Vous êtes ici:
REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862 > Octobre
Octobre
Appolonius de Tyane A l'exception des érudits, Apollonius de Tyane n'est guère connu que de nom, et encore son nom n'est-il pas populaire, faute d'une histoire à la portée de tout le monde. Il n'en existait que quelques traduction faites elles-mêmes sur une traduction latine et d'un format incommode. On doit donc savoir gré au savant helléniste qui vient de le mettre en lumière par une traduction consciencieuse faite sur le texte grec original, et aux éditeurs d'avoir, par cette publication, comblé une lacune regrettable[1].
On n'a pas de dates précises sur la vie d'Apollonius. D'après certains calculs, il serait né deux ou trois ans avant Jésus-Christ, et mort à quatre-vingt-seize ans vers la fin du premier siècle. Il naquit à Tyane, ville grecque de Cappadoce en Asie Mineure. De bonne heure il fit preuve d'une grande mémoire, d'une intelligence remarquable et montra une grande ardeur pour l'étude. De toutes les philosophies qu'il étudia, il adopta celle de Pythagore, dont il suivit rigoureusement les préceptes jusqu'à sa mort. Son père, un des plus riches citoyens de Tyane, lui laissa une fortune considérable qu'il partagea entre ses parents, ne s'en réservant qu'une très faible partie, parce que, disait-il, le sage doit savoir se contenter de peu. Il voyagea beaucoup pour s'instruire ; parcouru l'Assyrie, la Scythie, l'Inde où il visita les Brahmanes, l'Egypte, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, enseignant partout la sagesse ; partout aimé pour la douceur de son caractère, honoré pour ses vertus et recrutant de nombreux disciples qui se pressaient sur ses pas pour l'entendre, et dont plusieurs le suivirent dans ses voyages. L'un d'eux pourtant, Euphrate, jaloux de sa supériorité et de son crédit, devint son détracteur et son mortel ennemi, et ne cessa de répandre sur lui la calomnie pour le perdre, mais il ne réussit qu'à s'avilir lui-même ; Apollonius ne s'en émut jamais, et loin de concevoir contre lui aucun ressentiment, il le plaignait de sa faiblesse et chercha toujours à lui rendre le bien pour le mal. Damis, au contraire, jeune Assyrien qu'il connut à Ninive, s'attacha à lui avec une fidélité à toute épreuve, fut le compagnon assidu de ses voyages, le dépositaire de sa philosophie, et a laissé sur lui la plupart des renseignements que nous possédons.
Le nom d'Apollonius de Tyane se trouve mêlé à celui de tous les personnages légendaires que l'imagination des hommes s'est plu à parer des attraits du merveilleux. Quelle que soit l'exagération des faits qu'on leur attribue, il demeure évident qu'à côté des fables se trouve un fond de vérités plus ou moins dénaturées. Personne assurément ne saurait révoquer en doute l'existence d'Apollonius de Tyane ; ce qui est également certain, c'est qu'il a dû faire des choses remarquables, sans quoi on n'en aurait pas parlé. Pour que l'impératrice Julia Domna, femme de Septime-Sévère, ait demandé à Philostrate d'écrire sa vie, il fallait nécessairement qu'il eût fait parler de lui, car il n'est pas probable qu'elle ait commandé un roman sur un homme imaginaire ou obscur. Que Philostrate ait amplifié les faits ou qu'il les ait trouvés amplifiés, cela est probable et même certain, pour quelques-uns du moins, qui sont hors de toute probabilité ; mais ce qui n'est pas moins certain, c'est qu'il a puisé le fond de sa relation dans des récits presque contemporains et qui devaient avoir assez de notoriété pour mériter l'attention de l'impératrice. La difficulté est quelquefois de démêler la fable de la vérité ; dans ce cas il est des gens qui trouvent plus simple de tout nier.
Les personnages de cette nature sont très diversement appréciés ; chacun les juge au point de vue de ses opinions, de ses croyances et même de ses intérêts. Apollonius de Tyane devait, plus que tout autre, donner matière à la controverse, par l'époque où il vivait, et par la nature de ses facultés. On lui attribuait entre autres choses le don de guérir, la prescience, la vue à distance, le pouvoir de lire dans la pensée, de chasser les démons, de se transporter instantanément d'un lieu dans un autre, etc. Peu de philosophes ont joui d'une plus grande popularité de leur vivant. Son prestige était encore augmenté par l'austérité de ses mœurs, sa douceur, sa simplicité, son désintéressement, son caractère bienveillant et sa réputation de sagesse. Le paganisme jetait alors ses dernières lueurs, et se débattait contre l'envahissement du christianisme naissant : il voulut en faire un dieu. Les idées chrétiennes se mêlant aux idées païennes, quelques-uns en firent un saint ; les moins fanatiques ne virent en lui qu'un philosophe ; c'est l'opinion la plus raisonnable, et c'est le seul titre qu'il ait jamais pris, car il s'est défendu d'être fils de Jupiter, comme quelques-uns le prétendaient. Quoique contemporain du Christ, il ne paraît pas en avoir entendu parler, car, dans sa vie, il n'est fait aucune allusion à ce qui passait alors en Judée.
Parmi les chrétiens qui l'ont jugé depuis, les uns l'ont déclaré fourbe et imposteur ; d'autres, ne pouvant nier les faits, ont prétendu qu'il n'opérait des prodiges que par l'assistance du démon, sans songer que c'était avouer ces mêmes prodiges, et faire de Satan le rival de Dieu, par la difficulté de distinguer les prodiges divins des prodiges diaboliques. Ce sont les deux opinions qui ont prévalu dans l'Eglise.
L'auteur de cette traduction s'est tenu dans une sage neutralité ; il n'a épousé aucune version, et, pour mettre chacun à même de les apprécier toutes, il indique avec un soin scrupuleux toutes les sources où l'on peut puiser, laissant chacun libre de tirer, de la comparaison des arguments pour ou contre, telle conséquence qu'il jugera à propos, se bornant à faire une traduction fidèle et consciencieuse.
Les phénomènes spirites, magnétiques et somnambuliques viennent aujourd'hui jeter une lumière toute nouvelle sur les faits attribués à ce personnage, en démontrant la possibilité de certains effets relégués jusqu'à ce jour dans le domaine fantastique du merveilleux, et en permettant de faire la part du possible et de l'impossible.
Et d'abord, qu'est-ce que le merveilleux ? Le scepticisme répond : C'est tout ce qui, étant en dehors des lois de la nature, est impossible ; puis il ajoute : Si les récits anciens abondent en faits de ce genre, cela tient à l'amour de l'homme pour le merveilleux. Mais d'où vient cet amour ? ce qu'il ne dit pas, et c'est ce que nous allons essayer d'expliquer ; ce ne sera pas inutile à notre sujet.
Ce que l'homme appelle merveilleux le transporte par la pensée au-delà des limites du connu, et c'est l'aspiration intime vers un ordre de choses meilleur qui lui fait rechercher avec avidité ce qui peut l'y rattacher et lui en donner une idée. Cette aspiration lui vient de l'intuition qu'il a que cet ordre de choses doit exister ; ne le trouvant pas sur la terre, il le cherche dans la sphère de l'inconnu. Mais cette aspiration elle-même n'est-elle pas un indice providentiel qu'il y a quelque chose au-delà de la vie corporelle ? Elle n'est donnée qu'à l'homme, car les animaux, qui n'attendent rien, ne recherchent pas le merveilleux. L'homme comprend intuitivement qu'il y a en dehors du monde visible une puissance dont il se fait une idée plus ou moins juste selon le développement de son intelligence, et tout naturellement il voit l'action directe de cette puissance dans tous les phénomènes qu'il ne comprend pas ; aussi une foule de faits passaient jadis pour merveilleux, qui, aujourd'hui parfaitement expliqués, sont rentrés dans le domaine des lois naturelles. Il en est résulté que tous les hommes qui possédaient des facultés ou des connaissances supérieures au vulgaire passaient pour avoir une portion de cette puissance invisible, ou tenir d'elle leur pouvoir ; on les a appelés magiciens ou sorciers. L'opinion de l'Église ayant fait prévaloir l'idée que cette puissance ne pouvait provenir que de l'Esprit du mal, lorsqu'elle s'exerçait en dehors de son sein, dans les temps de barbarie et d'ignorance on brûlait les prétendus magiciens ou sorciers ; le progrès de la science les a replacés dans l'humanité.
Où trouvez-vous, disent les incrédules, le plus de récits merveilleux ? N'est-ce pas dans l'antiquité, chez les peuples sauvages, dans les classes les moins éclairées ? N'est-ce pas une preuve qu'ils sont le produit de la superstition, fille de l'ignorance ? De l'ignorance, c'est incontestable, et cela par une raison bien simple. Les anciens, qui savaient moins que nous, n'en étaient pas moins frappés des mêmes phénomènes ; connaissant moins de causes véritables, ils cherchaient des causes surnaturelles aux choses les plus naturelles, et, l'imagination aidant, secondée par la peur d'un côté, de l'autre par le génie poétique, ils brodaient là-dessus des contes fantastiques amplifiés par le goût de l'allégorie particulier aux peuples d'Orient. Prométhée soutirant le feu du ciel qui le consuma devait passer pour un être surhumain puni de sa témérité, pour avoir empiété sur les droits de Jupiter ; Franklin, le Prométhée moderne, est pour nous simplement un savant. Montgolfier s'élevant dans les airs eût été dans les temps mythologiques un Icare ; qu'eût donc été M. Poitevin s'élevant sur un cheval ?
La science ayant fait rentrer une foule de faits dans l'ordre naturel, a réduit de beaucoup les faits merveilleux. Mais a-t-elle tout expliqué ? connaît-elle toutes les lois qui régissent les mondes ? n'a-t-elle plus rien à apprendre ? Chaque jour donne un démenti à cette orgueilleuse prétention. N'ayant donc point encore fouillé tous les secrets de Dieu, il en résulte que beaucoup de faits antiques sont encore inexpliqués ; or, n'admettant comme possible que ce qu'elle comprend, elle trouve plus simple de les appeler merveilleux, fantastiques, c'est-à-dire inadmissibles par la raison ; à ses yeux tous les hommes qui son censés les avoir produits sont des mythes ou des imposteurs, et devant cet arrêt Apollonius de Tyane ne pouvait trouver grâce. Le voilà donc condamné par l'Église, qui admet les faits, comme un suppôt de Satan, et par les savants, qui ne les admettent pas, comme un habile jongleur.
La loi de gravitation universelle a ouvert une nouvelle voie à la science, et rendu compte d'une foule de phénomènes sur lesquels on avait bâti des théories absurdes ; la loi des affinités moléculaires est venue lui faire faire un nouveau pas ; la découverte du monde microscopique lui a ouvert de nouveaux horizons ; l'électricité, à son tour, est venue lui révéler une nouvelle puissance qu'elle ne soupçonnait pas ; à chacune de ces découvertes, elle a vu se résoudre bien des difficultés, bien des problèmes, bien des mystères incompris ou faussement interprétés ; mais que de choses restent encore à éclaircir ! Ne peut-on admettre la découverte d'une nouvelle loi, d'une nouvelle force venant jeter la lumière sur des points encore obscurs ? Eh bien ! c'est une nouvelle puissance que le Spiritisme vient révéler, et cette puissance, c'est l'action du monde invisible sur le monde visible. En montrant dans cette action une loi naturelle, il recule encore les limites du merveilleux et du surnaturel, car il explique une foule de choses qui paraissaient inexplicables, comme d'autres paraissaient inexplicables avant la découverte de l'électricité.
Le Spiritisme se borne-t-il à admettre le monde invisible comme hypothèse et comme moyen d'explication ? Non ; car ce serait expliquer l'inconnu par l'inconnu ; il prouve son existence par des faits patents, irrécusables, comme le microscope a prouvé l'existence du monde des infiniment petits. Étant donc démontré que le monde invisible nous entoure, que ce monde est essentiellement intelligent, puisqu'il se compose des âmes des hommes qui ont vécu, on conçoit aisément qu'il puisse jouer un rôle actif dans le monde visible, et produire des phénomènes d'un ordre particulier. Ce sont ces phénomènes que la science ne pouvant expliquer par les lois connues, appelle merveilleux. Ces phénomènes, étant une loi de la nature, ont dû se produire dans tous les temps ; or, comme ils reposaient sur l'action d'une puissance en dehors de l'humanité, et que toutes les religions ont pour principe l'hommage rendu à cette puissance, ils ont servi de base à toutes les religions ; voilà pourquoi les récits anciens, de même que toutes les théogonies, fourmillent d'allusions et d'allégories concernant les rapports du monde invisible avec le monde visible, et qui sont inintelligibles si l'on ne connaît pas ces rapports ; vouloir les expliquer sans cela, c'est vouloir expliquer les phénomènes électriques sans l'électricité. Cette loi est une clef qui va ouvrir la plupart des sanctuaires mystérieux de l'antiquité ; une fois reconnue, les historiens, les archéologues, les philosophes vont voir se dérouler devant eux un horizon tout nouveau, et la lumière se fera sur les points les plus obscurs.
Si cette loi trouve encore de l'opposition, elle a cela de commun avec tout ce qui est nouveau ; cela tient en outre à l'esprit matérialiste qui domine notre époque, et en second lieu parce qu'on se fait généralement du monde invisible une idée tellement fausse, que l'incrédulité en est la conséquence. Le Spiritisme non seulement en démontre l'existence, mais il le présente sous un aspect tellement logique que le doute n'a plus de raison d'être chez quiconque se donne la peine de l'étudier, consciencieusement.
Nous ne demandons cependant point aux savants de croire ; mais comme le Spiritisme est une philosophie qui prend une large place dans le monde, à ce titre, fût-elle un rêve creux, elle mérite examen, ne fût-ce que pour savoir ce qu'elle dit. Nous ne leur demandons qu'une chose, c'est de l'étudier, mais de l'étudier à fond, pour ne pas lui faire dire ce qu'elle ne dit pas ; puis alors, qu'ils croient ou qu'ils ne croient pas, à l'aide de ce levier, pris comme simple hypothèse, qu'ils essayent de résoudre les milliers de problèmes historiques, archéologiques, anthropologiques, théologiques, psychologiques, moraux, sociaux, etc., devant lesquels ils ont échoué, et ils en verront le résultat. Ne pas leur demander la foi, ce n'est pas beaucoup exiger.
Revenons à Apollonius. Les Anciens connaissaient incontestablement le magnétisme : on en trouve la preuve dans certaines peintures égyptiennes ; ils connaissaient également le somnambulisme et la seconde vue, puisque ce sont des phénomènes naturels psychologiques ; ils connaissaient les différentes catégories d'Esprits, qu'ils appelaient des dieux, et leurs rapports avec les hommes ; les médiums guérisseurs, voyants, parlants, auditifs, inspirés, etc., ont dû se produire chez eux comme de notre temps, comme on en voit de nombreux exemples chez les Arabes ; à l'aide de ces données et de la connaissance des propriétés du périsprit, enveloppe corporelle fluidique des Esprits, on peut parfaitement se rendre compte de plusieurs des faits attribués à Apollonius de Tyane, sans avoir recours à la magie, à la sorcellerie ni à la jonglerie. Nous disons de plusieurs, car il en est dont le Spiritisme lui-même démontre l'impossibilité ; c'est en cela qu'il sert à faire la part de la vérité et de l'erreur. Nous laissons à ceux qui auront fait une étude sérieuse et complète de cette science le soin d'établir la distinction du possible et de l'impossible, ce qui leur sera facile.
Envisageons maintenant Apollonius à un autre point de vue. A côté du médium, qui en faisait pour ce temps-là un être presque surnaturel, il y avait en lui le philosophe, le sage. Sa philosophie se ressentait de la douceur de ses mœurs et de son caractère, de sa simplicité en toutes choses. On en peut juger par quelques-unes de ses maximes.
Ayant fait des reproches aux Lacédémoniens dégénérés et efféminés, ceux-ci ayant profité de ses conseils, il écrivit aux éphores : « Apollonius aux éphores, salut. De véritables hommes ne doivent pas faire de fautes ; mais il n'appartient qu'aux hommes de cœur, s'ils commettent des fautes, de les reconnaître. »
Les Lacédémoniens, ayant reçu une lettre de reproches de l'empereur, étaient indécis de savoir s'ils devaient conjurer sa colère ou lui répondre avec fierté ; ils consultèrent Apollonius sur la forme de leur réponse ; celui-ci vint à l'assemblée et ne dit que ces mots : « Si Palamède a inventé l'écriture, ce n'est pas seulement pour qu'on pût écrire, mais afin qu'on sût quand il ne faut pas écrire. »
Télésinus, consul romain, interrogeant Apollonius, lui demanda : « Quand vous approchez des autels, quelle est votre prière ? ‑ Je demande aux dieux que la justice règne, que les lois soient respectées, que les sages soient pauvres, que les autres s'enrichissent ; mais par des voies honnêtes. ‑ Quoi ! quand vous demandez tant de choses ; pensez-vous être exaucé ? ‑ Sans doute, car je demande tout cela en un seul mot ; et, m'approchant des autels, je dis : « O dieux ! donnez-moi ce qui m'est dû. » Si je suis du nombre des justes, j'obtiendrai plus que je n'ai dit ; si au contraire les dieux me mettent au nombre des méchants, ils me puniront, et je ne pourrai faire de reproches aux dieux si, n'étant pas bon, je suis puni. »
Vespasien s'entretenant avec Apollonius sur la manière de gouverner quand il serait empereur, lui dit : « Voyant l'empire avili par les tyrans que je viens de vous nommer, j'ai voulu prendre conseil de vous sur la manière de le relever dans l'estime des hommes. ‑ Un jour, dit Apollonius, un joueur de flûte des plus habiles envoya ses élèves chez les plus mauvais joueurs de flûte pour leur apprendre comment il ne faut pas jouer. Vous savez maintenant, Vespasien, comment il ne faut pas régner : vos prédécesseurs vous l'ont appris. Réfléchissons maintenant à la manière de bien régner. »
Étant en prison à Rome, sous Domitien, il fit aux prisonniers un discours pour les rappeler au courage et à la résignation, et leur dit :
« Tous tant que nous sommes, nous sommes en prison pendant la durée de ce qu'on appelle la vie. Notre âme, liée à ce corps périssable, souffre des maux nombreux, et est l'esclave de toutes les nécessités de la condition d'homme. »
Dans sa prison, répondant à un émissaire de Domitien qui l'engageait à charger Nerva pour obtenir sa liberté, il dit : « Mon ami, si j'ai été mis aux fers pour avoir dit la vérité à Domitien, que m'arrivera-t-il pour avoir menti ? L'empereur croit que c'est la franchise qui mérite les fers, et moi je crois que c'est le mensonge. »
Dans une lettre à Euphrate : « J'ai demandé à des riches s'ils n'avaient pas de soucis. « Comment n'en aurions nous point ? » me dirent-ils. ‑ « Et d'où viennent donc vos soucis ? ‑ De nos richesses. »
Euphrate, je vous plains, car vous venez de vous enrichir. »
Au même : « Les hommes les plus sages sont les plus brefs dans leurs discours. Si les bavards souffraient ce qu'ils font souffrir aux autres, ils ne parleraient pas tant. »
Autre à Criton : « Pythagore a dit que la médecine est le plus divin des arts. Si la médecine est l'art le plus divin, il faut que le médecin s'occupe de l'âme en même temps que du corps. Comment un être serait-il sain, quand la partie la plus importante de lui-même serait malade ? »
Autre aux platoniciens : « Si l'on offre de l'argent à Apollonius, et qu'on lui paraisse estimable, il ne fera pas de difficultés de l'accepter, pour peu qu'il en ait besoin. Mais un salaire pour ce qu'il enseigne, jamais, même dans le besoin, il ne l'acceptera. »
Autre à Valérius : « Personne ne meurt, si ce n'est en apparence, de même que personne ne naît, si ce n'est en apparence. En effet, le passage de l'essence à la substance, voilà ce qu'on appelle naître ; et ce qu'on a appelé mourir, c'est, au contraire, le passage de la substance à l'essence.»
Aux sacrificateurs d'Olympie : « Les dieux n'ont pas besoin de sacrifices. Que faut-il donc faire pour leur être agréable ? Il faut, si je ne me trompe, chercher à acquérir la divine sagesse, et rendre, autant qu'on le peut, des services à ceux qui le méritent. Voilà ce qu'aiment les dieux. Les impies eux-mêmes peuvent faire des sacrifices. »
Aux Ephésiens du temple de Diane : « Vous avez conservé tous les rites des sacrifices, tout le faste de la royauté. Comme banqueteurs et joyeux convives, vous êtes irréprochables ; mais que de reproches n'a-t-on pas à vous faire, comme voisins de la déesse nuit et jour ! N'est-ce pas de votre milieu que sortent tous les filous, les brigands, les marchands d'esclaves, tous les hommes injustes et impies ? Le temple est un repaire de voleurs. »
A ceux qui se croient sages : « Vous dites que vous êtes de mes disciples ? Eh bien ! ajoutez que vous vous tenez toujours chez vous, que vous n'allez jamais aux thermes, que vous ne tuez pas d'animaux, que vous ne mangez pas de viande, que vous êtes libres de toute passion, de l'envie, de la malignité, de la haine, de la calomnie, du ressentiment, qu'enfin vous êtes du nombre des hommes libres. N'allez pas faire comme ceux qui, par des discours mensongers, font croire qu'ils vivent d'une manière, tandis qu'ils vivent d'une manière tout opposée. »
A son frère Hestiée : « Partout je suis regardé comme un homme divin ; en quelques endroits même on me prend pour un dieu. Dans ma patrie, au contraire, je suis jusqu'ici méconnu. Faut-il s'en étonner ? Vous-mêmes, mes frères, je le vois, vous n'êtes pas encore convaincus que je sois supérieur à bien des hommes pour la parole et pour les mœurs. Et comment mes concitoyens et mes parents se sont-ils trompés à mon égard ? Hélas ! cette erreur m'est bien douloureuse ! je sais qu'il est beau de considérer toute la terre comme sa patrie et tous les hommes comme ses frères et ses amis, puisque tous descendent de Dieu et sont d'une même nature, puisque tous ont également les mêmes passions, puisque tous sont hommes également, qu'ils soient nés Grecs ou barbares. »
Étant à Catane, en Sicile, dans une instruction donnée à ses disciples, il dit en parlant de l'Etna : « A les entendre, sous cette montagne gémit enchaîné quelque géant, Typhée ou Encelade, qui, dans sa longue agonie, vomit tout ce feu. J'accorde qu'il a existé des géants ; car, en divers endroits, des tombeaux entr'ouverts nous ont fait voir des ossements qui indiquent des hommes d'une taille extraordinaire ; mais je ne saurais admettre qu'ils soient entrés en lutte avec les dieux ; tout au plus peut-être ont-ils outragé leurs temples et leurs statues. Mais qu'ils aient escaladé le ciel et en aient chassé les dieux, il est insensé de le dire, il est insensé d'y croire. Une autre fable, qui paraît moins irrévérente envers les dieux, et dont cependant nous ne devons pas faire plus de cas, c'est que Vulcain travaille à la forge dans les profondeurs de l'Etna, et qu'il y fait sans cesse retentir l'enclume. Il y a, sur différents points de la terre, d'autres volcans, et l'on ne s'avise pas de dire qu'il y ait autant de géants et de Vulcains. »
Certains lecteurs auraient trouvé peut-être plus intéressant que nous citassions les prodiges d'Apollonius pour les commenter et les expliquer ; mais nous avons tenu avant tout à montrer en lui le philosophe et le sage plutôt que le thaumaturge. On peut prendre ou rejeter tout ce que l'on voudra des faits merveilleux qu'on lui attribue, mais nous croyons difficile qu'un homme qui dit de telles paroles, qui professe et pratique de tels principes, soit un jongleur, un fourbe, ou un possédé du démon.
En fait de prodiges, nous n'en citerons qu'un seul qui témoigne suffisamment d'une des facultés dont il était doué.
Après un récit détaillé du meurtre de Domitien, Philostrate ajoute :
« Tandis que ces faits se passaient à Rome, Apollonius les voyait à Éphèse. Domitien fut assailli par Clément vers midi ; le même jour, au même moment, Apollonius dissertait dans les jardins attenant aux xistes. Tout d'un coup il baissa un peu la voix comme s'il eût été saisi d'une frayeur subite. Il continua son discours, mais son langage n'avait pas sa force ordinaire, ainsi qu'il arrive à ceux qui parlent en songeant à autre chose. Puis il se tut comme font ceux qui ont perdu le fil de leur discours ; il lança vers la terre des regards effrayants, fit trois ou quatre pas en avant, et s'écria : « Frappe le tyran ! frappe ! » On eût dit qu'il voyait, non l'image du fait dans un miroir, mais le fait lui-même dans toute sa réalité. Les Éphésiens (car Éphèse tout entière assistait au discours d'Apollonius) furent frappés d'étonnement. Apollonius s'arrêta, semblable à un homme qui cherche à voir l'issue d'un événement douteux. Enfin il s'écria : « Ayez bon courage, Éphésiens. Le tyran a été tué aujourd'hui. Que dis-je aujourd'hui ? Par Minerve ! il vient d'être tué à l'instant même, pendant que je me suis interrompu. » Les Éphésiens crurent qu'Apollonius avait perdu l'esprit ; ils désiraient vivement qu'il eût dit la vérité, mais ils craignaient que quelque danger ne résultât pour eux de ce discours. « Je ne m'étonne pas, dit Apollonius, si l'on ne me croit pas encore : Rome elle-même ne le sait pas tout entière. Mais voici qu'elle l'apprend, la nouvelle se répand, déjà des milliers de citoyens la croient ; cela fait sauter de joie le double de ces hommes, et le quadruple, et le peuple, tout entier. Le bruit en viendra jusqu'ici ; vous pouvez différer, jusqu'au moment où vous serez instruits du fait, le sacrifice que vous devez offrir aux dieux à cette occasion ; quant à moi, je m'en vais leur rendre grâces de ce que j'ai vu. » Les Éphésiens restèrent dans leur incrédulité ; mais bientôt des messagers vinrent leur annoncer la bonne nouvelle et rendre témoignage en faveur de la science d'Apollonius ; car le meurtre du tyran, le jour où il fut consommé, l'heure de midi, l'auteur du meurtre qu'avait encouragé Apollonius, tous ces détails se trouvèrent parfaitement conformes à ceux que les dieux lui avaient montrés le jour de son discours aux Ephésiens. »
Il n'en fallait pas davantage, à cette époque, pour le faire passer pour un homme divin. De nos jours nos savants l'eussent traité de visionnaire ; pour nous, il était doué de la seconde vue dont le Spiritisme donne l'explication. (Voir la théorie du somnambulisme et de la double vue dans le Livre des Esprits, n° 455.)
Sa mort a présenté un autre prodige. Étant entré, un soir, dans le temple de Dictynne à Linde, en Crète, malgré les chiens féroces qui en gardaient l'entrée, et qui, au lieu d'aboyer à son arrivée, vinrent le caresser, il fut arrêté par les gardiens du temple pour ce fait, comme magicien, et chargé de chaînes. Pendant la nuit il disparut à la vue des gardiens, sans laisser de traces et sans qu'on ait retrouvé son corps. On entendit alors, dit-on, des voix de jeunes filles qui chantaient : « Quittez la terre ; allez au ciel, allez ! » comme pour l'engager à s'élever de la terre dans les régions supérieures.
Philostrate termine ainsi le récit de sa vie :
« Même depuis sa disparition, Apollonius a soutenu l'immortalité de l'âme, et enseigné que ce qu'on dit à ce sujet est vrai. Il y avait alors à Tyane un certain nombre de jeunes gens épris de philosophie ; la plupart de leurs discussions roulaient sur l'âme. L'un d'eux ne pouvait admettre qu'elle fût immortelle. « Voici dix mois, disait-il, que je prie Apollonius de me révéler la vérité sur l'immortalité de l'âme ; mais il est si bien mort que mes prières sont vaines, et qu'il ne m'est apparu, pas même pour me prouver qu'il fût immortel. » Cinq jours après il parla du même sujet avec ses compagnons, puis il s'endormit dans le lieu même où avait eu lieu la discussion. Tout d'un coup il bondit comme en proie à un accès de démence : il était à moitié endormi et couvert de sueur. « Je te crois, » s'écria-t-il. Ses camarades lui demandèrent ce qu'il avait. « Ne voyez-vous pas, leur répondit-il, le sage Apollonius ? Il est au milieu de nous, écoute notre discussion, et récite sur l'âme des chants mélodieux. ‑ Où est-il ? dirent les autres, car nous ne le voyons pas, et c'est un bonheur que nous préfererions à tous les biens de la terre. ‑ Il paraît qu'il est venu pour moi seul : il veut m'instruire de ce que je refusais de croire. Ecoutez donc, écoutez les chants divins qu'il me fait entendre :
« L'âme est immortelle ; elle n'est pas à vous, elle est à la Providence. Quand le corps est épuisé, semblable à un coursier rapide qui franchit la carrière, l'âme s'élance et se précipite au milieu des espaces éthérés, pleine de mépris pour le triste et rude esclavage qu'elle a souffert. Mais que vous importent ces choses ! Vous les connaîtrez quand vous ne serez plus. Tant que vous êtes parmi les vivants, pourquoi chercher à pénétrer ces mystères ? »
« Tel est l'oracle si clair qu'a rendu Apollonius sur les destinées de l'âme ; il a voulu que, connaissant notre nature, nous marchions le cœur content au but que nous fixent les Parques. »
L'apparition d'Apollonius après sa mort est traitée d'hallucination par la plupart de ses commentateurs, chrétiens ou autres, qui ont prétendu que le jeune homme avait l'imagination frappée par le désir même qu'il avait de le voir, ce qui fait qu'il a cru le voir. Cependant l'Église a de tout temps admis ces sortes d'apparitions ; elle en cite beaucoup d'exemples qu'elle reconnaît comme authentiques. Le Spiritisme vient expliquer le phénomène, fondé sur les propriétés du périsprit, enveloppe ou corps fluidique de l'Esprit, qui, par une sorte de condensation, prend une apparence visible, et peut, comme on le sait, en prendre une tangible. Sans la connaissance de la loi constitutive des Esprits, ce phénomène est merveilleux ; cette loi connue, le merveilleux disparaît pour faire place à un phénomène naturel. (Voir dans le Livre des Médiums la théorie des manifestations visuelles, chapitre VI.) En admettant que ce jeune homme eût été le jouet d'une illusion, il resterait aux négateurs à expliquer les paroles qu'il prête à Apollonius, paroles sublimes et tout opposées aux idées qu'il venait de soutenir un instant auparavant.
Que manquait-il à Apollonius pour être chrétien ? Bien peu de chose, comme on le voit. A Dieu ne plaise que nous établissions un parallèle entre lui et le Christ ! Ce qui prouve l'incontestable supériorité de celui-ci, et la divinité de sa mission, c'est la révolution produite dans le monde entier par la doctrine que lui, obscur, et ses apôtres aussi obscurs que lui, ont prêchée, tandis que celle d'Apollonius est morte avec lui. Il y aurait donc impiété à le poser en rival du Christ ! Mais, si l'on veut bien faire attention à ce qu'il dit au sujet du culte païen, on verra qu'il en condamne les formes superstitieuses et leur porte un coup terrible pour y substituer des idées plus saines. S'il eût parlé ainsi au temps de Socrate, il aurait, comme ce dernier, payé de sa vie ce qu'on aurait appelé son impiété ; mais à l'époque où il vivait, les croyances païennes avaient fait leur temps, et il était écouté. Par sa morale, il a préparé les païens au milieu desquels il vivait à recevoir avec moins de difficulté les idées chrétiennes, auxquelles il a servi de transition. Nous croyons donc être dans le vrai en disant qu'il a servi de trait d'union entre le paganisme et le christianisme. Sous ce rapport, peut-être a-t-il eu aussi sa mission. Il pouvait être écouté des Païens, et ne l'eût pas été des Juifs.
[1] Appolonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges ; par Philostrate. Nouvelle traduction faite sur le texte grec, par M. Chassang, maître des conférences à l'École normale. - 1 vol. in‑12 de 500 pages. Prix, 3 fr 50 ; chez MM. Didier et Ce, éditeurs, quai des Augustin, 35, à Paris.
On n'a pas de dates précises sur la vie d'Apollonius. D'après certains calculs, il serait né deux ou trois ans avant Jésus-Christ, et mort à quatre-vingt-seize ans vers la fin du premier siècle. Il naquit à Tyane, ville grecque de Cappadoce en Asie Mineure. De bonne heure il fit preuve d'une grande mémoire, d'une intelligence remarquable et montra une grande ardeur pour l'étude. De toutes les philosophies qu'il étudia, il adopta celle de Pythagore, dont il suivit rigoureusement les préceptes jusqu'à sa mort. Son père, un des plus riches citoyens de Tyane, lui laissa une fortune considérable qu'il partagea entre ses parents, ne s'en réservant qu'une très faible partie, parce que, disait-il, le sage doit savoir se contenter de peu. Il voyagea beaucoup pour s'instruire ; parcouru l'Assyrie, la Scythie, l'Inde où il visita les Brahmanes, l'Egypte, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, enseignant partout la sagesse ; partout aimé pour la douceur de son caractère, honoré pour ses vertus et recrutant de nombreux disciples qui se pressaient sur ses pas pour l'entendre, et dont plusieurs le suivirent dans ses voyages. L'un d'eux pourtant, Euphrate, jaloux de sa supériorité et de son crédit, devint son détracteur et son mortel ennemi, et ne cessa de répandre sur lui la calomnie pour le perdre, mais il ne réussit qu'à s'avilir lui-même ; Apollonius ne s'en émut jamais, et loin de concevoir contre lui aucun ressentiment, il le plaignait de sa faiblesse et chercha toujours à lui rendre le bien pour le mal. Damis, au contraire, jeune Assyrien qu'il connut à Ninive, s'attacha à lui avec une fidélité à toute épreuve, fut le compagnon assidu de ses voyages, le dépositaire de sa philosophie, et a laissé sur lui la plupart des renseignements que nous possédons.
Le nom d'Apollonius de Tyane se trouve mêlé à celui de tous les personnages légendaires que l'imagination des hommes s'est plu à parer des attraits du merveilleux. Quelle que soit l'exagération des faits qu'on leur attribue, il demeure évident qu'à côté des fables se trouve un fond de vérités plus ou moins dénaturées. Personne assurément ne saurait révoquer en doute l'existence d'Apollonius de Tyane ; ce qui est également certain, c'est qu'il a dû faire des choses remarquables, sans quoi on n'en aurait pas parlé. Pour que l'impératrice Julia Domna, femme de Septime-Sévère, ait demandé à Philostrate d'écrire sa vie, il fallait nécessairement qu'il eût fait parler de lui, car il n'est pas probable qu'elle ait commandé un roman sur un homme imaginaire ou obscur. Que Philostrate ait amplifié les faits ou qu'il les ait trouvés amplifiés, cela est probable et même certain, pour quelques-uns du moins, qui sont hors de toute probabilité ; mais ce qui n'est pas moins certain, c'est qu'il a puisé le fond de sa relation dans des récits presque contemporains et qui devaient avoir assez de notoriété pour mériter l'attention de l'impératrice. La difficulté est quelquefois de démêler la fable de la vérité ; dans ce cas il est des gens qui trouvent plus simple de tout nier.
Les personnages de cette nature sont très diversement appréciés ; chacun les juge au point de vue de ses opinions, de ses croyances et même de ses intérêts. Apollonius de Tyane devait, plus que tout autre, donner matière à la controverse, par l'époque où il vivait, et par la nature de ses facultés. On lui attribuait entre autres choses le don de guérir, la prescience, la vue à distance, le pouvoir de lire dans la pensée, de chasser les démons, de se transporter instantanément d'un lieu dans un autre, etc. Peu de philosophes ont joui d'une plus grande popularité de leur vivant. Son prestige était encore augmenté par l'austérité de ses mœurs, sa douceur, sa simplicité, son désintéressement, son caractère bienveillant et sa réputation de sagesse. Le paganisme jetait alors ses dernières lueurs, et se débattait contre l'envahissement du christianisme naissant : il voulut en faire un dieu. Les idées chrétiennes se mêlant aux idées païennes, quelques-uns en firent un saint ; les moins fanatiques ne virent en lui qu'un philosophe ; c'est l'opinion la plus raisonnable, et c'est le seul titre qu'il ait jamais pris, car il s'est défendu d'être fils de Jupiter, comme quelques-uns le prétendaient. Quoique contemporain du Christ, il ne paraît pas en avoir entendu parler, car, dans sa vie, il n'est fait aucune allusion à ce qui passait alors en Judée.
Parmi les chrétiens qui l'ont jugé depuis, les uns l'ont déclaré fourbe et imposteur ; d'autres, ne pouvant nier les faits, ont prétendu qu'il n'opérait des prodiges que par l'assistance du démon, sans songer que c'était avouer ces mêmes prodiges, et faire de Satan le rival de Dieu, par la difficulté de distinguer les prodiges divins des prodiges diaboliques. Ce sont les deux opinions qui ont prévalu dans l'Eglise.
L'auteur de cette traduction s'est tenu dans une sage neutralité ; il n'a épousé aucune version, et, pour mettre chacun à même de les apprécier toutes, il indique avec un soin scrupuleux toutes les sources où l'on peut puiser, laissant chacun libre de tirer, de la comparaison des arguments pour ou contre, telle conséquence qu'il jugera à propos, se bornant à faire une traduction fidèle et consciencieuse.
Les phénomènes spirites, magnétiques et somnambuliques viennent aujourd'hui jeter une lumière toute nouvelle sur les faits attribués à ce personnage, en démontrant la possibilité de certains effets relégués jusqu'à ce jour dans le domaine fantastique du merveilleux, et en permettant de faire la part du possible et de l'impossible.
Et d'abord, qu'est-ce que le merveilleux ? Le scepticisme répond : C'est tout ce qui, étant en dehors des lois de la nature, est impossible ; puis il ajoute : Si les récits anciens abondent en faits de ce genre, cela tient à l'amour de l'homme pour le merveilleux. Mais d'où vient cet amour ? ce qu'il ne dit pas, et c'est ce que nous allons essayer d'expliquer ; ce ne sera pas inutile à notre sujet.
Ce que l'homme appelle merveilleux le transporte par la pensée au-delà des limites du connu, et c'est l'aspiration intime vers un ordre de choses meilleur qui lui fait rechercher avec avidité ce qui peut l'y rattacher et lui en donner une idée. Cette aspiration lui vient de l'intuition qu'il a que cet ordre de choses doit exister ; ne le trouvant pas sur la terre, il le cherche dans la sphère de l'inconnu. Mais cette aspiration elle-même n'est-elle pas un indice providentiel qu'il y a quelque chose au-delà de la vie corporelle ? Elle n'est donnée qu'à l'homme, car les animaux, qui n'attendent rien, ne recherchent pas le merveilleux. L'homme comprend intuitivement qu'il y a en dehors du monde visible une puissance dont il se fait une idée plus ou moins juste selon le développement de son intelligence, et tout naturellement il voit l'action directe de cette puissance dans tous les phénomènes qu'il ne comprend pas ; aussi une foule de faits passaient jadis pour merveilleux, qui, aujourd'hui parfaitement expliqués, sont rentrés dans le domaine des lois naturelles. Il en est résulté que tous les hommes qui possédaient des facultés ou des connaissances supérieures au vulgaire passaient pour avoir une portion de cette puissance invisible, ou tenir d'elle leur pouvoir ; on les a appelés magiciens ou sorciers. L'opinion de l'Église ayant fait prévaloir l'idée que cette puissance ne pouvait provenir que de l'Esprit du mal, lorsqu'elle s'exerçait en dehors de son sein, dans les temps de barbarie et d'ignorance on brûlait les prétendus magiciens ou sorciers ; le progrès de la science les a replacés dans l'humanité.
Où trouvez-vous, disent les incrédules, le plus de récits merveilleux ? N'est-ce pas dans l'antiquité, chez les peuples sauvages, dans les classes les moins éclairées ? N'est-ce pas une preuve qu'ils sont le produit de la superstition, fille de l'ignorance ? De l'ignorance, c'est incontestable, et cela par une raison bien simple. Les anciens, qui savaient moins que nous, n'en étaient pas moins frappés des mêmes phénomènes ; connaissant moins de causes véritables, ils cherchaient des causes surnaturelles aux choses les plus naturelles, et, l'imagination aidant, secondée par la peur d'un côté, de l'autre par le génie poétique, ils brodaient là-dessus des contes fantastiques amplifiés par le goût de l'allégorie particulier aux peuples d'Orient. Prométhée soutirant le feu du ciel qui le consuma devait passer pour un être surhumain puni de sa témérité, pour avoir empiété sur les droits de Jupiter ; Franklin, le Prométhée moderne, est pour nous simplement un savant. Montgolfier s'élevant dans les airs eût été dans les temps mythologiques un Icare ; qu'eût donc été M. Poitevin s'élevant sur un cheval ?
La science ayant fait rentrer une foule de faits dans l'ordre naturel, a réduit de beaucoup les faits merveilleux. Mais a-t-elle tout expliqué ? connaît-elle toutes les lois qui régissent les mondes ? n'a-t-elle plus rien à apprendre ? Chaque jour donne un démenti à cette orgueilleuse prétention. N'ayant donc point encore fouillé tous les secrets de Dieu, il en résulte que beaucoup de faits antiques sont encore inexpliqués ; or, n'admettant comme possible que ce qu'elle comprend, elle trouve plus simple de les appeler merveilleux, fantastiques, c'est-à-dire inadmissibles par la raison ; à ses yeux tous les hommes qui son censés les avoir produits sont des mythes ou des imposteurs, et devant cet arrêt Apollonius de Tyane ne pouvait trouver grâce. Le voilà donc condamné par l'Église, qui admet les faits, comme un suppôt de Satan, et par les savants, qui ne les admettent pas, comme un habile jongleur.
La loi de gravitation universelle a ouvert une nouvelle voie à la science, et rendu compte d'une foule de phénomènes sur lesquels on avait bâti des théories absurdes ; la loi des affinités moléculaires est venue lui faire faire un nouveau pas ; la découverte du monde microscopique lui a ouvert de nouveaux horizons ; l'électricité, à son tour, est venue lui révéler une nouvelle puissance qu'elle ne soupçonnait pas ; à chacune de ces découvertes, elle a vu se résoudre bien des difficultés, bien des problèmes, bien des mystères incompris ou faussement interprétés ; mais que de choses restent encore à éclaircir ! Ne peut-on admettre la découverte d'une nouvelle loi, d'une nouvelle force venant jeter la lumière sur des points encore obscurs ? Eh bien ! c'est une nouvelle puissance que le Spiritisme vient révéler, et cette puissance, c'est l'action du monde invisible sur le monde visible. En montrant dans cette action une loi naturelle, il recule encore les limites du merveilleux et du surnaturel, car il explique une foule de choses qui paraissaient inexplicables, comme d'autres paraissaient inexplicables avant la découverte de l'électricité.
Le Spiritisme se borne-t-il à admettre le monde invisible comme hypothèse et comme moyen d'explication ? Non ; car ce serait expliquer l'inconnu par l'inconnu ; il prouve son existence par des faits patents, irrécusables, comme le microscope a prouvé l'existence du monde des infiniment petits. Étant donc démontré que le monde invisible nous entoure, que ce monde est essentiellement intelligent, puisqu'il se compose des âmes des hommes qui ont vécu, on conçoit aisément qu'il puisse jouer un rôle actif dans le monde visible, et produire des phénomènes d'un ordre particulier. Ce sont ces phénomènes que la science ne pouvant expliquer par les lois connues, appelle merveilleux. Ces phénomènes, étant une loi de la nature, ont dû se produire dans tous les temps ; or, comme ils reposaient sur l'action d'une puissance en dehors de l'humanité, et que toutes les religions ont pour principe l'hommage rendu à cette puissance, ils ont servi de base à toutes les religions ; voilà pourquoi les récits anciens, de même que toutes les théogonies, fourmillent d'allusions et d'allégories concernant les rapports du monde invisible avec le monde visible, et qui sont inintelligibles si l'on ne connaît pas ces rapports ; vouloir les expliquer sans cela, c'est vouloir expliquer les phénomènes électriques sans l'électricité. Cette loi est une clef qui va ouvrir la plupart des sanctuaires mystérieux de l'antiquité ; une fois reconnue, les historiens, les archéologues, les philosophes vont voir se dérouler devant eux un horizon tout nouveau, et la lumière se fera sur les points les plus obscurs.
Si cette loi trouve encore de l'opposition, elle a cela de commun avec tout ce qui est nouveau ; cela tient en outre à l'esprit matérialiste qui domine notre époque, et en second lieu parce qu'on se fait généralement du monde invisible une idée tellement fausse, que l'incrédulité en est la conséquence. Le Spiritisme non seulement en démontre l'existence, mais il le présente sous un aspect tellement logique que le doute n'a plus de raison d'être chez quiconque se donne la peine de l'étudier, consciencieusement.
Nous ne demandons cependant point aux savants de croire ; mais comme le Spiritisme est une philosophie qui prend une large place dans le monde, à ce titre, fût-elle un rêve creux, elle mérite examen, ne fût-ce que pour savoir ce qu'elle dit. Nous ne leur demandons qu'une chose, c'est de l'étudier, mais de l'étudier à fond, pour ne pas lui faire dire ce qu'elle ne dit pas ; puis alors, qu'ils croient ou qu'ils ne croient pas, à l'aide de ce levier, pris comme simple hypothèse, qu'ils essayent de résoudre les milliers de problèmes historiques, archéologiques, anthropologiques, théologiques, psychologiques, moraux, sociaux, etc., devant lesquels ils ont échoué, et ils en verront le résultat. Ne pas leur demander la foi, ce n'est pas beaucoup exiger.
Revenons à Apollonius. Les Anciens connaissaient incontestablement le magnétisme : on en trouve la preuve dans certaines peintures égyptiennes ; ils connaissaient également le somnambulisme et la seconde vue, puisque ce sont des phénomènes naturels psychologiques ; ils connaissaient les différentes catégories d'Esprits, qu'ils appelaient des dieux, et leurs rapports avec les hommes ; les médiums guérisseurs, voyants, parlants, auditifs, inspirés, etc., ont dû se produire chez eux comme de notre temps, comme on en voit de nombreux exemples chez les Arabes ; à l'aide de ces données et de la connaissance des propriétés du périsprit, enveloppe corporelle fluidique des Esprits, on peut parfaitement se rendre compte de plusieurs des faits attribués à Apollonius de Tyane, sans avoir recours à la magie, à la sorcellerie ni à la jonglerie. Nous disons de plusieurs, car il en est dont le Spiritisme lui-même démontre l'impossibilité ; c'est en cela qu'il sert à faire la part de la vérité et de l'erreur. Nous laissons à ceux qui auront fait une étude sérieuse et complète de cette science le soin d'établir la distinction du possible et de l'impossible, ce qui leur sera facile.
Envisageons maintenant Apollonius à un autre point de vue. A côté du médium, qui en faisait pour ce temps-là un être presque surnaturel, il y avait en lui le philosophe, le sage. Sa philosophie se ressentait de la douceur de ses mœurs et de son caractère, de sa simplicité en toutes choses. On en peut juger par quelques-unes de ses maximes.
Ayant fait des reproches aux Lacédémoniens dégénérés et efféminés, ceux-ci ayant profité de ses conseils, il écrivit aux éphores : « Apollonius aux éphores, salut. De véritables hommes ne doivent pas faire de fautes ; mais il n'appartient qu'aux hommes de cœur, s'ils commettent des fautes, de les reconnaître. »
Les Lacédémoniens, ayant reçu une lettre de reproches de l'empereur, étaient indécis de savoir s'ils devaient conjurer sa colère ou lui répondre avec fierté ; ils consultèrent Apollonius sur la forme de leur réponse ; celui-ci vint à l'assemblée et ne dit que ces mots : « Si Palamède a inventé l'écriture, ce n'est pas seulement pour qu'on pût écrire, mais afin qu'on sût quand il ne faut pas écrire. »
Télésinus, consul romain, interrogeant Apollonius, lui demanda : « Quand vous approchez des autels, quelle est votre prière ? ‑ Je demande aux dieux que la justice règne, que les lois soient respectées, que les sages soient pauvres, que les autres s'enrichissent ; mais par des voies honnêtes. ‑ Quoi ! quand vous demandez tant de choses ; pensez-vous être exaucé ? ‑ Sans doute, car je demande tout cela en un seul mot ; et, m'approchant des autels, je dis : « O dieux ! donnez-moi ce qui m'est dû. » Si je suis du nombre des justes, j'obtiendrai plus que je n'ai dit ; si au contraire les dieux me mettent au nombre des méchants, ils me puniront, et je ne pourrai faire de reproches aux dieux si, n'étant pas bon, je suis puni. »
Vespasien s'entretenant avec Apollonius sur la manière de gouverner quand il serait empereur, lui dit : « Voyant l'empire avili par les tyrans que je viens de vous nommer, j'ai voulu prendre conseil de vous sur la manière de le relever dans l'estime des hommes. ‑ Un jour, dit Apollonius, un joueur de flûte des plus habiles envoya ses élèves chez les plus mauvais joueurs de flûte pour leur apprendre comment il ne faut pas jouer. Vous savez maintenant, Vespasien, comment il ne faut pas régner : vos prédécesseurs vous l'ont appris. Réfléchissons maintenant à la manière de bien régner. »
Étant en prison à Rome, sous Domitien, il fit aux prisonniers un discours pour les rappeler au courage et à la résignation, et leur dit :
« Tous tant que nous sommes, nous sommes en prison pendant la durée de ce qu'on appelle la vie. Notre âme, liée à ce corps périssable, souffre des maux nombreux, et est l'esclave de toutes les nécessités de la condition d'homme. »
Dans sa prison, répondant à un émissaire de Domitien qui l'engageait à charger Nerva pour obtenir sa liberté, il dit : « Mon ami, si j'ai été mis aux fers pour avoir dit la vérité à Domitien, que m'arrivera-t-il pour avoir menti ? L'empereur croit que c'est la franchise qui mérite les fers, et moi je crois que c'est le mensonge. »
Dans une lettre à Euphrate : « J'ai demandé à des riches s'ils n'avaient pas de soucis. « Comment n'en aurions nous point ? » me dirent-ils. ‑ « Et d'où viennent donc vos soucis ? ‑ De nos richesses. »
Euphrate, je vous plains, car vous venez de vous enrichir. »
Au même : « Les hommes les plus sages sont les plus brefs dans leurs discours. Si les bavards souffraient ce qu'ils font souffrir aux autres, ils ne parleraient pas tant. »
Autre à Criton : « Pythagore a dit que la médecine est le plus divin des arts. Si la médecine est l'art le plus divin, il faut que le médecin s'occupe de l'âme en même temps que du corps. Comment un être serait-il sain, quand la partie la plus importante de lui-même serait malade ? »
Autre aux platoniciens : « Si l'on offre de l'argent à Apollonius, et qu'on lui paraisse estimable, il ne fera pas de difficultés de l'accepter, pour peu qu'il en ait besoin. Mais un salaire pour ce qu'il enseigne, jamais, même dans le besoin, il ne l'acceptera. »
Autre à Valérius : « Personne ne meurt, si ce n'est en apparence, de même que personne ne naît, si ce n'est en apparence. En effet, le passage de l'essence à la substance, voilà ce qu'on appelle naître ; et ce qu'on a appelé mourir, c'est, au contraire, le passage de la substance à l'essence.»
Aux sacrificateurs d'Olympie : « Les dieux n'ont pas besoin de sacrifices. Que faut-il donc faire pour leur être agréable ? Il faut, si je ne me trompe, chercher à acquérir la divine sagesse, et rendre, autant qu'on le peut, des services à ceux qui le méritent. Voilà ce qu'aiment les dieux. Les impies eux-mêmes peuvent faire des sacrifices. »
Aux Ephésiens du temple de Diane : « Vous avez conservé tous les rites des sacrifices, tout le faste de la royauté. Comme banqueteurs et joyeux convives, vous êtes irréprochables ; mais que de reproches n'a-t-on pas à vous faire, comme voisins de la déesse nuit et jour ! N'est-ce pas de votre milieu que sortent tous les filous, les brigands, les marchands d'esclaves, tous les hommes injustes et impies ? Le temple est un repaire de voleurs. »
A ceux qui se croient sages : « Vous dites que vous êtes de mes disciples ? Eh bien ! ajoutez que vous vous tenez toujours chez vous, que vous n'allez jamais aux thermes, que vous ne tuez pas d'animaux, que vous ne mangez pas de viande, que vous êtes libres de toute passion, de l'envie, de la malignité, de la haine, de la calomnie, du ressentiment, qu'enfin vous êtes du nombre des hommes libres. N'allez pas faire comme ceux qui, par des discours mensongers, font croire qu'ils vivent d'une manière, tandis qu'ils vivent d'une manière tout opposée. »
A son frère Hestiée : « Partout je suis regardé comme un homme divin ; en quelques endroits même on me prend pour un dieu. Dans ma patrie, au contraire, je suis jusqu'ici méconnu. Faut-il s'en étonner ? Vous-mêmes, mes frères, je le vois, vous n'êtes pas encore convaincus que je sois supérieur à bien des hommes pour la parole et pour les mœurs. Et comment mes concitoyens et mes parents se sont-ils trompés à mon égard ? Hélas ! cette erreur m'est bien douloureuse ! je sais qu'il est beau de considérer toute la terre comme sa patrie et tous les hommes comme ses frères et ses amis, puisque tous descendent de Dieu et sont d'une même nature, puisque tous ont également les mêmes passions, puisque tous sont hommes également, qu'ils soient nés Grecs ou barbares. »
Étant à Catane, en Sicile, dans une instruction donnée à ses disciples, il dit en parlant de l'Etna : « A les entendre, sous cette montagne gémit enchaîné quelque géant, Typhée ou Encelade, qui, dans sa longue agonie, vomit tout ce feu. J'accorde qu'il a existé des géants ; car, en divers endroits, des tombeaux entr'ouverts nous ont fait voir des ossements qui indiquent des hommes d'une taille extraordinaire ; mais je ne saurais admettre qu'ils soient entrés en lutte avec les dieux ; tout au plus peut-être ont-ils outragé leurs temples et leurs statues. Mais qu'ils aient escaladé le ciel et en aient chassé les dieux, il est insensé de le dire, il est insensé d'y croire. Une autre fable, qui paraît moins irrévérente envers les dieux, et dont cependant nous ne devons pas faire plus de cas, c'est que Vulcain travaille à la forge dans les profondeurs de l'Etna, et qu'il y fait sans cesse retentir l'enclume. Il y a, sur différents points de la terre, d'autres volcans, et l'on ne s'avise pas de dire qu'il y ait autant de géants et de Vulcains. »
Certains lecteurs auraient trouvé peut-être plus intéressant que nous citassions les prodiges d'Apollonius pour les commenter et les expliquer ; mais nous avons tenu avant tout à montrer en lui le philosophe et le sage plutôt que le thaumaturge. On peut prendre ou rejeter tout ce que l'on voudra des faits merveilleux qu'on lui attribue, mais nous croyons difficile qu'un homme qui dit de telles paroles, qui professe et pratique de tels principes, soit un jongleur, un fourbe, ou un possédé du démon.
En fait de prodiges, nous n'en citerons qu'un seul qui témoigne suffisamment d'une des facultés dont il était doué.
Après un récit détaillé du meurtre de Domitien, Philostrate ajoute :
« Tandis que ces faits se passaient à Rome, Apollonius les voyait à Éphèse. Domitien fut assailli par Clément vers midi ; le même jour, au même moment, Apollonius dissertait dans les jardins attenant aux xistes. Tout d'un coup il baissa un peu la voix comme s'il eût été saisi d'une frayeur subite. Il continua son discours, mais son langage n'avait pas sa force ordinaire, ainsi qu'il arrive à ceux qui parlent en songeant à autre chose. Puis il se tut comme font ceux qui ont perdu le fil de leur discours ; il lança vers la terre des regards effrayants, fit trois ou quatre pas en avant, et s'écria : « Frappe le tyran ! frappe ! » On eût dit qu'il voyait, non l'image du fait dans un miroir, mais le fait lui-même dans toute sa réalité. Les Éphésiens (car Éphèse tout entière assistait au discours d'Apollonius) furent frappés d'étonnement. Apollonius s'arrêta, semblable à un homme qui cherche à voir l'issue d'un événement douteux. Enfin il s'écria : « Ayez bon courage, Éphésiens. Le tyran a été tué aujourd'hui. Que dis-je aujourd'hui ? Par Minerve ! il vient d'être tué à l'instant même, pendant que je me suis interrompu. » Les Éphésiens crurent qu'Apollonius avait perdu l'esprit ; ils désiraient vivement qu'il eût dit la vérité, mais ils craignaient que quelque danger ne résultât pour eux de ce discours. « Je ne m'étonne pas, dit Apollonius, si l'on ne me croit pas encore : Rome elle-même ne le sait pas tout entière. Mais voici qu'elle l'apprend, la nouvelle se répand, déjà des milliers de citoyens la croient ; cela fait sauter de joie le double de ces hommes, et le quadruple, et le peuple, tout entier. Le bruit en viendra jusqu'ici ; vous pouvez différer, jusqu'au moment où vous serez instruits du fait, le sacrifice que vous devez offrir aux dieux à cette occasion ; quant à moi, je m'en vais leur rendre grâces de ce que j'ai vu. » Les Éphésiens restèrent dans leur incrédulité ; mais bientôt des messagers vinrent leur annoncer la bonne nouvelle et rendre témoignage en faveur de la science d'Apollonius ; car le meurtre du tyran, le jour où il fut consommé, l'heure de midi, l'auteur du meurtre qu'avait encouragé Apollonius, tous ces détails se trouvèrent parfaitement conformes à ceux que les dieux lui avaient montrés le jour de son discours aux Ephésiens. »
Il n'en fallait pas davantage, à cette époque, pour le faire passer pour un homme divin. De nos jours nos savants l'eussent traité de visionnaire ; pour nous, il était doué de la seconde vue dont le Spiritisme donne l'explication. (Voir la théorie du somnambulisme et de la double vue dans le Livre des Esprits, n° 455.)
Sa mort a présenté un autre prodige. Étant entré, un soir, dans le temple de Dictynne à Linde, en Crète, malgré les chiens féroces qui en gardaient l'entrée, et qui, au lieu d'aboyer à son arrivée, vinrent le caresser, il fut arrêté par les gardiens du temple pour ce fait, comme magicien, et chargé de chaînes. Pendant la nuit il disparut à la vue des gardiens, sans laisser de traces et sans qu'on ait retrouvé son corps. On entendit alors, dit-on, des voix de jeunes filles qui chantaient : « Quittez la terre ; allez au ciel, allez ! » comme pour l'engager à s'élever de la terre dans les régions supérieures.
Philostrate termine ainsi le récit de sa vie :
« Même depuis sa disparition, Apollonius a soutenu l'immortalité de l'âme, et enseigné que ce qu'on dit à ce sujet est vrai. Il y avait alors à Tyane un certain nombre de jeunes gens épris de philosophie ; la plupart de leurs discussions roulaient sur l'âme. L'un d'eux ne pouvait admettre qu'elle fût immortelle. « Voici dix mois, disait-il, que je prie Apollonius de me révéler la vérité sur l'immortalité de l'âme ; mais il est si bien mort que mes prières sont vaines, et qu'il ne m'est apparu, pas même pour me prouver qu'il fût immortel. » Cinq jours après il parla du même sujet avec ses compagnons, puis il s'endormit dans le lieu même où avait eu lieu la discussion. Tout d'un coup il bondit comme en proie à un accès de démence : il était à moitié endormi et couvert de sueur. « Je te crois, » s'écria-t-il. Ses camarades lui demandèrent ce qu'il avait. « Ne voyez-vous pas, leur répondit-il, le sage Apollonius ? Il est au milieu de nous, écoute notre discussion, et récite sur l'âme des chants mélodieux. ‑ Où est-il ? dirent les autres, car nous ne le voyons pas, et c'est un bonheur que nous préfererions à tous les biens de la terre. ‑ Il paraît qu'il est venu pour moi seul : il veut m'instruire de ce que je refusais de croire. Ecoutez donc, écoutez les chants divins qu'il me fait entendre :
« L'âme est immortelle ; elle n'est pas à vous, elle est à la Providence. Quand le corps est épuisé, semblable à un coursier rapide qui franchit la carrière, l'âme s'élance et se précipite au milieu des espaces éthérés, pleine de mépris pour le triste et rude esclavage qu'elle a souffert. Mais que vous importent ces choses ! Vous les connaîtrez quand vous ne serez plus. Tant que vous êtes parmi les vivants, pourquoi chercher à pénétrer ces mystères ? »
« Tel est l'oracle si clair qu'a rendu Apollonius sur les destinées de l'âme ; il a voulu que, connaissant notre nature, nous marchions le cœur content au but que nous fixent les Parques. »
L'apparition d'Apollonius après sa mort est traitée d'hallucination par la plupart de ses commentateurs, chrétiens ou autres, qui ont prétendu que le jeune homme avait l'imagination frappée par le désir même qu'il avait de le voir, ce qui fait qu'il a cru le voir. Cependant l'Église a de tout temps admis ces sortes d'apparitions ; elle en cite beaucoup d'exemples qu'elle reconnaît comme authentiques. Le Spiritisme vient expliquer le phénomène, fondé sur les propriétés du périsprit, enveloppe ou corps fluidique de l'Esprit, qui, par une sorte de condensation, prend une apparence visible, et peut, comme on le sait, en prendre une tangible. Sans la connaissance de la loi constitutive des Esprits, ce phénomène est merveilleux ; cette loi connue, le merveilleux disparaît pour faire place à un phénomène naturel. (Voir dans le Livre des Médiums la théorie des manifestations visuelles, chapitre VI.) En admettant que ce jeune homme eût été le jouet d'une illusion, il resterait aux négateurs à expliquer les paroles qu'il prête à Apollonius, paroles sublimes et tout opposées aux idées qu'il venait de soutenir un instant auparavant.
Que manquait-il à Apollonius pour être chrétien ? Bien peu de chose, comme on le voit. A Dieu ne plaise que nous établissions un parallèle entre lui et le Christ ! Ce qui prouve l'incontestable supériorité de celui-ci, et la divinité de sa mission, c'est la révolution produite dans le monde entier par la doctrine que lui, obscur, et ses apôtres aussi obscurs que lui, ont prêchée, tandis que celle d'Apollonius est morte avec lui. Il y aurait donc impiété à le poser en rival du Christ ! Mais, si l'on veut bien faire attention à ce qu'il dit au sujet du culte païen, on verra qu'il en condamne les formes superstitieuses et leur porte un coup terrible pour y substituer des idées plus saines. S'il eût parlé ainsi au temps de Socrate, il aurait, comme ce dernier, payé de sa vie ce qu'on aurait appelé son impiété ; mais à l'époque où il vivait, les croyances païennes avaient fait leur temps, et il était écouté. Par sa morale, il a préparé les païens au milieu desquels il vivait à recevoir avec moins de difficulté les idées chrétiennes, auxquelles il a servi de transition. Nous croyons donc être dans le vrai en disant qu'il a servi de trait d'union entre le paganisme et le christianisme. Sous ce rapport, peut-être a-t-il eu aussi sa mission. Il pouvait être écouté des Païens, et ne l'eût pas été des Juifs.
[1] Appolonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges ; par Philostrate. Nouvelle traduction faite sur le texte grec, par M. Chassang, maître des conférences à l'École normale. - 1 vol. in‑12 de 500 pages. Prix, 3 fr 50 ; chez MM. Didier et Ce, éditeurs, quai des Augustin, 35, à Paris.
Réponse à l'abeille agénaise, par M. Dombre
On lit dans l'Abeille agenaise du 25 mai 1862 l'article suivant :
« Nous avons sous les yeux un écrit d'une grâce charmante intitulé : Entretiens spirites. L'auteur de Cazenove de Pradines, ancien président de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen, a tout récemment laissé à M. Magen le plaisir et le soin d'en donner lecture à notre Académie. Inutile de dire avec quel intérêt cette communication a été accueillie.
« M. de Cazenove résume ainsi les doctrines de la nouvelle secte, en les tirant du Livre des Esprits :
« 1° Les Esprits d'un ordre élevé ne font généralement sur la terre que des séjours d'une courte durée.
« 2° Les Esprits vulgaires y sont en quelque sorte sédentaires et constituent la masse de la population ambiante du monde invisible. Ils ont conservé, à peu de chose près, les mêmes goûts et les mêmes penchants qu'ils avaient sous leur enveloppe corporelle. Ne pouvant satisfaire leurs passions, ils jouissent de ceux qui s'y abandonnent et les excitent.
« 3° Les Esprits inférieurs seuls peuvent regretter les joies qui sympathisent avec l'impureté de leur nature.
« 4° Les Esprits ne peuvent dégénérer ; ils peuvent rester stationnaires mais ils ne rétrogradent pas.
« 5° Tous les Esprits deviendront parfaits.
« 6° Les Esprits imparfaits cherchent à s'emparer de l'homme, à le dominer ; ils sont heureux de le faire succomber.
« 7° Les Esprits sont attirés en raison de leur sympathie pour la nature morale du milieu qui les évoque. Les Esprits inférieurs empruntent souvent des noms vénérés pour mieux induire en erreur.
« D'après ces données, M. de Cazenove, avec la finesse et la sagacité du talent qui le caractérisent, a composé deux entretiens dans lesquels il touche aux deux extrémités du corps social. Par l'organe d'un médium (supposé), il évoque d'un côté les Esprits inférieurs, personnifiés dans la figure d'un brigand célèbre, de Cartouche, par exemple, et les admet à un singulier colloque qui démontre la perversité d'une semblable doctrine. D'un autre côté, ce sont les Esprits d'un ordre élevé qui entrent en relation avec les hommes de l'époque contemporaine. Le contraste est piquant, sans doute, et nul n'a su rendre avec plus de fidélité, de tact et de bonheur, tout ce que la doctrine épicurienne, résumée dans l'Esprit d'Horace et de Lucrèce, renferme d'aperçus déplorables et décevants.
« Nous regrettons vivement de ne pouvoir mettre en entier sous les yeux de nos lecteurs le travail de M. de Cazenove. Ils auraient applaudi, nous en sommes certain, non seulement à la forme irréprochable et parfaitement académique de cet écrit, mais encore à la haute pensée morale qui le domine, puisqu'il condamne sans faiblesse un système plein de séductions et de véritables dangers.
J. Serret. »
Réponse de M. Dombre
Monsieur le rédacteur,
J'ai le premier goûté les aperçus fins et délicats jetés par M. de Cazenove de Pradines dans le domaine de la doctrine spirite. L'écrit ayant pour titre : Entretiens spirites, que j'ai eu en ma possession, et dont il est fait mention dans votre estimable feuille de dimanche 25 mai, est en effet d'une grâce charmante, et ne dément point le caractère de sagacité du talent qui distingue son auteur. Cet écrit est une fleur dont j'admire les couleurs et l'éclat, et dont je me garderai, pour le moment, d'altérer le velouté par le contact du moindre mot de critique indiscrète ; mais votre enthousiasme pour ces dialogues piquants, plus spirituels qu'offensifs pour la doctrine, vous ont fait énoncer des erreurs qu'il est du devoir de tout bon Spirite, et du mien principalement, de vous faire remarquer.
Je dois dire tout d'abord que les citations choisies çà et là dans le Livre des Esprits sont groupées avec art pour présenter la doctrine sous un jour défavorable ; mais tout homme prudent et de bonne foi voudra lire en entier le Livre des Esprits et le méditer.
1° Vous parlez des doctrines de la nouvelle secte. Le Spiritisme, permettez-moi de vous le dire, n'est ni une religion ni une secte. Le Spiritisme est un enseignement donné aux hommes par les Esprits qui peuplent l'espace et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu. Nous subissons à notre insu leur influence de tous les instants ; ils sont une puissance de la nature, comme l'électricité en est une autre à un autre point de vue ; leur existence et leur présence se constatent par des faits évidents et palpables.
2° Vous dites : La perversité d'une semblable doctrine. Prenez garde ! Le Spiritisme n'est autre que le christianisme dans sa pureté, il n'a d'autre devise inscrite sur sa bannière que : Amour et charité. Est-ce donc là de la perversité ?
3° Enfin, vous parlez d'un système plein de séductions et de véritables dangers. Oui, il est plein de séductions, plein d'attraits, parce qu'il est beau, grand, juste, consolant et digne en tous points de la perfection de Dieu. Ses dangers, où sont-ils ? On les cherche en vain dans la pratique du Spiritisme ; on n'y trouve que consolation et amélioration morale. Demandez à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Metz, etc., quel est l'effet produit sur les masses par cette nouvelle croyance. Lyon surtout vous dira à quelle source ses ouvriers sans travail ont puisé tant de résignation et de force pour supporter des privations de toutes sortes.
J'ignore si les libraires d'Agen se sont déjà pourvus des livres ci-après : Qu'est-ce que le Spiritisme ? ‑ le Livre des Esprits, le Livre des Médiums ; mais je désire de tout mon cœur que votre petit compte rendu éveille l'attention des indifférents, fasse rechercher ces ouvrages et former un noyau spirite dans le chef-lieu de notre département. Cette doctrine, destinée à régénérer le monde, marche à pas de géant, et Agen serait-elle une des dernières villes où le Spiritisme viendrait prendre droit de cité ? Votre petit article est, je le considère ainsi, comme une pierre que vous apportez à l'édifice, et j'admire une fois de plus les moyens dont Dieu se sert pour arriver à ses fins.
« Votre impartialité et votre désir d'arriver, par la discussion, à la vérité me sont un sûr garant que vous admettrez dans les colonnes de votre journal ma lettre en réponse à votre article du 25 mai.
«Agréez, etc.
Dombre (de Marmande). »
A cette lettre, le rédacteur se borne, dans son journal du 1er juin, à dire ceci :
« M. Dombre nous écrit de Marmande au sujet de nos réflexions sur le Livre des Esprits et les dialogues qu'il a suggérés à l'honorable M. de Cazenove de Pradines. Ce nouvel enseignement, comme veut bien l'appeler M. Dombre, ne saurait avoir à nos yeux la même valeur et le même prestige qu'il semble exercer à l'endroit de notre spirituel correspondant.
(M. Dombre a envoyé plusieurs fois à ce journal des pièces de vers et autres.)
« Nous respectons les convictions de nos contradicteurs, alors même qu'elles reposent sur des principes erronés ; mais nous croyons devoir maintenir, malgré la défense loyale et sincère que M. Dombre entreprend de cette doctrine, l'expression d'un sentiment sur un système complètement en dehors des voies de la vérité.
« L'Abeille agenaise ne saurait par conséquent se livrer à la propagande d'idées essentiellement périlleuses, et M. Dombre comprendra tout le regret que nous éprouvons de ne pouvoir nous associer à la manifestation de ses désirs.
« J. Serret. »
Remarque. - Se réserver le droit d'attaquer, ne pas admettre la réponse, c'est un moyen commode d'avoir raison ; reste à savoir si c'est celui d'arriver à la vérité. Si une doctrine qui a pour base fondamentale la charité et l'amour du prochain, qui rend les hommes meilleurs, qui leur fait renoncer aux habitudes de désordre, qui donne la foi à ceux qui ne croyaient à rien, qui fait prier ceux qui ne priaient plus, qui ramène l'union dans les familles divisées, qui empêche le suicide ; si, disons-nous, une telle doctrine est perverse, que seront donc celles qui sont impuissantes à produire ces résultats ? M. Serret craint d'aider à la propagation par une polémique, c'est pourquoi il aime mieux parler tout seul. Eh bien ! qu'il parle seul tant qu'il voudra, le résultat n'en sera pas moins ce qu'il a été partout : appeler l'attention et recruter des partisans à la doctrine.
A. K.
J'ai le premier goûté les aperçus fins et délicats jetés par M. de Cazenove de Pradines dans le domaine de la doctrine spirite. L'écrit ayant pour titre : Entretiens spirites, que j'ai eu en ma possession, et dont il est fait mention dans votre estimable feuille de dimanche 25 mai, est en effet d'une grâce charmante, et ne dément point le caractère de sagacité du talent qui distingue son auteur. Cet écrit est une fleur dont j'admire les couleurs et l'éclat, et dont je me garderai, pour le moment, d'altérer le velouté par le contact du moindre mot de critique indiscrète ; mais votre enthousiasme pour ces dialogues piquants, plus spirituels qu'offensifs pour la doctrine, vous ont fait énoncer des erreurs qu'il est du devoir de tout bon Spirite, et du mien principalement, de vous faire remarquer.
Je dois dire tout d'abord que les citations choisies çà et là dans le Livre des Esprits sont groupées avec art pour présenter la doctrine sous un jour défavorable ; mais tout homme prudent et de bonne foi voudra lire en entier le Livre des Esprits et le méditer.
1° Vous parlez des doctrines de la nouvelle secte. Le Spiritisme, permettez-moi de vous le dire, n'est ni une religion ni une secte. Le Spiritisme est un enseignement donné aux hommes par les Esprits qui peuplent l'espace et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu. Nous subissons à notre insu leur influence de tous les instants ; ils sont une puissance de la nature, comme l'électricité en est une autre à un autre point de vue ; leur existence et leur présence se constatent par des faits évidents et palpables.
2° Vous dites : La perversité d'une semblable doctrine. Prenez garde ! Le Spiritisme n'est autre que le christianisme dans sa pureté, il n'a d'autre devise inscrite sur sa bannière que : Amour et charité. Est-ce donc là de la perversité ?
3° Enfin, vous parlez d'un système plein de séductions et de véritables dangers. Oui, il est plein de séductions, plein d'attraits, parce qu'il est beau, grand, juste, consolant et digne en tous points de la perfection de Dieu. Ses dangers, où sont-ils ? On les cherche en vain dans la pratique du Spiritisme ; on n'y trouve que consolation et amélioration morale. Demandez à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Metz, etc., quel est l'effet produit sur les masses par cette nouvelle croyance. Lyon surtout vous dira à quelle source ses ouvriers sans travail ont puisé tant de résignation et de force pour supporter des privations de toutes sortes.
J'ignore si les libraires d'Agen se sont déjà pourvus des livres ci-après : Qu'est-ce que le Spiritisme ? ‑ le Livre des Esprits, le Livre des Médiums ; mais je désire de tout mon cœur que votre petit compte rendu éveille l'attention des indifférents, fasse rechercher ces ouvrages et former un noyau spirite dans le chef-lieu de notre département. Cette doctrine, destinée à régénérer le monde, marche à pas de géant, et Agen serait-elle une des dernières villes où le Spiritisme viendrait prendre droit de cité ? Votre petit article est, je le considère ainsi, comme une pierre que vous apportez à l'édifice, et j'admire une fois de plus les moyens dont Dieu se sert pour arriver à ses fins.
« Votre impartialité et votre désir d'arriver, par la discussion, à la vérité me sont un sûr garant que vous admettrez dans les colonnes de votre journal ma lettre en réponse à votre article du 25 mai.
«Agréez, etc.
Dombre (de Marmande). »
A cette lettre, le rédacteur se borne, dans son journal du 1er juin, à dire ceci :
« M. Dombre nous écrit de Marmande au sujet de nos réflexions sur le Livre des Esprits et les dialogues qu'il a suggérés à l'honorable M. de Cazenove de Pradines. Ce nouvel enseignement, comme veut bien l'appeler M. Dombre, ne saurait avoir à nos yeux la même valeur et le même prestige qu'il semble exercer à l'endroit de notre spirituel correspondant.
(M. Dombre a envoyé plusieurs fois à ce journal des pièces de vers et autres.)
« Nous respectons les convictions de nos contradicteurs, alors même qu'elles reposent sur des principes erronés ; mais nous croyons devoir maintenir, malgré la défense loyale et sincère que M. Dombre entreprend de cette doctrine, l'expression d'un sentiment sur un système complètement en dehors des voies de la vérité.
« L'Abeille agenaise ne saurait par conséquent se livrer à la propagande d'idées essentiellement périlleuses, et M. Dombre comprendra tout le regret que nous éprouvons de ne pouvoir nous associer à la manifestation de ses désirs.
« J. Serret. »
Remarque. - Se réserver le droit d'attaquer, ne pas admettre la réponse, c'est un moyen commode d'avoir raison ; reste à savoir si c'est celui d'arriver à la vérité. Si une doctrine qui a pour base fondamentale la charité et l'amour du prochain, qui rend les hommes meilleurs, qui leur fait renoncer aux habitudes de désordre, qui donne la foi à ceux qui ne croyaient à rien, qui fait prier ceux qui ne priaient plus, qui ramène l'union dans les familles divisées, qui empêche le suicide ; si, disons-nous, une telle doctrine est perverse, que seront donc celles qui sont impuissantes à produire ces résultats ? M. Serret craint d'aider à la propagation par une polémique, c'est pourquoi il aime mieux parler tout seul. Eh bien ! qu'il parle seul tant qu'il voudra, le résultat n'en sera pas moins ce qu'il a été partout : appeler l'attention et recruter des partisans à la doctrine.
A. K.
Membres honoraires de la Société de Paris
La Société spirite de Paris, pour donner un témoignage de sa sympathie et de sa gratitude envers les personnes qui rendent des services signalés et effectifs à la cause du Spiritisme, par leur zèle, leur dévouement, leur désintéressement, et qui au besoin savent payer de leur personne, leur confère le titre de membre honoraire. Elle se plaît à reconnaître ainsi le concours qu'apportent à l'œuvre commune les chefs et fondateurs des sociétés ou groupes qui se placent sous le même drapeau et qui sont dirigés selon les principes du Spiritisme sérieux, en vue d'obtenir des résultats moraux. Les motifs qui la guident sont moins les paroles que les actes. Elle en compte non seulement dans plusieurs villes de France et de l'Algérie, mais dans les pays étrangers : en Italie, en Espagne, en Autriche, en Pologne, à Constantinople, en Amérique, etc.
M. Dombre, de Marmande, qui, depuis qu'il est initié au Spiritisme, n'a cessé de s'en faire ouvertement le propagateur et le défenseur, méritait cette distinction. En lui annonçant sa nomination, nous lui avions demandé s'il nous autorisait à publier sa lettre au Père F… (V. l'article du mois précédent.) Sa réponse mérite d'être citée ; elle montre de quelle manière certains adeptes comprennent leur rôle.
« Marmande, 10 août 1862.
« Monsieur Allan Kardec,
« J'accepte avec reconnaissance le titre de membre honoraire de la Société spirite de Paris. Pour répondre à une telle distinction, qui oblige, et au témoignage de sympathie de la part des membres de cette société qui ont bien voulu me conférer ce titre, je ferai partout et toujours des efforts pour aider, dans la mesure de mes moyens, à la propagation d'une doctrine qui fait mon bonheur ici-bas et fera aussi, dans un temps plus ou moins éloigné, celui de ceux qui veulent garder encore sur leurs yeux le bandeau de l'incrédulité. Je ne vois aucun obstacle, aucun inconvénient à la publication de ma réponse au directeur de l'Abeille agénaise et de ma lettre au P. F…. Ma lettre à ce dernier est signée : Un catholique ; je pense bien qu'aucun des lecteurs de la Revue ne pensera que l'auteur ait voulu se cacher sous le voile de l'anonyme : le respect humain n'a pas prise sur moi ; je ris des rieurs, parce que je suis dans la vérité. Tout bon Spirite doit, par son exemple, donner de l'énergie aux adeptes timides et leur apprendre à porter haut et ferme l'étendard de leur croyance.
« Marmande, 10 août 1862.
« Monsieur Allan Kardec,
« J'accepte avec reconnaissance le titre de membre honoraire de la Société spirite de Paris. Pour répondre à une telle distinction, qui oblige, et au témoignage de sympathie de la part des membres de cette société qui ont bien voulu me conférer ce titre, je ferai partout et toujours des efforts pour aider, dans la mesure de mes moyens, à la propagation d'une doctrine qui fait mon bonheur ici-bas et fera aussi, dans un temps plus ou moins éloigné, celui de ceux qui veulent garder encore sur leurs yeux le bandeau de l'incrédulité. Je ne vois aucun obstacle, aucun inconvénient à la publication de ma réponse au directeur de l'Abeille agénaise et de ma lettre au P. F…. Ma lettre à ce dernier est signée : Un catholique ; je pense bien qu'aucun des lecteurs de la Revue ne pensera que l'auteur ait voulu se cacher sous le voile de l'anonyme : le respect humain n'a pas prise sur moi ; je ris des rieurs, parce que je suis dans la vérité. Tout bon Spirite doit, par son exemple, donner de l'énergie aux adeptes timides et leur apprendre à porter haut et ferme l'étendard de leur croyance.
« Veuillez, monsieur, présenter mes sincères remerciements à l'honorable Société dont je me félicite aujourd'hui de faire partie, et agréer, etc.
Dombre, propriétaire. »
La crainte du qu'en dira-t-on ? a singulièrement diminué aujourd'hui, en ce qui concerne le Spiritisme, et le nombre de ceux qui cachent leur opinion est bien minime ; il ne se compose plus guère que de ceux qui craignent de perdre une position qui les fait vivre, et dans ce nombre il y a beaucoup plus de prêtres qu'on ne croit ; nous en connaissons personnellement plus de cent. Mais, à part cela, nous remarquons dans toutes les positions sociales, parmi les fonctionnaires publics, les officiers de tous grades, les médecins, etc., une foule de gens qui, il y a un an seulement, ne se seraient pas avoués Spirites, et qui, aujourd'hui, s'en font honneur. Ce courage de l'opinion qui brave la raillerie a pour conséquence, d'abord, de donner du coupage aux timides ; en second lieu, de montrer que le nombre des adeptes est plus grand qu'on ne croyait ; enfin d'imposer silence aux railleurs, surpris d'entendre partout retentir à leurs oreilles le mot de Spiritisme, par des gens que l'on regarde à deux fois avant de bafouer. Aussi remarque-t-on que les railleurs ont singulièrement baissé de ton depuis quelque temps ; encore quelques années comme celles qui viennent de s'écouler, et leur rôle sera fini, parce qu'ils se verront débordés de toutes parts par l'opinion.
M. Dombre n'a pas seulement le courage de son opinion, il a celui de l'action ; il monte résolument sur la brèche et fait tête à ses adversaires en les provoquant à la discussion, et voilà qu'un journaliste se récuse une fin de non-recevoir qui trahit sa faiblesse, et un prédicateur à qui la plus belle occasion est offerte de faire valoir ses arguments et de donner un coup de massue à la doctrine, et qui s'en va en disant qu'il n'a pas le temps de répondre. N'est-ce pas là déserter le champ de bataille ? S'il était sûr de lui, si la religion était en cause, que ne restait-il pour terrasser son antagoniste ? En pareil cas, quitter la partie, c'est la perdre. Un prédicateur a un avantage immense sur l'avocat, c'est qu'il parle sans contradicteur ; il peut dire tout ce qu'il veut, personne ne le réfute. C'est, à ce qu'il paraît, de cette façon que les adversaires du Spiritisme entendent la controverse.
M. Dombre n'est pas le seul qui, à l'occasion, ait su tenir tête à l'orage : Bordeaux, Lyon et bien d'autres villes moins importantes, de simples villages même nous en ont offert de nombreux exemples, qui se multiplieront chaque jour ; et partout où les adeptes ont montré de la fermeté et de l'énergie, les antagonistes ont modéré leur jactance.
Jusqu'à présent ce courage de l'opinion et de l'action s'est rencontré bien plus dans les classes moyennes et obscures que dans les classes élevées ; mais qu'un homme d'un nom populaire, justement estimé et honoré, influent par ses talents, sa position ou son rang, prenne un jour en main la cause du Spiritisme et en arbore ouvertement le drapeau, osera-t-on taxer de folie celui dont on aura exalté le talent et le génie ? sa voix n'imposera-t-elle pas silence aux clameurs de l'incrédulité ? Eh bien ! cet homme surgira, je vous le certifie ; à sa voix les dissidents se rallieront, cédant à l'influence de son autorité morale ; lui aussi aura sa mission, mission providentielle comme celle de tous les hommes qui font avancer l'humanité, mission générale comme beaucoup d'autres sont particulières et locales ; ces dernières, quoique plus modestes, n'en ont pas moins leur utilité relative, car elles préparent les voies ; c'est alors que le Spiritisme entrera à pleines voiles dans les mœurs et les modifiera profondément, parce que les idées seront différentes sur toutes choses. Nous semons et il moissonnera, ou mieux, ils moissonneront, car bien d'autres suivront ses traces. Spirites, semez, semez beaucoup ! afin que la moisson soit plus abondante et plus facile. Le passé vous est garant de l'avenir.
Dombre, propriétaire. »
La crainte du qu'en dira-t-on ? a singulièrement diminué aujourd'hui, en ce qui concerne le Spiritisme, et le nombre de ceux qui cachent leur opinion est bien minime ; il ne se compose plus guère que de ceux qui craignent de perdre une position qui les fait vivre, et dans ce nombre il y a beaucoup plus de prêtres qu'on ne croit ; nous en connaissons personnellement plus de cent. Mais, à part cela, nous remarquons dans toutes les positions sociales, parmi les fonctionnaires publics, les officiers de tous grades, les médecins, etc., une foule de gens qui, il y a un an seulement, ne se seraient pas avoués Spirites, et qui, aujourd'hui, s'en font honneur. Ce courage de l'opinion qui brave la raillerie a pour conséquence, d'abord, de donner du coupage aux timides ; en second lieu, de montrer que le nombre des adeptes est plus grand qu'on ne croyait ; enfin d'imposer silence aux railleurs, surpris d'entendre partout retentir à leurs oreilles le mot de Spiritisme, par des gens que l'on regarde à deux fois avant de bafouer. Aussi remarque-t-on que les railleurs ont singulièrement baissé de ton depuis quelque temps ; encore quelques années comme celles qui viennent de s'écouler, et leur rôle sera fini, parce qu'ils se verront débordés de toutes parts par l'opinion.
M. Dombre n'a pas seulement le courage de son opinion, il a celui de l'action ; il monte résolument sur la brèche et fait tête à ses adversaires en les provoquant à la discussion, et voilà qu'un journaliste se récuse une fin de non-recevoir qui trahit sa faiblesse, et un prédicateur à qui la plus belle occasion est offerte de faire valoir ses arguments et de donner un coup de massue à la doctrine, et qui s'en va en disant qu'il n'a pas le temps de répondre. N'est-ce pas là déserter le champ de bataille ? S'il était sûr de lui, si la religion était en cause, que ne restait-il pour terrasser son antagoniste ? En pareil cas, quitter la partie, c'est la perdre. Un prédicateur a un avantage immense sur l'avocat, c'est qu'il parle sans contradicteur ; il peut dire tout ce qu'il veut, personne ne le réfute. C'est, à ce qu'il paraît, de cette façon que les adversaires du Spiritisme entendent la controverse.
M. Dombre n'est pas le seul qui, à l'occasion, ait su tenir tête à l'orage : Bordeaux, Lyon et bien d'autres villes moins importantes, de simples villages même nous en ont offert de nombreux exemples, qui se multiplieront chaque jour ; et partout où les adeptes ont montré de la fermeté et de l'énergie, les antagonistes ont modéré leur jactance.
Jusqu'à présent ce courage de l'opinion et de l'action s'est rencontré bien plus dans les classes moyennes et obscures que dans les classes élevées ; mais qu'un homme d'un nom populaire, justement estimé et honoré, influent par ses talents, sa position ou son rang, prenne un jour en main la cause du Spiritisme et en arbore ouvertement le drapeau, osera-t-on taxer de folie celui dont on aura exalté le talent et le génie ? sa voix n'imposera-t-elle pas silence aux clameurs de l'incrédulité ? Eh bien ! cet homme surgira, je vous le certifie ; à sa voix les dissidents se rallieront, cédant à l'influence de son autorité morale ; lui aussi aura sa mission, mission providentielle comme celle de tous les hommes qui font avancer l'humanité, mission générale comme beaucoup d'autres sont particulières et locales ; ces dernières, quoique plus modestes, n'en ont pas moins leur utilité relative, car elles préparent les voies ; c'est alors que le Spiritisme entrera à pleines voiles dans les mœurs et les modifiera profondément, parce que les idées seront différentes sur toutes choses. Nous semons et il moissonnera, ou mieux, ils moissonneront, car bien d'autres suivront ses traces. Spirites, semez, semez beaucoup ! afin que la moisson soit plus abondante et plus facile. Le passé vous est garant de l'avenir.
Ce que doit être l'histoire du Spiritisme
A propos de cette histoire, dont nous avons dit quelques mots, plusieurs personnes nous ont demandé ce qu'elle comprendrait, et l'on nous a adressé à cet effet divers récits de manifestations. A ceux qui ont cru par là apporter une pierre à l'édifice, nous savons gré de l'intention, mais nous leur dirons qu'il s'agit d'une chose plus grave qu'un catalogue de phénomènes spirites qu'on trouvera dans maints ouvrages. Le Spiritisme devant marquer dans les fastes de l'humanité, il sera intéressant, pour les générations futures, de savoir par quels moyens il se sera établi. Ce sera donc l'histoire des péripéties qui auront signalé ses premiers pas ; des luttes qu'il aura eu à subir ; des entraves qu'on lui aura suscitées ; de sa marche progressive dans le monde entier. Le vrai mérite est modeste et ne cherche pas à se faire valoir ; il faut que la postérité connaisse les noms des premiers pionniers de l'œuvre, de ceux dont le dévouement et l'abnégation mériteront d'être inscrits dans ses annales ; des villes qui auront marché au premier rang ; de ceux qui auront souffert pour la cause, afin qu'on les bénisse, et de ceux qui auront fait souffrir, afin qu'on prie pour qu'il leur soit pardonné ; en un mot, de ses amis véritables et de ses ennemis avoués ou cachés. Il ne faut pas que l'intrigue et l'ambition usurpent la place qui ne leur appartient pas, ni une reconnaissance et des honneurs qui ne leur seront pas dus. S'il est des Judas, il faut qu'ils soient démasqués. Une partie, qui ne sera pas la moins intéressante, sera celle des révélations qui ont successivement annoncé toutes les phases de cette ère nouvelle et des événements de toute nature qui l'ont accompagnée.
A ceux qui trouveraient cette tâche présomptueuse, nous dirons que nous n'y aurons d'autre mérite que de posséder, par notre position exceptionnelle, des documents qui ne sont en la possession de personne, et qui sont à l'abri de toutes les éventualités ; que le Spiritisme étant incontestablement appelé à jouer un grand rôle dans l'histoire, il importe que ce rôle ne soit pas dénaturé, et d'opposer une histoire authentique aux histoires apocryphes que l'intérêt personnel pourrait en faire.
Quand paraîtra-t-elle ? ce ne sera pas de sitôt, et peut-être pas de notre vivant, car elle n'est pas destinée à satisfaire la curiosité du moment. Si nous en parlons par anticipation, c'est afin qu'on ne se méprenne pas sur le but, et de prendre date de notre intention. D'ailleurs, le Spiritisme est à son début, et bien d'autres choses se passeront d'ici là ; et puis, il faut attendre que chacun y ait pris sa place, bonne ou mauvaise.
Arsène Gautier - Un souvenir d'Esprit.
Madame S…, de Cherbourg, nous transmet le récit suivant :
Un matelot de la marine de l'État, nommé Arsène Gautier, revint à Cherbourg, il y a quinze à seize ans, très malade à la suite des fièvres qu'il avait gagnées sur les côtes d'Afrique. Il vint chez un de mes gendres qu'il savait être ami de son frère, capitaine de la marine marchande, attendu prochainement dans ce port. Nous le reçûmes bien, et, comme il était malade, ma fille J…, qui avait alors quatorze à quinze ans, me demanda de lui offrir de venir se chauffer à notre feu pour y prendre de la tisane, qu'on ne lui faisait pas à son auberge, et jusqu'à ce que son frère fût arrivé. Cette enfant eut pour lui des soins compatissants. Il mourut en arrivant chez lui, et depuis nous n'y avons plus pensé ni les uns ni les autres ; son nom même, signé en tête de la communication spontanée que nous reçûmes le 8 mars dernier par ma fille J…, aujourd'hui médium, ne nous l'avait pas rappelé ; nous ne le reconnûmes qu'aux détails dans lesquels il est entré. C'était un homme d'une intelligence très bornée, et sa vie avait été fort pénible ; privé de l'affection des siens, il s'était résigné à tout. Voici sa communication :
« Arsène Gautier. Vous m'avez oublié depuis longtemps, mon amie, et moi je ne vous ai pas perdue de vue depuis que j'ai quitté la terre, car vous êtes la seule personne, le seul Esprit sympathique que j'aie rencontré sur cette terre de douleur. Je vous ai aimée de toutes mes forces alors que vous n'étiez encore qu'une enfant et que vous n'aviez pour moi qu'un sentiment de pitié à cause de la terrible maladie qui devait m'enlever. Je suis heureux… Cette existence était la première que Dieu m'avait donnée. C'est parce que mon Esprit était encore si neuf, ne connaissant aucun autre Esprit, que je me suis attaché davantage à vous. Je suis heureux et prêt à revenir sur la terre pour avancer vers le Seigneur. J'ai l'espérance dans le cœur ; la voie, si difficile pour quelques-uns, me semble large et facile. Un bon commencement comme mon existence passée est un encouragement si grand ! Dieu m'aidera ; vous prierez aussi pour moi, afin que mon épreuve si prochaine me soit aussi profitable que l'autre. Je ne suis pas avancé, hélas ! mais j'arriverai. »
Nous n'avions encore nulle idée de quel Esprit était cette communication, et nous nous demandions l'une et l'autre qui ce pouvait être.
L'Esprit répond :
« Je suis frère d'un ex-capitaine de Nantes qui était ami d'un de vos parents. » (Ceci nous mit sur la voie et l'Esprit continua :) « Merci de vous souvenir de moi. Je ne regrette qu'une chose en entrevoyant l'épreuve prochaine, c'est d'être séparé de vous pour quelque temps. Adieu, je vous aime bien.
Arsène gautier. »
Remarque. ‑ Cette communication ayant été lue à la Société de Paris, nous demandâmes à l'un de nos guides spirituels s'il était possible que cet Esprit fût, comme il le disait, à sa première incarnation. Il fut répondu :
« A sa première incarnation sur cette terre, c'est possible ; mais, comme Esprit, cela ne se peut pas. Dans leurs premières incarnations, les Esprits sont dans un état presque inconscient, et celui-ci, quoique peu avancé, est déjà loin de son origine ; mais c'est un des ces Esprits bons et qui ont pris la route du bien ; son avancement sera rapide, car il n'aura guère à se dépouiller que de son ignorance, et non à lutter contre les mauvais penchants de ceux qui ont pris la route du mal. »
Un matelot de la marine de l'État, nommé Arsène Gautier, revint à Cherbourg, il y a quinze à seize ans, très malade à la suite des fièvres qu'il avait gagnées sur les côtes d'Afrique. Il vint chez un de mes gendres qu'il savait être ami de son frère, capitaine de la marine marchande, attendu prochainement dans ce port. Nous le reçûmes bien, et, comme il était malade, ma fille J…, qui avait alors quatorze à quinze ans, me demanda de lui offrir de venir se chauffer à notre feu pour y prendre de la tisane, qu'on ne lui faisait pas à son auberge, et jusqu'à ce que son frère fût arrivé. Cette enfant eut pour lui des soins compatissants. Il mourut en arrivant chez lui, et depuis nous n'y avons plus pensé ni les uns ni les autres ; son nom même, signé en tête de la communication spontanée que nous reçûmes le 8 mars dernier par ma fille J…, aujourd'hui médium, ne nous l'avait pas rappelé ; nous ne le reconnûmes qu'aux détails dans lesquels il est entré. C'était un homme d'une intelligence très bornée, et sa vie avait été fort pénible ; privé de l'affection des siens, il s'était résigné à tout. Voici sa communication :
« Arsène Gautier. Vous m'avez oublié depuis longtemps, mon amie, et moi je ne vous ai pas perdue de vue depuis que j'ai quitté la terre, car vous êtes la seule personne, le seul Esprit sympathique que j'aie rencontré sur cette terre de douleur. Je vous ai aimée de toutes mes forces alors que vous n'étiez encore qu'une enfant et que vous n'aviez pour moi qu'un sentiment de pitié à cause de la terrible maladie qui devait m'enlever. Je suis heureux… Cette existence était la première que Dieu m'avait donnée. C'est parce que mon Esprit était encore si neuf, ne connaissant aucun autre Esprit, que je me suis attaché davantage à vous. Je suis heureux et prêt à revenir sur la terre pour avancer vers le Seigneur. J'ai l'espérance dans le cœur ; la voie, si difficile pour quelques-uns, me semble large et facile. Un bon commencement comme mon existence passée est un encouragement si grand ! Dieu m'aidera ; vous prierez aussi pour moi, afin que mon épreuve si prochaine me soit aussi profitable que l'autre. Je ne suis pas avancé, hélas ! mais j'arriverai. »
Nous n'avions encore nulle idée de quel Esprit était cette communication, et nous nous demandions l'une et l'autre qui ce pouvait être.
L'Esprit répond :
« Je suis frère d'un ex-capitaine de Nantes qui était ami d'un de vos parents. » (Ceci nous mit sur la voie et l'Esprit continua :) « Merci de vous souvenir de moi. Je ne regrette qu'une chose en entrevoyant l'épreuve prochaine, c'est d'être séparé de vous pour quelque temps. Adieu, je vous aime bien.
Arsène gautier. »
Remarque. ‑ Cette communication ayant été lue à la Société de Paris, nous demandâmes à l'un de nos guides spirituels s'il était possible que cet Esprit fût, comme il le disait, à sa première incarnation. Il fut répondu :
« A sa première incarnation sur cette terre, c'est possible ; mais, comme Esprit, cela ne se peut pas. Dans leurs premières incarnations, les Esprits sont dans un état presque inconscient, et celui-ci, quoique peu avancé, est déjà loin de son origine ; mais c'est un des ces Esprits bons et qui ont pris la route du bien ; son avancement sera rapide, car il n'aura guère à se dépouiller que de son ignorance, et non à lutter contre les mauvais penchants de ceux qui ont pris la route du mal. »
Un Esprit peut-il reculer devant l'épreuve ?
Une dame de nos amies nous écrit ce qui suit :
« Ma fille eut un jour la communication spontanée suivante d'un Esprit qui commença par signer Éuphrosine Bretel. Ce nom ne nous rappelant personne, nous demandâmes : Qui es-tu ? ‑ R. Je suis un pauvre Esprit en souffrance ; j'ai besoin de prières. Je m'adresse à toi parce que tu m'as connue alors que je n'étais qu'une enfant.
« Nous cherchâmes, et je crus me souvenir que ce nom de famille était celui d'une jeune enfant de neuf à dix ans qui se trouvait dans la même pension que ma fille et qui tomba malade peu de temps après l'arrivée de celle-ci. Son père vint la chercher en voiture, et les enfants conservèrent le souvenir de cette malade tout enveloppée et gémissante ; elle mourut chez elle. La mère, au désespoir, la suivit de près. Le père devint aveugle à force d'avoir pleuré, et mourut dans la même année. Dès que nous crûmes avoir reconnu le nom, l'Esprit écrivit aussitôt :
« C'est moi ; ma dernière existence devait être une terrible épreuve, mais j'ai lâchement reculé, et j'ai toujours souffert depuis ce temps. Je t'en prie, demande à Dieu de m'accorder la grâce d'une nouvelle épreuve ; quelque dure qu'elle soit, je m'y soumettrai ; je suis si malheureuse ! J'aime mon père et ma mère, et ils ont horreur de moi ; ils me fuient, et c'est là mon châtiment que de les rechercher sans cesse pour me voir repoussée. Je suis venue à toi parce que mon souvenir n'est pas entièrement effacé de ta mémoire ; et que seule de ceux qui peuvent prier en particulier pour moi tu connais le Spiritisme. Adieu, ne m'oublie pas, bientôt nous nous reverrons. »
« Ma fille lui dit alors en plaisantant : « Dois-je donc mourir bientôt ? » Ce à quoi l'Esprit répond : « Le temps qui pour vous est long, ne se mesure pas pour nous. » ‑ Nous avons depuis vérifié le prénom et le nom de famille, qui sont parfaitement exacts.
« Maintenant je me demande s'il est possible qu'un Esprit incarné puisse reculer devant l'épreuve commencée. »
A cette question nous répondons : Oui, les Esprits reculent souvent devant les épreuves qu'ils ont choisies et qu'ils n'ont pas le courage non seulement de supporter, mais même d'affronter quand ils voient le moment venu ; c'est la cause de la plupart des suicides. Ils reculent encore quand ils murmurent et se désespèrent, et alors ils perdent le bénéfice de l'épreuve. Voilà pourquoi le Spiritisme, en faisant connaître la cause, le but et les conséquences des tribulations de la vie, donne à la fois tant de consolations et de courage, et détourne de la pensée d'abréger ses jours. Quelle est la philosophie qui a produit sur les hommes un pareil résultat ?
« Ma fille eut un jour la communication spontanée suivante d'un Esprit qui commença par signer Éuphrosine Bretel. Ce nom ne nous rappelant personne, nous demandâmes : Qui es-tu ? ‑ R. Je suis un pauvre Esprit en souffrance ; j'ai besoin de prières. Je m'adresse à toi parce que tu m'as connue alors que je n'étais qu'une enfant.
« Nous cherchâmes, et je crus me souvenir que ce nom de famille était celui d'une jeune enfant de neuf à dix ans qui se trouvait dans la même pension que ma fille et qui tomba malade peu de temps après l'arrivée de celle-ci. Son père vint la chercher en voiture, et les enfants conservèrent le souvenir de cette malade tout enveloppée et gémissante ; elle mourut chez elle. La mère, au désespoir, la suivit de près. Le père devint aveugle à force d'avoir pleuré, et mourut dans la même année. Dès que nous crûmes avoir reconnu le nom, l'Esprit écrivit aussitôt :
« C'est moi ; ma dernière existence devait être une terrible épreuve, mais j'ai lâchement reculé, et j'ai toujours souffert depuis ce temps. Je t'en prie, demande à Dieu de m'accorder la grâce d'une nouvelle épreuve ; quelque dure qu'elle soit, je m'y soumettrai ; je suis si malheureuse ! J'aime mon père et ma mère, et ils ont horreur de moi ; ils me fuient, et c'est là mon châtiment que de les rechercher sans cesse pour me voir repoussée. Je suis venue à toi parce que mon souvenir n'est pas entièrement effacé de ta mémoire ; et que seule de ceux qui peuvent prier en particulier pour moi tu connais le Spiritisme. Adieu, ne m'oublie pas, bientôt nous nous reverrons. »
« Ma fille lui dit alors en plaisantant : « Dois-je donc mourir bientôt ? » Ce à quoi l'Esprit répond : « Le temps qui pour vous est long, ne se mesure pas pour nous. » ‑ Nous avons depuis vérifié le prénom et le nom de famille, qui sont parfaitement exacts.
« Maintenant je me demande s'il est possible qu'un Esprit incarné puisse reculer devant l'épreuve commencée. »
A cette question nous répondons : Oui, les Esprits reculent souvent devant les épreuves qu'ils ont choisies et qu'ils n'ont pas le courage non seulement de supporter, mais même d'affronter quand ils voient le moment venu ; c'est la cause de la plupart des suicides. Ils reculent encore quand ils murmurent et se désespèrent, et alors ils perdent le bénéfice de l'épreuve. Voilà pourquoi le Spiritisme, en faisant connaître la cause, le but et les conséquences des tribulations de la vie, donne à la fois tant de consolations et de courage, et détourne de la pensée d'abréger ses jours. Quelle est la philosophie qui a produit sur les hommes un pareil résultat ?
Réponse à une question mentale
Un très bon médium de Maine-et-Loire, que nous connaissons personnellement, nous écrit ce qui suit :
« Un de nos amis, homme des moins croyants, mais ayant un grand désir de s'éclairer, nous demanda un jour s'il pourrait évoquer un Esprit sans le nommer, et si cet Esprit pourrait répondre aux questions qu'il lui adresserait par la pensée, sans que le médium en eût la moindre connaissance. Nous lui répondîmes que cela se peut quand l'Esprit veut bien s'y prêter, ce qui n'arrive pas toujours. Là-dessus j'obtins la réponse suivante :
« Ce que vous me demandez, je ne puis vous le dire, parce que Dieu ne le permet pas ; cependant je puis vous dire que je souffre : c'est une douleur générale dans tous les membres, ce qui doit vous surprendre puisqu'à la mort le corps pourrit dans la terre ; mais nous avons un autre corps spirituel qui, lui, ne meurt pas, ce qui fait que nous souffrons autant que si nous avions notre corps corporel. Je souffre, mais j'espère ne pas souffrir toujours. Comme il faut satisfaire à la justice de Dieu, il faut s'y résigner dans cette vie ou dans l'autre. Je ne me suis pas assez privé sur la terre, ce qui fait qu'il me faut réparer le temps perdu. Ne m'imitez pas, car vous vous prépareriez des siècles de tourments. C'est chose grave que l'éternité, et malheureusement on n'y pense pas autant qu'on devrait y penser. Que l'on est à plaindre lorsqu'on oublie l'affaire si importante du salut ! Pensez-y !
« Votre ancien curé, A… T… »
« C'était bien ce curé que notre ami voulait évoquer, et voici les trois questions qu'il voulait lui proposer :
« Que penser de la divinité de Jésus-Christ ?
« L'âme est-elle immortelle ?
« Quels moyens employer pour expier les fautes et éviter la punition ?
« Nous avons parfaitement reconnu notre ancien curé à son style ; les mots corps corporel surtout montrent que c'est l'Esprit d'un bon curé de campagne dont l'éducation a pu laisser quelque chose à désirer. »
Remarque. ‑ Les réponses aux questions mentales sont des faits très communs, d'autant plus intéressants à observer qu'ils sont pour l'incrédule de bonne foi une des preuves les plus concluantes de l'intervention d'une intelligence occulte ; mais comme la plupart des phénomènes spirites, ils s'obtiennent rarement à volonté, tandis qu'ils se produisent spontanément à chaque instant. Dans le cas précité, l'Esprit a bien voulu s'y prêter, ce qui est fort rare, parce que les Esprits, comme on le sait, n'aiment pas les questions de curiosité et d'épreuve ; ils n'y condescendent que quand ils voient la chose utile, et souvent ils ne la jugent pas comme nous. Comme ils ne sont pas au caprice des hommes, il faut attendre les phénomènes de leur bon vouloir ou de la possibilité pour eux de les produire ; il faut, pour ainsi dire, les saisir au passage et non les provoquer ; pour cela il faut de la patience et de la persévérance, et c'est à cela que les Esprits reconnaissent les observateurs sérieux et vraiment désireux de s'instruire ; ils se soucient fort peu des gens superficiels qui s'imaginent n'avoir qu'à demander pour être servis à la minute.
« Un de nos amis, homme des moins croyants, mais ayant un grand désir de s'éclairer, nous demanda un jour s'il pourrait évoquer un Esprit sans le nommer, et si cet Esprit pourrait répondre aux questions qu'il lui adresserait par la pensée, sans que le médium en eût la moindre connaissance. Nous lui répondîmes que cela se peut quand l'Esprit veut bien s'y prêter, ce qui n'arrive pas toujours. Là-dessus j'obtins la réponse suivante :
« Ce que vous me demandez, je ne puis vous le dire, parce que Dieu ne le permet pas ; cependant je puis vous dire que je souffre : c'est une douleur générale dans tous les membres, ce qui doit vous surprendre puisqu'à la mort le corps pourrit dans la terre ; mais nous avons un autre corps spirituel qui, lui, ne meurt pas, ce qui fait que nous souffrons autant que si nous avions notre corps corporel. Je souffre, mais j'espère ne pas souffrir toujours. Comme il faut satisfaire à la justice de Dieu, il faut s'y résigner dans cette vie ou dans l'autre. Je ne me suis pas assez privé sur la terre, ce qui fait qu'il me faut réparer le temps perdu. Ne m'imitez pas, car vous vous prépareriez des siècles de tourments. C'est chose grave que l'éternité, et malheureusement on n'y pense pas autant qu'on devrait y penser. Que l'on est à plaindre lorsqu'on oublie l'affaire si importante du salut ! Pensez-y !
« Votre ancien curé, A… T… »
« C'était bien ce curé que notre ami voulait évoquer, et voici les trois questions qu'il voulait lui proposer :
« Que penser de la divinité de Jésus-Christ ?
« L'âme est-elle immortelle ?
« Quels moyens employer pour expier les fautes et éviter la punition ?
« Nous avons parfaitement reconnu notre ancien curé à son style ; les mots corps corporel surtout montrent que c'est l'Esprit d'un bon curé de campagne dont l'éducation a pu laisser quelque chose à désirer. »
Remarque. ‑ Les réponses aux questions mentales sont des faits très communs, d'autant plus intéressants à observer qu'ils sont pour l'incrédule de bonne foi une des preuves les plus concluantes de l'intervention d'une intelligence occulte ; mais comme la plupart des phénomènes spirites, ils s'obtiennent rarement à volonté, tandis qu'ils se produisent spontanément à chaque instant. Dans le cas précité, l'Esprit a bien voulu s'y prêter, ce qui est fort rare, parce que les Esprits, comme on le sait, n'aiment pas les questions de curiosité et d'épreuve ; ils n'y condescendent que quand ils voient la chose utile, et souvent ils ne la jugent pas comme nous. Comme ils ne sont pas au caprice des hommes, il faut attendre les phénomènes de leur bon vouloir ou de la possibilité pour eux de les produire ; il faut, pour ainsi dire, les saisir au passage et non les provoquer ; pour cela il faut de la patience et de la persévérance, et c'est à cela que les Esprits reconnaissent les observateurs sérieux et vraiment désireux de s'instruire ; ils se soucient fort peu des gens superficiels qui s'imaginent n'avoir qu'à demander pour être servis à la minute.
Poésies spirites
L'Enfant et l'Athée. (Société spirite africaine. ‑ Médium, mademoiselle O…)Un bel esprit se posant en athée
Se promenait un jour, avec un jeune enfant,
Sur les bords d'un ruisseau dont la rive ombragée
Les défendait contre un soleil brûlant.
Regarde fuire cette eau limpide,
Dit à l'enfant, son savant compagnon.
Où penses-tu que sa course rapide
Doit le conduire, en quittant ce vallon ?
Mais, dit l'enfant, je crois qu'un lac paisible
Va recevoir le tribu de ses eaux,
Et qu'à la fin de leur marche pénible,
Doivent ainsi finir tous les ruisseaux.
Pauvre petit ! dit en riant le maître,
Dans quelle erreur est ton esprit ;
Apprends enfin, apprends donc à connaître
Comme en ce monde tout finit.
Lorsqu'il s'éloigne de sa source,
Où ses flots naissent chaque jour,
C'est pour aller, au terme de sa course,
Au sein des mers, se perdre pour toujours.
De nous-mêmes, c'est une image ;
Quand nous quittons ce monde séduisant
Il ne reste plus rien de notre court passage,
Et nous rentrons dans le néant.
Oh ! mon Dieu ! dit l'enfant d'une voix attristée,
Est-il donc vrai, tel serait notre sort ?
Quoi ! de ma mère bien-aimée,
J'ai tout perdu, tout, au jour de sa mort ?
Moi qui croyais que son âme chérie
Pouvait encore protéger son enfant,
Partager avec lui les peines de la vie,
Puis nous revoir un jour, près du Dieu tout-puissant ?
Garde toujours cette douce croyance,
Lui dit tout bas son ange protecteur.
Oui, cher enfant, garde bien l'espérance,
Sans elle, sur la terre, il n'est point de bonheur.
Le temps a fui ; depuis longues années
Notre savant a subi le trépas,
Et, fidèle toujours à ses folles pensées,
Il est mort en disant que Dieu n'existait pas.
L'enfant aussi vit venir la vieillesse,
Et sans la craindre il a reçu la mort,
Car, conservant la foi de sa jeunesse,
Aux mains de l'Eternel il a remis son sort.
Voyez, voyez cette foule empressée
Quitter le ciel, venir le recevoir ;
Des purs esprits c'est la troupe sacrée :
C'est leur frère exilé qu'ils vont enfin revoir.
Mais quelle est donc cette âme délaissée,
Qui semble vouloir se cacher ?
Du malheureux savant, c'est l'âme désolée
Qui voit tout ce bonheur et ne peut s'y mêler.
Combien sa peine fut amère,
Lorsque ce Dieu, qu'elle avait tant bravé,
Lui apparut enfin, comme un juge sévère,
Dans sa sublime majesté.
Oh ! que de larmes de souffrance
Vinrent briser cet Esprit plein d'orgueil !
Lui qui jadis riait de l'espérance
Qu'un pauvre enfant cherchait par delà le cercueil.
Mais du Seigneur la bonté paternelle
N'a pas voulu pour toujours le punir ;
Et bientôt cette âme immortelle
Sur la terre doit revenir.
Puis, à son tour purifiée,
Prenant son essor vers le ciel
Elle ira de joie enivrée
Se reposer au pied de l'Éternel.
Se promenait un jour, avec un jeune enfant,
Sur les bords d'un ruisseau dont la rive ombragée
Les défendait contre un soleil brûlant.
Regarde fuire cette eau limpide,
Dit à l'enfant, son savant compagnon.
Où penses-tu que sa course rapide
Doit le conduire, en quittant ce vallon ?
Mais, dit l'enfant, je crois qu'un lac paisible
Va recevoir le tribu de ses eaux,
Et qu'à la fin de leur marche pénible,
Doivent ainsi finir tous les ruisseaux.
Pauvre petit ! dit en riant le maître,
Dans quelle erreur est ton esprit ;
Apprends enfin, apprends donc à connaître
Comme en ce monde tout finit.
Lorsqu'il s'éloigne de sa source,
Où ses flots naissent chaque jour,
C'est pour aller, au terme de sa course,
Au sein des mers, se perdre pour toujours.
De nous-mêmes, c'est une image ;
Quand nous quittons ce monde séduisant
Il ne reste plus rien de notre court passage,
Et nous rentrons dans le néant.
Oh ! mon Dieu ! dit l'enfant d'une voix attristée,
Est-il donc vrai, tel serait notre sort ?
Quoi ! de ma mère bien-aimée,
J'ai tout perdu, tout, au jour de sa mort ?
Moi qui croyais que son âme chérie
Pouvait encore protéger son enfant,
Partager avec lui les peines de la vie,
Puis nous revoir un jour, près du Dieu tout-puissant ?
Garde toujours cette douce croyance,
Lui dit tout bas son ange protecteur.
Oui, cher enfant, garde bien l'espérance,
Sans elle, sur la terre, il n'est point de bonheur.
Le temps a fui ; depuis longues années
Notre savant a subi le trépas,
Et, fidèle toujours à ses folles pensées,
Il est mort en disant que Dieu n'existait pas.
L'enfant aussi vit venir la vieillesse,
Et sans la craindre il a reçu la mort,
Car, conservant la foi de sa jeunesse,
Aux mains de l'Eternel il a remis son sort.
Voyez, voyez cette foule empressée
Quitter le ciel, venir le recevoir ;
Des purs esprits c'est la troupe sacrée :
C'est leur frère exilé qu'ils vont enfin revoir.
Mais quelle est donc cette âme délaissée,
Qui semble vouloir se cacher ?
Du malheureux savant, c'est l'âme désolée
Qui voit tout ce bonheur et ne peut s'y mêler.
Combien sa peine fut amère,
Lorsque ce Dieu, qu'elle avait tant bravé,
Lui apparut enfin, comme un juge sévère,
Dans sa sublime majesté.
Oh ! que de larmes de souffrance
Vinrent briser cet Esprit plein d'orgueil !
Lui qui jadis riait de l'espérance
Qu'un pauvre enfant cherchait par delà le cercueil.
Mais du Seigneur la bonté paternelle
N'a pas voulu pour toujours le punir ;
Et bientôt cette âme immortelle
Sur la terre doit revenir.
Puis, à son tour purifiée,
Prenant son essor vers le ciel
Elle ira de joie enivrée
Se reposer au pied de l'Éternel.
Signé : Ducis.
La Citrouille et la Sensitive. Fable.
Quel est donc ton régime, ô pauvre Sensitive ?
Disait une citrouille à cette frêle fleur,
Pour demeurer ainsi languissante et chétive ?
Je te le dis avec douleur,
La sensibilité te perd ; tu t'étioles ;
Tu seras morte avant la fin de la saison ;
Si le soleil se cache à l'horizon
On voit se replier tes minces folioles :
Un funeste frémissement
Parcourt ta tige au seul frôlement de la brise ;
Tout contact te donne une crise ;
Ta vie enfin n'est qu'un tourment.
Et pourquoi tant de maux et de sollicitude ?
Suis mon exemple en fait de douce quiétude.
Ce qui se passe autour de moi
Ne saurait me causer le plus léger émoi ;
De bien me sustenter je fais ma seule étude,
Que font, d'ailleurs, à mon tempérament,
Les mystères du ciel ? ‑ L'éclat du jour limpide,
L'obscure nuit, le chaud, le froid, le sec, l'humide
Me conviennent également.
Il est vrai qu'à propos de ma forme replète,
Parfois l'observateur satirique et malin
Murmura à mes côtés : « La Citrouille végète !
Mais le trait n'atteint pas mon sein ;
Sur mon lit nourricier, en riant, je me roule,
Jalouse d'étaler, sur le sol que je foule,
Mon gros ventre et ma vaste ampleur.
Nos goûts sont différents, dit la petite fleur ;
Tu ne veux consacrer tes soins, ta vie entière
Qu'au bien-être de la matière ;
Moi, je crois faire mieux, et, dussé-je, vois-tu,
En abréger mon existence,
Je me voue à la jouissance
Du sentiment et de l'intelligence
J'aurai toujours assez vécu.
Dombre (de Marmande).
Dissertations spirites
Le Spiritisme et l'Esprit malin. (Groupe de Sainte-Gemme. ‑ Médium, M. C…)De tous les travaux auxquels se livre l'humanité, ceux-là sont
préférables qui rapprochent le plus la créature de son créateur, qui la
mettent chaque jour, à chaque instant, à même d'admirer l'ouvrage divin
qui est sorti et qui sort incessamment de ses mains toutes-puissantes.
Le devoir de l'homme est de se prosterner, d'adorer sans cesse Celui qui
lui a donné les moyens de s'améliorer comme Esprit, et de parvenir
ainsi au bonheur suprême, qui est le but final vers lequel il doit
tendre.
S'il est des professions qui, presque exclusivement intellectuelles, donnent à l'homme les moyens d'élever le niveau de son intelligence, un danger, et un grand danger se trouve placé à côté de ce bienfait. L'histoire de tous les temps prouve ce qu'est ce danger et combien de maux il peut engendrer. Vous êtes doués d'une intelligence supérieure : sous ce rapport vous êtes plus rapprochés que vos frères de la Divinité, et vous aboutissez à nier cette Divinité elle-même, ou à en faire une autre tout à fait contraire à ce qu'elle est en réalité ! On ne saurait trop le répéter, et il ne faut jamais se lasser de le dire : l'orgueil est l'ennemi le plus acharné du genre humain. Eussiez-vous mille bouches, que toutes devraient dire sans cesse la même chose.
Dieu vous a tous créés simples et ignorants[1] ; tâchez d'avancer d'un pas aussi assuré que possible ; cela dépend de vous : Dieu ne refuse jamais la grâce à celui qui la lui demande de bonne foi. Tous les états peuvent également vous amener au but désiré, si vous vous conduisez selon la voie de la justice, et si vous ne faites pas plier votre conscience au gré de vos caprices. Il est néanmoins des états où il est plus difficile d'avancer que dans d'autres ; aussi Dieu tiendra-t-il un compte certain à ceux qui, ayant accepté, comme épreuve, une position ambiguë, auront parcouru sans broncher cette route glissante ou du moins auront fait, pour se relever, tous les efforts humainement possibles.
C'est là qu'il faut avoir une foi sincère, une force peu commune pour résister aux entraînements en dehors de la voie de justice ; mais c'est là aussi qu'on peut faire un bien immense à ses frères malheureux. Ah ! il a beaucoup de mérite celui qui touche le bourbier sans que ses vêtements ni lui-même en soient souillés ! il faut qu'une flamme bien pure brûle en lui ! mais aussi, quelle récompense ne lui est pas réservée à la sortie de cette vie terrestre ![2]
Que ceux qui se trouvent en position pareille méditent bien ces paroles ; qu'ils se pénètrent bien de l'esprit qu'elles renfermement, et il s'opèrera en eux une révolution bienfaisante qui fera succéder les doux épanchements du cœur aux étreintes de l'égoïsme.
Qui fera, comme dit l'Évangile, de ces hommes des hommes nouveaux ?
Et pour accomplir ce grand miracle, que faut-il ? il faut qu'ils veuillent bien reporter leur pensée à ce qu'ils sont destinés à devenir après leur mort. Ils sont tous convaincus que demain peut ne pas exister pour eux ; mais, effrayés par le sombre et désolant tableau des peines éternelles, auxquelles ils refusent de croire par intuition, ils s'abandonnent au courant de la vie actuelle ; ils se laissent entraîner par cette cupidité fiévreuse qui les porte à amasser toujours, par tous les moyens permis ou non ; ils ruinent sans pitié un pauvre père de famille, et ils prodiguent au vice des sommes qui suffiraient à faire vivre une ville entière pendant plusieurs jours. Ils détournent les yeux du moment fatal. Ah ! s'ils pouvaient le regarder en face et de sang-froid, comme ils changeraient vite de conduite ! comme on les verrait empressés de rendre à son légitime propriétaire ce morceau de pain noir qu'ils ont eu la cruauté de lui enlever pour augmenter, au prix d'une injustice, une fortune construite d'injustices accumulées ! Pour cela que faut-il ? il faut que la lumière spirite éclate ; il faut qu'on puisse dire, comme un grand général disait d'une grande nation : Le Spiritisme est comme le soleil, aveugle qui ne le voit pas ! Les hommes qui se disent et qui se croient chrétiens et qui repoussent le Spiritisme sont bien aveugles !
Quelle est la mission de la doctrine que la main toute-puissante du Créateur sème dans le monde au moment présent ? C'est d'amener les incrédules à la foi, les désespérés à l'espérance, les égoïstes à la charité. Ils se disent chrétiens et ils lancent l'anathème à la doctrine de Jésus-Christ ! Il est vrai qu'ils prétendent que c'est l'Esprit malin qui, pour mieux se déguiser, vient prêcher cette doctrine dans le monde. Malheureux aveugles ! pauvres malades ! que Dieu veuille bien, dans son inépuisable bonté, faire cesser votre aveuglement et mettre un terme aux maux qui vous obsèdent !
Qui vous a dit que c'était l'Esprit du mal ? qui ? vous n'en savez rien. Avez-vous demandé à Dieu de vous éclairer sur ce sujet ? Non, ou si vous l'avez fait, vous aviez une idée préconçue. L'Esprit du mal ! Savez-vous qui vous a dit que c'est l'Esprit du mal ? c'est l'orgueil, c'est l'Esprit du mal lui-même qui vous porte à condamner, chose révoltante ! à condamner, dis-je, l'Esprit de Dieu représenté par les bons Esprits qu'il envoie au monde pour le régénérer !
Examinez du moins la chose, et, suivant les règles établies, condamnez ou absolvez. Ah ! si vous vouliez seulement jeter un coup d'œil sur les résultats inévitables que doit amener le triomphe du Spiritisme ; si vous vouliez voir les hommes se considérant enfin comme frères, tous convaincus que d'un moment à l'autre Dieu leur demandera compte de la manière dont ils ont rempli la mission qui leur avait été donnée ; si vous vouliez voir partout la charité prenant la place de l'égoïsme, le travail prenant partout la place de la paresse ; ‑ car, vous le savez, l'homme est né pour le travail : Dieu lui en a fait une obligation à laquelle il ne peut se soustraire sans contrevenir aux ordres divins ; ‑ si vous vouliez voir d'un côté ces malheureux qui disent : Damnés dans ce monde, damnés dans l'autre, soyons criminels et jouissons ; et de l'autre ces hommes de métal, ces accapareurs de la fortune de tous, qui disent : L'âme est un mot ; Dieu n'existe pas ; si rien n'existe de nous après la mort, jouissons de la vie ; le monde se compose d'exploiteurs et d'exploités ; j'aime mieux faire partie des premiers que des seconds ; après moi le déluge ! Si vous reportiez vos regards sur ces deux hommes qui, à eux deux, personnifient le brigandage, le brigandage de la bonne compagnie et celui qui conduit au bagne ; si vous les voyiez transformés par la croyance à l'immortalité que leur a donnée le Spiritisme, oseriez-vous dire que c'est par l'Esprit du mal ?
Je vois vos lèvres se plisser de dédain, et je vous entends dire : C'est nous qui prêchons l'immortalité, et nous avons crédit pour cela. On aura toujours plus de confiance en nous qu'en ces songeurs creux qui, s'ils ne sont pas fripons, ont rêvé que les morts sortaient de leurs tombeaux pour se communiquer à eux. A cela toujours la même réponse : Examinez, et si, convaincus une bonne fois, ce qui ne peut manquer si vous êtes sincères, au lieu de maudire, vous bénirez, ce qui doit être beaucoup plus dans vos attributions selon la loi de Dieu.
La loi de Dieu ! vous en êtes, selon sous, les seuls dépositaires, et vous vous étonnez que d'autres prennent une initiative qui, d'après vous, n'appartient qu'à vous seuls ? Eh bien ! écoutez ce que les Esprits envoyés de Dieu ont charge de vous dire :
« Vous qui prenez au sérieux votre ministère, vous serez bénis, car vous aurez accompli toutes les œuvres, non seulement ordonnées, mais conseillées par le divin Maître. Et vous qui avez considéré le sacerdoce comme un moyen d'arriver humainement, vous ne serez point maudits, quoique vous en ayez maudit d'autres, mais Dieu vous réserve une punition plus juste.
« Le jour viendra où vous serez obligés de vous expliquer publiquement sur les phénomènes spirites, et ce jour n'est pas loin. Alors vous vous trouverez dans la nécessité de juger, puisque vous vous êtes érigés en tribunal ; de juger qui ? Dieu lui-même, car rien n'arrive sans sa permission.
« Voyez où vous a conduits l'Esprit du mal, c'est-à-dire l'orgueil ! au lieu de vous incliner et d'adorer, vous vous roidissez contre la volonté de Celui qui seul a le droit de dire : Je veux, et vous dites que c'est le démon qui dit : Je veux !
« Et, maintenant si vous persistez à ne croire qu'aux manifestations des mauvais Esprits, rappelez-vous les paroles du Maître qu'on accusait de chasser les démons au nom de Belzébuth : Tout royaume divisé contre lui-même périra. »
Hippolyte Fortoul.
S'il est des professions qui, presque exclusivement intellectuelles, donnent à l'homme les moyens d'élever le niveau de son intelligence, un danger, et un grand danger se trouve placé à côté de ce bienfait. L'histoire de tous les temps prouve ce qu'est ce danger et combien de maux il peut engendrer. Vous êtes doués d'une intelligence supérieure : sous ce rapport vous êtes plus rapprochés que vos frères de la Divinité, et vous aboutissez à nier cette Divinité elle-même, ou à en faire une autre tout à fait contraire à ce qu'elle est en réalité ! On ne saurait trop le répéter, et il ne faut jamais se lasser de le dire : l'orgueil est l'ennemi le plus acharné du genre humain. Eussiez-vous mille bouches, que toutes devraient dire sans cesse la même chose.
Dieu vous a tous créés simples et ignorants[1] ; tâchez d'avancer d'un pas aussi assuré que possible ; cela dépend de vous : Dieu ne refuse jamais la grâce à celui qui la lui demande de bonne foi. Tous les états peuvent également vous amener au but désiré, si vous vous conduisez selon la voie de la justice, et si vous ne faites pas plier votre conscience au gré de vos caprices. Il est néanmoins des états où il est plus difficile d'avancer que dans d'autres ; aussi Dieu tiendra-t-il un compte certain à ceux qui, ayant accepté, comme épreuve, une position ambiguë, auront parcouru sans broncher cette route glissante ou du moins auront fait, pour se relever, tous les efforts humainement possibles.
C'est là qu'il faut avoir une foi sincère, une force peu commune pour résister aux entraînements en dehors de la voie de justice ; mais c'est là aussi qu'on peut faire un bien immense à ses frères malheureux. Ah ! il a beaucoup de mérite celui qui touche le bourbier sans que ses vêtements ni lui-même en soient souillés ! il faut qu'une flamme bien pure brûle en lui ! mais aussi, quelle récompense ne lui est pas réservée à la sortie de cette vie terrestre ![2]
Que ceux qui se trouvent en position pareille méditent bien ces paroles ; qu'ils se pénètrent bien de l'esprit qu'elles renfermement, et il s'opèrera en eux une révolution bienfaisante qui fera succéder les doux épanchements du cœur aux étreintes de l'égoïsme.
Qui fera, comme dit l'Évangile, de ces hommes des hommes nouveaux ?
Et pour accomplir ce grand miracle, que faut-il ? il faut qu'ils veuillent bien reporter leur pensée à ce qu'ils sont destinés à devenir après leur mort. Ils sont tous convaincus que demain peut ne pas exister pour eux ; mais, effrayés par le sombre et désolant tableau des peines éternelles, auxquelles ils refusent de croire par intuition, ils s'abandonnent au courant de la vie actuelle ; ils se laissent entraîner par cette cupidité fiévreuse qui les porte à amasser toujours, par tous les moyens permis ou non ; ils ruinent sans pitié un pauvre père de famille, et ils prodiguent au vice des sommes qui suffiraient à faire vivre une ville entière pendant plusieurs jours. Ils détournent les yeux du moment fatal. Ah ! s'ils pouvaient le regarder en face et de sang-froid, comme ils changeraient vite de conduite ! comme on les verrait empressés de rendre à son légitime propriétaire ce morceau de pain noir qu'ils ont eu la cruauté de lui enlever pour augmenter, au prix d'une injustice, une fortune construite d'injustices accumulées ! Pour cela que faut-il ? il faut que la lumière spirite éclate ; il faut qu'on puisse dire, comme un grand général disait d'une grande nation : Le Spiritisme est comme le soleil, aveugle qui ne le voit pas ! Les hommes qui se disent et qui se croient chrétiens et qui repoussent le Spiritisme sont bien aveugles !
Quelle est la mission de la doctrine que la main toute-puissante du Créateur sème dans le monde au moment présent ? C'est d'amener les incrédules à la foi, les désespérés à l'espérance, les égoïstes à la charité. Ils se disent chrétiens et ils lancent l'anathème à la doctrine de Jésus-Christ ! Il est vrai qu'ils prétendent que c'est l'Esprit malin qui, pour mieux se déguiser, vient prêcher cette doctrine dans le monde. Malheureux aveugles ! pauvres malades ! que Dieu veuille bien, dans son inépuisable bonté, faire cesser votre aveuglement et mettre un terme aux maux qui vous obsèdent !
Qui vous a dit que c'était l'Esprit du mal ? qui ? vous n'en savez rien. Avez-vous demandé à Dieu de vous éclairer sur ce sujet ? Non, ou si vous l'avez fait, vous aviez une idée préconçue. L'Esprit du mal ! Savez-vous qui vous a dit que c'est l'Esprit du mal ? c'est l'orgueil, c'est l'Esprit du mal lui-même qui vous porte à condamner, chose révoltante ! à condamner, dis-je, l'Esprit de Dieu représenté par les bons Esprits qu'il envoie au monde pour le régénérer !
Examinez du moins la chose, et, suivant les règles établies, condamnez ou absolvez. Ah ! si vous vouliez seulement jeter un coup d'œil sur les résultats inévitables que doit amener le triomphe du Spiritisme ; si vous vouliez voir les hommes se considérant enfin comme frères, tous convaincus que d'un moment à l'autre Dieu leur demandera compte de la manière dont ils ont rempli la mission qui leur avait été donnée ; si vous vouliez voir partout la charité prenant la place de l'égoïsme, le travail prenant partout la place de la paresse ; ‑ car, vous le savez, l'homme est né pour le travail : Dieu lui en a fait une obligation à laquelle il ne peut se soustraire sans contrevenir aux ordres divins ; ‑ si vous vouliez voir d'un côté ces malheureux qui disent : Damnés dans ce monde, damnés dans l'autre, soyons criminels et jouissons ; et de l'autre ces hommes de métal, ces accapareurs de la fortune de tous, qui disent : L'âme est un mot ; Dieu n'existe pas ; si rien n'existe de nous après la mort, jouissons de la vie ; le monde se compose d'exploiteurs et d'exploités ; j'aime mieux faire partie des premiers que des seconds ; après moi le déluge ! Si vous reportiez vos regards sur ces deux hommes qui, à eux deux, personnifient le brigandage, le brigandage de la bonne compagnie et celui qui conduit au bagne ; si vous les voyiez transformés par la croyance à l'immortalité que leur a donnée le Spiritisme, oseriez-vous dire que c'est par l'Esprit du mal ?
Je vois vos lèvres se plisser de dédain, et je vous entends dire : C'est nous qui prêchons l'immortalité, et nous avons crédit pour cela. On aura toujours plus de confiance en nous qu'en ces songeurs creux qui, s'ils ne sont pas fripons, ont rêvé que les morts sortaient de leurs tombeaux pour se communiquer à eux. A cela toujours la même réponse : Examinez, et si, convaincus une bonne fois, ce qui ne peut manquer si vous êtes sincères, au lieu de maudire, vous bénirez, ce qui doit être beaucoup plus dans vos attributions selon la loi de Dieu.
La loi de Dieu ! vous en êtes, selon sous, les seuls dépositaires, et vous vous étonnez que d'autres prennent une initiative qui, d'après vous, n'appartient qu'à vous seuls ? Eh bien ! écoutez ce que les Esprits envoyés de Dieu ont charge de vous dire :
« Vous qui prenez au sérieux votre ministère, vous serez bénis, car vous aurez accompli toutes les œuvres, non seulement ordonnées, mais conseillées par le divin Maître. Et vous qui avez considéré le sacerdoce comme un moyen d'arriver humainement, vous ne serez point maudits, quoique vous en ayez maudit d'autres, mais Dieu vous réserve une punition plus juste.
« Le jour viendra où vous serez obligés de vous expliquer publiquement sur les phénomènes spirites, et ce jour n'est pas loin. Alors vous vous trouverez dans la nécessité de juger, puisque vous vous êtes érigés en tribunal ; de juger qui ? Dieu lui-même, car rien n'arrive sans sa permission.
« Voyez où vous a conduits l'Esprit du mal, c'est-à-dire l'orgueil ! au lieu de vous incliner et d'adorer, vous vous roidissez contre la volonté de Celui qui seul a le droit de dire : Je veux, et vous dites que c'est le démon qui dit : Je veux !
« Et, maintenant si vous persistez à ne croire qu'aux manifestations des mauvais Esprits, rappelez-vous les paroles du Maître qu'on accusait de chasser les démons au nom de Belzébuth : Tout royaume divisé contre lui-même périra. »
Hippolyte Fortoul.
___________________________________________
(1) Cette proposition touchant l'état primitif des âmes, formulée pour la pre mière fois dans le Livre des Esprits, est partout aujourd'hui répétée dans les com munications; elle trouve ainsi sa consécration à là fois dans cette concordance et dans la logique, car aucun autre principe ne saurait mieux répondre à la justice de Dieu. En donnant à tous les hommes un même point de départ, il a donné à
tous la même tâche à remplir pour arriver au but; nul n'est privilégié par la na ture ; mais comme ils ont leur libre arbitre, les uns avancent plus vite et d'autres plus lentement. Ce principe de justice est inconciliable avec la doctrine qui admet la création de l'âme en même temps que le corps; il comporte en lui-même la plu ralité des existences, car si l'âme est antérieure au corps, c'est qu'elle a déjà vécu.
(2) On s'étonne que des Esprits puissent choisir une incarnation dans un du ces
milieux où ils sont en contact incessant avec la corruption; parmi ceux qui se trouvent dans ces positions infimes de la société, les uns les ont choisies par goût, et pour trouver à satisfaire leurs penchants ignobles; d'autres, par mission et par devoir, pour essayer de tirer leurs frères de la fange, et pour avoir plus démérite à lutter eux-mêmes contre de pernicieui entraînements, et leur récompense sera en raison de la difficulté vaincue. Tel parmi nous est l'ouvrier qui est payé en proportion du danger qu'il court dans l'exercice de sa profession.
Le Corbeau et le Renard. (Société spirite de Paris, 8 août 1862. ‑ Médium, M. Leymarie.)
Méfiez-vous des flatteurs : c'est la race menteuse ; ce sont les incarnations à double visage qui rient pour vous tromper ; malheur à qui les croit et les écoute, car les notions du vrai sont bientôt perverties en lui. Et pourtant que de gens se laissent prendre à cet appât menteur de la flatterie ! ils écoutent avec complaisance le fourbe qui caresse leurs faiblesses, tandis qu'ils repoussent l'ami sincère qui leur dit la vérité et leur donne de sages conseils ; ils attirent le faux ami, tandis qu'ils écartent l'ami véritable et désintéressé ; pour leur plaire, il faut les flatter, tout approuver, tout applaudir, trouver tout bien, même l'absurde ; et, chose étrange ! ils repousseront des avis sensés, et croiront un mensonge du premier venu, si ce mensonge flatte leurs aidées. Que voulez-vous ? ils veulent être trompés et ils le sont ; et trop tard souvent ils en voient les conséquences, mais alors le mal est fait et quelquefois il est sans remède.
D'où cela vient-il ? La cause de ce travent est presque toujours multiple. La première, sans contredit, est l'orgueil qui les aveugle sur l'infaillibilité de leur propre mérite qu'ils croient supérieur à tout autre ; aussi le prennent-ils sans peine pour type du sens commun ; la seconde tient à un manque de jugement qui ne leur permet pas de voir le fort et le faible des choses ; mais c'est encore ici l'orgueil qui oblitère le jugement ; car, sans orgueil, ils se défieraient d'eux-mêmes et s'en rapporteraient à ceux qui possèdent plus d'expérience. Croyez bien aussi que les mauvais Esprits n'y sont pas toujours étrangers ; ils aiment à mystifier, à tendre des pièges, et qui peut mieux y tomber que l'orgueilleux que l'on flatte ? L'orgueil est pour eux le défaut de la cuirasse chez les uns, comme la cupidité l'est chez d'autres, et ils savent habilement en profiter, mais ils n'ont garde de s'adresser à plus fort qu'eux, moralement parlant. Voulez-vous vous soustraire à l'influence des mauvais Esprits ? Montez, montez si haut en vertus qu'ils ne puissent vous atteindre, et c'est alors vous qui serez pour eux redoutables ; mais si vous laissez traîner un bout de corde, ils s'y cramponneront pour vous forcer à descendre ; ils vous appelleront de leur voix mielleuse, ils vanteront votre plumage, et vous ferez comme le corbeau, vous laisserez tomber votre fromage.
Sonnet.
Style des bonnes communications. (Société Spirite de Paris, 8 août 1862. ‑ Médium, M. Leymarie.)
Recherchez, dans la parole, la sobriété et la concision ; peu de mots,
beaucoup de choses. Le langage est comme l'harmonie : plus on veut la
rendre savante et moins elle est mélodieuse. La science vraie est
toujours celle qui frappe, non quelques sybarites blasés de tout, mais
la masse intelligente que l'on détourne depuis si longtemps de la voie
du vrai beau, qui est celle de la simplicité. A l'exemple de leur
Maître, les disciples du Christ avaient acquis ce profond savoir de bien
dire, sobrement, brièvement, et leurs discours, comme les siens,
étaient empreints de cette grâce exquise, de cette profondeur qui, de
nos jours, à une époque où tout ment autour de nous, font encore des
grandes voix du Christ et des apôtres des modèles inimitables de
concision et de précision.
Mais la vérité est descendue d'en haut ; les Esprits supérieurs viennent, comme les apôtres des premiers jours de l'ère chrétienne, enseigner et diriger. Le Livre des Esprits est toute une révolution, parce qu'il est écrit brièvement, sobrement : peu de mots, beaucoup de choses ; pas de fleurs de rhétorique, pas d'images, mais seulement des pensées grandes et fortes qui consolent et fortifient ; c'est pour cela qu'il plaît, et il plaît parce qu'il est compris facilement : là est un cachet de la supériorité des Esprits qui l'ont dicté.
Pourquoi se trouve-t-il tant de communications venant d'Esprits soi-disant supérieurs, pleines de non-sens, de phrases enflées et fleuries : une page pour ne rien dire ? Tenez pour certain que ce ne sont pas des Esprits supérieurs, mais de faux savants qui croient faire de l'effet en remplaçant par des mots le vide des idées, la profondeur des pensées par l'obscurité. Ils ne peuvent séduire que des cerveaux creux comme le leur, qui prennent le clinquant pour de l'or fin, et jugent la beauté d'une femme à l'éclat de sa parure.
Défiez-vous donc des Esprits verbeux, au langage ampoulé et amphigourique, qu'il faut se creuser la tête pour comprendre ; reconnaissez la vraie supériorité au style concis, clair et intelligible sans effort d'imagination ; ne mesurez pas l'importance des communications à leur longueur, mais à la somme des idées qu'elles renferment sous le plus petit volume. Pour avoir le type de la supériorité réelle, comptez les mots et comptez les idées, ‑ j'entends les idées justes, saines et logiques ; ‑ la comparaison vous donnera la mesure exacte.
Barbaret (Esprit familier).
Mais la vérité est descendue d'en haut ; les Esprits supérieurs viennent, comme les apôtres des premiers jours de l'ère chrétienne, enseigner et diriger. Le Livre des Esprits est toute une révolution, parce qu'il est écrit brièvement, sobrement : peu de mots, beaucoup de choses ; pas de fleurs de rhétorique, pas d'images, mais seulement des pensées grandes et fortes qui consolent et fortifient ; c'est pour cela qu'il plaît, et il plaît parce qu'il est compris facilement : là est un cachet de la supériorité des Esprits qui l'ont dicté.
Pourquoi se trouve-t-il tant de communications venant d'Esprits soi-disant supérieurs, pleines de non-sens, de phrases enflées et fleuries : une page pour ne rien dire ? Tenez pour certain que ce ne sont pas des Esprits supérieurs, mais de faux savants qui croient faire de l'effet en remplaçant par des mots le vide des idées, la profondeur des pensées par l'obscurité. Ils ne peuvent séduire que des cerveaux creux comme le leur, qui prennent le clinquant pour de l'or fin, et jugent la beauté d'une femme à l'éclat de sa parure.
Défiez-vous donc des Esprits verbeux, au langage ampoulé et amphigourique, qu'il faut se creuser la tête pour comprendre ; reconnaissez la vraie supériorité au style concis, clair et intelligible sans effort d'imagination ; ne mesurez pas l'importance des communications à leur longueur, mais à la somme des idées qu'elles renferment sous le plus petit volume. Pour avoir le type de la supériorité réelle, comptez les mots et comptez les idées, ‑ j'entends les idées justes, saines et logiques ; ‑ la comparaison vous donnera la mesure exacte.
Barbaret (Esprit familier).
La raison et le surnaturel. (Société Spirite de Paris. ‑ Méd., M. A. Didier.)
L'homme est borné dans son intelligence et dans ses sensations. Il ne
peut comprendre au-delà de certaines limites, et il prononce alors ce
mot sacramentel et qui met fin à tout : Surnaturel.
Le mot surnaturel, dans la science nouvelle que vous étudiez, est un mot de convention ; il existe pour ne rien exprimer. En effet, que veut dire ce mot ? Hors de la nature ; au-delà de ce qui nous est connu. Quoi de plus insensé, de plus absurde que d'appliquer ce mot à tout ce qui est en dehors de nous ! Pour l'homme qui pense, le mot surnaturel n'est pas définitif ; il est vague, il fait pressentir. On connaît la phrase banale de l'incrédule par ignorance : « C'est surnaturel. Or, la raison, etc., etc. » Hélas ! lorsque la nature s'élargissant et agissant en reine, nous montre des trésors méconnus, la raison devient donc en ce sens déraisonnable et absurde, puisqu'elle persiste malgré les faits. Or, s'il y a fait, c'est que la nature le permet. La nature a pour nous quelques manifestations sublimes, sans doute, mais qui sont très restreintes, si l'on entre dans le domaine de l'inconnu. Ah ! vous voulez fouiller la nature ; vous voulez connaître la cause des choses, causa rerum, et vous croyez qu'il ne faut pas mettre votre raison banale de côté ? Mais vous plaisantez, messieurs. Qu'est-ce que la raison humaine, sinon la manière de penser de votre monde ? Vous courez de planète en planète, et croyez que la raison doit vous y accompagner ? Non, messieurs ; la seule raison que vous devez avoir au milieu de tous ces phénomènes, c'est le sang-froid et l'observation à ce point de vue, et non au point de vue de l'incrédulité.
Nous avons dernièrement touché à des questions bien graves, vous vous le rappelez ; mais, au milieu de ce que nous disions, nous n'avons pas conclu que tout mal vient des hommes ; après bien des luttes, après bien des discussions, viennent aussi les bonnes pensées, une foi nouvelle et des espérances nouvelles. Le Spiritisme, comme je vous l'ai dit dernièrement, est la lumière qui doit éclairer désormais toute intelligence qui tend au progrès. La prière sera le seul dogme et la seule pratique du Spiritisme, c'est-à-dire l'harmonie et la simplicité ; l'art sera nouveau, parce qu'il sera fécondé par des idées nouvelles. Songez que toute œuvre inspirée par une idée philosophique religieuse est toujours une manifestation puissante et saine ; le Christ sera toujours l'humanité, mais ce ne sera plus l'humanité souffrante : ce sera l'humanité triomphante.
Lamennais.
Allan Kardec.
Le mot surnaturel, dans la science nouvelle que vous étudiez, est un mot de convention ; il existe pour ne rien exprimer. En effet, que veut dire ce mot ? Hors de la nature ; au-delà de ce qui nous est connu. Quoi de plus insensé, de plus absurde que d'appliquer ce mot à tout ce qui est en dehors de nous ! Pour l'homme qui pense, le mot surnaturel n'est pas définitif ; il est vague, il fait pressentir. On connaît la phrase banale de l'incrédule par ignorance : « C'est surnaturel. Or, la raison, etc., etc. » Hélas ! lorsque la nature s'élargissant et agissant en reine, nous montre des trésors méconnus, la raison devient donc en ce sens déraisonnable et absurde, puisqu'elle persiste malgré les faits. Or, s'il y a fait, c'est que la nature le permet. La nature a pour nous quelques manifestations sublimes, sans doute, mais qui sont très restreintes, si l'on entre dans le domaine de l'inconnu. Ah ! vous voulez fouiller la nature ; vous voulez connaître la cause des choses, causa rerum, et vous croyez qu'il ne faut pas mettre votre raison banale de côté ? Mais vous plaisantez, messieurs. Qu'est-ce que la raison humaine, sinon la manière de penser de votre monde ? Vous courez de planète en planète, et croyez que la raison doit vous y accompagner ? Non, messieurs ; la seule raison que vous devez avoir au milieu de tous ces phénomènes, c'est le sang-froid et l'observation à ce point de vue, et non au point de vue de l'incrédulité.
Nous avons dernièrement touché à des questions bien graves, vous vous le rappelez ; mais, au milieu de ce que nous disions, nous n'avons pas conclu que tout mal vient des hommes ; après bien des luttes, après bien des discussions, viennent aussi les bonnes pensées, une foi nouvelle et des espérances nouvelles. Le Spiritisme, comme je vous l'ai dit dernièrement, est la lumière qui doit éclairer désormais toute intelligence qui tend au progrès. La prière sera le seul dogme et la seule pratique du Spiritisme, c'est-à-dire l'harmonie et la simplicité ; l'art sera nouveau, parce qu'il sera fécondé par des idées nouvelles. Songez que toute œuvre inspirée par une idée philosophique religieuse est toujours une manifestation puissante et saine ; le Christ sera toujours l'humanité, mais ce ne sera plus l'humanité souffrante : ce sera l'humanité triomphante.
Lamennais.
Allan Kardec.