, et nous nous retrouvions toujours vis à vis l'un de l'autre pour nous torturer réciproquement.
20. Cependant du moment que vous vous êtes repenti, il a été nécessaire de lui demander pardon ? – R. Du moment que je me suis repenti, je ne l'ai plus revue.
21. Savez-vous où elle est maintenant ? – R. Je ne sais ce qu'elle est devenue, mais il vous sera facile de vous en informer, auprès de votre guide spirituel, saint Jean-Baptiste.
22. Quelles ont été vos souffrances comme Esprit ? ‑ R. J'étais entouré d'Esprits désespérés ; moi-même je ne croyais jamais sortir de cet état malheureux ; nulle lueur d'espoir ne brillait à mon âme endurcie ; la vue de ma victime couronnait mon martyre.
23. Comment avez-vous été amené à un état meilleur ? ‑ R. Du milieu de mes frères en désespoir, un jour j'ai visé un but que, je le compris bientôt, je ne pouvais atteindre que par le repentir.
24. Quel était ce but ? – R. Dieu, dont tout être a l'idée malgré lui.
25. Vous avez déjà dit deux fois que vous alliez être bientôt réincarné ; y a-t-il de l'indiscrétion à vous demander quel genre d'épreuves vous avez choisi ? ‑ R. La mort moissonnera tous les êtres qui me seront chers, et moi-même je passerai par les maladies les plus abjectes.
26. Etes-vous heureux maintenant ? – R. Relativement, oui, puisque j'entrevois un terme à mes souffrances ; effectivement, non.
27. Du moment où vous êtes tombé en léthargie, jusqu'au moment où vous vous êtes réveillé dans votre bière, avez-vous vu et entendu ce qui se passait autour de vous ? – R. Oui, mais si vaguement que je croyais faire un rêve.
28. En quelle année êtes-vous mort ? – R. En 1612.
29. (A saint Jean-Baptiste.) G. Remone n'a-t-il pas été contraint par punition, sans doute, de venir à notre évocation confesser son crime ? Cela semble résulter de sa première réponse, dans laquelle il parle de la justice de Dieu. ‑ R. Oui, il y fut forcé, mais il s'y résigna volontiers lorsqu'il y vit un moyen de plus d'être agréable à Dieu en vous servant dans vos études spirites.
30. Cet Esprit s'est sans doute trompé quand il a dit (question 6) : « Je savais que je devais commettre un crime. » Il savait probablement qu'il serait exposé à commettre un crime, mais ayant son libre arbitre il pouvait fort bien ne pas succomber à la tentation. ‑ R. Il s'est mal expliqué ; il aurait du dire : « Je savais que ma vie serait pleine de remords. » Il était libre de choisir un autre genre d'épreuve ; or, pour avoir des remords, il faut supposer qu'il commettrait une mauvaise action.
31. Ne pourrait-on pas admettre qu'il n'a eu son libre arbitre qu'à l'état errant en choisissant telle ou telle épreuve, mais que, cette épreuve une fois choisie, il n'avait plus, comme incarné, la liberté de ne pas commettre l'action, et qu'il fallait nécessairement que le crime fût accompli par lui ? ‑ R. Il pouvait l'éviter ; son libre arbitre, il l'avait comme Esprit et à l'état d'incarné ; il pouvait donc résister, mais ses passions l'ont entraîné.
Remarque. ‑ Il est évident que l'Esprit ne s'était pas bien rendu compte de sa situation ; il a confondu l'épreuve, c'est-à-dire la tentation de faire, avec l'action ; et comme il a succombé, il a pu croire à une action fatale choisie par lui, ce qui ne serait pas rationnel. Le libre arbitre est le plus beau privilège de l'esprit humain, et une preuve éclatante de la justice de Dieu qui rend l'Esprit l'arbitre de sa destinée, puisqu'il dépend de lui d'abréger ses souffrances ou de les prolonger par son endurcissement et son mauvais vouloir. Supposer qu'il puisse perdre sa liberté morale comme incarné, serait lui ôter la responsabilité de ses actes. On peut voir par là qu'il ne faut admettre qu'après mûr examen certaines réponses des Esprits, surtout quand elles ne sont pas de tous points conformes à la logique.
A.K.
32. Devons-nous supposer qu'un Esprit puisse, comme épreuve, choisir une vie de crimes, puisqu'il choisit le remords, qui n'est que la conséquence de l'infraction à la loi divine ? ‑ R. Il peut choisir l'épreuve d'y être exposé, mais, ayant son libre arbitre, il peut aussi ne pas succomber. Ainsi G. Remone avait choisi une vie remplie de chagrins domestiques qui lui susciteraient l'idée d'un crime, lequel devait inonder sa vie de remords s'il l'accomplissait. Il voulut donc tenter cette épreuve pour essayer d'en sortir victorieux.
Votre langage est si peu en harmonie avec la manière de communiquer des esprits, qu'il arrive très souvent qu'il y a des rectifications à faire dans les phrases que vous donnent les médiums, surtout les médiums intuitifs ; par la combinaison des fluides, nous leur transmettons l'idée qu'ils traduisent plus ou moins bien, selon que cette combinaison est plus ou moins facile entre le fluide de notre périsprit, et le fluide animal du médium.
Femme Remone.
(12 août.)
33. (A saint Jean.) Pourrions-nous évoquer l'Esprit de la femme de G. Remone ? – R. Non ; elle est réincarnée.
34. Sur la terre ? ‑ R. Oui.
35. Si nous ne pouvons l'évoquer comme Esprit errant, ne pourrions-nous le faire comme incarné, et ne pourriez-vous nous dire quand elle dormira ? ‑Vous le pouvez en ce moment, car les nuits pour cet Esprit sont les jours pour vous.
36. Évocation de l'Esprit de la femme Remone. ‑ (L'Esprit se manifeste.)
37. Vous rappelez-vous l'existence dans laquelle on vous nommait madame Remone ? ‑ R. Oui ; oh ! pourquoi me faire souvenir de ma honte et de mon malheur ?
38. Si ces questions vous causent quelque peine, nous les cesserons. – R. Je vous en prie.
39. Notre but n'est pas de vous faire de la peine ; nous ne vous connaissons pas, et ne vous connaîtrons probablement jamais ; nous voulons seulement faire des études spirites. – R. Mon esprit est tranquille, pourquoi vouloir l'agiter par des souvenirs pénibles ? Ne pouvez-vous donc faire des études sur des Esprits errants ?
40. (A saint Jean.) Devons-nous cesser nos questions qui paraissent réveiller un souvenir pénible chez cet Esprit ? ‑ R. Je vous y engage ; c'est encore une enfant, et la fatigue de son Esprit réagirait sur son corps ; du reste, c'est à peu de chose près la répétition de ce que vous a dit son mari.
41. G. Rémone et sa femme se sont-ils pardonné leurs torts réciproques ? ‑ R. Non ; il faut pour cela qu'ils arrivent à un degré de perfection plus élevé.
42. Si ces deux Esprits se rencontraient sur la terre à l'état d'incarné, quels sentiments éprouveraient-ils l'un pour l'autre ? – R. Ils n'éprouveraient que de l'antipathie.
43. G. Rémone revoyant, comme visiteur, con corps dans le caveau de Saint-Michel, éprouverait-il une sensation inconnue aux autres curieux ? – R. Oui ; mais cette sensation lui semblerait toute naturelle.
44. A-t-il revu son corps depuis qu'on l'a retiré de terre ? ‑ R. Oui.
45. Quelles ont été ses impressions ? ‑ R. Nulles ; vous savez bien que les Esprits dégagés de leur enveloppe voient les choses d'ici-bas d'un autre œil que vous autres incarnés.
46. Pourrions-nous obtenir quelques renseignements sur la position actuelle de la femme Remone ? ‑ R. Questionnez.
47. Quel est aujourd'hui son sexe ? ‑ R. Féminin.
48. Son pays natal ? ‑ R. Elle est dans les Antilles la fille d'un riche négociant.
49. Les Antilles appartiennent à plusieurs puissances ; quelle est sa nation ? – R. Elle habite la Havane.
50. Pourrions-nous savoir son nom ? ‑ R. Ne le demandez pas.
51. Quel est son âge ? ‑ R. Onze ans.
52. Quelles seront ses épreuves ? ‑ R. La perte de sa fortune ; un amour illégitime et sans espoir, joints à la misère et aux travaux les plus pénibles.
53. Vous dites un amour illégitime ; aimera-t-elle donc son père, son frère, ou l'un des siens ? ‑ R. Elle aimera un homme consacré à Dieu, seule et sans espoir de retour.
54. Maintenant que nous connaissons les épreuves de cet Esprit, si nous l'évoquions de temps à autre pendant son sommeil, aux jours de ses malheurs, ne pourrions-nous lui donner quelques conseils pour relever son courage et mettre son espoir en Dieu ; cela influerait-il sur les résolutions qu'il pourrait prendre à l'état de veille ? ‑ R. Très peu ; cette jeune fille a déjà une imagination de feu et une tête de fer.
55. Vous avez dit que, dans le pays qu'elle habite, les nuits sont les jours pour nous ; or, entre la Havane et Saint-Jean d'Angély, il n'y a qu'une différence de cinq heures et demie ; comme il était ici deux heures au moment de l'évocation, il devait être à la Havane huit heures et demie du matin ? ‑ R. Enfin elle sommeillait encore au moment où vous l'avez évoquée, tandis que depuis longtemps vous étiez éveillés. On dort tard dans ces contrées quand on est riche et qu'on n'a rien à faire.
Remarque. - De cette évocation ressortent plusieurs enseignements. Si, dans la vie extérieure de relation, l'Esprit incarné ne se souvient pas de son passé, dégagé pendant le repos du corps, il se souvient. Il n'y a donc pas de solution de continuité dans la vie de l'Esprit, qui, dans ses moments d'émancipation, peut jeter un regard rétrospectif sur ses existences antérieures, et en rapporter une intuition qui peut le diriger à l'état de veille.
Nous avons déjà, en maintes occasions, fait ressortir les inconvénients que présenterait, à l'état de veille, le souvenir précis du passé. Ces évocations nous en fournissent un exemple. On a dit que si G. Remone et sa femme se rencontraient, ils éprouveraient l'un pour l'autre de l'antipathie ; que serait-ce donc s'ils se rappelaient leurs anciennes relations ! La haine entre eux se réveillerait inévitablement ; au lieu de deux êtres simplement antipathiques ou indifférents l'un à l'autre, ils seraient peut-être ennemis mortels ! Avec leur ignorance, ils sont plus eux-mêmes, et marchent plus librement dans la nouvelle route qu'ils ont à parcourir ; le souvenir du passé les troublerait en les humiliant à leurs propres yeux et aux yeux des autres. L'oubli ne leur fait point perdre le bénéfice de l'expérience, car ils naissent avec ce qu'ils ont acquis en intelligence et en moralité ; ils sont ce qu'ils se sont faits ; c'est pour eux un nouveau point de départ. Si, aux nouvelles épreuves que G. Remone aura à supporter, se joignait le souvenir des tortures de sa dernière mort, ce serait un supplice atroce que Dieu a voulu épargner en jetant pour lui un voile sur le passé.
A. K.
Jacques Noulin.
(15 août.)
56. (A saint Jean.) Pouvons-nous évoquer le complice de la femme Remone ? ‑ R. Oui.
57. Évocation. ‑ (L'Esprit se manifeste.)
58. Jurez au nom de Dieu que vous êtes l'Esprit de celui qui fut le rival de Remone. ‑ R. Je le jurerai au nom de tout ce que vous voudrez. – Jurez-le au nom de Dieu. ‑ Je le jure au nom de Dieu.
59. Vous ne paraissez pas être un Esprit très avancé ? ‑ R. Occupez-vous de vos affaires et laissez-moi m'en aller.
Remarque. ‑ Comme il n'y a pas de portes fermées pour les Esprits, si celui-ci demande qu'on le laisse aller, c'est qu'une puissance supérieure le contraint de rester, sans doute pour son instruction.
60. Nous nous occupons de nos affaires, car nous voulons savoir comment, dans l'autre vie, la vertu est récompensée et le vice puni ? – R. Oui, mon très cher, chacun reçoit récompense ou punition, selon ses œuvres ; tâchez donc de marcher droit.
61. Vos fanfaronnades ne nous effrayent pas ; nous mettons notre confiance en Dieu ; mais vous paraissez encore bien arriéré. – R. Je suis toujours Gros-Jean comme devant.
62. Ne pouvez-vous donc répondre sérieusement à des questions sérieuses ? ‑ R. Pourquoi vous adressez-vous à moi, gens sérieux ? Je suis plutôt disposé à rire qu'à faire de la philosophie ; j'ai toujours aimé les tables bien servies, les femmes aimables et le bon vin.
63. (A l'ange gardien du médium.) Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur cet Esprit ? – R. Il n'est pas assez avancé pour vous donner de bonnes raisons.
64. Y aurait-il du danger à entrer en communication avec lui ? Pourrions-nous l'amener à de meilleurs sentiments ? – R. Cela pourra profiter plus à lui qu'à vous. Essayez, vous pourrez peut-être le décider à envisager les choses à un autre point de vue.
65. (A l'Esprit.) Savez-vous que l'Esprit doit progresser ; qu'il doit, par des incarnations successives, arriver jusqu'à Dieu dont vous paraissez être bien éloigné ? ‑ R. Je n'y ai jamais songé ; et puis j'en suis si loin ! Je ne veux pas entreprendre un si long voyage.
Remarque. ‑ Voilà donc un Esprit qui, en raison de sa légèreté et de son peu d'avancement, ne se doute pas de la réincarnation. Quand le moment sera venu pour lui de reprendre une nouvelle existence, quel choix pourra-t-il faire ? Evidemment un choix en rapport avec son caractère et ses habitudes, en vue de jouir, et non en vue d'expier, jusqu'à ce que son Esprit soit assez développé pour en comprendre les conséquences. C'est l'histoire de l'enfant inexpérimenté qui se jette étourdiment dans toutes les aventures et qui acquiert l'expérience à ses dépens. Rappelons ici que pour les Esprits arriérés, incapables de faire un choix en connaissance de cause, il y a des incarnations obligatoires.A. K.
66. Avez-vous connu G. Remone ? ‑ R. Oui, vraiment, le pauvre diable…
67. L'avez-vous soupçonné d'avoir tué sa femme ? ‑ R. J'étais un peu égoïste, m'occupant plus de moi que des autres ; lorsque j'appris sa mort, je la pleurai sincèrement et n'ai pas cherché la cause.
68. Quelle était alors votre position ? ‑ J'étais un pauvre clerc d'huissier ; un saute-ruisseau, comme vous dites aujourd'hui.
69. Après la mort de cette femme, avez-vous quelquefois pensé à elle ? ‑ R. Ne me rappelez donc pas tout cela.
70. Nous voulons vous le rappeler, car vous paraissez meilleur que vous ne vous faites. ‑ R. J'y ai bien pensé quelquefois, mais, comme j'étais sans souci de mon naturel, son souvenir passait comme un éclair, sans laisser de traces.
71. Quel était votre nom ? ‑ R. Vous êtes bien curieux, et, si je n'y étais forcé, je vous aurais déjà laissé en plan avec votre morale et vos sermons.
72. Vous viviez dans un siècle religieux ; n'avez-vous donc jamais prié pour cette femme que vous aimiez ? ‑ R. C'est comme cela.
73. Avez-vous revu G. Remone et sa femme dans le monde des Esprits ? ‑ R. J'ai été trouver de bons enfants comme moi, et quand ces pleurards voulaient se montrer, je leur tournais le dos ; je n'aime pas à me faire de la peine, et…
74. Continuez. – R. Je ne suis pas si bavard que vous ; je m'en tiendrai là, si vous le voulez bien.
75. Êtes-vous heureux aujourd'hui ? ‑ R. Pourquoi pas ? Je m'amuse à faire des niches à ceux qui ne s'en doutent pas, et qui croient avoir affaire à de bons Esprits ; depuis qu'on s'occupe de nous, nous faisons de bons tours.
76. Ce n'est pas là le bonheur ; la preuve que vous n'êtes pas heureux, c'est que vous avez dit que vous étiez forcé de venir ; or, ce n'est pas être heureux que d'être forcé de faire ce qui déplaît. – R. N'a-t-on pas toujours des supérieurs ? cela n'empêche pas d'être heureux. Chacun prend son bonheur où il le trouve.
77. Vous pourriez, avec quelques efforts, par la prière surtout, atteindre le bonheur de ceux qui vous commandent. ‑ R. Je n'ai point pensé à cela ; vous allez me rendre ambitieux. Vous ne me trompez pas, toujours ? N'allez pas tracasser mon pauvre Esprit pour rien.
78. Nous ne vous trompons pas ; travaillez donc à votre avancement. ‑ R. Il faut se donner trop de mal, et je suis paresseux.
79. Quand on est paresseux, on prie un ami de nous aider ; nous vous aiderons donc ; nous prierons pour vous. – R. Priez donc, pour que je me décide à prier moi-même.
80. Nous prierons, mais priez de votre côté. ‑ R. Croyez-vous que si je priais cela me donnerait des idées dans le sens des vôtres ?
81. Sans doute ; mais priez de votre côté ; nous vous évoquerons jeudi 21, pour voir le progrès que vous aurez fait et vous donner des conseils, si cela peut vous être agréable. ‑ R. Au revoir alors.
82. Voulez-vous nous dire votre nom maintenant ? ‑ R. Jacques Noulin.
Le lendemain, l'Esprit fut évoqué de nouveau, et on lui fit différentes questions sur la femme Rémone ; ses réponses furent assez peu édifiantes et dans le genre des premières. Saint Jean, consulté, répondit : « Vous avez eu tort de troubler cet Esprit et d'éveiller en lui l'idée de ses anciennes passions. On eût beaucoup mieux fait d'attendre le jour indiqué ; il était dans un trouble nouveau pour lui ; votre évocation l'avait jeté dans des idées d'un ordre tout à fait différent de ses idées habituelles ; il n'avait pu encore prendre de décision bien positive, cependant il se disposait à essayer de la prière. Laissez faire jusqu'au jour que vous lui avez indiqué ; d'ici là, s'il écoute les bons Esprits qui veulent vous aider dans votre bonne œuvre, vous pourrez obtenir quelque chose de lui. »
(Jeudi 21.)
83. (A saint Jean.) Depuis notre dernière évocation, Jacques Noulin s'est-il amendé ? ‑ R. Il a prié, et la lumière s'est faite dans son âme : il croit maintenant qu'il est destiné à devenir meilleur et se dispose à y travailler.
84. Quelle marche devons-nous suivre dans son intérêt ? ‑ R. Demandez-lui l'état actuel de son âme, et faites-le regarder en lui-même, pour qu'il se rende compte de son changement.
85. (A Jacques Noulin.) Avez-vous réfléchi, comme vous nous l'avez promis, et pouvez-vous nous dire quelle est aujourd'hui votre manière d'envisager les choses ? ‑ R. Je veux avant tout vous remercier ; vous m'avez épargné bien des années d'aveuglement. Depuis quelques jours je comprends que Dieu est mon but ; que je dois faire tous mes efforts pour me rendre digne d'arriver à lui. Une ère nouvelle s'ouvre pour moi ; les ténèbres se sont dissipées, et je vois maintenant la route que je dois suivre. J'ai le cœur rempli d'espérance, et soutenu par les bons Esprits qui viennent en aide aux faibles. Je vais marcher dans cette nouvelle voie où j'ai déjà trouvé la tranquillité et qui doit me conduire au bonheur.
86. Étiez-vous véritablement heureux, comme vous nous l'avez dit ? ‑ R. J'étais bien malheureux ; je le vois maintenant, mais je me trouvais heureux comme tous ceux qui ne regardent pas au-dessus d'eux. Je ne pensais point à l'avenir ; j'allais, comme sur la terre, en être insouciant, ne me donnant pas la peine de penser sérieusement. Oh ! combien je déplore l'aveuglement qui m'a fait perdre un temps si précieux ! Vous vous êtes fait un ami, ne l'oubliez pas. Appelez-moi quand vous voudrez, et, si je le puis, je viendrai.
87. Que pensent de votre disposition les Esprits avec lesquels vous aviez l'habitude de vous réunir ? ‑ R. Ils se moquent de moi qui ai écouté les bons Esprits dont nous détestions tous la présence et les conseils.
88. Vous serait-il permis d'aller les revoir ? ‑ R. Je ne m'occupe plus que de mon avancement ; du reste, les bons anges qui veillent sur moi et qui m'entourent de leurs soins ne me permettent plus de regarder en arrière que pour me montrer quel abaissement était le mien.
Remarque. ‑ Il n'existe assurément aucun moyen matériel de constater l'identité des Esprits qui se sont manifestés dans les évocations ci-dessus, aussi ne l'affirmerons-nous pas d'une manière absolue. Nous faisons cette réserve pour ceux qui croiraient que nous acceptons aveuglément tout ce qui vient des Esprits ; nous péchons plutôt par un excès de défiance ; c'est qu'il faut se garder de donner comme vérité absolue ce qui ne peut être contrôlé ; or, en l'absence de preuves positives, il faut se borner à constater la possibilité et chercher les preuves morales à défaut des preuves physiques. Dans le fait dont il s'agit, les réponses ont un caractère évident de probabilité et surtout de haute moralité ; on n'y voit aucune de ces contradictions, aucun de ces défauts de logique qui choquent le bon sens et décèlent la supercherie ; tout se lie et s'enchaîne parfaitement, tout concorde avec ce que l'expérience a déjà montré ; on peut donc dire que l'histoire est au moins vraisemblable, ce qui est déjà beaucoup. Ce qui est certain, c'est que ce n'est point un roman inventé par les hommes, mais bien une œuvre médianimique ; si c'était une fantaisie d'Esprit, elle ne pourrait venir que d'un Esprit léger, car les Esprits sérieux ne s'amusent pas à faire des contes, et les Esprits légers laissent toujours percer le bout de l'oreille. Ajoutons que la Société Spirite de Saint-Jean d'Angély est un des centres les plus graves et les mieux dirigés que nous ayons vus, et qu'elle n'est composée que de personnes aussi recommandables par leur caractère que par leur savoir, poussant même, si l'on peut dire, le scrupule à l'excès ; on la peut juger par la sagesse et la méthode avec lesquelles les questions sont posées et formulées ; aussi toutes les communications que l'on y obtient attestent-elles la supériorité des Esprits qui se manifestent. Les évocations ci-dessus ont donc été faites dans d'excellentes conditions, tant pour le milieu que pour la nature des médiums ; c'est au moins pour nous une garantie de sincérité absolue. Nous ajouterons que la véracité de ce récit nous a été attestée de la manière la plus explicite par plusieurs des meilleurs médiums de la Société de Paris.
En n'envisageant la chose qu'au point de vue moral, une grave question se présente. Voici deux Esprits, Remone et Noulin, tirés de leur situation et amenés à de meilleurs sentiments par l'évocation et les conseils qu'on leur a donnés. On peut se demander s'ils seraient restés malheureux dans le cas où on ne les aurait pas évoqués, et ce qu'il en est de tous les Esprits souffrants que l'on n'évoque pas ? La réponse a déjà été faite dans l'Histoire d'un damné (Esprit de Castelnaudary) publiée dans la Revue de 1860. Nous ajouterons que ces deux Esprits étant arrivés au moment où ils pouvaient être touchés par le repentir et recevoir la lumière, des circonstances providentielles, quoique en apparence fortuites, ont provoqué leur évocation, soit pour leur bien, soit pour notre instruction ; l'évocation était un moyen, mais a défaut de celui-là, Dieu n'est pas à court de ressources pour venir en aide aux malheureux, et l'on peut être certain que tout Esprit qui veut avancer trouve toujours assistance d'une manière ou d'une autre.
A. K.
Un remède donné par les Esprits
Ce titre va faire sourire les incrédules ; qu'importe ! ils ont ri de bien d'autres choses, ce qui n'a pas empêché ces choses d'être reconnues pour des vérités. Les bons Esprits s'intéressent aux souffrances de l'humanité ; il n'est donc pas étonnant qu'ils cherchent à les soulager, et, en maintes occasions, ils ont prouvé qu'ils le peuvent, lorsqu'ils sont assez élevés pour avoir les connaissances nécessaires, car ils voient ce que les yeux du corps ne peuvent voir ; ils prévoient ce que l'homme ne peut prévoir.
Le remède dont il est ici question a été donné dans les circonstances suivantes à mademoiselle Hermance Dufaux[1], qui nous en a remis la formule avec autorisation de la publier pour le bien de ceux qui pourraient en avoir besoin. Un de ses parents, mort depuis assez longtemps, avait rapporté d'Amérique la recette d'un onguent ou mieux d'une pommade d'une merveilleuse efficacité pour toute espèce de plaies ou blessures. A sa mort cette recette fut perdue ; il ne l'avait point communiquée. Mademoiselle Dufaux était affectée d'un mal de jambe très grave et très ancien, et qui avait résisté à tous les traitements ; lasse d'avoir inutilement employé tant de remèdes, elle demanda un jour à son Esprit protecteur s'il n'y avait pas pour elle de guérison possible. « Si, répondit-il ; sers-toi de la pommade de ton oncle. ‑ Mais vous savez bien que la recette en est perdue. ‑ Je vais te la donner, » dit l'Esprit ; puis il lui dicta ce qui suit :
Safran 20 centigrammes.
Cumin 4 grammes.
Cire jaune 31 à 32 grammes.
Huile d'amandes douces une cuillerée à bouche.
Faire fondre la cire et mettre ensuite l'huile d'amandes douces ; ajouter le cumin et le safran enfermés dans un petit sachet de toile, et faire bouillir, sur un feu doux, pendant dix minutes. Pour l'usage, on étend cette pommade sur un morceau de toile et on l'applique sur la partie malade, en renouvelant tous les jours.
Mademoiselle Dufaux ayant suivi cette prescription, sa jambe fut cicatrisée en peu de temps, la peau s'est reformée, et depuis lors elle est très bien et aucun accident n'est survenu.
Sa blanchisseuse fut guérie aussi heureusement d'un mal analogue.
Un ouvrier s'était blessé avec un fragment de faux qui était entré profondément dans la plaie, et avait produit enflure et suppuration. On parlait de faire l'amputation. Par l'emploi de cette pommade l'enflure disparut, la suppuration s'acheva et le morceau de fer sortit de la plaie. En huit jours cet homme fut sur pieds et put reprendre son travail.
Appliquée sur les clous, les abcès, les panaris, elle fait aboutir en peu de temps, et cicatrise aussitôt. Elle agit en attirant les principes morbides hors de la plaie qu'elle assainit, et en provoquant, s'il y a lieu, la sortie des corps étrangers, tels que les esquilles d'os, de bois, etc.
Il paraîtrait qu'elle est également très efficace pour les dartres et en général pour toutes les affections de la peau.
Sa composition, comme on le voit, est fort simple, facile, et dans tous les cas très inoffensive ; ont peut donc toujours essayer sans crainte.
Safran 20 centigrammes.
Cumin 4 grammes.
Cire jaune 31 à 32 grammes.
Huile d'amandes douces une cuillerée à bouche.
Faire fondre la cire et mettre ensuite l'huile d'amandes douces ; ajouter le cumin et le safran enfermés dans un petit sachet de toile, et faire bouillir, sur un feu doux, pendant dix minutes. Pour l'usage, on étend cette pommade sur un morceau de toile et on l'applique sur la partie malade, en renouvelant tous les jours.
Mademoiselle Dufaux ayant suivi cette prescription, sa jambe fut cicatrisée en peu de temps, la peau s'est reformée, et depuis lors elle est très bien et aucun accident n'est survenu.
Sa blanchisseuse fut guérie aussi heureusement d'un mal analogue.
Un ouvrier s'était blessé avec un fragment de faux qui était entré profondément dans la plaie, et avait produit enflure et suppuration. On parlait de faire l'amputation. Par l'emploi de cette pommade l'enflure disparut, la suppuration s'acheva et le morceau de fer sortit de la plaie. En huit jours cet homme fut sur pieds et put reprendre son travail.
Appliquée sur les clous, les abcès, les panaris, elle fait aboutir en peu de temps, et cicatrise aussitôt. Elle agit en attirant les principes morbides hors de la plaie qu'elle assainit, et en provoquant, s'il y a lieu, la sortie des corps étrangers, tels que les esquilles d'os, de bois, etc.
Il paraîtrait qu'elle est également très efficace pour les dartres et en général pour toutes les affections de la peau.
Sa composition, comme on le voit, est fort simple, facile, et dans tous les cas très inoffensive ; ont peut donc toujours essayer sans crainte.
[1] Médium qui a écrit l'histoire de Jeanne d'Arc.
Poésies spirites (Bordeaux. Médium, Madame E. Collignon.)
Mon testament.
Quoique rimé, je crois qu'il n'en est pas moins bon,
Entendons-nous, En lui ce que je vante
N'est pas la rime : elle est méchante ;
C'est l'esprit qui… Diable soit du jargon !
L'esprit n'est pas non plus ce dont je me soucie ;
Comprends bien s'il se peut : L'Esprit seul vivifie,
C'est ainsi que je prends le mot.
Moi qui n'en suis pas un, mais qui vais bientôt l'être, ‑
Je l'espère, du moins, ‑ je voudrais comparaître,
Non pas tout à fait comme un sot,
Mais comme un pauvre Esprit, humble en ma repentance,
Mettant en mon Seigneur toute mon espérance,
Et comptant, pour atteindre au séjour des élus,
Beaucoup sur sa bonté, très-peu sur mes vertus !
Expliquons-nous encor, car toujours j'équivoque ;
C'est la bonté de Dieu que seule ici j'invoque ;
Donc, pour reprendre mon sujet,
Avant d'aller entendre le décret
Qui m'accable ou me justifie,
Je veux régler, du mieux que je pourrai,
Tout compte arriéré dans ma vie.
Il en est quelques-uns que tout bas j'avouerai
Me tenir fort au cœur. Or, voyons comment faire
Pour arranger le tout du mieux qu'il se pourra.
Ce n'est pas, entre nous une petite affaire !
Primo, quand mon Esprit de son corps s'en ira,
Je réclame de vous une bonne prière
Pouvant servir de passe-port
Au pauvre mort
Qui rend sa poussière à la terre.
Ceci fait, c'est de mon convoi
Qu'il faut s'occuper, et je gage
Que, sans trop vous mettre en émoi,
Ce sera le convoi du sage.
D'abord, de mon vivant, je fus toujours blessé
De voir sur les tombeaux tant de luxe entassé,
Alors que nous rendons à la masse d'argile
Le peu dont nous fûmes formés.
Pourquoi nous occuper d'une gloire futile ?
Beaucoup se sont perdus pour s'être trop vantés !
La prière de Dieu provoque la clémence ;
Nous le croyons ; telle est aussi mon espérance.
Mais pourquoi prier plus pour ceux-ci que ceux-là ?
A quoi sert l'attirail déployé pour cela ?
Pourquoi le malheureux qui meurt dans la misère
N'a-t-il pas, comme moi, ce concours de prière ?
Pourquoi donc étaler ce faste si coûteux,
Qui fait naître l'envie alors que l'on y songe ?
Est-ce pour tromper l'homme ou pour gagner les cieux ?
Si c'est pour le tromper, anathème au mensonge !
Si c'est pour attirer les grâces du Seigneur,
Priez d'abord pour ceux qui, privés du bonheur
Que nous procurent les richesses,
Ayant beaucoup souffert, ont droit à des largesses
Qui ne vous coûtent pas un sou !
Or, écoutez-moi bien ; dût-on traiter de fou
Mon pauvre Esprit quittant la terre,
Il veut monter à Dieu, bercé par la prière
Qui sort du cœur,
La seule, croyez-moi, qu'écoute le Seigneur.
Portez-moi donc sans frais, sans bruit, sans étalage ;
Et, contrairement à l'usage,
Que vos regards soient rayonnants !
Qu'au lieu de larmes dans vos chants
Retentisse un air d'allégresse !
Au doute laissez la tristesse.
Dieu merci ! nous sommes croyants !
Ne pensez pas, enfants, que c'est l'économie
Qui m'engage à parler ainsi !
De l'argent j'eus peu de souci
Pendant ma vie,
Jugez après ma mort !
Je veux rendre du sort
La balance un peu plus égale,
Et de ce luxe qu'on étale
Pour dorer la fange du corps,
Envers les malheureux réparer quelques torts.
Je veux que de ce drap dont la mort se recouvre,
Les ornements soient retranchés.
Par une même main tous nos jours sont fauchés.
C'est la porte du Ciel et non celle du Louvre
Qu'à saint Pierre mon repentir
Humblement demande d'ouvrir.
Que d'une croix de bois la muette éloquence
Du Seigneur offensé détourne la vengeance.
Que mon âme remonte en sa simplicité,
Et que cet or perdu couvre la nudité
De l'enfant, du vieillard, mes frères dans la vie,
Mes égaux à la mort, peut-être bien aux cieux,
Ceux qu'à genoux chacun supplie,
Ceux que nous nommons bienheureux !
Avant de terminer, un conseil salutaire
Peut bien trouver sa place ici :
Que de la charité le flambeau vous éclaire ;
Du jugement des sots prenez peu de souci.
De ce luxe trompeur que l'orgueilleux étale
Méfiez-vous toujours. Pour le cœur rien n'égale
Le bonheur du devoir rempli.
De l'opprimé soutenez la faiblesse ;
Que votre âme réponde à tout cri de détresse ;
Qu'il y trouve un écho prêt à le répéter.
Que votre main, enfants, soit prompte à soulager.
A l'aide du peu d'or qu'entre vous je partage,
Amassez des trésors pour faire ce voyage
Dont l'Esprit vertueux, enfin, ne revient plus !
Semez force bienfaits, récoltez des vertus.
Demandez au Seigneur ses plus vives lumières ;
Parmi les malheureux allez chercher vos frères,
Et que Dieu vous accorde, en sa grande bonté,
De n'avoir d'autre loi qu'Amour et Charité !…
Quoique rimé, je crois qu'il n'en est pas moins bon,
Entendons-nous, En lui ce que je vante
N'est pas la rime : elle est méchante ;
C'est l'esprit qui… Diable soit du jargon !
L'esprit n'est pas non plus ce dont je me soucie ;
Comprends bien s'il se peut : L'Esprit seul vivifie,
C'est ainsi que je prends le mot.
Moi qui n'en suis pas un, mais qui vais bientôt l'être, ‑
Je l'espère, du moins, ‑ je voudrais comparaître,
Non pas tout à fait comme un sot,
Mais comme un pauvre Esprit, humble en ma repentance,
Mettant en mon Seigneur toute mon espérance,
Et comptant, pour atteindre au séjour des élus,
Beaucoup sur sa bonté, très-peu sur mes vertus !
Expliquons-nous encor, car toujours j'équivoque ;
C'est la bonté de Dieu que seule ici j'invoque ;
Donc, pour reprendre mon sujet,
Avant d'aller entendre le décret
Qui m'accable ou me justifie,
Je veux régler, du mieux que je pourrai,
Tout compte arriéré dans ma vie.
Il en est quelques-uns que tout bas j'avouerai
Me tenir fort au cœur. Or, voyons comment faire
Pour arranger le tout du mieux qu'il se pourra.
Ce n'est pas, entre nous une petite affaire !
Primo, quand mon Esprit de son corps s'en ira,
Je réclame de vous une bonne prière
Pouvant servir de passe-port
Au pauvre mort
Qui rend sa poussière à la terre.
Ceci fait, c'est de mon convoi
Qu'il faut s'occuper, et je gage
Que, sans trop vous mettre en émoi,
Ce sera le convoi du sage.
D'abord, de mon vivant, je fus toujours blessé
De voir sur les tombeaux tant de luxe entassé,
Alors que nous rendons à la masse d'argile
Le peu dont nous fûmes formés.
Pourquoi nous occuper d'une gloire futile ?
Beaucoup se sont perdus pour s'être trop vantés !
La prière de Dieu provoque la clémence ;
Nous le croyons ; telle est aussi mon espérance.
Mais pourquoi prier plus pour ceux-ci que ceux-là ?
A quoi sert l'attirail déployé pour cela ?
Pourquoi le malheureux qui meurt dans la misère
N'a-t-il pas, comme moi, ce concours de prière ?
Pourquoi donc étaler ce faste si coûteux,
Qui fait naître l'envie alors que l'on y songe ?
Est-ce pour tromper l'homme ou pour gagner les cieux ?
Si c'est pour le tromper, anathème au mensonge !
Si c'est pour attirer les grâces du Seigneur,
Priez d'abord pour ceux qui, privés du bonheur
Que nous procurent les richesses,
Ayant beaucoup souffert, ont droit à des largesses
Qui ne vous coûtent pas un sou !
Or, écoutez-moi bien ; dût-on traiter de fou
Mon pauvre Esprit quittant la terre,
Il veut monter à Dieu, bercé par la prière
Qui sort du cœur,
La seule, croyez-moi, qu'écoute le Seigneur.
Portez-moi donc sans frais, sans bruit, sans étalage ;
Et, contrairement à l'usage,
Que vos regards soient rayonnants !
Qu'au lieu de larmes dans vos chants
Retentisse un air d'allégresse !
Au doute laissez la tristesse.
Dieu merci ! nous sommes croyants !
Ne pensez pas, enfants, que c'est l'économie
Qui m'engage à parler ainsi !
De l'argent j'eus peu de souci
Pendant ma vie,
Jugez après ma mort !
Je veux rendre du sort
La balance un peu plus égale,
Et de ce luxe qu'on étale
Pour dorer la fange du corps,
Envers les malheureux réparer quelques torts.
Je veux que de ce drap dont la mort se recouvre,
Les ornements soient retranchés.
Par une même main tous nos jours sont fauchés.
C'est la porte du Ciel et non celle du Louvre
Qu'à saint Pierre mon repentir
Humblement demande d'ouvrir.
Que d'une croix de bois la muette éloquence
Du Seigneur offensé détourne la vengeance.
Que mon âme remonte en sa simplicité,
Et que cet or perdu couvre la nudité
De l'enfant, du vieillard, mes frères dans la vie,
Mes égaux à la mort, peut-être bien aux cieux,
Ceux qu'à genoux chacun supplie,
Ceux que nous nommons bienheureux !
Avant de terminer, un conseil salutaire
Peut bien trouver sa place ici :
Que de la charité le flambeau vous éclaire ;
Du jugement des sots prenez peu de souci.
De ce luxe trompeur que l'orgueilleux étale
Méfiez-vous toujours. Pour le cœur rien n'égale
Le bonheur du devoir rempli.
De l'opprimé soutenez la faiblesse ;
Que votre âme réponde à tout cri de détresse ;
Qu'il y trouve un écho prêt à le répéter.
Que votre main, enfants, soit prompte à soulager.
A l'aide du peu d'or qu'entre vous je partage,
Amassez des trésors pour faire ce voyage
Dont l'Esprit vertueux, enfin, ne revient plus !
Semez force bienfaits, récoltez des vertus.
Demandez au Seigneur ses plus vives lumières ;
Parmi les malheureux allez chercher vos frères,
Et que Dieu vous accorde, en sa grande bonté,
De n'avoir d'autre loi qu'Amour et Charité !…
Fables et poésies diverses
Par un esprit frappeurQuoique la typtologie soit un moyen de communication bien lent, on
peut, avec de la patience, en obtenir des travaux de longue haleine. M.
Jaubert, de Carcassonne, a bien voulu nous adresser un recueil de fables
et poésies obtenues par lui à l'aide de ce procédé. Si toutes ne sont
pas des chefs-d'œuvre, ce dont M. Jaubert ne saurait s'offenser,
puisqu'il n'y est pour rien, il en est de fort remarquables, à part
l'intérêt qu'offre la source d'où elles proviennent. En voici une qui,
quoique ne faisant pas partie du recueil, peut donner une idée de
l'esprit de cet Esprit frappeur. Elle est dédiée à la Société spirite de
Bordeaux par ce même Esprit.
Le monologue d'un baudet.
Fable.
Un Baudet, ‑ n'allez pas confondre,
Je ne médis jamais des gens de qualité, ‑
Un Ane, un vrai Baudet, de ceux que l'on peut tondre,
En un mot un Ane bâté
En gare, gourmandait une locomotive.
Son œil était brillant, sa parole était vive.
« C'est toi, s'écriait-il, toi qu'on dit au repos !
« Du Mouton, mon voisin, si j'en crois les propos,
« Tu marches sans cheval, sans âne, sans manœuvre ;
« Tu rugis entraînant ton immense couleuvre,
« Ces colis entassés, ce village de bois ;
« Baliverne ! au miracle on put croire autrefois.
« Les temps sont bien changés ! bien roué qui me berne !
« Je ne prends pas un blé pour un champ de luzerne ;
« Je laisse le chardon pour la botte de foin.
« Avec tes pieds de fer, on ne va pas bien loin.
« J'ai ma règle ; au bon sens heureux qui se confie.
« Toi ! marcher sans chevaux ? sans nous ? Je t'en défie. »
L'Ane, vous le voyez, invoquait la raison,
Ce flambeau si souvent éteint par l'arrogance.
Hélas ! que de savants ressemblent au grison !
Niez, docteurs ; niez l'Esprit et sa puissance ;
Niez le mouvement, négligez le moteur.
L'homme fait-il de rien l'électrique lumière ?
Toute locomotive a besoin de vapeur ;
On évoque les morts… mais il faut la prière,
La prière partant du cœur.
Un Baudet, ‑ n'allez pas confondre,
Je ne médis jamais des gens de qualité, ‑
Un Ane, un vrai Baudet, de ceux que l'on peut tondre,
En un mot un Ane bâté
En gare, gourmandait une locomotive.
Son œil était brillant, sa parole était vive.
« C'est toi, s'écriait-il, toi qu'on dit au repos !
« Du Mouton, mon voisin, si j'en crois les propos,
« Tu marches sans cheval, sans âne, sans manœuvre ;
« Tu rugis entraînant ton immense couleuvre,
« Ces colis entassés, ce village de bois ;
« Baliverne ! au miracle on put croire autrefois.
« Les temps sont bien changés ! bien roué qui me berne !
« Je ne prends pas un blé pour un champ de luzerne ;
« Je laisse le chardon pour la botte de foin.
« Avec tes pieds de fer, on ne va pas bien loin.
« J'ai ma règle ; au bon sens heureux qui se confie.
« Toi ! marcher sans chevaux ? sans nous ? Je t'en défie. »
L'Ane, vous le voyez, invoquait la raison,
Ce flambeau si souvent éteint par l'arrogance.
Hélas ! que de savants ressemblent au grison !
Niez, docteurs ; niez l'Esprit et sa puissance ;
Niez le mouvement, négligez le moteur.
L'homme fait-il de rien l'électrique lumière ?
Toute locomotive a besoin de vapeur ;
On évoque les morts… mais il faut la prière,
La prière partant du cœur.
Le Médium et le Docteur Imbroglio.
Accourez, approchez, docteur Imbroglio ;
Le guéridon va seul ; c'est patent, c'est tangible.
‑ Moi, voir !… Je veux prouver dans un in-folio
Que la chose n'est pas possible.
Nous ferons une remarque sur la qualification donnée à l'Esprit qui a dicté les poésies dont nous avons parlé ci-dessus. Les Esprits sérieux répudient avec raison la qualité d'Esprits frappeurs : ce titre ne convient qu'à ceux qu'on pourrait appeler frappeurs de profession, aux Esprits légers ou malveillants, qui se servent des coups pour s'amuser ou tourmenter ; les choses sérieuses ne sont pas de leur ressort ; mais la typtologie est un mode comme un autre pour les communications intelligentes, et dont les Esprits les plus élevés peuvent se servir à défaut d'autre moyen, quoiqu'ils préfèrent l'écriture, comme répondant mieux à la rapidité de la pensée. Il est vrai de dire que, dans ce cas, ce ne sont pas eux-mêmes qui frappent ; ils se bornent à transmettre l'idée, et laissent l'exécution matérielle à des Esprits subalternes, comme un statuaire laisse au praticien le soin de tailler le marbre.
La lettre suivante a été adressée par M. Jaubert à M. Sabô, de Bordeaux ; nous sommes heureux de la reproduire comme preuve des liens qui s'établissent entre les Spirites de diverses localités, et pour l'édification des gens timorés.
« Monsieur,
Je suis sensible à votre lettre. J'accepte avec bonheur le titre que me défère la Société spirite de Bordeaux ; je l'accepte comme récompense de mes faibles travaux, de mes convictions profondes, et, pourquoi ne pas tout dire ? de mes amertumes passées. Encore aujourd'hui la foi nouvelle est assez mal portée ; les savants s'insurgent, les ignorants les suivent, le clergé crie au démon, et quelques convaincus gardent le silence. Dans ce siècle de matérialisme, d'appétits grossiers, de guerres fratricides, d'attachements aveugles, immodérés aux royaumes de ce monde, Dieu intervient ; les morts parlent, nous encouragent, nous entraînent ; voilà pourquoi chacun de nous doit, sans peur, inscrire son nom sur le drapeau de la sainte cause. Nous sommes toujours les soldats du Christ ; nous proclamons la grandeur, l'immortalité de l'âme, les liens palpables qui rattachent les vivants aux morts ; nous prêchons amour et charité ; qu'avons-nous à craindre des hommes ? Être faible, c'est être coupable. Voilà pourquoi, monsieur, dans la mesure de mes forces, j'ai accepté la tâche que Dieu et ma conscience m'imposent. Encore une fois, merci de m'avoir admis parmi vous ; soyez mon interprète auprès de tous nos frères de Bordeaux, et recevez pour vous l'assurance de mes sentiments les plus affectueux.
J. Jaubert,
Vice-président du Tribunal civil.
Remarque. ‑ Le Spiritisme compte aujourd'hui d'assez nombreux adhérents dans les rangs de la magistrature et du barreau, ainsi que parmi les fonctionnaires publics ; mais tous n'osent pas encore braver la crainte de l'opinion ; cette crainte, du reste, s'affaiblit chaque jour, et, avant peu, les rieurs seront tout surpris d'avoir mis, sans façon, au rang des fous tant d'hommes recommandables par leurs lumières et leur position sociale.
Le guéridon va seul ; c'est patent, c'est tangible.
‑ Moi, voir !… Je veux prouver dans un in-folio
Que la chose n'est pas possible.
Nous ferons une remarque sur la qualification donnée à l'Esprit qui a dicté les poésies dont nous avons parlé ci-dessus. Les Esprits sérieux répudient avec raison la qualité d'Esprits frappeurs : ce titre ne convient qu'à ceux qu'on pourrait appeler frappeurs de profession, aux Esprits légers ou malveillants, qui se servent des coups pour s'amuser ou tourmenter ; les choses sérieuses ne sont pas de leur ressort ; mais la typtologie est un mode comme un autre pour les communications intelligentes, et dont les Esprits les plus élevés peuvent se servir à défaut d'autre moyen, quoiqu'ils préfèrent l'écriture, comme répondant mieux à la rapidité de la pensée. Il est vrai de dire que, dans ce cas, ce ne sont pas eux-mêmes qui frappent ; ils se bornent à transmettre l'idée, et laissent l'exécution matérielle à des Esprits subalternes, comme un statuaire laisse au praticien le soin de tailler le marbre.
La lettre suivante a été adressée par M. Jaubert à M. Sabô, de Bordeaux ; nous sommes heureux de la reproduire comme preuve des liens qui s'établissent entre les Spirites de diverses localités, et pour l'édification des gens timorés.
« Monsieur,
Je suis sensible à votre lettre. J'accepte avec bonheur le titre que me défère la Société spirite de Bordeaux ; je l'accepte comme récompense de mes faibles travaux, de mes convictions profondes, et, pourquoi ne pas tout dire ? de mes amertumes passées. Encore aujourd'hui la foi nouvelle est assez mal portée ; les savants s'insurgent, les ignorants les suivent, le clergé crie au démon, et quelques convaincus gardent le silence. Dans ce siècle de matérialisme, d'appétits grossiers, de guerres fratricides, d'attachements aveugles, immodérés aux royaumes de ce monde, Dieu intervient ; les morts parlent, nous encouragent, nous entraînent ; voilà pourquoi chacun de nous doit, sans peur, inscrire son nom sur le drapeau de la sainte cause. Nous sommes toujours les soldats du Christ ; nous proclamons la grandeur, l'immortalité de l'âme, les liens palpables qui rattachent les vivants aux morts ; nous prêchons amour et charité ; qu'avons-nous à craindre des hommes ? Être faible, c'est être coupable. Voilà pourquoi, monsieur, dans la mesure de mes forces, j'ai accepté la tâche que Dieu et ma conscience m'imposent. Encore une fois, merci de m'avoir admis parmi vous ; soyez mon interprète auprès de tous nos frères de Bordeaux, et recevez pour vous l'assurance de mes sentiments les plus affectueux.
J. Jaubert,
Vice-président du Tribunal civil.
Remarque. ‑ Le Spiritisme compte aujourd'hui d'assez nombreux adhérents dans les rangs de la magistrature et du barreau, ainsi que parmi les fonctionnaires publics ; mais tous n'osent pas encore braver la crainte de l'opinion ; cette crainte, du reste, s'affaiblit chaque jour, et, avant peu, les rieurs seront tout surpris d'avoir mis, sans façon, au rang des fous tant d'hommes recommandables par leurs lumières et leur position sociale.
Dissertations spirites
Le Duel. (Bordeaux, 21 novembre 1861. ‑ Médium, M. Guipon.)1° Considérations générales.
L'homme, ou Esprit incarné, peut être sur votre terre : en mission, ‑ en progression, ‑ en punition.
Ceci posé, il faut que vous sachiez, une fois pour toutes, que l'état de mission, progression ou punition doit, sous peine de recommencer son épreuve, arriver au terme fixé par les décrets de la justice suprême.
Avancer par soi-même ou par provocation l'instant fixé par Dieu pour la rentrée dans le monde des Esprits, est donc un crime énorme ; le duel est un crime plus grand encore ; car non-seulement c'est un suicide, mais de plus un assassinat raisonné.
En effet, croyez-vous que le provoqué et le provocateur ne se suicident pas moralement en s'exposant volontairement aux coups mortels de l'adversaire ? Croyez-vous que tous deux ne sont pas des assassins du moment qu'ils cherchent mutuellement à s'ôter l'existence choisie par eux ou imposée par Dieu en expiation ou comme épreuve ?
Oui, je te le dis, mon ami, deux fois criminels aux yeux de Dieu sont les duellistes ; deux fois terrible sera leur punition ; car nulle excuse ne sera admise, tout, par eux, étant froidement calculé et prémédité.
Je lis dans ton cœur, mon enfant, car toi aussi as été un pauvre égaré, et voici ma réponse.
Pour ne pas succomber à cette terrible tentation, il ne vous faut qu'humilité, sincérité et charité pour votre frère en Dieu ; vous ne succombez, au contraire, que par orgueil et ostentation !
2° Conséquences spirituelles.
Celui qui, par humilité, aura, comme le Christ, supporté le dernier outrage et pardonné de cœur et pour l'amour de Dieu, aura, outre les récompenses célestes de l'autre vie, la paix du cœur en celle-ci et une joie incompréhensible d'avoir respecté deux fois l'œuvre de Dieu.
Celui qui, par charité pour son prochain, lui aura prouvé son amour fraternel, aura dans l'autre vie la protection sainte et le concours tout-puissant de la glorieuse mère du Christ, car elle aime et bénit ceux qui exécutent les commandements de Dieu, ceux qui suivent et pratiquent les enseignements de son Fils.
Celui qui, malgré tous les outrages, aura respecté l'existence de son frère et la sienne, trouvera, à son entrée dans le monde éthéré, des millions de légions de bons et purs Esprits qui viendront, non l'honorer pour son action, mais lui prouver, par leur empressement à venir lui faciliter ses premiers pas dans sa nouvelle existence, quelle sympathie il a su s'attirer et quels véritables amis il s'est fait parmi eux, ses frères. Tous ensemble élèveront vers Dieu de sincères actions de grâces pour sa miséricorde qui a permis à leur frère de résister à la tentation.
Celui-là, dis-je, qui aura résisté à ces tristes tentations, peut, non pas espérer le changement des décrets de Dieu, lesquels sont immuables, mais compter sur la bienveillance sincère et affectueuse de l'Esprit de vérité, le Fils de Dieu, lequel saura d'une manière incomparable inonder son âme du bonheur de comprendre l'Esprit de justice parfaite et de bonté infinie, et, par suite, le sauvegarder de toute nouvelle embûche semblable.
Ceux au contraire qui, provoqués ou provocateurs, auront succombé, peuvent être certains qu'ils éprouveront les plus grandes tortures morales par la présence continuelle du cadavre de leur victime et du leur propre ; ils seront rongés pendant des siècles, par le remords d'avoir désobéi aussi gravement aux volontés célestes, et seront poursuivis, jusqu'au jour de l'expiation, par le spectre horrible des deux hideuses vues de leurs deux cadavres sanglants.
Heureux encore s'ils allègent eux-mêmes ces souffrances par un repentir sincère et profond leur ouvrant les yeux de l'âme, car alors, au moins, ils entreverront une fin à leurs peines, comprendront Dieu et lui demanderont la force de ne plus provoquer sa justice terrible.
3° Conséquences humaines.
Les mots de devoir, honneur, cœur, sont souvent mis en avant par les hommes pour justifier leurs actions, leurs crimes.
Comprennent-ils toujours ces mots ? Ne sont-ils pas le résumé des intentions du Christ ? Pourquoi donc en tronquer le sens ? Pourquoi donc retourner au barbarisme ?
Malheureusement, la généralité des hommes est encore sous l'influence de l'orgueil et de l'ostentation ; pour s'excuser à leurs propres yeux, ils font sonner bien haut ces mots de devoir, honneur et cœur, et ne se doutent pas qu'ils signifient : exécution des commandements de Dieu, sagesse, charité et amour. Avec ces mots, pourtant, ils égorgent leurs frères ; avec ces mots, ils se suicident ; avec ces mots, ils se perdent.
Aveugles qu'ils sont ! ils croient être forts parce qu'ils auront entraîné un malheureux plus faible qu'eux. Aveugles ils sont, lorsqu'ils croient que l'approbation de leur conduite par des aveugles et méchants comme eux leur donnera la considération humaine ! la société même au milieu de laquelle ils vivent les réprouve et les maudira bientôt, car le règne de la fraternité arrive. En attendant, ils sont fuis par les hommes sages, comme des bêtes fauves.
Examinons quelques cas, et nous verrons si le raisonnement justifie leur interprétation des mots de devoir, honneur et cœur.
Un homme a le cœur percé de douleur et l'âme pleine d'amertume, car il a surpris les preuves irréfutables de l'inconduite de sa femme ; il provoque l'un des séducteurs de cette pauvre et malheureuse créature. Cette provocation sera-t-elle le résultat de ses devoirs, de son honneur et de son cœur ? Non ; car son honneur ne lui sera pas rendu, car son honneur personnel n'a pas été et ne peut être atteint ; mais ce sera de la vengeance.
Mieux encore ; pour prouver que son prétendu honneur n'est pas en jeu, c'est que très souvent son malheur est même ignoré et resterait ignoré, s'il n'était publié par les mille voix provoquées par le scandale occasionné par sa vengeance.
Enfin, si son malheur était connu, il serait plaint sincèrement par tous les hommes sensés, en retirerait des preuves nombreuses de véritable sympathie, et il n'y aurait contre lui que les rieurs au cœur méchant et endurci, mais méprisables.
Dans l'un et l'autre cas, son honneur ne serait ni rendu ni retiré.
L'orgueil seul est donc le guide de presque tous les duels, et non l'honneur.
Croyez-vous que le duelliste, pour un mot, la fausse interprétation d'une phrase, le frottement insensible et involontaire d'un bras en passant, pour un oui ou un non enfin, et même quelquefois pour un regard qui ne lui était pas adressé, soit poussé par un sentiment d'honneur à demander une prétendue réparation par l'assassinat et le suicide ? Oh ! n'en doutez pas, l'orgueil et la certitude de sa force sont ses seuls mobiles, souvent aidés de l'ostentation ; car il veut parader, faire preuve de courage, de savoir et quelquefois de générosité : Ostentation ! ! !
Ostentation, je le répète, car ses connaissances en duellisme sont les seules vraies ; son courage et sa générosité, des mensonges.
Voulez-vous le mettre à l'épreuve réelle, ce spadassin courageux ? mettez-le en face d'un rival ayant une réputation infernale au-dessus de la sienne, et pourtant peut-être d'un savoir inférieur au sien, il pâlira et fera tout pour éviter le combat ; mettez-le en face d'un être plus faible que lui, ignorant cette science doublement mortelle, vous le verrez impitoyable, hautain et arrogant, même lorsqu'il est contraint d'avoir pitié. – Est-ce du courage ?
La générosité ! oh ! parlons-en. – Est-il généreux, l'homme confiant en sa force, qui, après avoir provoqué la faiblesse, lui octroie la continuation d'une existence bafouée et donnée en ridicule ? Est-il généreux, celui qui, pour l'obtention d'une chose désirée et convoitée, provoque son faible possesseur pour l'obtenir ensuite en récompense de sa générosité ? Est-il généreux, celui qui, usant de ses talents criminels, épargne la vie d'êtres faibles qu'il a injuriés ? Est-il généreux encore, lorsqu'il donne une semblable preuve de générosité au mari ou au frère qu'il a indignement outragé, et qu'il expose alors par le désespoir à un second suicide ?
Oh ! croyez-moi tous, mes amis, le duel est une affreuse et horrible invention des Esprits méchants et pervers, invention digne de l'état de barbarie et qui afflige le plus notre père, le Dieu si bon.
A vous, Spirites, de combattre et de détruire cette triste habitude, ce crime digne des anges des ténèbres ; à vous, Spirites, de donner le noble exemple du renoncement quand même et malgré tout à ce funeste mal ; à vous, Spirites sincères, de faire comprendre le sublime de ces mots : devoir, honneur et cœur, et Dieu parlera par vos voix ; à vous enfin le bonheur de semer parmi vos frères les graines si précieuses et ignorées par nous, pendant notre existence sur la terre, du Spiritisme.
Ton père, Antoine.
Remarque. ‑ Les duels deviennent de plus en rares, ‑ en France du moins, ‑ et si l'on en voit encore de temps en temps de douloureux exemples, le nombre n'en est pas comparable à ce qu'il était autrefois. Jadis un homme ne sortait pas de chez lui sans prévoir une rencontre, aussi prenait-il toujours ses précautions en conséquence. Un signe caractéristique des mœurs du temps et des peuples est dans l'usage du port habituel, ostensible ou caché, des armes offensives et défensives ; l'abolition de cet usage témoigne de l'adoucissement des mœurs, et il est curieux d'en suivre la gradation depuis l'époque, où les chevaliers ne chevauchaient jamais que bardés de fer et armés de la lance, jusqu'au port de la simple épée, devenue plutôt une parure et un accessoire du blason, qu'une arme agressive. Un autre trait de mœurs, c'est que jadis les combats singuliers avaient lieu en pleine rue, devant la foule qui s'écartait pour laisser le champ libre, et qu'aujourd'hui on se cache ; aujourd'hui la mort d'un homme est un événement, on s'en émeut ; jadis on n'y faisait pas attention. Le Spiritisme emportera ces derniers vestiges de la barbarie, en inculquant aux hommes l'esprit de charité et de fraternité.
L'homme, ou Esprit incarné, peut être sur votre terre : en mission, ‑ en progression, ‑ en punition.
Ceci posé, il faut que vous sachiez, une fois pour toutes, que l'état de mission, progression ou punition doit, sous peine de recommencer son épreuve, arriver au terme fixé par les décrets de la justice suprême.
Avancer par soi-même ou par provocation l'instant fixé par Dieu pour la rentrée dans le monde des Esprits, est donc un crime énorme ; le duel est un crime plus grand encore ; car non-seulement c'est un suicide, mais de plus un assassinat raisonné.
En effet, croyez-vous que le provoqué et le provocateur ne se suicident pas moralement en s'exposant volontairement aux coups mortels de l'adversaire ? Croyez-vous que tous deux ne sont pas des assassins du moment qu'ils cherchent mutuellement à s'ôter l'existence choisie par eux ou imposée par Dieu en expiation ou comme épreuve ?
Oui, je te le dis, mon ami, deux fois criminels aux yeux de Dieu sont les duellistes ; deux fois terrible sera leur punition ; car nulle excuse ne sera admise, tout, par eux, étant froidement calculé et prémédité.
Je lis dans ton cœur, mon enfant, car toi aussi as été un pauvre égaré, et voici ma réponse.
Pour ne pas succomber à cette terrible tentation, il ne vous faut qu'humilité, sincérité et charité pour votre frère en Dieu ; vous ne succombez, au contraire, que par orgueil et ostentation !
2° Conséquences spirituelles.
Celui qui, par humilité, aura, comme le Christ, supporté le dernier outrage et pardonné de cœur et pour l'amour de Dieu, aura, outre les récompenses célestes de l'autre vie, la paix du cœur en celle-ci et une joie incompréhensible d'avoir respecté deux fois l'œuvre de Dieu.
Celui qui, par charité pour son prochain, lui aura prouvé son amour fraternel, aura dans l'autre vie la protection sainte et le concours tout-puissant de la glorieuse mère du Christ, car elle aime et bénit ceux qui exécutent les commandements de Dieu, ceux qui suivent et pratiquent les enseignements de son Fils.
Celui qui, malgré tous les outrages, aura respecté l'existence de son frère et la sienne, trouvera, à son entrée dans le monde éthéré, des millions de légions de bons et purs Esprits qui viendront, non l'honorer pour son action, mais lui prouver, par leur empressement à venir lui faciliter ses premiers pas dans sa nouvelle existence, quelle sympathie il a su s'attirer et quels véritables amis il s'est fait parmi eux, ses frères. Tous ensemble élèveront vers Dieu de sincères actions de grâces pour sa miséricorde qui a permis à leur frère de résister à la tentation.
Celui-là, dis-je, qui aura résisté à ces tristes tentations, peut, non pas espérer le changement des décrets de Dieu, lesquels sont immuables, mais compter sur la bienveillance sincère et affectueuse de l'Esprit de vérité, le Fils de Dieu, lequel saura d'une manière incomparable inonder son âme du bonheur de comprendre l'Esprit de justice parfaite et de bonté infinie, et, par suite, le sauvegarder de toute nouvelle embûche semblable.
Ceux au contraire qui, provoqués ou provocateurs, auront succombé, peuvent être certains qu'ils éprouveront les plus grandes tortures morales par la présence continuelle du cadavre de leur victime et du leur propre ; ils seront rongés pendant des siècles, par le remords d'avoir désobéi aussi gravement aux volontés célestes, et seront poursuivis, jusqu'au jour de l'expiation, par le spectre horrible des deux hideuses vues de leurs deux cadavres sanglants.
Heureux encore s'ils allègent eux-mêmes ces souffrances par un repentir sincère et profond leur ouvrant les yeux de l'âme, car alors, au moins, ils entreverront une fin à leurs peines, comprendront Dieu et lui demanderont la force de ne plus provoquer sa justice terrible.
3° Conséquences humaines.
Les mots de devoir, honneur, cœur, sont souvent mis en avant par les hommes pour justifier leurs actions, leurs crimes.
Comprennent-ils toujours ces mots ? Ne sont-ils pas le résumé des intentions du Christ ? Pourquoi donc en tronquer le sens ? Pourquoi donc retourner au barbarisme ?
Malheureusement, la généralité des hommes est encore sous l'influence de l'orgueil et de l'ostentation ; pour s'excuser à leurs propres yeux, ils font sonner bien haut ces mots de devoir, honneur et cœur, et ne se doutent pas qu'ils signifient : exécution des commandements de Dieu, sagesse, charité et amour. Avec ces mots, pourtant, ils égorgent leurs frères ; avec ces mots, ils se suicident ; avec ces mots, ils se perdent.
Aveugles qu'ils sont ! ils croient être forts parce qu'ils auront entraîné un malheureux plus faible qu'eux. Aveugles ils sont, lorsqu'ils croient que l'approbation de leur conduite par des aveugles et méchants comme eux leur donnera la considération humaine ! la société même au milieu de laquelle ils vivent les réprouve et les maudira bientôt, car le règne de la fraternité arrive. En attendant, ils sont fuis par les hommes sages, comme des bêtes fauves.
Examinons quelques cas, et nous verrons si le raisonnement justifie leur interprétation des mots de devoir, honneur et cœur.
Un homme a le cœur percé de douleur et l'âme pleine d'amertume, car il a surpris les preuves irréfutables de l'inconduite de sa femme ; il provoque l'un des séducteurs de cette pauvre et malheureuse créature. Cette provocation sera-t-elle le résultat de ses devoirs, de son honneur et de son cœur ? Non ; car son honneur ne lui sera pas rendu, car son honneur personnel n'a pas été et ne peut être atteint ; mais ce sera de la vengeance.
Mieux encore ; pour prouver que son prétendu honneur n'est pas en jeu, c'est que très souvent son malheur est même ignoré et resterait ignoré, s'il n'était publié par les mille voix provoquées par le scandale occasionné par sa vengeance.
Enfin, si son malheur était connu, il serait plaint sincèrement par tous les hommes sensés, en retirerait des preuves nombreuses de véritable sympathie, et il n'y aurait contre lui que les rieurs au cœur méchant et endurci, mais méprisables.
Dans l'un et l'autre cas, son honneur ne serait ni rendu ni retiré.
L'orgueil seul est donc le guide de presque tous les duels, et non l'honneur.
Croyez-vous que le duelliste, pour un mot, la fausse interprétation d'une phrase, le frottement insensible et involontaire d'un bras en passant, pour un oui ou un non enfin, et même quelquefois pour un regard qui ne lui était pas adressé, soit poussé par un sentiment d'honneur à demander une prétendue réparation par l'assassinat et le suicide ? Oh ! n'en doutez pas, l'orgueil et la certitude de sa force sont ses seuls mobiles, souvent aidés de l'ostentation ; car il veut parader, faire preuve de courage, de savoir et quelquefois de générosité : Ostentation ! ! !
Ostentation, je le répète, car ses connaissances en duellisme sont les seules vraies ; son courage et sa générosité, des mensonges.
Voulez-vous le mettre à l'épreuve réelle, ce spadassin courageux ? mettez-le en face d'un rival ayant une réputation infernale au-dessus de la sienne, et pourtant peut-être d'un savoir inférieur au sien, il pâlira et fera tout pour éviter le combat ; mettez-le en face d'un être plus faible que lui, ignorant cette science doublement mortelle, vous le verrez impitoyable, hautain et arrogant, même lorsqu'il est contraint d'avoir pitié. – Est-ce du courage ?
La générosité ! oh ! parlons-en. – Est-il généreux, l'homme confiant en sa force, qui, après avoir provoqué la faiblesse, lui octroie la continuation d'une existence bafouée et donnée en ridicule ? Est-il généreux, celui qui, pour l'obtention d'une chose désirée et convoitée, provoque son faible possesseur pour l'obtenir ensuite en récompense de sa générosité ? Est-il généreux, celui qui, usant de ses talents criminels, épargne la vie d'êtres faibles qu'il a injuriés ? Est-il généreux encore, lorsqu'il donne une semblable preuve de générosité au mari ou au frère qu'il a indignement outragé, et qu'il expose alors par le désespoir à un second suicide ?
Oh ! croyez-moi tous, mes amis, le duel est une affreuse et horrible invention des Esprits méchants et pervers, invention digne de l'état de barbarie et qui afflige le plus notre père, le Dieu si bon.
A vous, Spirites, de combattre et de détruire cette triste habitude, ce crime digne des anges des ténèbres ; à vous, Spirites, de donner le noble exemple du renoncement quand même et malgré tout à ce funeste mal ; à vous, Spirites sincères, de faire comprendre le sublime de ces mots : devoir, honneur et cœur, et Dieu parlera par vos voix ; à vous enfin le bonheur de semer parmi vos frères les graines si précieuses et ignorées par nous, pendant notre existence sur la terre, du Spiritisme.
Ton père, Antoine.
Remarque. ‑ Les duels deviennent de plus en rares, ‑ en France du moins, ‑ et si l'on en voit encore de temps en temps de douloureux exemples, le nombre n'en est pas comparable à ce qu'il était autrefois. Jadis un homme ne sortait pas de chez lui sans prévoir une rencontre, aussi prenait-il toujours ses précautions en conséquence. Un signe caractéristique des mœurs du temps et des peuples est dans l'usage du port habituel, ostensible ou caché, des armes offensives et défensives ; l'abolition de cet usage témoigne de l'adoucissement des mœurs, et il est curieux d'en suivre la gradation depuis l'époque, où les chevaliers ne chevauchaient jamais que bardés de fer et armés de la lance, jusqu'au port de la simple épée, devenue plutôt une parure et un accessoire du blason, qu'une arme agressive. Un autre trait de mœurs, c'est que jadis les combats singuliers avaient lieu en pleine rue, devant la foule qui s'écartait pour laisser le champ libre, et qu'aujourd'hui on se cache ; aujourd'hui la mort d'un homme est un événement, on s'en émeut ; jadis on n'y faisait pas attention. Le Spiritisme emportera ces derniers vestiges de la barbarie, en inculquant aux hommes l'esprit de charité et de fraternité.
Fondements de l'ordre social. (Lyon, 16 septembre 1862. ‑ Médium, M. Émile V…)
Nota. ‑ Cette communication a été obtenue dans un groupe particulier, présidé par M. Allan Kardec.
Vous voilà réunis afin de voir le Spiritisme dans sa source, afin de regarder cette idée en face, et de goûter les longs flots d'amour qu'elle prodigue à ceux qui la connaissent.
Le Spiritisme, c'est le progrès moral ; c'est l'élévation de l'Esprit dans la voie qui mène à Dieu. Le progrès, c'est la fraternité à sa naissance, car la fraternité complète, telle que l'Esprit peut l'imaginer, c'est la perfection. La fraternité pure, c'est un parfum d'en haut, c'est une émanation de l'infini, un atome de l'intelligence céleste ; c'est la base de toutes les institutions morales, et le seul moyen d'élever un état social qui puisse subsister et produire des effets dignes de la grande cause pour laquelle vous combattez.
Soyez donc frères si vous voulez que le germe déposé parmi vous se développe et devienne l'arbre que vous cherchez. L'union, c'est la puissance souveraine qui descend sur la terre ; la fraternité, c'est la sympathie dans l'union ; c'est la poésie, le charme, l'idéal dans le positif.
Il faut être unis pour être forts, et il faut être forts pour fonder une institution qui ne repose que sur la vérité rendue si touchante et si admirable, si simple et si sublime. Des forces divisées s'anéantissent ; réunies, elles sont autant de fois plus fortes.
Et si on considère la progression morale de chaque homme, si on réfléchit à l'amour, à la charité qui coule de chaque cœur, la différence est bien plus grande. Sous l'influence sublime de ce souffle ineffable, les liens de famille sont resserrés, mais les liens sociaux, si vaguement définis, se dessinent, se rapprochent, et finissent par ne former qu'un seul faisceau de toutes ces pensées, de tous ces désirs, de tous ces buts de nature différente.
Sans la fraternité, que voyez-vous ? L'égoïsme, l'ambition. Chacun a son but ; chacun le poursuit de son côté, chacun marche à sa guise, et tous sont fatalement entraînés dans l'abîme où s'engloutissent, depuis tant de siècles, tous les efforts humains. Avec l'union, il n'y a plus qu'un seul but, parce qu'il n'y a plus qu'une seule pensée, un seul désir, un seul cœur. Unissez-vous donc, mes amis ; c'est ce que vous répète la voix incessante de notre monde ; unissez-vous, et vous arriverez bien plus vite à votre but.
C'est surtout dans cette réunion toute sympathique que vous devez prendre la résolution irrévocable d'être unis par une pensée commune à tous les Spirites de la terre pour offrir l'hommage de votre reconnaissance à celui qui vous a ouvert la voie du bien suprême, à celui qui a amené le bonheur sur vos têtes, la félicité dans vos cœurs et la foi dans vos esprits. Votre reconnaissance est sa récompense présente ; ne la lui refusez donc pas, et l'offrant d'une seule voix, vous donnerez le premier exemple de vraie fraternité.
Léon de Muriane, Esprit protecteur.
Remarque. ‑ Ce nom est complètement inconnu, même du médium. Cela prouve que pour être un Esprit élevé, il n'est pas besoin d'avoir son nom inscrit dans le calendrier ou dans les fastes de l'histoire, et que parmi ceux qui se communiquent, il en est beaucoup qui n'ont pas de nom connu.
Vous voilà réunis afin de voir le Spiritisme dans sa source, afin de regarder cette idée en face, et de goûter les longs flots d'amour qu'elle prodigue à ceux qui la connaissent.
Le Spiritisme, c'est le progrès moral ; c'est l'élévation de l'Esprit dans la voie qui mène à Dieu. Le progrès, c'est la fraternité à sa naissance, car la fraternité complète, telle que l'Esprit peut l'imaginer, c'est la perfection. La fraternité pure, c'est un parfum d'en haut, c'est une émanation de l'infini, un atome de l'intelligence céleste ; c'est la base de toutes les institutions morales, et le seul moyen d'élever un état social qui puisse subsister et produire des effets dignes de la grande cause pour laquelle vous combattez.
Soyez donc frères si vous voulez que le germe déposé parmi vous se développe et devienne l'arbre que vous cherchez. L'union, c'est la puissance souveraine qui descend sur la terre ; la fraternité, c'est la sympathie dans l'union ; c'est la poésie, le charme, l'idéal dans le positif.
Il faut être unis pour être forts, et il faut être forts pour fonder une institution qui ne repose que sur la vérité rendue si touchante et si admirable, si simple et si sublime. Des forces divisées s'anéantissent ; réunies, elles sont autant de fois plus fortes.
Et si on considère la progression morale de chaque homme, si on réfléchit à l'amour, à la charité qui coule de chaque cœur, la différence est bien plus grande. Sous l'influence sublime de ce souffle ineffable, les liens de famille sont resserrés, mais les liens sociaux, si vaguement définis, se dessinent, se rapprochent, et finissent par ne former qu'un seul faisceau de toutes ces pensées, de tous ces désirs, de tous ces buts de nature différente.
Sans la fraternité, que voyez-vous ? L'égoïsme, l'ambition. Chacun a son but ; chacun le poursuit de son côté, chacun marche à sa guise, et tous sont fatalement entraînés dans l'abîme où s'engloutissent, depuis tant de siècles, tous les efforts humains. Avec l'union, il n'y a plus qu'un seul but, parce qu'il n'y a plus qu'une seule pensée, un seul désir, un seul cœur. Unissez-vous donc, mes amis ; c'est ce que vous répète la voix incessante de notre monde ; unissez-vous, et vous arriverez bien plus vite à votre but.
C'est surtout dans cette réunion toute sympathique que vous devez prendre la résolution irrévocable d'être unis par une pensée commune à tous les Spirites de la terre pour offrir l'hommage de votre reconnaissance à celui qui vous a ouvert la voie du bien suprême, à celui qui a amené le bonheur sur vos têtes, la félicité dans vos cœurs et la foi dans vos esprits. Votre reconnaissance est sa récompense présente ; ne la lui refusez donc pas, et l'offrant d'une seule voix, vous donnerez le premier exemple de vraie fraternité.
Léon de Muriane, Esprit protecteur.
Remarque. ‑ Ce nom est complètement inconnu, même du médium. Cela prouve que pour être un Esprit élevé, il n'est pas besoin d'avoir son nom inscrit dans le calendrier ou dans les fastes de l'histoire, et que parmi ceux qui se communiquent, il en est beaucoup qui n'ont pas de nom connu.
Ci gît dix-huit siècles de lumières. (Lyon, 16 septembre 1862. ‑ Médium, M. Émile V…)
M. Émile, qui a obtenu la communication ci-dessus et beaucoup d'autres
non moins remarquables, est un tout jeune homme. Il n'est pas seulement
un excellent médium écrivain, il est aussi médium peintre, quoiqu'il
n'ait appris ni le dessin, ni la peinture ; il peint à l'huile des
paysages et divers sujets pour lesquels il est conduit à choisir, à
mélanger et à assortir les couleurs qui lui sont nécessaires. Au point
de vue de l'art, ses tableaux ne sont certes pas irréprochables, quoique
à certaines expositions on en voie qui ne valent pas beaucoup mieux ;
ils manquent surtout de fini et de moelleux, les tons sont durs et trop
accentués ; mais quand on songe aux conditions dans lesquelles ils sont
faits, ils n'en sont pas moins très remarquables. Qui sait si, avec de
l'exercice, il n'acquierra pas l'habileté qui lui manque et ne deviendra
pas un peintre véritable, comme cet ouvrier bordelais, qui, sachant à
peine signer son nom, a écrit comme médium, et a fini par avoir une
jolie écriture pour son usage personnel, sans autre maître que les
Esprits ?
Lorsque nous avons vu M. Émile V…, il était en train de finir un tableau allégorique, où l'on voit un cercueil sur lequel est écrit : Ci gît dix-huit siècles de lumière. Nous nous permîmes de critiquer cette inscription au point de vue grammatical, et nous ne comprîmes pas tout d'abord le sens de cette allégorie plaçant dix-huit siècles de lumières dans un cercueil, attendu, disions-nous, que l'humanité, grâce surtout au christianisme, est plus éclairée aujourd'hui qu'elle ne l'était jadis. C'était dans la séance du 16, dans laquelle il obtint la communication rapportée ci-dessus. L'Esprit répondit à nos observations, en ajoutant ce qui suit à cette communication.
« Ci gît est mis avec intention. Le sujet n'est pas exprimé par le nombre dix-huit représentant des siècles ; c'est un total de siècles, une idée collective, comme s'il y avait un laps de temps de dix-huit siècles. Vous pourrez dire à vos grammairiens de ne pas confondre une idée collective avec une idée de séparation. Ne disent-ils pas eux-mêmes de la foule, qui peut se composer d'un nombre incalculable de personnes, qu'elle peut se mouvoir ? C'est assez sur ce sujet ; cela doit être ainsi, parce que c'est l'idée même.
« Maintenant, abordons l'allégorie. Dix-huit siècles de lumières dans un cercueil ! Cette idée représente tous les efforts que la vérité a faits depuis ce temps ; efforts qui, toujours, ont été terrassés par l'esprit de parti, par l'égoïsme. Dix-huit siècles de lumières au grand jour, ce serait dix-huit siècles de bonheur pour l'humanité, dix-huit siècles qui ne font encore que germer sur la terre et qui auraient eu leur développement. Christ apportera la vérité sur la terre et la mit à la portée de tout le monde ; que devint-elle ? Les passions terrestres s'en emparèrent ; elle fut enfouie dans un cercueil, d'où le Spiritisme vient la sortir. Voilà l'allégorie.«
Lorsque nous avons vu M. Émile V…, il était en train de finir un tableau allégorique, où l'on voit un cercueil sur lequel est écrit : Ci gît dix-huit siècles de lumière. Nous nous permîmes de critiquer cette inscription au point de vue grammatical, et nous ne comprîmes pas tout d'abord le sens de cette allégorie plaçant dix-huit siècles de lumières dans un cercueil, attendu, disions-nous, que l'humanité, grâce surtout au christianisme, est plus éclairée aujourd'hui qu'elle ne l'était jadis. C'était dans la séance du 16, dans laquelle il obtint la communication rapportée ci-dessus. L'Esprit répondit à nos observations, en ajoutant ce qui suit à cette communication.
« Ci gît est mis avec intention. Le sujet n'est pas exprimé par le nombre dix-huit représentant des siècles ; c'est un total de siècles, une idée collective, comme s'il y avait un laps de temps de dix-huit siècles. Vous pourrez dire à vos grammairiens de ne pas confondre une idée collective avec une idée de séparation. Ne disent-ils pas eux-mêmes de la foule, qui peut se composer d'un nombre incalculable de personnes, qu'elle peut se mouvoir ? C'est assez sur ce sujet ; cela doit être ainsi, parce que c'est l'idée même.
« Maintenant, abordons l'allégorie. Dix-huit siècles de lumières dans un cercueil ! Cette idée représente tous les efforts que la vérité a faits depuis ce temps ; efforts qui, toujours, ont été terrassés par l'esprit de parti, par l'égoïsme. Dix-huit siècles de lumières au grand jour, ce serait dix-huit siècles de bonheur pour l'humanité, dix-huit siècles qui ne font encore que germer sur la terre et qui auraient eu leur développement. Christ apportera la vérité sur la terre et la mit à la portée de tout le monde ; que devint-elle ? Les passions terrestres s'en emparèrent ; elle fut enfouie dans un cercueil, d'où le Spiritisme vient la sortir. Voilà l'allégorie.«
Léon de Muriane. »
Rôle de la Société de Paris. (Société de Paris, 24 octobre 1862. ‑ Médium, M. Leymarie.)
Paris est le pied à terre du monde ; chacun vient y chercher une impression, une idée.
Je me suis demandé bien souvent, lorsque j'étais parmi vous, pourquoi cette grande ville, rendez-vous du monde entier, n'avait pas une réunion spirite nombreuse, mais si nombreuse que les plus vastes amphithéâtres ne pourraient la contenir.
Parfois, j'ai pu penser que les Spirites parisiens s'adonnaient trop à leurs plaisirs ; j'ai cru même que la foi spirite était pour beaucoup un plaisir d'amateur, une récréation parmi toutes celles qui se présentent continuellement à Paris.
Mais loin de vous et pourtant si près de vous, je vois et comprends mieux. Paris est assis au bord de la Seine, mais Paris est partout, et tous les jours cette tête puissante remue le monde entier. Comme elle, la Société centrale spirite fait rejaillir sa pensée dans l'univers. Sa puissance ne réside pas dans le cercle où elle tient ses séances, mais bien dans tous les pays où l'on suit ses dissertations, partout où elle fait loi en fait d'enseignements intelligents ; c'est un soleil dont les rayons bienfaisants se répercutent à l'infini.
Par cela même, la Société ne peut être un groupe ordinaire ; ses vues sont prédestinées et son apostolat est plus grand. Elle ne peut se renfermer dans un petit espace ; il lui faut le monde, car elle est envahissante de sa nature ; et de fait, elle conquiert pacifiquement de grandes villes, demain des royaumes, bientôt le monde entier.
Lorsqu'un étranger vient vous faire une courtoise visite, recevez-le dignement, largement, pour qu'il emporte une grande idée du Spiritisme, cette arme puissante de civilisation qui doit aplanir tous les chemins, vaincre toutes les dissidences, même tous les doutes. Donnez largement, afin que chacun prenne cette nourriture de l'esprit qui transforme tout dans son passage mystérieux, car la croyance nouvelle est forte comme Dieu, grande comme lui, charitable comme tout ce qui émane de la puissance supérieure qui frappe pour consoler en donnant à l'humanité en travail : la prière et la douleur comme avancement.
Sois bénie, Société que j'aime, toi qui donnes toujours avec bienveillance ; toi qui remplis une tâche ardue sans regarder aux pierres qui barrent le passage. Tu as bien mérité de Dieu ; tu ne seras et ne peux être un centre ordinaire, mais bien, je le répète, la source bienfaisante où la souffrance viendra toujours trouver le baume réparateur.
Sanson,
Ancien membre de la Société de Paris.
Je me suis demandé bien souvent, lorsque j'étais parmi vous, pourquoi cette grande ville, rendez-vous du monde entier, n'avait pas une réunion spirite nombreuse, mais si nombreuse que les plus vastes amphithéâtres ne pourraient la contenir.
Parfois, j'ai pu penser que les Spirites parisiens s'adonnaient trop à leurs plaisirs ; j'ai cru même que la foi spirite était pour beaucoup un plaisir d'amateur, une récréation parmi toutes celles qui se présentent continuellement à Paris.
Mais loin de vous et pourtant si près de vous, je vois et comprends mieux. Paris est assis au bord de la Seine, mais Paris est partout, et tous les jours cette tête puissante remue le monde entier. Comme elle, la Société centrale spirite fait rejaillir sa pensée dans l'univers. Sa puissance ne réside pas dans le cercle où elle tient ses séances, mais bien dans tous les pays où l'on suit ses dissertations, partout où elle fait loi en fait d'enseignements intelligents ; c'est un soleil dont les rayons bienfaisants se répercutent à l'infini.
Par cela même, la Société ne peut être un groupe ordinaire ; ses vues sont prédestinées et son apostolat est plus grand. Elle ne peut se renfermer dans un petit espace ; il lui faut le monde, car elle est envahissante de sa nature ; et de fait, elle conquiert pacifiquement de grandes villes, demain des royaumes, bientôt le monde entier.
Lorsqu'un étranger vient vous faire une courtoise visite, recevez-le dignement, largement, pour qu'il emporte une grande idée du Spiritisme, cette arme puissante de civilisation qui doit aplanir tous les chemins, vaincre toutes les dissidences, même tous les doutes. Donnez largement, afin que chacun prenne cette nourriture de l'esprit qui transforme tout dans son passage mystérieux, car la croyance nouvelle est forte comme Dieu, grande comme lui, charitable comme tout ce qui émane de la puissance supérieure qui frappe pour consoler en donnant à l'humanité en travail : la prière et la douleur comme avancement.
Sois bénie, Société que j'aime, toi qui donnes toujours avec bienveillance ; toi qui remplis une tâche ardue sans regarder aux pierres qui barrent le passage. Tu as bien mérité de Dieu ; tu ne seras et ne peux être un centre ordinaire, mais bien, je le répète, la source bienfaisante où la souffrance viendra toujours trouver le baume réparateur.
Sanson,
Ancien membre de la Société de Paris.
De l'Origine du langage. (Société Spirite de Paris. ‑ Médium, M. d'Ambel.)
Vous me demandez aujourd'hui, mes chers et bien-aimés auditeurs, de
dicter à mon médium l'histoire de l'origine du langage ; je vais tâcher
de vous satisfaire ; mais vous devez comprendre qu'il me sera impossible
en quelques lignes de traiter entièrement cette grave question, à
laquelle se rattache forcément celle plus importante encore de l'origine
des races humaines.
Que Dieu tout-puissant, si bienveillant pour les Spirites, m'accorde la lucidité nécessaire pour élaguer de ma dissertation toute confusion, toute obscurité et surtout toute erreur !
J'entre en matière en vous disant : Admettons d'abord en principe cette éternelle vérité : c'est que le Créateur a donné à tous les êtres de la même race un mode spécial, mais assuré, pour s'entendre et se comprendre entre eux. Néanmoins, ce mode de communication, ce langage fut d'autant plus restreint que les espèces étaient plus inférieures. C'est en vertu de cette vérité, de cette loi que les sauvages et les peuplades peu civilisées ont des langues tellement pauvres qu'une foule de termes usités dans les contrées favorisées de la civilisation n'y rencontrent aucun mot correspondant ; et c'est pour obéir à cette même loi que ces nations qui progressent créent de nouvelles expressions pour de nouvelles découvertes, de nouveaux besoins.
Ainsi que je l'ai dit ailleurs : l'humanité a déjà traversé trois grandes périodes : la phase barbare, la phase hébraïque et païenne et la phase chrétienne. A cette dernière succédera la grande période spirite dont nous jetons à présent parmi vous les premières assises.
Examinons donc la première phase et les commencements de la seconde, et je ne puis que répéter ici ce que j'ai déjà dit. La première phase humaine, qu'on peut appeler anté-hébraïque ou barbare, se traîna lentement et longuement dans toutes les horreurs et les convulsions d'une affreuse barbarie. L'homme y est poilu comme la bête fauve, et, comme la bête fauve, il se tapit dans les cavernes et dans les bois. Il vit de viande crue et se repaît de son semblable comme d'un excellent gibier. C'est le règne de l'anthropophagie la plus absolue. Pas de société ! point de famille ! Quelques groupes dispersés çà et là, vivant pêle-mêle dans une promiscuité complète et toujours prêts à s'entre-dévorer : tel est le tableau de cette cruelle période. Nul culte, nulle tradition, nulle idée religieuse ! Rien que les besoins animaux à satisfaire, et puis c'est tout ! L'âme, prisonnière dans une matière stupéfiante, reste morne et latente dans sa prison charnelle ; elle ne peut rien contre les parois grossières qui la renferment, et son intelligence peut à peine se mouvoir dans les casiers d'un cerveau rétréci. L'œil est terne, la paupière lourde, la lèvre épaisse, le crâne aplati, et quelques sons gutturaux suffisent au langage ; rien ne fait présager que de cette bête brute sortira le père des races hébraïques et païennes. Cependant, à la longue, ils sentent le besoin de se soutenir contre les autres carnassiers, contre le lion et le tigre, dont les crocs redoutables et les griffes acérées avaient facilement raison des hommes isolés : c'est ainsi que s'accomplit le premier progrès social. Néanmoins, le règne de la matière et de la force brutale se maintint pendant toute cette phase cruelle. Ne cherchez donc dans l'homme de cette époque ni sentiment, ni raison, ni langage proprement dit ; il n'obéit qu'à sa grossière sensation et n'a qu'un but : boire, manger et dormir ; hors de là, rien ! On peut dire que l'homme intelligent y est en germe, mais qu'il n'existe pas encore. Cependant, il est nécessaire de constater que déjà, parmi ces races brutales, apparaissent quelques êtres supérieurs, Esprits incarnés, chargés de conduire l'humanité vers son but et de hâter l'avènement de l'ère hébraïque et païenne. Je dois ajouter qu'en dehors de ces Esprits incarnés, le globe terrestre était fréquemment visité par ces ministres de Dieu dont la tradition a consacré la mémoire sous les noms d'anges et d'archanges, et que ceux-ci se mettaient presque journellement en rapport avec les êtres supérieurs, Esprits incarnés, dont je viens de parler. La mission de quelques-uns de ces anges s'est continuée pendant une grande partie de la seconde phase humanitaire. Je dois ajouter que le tableau rapide que je viens de faire des premiers temps de l'humanité vous enseigne, à peu de chose près, à quelles lois rigoureuses sont soumis les Esprits qui s'essayent à la vie dans les planètes de formation récente.
Le langage proprement dit, comme la vie sociale, ne commence à avoir un caractère certain qu'à partir de l'ère hébraïque et païenne, pendant laquelle l'Esprit incarné, toujours asservi à la matière, commence cependant à se révolter et à briser quelques anneaux de sa lourde chaîne. L'âme fermente et s'agite dans sa prison charnelle ; par ses efforts réitérés elle réagit énergiquement contre les parois du cerveau, dont elle sensibilise la matière ; elle améliore et perfectionne par un travail constant le jeu de ses facultés dont, conséquemment, les organes physiques se développent ; enfin, la pensée se laisse lire dans un regard limpide et clair. Nous sommes déjà loin des fronts aplatis ! C'est que l'âme se sent, elle se reconnaît, elle a la conscience d'elle-même, et elle commence à comprendre qu'elle est indépendante du corps. Aussi, dès ce moment, elle lutte avec ardeur pour se débarrasser des étreintes de sa robuste rivale. L'homme se modifie de plus en plus et l'intelligence se meut plus librement dans un cerveau plus développé. Constatons toutefois que cette époque voit encore l'homme parqué et immatriculé comme le bétail, l'homme esclave de l'homme ; l'esclavage est consacré par le Dieu des Hébreux autant que par les dieux païens, et Jéhovah, tout comme Jupiter Olympien, demande du sang et des victimes vivantes.
Cette deuxième phase offre des aspects curieux au point de vue philosophique ; j'en ai déjà tracé un tableau rapide que mon médium vous communiquera prochainement. Quoi qu'il en soit, et pour en revenir au sujet de cette étude, tenez pour certain que ce ne fut qu'à l'époque des grandes périodes pastorales et patriarchales que le langage humain prit une allure régulière, et adopta des formes et des sons spéciaux. Lors de cette époque primitive où l'humanité se débarrassa des langes du berceau en même temps que du bégaiement du premier âge, peu de mots suffirent aux hommes pour qui la science n'était pas née, dont les besoins étaient très restreints, et dont les relations sociales s'arrêtaient aux portes de la tente, au seuil de la famille, et plus tard aux confins de la tribu. C'est l'époque où le père, le pasteur, l'ancien, le patriarche, en un mot, dominait en maître absolu avec droit de vie et de mort.
La langue primitive fut uniforme ; mais à mesure que le nombre des pasteurs s'accrut, ceux-ci, quittant à leur tour la tente paternelle, s'en allèrent fonder dans des contrées inhabitées de nouvelles familles, de nouvelles tribus. Alors la langue usitée parmi eux s'éloigna degré par degré, suivant les générations, de la langue en usage sous la tente paternelle qu'ils avaient quittée jadis ; et c'est ainsi que les idiomes divers furent créés. Du reste, quoique mon intention ne soit pas de faire un cours de linguistique, vous n'êtes pas sans avoir remarqué que, dans les langues les plus disparates, vous retrouvez des mots dont le radical a peu varié et dont la signification est presque la même. D'un autre côté, bien que vous ayez aujourd'hui la prétention d'être un vieux monde, la même raison qui fit corrompre la langue primitive règne encore en souveraine dans votre France si orgueilleuse de sa civilisation, où vous voyez les consonances, les termes et la signification varier, je ne dirai pas de province à province, mais de commune à commune. J'en appelle à ceux qui ont voyagé en Bretagne, comme à ceux qui ont parcouru la Provence et le Languedoc. C'est une variété d'idiomes et de dialectes à effrayer celui qui voudrait les colliger en un seul dictionnaire.
Une fois que les hommes primitifs, aidés en cela par les missionnaires de l'Eternel, eurent affecté à certains sons spéciaux certaines idées spéciales, la langue parlée se trouva créée, et les modifications qu'elle subit plus tard furent toujours en raison des progrès humains ; par conséquent, suivant la richesse d'une langue, on peut facilement établir le degré de civilisation auquel est arrivé le peuple qui la parle. Ce que je peux ajouter, c'est que l'humanité marche à une langue unique, conséquence forcée d'une communauté d'idées en morale, en politique, et surtout en religion. Telle sera l'œuvre de la philosophie nouvelle, le Spiritisme, que nous vous enseignons aujourd'hui.
Que Dieu tout-puissant, si bienveillant pour les Spirites, m'accorde la lucidité nécessaire pour élaguer de ma dissertation toute confusion, toute obscurité et surtout toute erreur !
J'entre en matière en vous disant : Admettons d'abord en principe cette éternelle vérité : c'est que le Créateur a donné à tous les êtres de la même race un mode spécial, mais assuré, pour s'entendre et se comprendre entre eux. Néanmoins, ce mode de communication, ce langage fut d'autant plus restreint que les espèces étaient plus inférieures. C'est en vertu de cette vérité, de cette loi que les sauvages et les peuplades peu civilisées ont des langues tellement pauvres qu'une foule de termes usités dans les contrées favorisées de la civilisation n'y rencontrent aucun mot correspondant ; et c'est pour obéir à cette même loi que ces nations qui progressent créent de nouvelles expressions pour de nouvelles découvertes, de nouveaux besoins.
Ainsi que je l'ai dit ailleurs : l'humanité a déjà traversé trois grandes périodes : la phase barbare, la phase hébraïque et païenne et la phase chrétienne. A cette dernière succédera la grande période spirite dont nous jetons à présent parmi vous les premières assises.
Examinons donc la première phase et les commencements de la seconde, et je ne puis que répéter ici ce que j'ai déjà dit. La première phase humaine, qu'on peut appeler anté-hébraïque ou barbare, se traîna lentement et longuement dans toutes les horreurs et les convulsions d'une affreuse barbarie. L'homme y est poilu comme la bête fauve, et, comme la bête fauve, il se tapit dans les cavernes et dans les bois. Il vit de viande crue et se repaît de son semblable comme d'un excellent gibier. C'est le règne de l'anthropophagie la plus absolue. Pas de société ! point de famille ! Quelques groupes dispersés çà et là, vivant pêle-mêle dans une promiscuité complète et toujours prêts à s'entre-dévorer : tel est le tableau de cette cruelle période. Nul culte, nulle tradition, nulle idée religieuse ! Rien que les besoins animaux à satisfaire, et puis c'est tout ! L'âme, prisonnière dans une matière stupéfiante, reste morne et latente dans sa prison charnelle ; elle ne peut rien contre les parois grossières qui la renferment, et son intelligence peut à peine se mouvoir dans les casiers d'un cerveau rétréci. L'œil est terne, la paupière lourde, la lèvre épaisse, le crâne aplati, et quelques sons gutturaux suffisent au langage ; rien ne fait présager que de cette bête brute sortira le père des races hébraïques et païennes. Cependant, à la longue, ils sentent le besoin de se soutenir contre les autres carnassiers, contre le lion et le tigre, dont les crocs redoutables et les griffes acérées avaient facilement raison des hommes isolés : c'est ainsi que s'accomplit le premier progrès social. Néanmoins, le règne de la matière et de la force brutale se maintint pendant toute cette phase cruelle. Ne cherchez donc dans l'homme de cette époque ni sentiment, ni raison, ni langage proprement dit ; il n'obéit qu'à sa grossière sensation et n'a qu'un but : boire, manger et dormir ; hors de là, rien ! On peut dire que l'homme intelligent y est en germe, mais qu'il n'existe pas encore. Cependant, il est nécessaire de constater que déjà, parmi ces races brutales, apparaissent quelques êtres supérieurs, Esprits incarnés, chargés de conduire l'humanité vers son but et de hâter l'avènement de l'ère hébraïque et païenne. Je dois ajouter qu'en dehors de ces Esprits incarnés, le globe terrestre était fréquemment visité par ces ministres de Dieu dont la tradition a consacré la mémoire sous les noms d'anges et d'archanges, et que ceux-ci se mettaient presque journellement en rapport avec les êtres supérieurs, Esprits incarnés, dont je viens de parler. La mission de quelques-uns de ces anges s'est continuée pendant une grande partie de la seconde phase humanitaire. Je dois ajouter que le tableau rapide que je viens de faire des premiers temps de l'humanité vous enseigne, à peu de chose près, à quelles lois rigoureuses sont soumis les Esprits qui s'essayent à la vie dans les planètes de formation récente.
Le langage proprement dit, comme la vie sociale, ne commence à avoir un caractère certain qu'à partir de l'ère hébraïque et païenne, pendant laquelle l'Esprit incarné, toujours asservi à la matière, commence cependant à se révolter et à briser quelques anneaux de sa lourde chaîne. L'âme fermente et s'agite dans sa prison charnelle ; par ses efforts réitérés elle réagit énergiquement contre les parois du cerveau, dont elle sensibilise la matière ; elle améliore et perfectionne par un travail constant le jeu de ses facultés dont, conséquemment, les organes physiques se développent ; enfin, la pensée se laisse lire dans un regard limpide et clair. Nous sommes déjà loin des fronts aplatis ! C'est que l'âme se sent, elle se reconnaît, elle a la conscience d'elle-même, et elle commence à comprendre qu'elle est indépendante du corps. Aussi, dès ce moment, elle lutte avec ardeur pour se débarrasser des étreintes de sa robuste rivale. L'homme se modifie de plus en plus et l'intelligence se meut plus librement dans un cerveau plus développé. Constatons toutefois que cette époque voit encore l'homme parqué et immatriculé comme le bétail, l'homme esclave de l'homme ; l'esclavage est consacré par le Dieu des Hébreux autant que par les dieux païens, et Jéhovah, tout comme Jupiter Olympien, demande du sang et des victimes vivantes.
Cette deuxième phase offre des aspects curieux au point de vue philosophique ; j'en ai déjà tracé un tableau rapide que mon médium vous communiquera prochainement. Quoi qu'il en soit, et pour en revenir au sujet de cette étude, tenez pour certain que ce ne fut qu'à l'époque des grandes périodes pastorales et patriarchales que le langage humain prit une allure régulière, et adopta des formes et des sons spéciaux. Lors de cette époque primitive où l'humanité se débarrassa des langes du berceau en même temps que du bégaiement du premier âge, peu de mots suffirent aux hommes pour qui la science n'était pas née, dont les besoins étaient très restreints, et dont les relations sociales s'arrêtaient aux portes de la tente, au seuil de la famille, et plus tard aux confins de la tribu. C'est l'époque où le père, le pasteur, l'ancien, le patriarche, en un mot, dominait en maître absolu avec droit de vie et de mort.
La langue primitive fut uniforme ; mais à mesure que le nombre des pasteurs s'accrut, ceux-ci, quittant à leur tour la tente paternelle, s'en allèrent fonder dans des contrées inhabitées de nouvelles familles, de nouvelles tribus. Alors la langue usitée parmi eux s'éloigna degré par degré, suivant les générations, de la langue en usage sous la tente paternelle qu'ils avaient quittée jadis ; et c'est ainsi que les idiomes divers furent créés. Du reste, quoique mon intention ne soit pas de faire un cours de linguistique, vous n'êtes pas sans avoir remarqué que, dans les langues les plus disparates, vous retrouvez des mots dont le radical a peu varié et dont la signification est presque la même. D'un autre côté, bien que vous ayez aujourd'hui la prétention d'être un vieux monde, la même raison qui fit corrompre la langue primitive règne encore en souveraine dans votre France si orgueilleuse de sa civilisation, où vous voyez les consonances, les termes et la signification varier, je ne dirai pas de province à province, mais de commune à commune. J'en appelle à ceux qui ont voyagé en Bretagne, comme à ceux qui ont parcouru la Provence et le Languedoc. C'est une variété d'idiomes et de dialectes à effrayer celui qui voudrait les colliger en un seul dictionnaire.
Une fois que les hommes primitifs, aidés en cela par les missionnaires de l'Eternel, eurent affecté à certains sons spéciaux certaines idées spéciales, la langue parlée se trouva créée, et les modifications qu'elle subit plus tard furent toujours en raison des progrès humains ; par conséquent, suivant la richesse d'une langue, on peut facilement établir le degré de civilisation auquel est arrivé le peuple qui la parle. Ce que je peux ajouter, c'est que l'humanité marche à une langue unique, conséquence forcée d'une communauté d'idées en morale, en politique, et surtout en religion. Telle sera l'œuvre de la philosophie nouvelle, le Spiritisme, que nous vous enseignons aujourd'hui.
ERASTE.
Réponses
A M. B. G. à La Calle (Algérie). ‑ Le Livre des Esprits et le Livre des Médiums ne sont pas encore traduits en italien.
A M. Dumas, de Sétif (Algérie). ‑ J'ai reçu l'Écho de Sétif, et lu avec attention les deux remarquables et savants articles sur le Spiritisme publiés par ce journal. J'en parlerai en détail dans le prochain numéro. Je suis heureux de voir cet estimable journal prendre en main la cause de la doctrine et la traiter d'une manière sérieuse.
Allan Kardec.