REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862

Allan Kardec

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Janvier

Essai sur l'interprétation de la doctrine des anges déchus

La question des origines a toujours le privilège d'exciter la curiosité, et, à ce point de vue, ce qui regarde l'homme l'éveille d'autant plus qu'il est impossible à toute personne sensée d'accepter à la lettre le récit biblique, et de n'y pas voir une de ces allégories dont le style oriental est si prodigue. La science, d'ailleurs, est venue en fournir la preuve en démontrant, par les signes les moins contestables, l'impossibilité matérielle de la formation du globe en six fois vingt-quatre heures. Devant l'évidence des faits écrits en caractères irrécusables dans les couches géologiques, l'église a dû se ranger à l'opinion des savants, et convenir avec eux que les six jours de la création sont six périodes d'une étendue indéterminée, comme elle l'a fait jadis pour le mouvement de la terre. Si donc le texte biblique est susceptible d'interprétation sur ce point capital, il peut en être de même sur d'autres points, notamment sur l'époque de l'apparition de l'homme sur la terre, sur son origine, et sur le sens que l'on doit attacher à la qualification d'anges déchus.

Comme le principe des choses est dans les secrets de Dieu, qui ne nous le révèle qu'au fur et à mesure qu'il le juge à propos, on en est réduit à des conjectures. Bien des systèmes ont été imaginés pour résoudre cette question, et aucun, jusqu'à présent, n'a complètement satisfait la raison. Nous allons essayer, nous aussi, de soulever un coin du voile ; serons-nous plus heureux que nos devanciers ? Nous l'ignorons ; l'avenir seul en décidera. La théorie que nous présentons est donc une opinion personnelle ; elle nous paraît s'accorder avec la raison et la logique ; c'est ce qui lui donne à nos yeux un certain degré de probabilité.

Nous constatons d'abord que s'il est possible de découvrir quelque partie de la vérité, ce ne peut être qu'à l'aide de la théorie spirite ; elle a déjà résolu une foule de problèmes insolubles jusqu'alors, et c'est à l'aide des jalons qu'elle nous fournit que nous allons tâcher de remonter la chaîne des temps. Le sens littéral de certains passages des livres sacrés, contredit par la science, repoussé par la raison, a fait plus d'incrédules qu'on ne pense par l'obstination que l'on a mise à en faire des articles de foi ; si une interprétation rationnelle les fait accepter, c'est évidemment rapprocher de l'Église ceux qui s'en éloignent.

Avant de poursuivre, il est essentiel de s'entendre sur les mots. Que de disputes n'ont dû leur éternisation qu'à l'ambiguïté de certaines expressions, que chacun prenait dans le sens de ses idées personnelles ! Nous l'avons démontré, dans le Livre des Esprits à propos du mot âme. En disant carrément dans quelle acception nous le prenions, nous avons coupé court à toute controverse. Le mot ange est dans le même cas ; on l'emploie indifféremment en bonne et en mauvaise part, puisqu'on dit : les bons et les mauvais anges, l'ange de lumière et l'ange des ténèbres ; d'où il suit que, dans son acception générale, il signifie simplement Esprit. C'est évidemment dans ce dernier sens qu'il faut l'entendre en parlant des anges déchus et des anges rebelles. Selon la doctrine spirite, d'accord en cela avec plusieurs théologiens, les anges ne sont point des êtres d'une création privilégiée, exemptés, par une faveur spéciale, du travail imposé aux autres, mais des Esprits arrivés à la perfection par leurs efforts et leur mérite. Si les anges étaient des êtres créés parfaits, la rébellion contre Dieu étant un signe d'infériorité, ceux qui se sont révoltés ne pouvaient être des anges. La doctrine nous dit aussi que les Esprits progressent, mais qu'ils ne rétrogradent pas, parce qu'ils ne perdent jamais les qualités qu'ils ont acquises ; or, la rébellion, de la part d'êtres parfaits, serait une rétrogradation tandis qu'elle se conçoit de la part d'êtres encore arriérés.

Pour éviter toute équivoque il conviendrait de réserver la qualification d'anges pour les purs Esprits, et d'appeler les autres simplement Esprits bons ou mauvais ; mais l'usage ayant prévalu dans l'emploi de ce mot pour les anges déchus, nous disons que nous le prenons dans son acception générale, et l'on verra que, dans ce sens, l'idée de déchéance et de rébellion est parfaitement admissible.

Nous ne connaissons pas, et nous ne connaîtrons probablement jamais le point de départ de l'âme humaine ; tout ce que nous savons, c'est que les Esprits sont créés simples et ignorants ; qu'ils progressent intellectuellement et moralement ; qu'en vertu de leur libre arbitre, les uns ont pris la bonne route et les autres la mauvaise ; qu'une fois le pied mis dans le bourbier, ils s'y sont enfoncés de plus en plus ; qu'après une succession illimitée d'existences corporelles accomplies sur la terre ou dans d'autres mondes, ils s'épurent et arrivent à la perfection qui les rapproche de Dieu.

Un point qu'il est tout aussi difficile de comprendre, c'est la formation des premiers êtres vivants sur la terre, chacun dans son espèce, depuis la plante jusqu'à l'homme ; la théorie contenue sur ce sujet dans le Livre des Esprits nous paraît la plus rationnelle, quoiqu'elle ne résolve qu'incomplètement et d'une manière hypothétique ce problème que nous croyons insoluble pour nous aussi bien que pour la plupart des Esprits, à qui il n'est pas donné de pénétrer le mystère des origines. Si on les interroge sur ce point, les plus sages répondent qu'ils ne le savent pas ; mais d'autres, moins modestes, prennent d'eux-mêmes l'initiative et se posent en révélateurs, en dictant des systèmes, produits de leurs idées personnelles, qu'ils donnent pour la vérité absolue. C'est contre la manie des systèmes de certains Esprits, à l'endroit du principe des choses, qu'il faut se tenir en garde, et ce qui, à nos yeux, prouve la sagesse de ceux qui ont dicté le Livre des Esprits, c'est la réserve qu'ils ont observée sur les questions de cette nature. A notre avis, ce n'est pas une preuve de sagesse de trancher ces questions d'une manière absolue, ainsi que quelques-uns l'ont fait, sans s'inquiéter des impossibilités matérielles résultant des données fournies par la science et l'observation. Ce que nous disons de l'apparition des premiers hommes sur la terre s'entend de la formation des corps ; car une fois le corps formé, il est plus facile de concevoir que l'Esprit vienne en prendre possession. Les corps étant donnés, ce que nous nous proposons d'examiner ici, c'est l'état des Esprits qui les ont animés, afin d'arriver, si c'est possible, à définir d'une manière plus rationnelle qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour la doctrine de la chute des anges et du paradis perdu.

Si l'on n'admet pas la pluralité des existences corporelles, il faut admettre que l'âme est créée en même temps que le corps se forme ; car, de deux choses l'une, ou l'âme qui anime le corps à sa naissance a déjà vécu, ou elle n'a pas encore vécu ; entre ces deux hypothèses, il n'y a pas de moyen terme ; or, de la seconde hypothèse, celle où l'âme n'a pas vécu, surgit une foule de problèmes insolubles, tels que la diversité des aptitudes et des instincts, incompatible avec la justice de Dieu, le sort des enfants qui meurent en bas âge, celui des crétins et des idiots, etc. ; tandis que tout s'explique naturellement en admettant que l'âme a déjà vécu et qu'elle apporte en s'incarnant dans un nouveau corps ce qu'elle avait acquis antérieurement. C'est ainsi que les sociétés progressent graduellement ; sans cela, comment expliquer la différence qui existe entre l'état social actuel et celui des temps de barbarie ? Si les âmes sont créées en même temps que les corps, celles qui naissent aujourd'hui sont tout aussi neuves, tout aussi primitives que celles qui vivaient il y a mille ans ; ajoutons qu'il n'y a entre elles aucune connexion, aucune relation nécessaire ; qu'elles sont complètement indépendantes les unes des autres ; pourquoi donc les âmes d'aujourd'hui seraient-elles mieux douées par Dieu que leurs devancières ? Pourquoi comprennent-elles mieux ? Pourquoi ont-elles des instincts plus épurés, des mœurs plus douces ? Pourquoi ont-elles l'intuition de certaines choses sans les avoir apprises ? Nous défions de sortir de là, à moins d'admettre que Dieu crée des âmes de diverses qualités, selon les temps et les lieux, proposition inconciliable avec l'idée d'une souveraine justice. Dites, au contraire, que les âmes d'aujourd'hui ont déjà vécu dans les temps reculés ; qu'elles ont pu être barbares comme leur siècle, mais qu'elles ont progressé ; qu'à chaque nouvelle existence, elles apportent l'acquit des existences antérieures ; que, par conséquent, les âmes des temps civilisés sont des âmes non pas créées plus parfaites, mais qui se sont perfectionnées elles-mêmes avec le temps, et vous aurez la seule explication plausible de la cause du progrès social.

Ces considérations, tirées de la théorie de la réincarnation, sont essentielles pour l'intelligence d'un fait dont nous parlerons tout à l'heure. Bien que les Esprits puissent se réincarner dans différents mondes, il paraîtrait qu'en général ils accomplissent un certain nombre de migrations corporelles sur le même globe et dans le même milieu, afin de pouvoir mieux profiter de l'expérience acquise ; ils ne sortent de ce milieu que pour entrer dans un plus mauvais par punition, ou dans un meilleur par récompense. Il en résulte que, pendant une certaine période, la population du globe est, à peu de chose près, composée des mêmes Esprits, qui y reparaissent à diverses époques, jusqu'à ce qu'ils aient atteint un degré d'épuration suffisant pour mériter d'aller habiter des mondes plus avancés.

Selon l'enseignement donné par les Esprits supérieurs, ces émigrations et ces immigrations des Esprits incarnés sur la terre ont lieu de temps en temps individuellement ; mais, à certaines époques, elles s'opèrent en masse, par suite des grandes révolutions qui en font disparaître des quantités innombrables, et sont remplacées par d'autres Esprits qui constituent en quelque sorte sur la terre, ou sur une partie de la terre, une nouvelle génération.

Le Christ a dit une parole remarquable qui n'a point été comprise, comme beaucoup d'autres que l'on a prises à la lettre, sans songer qu'il a presque toujours parlé par figures et paraboles. En annonçant de grands changements dans le monde physique et dans le monde moral, il a dit : Je vous dis, en vérité, que cette génération ne passera pas avant que ces choses ne soient accomplies ; or, la génération du temps du Christ est passée depuis plus de dix-huit siècles sans que ces choses soient arrivées ; il faut en conclure, ou que le Christ s'est trompé, ce qui n'est pas admissible, ou que ses paroles avaient un sens caché que l'on a mal interprété.

Si nous nous reportons maintenant à ce que disent les Esprits, non pas à nous seulement, mais par les médiums de tous les pays, nous touchons à l'accomplissement des temps prédits, à une époque de rénovation sociale, c'est-à-dire à l'époque d'une de ces grandes émigrations des Esprits habitant la terre. Dieu, qui les y avait envoyés pour s'améliorer, les y a laissés le temps nécessaire pour progresser ; il leur a fait connaître ses lois, d'abord par Moïse, et ensuite par le Christ ; il les a fait avertir par les prophètes ; dans leurs réincarnations successives, ils ont pu mettre à profit ces enseignements ; maintenant le temps est arrivé où ceux qui n'ont pas profité de la lumière, ceux qui ont violé les lois de Dieu et méconnu sa puissance, vont quitter la terre où ils seraient désormais déplacés au milieu du progrès moral qui s'accomplit, et auquel ils ne pourraient qu'apporter des entraves, soit comme hommes, soit comme Esprits. La génération dont a parlé le Christ, ne pouvant se rapporter aux hommes vivant de son temps, corporellement parlant, doit s'entendre de la génération des Esprits qui ont parcouru sur la terre, les diverses périodes de leurs incarnations et qui vont la quitter. Ils vont être remplacés par une nouvelle génération d'Esprits qui, plus avancés moralement, feront régner entre eux la loi d'amour et de charité enseignée par le Christ, et dont le bonheur ne sera pas troublé par le contact des méchants, des orgueilleux, des égoïstes, des ambitieux et des impies. Il paraîtrait même, au dire des Esprits, que déjà, parmi les enfants qui naissent maintenant, beaucoup sont l'incarnation des Esprits de cette nouvelle génération. Quant à ceux de l'ancienne génération qui auront bien mérité, mais qui cependant n'auront pas encore atteint un degré d'épuration suffisant pour arriver aux mondes les plus avancés, ils pourront continuer à habiter la terre et y accomplir encore quelques incarnations, mais alors, au lieu d'être une punition, ce sera une récompense, puisqu'ils y seront plus heureux, tout en progressant. Le temps où une génération d'Esprits disparaît pour faire place à une autre peut être considéré comme la fin du monde, c'est-à-dire du monde moral.

Que vont devenir les Esprits expulsés de la terre ? Les Esprits eux-mêmes nous disent qu'ils iront habiter des mondes nouveaux, où se trouvent des êtres encore plus arriérés qu'ici-bas, et qu'ils seront chargés de faire progresser, en leur apportant le produit de leurs connaissances acquises. Le contact du milieu barbare où ils se trouveront sera pour eux une cruelle expiation, et une source d'incessantes souffrances physiques et morales, dont ils auront d'autant plus conscience que leur intelligence sera plus développée ; mais cette expiation sera en même temps une mission qui leur offrira un moyen de racheter leur passé, selon la manière dont ils l'accompliront. Là, ils subiront encore une série d'incarnations pendant une période de temps plus ou moins longue, à la fin de laquelle ceux qui l'auront mérité en seront retirés pour aller dans des mondes meilleurs, peut-être sur la terre, qui alors sera un séjour de bonheur et de paix, tandis que ceux de la terre monteront à leur tour, et ainsi de proche en proche, jusqu'à l'état d'anges ou de purs Esprits.

C'est bien long, dira-t-on, et ne serait-il pas plus agréable d'aller d'emblée de la terre au ciel ? Sans doute, mais avec ce système vous avez l'alternative d'aller aussi d'emblée de la terre en enfer pour l'éternité des éternités ; or, on conviendra que la somme des vertus nécessaires pour aller droit au ciel étant fort rare ici-bas, il est bien peu d'hommes qui puissent se dire certains de les posséder ; d'où il résulte qu'on a plus de chances d'aller en enfer qu'en paradis. Ne vaut-il pas mieux faire une route plus longue et être sûr d'arriver au but ? Dans l'état actuel de la terre, personne ne se soucie d'y revenir, mais rien n'y oblige, car il dépend de chacun de s'avancer tellement pendant qu'il y est, qu'il puisse mériter de monter. Aucun prisonnier sorti de prison ne se soucie d'y rentrer ; le moyen pour lui est bien simple, c'est de ne pas retomber en faute. Le soldat, lui aussi, trouverait très commode de devenir maréchal tout d'un coup ; mais quoiqu'il en ait le bâton dans sa giberne, il ne lui en faut pas moins gagner ses éperons.

Remontons maintenant l'échelle des temps ; et du présent, comme point connu, tâchons de déduire l'inconnu, du moins par analogie, si ce n'est avec la certitude d'une démonstration mathématique.

La question d'Adam, comme souche unique de l'espèce humaine sur la terre, est très controversée, comme on le sait, car les lois anthropologiques en démontrent l'impossibilité, sans parler des documents authentiques de l'histoire chinoise qui prouvent que la population du globe remonte à une époque bien antérieure à celle que la chronologie biblique assigne à Adam. L'histoire d'Adam est-elle donc un conte fait à plaisir ? Ce n'est pas probable ; c'est une figure qui, comme toutes les allégories, doit renfermer une grande vérité dont le Spiritisme seul peut nous donner la clef. La question principale, à notre avis n'est pas de savoir si le personnage d'Adam a réellement existé, ni a quelle époque il a vécu, mais si la race humaine qu'on désigne comme sa postérité est une race déchue. La solution de cette question n'est même pas sans moralité car, en nous éclairant sur notre passé, elle peut nous guider dans notre conduite pour l'avenir.

Remarquons d'abord que l'idée de déchéance appliquée à l'homme est un non-sens, sans la réincarnation, de même que celle de la responsabilité que nous porterions de la faute de notre premier père. Si l'âme de chaque homme est créée à sa naissance, donc elle n'existait pas auparavant ; elle n'a donc aucun rapport, ni direct, ni indirect, avec celle qui commit la première faute, et dès lors on se demande comment elle peut en être responsable. Le doute sur ce point conduit naturellement au doute ou même à l'incrédulité sur beaucoup d'autres, car, si le point de départ est faux, les conséquences doivent aussi être fausses. Tel est le raisonnement de beaucoup de gens. Eh bien ! ce raisonnement tombe si l'on prend l'esprit et non la lettre du récit biblique, et si l'on se reporte aux principes mêmes de la doctrine spirite, destinée, comme il a été dit, à ranimer la foi qui s'éteint.

Remarquons encore que l'idée d'anges rebelles, d'anges déchus, de paradis perdu, se retrouve dans presque toutes les religions, et à l'état de tradition chez presque tous les peuples ; elle doit donc reposer sur une vérité. Pour comprendre le véritable sens que l'on doit attacher à la qualification d'anges rebelles, il n'est point nécessaire de supposer une lutte réelle entre Dieu et les anges ou Esprits, puisque le mot ange est ici pris dans une acception générale. Étant admis que les hommes sont des Esprits incarnés, que sont les matérialistes et les athées sinon des anges ou des Esprits en révolte contre la Divinité, puisqu'ils nient son existence et ne reconnaissent ni sa puissance ni ses lois ? N'est-ce pas par orgueil qu'ils prétendent que tout ce dont ils sont capables vient d'eux-mêmes et non de Dieu ? N'est-ce pas le comble de la rébellion que de prêcher le néant après la mort ? Ne sont-ils pas bien coupables, ceux qui se servent de l'intelligence dont ils se glorifient pour entraîner leurs semblables dans le précipice de l'incrédulité ? Ne font-ils pas également acte de révolte jusqu'à un certain point, ceux qui, sans nier la Divinité, méconnaissent les véritables attributs de son essence ? ceux qui se couvrent du masque de la piété pour commettre de mauvaises actions ? ceux que la foi en l'avenir ne détache pas des biens de ce monde ? ceux qui au nom d'un Dieu de paix violent la première de ses lois : la loi de charité ? ceux qui sèment le trouble et la haine par la calomnie et la médisance ? ceux enfin dont la vie, volontairement inutile, s'écoule dans l'oisiveté, sans profit pour eux-mêmes et pour leurs semblables ? A tous il sera demandé compte non seulement du mal qu'ils auront fait, mais du bien qu'ils n'auront pas fait. Eh bien ! tous ces Esprits qui ont si mal employé leurs incarnations, une fois expulsés de la terre et envoyés dans des mondes inférieurs, parmi des peuplades encore dans l'enfance de la barbarie, que seront-ils, sinon des anges déchus envoyés en expiation ? La terre qu'ils quittent, n'est-elle pas pour eux un paradis perdu, en comparaison du milieu ingrat où ils vont se trouver relégués pendant des milliers de siècles jusqu'au jour où ils auront mérité leur délivrance ?

Si, maintenant, nous remontons à l'origine de la race actuelle, symbolisée dans la personne d'Adam, nous retrouvons tous les caractères d'une génération d'Esprits expulsés d'un autre monde, et exilés, par des causes semblables, sur la terre déjà peuplée, mais d'hommes primitifs, plongés dans l'ignorance et la barbarie, et qu'ils avaient mission de faire progresser, en apportant parmi eux les lumières d'une intelligence déjà développée. N'est-ce pas, en effet, le rôle qu'a rempli jusqu'à ce jour la race adamique ? En la reléguant sur cette terre de labeur et de souffrance, Dieu n'a-t-il pas eu raison de lui dire : « tu en tireras ta nourriture à la sueur de ton front » ? Si elle a mérité ce châtiment par des causes semblables à celles que nous voyons aujourd'hui, n'est-il pas juste de dire qu'elle s'est perdue par orgueil ? Dans sa mansuétude, ne pouvait-il lui promettre qu'il lui enverrait un Sauveur, c'est-à-dire celui qui devait l'éclairer sur la route à suivre pour arriver à la félicité des élus ? Ce sauveur, il le lui a envoyé dans la personne du Christ, qui a enseigné la loi d'amour et de charité, comme la véritable ancre de salut.

Ici se présente une importante considération. La mission du Christ se comprend facilement en admettant que ce sont les mêmes Esprits qui ont vécu avant et après sa venue, et qui ont ainsi pu profiter soit de son enseignement, soit du mérite de son sacrifice ; mais on comprend plus difficilement, sans la réincarnation, l'utilité de ce même sacrifice pour des Esprits créés postérieurement à sa venue, et que Dieu aurait ainsi créés souillés des fautes de ceux avec lesquels ils n'ont aucun rapport.

Cette race d'Esprits paraît donc avoir fait son temps sur la terre ; dans le nombre, les uns ont mis ce temps à profit pour leur avancement et ont mérité d'être récompensés ; d'autres, par leur obstination à fermer les yeux à la lumière, ont épuisé la mansuétude du Créateur et mérité un châtiment. Ainsi s'accomplira cette parole du Christ : « Les bons iront à ma droite et les mauvais à ma gauche. »

Un fait semble venir à l'appui de la théorie qui attribue une préexistence aux premiers habitants de cette race sur la terre, c'est qu'Adam, qui en est indiqué comme la souche, est représenté avec un développement intellectuel immédiat, bien supérieur à celui des races sauvages actuelles ; que ses premiers descendants ont en peu de temps montré de l'aptitude pour des travaux d'art assez avancés. Or, ce que nous savons de l'état des Esprits à leur origine nous indique ce qu'aurait été Adam, au point de vue intellectuel, si son âme avait été créée en même temps que son corps. En admettant que, par exception, Dieu lui en ait donné une plus parfaite, il resterait à expliquer pourquoi les sauvages de la Nouvelle-Hollande, par exemple, s'ils sortent de la même souche, sont infiniment plus arriérés que le père commun. Tout prouve au contraire, aussi bien par le physique que par le moral, qu'ils appartiennent à une autre race d'Esprits plus voisins de leur origine, et qu'il leur faut encore un grand nombre de migrations corporelles avant d'atteindre le degré même le moins avancé de la race adamique. La nouvelle race qui va surgir, en faisant régner partout la loi du Christ, qui est la loi de justice, d'amour et de charité, hâtera leur avancement. Ceux qui ont écrit l'histoire de l'anthropologie terrestre se sont surtout attachés aux caractères physiques ; l'élément spirituel a presque toujours été négligé, et il l'est nécessairement par les écrivains qui n'admettent rien en dehors de la matière. Quand il en sera tenu compte dans l'étude des sciences, il jettera une lumière toute nouvelle sur une foule de questions encore obscures, parce que l'élément spirituel est une des forces vives de la nature qui joue un rôle prépondérant dans les phénomènes physiques, aussi bien que dans les phénomènes moraux.

Voici, en petit, un exemple frappant d'analogie avec ce qui se passe en grand dans le monde des Esprits, et qui nous aidera à le comprendre.

Le 24 mai 1861, la frégate Iphigénie amena à la Nouvelle-Calédonie une compagnie disciplinaire composée de 291 hommes. Le commandant de la colonie leur adressa, à leur arrivée, un ordre du jour ainsi conçu :

« En mettant le pied sur cette terre lointaine, vous avez déjà compris le rôle qui vous est réservé.

« A l'exemple de nos braves soldats de la marine servant sous vos yeux, vous nous aiderez à porter avec éclat, au milieu des tribus sauvages de la Nouvelle-Calédonie, le flambeau de la civilisation. N'est-ce pas là une belle et noble mission ? je vous le demande. Vous la remplirez dignement.

« Écoutez la voix et les conseils de vos chefs. Je suis à leur tête ; que mes paroles soient bien entendues.

« Le choix de votre commandant, de vos officiers, de vos sous-officiers et caporaux est un sûr garant de tous les efforts qui seront tentés pour faire de vous d'excellents soldats, je dis plus, pour vous élever à la hauteur de bons citoyens et vous transformer en colons honorables, si vous le désirez.

« Votre discipline est sévère ; elle doit l'être. Placée en nos mains, elle sera ferme et inflexible, sachez-le bien ; comme aussi, juste et paternelle, elle saura distinguer l'erreur du vice et de la dégradation… »

Voilà donc des hommes expulsés, pour leur mauvaise conduite, d'un pays civilisé, et envoyés, par punition, chez un peuple barbare. Que leur dit le chef ? « Vous avez enfreint les lois de votre pays ; vous y avez été une cause de trouble et de scandale, et l'on vous en a chassés ; on vous envoie ici, mais vous pouvez y racheter votre passé ; vous pouvez, par le travail, vous y créer une position honorable, et devenir d'honnêtes citoyens. Vous y avez une belle mission à remplir, celle de porter la civilisation parmi ces tribus sauvages. La discipline sera sévère, mais juste, et nous saurons distinguer ceux qui se conduiront bien. »

Pour ces hommes relégués au sein de la sauvagerie, la mère patrie n'est-elle pas un Paradis perdu par leur faute et par leur rébellion à la loi ? Sur cette terre lointaine, ne sont-ils pas des anges déchus ? Le langage du chef n'est-il pas celui que Dieu dut faire entendre aux Esprits exilés sur la terre ? « Vous avez désobéi à mes lois, et c'est pour cela que je vous ai chassés du pays où vous pouviez vivre heureux et en paix ; ici vous serez condamnés au travail, mais vous pourrez, par votre bonne conduite, mériter votre pardon et reconquérir la patrie que vous avez perdue par votre faute, c'est-à-dire le ciel. »

Au premier abord, l'idée de déchéance paraît en contradiction avec le principe que les Esprits ne peuvent rétrograder ; mais il faut considérer qu'il ne s'agit point d'un retour vers l'état primitif ; l'Esprit, quoique dans une position inférieure, ne perd rien de ce qu'il a acquis ; son développement moral et intellectuel est le même, quel que soit le milieu où il se trouve placé. Il est dans la position de l'homme du monde condamné au bagne pour ses méfaits ; certes il est déchu au point de vue social, mais il ne devient ni plus stupide, ni plus ignorant.

Croit-on maintenant que ces hommes envoyés dans la Nouvelle-Calédonie vont se transformer subitement en modèles de vertus ? qu'ils vont abjurer tout à coup leurs erreurs passées ? Il faudrait ne pas connaître l'humanité pour le supposer. Par la même raison, les Esprits qui vont être expulsés de la terre, une fois transplantés dans les mondes d'exil, ne vont pas dépouiller instantanément leur orgueil et leurs mauvais instincts ; longtemps encore ils conserveront les tendances de leur origine, un reste de vieux levain. Il a dû en être de même des Esprits de la race adamique exilés sur la terre ; or, n'est-ce pas là le péché originel ? La tache qu'ils apportent en naissant est celle de la race d'Esprits coupables et punis à laquelle ils appartiennent ; tache qu'ils peuvent effacer par le repentir, l'expiation, et la rénovation de leur être moral. Le péché originel, considéré comme la responsabilité d'une faute commise par un autre, est un non-sens et la négation de la justice de Dieu ; considéré, au contraire, comme conséquence et reliquat d'une imperfection première de l'individu, non seulement la raison l'admet, mais on trouve de toute justice la responsabilité qui en découle.

Cette interprétation donne une raison d'être toute naturelle au dogme de l'immaculée Conception, dont le scepticisme s'est tant raillé. Ce dogme établit que la mère du Christ n'était point entachée du péché originel ; comment cela se peut-il ? C'est bien simple : Dieu a envoyé un Esprit pur n'appartenant point à la race coupable et exilée, s'incarner sur la terre pour y remplir cette auguste mission ; de même que, de temps en temps, il envoie des Esprits supérieurs s'y incarner pour donner un élan au progrès et hâter l'avancement. Ces Esprits sont, sur la terre, comme le vénérable pasteur qui va moraliser les condamnés dans leur prison, et leur montrer le chemin du salut.

Certaines personnes trouveront sans doute cette interprétation peu orthodoxe ; quelques-unes même pourront crier à l'hérésie. Mais n'est-il pas avéré que beaucoup ne voient dans le récit de la Genèse, dans l'histoire de la pomme et de la côte d'Adam qu'une figure ; que faute de pouvoir attacher un sens précis à la doctrine des anges déchus, des anges rebelles et du paradis perdu, ils regardent toutes ces choses comme des fables ? Si une interprétation logique les amène à y voir une vérité déguisée sous l'allégorie, cela ne vaut-il pas mieux qu'une négation absolue ? Admettons que cette solution ne soit pas de tous points conforme à l'orthodoxie rigoureuse, dans le sens vulgaire du mot, nous demandons s'il est préférable de ne rien croire du tout, ou de croire à quelque chose. Si la croyance au texte littéral éloigne de Dieu, et si la croyance par interprétation en rapproche, l'une ne vaut-elle pas mieux que l'autre ? Nous ne venons donc point détruire le principe, le saper dans ses fondements, ainsi que l'ont fait quelques philosophes ; nous avons cherché à en découvrir le sens caché, et nous venons au contraire le consolider en y donnant une base rationnelle. Quoi qu'il en soit, de cette interprétation, on ne lui refusera pas, dans tous les cas, un caractère de grandeur que n'a certainement pas le texte pris à la lettre. Cette théorie embrasse à la fois l'universalité des mondes, l'infini dans le passé et dans l'avenir ; elle donne à tout sa raison d'être par l'enchaînement qui relie toutes choses, par la solidarité qu'elle établit entre toutes les parties de l'univers. N'est-elle pas plus conforme à l'idée que nous nous faisons de la majesté et de la bonté de Dieu, que celle qui circonscrit l'humanité à un point de l'espace, et à un instant dans l'éternité ?

Publicité des Communications Spirites

La question de la publicité à donner aux communications spirites est le complément de l'organisation générale que nous avons traitée dans notre précédent numéro. A mesure que le cercle des Spirites s'élargit, les médiums se multiplient, et avec eux le nombre des communications. Depuis quelque temps ces communications ont pris un développement remarquable sous le rapport du style, des pensées et de l'ampleur des sujets traités ; elles ont grandi avec la science même, les Esprits proportionnant la hauteur de leur enseignement au développement des idées, et cela en province et à l'étranger aussi bien qu'à Paris, ainsi que l'attestent les nombreux échantillons qu'on nous envoie, et dont quelques-uns ont été publiés dans la Revue.

En donnant ces communications, les Esprits ont en vue l'instruction générale, la propagation des principes de la doctrine, et ce but ne serait point atteint si, comme nous l'avons dit, elles restaient enfouies dans les cartons de ceux qui les obtiennent. Il est donc utile de les répandre par la voie de la publicité ; il en résultera un autre avantage très important, celui de prouver la concordance de l'enseignement spontané donné par les Esprits sur tous les points fondamentaux, et de neutraliser l'influence des systèmes erronés en prouvant leur isolement.

Il s'agit donc d'examiner le mode de publicité qui peut le mieux atteindre le but, et pour cela deux points sont à considérer : le moyen qui offre le plus de chances d'extension de la publicité, et les conditions les plus propres à faire sur le lecteur une impression favorable, soit par le choix judicieux des sujets, soit par la disposition matérielle. Faute d'avoir égard à certaines considérations quelquefois de pure forme, les meilleurs ouvrages sont souvent des enfants mort-nés. Ceci est un résultat d'expérience ; certains éditeurs ont, sous ce rapport, un tact que leur donne l'habitude des goûts du public, et qui leur permet de juger à peu près à coup sûr des chances de succès d'une publication, question de mérite intrinsèque à part.

Le développement que prennent les communications spirites nous met dans l'impossibilité matérielle de les toutes insérer dans notre Revue. Il faudrait, pour embrasser le cadre entier, y donner une extension qui obligerait de la mettre à un prix hors de la portée de beaucoup de gens. Il devient donc nécessaire d'aviser au moyen d'y suppléer dans les meilleures conditions pour tous. Examinons d'abord le pour et le contre des différents systèmes qui pourraient être employés.

Publications périodiques locales. - Elles présentent deux inconvénients : le premier, qu'elles ont une publicité presque toujours restreinte à la localité ; le second, qu'une publication périodique, devant être alimentée et servie à époque fixe, nécessite un matériel bureaucratique et des frais réguliers auxquels il faut pourvoir quand même, sous peine de s'arrêter. Si les journaux de localités, qui s'adressent à la masse du public, ont souvent de la peine à vivre, à plus forte raison en serait-il ainsi d'une publication qui ne s'adresserait qu'à une portion restreinte du public, car ce serait se leurrer d'un vain espoir de compter sur beaucoup d'abonnés du dehors, surtout si ces publications allaient en se multipliant.

Publications locales non périodiques. - Une société, un groupe, les groupes d'une même ville, pourraient, comme on l'a fait à Metz, réunir leurs communications dans des brochures indépendantes les unes des autres et paraissant à des époques indéterminées. Ce mode est incomparablement préférable au précédent, sous le point de vue financier, puisqu'on ne contracte aucun engagement, et qu'on est toujours maître de s'arrêter quand on veut. Mais il y a toujours l'inconvénient de la restriction de la publicité. Pour répandre ces brochures hors du cercle local, il faudrait des frais d'annonces devant lesquels on recule souvent, ou un libraire central ayant de nombreux correspondants et qui s'en chargerait ; mais ici se présente une autre difficulté. Les libraires, en général, s'occupent peu volontiers des ouvrages qu'ils n'éditent pas ; d'un autre côté, ils n'aiment pas à encombrer leurs correspondants de publications sans importance pour eux et d'un débit incertain, souvent faites dans de mauvaises conditions de vente pour la forme ou le prix, et qui, outre l'inconvénient de mécontenter les correspondants, auraient celui de leur occasionner des frais de retour. Ce sont des considérations que la plupart des auteurs, étrangers au métier de la librairie, ne comprennent pas, sans parler de ceux qui, trouvant leurs œuvres excellentes, s'étonnent que tout éditeur ne s'empresse pas de s'en charger ; ceux mêmes qui font imprimer à leurs frais doivent bien se figurer que, quelques avantages qu'ils fassent au libraire, l'ouvrage attendra les demandeurs s'il n'est pas, en terme de métier, dans des conditions marchandes.

Nous demandons pardon à nos lecteurs d'entrer dans des détails si terrestres à propos des choses célestes, mais c'est précisément dans l'intérêt de la propagation des bonnes choses que nous voulons prémunir contre les illusions de l'inexpérience.

Publications individuelles des médiums. - Toutes les réflexions ci-dessus s'appliquent naturellement aux publications isolées que certains médiums pourraient faire des communications qu'ils reçoivent ; mais, outre que la plupart ne le peuvent pas, celles-ci ont un autre inconvénient, c'est qu'en général elles ont un cachet d'uniformité qui les rend monotones, et nuirait d'autant plus à leur débit qu'elles seraient plus multipliées. Elles ne peuvent avoir d'attrait que si, traitant un sujet déterminé, elles formaient un tout et présentaient un ensemble, qu'elles soient l'œuvre d'un seul Esprit ou de plusieurs.

Ces réflexions ne sauraient être absolues, et il peut sans doute y avoir des exceptions, mais on ne peut disconvenir qu'elles reposent sur un fond de vérité. Au reste, ce que nous en disons n'est point pour imposer nos idées, dont chacun est libre de tenir le compte qu'il juge à propos ; seulement, comme on ne publie qu'avec l'espoir d'un résultat, nous avons cru devoir exposer les causes de déception.

Les inconvénients que nous venons de signaler nous semblent complètement levés par la publication centrale et collective que MM. Didier et Cie vont entreprendre sous le titre de BIBLIOTHÈQUE DU MONDE INVISIBLE ; elle comprendra une série de volumes, format grand in-18, de sept feuilles d'impression, ou 250 pages environ, et au prix uniforme de 2 fr. Chaque volume aura son numéro d'ordre, mais se vendra séparément, de sorte que les amateurs seront libres de prendre ceux qui leur conviendront, sans être tenus d'acheter la totalité, qui n'a pas de limite fixe. Cette collection offrira les moyens de publier, dans les meilleures conditions possibles, les travaux médianimiques obtenus dans les différents centres, avec l'avantage d'une publicité très étendue par le moyen des correspondants ; ce que cette maison ne ferait pas pour des brochures isolées, elle le fera pour une collection qui peut acquérir une grande importance.

Le nom de Bibliothèque du Monde invisible est le titre général de la collection ; mais chaque volume portera un titre spécial pour en désigner la provenance et l'objet, et bénéficiera à l'auteur, sans que ce dernier ait à s'immiscer dans le produit des ouvrages qui lui sont étrangers. C'est une publication collective, mais sans solidarité entre les producteurs, où chacun y est pour son compte, et court la chance du mérite de son œuvre tout en profitant de la publicité commune.

Les éditeurs ne s'engagent nullement à publier dans cette collection tout ce qu'on leur présentera ; ils se réservent au contraire expressément de faire un choix rigoureux. Les volumes qui seraient imprimés aux frais des auteurs pourront entrer dans la collection, s'ils sont acceptés, pourvu qu'ils soient dans les conditions voulues de format et de prix.

Nous sommes personnellement complètement étranger à l'ensemble de cette publication et à son administration ; elle n'a rien de commun ni avec la Revue spirite, ni avec nos ouvrages spéciaux sur la matière ; nous y donnons notre approbation et notre appui moral, parce que nous la jugeons utile, et comme étant la meilleure voie ouverte aux médiums, groupes et sociétés pour leurs publications. Nous y collaborerons comme les autres pour notre compte personnel, ne prenant la responsabilité que de ce qui portera notre nom.

Outre les ouvrages spéciaux que nous pourrons fournir à cette collection, nous y donnerons, sous le titre particulier de Portefeuille spirite, quelques volumes composés de communications choisies, soit parmi celles qui sont obtenues dans nos réunions de Paris, soit parmi celles qui nous sont adressées par les médiums et les groupes français et étrangers qui correspondent avec nous, et ne voudraient pas faire de publications personnelles. Ces communications émanant de sources différentes auront l'attrait de la variété ; nous y joindrons, selon les circonstances, les remarques nécessaires à leur intelligence et à leur développement. L'ordre, la classification et toutes les dispositions matérielles seront l'objet d'une attention particulière.

Ne voulant point faire un bénéfice personnel de ces publications, notre intention est d'affecter les droits qui nous seront acquis pour les soins que nous y donnerons, à la distribution gratuite de nos ouvrages sur le Spiritisme en faveur des personnes qui ne pourraient en faire l'acquisition, ou à tel autre emploi qui serait jugé utile à la propagation de la doctrine, selon des conditions qui seront ultérieurement fixées.

Ce plan nous paraît devoir répondre à tous les besoins, et nous ne doutons pas qu'il ne soit accueilli avec faveur par tous les amis sincères de la doctrine.

Contrôle de l'Enseignement Spirite

L'organisation que nous avons proposée pour la formation des groupes spirites a pour but de préparer les voies qui doivent faciliter entre eux des rapports mutuels. Au nombre des avantages qui doivent résulter de ces rapports, il faut placer en première ligne l'unité de doctrine qui en sera la conséquence naturelle. Cette unité est déjà faite en grande partie, et les bases fondamentales du Spiritisme sont admises aujourd'hui par l'immense majorité des adeptes ; mais il est encore des questions douteuses, soit qu'elles n'aient pas été résolues, soit qu'elles l'aient été dans des sens différents par les hommes, et même par les Esprits.

Si les systèmes sont quelquefois le produit de cerveaux humains, on sait que certains Esprits ne sont pas en reste sous ce rapport ; en effet, on en voit qui échafaudent avec une merveilleuse adresse, et enchaînent avec beaucoup d'art, des idées souvent absurdes, et en font un ensemble plus ingénieux que solide, mais qui pourrait fausser l'opinion des gens qui ne se donnent pas la peine d'approfondir, ou qui sont incapables de le faire par l'insuffisance de leurs connaissances. Sans doute, les idées fausses finissent par tomber devant l'expérience et l'inflexible logique ; mais, en attendant, elles peuvent jeter de l'incertitude. On sait aussi que, selon leur élévation, les Esprits peuvent avoir sur certains points une manière de voir plus ou moins juste ; que les signatures que portent les communications ne sont pas toujours une garantie d'authenticité, et que des Esprits orgueilleux cherchent parfois à faire passer des utopies à l'abri des noms respectables dont ils se parent. C'est, sans contredit, une des principales difficultés de la science pratique et contre laquelle beaucoup se sont heurtés.

Le meilleur critérium, en cas de divergence, c'est la conformité de l'enseignement par différents Esprits, et transmis par des médiums complètement étrangers les uns aux autres. Quand le même principe sera proclamé ou condamné par la majorité, il faudra bien se rendre à l'évidence. S'il est un moyen d'arriver à la vérité, c'est assurément par la concordance autant que par la rationalité des communications, aidées des moyens que l'on a de constater la supériorité ou l'infériorité des Esprits ; l'opinion cessant alors d'être individuelle, pour devenir collective, acquiert un degré de plus d'authenticité, puisqu'on ne peut la considérer comme le résultat d'une influence personnelle ou locale. Ceux qui sont encore incertains auront une base pour fixer leurs idées, car il serait irrationnel de penser que celui qui est seul, ou à peu près, de son avis, a seul raison contre tous.

Ce qui a surtout contribué au crédit de la doctrine du Livre des Esprits, c'est précisément parce qu'étant le produit d'un travail semblable, il se trouve partout avoir des échos ; comme nous l'avons dit, il n'est le produit ni d'un seul Esprit qui eût pu être systématique, ni d'un seul médium qui eût pu être abusé, mais au contraire celui d'un enseignement collectif par une grande diversité d'Esprits et de médiums, et que les principes qu'il renferme sont confirmés à peu près partout. Nous disons à peu près, attendu que, par la raison que nous avons expliquée ci-dessus, il se trouve des Esprits qui cherchent à faire prévaloir leurs idées personnelles. Il est donc utile de soumettre les idées divergentes au contrôle que nous proposons ; si la doctrine ou quelques-unes des doctrines que nous professons étaient reconnues erronées d'une voix unanime, nous nous soumettrions sans murmure, en nous félicitant que la vérité ait été trouvée par d'autres ; mais si, au contraire, elles sont confirmées, on nous permettra de croire que nous sommes dans le vrai.

La Société spirite de Paris, comprenant toute l'importance d'un pareil travail, et tenant d'abord à l'éclairer elle-même, et ensuite à prouver qu'elle n'entend nullement se poser en arbitre absolu des doctrines qu'elle professe, soumettra aux différents groupes qui correspondent avec elle les questions qu'elle croira le plus utiles à la propagation de la vérité. Ces questions seront transmises, selon les circonstances, soit par correspondance particulière, soit par la voie de la Revue spirite.

On conçoit que, pour elle, et en raison de la manière sérieuse dont elle envisage le Spiritisme, l'autorité des communications dépend des conditions dans lesquelles se trouvent placées les réunions, suivant le caractère des membres et le but qu'on s'y propose ; les communications émanant de groupes formés sur les bases indiquées par notre article sur l'organisation du Spiritisme, auront d'autant plus de poids à ses yeux, que ces groupes seront dans de meilleures conditions.

Nous soumettons à nos correspondants les questions suivantes, en attendant celles que nous leur adresserons ultérieurement.





Questions et problèmes proposés aux différents groupes spirites

1° Formation de la terre

Il existe deux systèmes sur l'origine et la formation de la terre. Selon l'opinion la plus commune, celle qui paraît généralement adoptée par la science, elle serait le produit de la condensation graduelle de la matière cosmique sur un point déterminé de l'espace ; il en serait de même de toutes les planètes.

Selon un autre système, préconisé dans ces derniers temps, d'après la révélation d'un Esprit, la terre serait formée de l'incrustation de quatre satellites d'une ancienne planète disparue ; cette adjonction aurait été le fait de la volonté propre de l'âme de ces planètes ; un cinquième satellite, notre lune, se serait refusé, en vertu de son libre arbitre, à cette association. Les vides laissés entre eux par l'absence de la lune auraient formé les cavités remplies par les mers. Chacune de ces planètes aurait apporté avec elle les êtres cataleptisés, hommes, animaux et plantes, qui lui étaient propres ; ces êtres, sortis de leur léthargie, après l'adjonction opérée et l'équilibre rétabli, auraient peuplé le globe composé actuel. Telle serait l'origine des races mères de l'homme sur la terre : race nègre en Afrique, race jaune en Asie, race rouge en Amérique et race blanche en Europe.

Quel est celui de ces deux systèmes que l'on peut regarder comme l'expression de la vérité ?

On voudra bien solliciter à ce sujet, comme sur les autres questions, une solution explicite et raisonnée.

Remarque. - Cette question et quelques autres qui s'y rattachent, s'écartent, il est vrai, du point de vue moral qui est le but essentiel du Spiritisme ; c'est pourquoi on aurait tort d'en faire l'objet de ses préoccupations constantes ; nous savons, d'ailleurs, qu'en ce qui concerne le principe des choses, les Esprits, ne sachant pas tout, ne peuvent dire que ce qu'ils savent ou ce qu'ils croient être ; mais comme il est des personnes qui pourraient tirer de la divergence de ces systèmes une induction contre l'unité du Spiritisme, précisément parce qu'ils sont formulés par des Esprits, il est utile de pouvoir comparer les raisons pour ou contre dans l'intérêt même de la doctrine, et d'appuyer sur l'assentiment de la majorité le jugement que l'on peut porter sur la valeur de certaines communications.

2° Ame de la terre

On trouve la proposition suivante dans une brochure intitulée : aperçu de la religion harmonique.

« Dieu a créé l'homme, la femme et tous les êtres les plus beaux et les meilleurs ; mais il a accordé aux âmes d'astres la puissance de créer des êtres d'un ordre inférieur, afin de compléter leur mobilier, soit par la combinaison de leur propre fluide prolifique, connu pour notre globe sous le nom d'aurore boréale, soit par la combinaison de ce fluide avec celui des autres astres. Or, l'âme du globe terrestre jouissant comme les âmes humaines de son libre arbitre, c'est-à-dire de la faculté de choisir la voie du bien ou celle du mal, s'est laissé entraîner dans cette dernière voie. De là les créations imparfaites et mauvaises, telles que les animaux féroces et venimeux, et les végétaux qui produisent des poisons. Mais l'humanité fera disparaître ces êtres nuisibles lorsque, étant d'accord avec l'âme de la terre pour marcher dans la voie du bien, elle s'occupera d'une manière plus intelligente de la gestion du globe terrestre, sur lequel sera créé un mobilier plus parfait. »

Qu'y a-t-il de vrai dans cette proposition, et que doit-on entendre par l'âme de la terre ?

3° Siège de l'âme humaine

On lit dans le même ouvrage le passage suivant, cité comme extrait de la Clef de la vie, page 754 :

« L'âme est de nature lumineuse divine : elle a la forme de l'être humain qu'elle anime. Elle réside dans un espace situé dans la substance cérébrale médiane qui réunit les deux lobes du cerveau par leur base. Chez l'homme harmonieux et dans l'unité, l'âme, diamant éblouissant, est coiffée d'une couronne lumineuse blanche : c'est la couronne de l'harmonie. »

Qu'y a-t-il de vrai dans cette proposition ?

4° Séjour des âmes

Même ouvrage :

« Tant que les Esprits habitent les régions planétaires, ils sont obligés de se réincarner pour progresser. Dès qu'ils sont arrivés dans les régions solaires, ils n'ont plus besoin de se réincarner, ils progressent en allant habiter d'autres soleils d'un ordre supérieur ; et de ces soleils d'un ordre supérieur, ils passent dans les régions célestes. La voie lactée, dont la lumière est si douce, est le séjour des anges ou Esprits supérieurs. »

Cela est-il vrai ?

5° Manifestation des Esprits

Selon la doctrine enseignée par un Esprit, aucun Esprit humain ne peut se manifester ni se communiquer aux hommes, ni servir d'intermédiaire entre Dieu et l'humanité, attendu que, Dieu, étant tout-puissant et partout, n'a pas besoin d'auxiliaires pour l'exécution de ses volontés, et qu'il fait tout par lui-même. Dans toutes les communications dites spirites, c'est Dieu seul qui se manifeste en prenant la forme, dans les apparitions, et le langage, dans les communications écrites, des Esprits que l'on évoque et auxquels on croit parler. En conséquence, dès qu'un homme est mort, il ne peut plus y avoir de relations entre lui et ceux qu'il a laissés sur la terre, avant que, par une suite de réincarnations successives pendant lesquelles ils progressent, ils n'aient atteint le même degré d'avancement dans le monde des Esprits. Dieu seul pouvant se manifester, il en résulte que les communications grossières, triviales, blasphématoires et mensongères sont également données par lui, mais comme épreuve, de même qu'il donne les bonnes pour instruire. L'Esprit qui a dicté cette théorie dit nécessairement être Dieu lui-même ; sous ce nom il a formulé très longuement toute une doctrine philosophique, sociale et religieuse.

Que faut-il penser de ce système, de ses conséquences et de la nature de l'Esprit qui l'enseigne ?

6° Des anges rebelles, des anges déchus et du paradis perdu

Que penser de la théorie émise à ce sujet dans l'article publié ci-dessus par M. Allan Kardec ?


Du Surnaturel - Par M. Guizot (2° article. - Voir le numéro de décembre 1861.)

Nous avons publié, dans notre dernier numéro, l'éloquent et remarquable chapitre de M. Guizot sur le Surnaturel, et au sujet duquel nous nous sommes proposé de faire quelques remarques critiques qui n'ôtent rien de notre admiration pour l'illustre et savant écrivain.

M. Guizot croit au surnaturel ; sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, il importe de bien s'entendre sur les mots. Dans son acception propre, surnaturel signifie ce qui est au-dessus de la nature, en dehors des lois de la nature. Le surnaturel, proprement dit, n'est donc point soumis à des lois ; c'est une exception, une dérogation aux lois qui régissent la création ; en un mot, il est synonyme de miracle. Du sens propre, ces deux mots ont passé dans le langage figuré, où l'on s'en sert pour désigner tout ce qui est extraordinaire, surprenant, insolite ; on dit d'une chose qui étonne qu'elle est miraculeuse, comme on dit d'une grande étendue qu'elle est incommensurable, d'un grand nombre qu'il est incalculable, d'une longue durée qu'elle est éternelle, quoique, à la rigueur, on puisse mesurer l'une, calculer l'autre, et prévoir un terme à la dernière. Par la même raison, on qualifie de surnaturel ce qui, au premier abord, semble sortir des limites du possible. Le vulgaire ignorant est surtout très porté à prendre ce mot à la lettre pour ce qu'il ne comprend pas. Si l'on entend par là ce qui s'écarte des causes connues, nous le voulons bien, mais alors ce mot n'a plus de sens précis, car ce qui était surnaturel hier ne l'est plus aujourd'hui. Que de choses, considérées jadis comme telles, la science n'a-t-elle pas fait rentrer dans le domaine des lois naturelles ! Quelques progrès que nous ayans faits, pouvons-nous nous flatter de connaître tous les secrets de Dieu ? La nature nous a-t-elle dit son dernier mot sur toutes choses ? Chaque jour ne vient-il pas donner un démenti à cette orgueilleuse prétention ? Si donc ce qui était surnaturel hier ne l'est plus aujourd'hui, on peut logiquement en inférer que ce qui est surnaturel aujourd'hui peut ne plus l'être demain. Pour nous, nous prenons le mot surnaturel dans son sens propre le plus absolu, c'est-à-dire pour désigner tout phénomène contraire aux lois de la nature. Le caractère du fait surnaturel ou miraculeux est d'être exceptionnel ; dès lors qu'il se reproduit, c'est qu'il est soumis à une loi connue ou inconnue, et il rentre dans l'ordre général.

Si l'on restreint la nature au monde matériel, visible, il est évident que les choses du monde invisible seront surnaturelles ; mais le monde invisible étant lui-même soumis à des lois, nous croyons plus logique de définir la nature : L'ensemble des œuvres de la création régies par les lois immuables de la Divinité. Si, comme le démontre le Spiritisme, le monde invisible est une des forces, une des puissances réagissant sur la matière, il joue un rôle important dans la nature, c'est pourquoi les phénomènes spirites ne sont pour nous ni surnaturels, ni merveilleux, ni miraculeux ; d'où l'on voit que le Spiritisme, loin d'étendre le cercle du merveilleux, tend à le restreindre et même à le faire disparaître.

M. Guizot, avons-nous dit, croit au surnaturel, mais dans le sens miraculeux, ce qui n'implique nullement la croyance aux Esprits et à leurs manifestations ; or, de ce que, pour nous, les phénomènes spirites n'ont rien d'anomal, il ne s'ensuit pas que Dieu n'ait pu, dans certains cas, déroger à ses lois, puisqu'il a la toute-puissance. L'a-t-il fait ? Ce n'est pas ici le lieu de l'examiner ; il faudrait pour cela discuter, non le principe, mais chaque fait isolément ; or, nous plaçant au point de vue de M. Guizot, c'est-à-dire de la réalité des faits miraculeux, nous allons essayer de combattre la conséquence qu'il en tire, savoir que : la religion n'est pas possible sans surnaturel, et prouver au contraire que de son système découle l'anéantissement de la religion.

M. Guizot part de ce principe que toutes les religions sont fondées sur le surnaturel. Cela est vrai si l'on entend par là ce qui n'est pas compris ; mais si l'on remonte à l'état des connaissances humaines à l'époque de la fondation de toutes les religions connues, on sait combien était alors borné le savoir des hommes en astronomie, en physique, en chimie, en géologie, en physiologie, etc. ; si, dans les temps modernes, bon nombre de phénomènes aujourd'hui parfaitement connus et expliqués ; ont passé pour merveilleux, à plus forte raison devait-il en être ainsi dans les temps reculés. Ajoutons que le langage figuré, symbolique et allégorique en usage chez tous les peuples de l'Orient, se prêtait naturellement aux fictions, dont l'ignorance ne permettait pas de découvrir le véritable sens ; ajoutons encore que les fondateurs des religions, hommes supérieurs au vulgaire, et sachant plus que lui, ont dû, pour impressionner les masses, s'entourer d'un prestige surhumain, et que certains ambitieux ont pu exploiter la crédulité : voyez Numa ; voyez Mahomet et tant d'autres. Ce sont des imposteurs, direz-vous. Soit ; prenons les religions issues de la loi mosaïque ; toutes adoptent la création selon la Genèse ; or, y a-t-il en effet quelque chose de plus surnaturel que cette formation de la terre, tirée du néant, débrouillée du chaos, peuplée de tous les êtres vivants, hommes, animaux et plantes, tout formés et adultes, et cela en six fois vingt-quatre heures, comme par un coup de baguette magique ? N'est-ce pas la dérogation la plus formelle aux lois qui régissent la matière et la progression des êtres ? Certes, Dieu pouvait le faire ; mais l'a-t-il fait ? Il y a peu d'années encore, on l'affirmait comme un article de foi, et voici que la science replace le fait immense de l'origine du monde dans l'ordre des faits naturels, en prouvant que tout s'est accompli selon les lois éternelles. La religion a-t-elle souffert de n'avoir plus pour base un fait merveilleux par excellence ? Elle eût incontestablement beaucoup souffert dans son crédit, si elle se fût obstinée à nier l'évidence, tandis qu'elle a gagné en rentrant dans le droit commun.

Un fait beaucoup moins important, malgré les persécutions dont il a été la source, c'est celui de Josué arrêtant le soleil pour prolonger le jour de deux heures. Que ce soit le soleil ou la terre qui ait été arrêtée, le fait n'en est pas moins tout ce qu'il y a de plus surnaturel ; c'est une dérogation à une des lois les plus capitales, celle de la force qui entraîne les mondes. On a cru échapper à la difficulté en reconnaissant que c'est la terre qui tourne, mais on avait compté sans la pomme de Newton, la mécanique céleste de Laplace et la loi de la gravitation. Que le mouvement de la terre soit suspendu, non pas deux heures, mais quelques minutes, la force centrifuge cesse, et la terre va se précipiter sur le soleil ; l'équilibre des eaux à sa surface est maintenu par la continuité du mouvement ; le mouvement cessant, tout est bouleversé ; or, l'histoire du monde ne fait pas mention du moindre cataclysme à cette époque. Nous ne contestons pas que Dieu ait pu favoriser Josué en prolongeant la clarté du jour ; quel moyen employa-t-il ? nous l'ignorons ; ce pouvait être une aurore boréale, un météore ou tout autre phénomène qui n'eût rien changé à l'ordre des choses ; mais, à coup sûr, ce ne fut pas celui dont on a fait pendant des siècles un article de foi ; que jadis on l'ait cru, c'est assez naturel, mais aujourd'hui cela n'est pas possible, à moins de renier la science.

Mais, dira-t-on, la religion s'appuie sur bien d'autres faits qui ne sont ni expliqués ni explicables. Inexpliqués, oui ; inexplicables, c'est une autre question ; sait-on les découvertes et les connaissances que nous réserve l'avenir ? Ne voit-on pas déjà, sous l'empire du magnétisme, du somnambulisme, du Spiritisme, se reproduire les extases, les visions, les apparitions, la vue à distance, les guérisons instantanées, les enlèvements, les communications orales et autres avec les êtres du monde invisible, phénomènes connus de temps immémorial, considérés jadis comme merveilleux, et démontrés aujourd'hui appartenir à l'ordre des choses naturelles selon la loi constitutive des êtres ? Les livres sacrés sont pleins de faits qualifiés de surnaturels ; mais, comme on en trouve d'analogues et de plus merveilleux encore dans toutes les religions païennes de l'antiquité, si la vérité d'une religion dépendait du nombre et de la nature de ces faits, nous ne savons trop celle qui l'emporterait.

M. Guizot, comme preuve du surnaturel, cite la formation du premier homme qui a dû être créé adulte, parce que, dit-il, seul, à l'état d'enfance, il n'eût pu se nourrir. Mais si Dieu a fait une exception en le créant adulte, ne pouvait-il en faire une en donnant à l'enfant les moyens de vivre, et cela même sans s'écarter de l'ordre établi ? Les animaux étant antérieurs à l'homme, ne pouvait-il réaliser, à l'égard du premier enfant, la fable de Romulus et Rémus ?

Nous disons du premier enfant, nous devrions dire des premiers enfants ; car la question d'une souche unique de l'espèce humaine est très controversée. En effet, les lois anthropologiques démontrent l'impossibilité matérielle que la postérité d'un seul homme ait pu, en quelques siècles, peupler toute la terre, et se transformer en races noires, jaunes et rouges ; car il est bien démontré que ces différences tiennent à la constitution organique et non au climat.

M. Guizot soutient une thèse dangereuse en affirmant que nulle religion n'est possible sans surnaturel ; s'il fait reposer les vérités du christianisme sur la base unique du merveilleux, il lui donne un appui fragile dont les pierres se détachent chaque jour. Nous lui en donnons une plus solide : les lois immuables de Dieu. Cette base défie le temps et la science ; car le temps et la science viendront la sanctionner. La thèse de M. Guizot conduit donc droit à cette conclusion que, dans un temps donné, il n'y aura plus de religion possible, pas même la religion chrétienne, si ce qui est regardé comme surnaturel est démontré naturel. Est-ce là ce qu'il a voulu prouver ? Non ; mais c'est la conséquence de son argument, et l'on y marche à grands pas ; car on aura beau faire et entasser raisonnements sur raisonnements, on ne parviendra pas à maintenir la croyance qu'un fait est surnaturel, quand il est prouvé qu'il ne l'est pas.

Sous ce rapport nous sommes beaucoup moins sceptique que M. Guizot, et nous disons que Dieu n'est pas moins digne de notre admiration, de notre reconnaissance et de notre respect pour n'avoir pas dérogé à ses lois, grandes surtout par leur immuabilité, et qu'il n'est pas besoin de surnaturel pour lui rendre le culte qui lui est dû, et, par conséquent, pour avoir une religion qui trouvera d'autant moins d'incrédules qu'elle sera de tous points sanctionnée par la raison. Or, selon nous, le christianisme n'a rien à perdre à cette sanction ; il ne peut qu'y gagner : si quelque chose a pu lui nuire dans l'opinion de beaucoup de gens, c'est précisément l'abus du merveilleux et du surnaturel. Faites voir aux hommes la grandeur et la puissance de Dieu dans toutes ses œuvres ; montrez-lui sa sagesse et son admirable prévoyance depuis la germination du brin d'herbe jusqu'au mécanisme de l'univers : les merveilles ne manqueront pas ; remplacez dans son esprit l'idée d'un Dieu jaloux, colère, vindicatif et implacable, par celle d'un Dieu souverainement juste, bon et miséricordieux, qui ne condamne pas à des supplices éternels et sans espoir pour des fautes temporaires ; que dès l'enfance il soit nourri de ces idées qui grandiront avec sa raison, et vous ferez plus de fermes et sincères croyants qu'en le berçant d'allégories que vous le forcez de prendre à la lettre, et qui, plus tard, repoussées par lui, le conduisent à douter de tout, et même à tout nier. Si vous voulez maintenir la religion par l'unique prestige du merveilleux, il n'y a qu'un seul moyen, c'est de maintenir les hommes dans l'ignorance ; voyez si c'est possible. A force de ne montrer l'action de Dieu que dans des prodiges, dans des exceptions, on cesse de la faire voir dans les merveilles que nous foulons aux pieds.

On objectera sans doute la naissance miraculeuse du Christ, que l'on ne saurait expliquer par les lois naturelles, et qui est une des preuves les plus éclatantes de son caractère divin. Ce n'est point ici le lieu d'examiner cette question ; mais, encore une fois, nous ne contestons pas à Dieu le pouvoir de déroger aux lois qu'il a faites ; ce que nous contestons, c'est la nécessité absolue de cette dérogation pour l'établissement d'une religion quelconque.

Le Magnétisme et le Spiritisme, dira-t-on, en reproduisant des phénomènes réputés miraculeux, sont contraires à la religion actuelle, parce qu'ils tendent à ôter à ces faits leur caractère surnaturel. Qu'y faire, si ces faits sont réels ? On ne les empêchera pas, puisqu'ils ne sont pas le privilège d'un homme, mais qu'ils se produisent dans le monde entier. On pourrait en dire autant de la physique, de la chimie, de l'astronomie, de la géologie, de la météorologie, de toutes les sciences en un mot. Sous ce rapport, nous dirons que le scepticisme de beaucoup de gens n'a pas d'autre source que l'impossibilité, selon eux, de ces faits exceptionnels ; niant la base sur laquelle on s'appuie, ils nient tout le reste ; prouvez leur la possibilité et la réalité de ces faits, en les reproduisant sous leurs yeux, ils seront bien forcés d'y croire. - Mais c'est ôter au Christ son caractère divin ! - Aimez-vous donc mieux qu'ils ne croient à rien du tout que de croire à quelque chose ? N'y a-t-il donc que ce moyen de prouver la divinité de la mission du Christ ? Son caractère ne ressort-il pas cent fois mieux de la sublimité de sa doctrine et de l'exemple qu'il a donné de toutes les vertus ? Si l'on ne voit ce caractère que dans les actes matériels qu'il a accomplis, d'autres n'en ont-ils pas fait de semblables, à ne parler que d'Apollonius de Thyane, son contemporain ? Pourquoi donc le Christ l'a-t-il emporté sur ce dernier ? C'est parce qu'il a fait un miracle bien autrement grand que de changer l'eau en vin, de nourrir quatre mille hommes avec cinq pains, de guérir les épileptiques, de rendre la vue aux aveugles et de faire marcher les paralytiques ; ce miracle, c'est d'avoir changé la face du monde ; c'est la révolution qu'a faite la simple parole d'un homme sorti d'une étable pendant trois ans de prédication, sans avoir rien écrit, aidé seulement de quelques obscurs pêcheurs ignorants. Voilà le véritable prodige, celui où il faut être aveugle pour ne pas voir la main de Dieu. Pénétrez les hommes de cette vérité, c'est le meilleur moyen de faire de solides croyants.



Poésies d'outre tombe

Nous voudrions avoir des vers de Béranger. (Société spirite de Mexico, 20 avril 1859)

Depuis que j'ai quitté notre belle patrie,

J'ai vu bien des pays ; je m'entends appeler,

Chacun me dit : Venez, venez, je vous en prie,

Nous voudrions avoir des vers de Béranger.

Laissez donc reposer cette muse rieuse ;

Elle habite aujourd'hui les vastes champs des airs,

Et pour louer son Dieu, sa voix toujours joyeuse

Se mêle chaque jour aux célestes concerts.

Elle a chanté longtemps sur des airs bien frivoles ;

Mais son cœur était bon ; Dieu l'appelant à lui

N'a pu trouver mauvais ses légères paroles.

Il aimait, il priait sans détester autrui.

Si j'ai pu flageller la race capucine

Les Français en ont ri souvent de bien bon cœur.

Qu'à revenir en bas le bon Dieu me destine,

J'aurais encor pour eux quelque refrain moqueur.

Nota. Ici l'Esprit de Béranger nous ayant quittés, revenu à notre prière, nous a donné les vers suivants :

Quoi ! vous m'assassinez, race humaine et légère !

Des vers ! toujours des vers ! le pauvre Béranger

En a bien fait de trop en passant sur la terre,

Et contre eux son trépas devrait le protéger.

Mais non, il n'en est rien ; que son sort s'accomplisse !

J'espérais en mourant, Dieu l'aurait empêché.

Du pauvre Béranger, vous voyez le supplice,

Et voulez le punir, hélas ! par son péché.



Beranger

J'essaye encore une de mes chansons. (Société spirite de Mexico.)

I
Enfant chéri d'une terre adorée,

De vous ici je me souviens toujours.

Sous d'autres cieux, âme régénérée

J'ai retrouvé beauté, jeunesse, amour.

Enfin je suis au sommet de la vie,

Monde éternel où tous nous renaissons ;

Et, pauvre Esprit de cette autre patrie,

J'essaye encore une de mes chansons.

II
J'ai vu venir cette pâle déesse

Dont le nom seul nous met tout en émoi ;

Mais, dans ses yeux ne voyant que tendresse,

J'ai pu serrer les deux mains sans effroi.

Je m'endormis, et ma nouvelle amie

Pour mon départ me berçait de doux sons ;

Et, pauvre Esprit de cette autre patrie,

J'essaye encore une de mes chansons.

III
Allez en paix ; couchez-vous dans la tombe,

O morts heureux, sans soucis du réveil ;

Vos yeux fermés, c'est la toile qui tombe

Pour se rouvrir sous un plus beau soleil.

Souriez donc, car la mort vous convie

A ses banquets d'éclatantes moissons ;

Et, pauvre Esprit, de cette autre patrie,

J'essaie encore une de mes chansons.

IV
Ils sont tombés, ces géants de la gloire ;

Esclaves, rois, tous seront confondus,

Car pour nous tous la plus belle victoire

Est à celui qui sait aimer le plus.

Là, nous voyons ce que notre amour prie,

Ou qu'à regret ici-bas nous laissons.

Et, pauvre Esprit de cette autre patrie,

J'essaye encore une de mes chansons.

V
Amis, adieu ; je rentre dans l'espace

Qu'à votre voix je puis toujours franchir ;

Immensité qui jamais ne nous lasse

Et que bientôt vous viendrez parcourir.

Oui, d'une voix heureuse et rajeunie

Ensemble alors vous direz mes leçons ;

Et, pauvre Esprit de cette autre patrie,

J'essaye encore une de mes chansons.

Béranger

Remarque. - Le Président de la Société Spirite de Mexico, à son passage à Paris, a bien voulu nous confier le recueil des communications de cette Société, et nous autoriser à en extraire ce que nous croirions utile ; nous pensons que nos lecteurs ne se plaindront pas du premier choix que nous avons fait ; ils verront par ce spécimen que les belles communications sont de tous les pays. Nous devons ajouter que le médium qui a obtenu les deux morceaux ci-dessus est une dame tout à fait étrangère à la poésie.




Bibliographie

Le Spiritisme à sa plus simple expression, ou la doctrine des Esprits popularisée

La brochure que nous avons annoncée sous ce titre, dans notre dernier numéro, paraîtra le 15 janvier, mais, au lieu de 25 centimes, prix indiqué, elle sera donnée à 15 centimes par exemplaire séparé, et à 10 centimes par vingt exemplaires, soit 2 fr., frais de poste en sus.

Le but de cette publication est de donner, dans un cadre très restreint, un historique du Spiritisme, et une idée suffisante de la doctrine des Esprits, pour mettre à même d'en comprendre le but moral et philosophique. Par la clarté et la simplicité du style, nous avons cherché à la mettre à la portée de toutes les intelligences. Nous comptons sur le zèle de tous les vrais Spirites pour aider à sa propagation.

Révélations d'Outre-Tombe

Par madame H. Dozon, médium ; évocateur, M. H. Dozon, ex-lieutenant aux lanciers de la garde, chevalier de la Légion d'honneur. - Un volume grand in-18, prix 2 fr. 25 c. ; chez Ledoyen, libraire, 31, galerie d'Orléans, Palais-Royal.

Cet ouvrage est un recueil de communications obtenues par madame Dozon, médium, membre de la Société Spirite de Paris, pendant et à la suite d'une très grave et douloureuse maladie qui eut, comme elle le dit elle-même, abattu son courage sans sa foi au Spiritisme et sans l'assistance évidente de ses amis et guides spirituels qui l'ont soutenue dans les moments les plus pénibles ; aussi, la plupart de ces communications portent-elles le cachet de la circonstance dans laquelle elles ont été données ; leur but évident était de relever le moral affaibli, et ce but a été complètement atteint. Leur caractère est essentiellement religieux ; elles ne respirent que la morale la plus pure, la plus douce et la plus consolante ; quelques-unes sont d'une remarquable élévation de pensées. Il est seulement à regretter que la rapidité avec laquelle ce volume a été imprimé n'ait pas permis d'y apporter toute la correction matérielle désirable.

Si la Bibliothèque du Monde invisible, que nous avons annoncée, eût été en voie de publication, cet ouvrage aurait pu y tenir une place honorable.


Testamento em favor do Espiritismo
A Monsieur Allan Kardec président, de la Société Spirite de Paris

Mon cher monsieur et très honoré chef spirite,

Je vous envoie ci-inclus mon testament olographe sous enveloppe cachetée en cire verte, avec mention sur cette enveloppe cachetée de ce qui devra être fait après ma mort. Depuis le moment où j'ai connu et compris le Spiritisme, son objet, son but final, j'ai eu la pensée et ai pris la résolution de faire mon testament. J'avais ajourné, à mon retour de la campagne, cet hiver, cette œuvre de mes dernières volontés. Dans le loisir et la solitude des champs, j'ai pu me recueillir, et à la lumière de ce divin flambeau du Spiritisme, j'ai mis à profit tous les enseignements que j'ai reçus, à tous les points de vue, des Esprits du Seigneur, pour me guider dans l'accomplissement de cette œuvre de la manière la plus utile à mes frères de la terre, soit assis à mon foyer domestique, soit autour de moi et loin de moi, connus et inconnus, amis ou ennemis, et de la manière la plus agréable à Dieu. Je me suis rappelé ce que le respectable M. Jobard de Bruxelles, dont vous nous avez annoncé la mort subite, vous écrivait dans son langage à la fois profond, facétieux et spirituel, relativement à une succession de vingt millions dont il disait avoir été spolié : que cette somme colossale aurait été un levier puissant pour activer d'un siècle l'ère nouvelle qui commence. L'argent, qu'on a dit souvent, au point de vue terrestre, être le nerf des batailles, est en effet l'instrument le plus redoutable, puissant pour le bien et le mal ici-bas, et je me suis dit : « Je puis et je dois consacrer à aider cette ère nouvelle une portion notable du modeste patrimoine que j'ai acquis, pour l'accomplissement de mes épreuves, à la sueur de mon front, aux dépens de ma santé, à travers la pauvreté, la fatigue, l'étude et le travail, et par trente années de vie militante du barreau, un des plus occupés à l'audience et dans le cabinet.

J'ai relu la lettre qu'écrivit le 1° novembre 1832, après son voyage à Rome, Lamennais à la comtesse de Senfft, et dans laquelle, avec l'expression de ses déceptions après tant d'efforts et de luttes consacrées à la recherche de la vérité, se trouvaient ces paroles, sinon prophétiques, au moins inspirées, annonçant cette ère nouvelle

(Suivent diverses citations que le défaut d'espace ne nous permet pas de reproduire.)

L'enveloppe contient la suscription suivante :

« Sous cette enveloppe, cachetée en cire verte, est mon testament olographe. Cette enveloppe sera ouverte et le cachet brisé seulement après ma mort en séance générale de la Société Spirite de Paris, et dans cette séance, il sera, par le président de cette société qui sera en fonction à l'époque de ma mort, donné lecture entière de mon dit testament ; la dite enveloppe sera ouverte et le dit cachet brisé par ce président. La présente enveloppe cachetée, contenant mon dit testament et qui va être envoyée et remise à M. Allan Kardec, président actuel de la dite Société, sera déposée par lui dans les archives de cette Société. Un original de ce même testament sera trouvé, à l'époque de ma mort, déposé en l'étude de Me *** ; un autre original sera, à la même époque, trouvé chez moi. Le dépôt à M. Allan Kardec est mentionné sur les autres originaux. »

Cette lettre ayant été communiquée à la Société Spirite de Paris dans sa séance du 20 décembre 1861, celle-ci a chargé son président, M. Allan Kardec, de remercier en son nom le testateur de ses généreuses intentions en faveur du Spiritisme, et de le féliciter, de la manière dont il en comprend le but et la portée.

Quoique l'auteur de la lettre n'ait point recommandé de taire son nom dans le cas où l'on jugerait à propos de la publier, on conçoit qu'en pareille circonstance, et pour un acte de cette nature, la réserve la plus absolue est une obligation rigoureuse.


Lettre à M. le Dr Morhéry concernant Mlle Godu.

On s'est entretenu dans ces derniers temps de certains phénomènes étranges opérés par mademoiselle Godu, et qui consisteraient notamment en production de diamants ; et de graines précieuses par des moyens non moins étranges. M. Morhéry nous ayant écrit à ce sujet une fort longue lettre descriptive ; quelques personnes se sont étonnées que nous n'en ayons pas parlé. La raison en est que nous ne prenons aucun fait avec enthousiasme, et que nous examinons froidement les choses avant de les accepter, l'expérience nous ayant appris combien on doit se défier de certaines illusions. Si nous eussions publié sans examen toutes les merveilles qui nous ont été rapportées avec plus ou moins de bonne foi, notre Revue eût été peut-être plus amusante, mais nous tenons à lui conserver le caractère sérieux qu'elle a toujours eu. Quant à la nouvelle et prodigieuse faculté qui se serait révélée chez mademoiselle Godu, franchement nous croyons que celle de médium guérisseur était plus précieuse et plus utile à l'humanité, et même à la propagation du Spiritisme. Toutefois nous ne nions rien, et à ceux qui pensent que, sur cet avis, nous eussions dû prendre immédiatement le chemin de fer pour nous en assurer, nous répondrons que, si la chose est réelle, elle ne peut manquer d'être officiellement constatée ; qu'alors il sera toujours temps d'en parler, et que nous ne mettons aucun amour propre à la proclamer le premier. Voici du reste un extrait de la réponse que nous avons faite à M. Morhéry :

« … Il est vrai que je n'ai pas publié tous les comptes rendus que vous m'avez envoyés sur les guérisons opérées par mademoiselle Godu, mais j'en ai dit assez pour appeler sur elle l'attention ; en parler constamment, c'eût été avoir l'air de me mettre au service d'un intêret particulier. La prudence commandait d'ailleurs que l'avenir vînt confirmer le passé. Quant aux phénomènes que vous relatez dans votre dernière lettre, ils sont si étranges que je ne me hasarderai à les publier que lorsque j'en aurai la confirmation d'une manière irrécusable. Plus un fait est anormal, plus il exige de circonspection. Vous ne trouverez donc pas surprenant que j'en use beaucoup en cette circonstance ; c'est du reste aussi l'avis du Comité de la Société, auquel j'ai soumis votre lettre. Il a décidé, à l'unanimité, qu'avant même d'en parler, il convenait d'attendre la suite. Jusqu'à présent ce fait est tellement contraire à toutes les lois naturelles, et même à toutes les lois connues du Spiritisme, que le premier sentiment qu'il provoque, même chez les Spirites, c'est l'incrédulité ; en parler par anticipation et avant de pouvoir l'appuyer sur des preuves authentiques, ce serait exciter sans profit la verve des mauvais plaisants. »



Nota. — Nous remettons à notre prochain numéro la publication de plusieurs évocations et dissertations Spirites d'un haut intérêt.



Allan Kardec

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