REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862

Allan Kardec

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Septembre

Inauguration d'un groupe spirite à Bordeaux

Discours d'ouverture.

En dépit de certains mauvais vouloirs, les groupes spirites se multiplient chaque jour ; nous nous faisons un plaisir et un devoir de mettre sous les yeux de nos nombreux lecteurs le discours prononcé à Bordeaux à l'ouverture de l'un d'eux, par son fondateur, M. Condat, le 20 mars 1862. La manière dont la grave question du Spiritisme y est envisagée prouve combien, maintenant, on en comprend le but essentiel et la véritable portée. Nous sommes heureux de dire que ce sentiment est général aujourd'hui, car partout le sentiment de la curiosité fait place au désir sérieux de s'instruire et de s'améliorer ; c'est ce que nous avons été à même de constater dans les visites que nous avons faites en différentes villes de province ; nous avons vu s'attacher aux communications instructives, et priser à leur valeur, les médiums qui les obtiennent. Ceci est un fait caractéristique dans l'histoire de l'établissement du Spiritisme. Nous ne connaissons nullement le groupe dont nous parlons, mais nous jugeons de ses tendances par le discours d'ouverture ; l'orateur n'eût pas tenu ce langage en présence d'un auditoire léger et superficiel, et réuni en vue de se distraire. Ce sont les réunions sérieuses qui donnent une idée sérieuse du Spiritisme. Voilà pourquoi nous ne saurions trop en encourager la multiplication.

Mesdames et messieurs,

En vous priant d'accepter les remerciements que j'ai l'honneur de vous présenter pour le bienveillant accueil que vous avez fait à mon invitation, permettez-moi de vous adresser quelques paroles sur le sujet de notre réunion. A défaut de talent, vous y verrez, du moins je l'espère, la conviction d'un homme profondément dévoué au progrès de l'humanité.

Bien souvent le voyageur intrépide, aspirant à atteindre le faîte d'une montagne, rencontre l'étroit sentier obstrué par un roc ; bien souvent aussi, dans la marche des âges, l'humanité qui tend à se rapprocher de Dieu rencontre son obstacle : son rocher, c'est le matérialisme. Elle stationne quelque temps, quelques siècles peut-être ; mais la force invincible à laquelle elle obéit, agissant en raison de la résistance, triomphe de l'obstacle, et l'humanité, toujours sollicitée de marcher en avant, repart avec un élan plus vif.

Ne nous étonnons donc pas, messieurs, lorsque se manifeste une de ces grandes idées qui décèlent le mieux l'origine céleste de l'homme, lorsque se produit un de ces faits prodigieux qui viennent déranger les calculs restreints et les observations bornées de la science matérialiste ; ne nous étonnons pas et surtout ne nous laissons pas décourager par les résistances qui surviennent à l'encontre de tout ce qui peut servir à démontrer que l'homme n'est pas seulement un peu de boue dont les éléments seront restitués à la terre après la mort.

Constatons plutôt, et constatons-le avec bonheur, nous, les adeptes du Spiritisme, nous les enfants du dix-neuvième siècle, fils lui-même d'un siècle qui a été la manifestation la plus complète, l'incarnation, pour ainsi dire, du scepticisme et de ses décourageantes conséquences ; constatons-le, l'humanité marche à cette heure !

Voyez le progrès que fait ici le Spiritisme, dans cette belle, grande et intelligente cité ; voyez comme le doute s'efface partout aux clartés de la science nouvelle.

Comptons-nous, messieurs, et avouons-le avec sincérité, combien d'entre nous qui, la veille encore, avaient sur les lèvres le sourire de l'incrédulité ont aujourd'hui le pied dans la voie, et au cœur la résolution de ne pas retourner en arrière. Cela se conçoit, on s'est placé dans le courant, il nous entraîne. Quelle est donc cette doctrine, messieurs, où mène-t-elle ?

Relever le courage de l'homme, le soutenir dans ses défaillances, le rendre fort contre les vicissitudes de la vie, raviver sa foi, lui prouver l'immortalité de son âme, non pas seulement par des démonstrations, mais par des faits : la voilà, cette doctrine, voilà où elle aboutit !

Quelle autre doctrine produira sur le moral et sur l'intellect de meilleurs résultats ? Sera-ce la négation d'une vie future qu'on pourra lui opposer comme préférable, dans l'intérêt de l'humanité tout entière et pour la perfection morale et intellectuelle de chaque homme isolément ?

En prenant pour principe ces mots qui résument le matérialisme tout entier : « Tout finit quand s'ouvre la tombe, » avec cette maxime désolante qu'arrive-t-on à produire, sinon le néant ? J'éprouve une sorte de sentiment pénible, une sorte de pudeur d'avoir fait un parallèle entre ces deux extrêmes : l'espoir de retrouver dans un monde meilleur des êtres chéris dont l'âme a ouvert les ailes, l'horreur invincible que nous éprouvons, que l'athée éprouve lui-même à la pensée que tout l'anéantirait avec le dernier souffle de la partie mortelle de notre être, suffiraient pour repousser toute idée de comparaison. Mais cependant, messieurs, si toutes les consolations que renferme le Spiritisme n'étaient qu'à l'état de croyances seulement, si ce n'étant qu'un système de pure spéculation, une ingénieuse fiction, comme l'ont objecté les apôtres du matérialisme, pour soumettre les intelligences faibles à certaines règles appelées arbitrairement vertu, et les retenir ainsi en dehors des appétits séduisants de la matière, compensation qu'en un jour de pitié, l'auteur de cet ordre fatal qui donne tout aux uns et réserve la souffrance au plus grand nombre, aurait accordée à ceux-ci pour s'étourdir. N'est-ce pas, messieurs, que pour les intelligences fortes, pour l'homme qui sait faire un usage légitime de sa raison, ces ingénieuses combinaisons, établies comme conséquences d'un principe sans base et fruit seulement de l'imagination, seraient un tourment de plus ajouté aux tourments d'une fatalité à laquelle on ne pourrait se soustraire ?

La démonstration est une chose admirable sans doute, elle prouve avant tout la raison humaine, l'âme, cette abstraction de la matière. Mais jusqu'à ce jour son point de départ unique a été ce mot de Descartes : « Je pense, donc je suis. » Aujourd'hui, le Spiritisme est venu donner une force immense au principe de l'immortalité de l'âme en l'étayant de faits tangibles, irréfutables.

Ce qui précède explique comment et pourquoi nous nous trouvons réunis ici. Mais laissez-moi encore, messieurs, vous faire part d'une impression que j'ai toujours ressentie, d'un désir qui s'est constamment renouvelé chaque fois que je me suis trouvé en présence d'une société, poursuivant comme but un perfectionnement de l'homme moral. J'aurais voulu être de la première réunion, participer aux premières communications d'âme à âme des fondateurs, j'aurais voulu présider au développement du germe de l'idée, germe qui, comme la graine devenue géant, a donné plus tard d'abondants fruits.

Eh bien ! messieurs, aujourd'hui que j'ai le bonheur de vous réunir pour vous proposer de former un nouveau groupe spirite, mon idée reçoit satisfaction entière, et je vous prie de conserver comme moi dans votre cœur, dans votre souvenir, la date du 20 mars.

Maintenant, messieurs, il est temps de passer dans la pratique : j'ai trop tardé peut-être. Sans transition, pour réparer la perte du temps trop largement accordé à des épanchements, j'aborderai donc l'objet de notre réunion en vous priant de vous prémunir contre une objection qui se présentera naturellement à votre esprit comme elle s'est présentée au mien sur la nécessité indispensable de médiums quand on veut former un groupe spirite. C'est là, messieurs, l'apparence d'une difficulté, et non une difficulté. Au début, en l'absence de médiums, nos soirées ne seront pas passées stérilement, croyez-le. Voici une idée que je vous soumets en appelant vos conseils ; nous procéderions ainsi !

La première de chaque séance serait donnée à des lectures dans le Livre des Esprits et dans celui des médiums. La seconde partie serait consacrée à la formation de médiums parmi nous, et croyez-le bien, messieurs, si nous suivons les conseils et les enseignements qui nous sont donnés dans les ouvrages de notre vénéré chef, M. Allan Kardec, la faculté médianimique ne tardera pas à se développer chez la plupart de nous, et c'est alors que nos travaux recevront leur plus douce, leur plus large récompense ; car Dieu, le grand Créateur de toutes choses, le juge infaillible, ne peut se tromper sur le bon usage que nous voulons faire de la précieuse faculté médiaminique. Il ne manquera donc pas, pour nous donner la plus belle récompense que nous puissions ambitionner, de permettre que l'un de nous, au moins, obtienne cette faculté au même degré que plusieurs des médiums sérieux que nous avons le bonheur de posséder ce soir.

Nos bien-aimés frères Gourgues et Sabô, que j'ai l'honneur de vous présenter, ont bien voulu aussi, en assistant à notre séance d'installation, lui donner un plus grand degré de solennité. Qu'ils nous donnent l'espoir, et nous leur en adressons la prière, que bien souvent, aussi souvent qu'il leur sera possible, ils viendront nous visiter ; leur présence fortifiera notre foi, ranimera l'ardeur de ceux d'entre nous qui, par suite d'insuccès dans leurs premières tentatives médianimiques, pourraient tomber dans le découragement.

Surtout, messieurs, ne faisons pas fausse route ; rendons-nous bien compte de notre entreprise, de son but ; il se tromperait gravement celui qui ne serait tenté de faire partie du nouveau groupe que nous allons former, que dans l'espoir d'y trouver des distractions futiles et en dehors de la vraie morale prêchée par les bons Esprits.

« Le but essentiel du Spiritisme, a dit notre vénéré chef, est l'amélioration des hommes. Il n'y faut chercher que ce qui peut aider au progrès moral et intellectuel. Il ne faut pas perdre de vue enfin que la croyance au Spiritisme n'est profitable qu'à celui dont on peut dire : Il vaut mieux aujourd'hui qu'hier. »

N'oublions pas que notre pauvre planète est un lieu de purgatoire où nous expions, par notre existence actuelle, les fautes que nous avons commises dans les précédentes. Cela prouve une chose, messieurs, c'est qu'aucun de nous ne peut se dire parfait ; car, tant que nous aurons à expier les fautes, nous serons réincarnés. Notre présence sur la terre atteste donc notre imperfection.

Le spiritisme a planté les jalons de la route qui conduit aux pieds de Dieu ; marchons sans jamais les perdre de vue. La ligne tracée par les bons Esprits, géomètres de la Divinité, est bordée de précipices ; les ronces et les épines en sont les marges, ne craignons pas leurs piqûres. Que sont de pareilles blessures comparées au bonheur éternel qui accueillera le voyageur au terme de sa course ?

Ce terme, ce but, messieurs est depuis longtemps déjà l'objet de mes méditations. En embrassant d'un regard mon passé, en me retournant pour reconnaître encore la ronce qui m'avait déchiré, l'obstacle qui m'avait fait trébucher dans le sentier, je n'ai pu m'empêcher de faire ce que tout homme fait au moins une fois dans sa vie, le compte pour ainsi dire de ses joies et de ses douleurs, de ses bons moments de courage, de ses heures de défaillance. Et de tête reposée, l'âme libre, c'est-à-dire replié sur elle-même, dégagée de la matière, je me suis dit : L'existence humaine n'est qu'un rêve, mais un rêve affreux commençant alors que l'âme ou l'Esprit incarné de l'enfant s'éclaire aux premières lueurs de l'intelligence, pour cesser dans les évanouissements de la mort. La mort ! ce mot d'épouvante pour tant de monde, n'est donc en réalité que le réveil de cet affreux sommeil, le bienfaiteur secourable qui nous délivre du cauchemar insupportable qui nous a accompagnés pas à pas, depuis notre naissance.

Je parle en général, mais non d'une manière absolue ; la vie de l'homme de bien n'a plus ces mêmes caractères ; ce qu'il a fait de bon, de grand, d'utile, illumine de pures clartés le songe de son existence. Pour lui, le passage de la vie à la mort se fait sans douloureuse transition ; il ne laisse rien derrière lui qui puisse compromettre l'avenir de sa nouvelle existence spirituelle, récompense de ses bienfaits.

Mais pour ceux-là, au contraire, volontaires aveugles qui auront constamment fermé les yeux pour mieux nier l'existence de Dieu, qui se seront refusés à la contemplation du sublime spectacle de ses œuvres divines, preuves et manifestations de sa bonté, de sa justice, de sa puissance ; ceux-là, dis-je, auront un affreux réveil, plein de regrets amers, regrets surtout d'avoir méconnu les bienfaisants conseils de leurs frères spirites, et la souffrance morale qu'ils subiront durera jusqu'au jour où un repentir sincère les fera prendre en pitié par Dieu, qui leur accordera la faveur d'une incarnation nouvelle.

Beaucoup de personnes voient encore dans les communications spirites l'œuvre du démon ; mais cependant le nombre en diminue chaque jour. Cette heureuse décroissance tient évidemment à ce que la curiosité amenant soit à visiter les groupes spirites, soit à lire le Livre des Esprits, il se trouve toujours dans le nombre des curieux quelques personnes qui se convainquent, surtout parmi celles qui lisent le Livre des Esprits ; car ne croyez pas, messieurs, amener beaucoup d'adeptes à notre sublime doctrine en faisant de prime abord assister à nos séances ; non, j'en ai l'intime conviction, une personne complètement étrangère à la doctrine ne sera pas convaincue par ce qu'elle verra dans nos séances ; elle sera plutôt disposée à rire des phénomènes qu'on y obtient qu'à les prendre au sérieux.

Quant à moi, messieurs, je crois avoir beaucoup plus fait pour la nouvelle doctrine lorsque, au lieu de faire assister une personne à l'une de nos séances, j'ai pu la décider à lire le Livre des Esprits. Quand j'ai la certitude que cette lecture a été faite et qu'elle a produit les fruits qu'elle ne peut manquer de produire, oh ! c'est alors que je conduis avec bonheur la personne dans un groupe spirite ; car n'ai-je pas la certitude à ce moment qu'elle se rendra compte de tout ce qu'elle verra et entendra, et que ce qui l'eût probablement fait rire avant la lecture de ce livre produira à cette heure des effets diamétralement opposés ? Je n'entends pas dire qu'elle pleurera.

Puis-je mieux terminer, messieurs, que par une citation puisée dans le Livre des Esprits ; elle convaincra, beaucoup mieux que mes faibles moyens ne me le permettent, ceux qui doutent encore du fond de vérité sur lequel reposent les croyances spirites :

« Ceux qui disent que les croyances spirites menacent d'envahir le monde en proclament par cela même la puissance ; car une idée sans fondement et dénuée de logique ne saurait devenir universelle. Si donc le Spiritisme s'implante partout, s'il se recrute surtout dans les classes éclairées, ainsi que chacun le reconnaît, c'est qu'il a un fond de vérité. Contre cette tendance, tous les efforts de ses détracteurs seront vains, et ce qui le prouve, c'est que le ridicule même dont ils ont cherché à le couvrir, loin d'en arrêter l'essor, semble lui avoir donné une nouvelle vie. Ce résultat justifie pleinement ce que nous ont dit maintes fois les Esprits : « Ne vous inquiétez pas de l'opposition ; tout ce que l'on fera contre vous tournera pour vous, et vos plus grands adversaires serviront votre cause sans le vouloir. Contre la volonté de Dieu, la mauvaise volonté des hommes ne saurait prévaloir. »

Condat.

Lettre à un prédicateur, par M. Dombre

Le P. F…, dominicain, ayant prêché à Marmande pendant le mois de mai dernier, crut devoir, dans l'un de ses derniers sermons, jeter quelques pierres contre le Spiritisme. M. Dombre aurait désiré une discussion plus approfondie sur ce sujet, et que M. Labbé F…, au lieu de se renfermer dans des attaques banales, abordât résolument certaines question de détails ; mais, craignant que son nom n'eût pas assez de poids pour l'y décider, il lui écrivit la lettre suivante sous le pseudonyme de Un Catholique :

« Monsieur le prédicateur,

Je suis avec assiduité vos instructions dogmatiques de chaque soir. Par une fatalité que je déplore, j'arrivai un peu plus tard que de coutume vendredi, et j'appris à la sortie de l'église que vous aviez commencé, sous forme d'escarmouche, une attaque contre le Spiritisme : je m'en réjouis au nom des catholiques fervents. Si j'ai été bien renseigné, voici les questions que vous auriez effleurées :

1° Le Spiritisme est une religion nouvelle du dix-neuvième siècle.

2° Il y a incontestablement communication avec les Esprits.

3° Les communications avec les Esprits, bien constatées, bien reconnues, vous vous chargez de prouver, à la suite de longues et sérieuses études que vous avez faites sur le Spiritisme, que les Esprits qui se communiquent ne sont autres que le démon.

4° Enfin, il serait dangereux, au point de vie du salut de l'âme, de s'occuper du Spiritisme avant que l'Église ne se soit prononcée à cet égard. J'aime bien ce quatrième article, mais si l'on reconnaît d'avance que c'est le démon, l'Église n'a plus rien à faire[1].

« Voilà quatre questions importantes que je brûle de voir résolues pour confondre du même coup les Spirites et les catholiques de nom qui ne croient ni au démon ni aux peines éternelles, tout en admettant un Dieu et l'immortalité de l'âme, et les matérialistes qui ne croient à rien.

A cette première question : le Spiritisme est une religion, les Spirites disent : Non, le Spiritisme n'est pas une religion, il ne prétend pas être une religion. Le Spiritisme est fondé sur l'existence d'un monde invisible formé d'êtres incorporels qui peuplent l'espace et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d'autres globes. Ces êtres, qui nous entourent sans cesse, exercent sur les hommes à leur insu une grande influence ; ils jouent un rôle très actif dans le monde moral et jusqu'à un certain point dans le monde physique. Le Spiritisme est dans la nature, et l'on peut dire que, dans un certain ordre de choses, c'est une puissance comme l'électricité en est une à un autre point de vue, comme la gravitation en est une autre. Le Spiritisme nous dévoile le monde invisible ; il n'est pas nouveau ; l'histoire de tous les peuples en fait mention. Le Spiritisme repose sur des principes généraux indépendants de toute question dogmatique. Il a des conséquences morales, il est vrai, dans le sens du christianisme, mais il n'a ni culte, ni temples, ni ministres ; chacun peut se faire une religion de ses opinions, mais de là à la constitution d'une nouvelle Église, il y a loin ; donc le Spiritisme n'est pas une nouvelle religion. Voilà, monsieur le prédicateur, ce que disent les Spirites à cette première question.

A cette même question, les faux catholiques et les matérialistes rient. Les premiers, s'ils sont dans les heureux de ce monde, rient du bout des lèvres ; cette doctrine, qui comporte la pluralité des existences, ou réincarnations, les choque dans leurs jouissances et leur orgueil. Revenir peut-être dans une condition inférieure, c'est affreux à penser ! Les Spirites leur disent : « Voilà la justice, la véritable égalité. » Mais cette égalité ne leur va pas. Les matérialistes, esprits forts et composés de prétendus savants, rient de cœur, parce qu'ils ne croient pas à l'avenir : le sort du petit chien qui les suit et le leur sont absolument la même chose, et ils trouvent cela préférable.

« A la deuxième question : Il y a communication avec les Esprits, les Spirites et nous, fervents catholiques, sommes d'accord ; les faux catholiques et les matérialistes font le rire d'incrédulité.

« A la troisième question : C'est le démon seul qui se communique, les Spirites rient à leur tour ; les matérialistes rient aussi en se moquant de ceux qui croient aux communications et de ceux qui, y croyant, les attribuent aux démons ; les faux catholiques gardent le silence et semblent dire : Arrangez-vous entre vous.

« A la quatrième question : Il faut attendre que l'Église se soit prononcée, les Spirites disent : « Il viendra certainement un jour où la croyance au Spiritisme deviendra si vulgaire, sera si répandue, que l'Église, à moins de vouloir rester seule, sera forcée de suivre le torrent. Le Spiritisme se fondra alors dans le catholicisme, et le « catholicisme dans le Spiritisme. » A cette question le matérialiste rit encore et dit : « Que m'importe ! » le faux catholique entre dans une sorte de dépit ; il ne peut, ainsi que je l'ai dit plus haut, s'accommoder de cette doctrine : son égoïsme et son orgueil en sont froissés ; il repousse cette éventualité d'une fusion. « C'est impossible, dit-il, le Spiritisme n'est qu'une utopie qui ne fera pas quatre pas dans le monde[2]. »

« Agréez, etc.

« Un fervent catholique. »

Dans une lettre adressée à Bordeaux, à ce sujet, M. Dombre dit :

« M. l'abbé F… a cherché à savoir quel était le Spirite et non le fervent catholique qui lui avait écrit cette lettre. Ses envoyés sont venus jusqu'à moi et m'ont dit : « M. F… aurait besoin de sept à huit sermons pour répondre, et le temps lui manque ; et puis il voudrait savoir le nom de celui à qui il a affaire. ‑ Je garantis, ai-je répondu, que l'auteur de la lettre se fera connaître, s'il veut y répondre en chaire. » Il paraît que l'on sait ici par expérience que plus on parle contre le Spiritisme, plus on fait de prosélytes, et qu'on a jugé à propos de garder le silence, car M. l'abbé F… est parti sans en reparler.

Vous allez me dire qu'il y a peut-être un peu de témérité de vouloir ainsi entrer en lice ; je connais le besoin de notre localité ; il faut du bruit. Les ennemis systématiques ou intéressés du Spiritisme ne demanderaient que le mutisme, et moi, je veux les assourdir de discussions. Il y a toujours, autour des incrédules qui discutent, des indifférents ou des disposés à croire qui retirent un profit de la lutte, relativement à l'instruction spirite. ‑ Mais pensez-vous, me direz-vous peut-être, vous tirer honorablement de ces polémiques ? ‑ Eh ! mon Dieu ! quand on est abonné à la Revue spirite, qu'on a lu tous les livres de la doctrine, qu'on s'est plongé tout entier dans les arguments sur lesquels elle s'appuie et sur ceux des Esprits qui se communiquent, on sort de là comme Minerve, armé de pied en cap, et l'on ne craint rien. »



Remarque. ‑ On dit : Vous croyez à la réincarnation, et la pluralité des existences est contraire aux dogmes qui n'en admettent qu'une seule ; donc, par cela même, vous êtes hors de l'Eglise.

À cela, nous répéterons ce que nous avons dit cent fois : Vous avez mis jadis hors de l'Église, anathématisé, excommunié, condamné comme hérétiques ceux qui croyaient au mouvement de la terre. ‑ C'était, dites-vous, dans un temps d'ignorance. ‑ Soit ; mais si l'Église est infaillible, elle devait l'être alors comme aujourd'hui, et son infaillibilité ne peut être soumise aux fluctuations de la science mondaine. Mais tout dernièrement, il y a à peine un quart de siècle, dans ce siècle de lumière, n'a-t-elle pas également condamné les découvertes de la science touchant la formation du globe ? Qu'en est-il advenu aujourd'hui ? et qu'en serait-il advenu si elle avait persisté à repousser de son sein tous ceux qui croient à ces choses-là ? Il n'y aurait plus de catholiques, pas même le pape. Pourquoi donc l'Église a-t-elle dû céder ? C'est parce que le mouvement des astres et leur formation reposent sur les lois de la nature, et que, contre ces lois, il n'y a pas d'opinion qui puisse tenir.

Quant à la réincarnation, de deux choses l'une : ou elle existe, ou elle n'existe pas : il n'y a pas de moyen terme. Si elle existe, c'est qu'elle est dans les lois de la nature. Si un dogme dit autre chose, il s'agit de savoir qui a raison du dogme ou de la nature, qui est l'œuvre de Dieu. La réincarnation n'est donc pas une opinion, un système, comme une opinion politique ou sociale qu'on peut adopter ou refuser ; c'est un fait ou ce n'en est pas un ; si c'est un fait, il a beau n'être pas du goût de tout le monde, tout ce qu'on dira ne l'empêchera pas d'être un fait.

Nous croyons fermement, pour notre compte, que la réincarnation, loin d'être contraire aux dogmes, donne de plusieurs une explication logique qui les fait accepter de la plupart de ceux qui les repoussaient, parce qu'ils ne les comprenaient pas ; la preuve en est dans le grand nombre de personnes ramenées aux croyances religieuses sur le Spiritisme. Mais admettons cette incompatibilité, si vous le voulez ; nous posons carrément cette question : « Quand la pluralité des existences sera reconnue, ce qui ne tardera pas, comme une loi naturelle ; quand tout le monde reconnaîtra cette loi comme seule comptatible avec la justice de Dieu, et comme pouvant seule expliquer ce qui, sans cela, est inexplicable, que ferez-vous ? » ‑ Vous ferez ce que vous avez fait pour le mouvement de la terre et les six jours de la création, et il ne sera pas difficile de concilier le dogme avec cette loi.

A.K.



[1] Si l'Eglise ne s'est point encore prononcée, la question du démon n'est donc qu'une opinion individuelle qui n'a pas de sanction légale ; et cela est si vrai que tous les ecclésiastiques ne la partagent pas, et nous en connaissons beaucoup dans ce cas. Jusqu'à plus ample information, le doute est permis, et l'on peut voir dès à présent que cette doctrine du démon a peu d'empire sur les masses. Si jamais l'Église la proclamait officiellement, il serait à craindre qu'il n'en advînt de ce jugement ce qui est advenu de la déclaration d'hérésie et de la condamnation prononcée jadis contre le mouvement de la terre ; ce qu'il en est advenu de nos jours des anathèmes lancés contre la science à propos des six périodes de la création. Nous croyons que le clergé ferait sagement et prudemment de ne pas trop se hâter de trancher la question, en affirmant une chose qui jusqu'à présent provoque plus d'incrédulité et plus de rires que d'effroi, et à laquelle nous pouvons certifier que beaucoup de prêtres ne croient pas plus que nous, parce qu'elle est illogique. S'exposer à recevoir un démenti de l'avenir et à se voir forcé de reconnaître qu'on s'est trompé, c'est nuire à l'autorité morale de l'Église qui proclame l'infaillibilité de ses jugements. Mieux vaudrait donc s'abstenir.

Au reste, quoi qu'on ait pu dire et faire contre le Spiritisme, l'expérience est là pour prouver que sa marche est irrésistible ; c'est une idée qui s'implante partout avec une rapidité prodigieuse, parce qu'elle satisfait à la fois la raison et le cœur. Pour l'arrêter, il faudrait lui opposer une doctrine qui satisfît davantage, et ce ne sera certainement pas celle du démon et des peines éternelles.

A.K.


[2] Faux catholiques, vrais catholiques, ou matérialistes, il en est qui tiennent ce langage. Qu'ils l'aient dit il y a quelques années, cela pouvait se concevoir ; mais depuis quatre ou cinq ans il en a tant fait de pas, et il en fait tant tous les jours, qu'avant peu il aura atteint le but. Cherchez dans l'histoire une doctrine qui ait fait autant de chemin en si peu de temps. En présence de ce résultat inoui d'une propagation contre laquelle viennent se briser toutes les foudres et toutes les railleries ; qui croît en raison de la violence des attaques, il est vraiment par trop naïf de dire que le Spiritisme n'est qu'un feu de paille. S'il en est ainsi, pourquoi tant de colères ? laissez-le donc s'éteindre tout seul. Nous, qui sommes aux premières loges pour le voir marcher, qui en suivons toutes les péripéties, nous en voyons la conclusion, et nous rions, à notre tour.

A. K.



Le Spiritisme à une distribution de prix

Un de nos collègues de la Société spirite de Paris nous communique la lettre suivante, qu'il a adressé aux directrices du pensionnat où est une de ses filles, à Paris :

« Mesdames,

« Je vous prie de me permettre quelques réflexions sur un discours prononcé à la distribution des prix de votre pensionnat ; ma qualité de père de famille et surtout celle de père d'une de vos élèves, me donne quelques droits à cette appréciation.

« L'auteur de ce discours, étranger à votre établissement, et professeur, m'a-t-on dit, au collège C…, s'est livré à un long persiflage, je ne sais vraiment à propos de quoi, sur la science spirite et les médiums. Qu'il eût émis son opinion sur ce sujet en toute autre circonstance, je le comprendrais ; mais devant un auditoire comme celui auquel il parlait, devant les jeunes personnes confiées à vos soins, permettez-moi de dire que cette question était déplacée, et que c'était mal choisir son thème pour chercher à faire de l'effet.

« Ce monsieur a dit entre autres choses que « tous les gens qui s'occupent d'expériences de tables et autres phénomènes dits spirites ou de l'ordre psychologique sont des jongleurs, des dupes ou des stupides. »

« Je suis, mesdames, du nombre de ceux qui s'en occupent et ne le cachent pas, et j'ai la certitude de n'avoir pas été le seul dans votre réunion. Je n'ai pas la prétention d'être savant, comme votre orateur, et à ce titre je suis peut-être stupide, à son point de vue ; toutefois l'expression est assez malséante quand on l'adresse à des personnes que l'on ne connaît pas, et qu'on généralise la pensée ; mais à coup sûr ma position et mon caractère me mettent à l'abri de l'épithète de jongleur. Ce monsieur paraît ignorer que cette stupidité compte aujourd'hui ses adeptes par millions dans le monde entier, et que ces prétendus jongleurs se trouvent jusque dans les rangs les plus élevés de la société, sans quoi il eût réfléchi que ses paroles pouvaient aller à l'adresse de plus d'un de ses auditeurs. S'il a prouvé, par cette sortie intempestive, un manque de tact et de savoir-vivre, il a également prouvé qu'il parlait d'une chose qu'il n'a jamais étudiée.

« Quant à moi, mesdames, depuis quatre ans, j'étudie, j'observe, et le résultat de mes observations a été de me convaincre, comme tant d'autres, que notre monde matériel peut, dans certaines circonstances, se mettre en rapport avec le monde spirituel. Les preuves de ce fait, j'en ai eu des milliers, partout, dans tous les pays que j'ai visités, et vous savez que j'en ai vu beaucoup, dans ma famille, avec ma femme qui est médium sans être une jongleuse, avec des parents, avec des amis qui, comme moi, cherchaient le vrai.

« Ne pensez pas, mesdames, que j'aie cru de prime-saut, sans examen ; non ; comme je l'ai dit, j'ai étudié et observé consciencieusement, froidement, avec calme et sans parti pris, et ce n'est qu'après mûres réflexions que j'ai eu le bonheur de me convaincre de la réalité de ces choses. Je dis le bonheur, car, je l'avouerai, l'enseignement religieux que j'avais reçu n'étant pas suffisant pour éclairer ma raison, j'étais devenu sceptique. Maintenant, grâce au Spiritisme, aux preuves patentes qu'il fournit, je ne le suis plus, parce que j'ai pu m'assurer de l'immortalité de l'âme et de ses conséquences. Si c'est là ce que ce monsieur appelle une stupidité, au moins devait-il s'abstenir de le dire devant vos élèves, qui pourront bien, et beaucoup plus tôt que vous ne le pensez peut-être, se rendre compte des phénomènes dont on leur a soulevé le voile. Il leur suffira, pour cela, d'entrer dans le monde ; la nouvelle science y fait de grands et rapides progrès, je vous l'assure. Alors n'est-il pas à craindre qu'elles fassent cette réflexion : Si l'on nous a induites en erreur sur ces matières ; si on a voulu nous cacher la vérité, ne se peut-il pas qu'on nous ait trompées sur d'autres points ? Dans le doute, la plus vulgaire prudence commandait de s'abstenir ; dans tous les cas, ce n'était ni le lieu ni le moment de traiter un pareil sujet.

« J'ai cru devoir, mesdames, vous faire part de mes impressions ; veuillez, je vous prie, les accueillir avec votre bonté habituelle.

« Agréez, etc.

A. Gassier,

38, rue de la Chaussée-d'Antin. »



Remarque. ‑ Le Spiritisme se répandant partout, il devient très rare qu'une assemblée quelconque ne renferme pas plus ou moins d'adeptes. Se livrer à des sorties virulentes contre une opinion qui grandit sans cesse ; se servir à ce propos d'expressions blessantes devant un auditoire qu'on ne connaît pas, c'est s'exposer à molester les gens les plus respectables, et quelquefois à se voir rappeler à l'ordre ; le faire dans une réunion qui, par sa nature, commande plus que toute autre la stricte observation des convenances, où toute parole doit être un enseignement, c'est une faute. Qu'une de ces jeunes personnes dont les parents s'occupent de Spiritisme aille leur dire : « Vous êtes des jongleurs, des dupes ou des stupides, » ne pourrait-elle pas s'excuser en disant :

« C'est ce qu'on m'a appris à la distribution des prix ? » Ce monsieur aurait-il fait une sortie semblable contre les protestants ou les juifs, en disant que ce sont tous des hérétiques et des damnés ; contre telle ou telle opinion politique ? Non, parce qu'il est peu de pensionnats où il n'y ait des élèves dont les parents professent différentes opinions politiques ou religieuses, et l'on craindrait de froisser ces derniers. Eh bien ! qu'il sache qu'il y a aujourd'hui, en France seulement, autant de Spirites qu'il y a de juifs et de protestants, et qu'avant qu'il soit longtemps, il y en aura autant qu'il y a de catholiques.

Au reste, là, comme partout, l'effet ira droit contre l'intention. Voilà une foule de jeunes filles naturellement curieuses, dont beaucoup n'ont jamais entendu du parler de ces choses-là, et qui voudront savoir ce que c'est à la première occasion ; elles essayeront de la médiumnité, et infailliblement plus d'une réussira ; elles en parleront à leurs compagnes, et, ainsi de suite. Vous leur défendrez de s'en occuper ; vous les effrayerez par l'idée du diable ; mais ce sera une raison de plus pour qu'elles le fassent en cachette, car elles voudront savoir ce que le diable leur dira. N'entendent-elles pas tous les jours parler de bons diables, de diables couleur de rose ? Or, là est le vrai danger, car, manquant d'expérience et sans guide prudent et éclairé ; elles pourraient se trouver sous une influence pernicieuse dont elles ne sauraient se débarrasser, et d'où peuvent résulter des inconvénients d'autant plus graves que, par suite de la défense qui leur aura été faite, et par crainte d'une punition, elles n'oseront rien dire. Vous leur défendrez d'écrire ? Ce n'est pas toujours facile ; les maîtres de pension en savent quelque chose ; mais que ferez-vous de celles qui deviendront médiums voyants ou auditifs ? Leur boucherez-vous les yeux et les oreilles ? Voilà, monsieur l'orateur, ce que peut produire votre imprudent discours, dont probablement vous avez été très satisfait.

Le résultat est tout autre chez les enfants élevés par leurs parents dans ces idées-là ; d'abord ils n'ont rien à cacher, et sont ainsi préservés des dangers de l'inexpérience ; puis cela leur donne de bonne heure une piété raisonnée que l'âge fortifie et ne peut affaiblir ; ils deviennent plus dociles, plus soumis, plus respectueux ; la certitude qu'ils ont de la présence de leurs parents défunts, qui les voient sans cesse, avec lesquels ils peuvent s'entretenir et dont ils reçoivent de sages avis, est pour eux un frein puissant par la crainte salutaire qu'elle leur inspire. Quand la génération sera élevée dans les croyances spirites, on verra la jeunesse tout autre, plus studieuse et moins turbulente. On peut en juger déjà par l'effet que ces idées produisent sur les jeunes gens qui en sont pénétrés.



Persécutions

La raillerie s'étant émoussée contre la cuirasse du Spiritisme, et servant plus à le propager qu'à le discréditer, ses ennemis essayent d'un autre moyen qui, nous le disons d'avance, ne réussira pas mieux et fera probablement plus de prosélytes encore ; ce moyen est la persécution. Nous disons qu'il en fera plus, par une raison très simple, c'est qu'en prenant le Spiritisme au sérieux, il en grandit énormément l'importance ; et puis, on s'attache d'autant plus à une cause, qu'elle a plus fait souffrir. On se rappelle sans doute les belles communications qui ont été données sur les martyrs du Spiritisme, et que nous avons publiées dans la Revue du mois d'avril dernier. Cette phase était annoncée depuis longtemps par les esprits :

« Quand on verra, ont-ils dit, l'arme du ridicule impuissante, on essayera celle de la persécution ; il n'y aura plus de martyrs sanglants, mais beaucoup auront à souffrir dans leurs intérêts et dans leurs affections ; on cherchera à désunir les familles, à réduire les adeptes par la faim ; à les harceler à coups d'épingle, plus cuisants parfois que la mort ; mais là encore ils rencontreront des âmes solides et ferventes qui sauront braver les misères de ce monde, en vue de l'avenir meilleur qui les attend. Rappelez-vous les paroles du divin Sauveur : « Bienheureux les affligés, car ils seront consolés. » Rassurez-vous cependant ; l'ère de la persécution dans laquelle vous entrerez bientôt sera de courte durée, et vos ennemis n'en retireront que la honte, car les armes qu'ils dirigeront contre vous se tourneront contre eux. »
L'ère prédite est commencée ; on nous signale de différents côtés des actes que l'on regrette de voir accomplir par les ministres d'un Dieu de paix et de charité. Nous ne parlerons pas des violences faites à la conscience en repoussant de l'Église ceux qu'y conduit le Spiritisme ; ce moyen ayant eu des résultats à peu près négatifs, on en a cherché de plus efficaces ; nous pourrions citer des localités où des gens qui vivent de leur travail ont été menacés de se voir enlever leurs ressources ; d'autres où les adeptes ont été signalés à l'animadversion publique en faisant courir après eux les gamins de la rue ; d'autres où l'on renvoie de l'école les enfants dont les parents s'occupent de Spiritisme ; une autre où un pauvre instituteur a été révoqué et réduit à la misère, parce qu'il avait chez lui le Livre des Esprits. Nous avons de ce dernier une touchante prière en vers, où respirent les plus nobles sentiments, la piété la plus sincère ; ajoutons qu'un Spirite bienfaisant lui a tendu une main secourable ; ajoutons encore qu'il a été en cette circonstance victime d'une infâme trahison de la part d'un homme à qui il s'était confié, et qui avait paru enthousiasmé de ce livre.

Dans une petite ville où le Spiritisme compte un assez grand nombre de partisans, un missionnaire a dit en chaire à ce dernier carême : « J'espère bien que dans l'auditoire il n'y a que des fidèles, et qu'il n'y a ni juifs, ni protestants, ni Spirites. » Il paraît qu'il comptait assez peu sur sa parole pour convertir ceux qui seraient venus l'entendre dans le but de s'éclairer. Dans une commune, près de Bordeaux, on a voulu empêcher les Spirites de se réunir plus de cinq, sous le prétexte que la loi s'y opposait ; mais une autorité supérieure a ramené l'autorité locale à la légalité. Il est résulté de cette petite vexation qu'aujourd'hui les trois quarts de cette commune sont Spirites. Dans le Département de Tarn-et-Garonne, les Spirites de plusieurs localités ayant voulu se réunir, on les a signalés comme conspirant contre le gouvernement. Cette accusation ridicule est tombée bien vite, comme cela devait être, et l'on en a ri.

Par contre, on nous a cité un magistrat qui a dit : « Plût à Dieu que tout le monde fût Spirite ! nos tribunaux auraient moins à faire, et l'ordre public n'aurait rien à craindre. » Il a dit là une grande et profonde vérité ; car on commence à s'apercevoir de l'influence moralisatrice que le Spiritisme exerce sur les masses. N'est-ce pas un résultat merveilleux que de voir des hommes, sous l'empire de cette croyance, renoncer à l'ivrognerie, à leurs habitudes de débauche, aux excès dégradants et au suicide ; des hommes violents devenir rangés, doux, paisibles et bons pères de famille ; des hommes qui blasphémaient le nom de Dieu, prier avec ferveur, et s'approcher pieusement des autels ? Et ce sont ces hommes-là que vous repoussez de l'Église ! Ah ! priez Dieu que, s'il réserve encore à l'humanité des jours d'épreuve, il y ait beaucoup de Spirites ; car ceux-là ont appris à pardonner à leurs ennemis, regardant comme le premier devoir du chrétien de leur tendre la main au moment du danger, au lieu de leur mettre le pied sur la gorge.

Un libraire de la Charente nous écrit ce qui suit :

« Je n'ai pas craint d'afficher ouvertement mes opinions spirites ; j'ai laissé de côté les mesquineries mondaines, sans me préoccuper si ce que je faisais ne nuirait pas à mon commerce. J'étais cependant loin de m'attendre à ce qui m'est arrivé. Si le mal se fût arrêté à de petites tracasseries, il n'eût pas été grand ; mais, hélas ! grâce à ceux qui comprennent peu la religion, je suis devenu la brebis galeuse du troupeau, la peste de l'arrondissement ; je suis signalé comme le précurseur de l'Antéchrist. On a employé toutes les influences, la calomnie même, pour me faire tomber, pour détourner mes clients, pour me ruiner en un mot. Ah ! les Esprits nous parlent de persécutions, de martyrs du Spiritisme ; je ne m'en enorgueillis pas, mais, à coup sûr, je suis du nombre des victimes ; ma famille en souffre, il est vrai ; mais j'ai pour moi la consolation d'avoir une femme qui partage mes idées spirites. Il me tarde que mes enfants soient en âge de comprendre cette belle doctrine ; je tiens à les éclairer dans nos chères croyances. Que Dieu me conserve la possibilité - quoi que l'on fasse pour me l'enlever - de les instruire et de les préparer à lutter à leur tour s'il le faut. Les faits que vous rapportez dans votre revue du mois de mai ont une analogie frappante avec ce qui m'est arrivé. Comme l'auteur de la lettre, j'ai été repoussé impitoyablement du tribunal de la pénitence ; mon curé voulait avant tout me faire renoncer à mes idées spirites ; il résulte de son imprudence qu'il ne me verra plus aux offices ; si je fais mal, j'en laisse la responsabilité à son auteur. »

Nous extrayons les passages suivants d'une lettre qui nous est adressée d'un village des Vosges. Quoique nous soyons autorisé à ne taire ni le nom de l'auteur, ni celui de la localité, nous ne le faisons pas par des motifs de convenance que l'on appréciera ; mais nous avons la lettre entre les mains pour en faire tel usage que nous croirons utile. Il en est de même pour tous les faits que nous avançons, et qui, selon leur plus ou moins d'importance, figureront plus tard dans l'histoire de l'établissement du Spiritisme.

« Je ne suis pas assez versé dans la littérature pour traiter dignement le sujet que j'entreprends ; néanmoins j'essayerai de me faire comprendre, moyennant que vous suppléerez au défaut de mon style et de ma rédaction, car depuis plusieurs mois je brûle du désir de m'unir à vous par correspondance, l'étant déjà par les sentiments depuis que mon fils m'a envoyé les précieux livres contenant l'instruction de la doctrine spirite et celle des médiums. Je revenais des champs à la nuit tombante ; j'aperçois ces livres que le facteur m'avait apportés ; je me hâtai de souper et de me coucher, tenant la chandelle allumée près de mon lit, pensant lire jusqu'à ce que le sommeil vienne me fermer les yeux ; mais j'ai lu toute la nuit avec une telle avidité que je n'eus pas la moindre envie de dormir. »

Suit l'énumération des causes qui avaient amené chez lui l'incrédulité religieuse absolue, et que nous passons par respect humain.

« Toutes ces considérations me repassaient journellement dans l'esprit ; le dégoût s'était emparé de moi ; j'étais tombé dans un état de scepticisme le plus endurci ; puis dans ma triste solitude d'ennui et de désespoir, me croyant inutile à la société, j'étais décidé à mettre fin à des jours si malheureux par le suicide.

« Ah ! monsieur, je ne sais si quelqu'un pourra jamais se faire une idée de l'effet que produisit sur moi la lecture du Livre des Esprits ; la confiance renaît, l'amour de s'empare de mon cœur et je sentais comme un baume divin se répandre sur tout mon être. Ah ! me disais-je, toute ma vie j'ai cherché la vérité et la justice de Dieu et n'ai rencontré qu'abus et mensonges ; et maintenant, sur mes vieux jours, j'ai donc le bonheur de rencontrer cette vérité tant désirée. Quel changement dans ma situation qui, de si triste, est devenue si douce ! Maintenant je me trouve continuellement en présence de Dieu et de ses Esprits bienheureux, mon créateur, des protecteurs, des amis fidèles ; je crois que les plus belles expressions des poètes seraient insuffisantes pour peindre une situation si agréable ; quand ma faible poitrine peut le permettre, je trouve ma distraction dans le chant des hymnes et cantiques que je crois lui être le plus agréables ; enfin je suis heureux grâce au Spiritisme. Dernièrement j'écrivis à mon fils qu'en m'envoyant ces livres, il m'avait rendu plus heureux que s'il m'avait mis à la tête de la fortune la plus brillante. »

Suit le récit détaillé des essais de médiumnité faits dans le village entre plusieurs adeptes et des résultats obtenus ; parmi eux il s'est trouvé plusieurs médiums dont un paraît assez remarquable. Ils ont appelé des parents et des amis qui sont venus leur donner des preuves incontestables d'identité, et des Esprits supérieurs qui leur ont donné d'excellents conseils.

« Toutes ces évocations ont été rapportées aux oreilles de M. le curé, par compères et commères, qui les ont dénaturées en grande partie. Le 18 mai dernier, M. le curé, faisant le catéchisme à ses élèves de la première communion, a vomi mille injures contre la maison C… (un des principaux adeptes) et contre moi ; puis il disait au fils C… : « Toi, je ne t'en veux pas, mais dans deux ans tu seras assez fort pour gagner ta vie ; je te conseille de quitter tes parents, ils ne sont pas capables de te donner de bons exemples. » Voilà un bon catéchisme ! A vêpres, il est monté exprès en chaire pour recommencer le discours qu'il avait tenu à ses élèves un instant auparavant, disant avec une grande volubilité que nous ne reconnaissions point d'enfer, que nous ne risquions rien de nous livrer au vol et à la rapine pour nous enrichir aux dépens d'autrui ; que c'était nous donner aux sortilèges et aux superstitions du moyen-âge, et mille autres invectives.

« A ces propos, j'écrivis une lettre à M. le procureur impérial de M… ; mais avant de l'envoyer je voulus consulter l'Esprit de saint Vincent de Paul à notre prochaine réunion. Ce bon Esprit fit écrire au médium ce qui suit : « Rappelez-vous ces paroles du Christ : « Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Après quoi, j'ai brûlé ma lettre.
« Le bruit de cette doctrine se répand dans tous les villages environnants ; plusieurs m'ont demandé et fait demander mes livres, mais ils ne me restent pas ; tous ceux qui comprennent un peu la lecture veulent les lire et se les passent de main en main. »

« Après avoir lu le Livre des Esprits et celui des Médiums, mon premier soin fut d'essayer si je pouvais être médium. Pendant huit jours n'ayant rien obtenu, j'écrivis à mon fils mon manque de réussite. Comme il logeait chez lui un magnétiseur, celui-ci lui proposa de m'écrire une lettre qu'il magnétiserait, et qu'avec cela je pourrais faire à coup sûr l'évocation de ma défunte. Le pauvre magnétiseur ne se figurait pas qu'il me procurait les verges pour le faire fouetter. Avec cela je devins médium auditif ; je me mis de nouveau en position d'écrire, et tout aussitôt il me fut dit à l'oreille : « On cherche à duper ton fils. » Pendant trois jours consécutifs, avec une force progressive, cet avertissement me venait à l'oreille et m'ôtait l'attention que je devais porter à ce que je faisais. J'en écrivis à mon fils pour l'avertir de se méfier de cet homme. Par retour de courrier, il me répond pour me reprocher les doutes que j'avais contre cet homme, auquel il donnait toute sa confiance. Peu de jours après je reçois de lui une nouvelle lettre, qui changeait de langage, disant qu'il avait mis à la porte ce malheureux coquin qui, affublé des dehors d'un honnête homme, se servait de cette prétendue qualité pour mieux prendre ses victimes. En le mettant à la porte, il lui montra ma lettre, qui, à cent lieues de distance l'avait si bien dépeint. »

Cette lettre n'a pas besoin de commentaires ; on voit que le discours de M. le curé a produit son effet au milieu de ces villageois, comme ailleurs. Si c'est le diable qui a pris en cette circonstance le nom de saint Vincent de Paul, M. le curé doit lui en savoir gré ! Avons-nous raison de dire que les adversaires font eux-mêmes de la propagande et servent notre cause sans le vouloir ? Disons, toutefois, que des faits semblables sont plutôt des exceptions que la règle. Du moins nous aimons à le penser ; nous connaissons beaucoup d'honorables ecclésiastiques qui déplorent ces choses comme impolitiques et imprudentes. Si l'on signale quelques actes regrettables, on nous en signale aussi bon nombre d'un caractère vraiment évangélique. Un prête disait à une de ses pénitentes qui le consultait sur le Spiritisme : « Rien n'arrive sans la permission de dieu ; donc, puisque ces choses ont lieu, ce ne peut être que par sa volonté. » – Un moribond fit appeler un prêtre et lui dit : « Mon père, il y a cinquante ans que je ne fréquentais plus les églises et que j'avais oublié Dieu ; C'est le Spiritisme qui m'a ramené à lui et qui est cause que je vous ai fait appeler avant de mourir ; me donnerez-vous l'absolution ? – Mon fils, répond le prêtre, les vues de Dieu sont impénétrables ; rendez-lui grâce de vous avoir envoyé cette planche de Salut ; mourez en paix. » – Nous pourrions citer cent exemples pareils.


Une réconciliation par le Spiritisme

Le Spiritisme a maintes fois prouvé sa bienfaisante influence en rétablissant la bonne harmonie dans les familles ou entre individus. Nous en avons de nombreux exemples, mais la plupart sont des faits intimes qui nous sont confiés on pourrait dire sous le sceau de la confession et qu'il ne nous appartient pas de révéler. Nous n'avons pas le même scrupule pour le fait suivant, qui offre un touchant intérêt.

Un capitaine de navire marchand du Havre, que nous connaissons personnellement, est à la fois excellent Spirite et bon médium. Plusieurs hommes de son équipage avaient été initiés par lui à la doctrine, et il n'avait eu qu'à s'en louer pour l'ordre, la discipline et la bonne conduite. Il avait à bord son jeune frère de dix-huit ans, et un pilotin de dix-neuf ans, tous les deux bons médiums, animés d'une foi vive et recevant avec ferveur et reconnaissance les sages conseils de leurs Esprits Protecteurs. Un soir pourtant ils se prirent de querelle ; des mots ils en vinrent aux voies de fait ; si bien qu'ils prirent rendez-vous pour le lendemain matin, afin de se battre dans quelque coin du bâtiment. Cette résolution prise, ils se séparèrent. Dans la soirée, ils furent tous les deux pris du besoin d'écrire et reçurent, chacun de son côté, de leurs guides invisibles, une verte admonestation sur la futilité de leur dispute, et des conseils sur le bonheur de l'amitié, avec invitation de se réconcilier sans arrière-pensée. Les deux jeunes gens, mus par le même sentiment, quittèrent simultanément leur place et vinrent en pleurant se jeter dans les bras l'un de l'autre, et depuis aucun nuage ne troubla entre eux la bonne intelligence.

C'est du capitaine lui-même que nous tenons ce récit ; nous avons eu sous les yeux le cahier de ses communications spirites ainsi que des deux jeunes gens, où nous avons vu celle dont nous venons de parler.

Le fait suivant est arrivé au même capitaine dans une de ses traversées. On nous saura gré de le transcrire, quoiqu'il soit étranger à notre sujet. ‑ Il était en pleine mer, par le plus beau temps du monde, lorsqu'il reçut la communication suivante : « Prends toutes tes précautions ; demain à deux heures éclatera une bourrasque, et ton navire courra le plus grand danger. » Comme rien ne pouvait faire prévoir du mauvais temps, le capitaine crut d'abord à une mystification ; cependant, pour n'avoir rien à se reprocher, à tout hasard, il se mit en mesure. Bien lui en prit ; car à l'heure dite une violente tempête se déchaîna, et pendant trois jours son navire fut dans un des plus grands périls qu'il eût jamais courus ; mais, grâce aux précautions prises, il en sortit sans accident.

Le fait de la réconciliation nous a suggéré les réflexions suivantes.

Un des résultats du Spiritisme bien compris, ‑ nous appuyons sur ces mots : bien compris, ‑ c'est de développer le sentiment de charité ; mais la charité elle-même a, comme on le sait, une acception très étendue, depuis la simple aumône jusqu'à l'amour de ses ennemis, qui est le sublime de la charité ; on peut dire qu'elle résume tous les nobles élans de l'âme envers le prochain. Le vrai Spirite, comme le vrai chrétien, peut avoir des ennemis ; ‑ le Christ n'en a-t-il pas eu ? ‑ mais il n'est l'ennemi de personne, car il est toujours prêt à pardonner et à rendre le bien pour le mal. Que deux vrais Spirites aient eu jadis des mots d'animosité réciproque, leur réconciliation sera facile, car l'offensé oublie l'offense et l'offenseur reconnaît ses torts ; dès lors entre eux plus de querelles, car ils seront indulgents l'un pour l'autre et se feront des concessions mutuelles ; aucun des deux ne cherchera à imposer à l'autre un humiliant pardon qui irrite et blesse plus qu'il ne calme.

Si dans de telles conditions deux individus peuvent vivre en bonne harmonie, il peut en être ainsi d'un plus grand nombre, et dès lors ils seront aussi heureux qu'on peut l'être sur terre, parce que la plupart de nos tribulations naissent du contact des méchants. Supposez donc une nation entière imbue de ces principes, ne serait-elle pas la plus heureuse du monde ? Ce qui est à peine possible pour des individus, dira-t-on, est une utopie pour les masses, à moins d'un miracle. Eh bien ! ce miracle le Spiritisme l'a fait maintes fois déjà en petit pour des familles désunies où il a ramené la paix et la concorde ; et l'avenir prouvera qu'il peut le faire sur une grande échelle.

Réponses à l'invitation des spirites de Lyon et de Bordeaux


Mes chers frères et amis les spirites de Lyon,

Je m'empresse de vous dire combien je suis sensible au nouveau témoignage de sympathie que vous venez de me donner par votre aimable et gracieuse invitation d'aller vous visiter encore cette année. Je l'accepte avec plaisir, car, c'est toujours un bonheur pour moi de me trouver au milieu de vous.

Ma joie est grande, mes amis, de voir la famille s'accroître à vue d'œil ; c'est la plus éloquente réponse à faire aux sottes et ignobles attaques contre le Spiritisme. Il parait que cet accroissement augmente leur fureur, car je reçois aujourd'hui même une lettre de Lyon qui m'annonce l'envoi d'un journal de cette ville, la France littéraire, où la doctrine en général, et mes ouvrages en particulier, sont bafoués d'une manière si dégoûtante qu'on me demande s'il faut y répondre par la presse ou par les tribunaux. Je dis qu'il faut y répondre par le mépris. Si la doctrine ne faisait aucun progrès, si mes ouvrages étaient mort-nés, on ne s'en inquiéterait pas et l'on ne dirait rien. Ce sont nos succès qui exaspèrent nos ennemis. Laissons-les donc exhaler leur rage impuissante, car cette rage montre qu'ils sentent que leur défaite est prochaine ; ils ne sont pas assez sots pour se ruer sur un avorton. Plus leurs attaques sont ignobles, moins elles sont à craindre, parce qu'elles sont méprisées de tous les honnêtes gens, et prouvent qu'ils n'ont point de bonnes raisons à opposer, puisqu'ils ne savent dire que des injures.

Continuez donc, mes amis, la grande œuvre de régénération commencée sous de si heureux auspices, et bientôt vous recueillerez les fruits de votre persévérance. Prouvez surtout par votre union et par la pratique du bien que le Spiritisme est le gage de la paix et de la concorde entre les hommes, et faites qu'en vous voyant on puisse dire qu'il serait à désirer que tout le monde fût spirite.

Je suis heureux, mes amis, de voir tant de groupes unis dans un même sentiment et marcher d'un commun accord vers ce noble but que nous nous proposons. Ce but étant exactement le même pour tous, il ne saurait y avoir division ; un même drapeau doit vous guider et sur ce drapeau est inscrit : Hors la charité point de salut. Soyez certains que c'est celui autour duquel l'humanité tout entière sentira le besoin de se rallier, lorsqu'elle sera lasse des luttes engendrées par l'orgueil, la jalousie et la cupidité. Cette maxime, véritable ancre de salut, car elle sera le repos après la fatigue, le Spiritisme aura la gloire de l'avoir proclamée le premier ; inscrivez-la dans tous vos lieux de réunion et dans vos maisons particulières ; qu'elle soit désormais le mot de ralliement entre tous les hommes qui veulent sincèrement le bien, sans arrière pensée personnelle ; mais faites mieux encore, gravez-la dans vos cœurs, et vous jouirez dès à présent du calme et de la sérénité qu'y puiseront les générations futures quand elle fera la base des rapports sociaux. Vous êtes l'avant-garde ; vous devez donner l'exemple pour encourager les autres à vous suivre.

N'oubliez pas que la tactique de vos ennemis incarnés ou désincarnés est de vous diviser ; prouvez-leur qu'ils perdraient leur temps s'ils tentaient de susciter entre les groupes des sentiments de jalousie et de rivalité qui seraient une apostasie de la vraie doctrine spirite chrétienne.

Les cinq cents signatures qui accompagnent l'invitation que vous avez bien voulu m'adresser sont une protestation contre cette tentative, et il en est plusieurs que je suis heureux d'y voir. A mes yeux c'est plus qu'une simple formule ; c'est un engagement de marcher dans la voie que nous tracent les bons Esprits. Je les conserverai précieusement, car elles seront un jour les glorieuses archives du Spiritisme.

Un mot encore, mes amis. En allant vous voir, je désire une chose, c'est qu'il n'y ait pas de banquet, et cela par plusieurs motifs. Je ne veux pas que ma visite soit une occasion de dépense qui pourrait empêcher quelques-uns de s'y trouver, et me priver du plaisir de vous voir tous réunis. Les temps sont durs ; il ne faut donc point faire de dépense inutile. L'argent qu'il coûterait sera bien mieux employé à venir en aide à ceux qui en auront besoin plus tard. Je vous le dis en toute sincérité, la pensée que ce que vous feriez pour moi en cette circonstance pourrait être une cause de privation pour beaucoup, m'ôterait tout le plaisir de la réunion. Je ne vais à Lyon ni pour parader ni pour recevoir des hommages, mais pour m'entretenir avec vous, consoler les affligés, donner du courage aux faibles, vous aider de mes conseils autant qu'il sera en mon pouvoir de le faire ; et ce que vous pouvez m'offrir de plus agréable, c'est le spectacle d'une bonne, franche et solide union. Croyez bien que les termes si affectueux de votre invitation valent mieux pour moi que tous les banquets du monde, me fussent-ils offerts dans un palais. Que me resterait-il d'un banquet ? rien ; tandis que votre invitation me reste comme un précieux souvenir et un gage de votre affection.

À bientôt, mes amis, j'aurai, s'il plaît à Dieu, le plaisir de vous serrer cordialement la main.

A. K.



A Monsieur Sabo, de Bordeaux.

Je suis très sensible au désir que m'ont témoigné un grand nombre de Spirites de Bordeaux de me voir encore cette année parmi eux. Si aucun obstacle imprévu ne s'y oppose, je suis toujours dans l'intention d'aller leur faire une petite visite, ne fût-ce que pour les remercier de leur bon accueil de l'année dernière ; mais je vous serai très reconnaissant de leur faire savoir que je désire qu'il n'y ait pas de banquet. Je ne vais point parmi eux pour recevoir des ovations, mais pour donner des instructions à ceux qui croiront en avoir besoin et avec lesquels je serai heureux de m'entretenir. Quelques-uns ont bien voulu donner à ma visite le nom de visite pastorale ; je ne désire pas qu'elle ait un autre caractère. Croyez bien que je me tiens pour plus honoré d'un franc et cordial accueil dans la forme la plus simple, que d'une réception cérémonieuse qui ne convient ni à mon caractère, ni à mes habitudes, ni à mes principes. Si l'union ne régnait pas entre eux, ce n'est pas un banquet qui la ferait naître, au contraire ; si elle existe, elle peut se manifester autrement que par une fête où l'amour-propre peut trouver son compte, mais qui ne saurait toucher un vrai Spirite, et par une dépense inutile qui serait mieux employée à soulager l'infortune. Cotisez-vous donc à mon intention, si vous le voulez, et vous me permettrez d'y joindre mon obole ; mais, au lieu de manger l'argent, qu'il serve à donner à manger à ceux qui manquent du nécessaire. Alors ce sera la fête du cœur et non celle de l'estomac. Mieux vaut être béni par les malheureux que par les cuisiniers.

La sincérité de l'union se traduit par les actes, et plus encore par les actes intimes que par les démonstrations d'apparat. Que je voie partout la paix et la concorde régner dans la grande famille ; que chacun mette de côté les vaines susceptibilités, les rivalités puériles, filles de l'orgueil ; que tous n'aient qu'un but : le triomphe et la propagation de la doctrine, et que tous y concourent avec zèle, persévérance et abnégation de tout intérêt et de toute vanité personnelle ; voilà ce qui sera pour moi une véritable fête, ce qui me comblera de joie et me fera emporter de mon second séjour à Bordeaux le plus doux et le plus agréable souvenir.

Veuillez, je vous prie, faire part de mes intentions à nos frères spirites et me croire, etc.

A. K.


Nous avons cru devoir publier ces deux réponses, afin que l'on ne se méprenne pas sur les sentiments qui nous guident dans les visites que nous faisons aux centres spirites. Nous saisissons cette occasion pour remercier ceux des autres villes qui nous ont fait de pareilles invitations ; nous regrettons que le temps ne nous permette pas d'aller partout ; nous le ferons successivement.

Au moment de mettre sous presse, une invitation des plus gracieuses et des plus pressantes nous est également faite au nom des membres de la Société spirite de Vienne en Autriche, à laquelle, à notre grand regret, il nous est de toute impossibilité de nous rendre cette année.



Poésies spirites

Pérégrinations de l'âme.

De même que du sang la moindre particule,

En jaillissant du cœur, dans nos veines circule,

Notre vie, émanant de la Divinité,

Gravite l'infini durant l'éternité.



Notre globe est un lieu d'épreuve, de souffrance ;

C'est là que sont les pleurs, les grincements de dents ;

Oui, c'est là qu'est l'enfer dont notre délivrance

Tient au degré du mal de nos antécédents.



C'est ainsi que chacun, en quittant ce bas monde,

S'élève plus ou moins vers un monde éthéré.

Selon qu'il est plus pur ou plus ou moins immonde,

Son être se dégage ou se trouve atterré.



Nul ne peut des élus atteindre la carrière

Sans avoir en entier expié ses méfaits,

Si le cuisant remords, le regret, la prière,

N'ont jeté sur ses torts un voile de bienfaits.



Ainsi l'Esprit errant, ou plutôt l'âme en peine

Vient prendre un nouveau corps ici-bas pour souffrir,

Renaître à la vertu dans la famille humaine,

S'épurer par le bien, et de nouveau mourir.



Au temps voulu par Dieu, quelques âmes d'élite

Viennent par dévouement s'incarner parmi nous ;

Ministres d'un Dieu bon, Esprits pleins de mérite,

Prêcher la loi d'amour pour le bonheur de tous.



Leur sainte mission une fois achevée,

Soudain Dieu les retire au céleste séjour,

Et progressivement leur âme est élevée

Au foyer muni de l'océan d'amour.

A notre tour aussi, notre épreuve finie,

Par l'amour élevés aux saintes régions,

Nous irons, triomphants au sein de l'harmonie,

De ces heureux élus grandir les légions.



Là, pour plus grand bonheur et pour comble d'ivresse,

A ceux qui nous sont chers Dieu nous réunira ;

Confondus dans l'élan d'une sainte caresse,

Sous un ciel toujours pur sa main nous bénira.



Dans le bien, dans le beau, changeant de mode d'être,

Nous nous élèverons dans la sainte cité,

Où nous verrons sans fin grandir notre bien-être

Par l'infini trésor de la félicité.



Des mondes gradués montant l'échelle immense,

Toujours plus épurés en changeant de confins,

Nous irons, radieux, finir où tout commence,

Renaître pleins d'amour, et brillants séraphins.



Nous serons les aînés d'une race nouvelle,

Les anges gardiens des hommes à venir ;

Célestes messagers du bien que Dieu révèle,

Des mondes nous irons enrichir l'avenir.



De Dieu tel est, je crois, le vouloir véritable,

En l'immense parcours de notre humanité,

Humains, inclinons-nous, son ordre est immuable ;

Chantons tous : « Gloire à lui, durant l'éternité ! »


B. Joly, herboriste à Lyon.



Remarque. ‑ Les critiques méticuleux pourront peut-être, en cherchant bien, trouver quelques pailles dans ces vers ; nous leur laissons ce soin et ne considérons que la pensée, dont on ne peut méconnaître la justesse au point de vue spirite ; c'est bien l'âme et ses pérégrinations pour arriver, par le travail de l'épuration, au bonheur infini. Il en est une cependant qui semble dominer dans ce morceau, très orthodoxe du reste, et que nous ne saurions admettre ; c'est celle qui est exprimée par ce vers de l'épigraphe : « Gravite l'infini durant l'éternité. » Si l'auteur entend par là que l'âme monte sans cesse, il en résulterait qu'elle n'atteindrait jamais le bonheur parfait. La raison dit que l'âme étant un être fini, son ascension vers le bien absolu doit avoir un terme ; qu'arrivée à un certain point, elle doit, non pas rester dans une contemplation perpétuelle, peu attrayante d'ailleurs, et qui serait une inutilité perpétuelle, mais avoir une activité incessante et bienheureuse, comme auxiliaire de la Divinité.

L'Ange gardien. (Société spirite africaine. ‑ Médium, mademoiselle O…)

Pauvres humains, qui souffrez en ce monde,

Consolez-vous, séchez vos pleurs.

En vain sur vous la foudre gronde,

Près de vous sont vos défenseurs.

Dieu si bon, ce Dieu votre père,

A tous a voulu vous donner

Un petit ange, un petit frère,

Qui toujours doit vous protéger.

Écoutez notre voix amie.

Oh ! nous voulons vous voir heureux ;

Après les peines de la vie,

Puissions-nous vous conduire aux cieux !

Si vous pouviez nous voir sourire

Aux premiers pas que vous faites enfants ;

Si vos regards, mortels, dans nos yeux pouvaient lire

Notre douleur, quand vous êtes méchants !

Mais écoutez : nous voulons vous instruire,

D'un doux secret, qui vous engage au bien,

Pour vous aussi, le jour doit luire

Où vous serez ange gardien.

Oui, lorsque après votre épreuve dernière

Le Seigneur recevra votre Esprit épuré,

Il vous dira d'aller protéger sur la terre,

Un beau petit enfant qui pour vous sera né.

Aimez-le bien, et que votre assistance,

Pauvre petit, lui prouve chaque jour

De son ange gardien le maternel amour ;

A votre tour, guidez avec constance

L'esprit de votre frère au céleste séjour.


Signé, Ducis.



Remarque. ‑ Ce morceau, et un autre d'une certaine étendue et non moins remarquable, intitulé : L'Enfant et l'Athée, que nous insérerons dans notre prochain numéro, ont été publiés dans l'Echo de Sétif (Algérie), du 31 juillet 1862, qui les fait précéder de la note suivante :

« Un de nos abonnés nous a communiqué les deux pièces de vers ci-après, obtenus par un médium de Constantine dans les premiers jours de ce mois. Sans les donner pour exemptes de reproches, sous le rapport des règles de la versification, nous reproduisons ces vers, parce qu'ils expliquent, en partie du moins, la doctrine spirite qui tend à se répandre de plus en plus sur toute la surface du globe. »

Ce médium paraît avoir la spécialité de la poésie ; il a déjà obtenu un grand nombre de morceaux qu'il écrit avec une incroyable facilité, sans aucune rature, quoiqu'il n'ait aucune notion des règles de la versification. Nous avons vu un des membres de la Société de Constantine en présence duquel ils ont été écrits.




Dissertations Spirites

Études uranographiques. (Société spirite de Paris. ‑ Médium, M. Flammarion.)

Les trois communications ci-après sont en quelque sorte le début d'un jeune médium ; on verra ce qu'elles promettent pour l'avenir. Elles servent d'introduction à une série de dictées que l'Esprit se propose de faire sous le titre d'Études uranographiques. Nous laissons aux lecteurs le soin d'en apprécier la forme et le fond.

I

Il vous a été annoncé depuis quelque temps, ici et ailleurs, par divers Esprits et par divers médiums, que des révélations sous seraient faites sur le système des mondes. Je suis appelé à concourir dans l'ordre de ma destination à accomplir la prédiction.

Avant d'ouvrir ce que je pourrais appeler nos études uranographiques, il importe de bien poser le premier principe, afin que l'édifice, assis sur une base solide, porte en soi les conditions de durée.

Ce premier principe, cette première cause, c'est la grande et souveraine puissance qui a donné la vie aux mondes et aux êtres ; ce préambule de toute méditation sérieuse, c'est Dieu ! A ce nom vénéré tout s'incline, et la harpe éthérée des cieux fait vibrer ses cordes d'or. Enfants de la terre, ô vous qui depuis si longtemps balbutiez ce grand nom sans le comprendre, que de théories hasardées se sont inscrites depuis le commencement des âges dans les annales de la philosophie humaine ! que d'interprétations erronées de la conscience universelle se sont fait jour à travers les croyances surannées des anciens peuples ! et aujourd'hui encore, que l'ère chrétienne dans sa splendeur a rayonné sur le monde, quelle idée se fait-on du premier des êtres, de l'être par excellence, de celui qui est ? N'a-t-on pas vu dans ces derniers âges le panthéisme orgueilleux s'élever superbement jusqu'à celui qu'il a cru justement qualifier de l'être absorbsif, du grand tout, du sein duquel tout est sorti et dans lequel tout doit rentrer et se confondre un jour sans distinction d'individualités ? N'a-t-on pas vu l'athéisme grossier étaler honteusement le scepticisme négateur et corrupteur de tout progrès intellectuel, quoi qu'en aient dit ses sophistes défenseurs ? Il serait interminable de mentionner scrupuleusement toutes les erreurs qui se sont accréditées au sujet du principe primordial et éternel, et la réflexion suffit pour vous montrer que l'homme terrestre errera toutes les fois qu'il prétendra expliquer ce problème insoluble pour bien des Esprits désincarnés. C'est vous dire implicitement que vous devez, que nous devons, pour mieux dire, nous incliner tous humblement devant le grand Être ; c'est vous dire, enfants ! que s'il est en nous de nous élever jusqu'à l'idée de l'Être infini, cela doit nous suffire et interdire à tous la prétention orgueilleuse de tenir les yeux ouverts devait le soleil, sans quoi nous serions bientôt aveuglés par l'éblouissante splendeur de Dieu dans son éternelle gloire ! Retenez bien ceci, c'est le prélude de nos études : Croyez en Dieu créateur et organisateur des sphères ; aimez Dieu créateur et protecteur des âmes, et nous pourrons pénétrer ensemble humblement et studieusement en même temps dans le sanctuaire où il a semé les dons de sa puissance infinie.

Galilée.




II


Après avoir établi le premier point de notre thèse, la seconde question qui se présente, c'est le problème de la puissance qui conserve les êtres et que l'on est convenu d'appeler nature. Après le mot qui résume tout, le mot qui représente tout. Or donc, qu'est-ce que la nature ? Écoutez d'abord la définition du naturaliste moderne : La nature, dit-il, est le trône extérieur de la puissance divine. A cette définition, j'ajouterai celle-ci, qui résume toutes les idées des observateurs : la nature est la puissance effective du Créateur. Remarquons cette double explication du même mot qui, par une merveilleuse combinaison du langage, représente deux choses au premier abord si différentes. En effet, la nature entendue dans le premier sens représente l'effet dont la cause est exprimée sous le second sens. Un paysage aux horizons perdus, aux arbres touffus sous lesquels on sent la vie monter avec la sève ; une prairie émaillée par les fleurs odorantes et couronnée par le soleil ; cela s'appelle nature. Maintenant, veut-on désigner la force qui guide les astres dans l'étendue ou qui fait germer sur terre le grain de froment ? c'est encore la nature. Que la constatation de ces diverses appellations soit pour vous la source de profondes réflexions ; qu'elle serve à vous apprendre, que si l'on se sert du même mot pour exprimer l'effet et la cause, c'est qu'en réalité la cause et l'effet ne font qu'un. L'astre attire l'astre dans l'espace selon des lois inhérentes à la constitution de l'univers, et est attiré avec la même puissance que celle qui réside en lui. Voilà la cause et l'effet. Le rayon solaire met le parfum sur la fleur et l'abeille y va chercher le miel ; ici, le parfum est encore l'effet et la cause. En quelque lieu que s'abaissent vos regards sur la terre, vous pourrez constater partout cette double nature. Concluons de ceci que la nature est, comme je l'ai dénommée, la puissance effective de Dieu, elle est en même temps le trône de cette même puissance ; elle est à la fois active et passive, effet et cause, matière et force immatérielle ; elle est la loi qui crée, la loi qui gouverne, la loi qui embellit ; elle est l'être et l'image ; elle est la manifestation du pouvoir créateur, infiniment belle, infiniment admirable, infiniment digne de la volonté dont elle est la messagère.

Galilée.




III


Notre troisième étude aura pour sujet l'espace.

Plusieurs définitions de ce mot ont été données ; la principale est celle-ci : l'étendue qui sépare deux corps. D'où certains sophistes ont déduit que là où il n'y avait pas de corps, il n'y avait pas d'espace ; c'est sur quoi des docteurs en théologie se sont basés pour établir que l'espace était nécessairement fini, alléguant que des corps limités en certain nombre ne sauraient former une suite infinie ; et que là où les corps s'arrêtaient, l'espace s'arrêtait aussi. On a encore défini l'espace : le lieu où se meuvent les mondes, le vide où agit la matière, etc. Laissons dans les traités où elles reposent toutes ces définitions qui ne définissent rien.

L'espace est un de ces mots qui représentent une idée primitive et axiomatique, évidente par elle-même, et que les diverses définitions qu'on en peut donner ne savent qu'obscurcir. Nous savons tous ce que c'est que l'espace, et je ne veux qu'établir son infinité, afin que nos études ultérieures n'aient aucune barrière s'opposant aux investigations de notre vue.

Or, je dis que l'espace est infini, par cette raison qu'il est impossible de lui supposer aucune limite, et que, malgré la difficulté que nous avons de concevoir l'infini, il nous est pourtant plus facile d'aller éternellement dans l'espace, en pensée, que de nous arrêter en un lieu quelconque après lequel nous ne trouverions plus d'étendue à parcourir.

Pour nous figurer, autant qu'il est en nos facultés bornées, l'infinité de l'espace, supposons que partant de la terre perdue au milieu de l'infini, vers un point quelconque de l'univers, et cela avec la vitesse prodigieuse de l'étincelle électrique qui franchit des milliers de lieues à chaque seconde, à peine avons-nous quitté ce globe, qu'ayant parcouru des millions de lieues, nous nous trouvons en un lieu d'où la terre ne nous apparaît plus que sous l'aspect d'une pâle étoile. Un instant après, suivant toujours la même direction, nous arrivons vers les étoiles lointaines que vous distinguez à peine de votre station terrestre ; et de là, non-seulement la terre est entièrement perdue pour nos regards dans les profondeurs du ciel, mais encore votre soleil même dans sa splendeur est éclipsé par l'étendue qui nous sépare de lui. Animés toujours de la même vitesse de l'éclair, nous franchissons des systèmes de mondes à chaque pas que nous avançons dans l'étendue, des îles de lumière éthérée, des voies stellifères, des parages somptueux où Dieu a semé les mondes avec la même profusion qu'il a semé les plantes dans les prairies terrestres.

Or, il y a à peine quelques minutes que nous marchons, et déjà des centaines de millions et de millions de lieues nous séparent de la terre, des milliards de mondes ont passé sous nos regards, et pourtant, écoutez :

Nous n'avons pas en réalité avancé d'un seul pas dans l'univers.

Si nous continuons pendant des années, des siècles, des milliers de siècles, des millions de périodes cent fois séculaires et incessamment avec la même vitesse de l'éclair, nous n'aurons pas avancé davantage ! et cela de quelque côté que nous allions et vers quelque point que nous nous dirigions, depuis ce grain invisible que nous avons quitté et qui s'appelle la terre.


Voilà ce que c'est que l'espace !

Galilée.

Vacances de la Société spirite de Paris

(Société spirite de Paris, 1er août 1862, ‑ Médium, M. E. Vézy.)

Vous allez donc vous séparer pour quelque temps, mais les bons Esprits seront toujours avec ceux qui demanderont leur aide et leur appui.

Si chacun de vous quitte la table du maître, ce n'est point seulement pour prendre l'exercice ou le repos, mais c'est encore pour servir, partout où vous vous répandrez, la grande cause humanitaire, sous le drapeau de laquelle vous êtes venus vous mettre à l'abri.

Vous comprenez bien que pour le Spirite fervent, il n'y a point d'heures marquées pour l'étude ; toute sa vie n'est qu'une heure, heure trop courte encore pour le grand travail auquel il se livre : le développement intellectuel des races humaines !…

Les branches ne se détachent point du tronc parce qu'elles s'en écartent, elles font place au contraire à de nouvelles poussées qui les rendent solidaires et les unissent.

Profitez de ces vacances qui vont vous disséminer, pour devenir plus fervents encore, à l'exemple des apôtres de Christ ; sortez de ce cénacle forts et courageux ; que votre foi et vos bonnes œuvres rallient autour de vous mille croyants qui béniront la lumière que vous répandrez autour de vous.

Courage ! courage ! au jour du rendez-vous, quand l'oriflamme du Spiritisme vous appellera pour combattre et se déploiera sur vos têtes, que chacun autour de soi ait des adeptes qu'il aura formés sous sa bannière, et les bons Esprits en compteront le nombre et le porteront à Dieu !

Ne dormez donc point, Spirites, à l'heure de la sieste ; veillez et priez ! je vous l'ai déjà dit et d'autres voix vous l'ont fait entendre, l'horloge des siècles sonne, une vibration retentit, elle appelle ceux qui sont dans la nuit, malheur à qui ne veut point prêter l'oreille pour l'entendre !

O Spirites ! allez, réveillez les dormeurs, et dites-leur qu'ils vont être surpris par les flots de la mer qui monte avec des mugissements sourds et terribles ; allez leur dire de choisir l'endroit du sol le plus éclairé et le plus solide, car voici les astres qui déclinent et la nature entière qui se meut, tremble et s'agite !…

Mais après les ténèbres voici la lumière, et ceux-là qui n'auront point voulu voir ni entendre, immigreront à cette heure dans les mondes inférieurs pour expier et y attendre longtemps, bien longtemps les nouveaux astres qui doivent s'élever et les éclairer ! et le temps leur semblera l'éternité, car ils n'entreverront point la fin de leurs peines jusqu'au jour où ils commenceront à croire et à comprendre.

Je ne vous appellerai plus enfants, Spirites, mais hommes, hommes braves et courageux ! Soldats de la nouvelle foi, combattez vaillamment, armez vos bras de la lance de charité et couvrez votre corps du bouclier de l'amour. Entrez dans la lice ! alerte ! alerte ! foulez aux pieds l'erreur et le mensonge, et tendez la main à ceux qui vous demanderont : Où est la lumière ? Dites-leur bien que ceux qui marchent guidés par l'étoile du Spiritisme ne sont point pusillanimes, qu'ils ne s'effrayent point des mirages, et n'acceptent comme lois que ce que la froide et saine raison leur ordonne ; que la charité est leur devise et qu'ils ne se dépouillent pour leurs frères qu'au nom de la solidarité universelle, et non point pour gagner un paradis qu'ils savent bien ne pouvoir posséder que quand ils auront beaucoup expié !… qu'ils connaissent Dieu, et qu'ils savent, avant tout, qu'il est immuable dans sa justice, qu'il ne peut conséquemment pardonner une vie de fautes entassées, pour une seconde de repentir, comme il ne peut punir une heure de sacrilège par une éternité de supplice !…

Oui, Spirites, comptez les années du repentir au nombre d'étoiles, mais l'âge d'or arrivera pour qui aura su les compter !…

Allez donc, travailleurs et soldats, et que chacun revienne avec la pierre ou le caillou qui doit aider à la construction du nouvel édifice, et je vous le dis, en vérité, cette fois vous n'aurez plus à craindre la confusion, quoique voulant élever jusqu'au ciel la tour qui le couronnera ; Dieu, au contraire, étendra sa main sur votre route afin de vous mettre à l'abri des ouragans.

Voici la deuxième heure du jour, voici les serviteurs qui viennent de nouveau de la part du maître chercher des travailleurs ; vous qui êtes inoccupés, venez, et n'attendez point la dernière heure !…


Saint Augustin.

Aux centres spirites que nous devons visiter

Le nombre des centres que nous nous proposons de visiter, joint à la longueur du trajet, ne nous permettant pas de consacrer à chacun autant de temps que nous l'eussions désiré, nous croyons utile de mettre ce temps à profit, le mieux possible, pour l'instruction. Dans ce but, notre intention est de répondre, autant que cela sera en notre pouvoir, aux questions sur lesquelles on désirera avoir des éclaircissements. Nous avons remarqué que, lorsque nous faisons cette proposition séance tenante, on ne sait généralement pas quoi demander, et que beaucoup de personnes sont retenues par la timidité ou par l'embarras de formuler leur pensée. Pour éviter ce double inconvénient, nous prions de préparer ces questions d'avance par écrit, et de nous en remettre la liste avant la réunion. Nous pourrons alors les classer méthodiquement, en élaguer les doubles emplois, et y répondre d'une manière plus satisfaisante pour tous, en réfutant en même temps les objections de la doctrine.


A Monsieur E. K.

Je suis complètement étranger à l'inscription dont vous me parlez dans votre lettre du 2 août, datée de Guingamp, par une raison très simple ; c'est que je n'ai pas été en Bretagne ; et j'ajoute que je n'avais nulle connaissance de ce Manè, Thécel, Pharès d'un autre genre, comme vous l'appelez. S'il a pu produire sur vous une salutaire impression, il faut en remercier l'auteur inconnu. Dans tous les cas, je serai heureux de vous recevoir quand vous viendrez à Paris, où toutefois, je ne serai de retour que dans les premiers jours d'octobre. Je me ferai un plaisir de vous donner verbalement toutes les instructions que vous désirerez.






Allan Kardec.



A Monsieur E. K.

Je suis complétement étranger à l'inscription dont vous me parlez dans votre lettre du 2 aout, datée de Guingamp, par une raison tres- simple: c'est que je n'ai pas été en Bretagne; et j'ajoute que je n'avais nulle connaissance de ce Mane, Thécel, Phares d'un autre genre, comme vous l'appelez. S'il a pu produire sur vous une salutaire impression, il faut en remercier l'auteur inconnu. Dans tous les cas, je serai heureux de vous recevoir quand vous viendrez à Paris, où toute-fois je me serai de retour que dans les premiers jours d'octobre. Je me ferai un plaisir de vous donner verbalement toutes les instructions que vous désirerez.



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