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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1866 > Avril
Avril
De la révélation
La révélation, dans le sens liturgique,
implique une idée de mysticisme et de merveilleux. Le matérialisme la repousse
naturellement, parce qu'elle suppose l'intervention de puissances et
d'intelligences extra-humaines. En dehors de la négation absolue, beaucoup de
personnes se posent aujourd'hui ces questions : Y a-t-il eu ou non une
révélation ? La révélation est-elle nécessaire ? En apportant aux
hommes la vérité toute faite, n'aurait-elle pas pour effet de les empêcher de
faire usage de leurs facultés, puisqu'elle leur épargnerait le travail de la
recherche ? Ces objections naissent de la fausse idée que l'on se fait de
la révélation. Prenons-la d'abord dans son acception la plus simple, pour la
suivre jusqu'à son point le plus élevé.
Révéler, c'est faire connaître une chose qui n'est pas connue ; c'est apprendre à quelqu'un ce qu'il ne sait pas. A ce point de vue, il y a pour nous une révélation pour ainsi dire incessante. Quel est le rôle du professeur vis-à-vis de ses élèves, si ce n'est celui d'un révélateur ? Il leur enseigne ce qu'ils ne savent pas, ce qu'ils n'auraient ni le temps, ni la possibilité de découvrir eux-mêmes, parce que la science est l'œuvre collective des siècles et d'une multitude d'hommes qui y ont apporté chacun leur contingent d'observations, et dont profitent ceux qui viennent après eux. L'enseignement est donc, en réalité, la révélation de certaines vérités scientifiques ou morales, physiques ou métaphysiques, faite par des hommes qui les connaissent, à d'autres hommes qui les ignorent, et qui, sans cela, les eussent toujours ignorées. Trouverait-on plus logique de les laisser chercher eux-mêmes ces vérités ? d'attendre pour leur apprendre à se servir de la vapeur qu'ils eussent inventé la mécanique ? Ne pourrait-on pas dire qu'en leur révélant ce que d'autres ont trouvé, on les empêche d'exercer leurs facultés ? N'est-ce pas, au contraire, en s'appuyant sur la connaissance des découvertes antérieures qu'ils arrivent aux découvertes nouvelles ? Faire connaître au plus grand nombre possible la plus grande somme possible de vérités connues, c'est donc provoquer l'activité de l'intelligence au lieu de l'étouffer, et pousser au progrès ; sans cela, l'homme resterait stationnaire.
Mais le professeur n'enseigne que ce qu'il a appris ; c'est un révélateur de second ordre ; l'homme de génie enseigne ce qu'il a trouvé lui-même : c'est le révélateur primitif ; c'est lui qui a apporté la lumière qui, de proche en proche, s'est vulgarisée. Où en serait l'humanité, sans la révélation des hommes de génie qui apparaissent de temps à autre ?
Mais qu'est-ce que les hommes de génie ? Pourquoi sont-ils hommes de génie ? D'où viennent-ils ? Que deviennent-ils ? Remarquons que la plupart apportent en naissant des facultés transcendantes et des connaissances innées, qu'un peu de travail suffit pour développer. Ils appartiennent bien réellement à l'humanité, puisqu'ils naissent, vivent et meurent comme nous. Où donc ont-ils puisé ces connaissances qu'ils n'ont pu acquérir de leur vivant ? Dira-t-on, avec les matérialistes, que le hasard leur a donné la matière cérébrale en plus grande quantité et de meilleure qualité ? Dans ce cas, ils n'auraient pas plus de mérite qu'un légume plus gros et plus savoureux qu'un autre.
Dira-t-on, avec certains spiritualistes, que Dieu les a doués d'une âme plus favorisée que celle du commun des hommes ? Supposition tout aussi illogique, puisqu'elle accuserait Dieu de partialité. La seule solution rationnelle de ce problème est dans la préexistence de l'âme et dans la pluralité des existences. L'homme de génie est un Esprit qui a vécu plus longtemps, qui a, par conséquent, plus acquis et plus progressé que ceux qui sont moins avancés. En s'incarnant, il apporte ce qu'il sait, et comme il sait beaucoup plus que les autres, sans avoir besoin d'apprendre, il est ce qu'on appelle un homme de génie. Mais ce qu'il sait n'en est pas moins le fruit d'un travail antérieur et non le résultat d'un privilège. Avant de renaître, il était donc Esprit avancé ; il se réincarne soit pour faire profiter les autres de ce qu'il sait, soit pour acquérir davantage.
Les hommes progressent incontestablement par eux-mêmes et par les efforts de leur intelligence ; mais livrés à leurs propres forces, ce progrès est très lent, s'ils ne sont aidés par des hommes plus avancés, comme l'écolier l'est par ses professeurs. Tous les peuples ont eu leurs hommes de génie qui sont venus, à diverses époques, donner une impulsion et les tirer de leur inertie.
Dès lors qu'on admet la sollicitude de Dieu pour ses créatures, pourquoi n'admettrait-on pas que des Esprits capables, par leur énergie et la supériorité de leurs connaissances, de faire avancer l'humanité, s'incarnent par la volonté de Dieu en vue d'aider au progrès dans un sens déterminé ; qu'ils reçoivent une mission, comme un ambassadeur en reçoit une de son souverain ? Tel est le rôle des grands génies. Que viennent-ils faire, sinon apprendre aux hommes des vérités que ceux-ci ignorent, et qu'ils eussent ignorées pendant encore de longues périodes, afin de leur donner un marchepied à l'aide duquel ils pourront s'élever plus rapidement ? Ces génies qui apparaissent à travers les siècles, comme des étoiles brillantes, laissant après elles une longue traînée lumineuse sur l'humanité, sont des missionnaires, ou, si l'on veut, des messies. S'ils n'apprenaient aux hommes rien autre que ce que savent ces derniers, leur présence serait complètement inutile ; les choses nouvelles qu'ils leur enseignent, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, sont des révélations.
Si Dieu suscite des révélateurs pour les vérités scientifiques, il peut, à plus forte raison, en susciter pour les vérités morales, qui sont un des éléments essentiels du progrès. Tels sont les philosophes dont les idées ont traversé les siècles.
Dans le sens spécial de la foi religieuse, les révélateurs sont plus généralement désignés sous les noms de prophètes ou messies. Toutes les religions ont eu leurs révélateurs, et quoique tous soient loin d'avoir connu toute la vérité, ils avaient leur raison d'être providentielle, car ils étaient appropriés au temps et au milieu où ils vivaient, au génie particulier des peuples auxquels ils parlaient, et auxquels ils étaient relativement supérieurs. Malgré les erreurs de leurs doctrines, ils n'en ont pas moins remué les esprits, et par cela même semé des germes de progrès qui, plus tard, devaient s'épanouir, ou s'épanouiront un jour, au soleil du christianisme. C'est donc à tort qu'on leur jette l'anathème au nom de l'orthodoxie, car un jour viendra où toutes ces croyances, si diverses pour la forme, mais qui reposent en réalité sur un même principe fondamental : Dieu et l'immortalité de l'âme, se fondront dans une grande et vaste unité, lorsque la raison aura triomphé des préjugés.
Malheureusement, les religions ont de tous temps été des instruments de domination ; le rôle de prophète a tenté les ambitions secondaires, et l'on a vu surgir une multitude de prétendus révélateurs ou messies qui, à la faveur du prestige de ce nom, ont exploité la crédulité au profit de leur orgueil, de leur cupidité ou de leur paresse, trouvant plus commode de vivre aux dépens de leurs dupes. La religion chrétienne n'a pas été à l'abri de ces parasites. A ce sujet, nous appelons une attention sérieuse sur le chapitre xxi de l'Evangile selon le Spiritisme : « Il y aura de faux Christs et de faux prophètes. » Le langage symbolique de Jésus a singulièrement favorisé les interprétations les plus contradictoires ; chacun, s'efforçant d'en torturer le sens, a cru y trouver la sanction de ses vues personnelles, souvent même la justification des doctrines les plus contraires à l'esprit de charité et de justice qui en est la base. Là est l'abus qui disparaîtra par la force même des choses, sous l'empire de la raison. Ce n'est point ce dont nous avons à nous occuper ici. Nous constatons seulement les deux grandes révélations sur lesquelles s'appuie le christianisme : celle de Moïse et celle de Jésus, parce qu'elles ont eu une influence décisive sur l'humanité. L'islamisme peut être considéré comme un dérivé de conception humaine, du mosaïsme et du christianisme. Pour accréditer la religion qu'il voulait fonder, Mahomet dut s'appuyer sur une prétendue révélation divine.
Y a-t-il des révélations directes de Dieu aux hommes ? C'est une question que nous n'oserions résoudre ni affirmativement ni négativement d'une manière absolue. La chose n'est point radicalement impossible, mais rien n'en donne la preuve certaine. Ce qui ne saurait être douteux, c'est que les Esprits les plus rapprochés de Dieu par la perfection se pénètrent de sa pensée et peuvent la transmettre. Quant aux révélateurs incarnés, selon l'ordre hiérarchique auquel ils appartiennent et le degré de leur savoir personnel, ils peuvent puiser leurs instructions dans leurs propres connaissances, ou les recevoir d'Esprits plus élevés, voire même des messagers directs de Dieu. Ceux-ci, parlant au nom de Dieu, ont pu parfois être pris pour Dieu lui-même.
Ces sortes de communications n'ont rien d'étrange pour quiconque connaît les phénomènes spirites et la manière dont s'établissent les rapports entre les incarnés et les désincarnés. Les instructions peuvent être transmises par divers moyens : par l'inspiration pure et simple, par l'audition de la parole, par la vue des Esprits instructeurs dans les visions et apparitions, soit en rêve, soit à l'état de veille, ainsi qu'on en voit maints exemples dans la Bible, l'Évangile, et dans les livres sacrés de tous les peuples. Il est donc rigoureusement exact de dire que la plupart des révélateurs sont des médiums inspirés, auditifs ou voyants ; d'où il ne suit pas que tous les médiums soient des révélateurs, et encore moins les intermédiaires directs de la Divinité ou de ses messagers.
Les purs Esprits seuls reçoivent la parole de Dieu avec mission de la transmettre ; mais on sait maintenant que les Esprits sont loin d'être tous parfaits, et qu'il en est qui se donnent de fausses apparences ; c'est ce qui a fait dire à saint Jean : « Ne croyez point à tout Esprit, mais voyez auparavant si les Esprits sont de Dieu. » (Ép. 1er, ch. iv, v. 4.)
Il peut donc y avoir des révélations sérieuses et vraies, comme il y en a d'apocryphes et de mensongères. Le caractère essentiel de la révélation divine est celui de l'éternelle vérité. Toute révélation entachée d'erreur ou sujette à changement ne peut émaner de Dieu, car Dieu ne peut ni tromper sciemment ni se tromper lui-même. C'est ainsi que la loi du Décalogue a tous les caractères de son origine, tandis que les autres lois mosaïques, essentiellement transitoires, souvent en contradiction avec la loi du Sinaï, sont l'œuvre personnelle et politique du législateur hébreu. Les mœurs du peuple s'adoucissant, ces lois sont d'elles-mêmes tombées en désuétude, tandis que le Décalogue est resté debout comme le phare de l'humanité. Christ en a fait la base de son édifice, tandis qu'il a aboli les autres lois ; si elles eussent été l'œuvre de Dieu, il se serait gardé d'y toucher. Christ et Moïse sont les deux grands révélateurs qui ont changé la face du monde, et là est la preuve de leur mission divine. Une œuvre purement humaine n'aurait pas un tel pouvoir.
Une nouvelle et importante révélation s'accomplit à l'époque actuelle ; c'est celle qui nous montre la possibilité de communiquer avec les êtres du monde spirituel. Cette connaissance n'est point nouvelle, sans doute, mais elle était restée jusqu'à nos jours en quelque sorte à l'état de lettre morte, c'est-à-dire sans profit pour l'humanité. L'ignorance des lois qui régissent ces rapports l'avait étouffée sous la superstition ; l'homme était incapable d'en tirer aucune déduction salutaire ; il était réservé à notre époque de la débarrasser de ses accessoires ridicules, d'en comprendre la portée, et d'en faire sortir la lumière qui devait éclairer la route de l'avenir.
Les Esprits n'étant autres que les âmes des hommes, en communiquant avec eux nous ne sortons pas de l'humanité, circonstance capitale à considérer. Les hommes de génie qui ont été les flambeaux de l'humanité sont donc sortis du monde des Esprits, comme ils y sont rentrés en quittant la terre. Dès lors que les Esprits peuvent se communiquer aux hommes, ces mêmes génies peuvent leur donner des instructions sous la forme spirituelle, comme ils l'ont fait sous la forme corporelle ; ils peuvent nous instruire après leur mort, comme ils le faisaient de leur vivant ; ils sont invisibles au lieu d'être visibles, voilà toute la différence. Leur expérience et leur savoir ne doivent pas être moindres, et si leur parole comme hommes avait de l'autorité, elle n'en doit pas avoir moins parce qu'ils sont dans le monde des Esprits.
Mais ce ne sont pas seulement les Esprits supérieurs qui se manifestent, ce sont aussi les Esprits de tous ordres, et cela était nécessaire pour nous initier au véritable caractère du monde des Esprits, en nous le montrant sous toutes ses faces ; par là, les relations entre le monde visible et le monde invisible sont plus intimes, la connexité est plus évidente ; nous voyons plus clairement d'où nous venons et où nous allons ; tel est le but essentiel de ces manifestations. Tous les Esprits, à quelque degré qu'ils soient parvenus, nous apprennent donc quelque chose ; mais comme ils sont plus ou moins éclairés, c'est à nous de discerner ce qu'il y a en eux de bon ou de mauvais, et de tirer le profit que comporte leur enseignement ; or tous, quels qu'ils soient, peuvent nous apprendre ou nous révéler des choses que nous ignorons et que sans eux nous ne saurions pas.
Les grands Esprits incarnés sont des individualités puissantes, sans contredit, mais dont l'action est restreinte et nécessairement lente à se propager. Qu'un seul d'entre eux, fût-il même Élie ou Moïse, soit venu en ces derniers temps révéler aux hommes l'état du monde spirituel, qui aurait prouvé la vérité de ses assertions, par ce temps de scepticisme ? Ne l'aurait-on pas regardé comme un rêveur ou un utopiste ? Et en admettant qu'il fût dans le vrai absolu, des siècles se fussent écoulés avant que ses idées fussent acceptées par les masses. Dieu, dans sa sagesse n'a pas voulu qu'il en fût ainsi ; il a voulu que l'enseignement fût donné par les Esprits eux-mêmes, et non par des incarnés, afin de convaincre de leur existence, et qu'il eût lieu simultanément par toute la terre, soit pour le propager plus rapidement, soit pour que l'on trouvât dans la coïncidence de l'enseignement une preuve de la vérité, chacun ayant ainsi les moyens de se convaincre par soi-même. Tels sont le but et le caractère de la révélation moderne.
Les Esprits ne viennent pas affranchir l'homme du travail, de l'étude et des recherches ; ils ne lui apportent aucune science toute faite ; sur ce qu'il peut trouver lui-même, ils le laissent à ses propres forces ; c'est ce que savent parfaitement aujourd'hui les Spirites. Depuis longtemps l'expérience a démontré l'erreur de l'opinion qui attribuait aux Esprits tout savoir et toute sagesse, et qu'il suffisait de s'adresser au premier Esprit venu pour connaître toutes choses. Sortis de l'humanité, les Esprits en sont une des faces ; comme sur la terre, il y en a de supérieurs et de vulgaires ; beaucoup en savent donc scientifiquement et philosophiquement moins que certains hommes ; ils disent ce qu'ils savent, ni plus ni moins ; comme parmi les hommes, les plus avancés peuvent nous renseigner sur plus de choses, nous donner des avis plus judicieux que les arriérés. Demander des conseils aux Esprits, ce n'est donc point s'adresser à des puissances surnaturelles, mais à ses pareils, à ceux mêmes à qui on se serait adressé de leur vivant, à ses parents, à ses amis, ou à des individus plus éclairés que nous. Voilà ce dont il importe de se persuader et ce qu'ignorent ceux qui, n'avait pas étudié le Spiritisme, se font une idée complètement fausse sur la nature du monde des Esprits et des relations d'outre-tombe.
Quelle est donc l'utilité de ces manifestations, ou si l'on veut de cette révélation, si les Esprits n'en savent pas plus que nous, ou s'ils ne nous disent pas tout ce qu'ils savent ? D'abord, comme nous l'avons dit, ils s'abstiennent de nous donner ce que nous pouvons acquérir par le travail ; en second lieu, il est des choses qu'il ne leur est pas permis de révéler, parce que notre degré d'avancement ne le comporte pas. Mais cela à part, les conditions de leur nouvelle existence étendent le cercle de leurs perceptions ; ils voient ce qu'ils ne voyaient pas sur la terre ; affranchis des entraves de la matière, délivrés des soucis de la vie corporelle, ils jugent les choses d'un point plus élevé, et par cela même plus sainement ; leur perspicacité embrasse un horizon plus vaste ; ils comprennent leurs erreurs, rectifient leurs idées et se débarrassent des préjugés humains. C'est en cela que consiste leur supériorité sur l'humanité corporelle, et que leurs conseils peuvent être, eu égard à leur degré d'avancement, plus judicieux et plus désintéressés que ceux des incarnés. Le milieu dans lequel ils se trouvent leur permet en outre de nous initier aux choses de la vie future que nous ignorons, et que nous ne pouvons apprendre dans celui où nous sommes. Jusqu'à ce jour l'homme n'avait créé que des hypothèses sur son avenir ; voilà, pourquoi ses croyances sur ce point ont été partagées en systèmes si nombreux et si divergents, depuis le néantisme jusqu'aux fantastiques descriptions de l'enfer et du paradis. Aujourd'hui ce sont les témoins oculaires, les acteurs mêmes de la vie d'outre-tombe, qui viennent nous dire ce qu'il en est, et qui seuls pouvaient le faire. Ces manifestations ont donc servi à nous faire connaître le monde invisible qui nous entoure, et que nous ne soupçonnions pas ; et cette connaissance seule serait d'une importance capitale, en supposant que les Esprits fussent incapables de rien nous apprendre de plus.
Une comparaison vulgaire fera encore mieux comprendre la situation.
Un navire chargé d'émigrants part pour une destination lointaine ; il emporte des hommes de toutes conditions, des parents et des amis de ceux qui restent. On apprend que ce navire a fait naufrage ; nulle trace n'en est restée, aucune nouvelle n'est parvenue sur son sort ; on pense que tous les voyageurs ont péri, et le deuil est dans toutes les familles. Cependant l'équipage tout entier, sans en excepter un seul homme, a abordé une terre inconnue, terre abondante et fertile, où tous vivent heureux sous un ciel clément ; mais on l'ignore. Or voilà qu'un jour un autre navire aborde cette terre ; il y trouve tous les naufragés sains et saufs. L'heureuse nouvelle se répand avec la rapidité de l'éclair ; chacun se dit : « Nos amis ne sont donc point perdus ! » Et ils en rendent grâces à Dieu. Ils ne peuvent se voir, mais ils correspondent ; ils échangent des témoignages d'affection, et voilà que la joie succède à la tristesse.
Telle est l'image de la vie terrestre et de la vie d'outre-tombe, avant et après la révélation moderne ; celle-ci, semblable au second navire, nous apporte la bonne nouvelle de la survivance de ceux qui nous sont chers, et la certitude de les rejoindre un jour ; le doute sur leur sort et sur le nôtre n'existe plus ; le découragement s'efface devant l'espérance.
Mais d'autres résultats viennent féconder cette révélation. Dieu, jugeant l'humanité mûre pour pénétrer le mystère de sa destinée et contempler de sang-froid de nouvelles merveilles, a permis que le voile qui séparait le monde visible du monde invisible fût levé. Le fait des manifestations n'a rien d'extrahumain ; c'est l'humanité spirituelle qui vient causer avec l'humanité corporelle et lui dire :
« Nous existons, donc le néant n'existe pas ; voilà ce que nous sommes, et voilà ce que vous serez ; l'avenir est à vous comme il est à nous. Vous marchiez dans les ténèbres, nous venons éclairer votre route et vous frayer la voie ; vous alliez au hasard, nous vous montrons le but. La vie terrestre était tout pour vous, parce que vous ne voyiez rien au delà ; nous venons vous dire, en vous montrant la vie spirituelle : La vie terrestre n'est rien. Votre vue s'arrêtait à la tombe, nous vous montrons au delà un horizon splendide. Vous ne saviez pas pourquoi vous souffrez sur la terre ; maintenant, dans la souffrance, vous voyez la justice de Dieu ; le bien était sans fruits apparents pour l'avenir, il aura désormais un but et sera une nécessité ; la fraternité n'était qu'une belle théorie, elle est maintenant assise sur une loi de la nature. Sous l'empire de la croyance que tout finit avec la vie, l'immensité est vide, l'égoïsme règne en maître parmi vous, et votre mot d'ordre est : « Chacun pour soi » ; avec la certitude de l'avenir, les espaces infinis se peuplent à l'infini, le vide et la solitude ne sont nulle part, la solidarité relie tous les êtres par delà et en deçà de la tombe ; c'est le règne de la charité, avec la devise : « Chacun pour tous et tous pour chacun. » Enfin, au terme de la vie vous disiez un éternel adieu à ceux qui vous sont chers, maintenant vous leur direz : « Au revoir ! »
Tels sont, en résumé, les résultats de la révélation nouvelle ; elle est venue combler le vide creusé par l'incrédulité, relever les courages abattus par le doute ou la perspective du néant, et donner à toute chose sa raison d'être. Ce résultat est-il donc sans importance, parce que les Esprits ne viennent pas résoudre les problèmes de la science, donner le savoir aux ignorants, et aux paresseux le moyen de s'enrichir sans peine ? Cependant les fruits que l'homme doit en retirer ne sont pas seulement pour la vie future ; il les cueillera sur la terre par la transformation que ces nouvelles croyances doivent nécessairement opérer sur son caractère, ses goûts, ses tendances et, par suite, sur les habitudes et les relations sociales. En mettant fin au règne de l'égoïsme, de l'orgueil et de l'incrédulité, elles préparent celui du bien, qui est le règne de Dieu.
La révélation a donc pour objet de mettre l'homme en possession de certaines vérités qu'il ne pourrait acquérir par lui-même, et cela en vue d'activer le progrès. Ces vérités se bornent en général à des principes fondamentaux destinés à le mettre sur la voie des recherches, et non à le conduire par la lisière ; ce sont des jalons qui lui montrent le but : à lui la tâche de les étudier et d'en déduire les applications ; loin de l'affranchir du travail, ce sont de nouveaux élément fournis à son activité.
Révéler, c'est faire connaître une chose qui n'est pas connue ; c'est apprendre à quelqu'un ce qu'il ne sait pas. A ce point de vue, il y a pour nous une révélation pour ainsi dire incessante. Quel est le rôle du professeur vis-à-vis de ses élèves, si ce n'est celui d'un révélateur ? Il leur enseigne ce qu'ils ne savent pas, ce qu'ils n'auraient ni le temps, ni la possibilité de découvrir eux-mêmes, parce que la science est l'œuvre collective des siècles et d'une multitude d'hommes qui y ont apporté chacun leur contingent d'observations, et dont profitent ceux qui viennent après eux. L'enseignement est donc, en réalité, la révélation de certaines vérités scientifiques ou morales, physiques ou métaphysiques, faite par des hommes qui les connaissent, à d'autres hommes qui les ignorent, et qui, sans cela, les eussent toujours ignorées. Trouverait-on plus logique de les laisser chercher eux-mêmes ces vérités ? d'attendre pour leur apprendre à se servir de la vapeur qu'ils eussent inventé la mécanique ? Ne pourrait-on pas dire qu'en leur révélant ce que d'autres ont trouvé, on les empêche d'exercer leurs facultés ? N'est-ce pas, au contraire, en s'appuyant sur la connaissance des découvertes antérieures qu'ils arrivent aux découvertes nouvelles ? Faire connaître au plus grand nombre possible la plus grande somme possible de vérités connues, c'est donc provoquer l'activité de l'intelligence au lieu de l'étouffer, et pousser au progrès ; sans cela, l'homme resterait stationnaire.
Mais le professeur n'enseigne que ce qu'il a appris ; c'est un révélateur de second ordre ; l'homme de génie enseigne ce qu'il a trouvé lui-même : c'est le révélateur primitif ; c'est lui qui a apporté la lumière qui, de proche en proche, s'est vulgarisée. Où en serait l'humanité, sans la révélation des hommes de génie qui apparaissent de temps à autre ?
Mais qu'est-ce que les hommes de génie ? Pourquoi sont-ils hommes de génie ? D'où viennent-ils ? Que deviennent-ils ? Remarquons que la plupart apportent en naissant des facultés transcendantes et des connaissances innées, qu'un peu de travail suffit pour développer. Ils appartiennent bien réellement à l'humanité, puisqu'ils naissent, vivent et meurent comme nous. Où donc ont-ils puisé ces connaissances qu'ils n'ont pu acquérir de leur vivant ? Dira-t-on, avec les matérialistes, que le hasard leur a donné la matière cérébrale en plus grande quantité et de meilleure qualité ? Dans ce cas, ils n'auraient pas plus de mérite qu'un légume plus gros et plus savoureux qu'un autre.
Dira-t-on, avec certains spiritualistes, que Dieu les a doués d'une âme plus favorisée que celle du commun des hommes ? Supposition tout aussi illogique, puisqu'elle accuserait Dieu de partialité. La seule solution rationnelle de ce problème est dans la préexistence de l'âme et dans la pluralité des existences. L'homme de génie est un Esprit qui a vécu plus longtemps, qui a, par conséquent, plus acquis et plus progressé que ceux qui sont moins avancés. En s'incarnant, il apporte ce qu'il sait, et comme il sait beaucoup plus que les autres, sans avoir besoin d'apprendre, il est ce qu'on appelle un homme de génie. Mais ce qu'il sait n'en est pas moins le fruit d'un travail antérieur et non le résultat d'un privilège. Avant de renaître, il était donc Esprit avancé ; il se réincarne soit pour faire profiter les autres de ce qu'il sait, soit pour acquérir davantage.
Les hommes progressent incontestablement par eux-mêmes et par les efforts de leur intelligence ; mais livrés à leurs propres forces, ce progrès est très lent, s'ils ne sont aidés par des hommes plus avancés, comme l'écolier l'est par ses professeurs. Tous les peuples ont eu leurs hommes de génie qui sont venus, à diverses époques, donner une impulsion et les tirer de leur inertie.
Dès lors qu'on admet la sollicitude de Dieu pour ses créatures, pourquoi n'admettrait-on pas que des Esprits capables, par leur énergie et la supériorité de leurs connaissances, de faire avancer l'humanité, s'incarnent par la volonté de Dieu en vue d'aider au progrès dans un sens déterminé ; qu'ils reçoivent une mission, comme un ambassadeur en reçoit une de son souverain ? Tel est le rôle des grands génies. Que viennent-ils faire, sinon apprendre aux hommes des vérités que ceux-ci ignorent, et qu'ils eussent ignorées pendant encore de longues périodes, afin de leur donner un marchepied à l'aide duquel ils pourront s'élever plus rapidement ? Ces génies qui apparaissent à travers les siècles, comme des étoiles brillantes, laissant après elles une longue traînée lumineuse sur l'humanité, sont des missionnaires, ou, si l'on veut, des messies. S'ils n'apprenaient aux hommes rien autre que ce que savent ces derniers, leur présence serait complètement inutile ; les choses nouvelles qu'ils leur enseignent, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, sont des révélations.
Si Dieu suscite des révélateurs pour les vérités scientifiques, il peut, à plus forte raison, en susciter pour les vérités morales, qui sont un des éléments essentiels du progrès. Tels sont les philosophes dont les idées ont traversé les siècles.
Dans le sens spécial de la foi religieuse, les révélateurs sont plus généralement désignés sous les noms de prophètes ou messies. Toutes les religions ont eu leurs révélateurs, et quoique tous soient loin d'avoir connu toute la vérité, ils avaient leur raison d'être providentielle, car ils étaient appropriés au temps et au milieu où ils vivaient, au génie particulier des peuples auxquels ils parlaient, et auxquels ils étaient relativement supérieurs. Malgré les erreurs de leurs doctrines, ils n'en ont pas moins remué les esprits, et par cela même semé des germes de progrès qui, plus tard, devaient s'épanouir, ou s'épanouiront un jour, au soleil du christianisme. C'est donc à tort qu'on leur jette l'anathème au nom de l'orthodoxie, car un jour viendra où toutes ces croyances, si diverses pour la forme, mais qui reposent en réalité sur un même principe fondamental : Dieu et l'immortalité de l'âme, se fondront dans une grande et vaste unité, lorsque la raison aura triomphé des préjugés.
Malheureusement, les religions ont de tous temps été des instruments de domination ; le rôle de prophète a tenté les ambitions secondaires, et l'on a vu surgir une multitude de prétendus révélateurs ou messies qui, à la faveur du prestige de ce nom, ont exploité la crédulité au profit de leur orgueil, de leur cupidité ou de leur paresse, trouvant plus commode de vivre aux dépens de leurs dupes. La religion chrétienne n'a pas été à l'abri de ces parasites. A ce sujet, nous appelons une attention sérieuse sur le chapitre xxi de l'Evangile selon le Spiritisme : « Il y aura de faux Christs et de faux prophètes. » Le langage symbolique de Jésus a singulièrement favorisé les interprétations les plus contradictoires ; chacun, s'efforçant d'en torturer le sens, a cru y trouver la sanction de ses vues personnelles, souvent même la justification des doctrines les plus contraires à l'esprit de charité et de justice qui en est la base. Là est l'abus qui disparaîtra par la force même des choses, sous l'empire de la raison. Ce n'est point ce dont nous avons à nous occuper ici. Nous constatons seulement les deux grandes révélations sur lesquelles s'appuie le christianisme : celle de Moïse et celle de Jésus, parce qu'elles ont eu une influence décisive sur l'humanité. L'islamisme peut être considéré comme un dérivé de conception humaine, du mosaïsme et du christianisme. Pour accréditer la religion qu'il voulait fonder, Mahomet dut s'appuyer sur une prétendue révélation divine.
Y a-t-il des révélations directes de Dieu aux hommes ? C'est une question que nous n'oserions résoudre ni affirmativement ni négativement d'une manière absolue. La chose n'est point radicalement impossible, mais rien n'en donne la preuve certaine. Ce qui ne saurait être douteux, c'est que les Esprits les plus rapprochés de Dieu par la perfection se pénètrent de sa pensée et peuvent la transmettre. Quant aux révélateurs incarnés, selon l'ordre hiérarchique auquel ils appartiennent et le degré de leur savoir personnel, ils peuvent puiser leurs instructions dans leurs propres connaissances, ou les recevoir d'Esprits plus élevés, voire même des messagers directs de Dieu. Ceux-ci, parlant au nom de Dieu, ont pu parfois être pris pour Dieu lui-même.
Ces sortes de communications n'ont rien d'étrange pour quiconque connaît les phénomènes spirites et la manière dont s'établissent les rapports entre les incarnés et les désincarnés. Les instructions peuvent être transmises par divers moyens : par l'inspiration pure et simple, par l'audition de la parole, par la vue des Esprits instructeurs dans les visions et apparitions, soit en rêve, soit à l'état de veille, ainsi qu'on en voit maints exemples dans la Bible, l'Évangile, et dans les livres sacrés de tous les peuples. Il est donc rigoureusement exact de dire que la plupart des révélateurs sont des médiums inspirés, auditifs ou voyants ; d'où il ne suit pas que tous les médiums soient des révélateurs, et encore moins les intermédiaires directs de la Divinité ou de ses messagers.
Les purs Esprits seuls reçoivent la parole de Dieu avec mission de la transmettre ; mais on sait maintenant que les Esprits sont loin d'être tous parfaits, et qu'il en est qui se donnent de fausses apparences ; c'est ce qui a fait dire à saint Jean : « Ne croyez point à tout Esprit, mais voyez auparavant si les Esprits sont de Dieu. » (Ép. 1er, ch. iv, v. 4.)
Il peut donc y avoir des révélations sérieuses et vraies, comme il y en a d'apocryphes et de mensongères. Le caractère essentiel de la révélation divine est celui de l'éternelle vérité. Toute révélation entachée d'erreur ou sujette à changement ne peut émaner de Dieu, car Dieu ne peut ni tromper sciemment ni se tromper lui-même. C'est ainsi que la loi du Décalogue a tous les caractères de son origine, tandis que les autres lois mosaïques, essentiellement transitoires, souvent en contradiction avec la loi du Sinaï, sont l'œuvre personnelle et politique du législateur hébreu. Les mœurs du peuple s'adoucissant, ces lois sont d'elles-mêmes tombées en désuétude, tandis que le Décalogue est resté debout comme le phare de l'humanité. Christ en a fait la base de son édifice, tandis qu'il a aboli les autres lois ; si elles eussent été l'œuvre de Dieu, il se serait gardé d'y toucher. Christ et Moïse sont les deux grands révélateurs qui ont changé la face du monde, et là est la preuve de leur mission divine. Une œuvre purement humaine n'aurait pas un tel pouvoir.
Une nouvelle et importante révélation s'accomplit à l'époque actuelle ; c'est celle qui nous montre la possibilité de communiquer avec les êtres du monde spirituel. Cette connaissance n'est point nouvelle, sans doute, mais elle était restée jusqu'à nos jours en quelque sorte à l'état de lettre morte, c'est-à-dire sans profit pour l'humanité. L'ignorance des lois qui régissent ces rapports l'avait étouffée sous la superstition ; l'homme était incapable d'en tirer aucune déduction salutaire ; il était réservé à notre époque de la débarrasser de ses accessoires ridicules, d'en comprendre la portée, et d'en faire sortir la lumière qui devait éclairer la route de l'avenir.
Les Esprits n'étant autres que les âmes des hommes, en communiquant avec eux nous ne sortons pas de l'humanité, circonstance capitale à considérer. Les hommes de génie qui ont été les flambeaux de l'humanité sont donc sortis du monde des Esprits, comme ils y sont rentrés en quittant la terre. Dès lors que les Esprits peuvent se communiquer aux hommes, ces mêmes génies peuvent leur donner des instructions sous la forme spirituelle, comme ils l'ont fait sous la forme corporelle ; ils peuvent nous instruire après leur mort, comme ils le faisaient de leur vivant ; ils sont invisibles au lieu d'être visibles, voilà toute la différence. Leur expérience et leur savoir ne doivent pas être moindres, et si leur parole comme hommes avait de l'autorité, elle n'en doit pas avoir moins parce qu'ils sont dans le monde des Esprits.
Mais ce ne sont pas seulement les Esprits supérieurs qui se manifestent, ce sont aussi les Esprits de tous ordres, et cela était nécessaire pour nous initier au véritable caractère du monde des Esprits, en nous le montrant sous toutes ses faces ; par là, les relations entre le monde visible et le monde invisible sont plus intimes, la connexité est plus évidente ; nous voyons plus clairement d'où nous venons et où nous allons ; tel est le but essentiel de ces manifestations. Tous les Esprits, à quelque degré qu'ils soient parvenus, nous apprennent donc quelque chose ; mais comme ils sont plus ou moins éclairés, c'est à nous de discerner ce qu'il y a en eux de bon ou de mauvais, et de tirer le profit que comporte leur enseignement ; or tous, quels qu'ils soient, peuvent nous apprendre ou nous révéler des choses que nous ignorons et que sans eux nous ne saurions pas.
Les grands Esprits incarnés sont des individualités puissantes, sans contredit, mais dont l'action est restreinte et nécessairement lente à se propager. Qu'un seul d'entre eux, fût-il même Élie ou Moïse, soit venu en ces derniers temps révéler aux hommes l'état du monde spirituel, qui aurait prouvé la vérité de ses assertions, par ce temps de scepticisme ? Ne l'aurait-on pas regardé comme un rêveur ou un utopiste ? Et en admettant qu'il fût dans le vrai absolu, des siècles se fussent écoulés avant que ses idées fussent acceptées par les masses. Dieu, dans sa sagesse n'a pas voulu qu'il en fût ainsi ; il a voulu que l'enseignement fût donné par les Esprits eux-mêmes, et non par des incarnés, afin de convaincre de leur existence, et qu'il eût lieu simultanément par toute la terre, soit pour le propager plus rapidement, soit pour que l'on trouvât dans la coïncidence de l'enseignement une preuve de la vérité, chacun ayant ainsi les moyens de se convaincre par soi-même. Tels sont le but et le caractère de la révélation moderne.
Les Esprits ne viennent pas affranchir l'homme du travail, de l'étude et des recherches ; ils ne lui apportent aucune science toute faite ; sur ce qu'il peut trouver lui-même, ils le laissent à ses propres forces ; c'est ce que savent parfaitement aujourd'hui les Spirites. Depuis longtemps l'expérience a démontré l'erreur de l'opinion qui attribuait aux Esprits tout savoir et toute sagesse, et qu'il suffisait de s'adresser au premier Esprit venu pour connaître toutes choses. Sortis de l'humanité, les Esprits en sont une des faces ; comme sur la terre, il y en a de supérieurs et de vulgaires ; beaucoup en savent donc scientifiquement et philosophiquement moins que certains hommes ; ils disent ce qu'ils savent, ni plus ni moins ; comme parmi les hommes, les plus avancés peuvent nous renseigner sur plus de choses, nous donner des avis plus judicieux que les arriérés. Demander des conseils aux Esprits, ce n'est donc point s'adresser à des puissances surnaturelles, mais à ses pareils, à ceux mêmes à qui on se serait adressé de leur vivant, à ses parents, à ses amis, ou à des individus plus éclairés que nous. Voilà ce dont il importe de se persuader et ce qu'ignorent ceux qui, n'avait pas étudié le Spiritisme, se font une idée complètement fausse sur la nature du monde des Esprits et des relations d'outre-tombe.
Quelle est donc l'utilité de ces manifestations, ou si l'on veut de cette révélation, si les Esprits n'en savent pas plus que nous, ou s'ils ne nous disent pas tout ce qu'ils savent ? D'abord, comme nous l'avons dit, ils s'abstiennent de nous donner ce que nous pouvons acquérir par le travail ; en second lieu, il est des choses qu'il ne leur est pas permis de révéler, parce que notre degré d'avancement ne le comporte pas. Mais cela à part, les conditions de leur nouvelle existence étendent le cercle de leurs perceptions ; ils voient ce qu'ils ne voyaient pas sur la terre ; affranchis des entraves de la matière, délivrés des soucis de la vie corporelle, ils jugent les choses d'un point plus élevé, et par cela même plus sainement ; leur perspicacité embrasse un horizon plus vaste ; ils comprennent leurs erreurs, rectifient leurs idées et se débarrassent des préjugés humains. C'est en cela que consiste leur supériorité sur l'humanité corporelle, et que leurs conseils peuvent être, eu égard à leur degré d'avancement, plus judicieux et plus désintéressés que ceux des incarnés. Le milieu dans lequel ils se trouvent leur permet en outre de nous initier aux choses de la vie future que nous ignorons, et que nous ne pouvons apprendre dans celui où nous sommes. Jusqu'à ce jour l'homme n'avait créé que des hypothèses sur son avenir ; voilà, pourquoi ses croyances sur ce point ont été partagées en systèmes si nombreux et si divergents, depuis le néantisme jusqu'aux fantastiques descriptions de l'enfer et du paradis. Aujourd'hui ce sont les témoins oculaires, les acteurs mêmes de la vie d'outre-tombe, qui viennent nous dire ce qu'il en est, et qui seuls pouvaient le faire. Ces manifestations ont donc servi à nous faire connaître le monde invisible qui nous entoure, et que nous ne soupçonnions pas ; et cette connaissance seule serait d'une importance capitale, en supposant que les Esprits fussent incapables de rien nous apprendre de plus.
Une comparaison vulgaire fera encore mieux comprendre la situation.
Un navire chargé d'émigrants part pour une destination lointaine ; il emporte des hommes de toutes conditions, des parents et des amis de ceux qui restent. On apprend que ce navire a fait naufrage ; nulle trace n'en est restée, aucune nouvelle n'est parvenue sur son sort ; on pense que tous les voyageurs ont péri, et le deuil est dans toutes les familles. Cependant l'équipage tout entier, sans en excepter un seul homme, a abordé une terre inconnue, terre abondante et fertile, où tous vivent heureux sous un ciel clément ; mais on l'ignore. Or voilà qu'un jour un autre navire aborde cette terre ; il y trouve tous les naufragés sains et saufs. L'heureuse nouvelle se répand avec la rapidité de l'éclair ; chacun se dit : « Nos amis ne sont donc point perdus ! » Et ils en rendent grâces à Dieu. Ils ne peuvent se voir, mais ils correspondent ; ils échangent des témoignages d'affection, et voilà que la joie succède à la tristesse.
Telle est l'image de la vie terrestre et de la vie d'outre-tombe, avant et après la révélation moderne ; celle-ci, semblable au second navire, nous apporte la bonne nouvelle de la survivance de ceux qui nous sont chers, et la certitude de les rejoindre un jour ; le doute sur leur sort et sur le nôtre n'existe plus ; le découragement s'efface devant l'espérance.
Mais d'autres résultats viennent féconder cette révélation. Dieu, jugeant l'humanité mûre pour pénétrer le mystère de sa destinée et contempler de sang-froid de nouvelles merveilles, a permis que le voile qui séparait le monde visible du monde invisible fût levé. Le fait des manifestations n'a rien d'extrahumain ; c'est l'humanité spirituelle qui vient causer avec l'humanité corporelle et lui dire :
« Nous existons, donc le néant n'existe pas ; voilà ce que nous sommes, et voilà ce que vous serez ; l'avenir est à vous comme il est à nous. Vous marchiez dans les ténèbres, nous venons éclairer votre route et vous frayer la voie ; vous alliez au hasard, nous vous montrons le but. La vie terrestre était tout pour vous, parce que vous ne voyiez rien au delà ; nous venons vous dire, en vous montrant la vie spirituelle : La vie terrestre n'est rien. Votre vue s'arrêtait à la tombe, nous vous montrons au delà un horizon splendide. Vous ne saviez pas pourquoi vous souffrez sur la terre ; maintenant, dans la souffrance, vous voyez la justice de Dieu ; le bien était sans fruits apparents pour l'avenir, il aura désormais un but et sera une nécessité ; la fraternité n'était qu'une belle théorie, elle est maintenant assise sur une loi de la nature. Sous l'empire de la croyance que tout finit avec la vie, l'immensité est vide, l'égoïsme règne en maître parmi vous, et votre mot d'ordre est : « Chacun pour soi » ; avec la certitude de l'avenir, les espaces infinis se peuplent à l'infini, le vide et la solitude ne sont nulle part, la solidarité relie tous les êtres par delà et en deçà de la tombe ; c'est le règne de la charité, avec la devise : « Chacun pour tous et tous pour chacun. » Enfin, au terme de la vie vous disiez un éternel adieu à ceux qui vous sont chers, maintenant vous leur direz : « Au revoir ! »
Tels sont, en résumé, les résultats de la révélation nouvelle ; elle est venue combler le vide creusé par l'incrédulité, relever les courages abattus par le doute ou la perspective du néant, et donner à toute chose sa raison d'être. Ce résultat est-il donc sans importance, parce que les Esprits ne viennent pas résoudre les problèmes de la science, donner le savoir aux ignorants, et aux paresseux le moyen de s'enrichir sans peine ? Cependant les fruits que l'homme doit en retirer ne sont pas seulement pour la vie future ; il les cueillera sur la terre par la transformation que ces nouvelles croyances doivent nécessairement opérer sur son caractère, ses goûts, ses tendances et, par suite, sur les habitudes et les relations sociales. En mettant fin au règne de l'égoïsme, de l'orgueil et de l'incrédulité, elles préparent celui du bien, qui est le règne de Dieu.
La révélation a donc pour objet de mettre l'homme en possession de certaines vérités qu'il ne pourrait acquérir par lui-même, et cela en vue d'activer le progrès. Ces vérités se bornent en général à des principes fondamentaux destinés à le mettre sur la voie des recherches, et non à le conduire par la lisière ; ce sont des jalons qui lui montrent le but : à lui la tâche de les étudier et d'en déduire les applications ; loin de l'affranchir du travail, ce sont de nouveaux élément fournis à son activité.
Le Spiritisme sans les Esprits
Nous avons vu dernièrement une secte tenter de se former, en arborant pour drapeau : La négation de la prière. Accueillie, à son début, par un sentiment général de réprobation, elle n'a pas même vécu. Les hommes et les Esprits se sont unis pour repousser une doctrine qui était à la fois une ingratitude et une révolte contre la Providence. Cela n'était pas difficile, car, en froissant le sens intime de l'immense majorité, elle portait en elle son principe destructeur. (Revue de janvier 1866).
En voici maintenant une autre qui s'essaie sur un nouveau terrain ; elle a pour devise : Plus de communications des Esprits. Il est assez singulier que cette opinion soit aujourd'hui préconisée par quelques-uns de ceux qui ont jadis exalté l'importance et la sublimité des enseignements spirites, et qui se faisaient gloire de ce qu'ils recevaient eux-mêmes comme médiums. A-t-elle plus de chance de succès que la précédente ? C'est ce que nous allons examiner en quelques mots.
Cette doctrine, si l'on peut donner ce nom à une opinion restreinte à quelques individualités, se fonde sur les données suivantes :
« Les Esprits qui se communiquent ne sont que des Esprits ordinaires qui ne nous ont, jusqu'à ce jour, appris aucune vérité nouvelle, et qui prouvent leur incapacité en ne sortant pas des banalités de la morale. Le critérium que l'on prétend établir sur la concordance de leur enseignement est illusoire, par suite de leur insuffisance. C'est à l'homme qu'il appartient de sonder les grands mystères de la nature, et de soumettre ce qu'ils disent au contrôle de sa propre raison. Leurs communications ne pouvant rien nous apprendre, nous les proscrivons de nos réunions. Nous discuterons entre nous ; nous chercherons et nous déciderons, dans notre sagesse, les principes qui doivent être acceptés ou rejetés, sans recourir à l'assentiment des Esprits. »
Remarquons qu'il ne s'agit point de nier le fait des manifestations, mais d'établir la supériorité du jugement de l'homme, ou de quelques hommes, sur celui des Esprits ; en un mot, de dégager le Spiritisme de l'enseignement des Esprits : les instructions de ces derniers étant au-dessous de ce que peut l'intelligence des hommes.
Cette doctrine conduit à une singulière conséquence, qui ne donnerait pas une haute idée de la supériorité de la logique de l'homme sur celle des Esprits. Nous savons, grâce à ces derniers, que ceux de l'ordre le plus élevé ont appartenu à l'humanité corporelle qu'ils ont depuis longtemps dépassée, comme le général a dépassé la classe du soldat d'où il était sorti. Sans les Esprits, nous en serions encore à la croyance que les anges sont des créatures privilégiées, et les démons des créatures prédestinées au mal pour l'éternité. « Non, dira-t-on, car il y a eu des hommes qui ont combattu cette idée. » Soit ; mais qu'étaient ces hommes, sinon des Esprits incarnés ? Quelle influence leur opinion isolée a-t-elle eue sur la croyance des masses ? Demandez au premier venu s'il connaît seulement de nom la plupart de ces grands philosophes ? Tandis que les Esprits, venant sur toute la surface de la terre se manifester au plus humble comme au plus puissant, la vérité s'est propagée avec la rapidité de l'éclair.
Les Esprits peuvent se diviser en deux grandes catégories : ceux qui, parvenus au plus haut point de l'échelle, ont définitivement quitté les mondes matériels, et ceux qui, par la loi de la réincarnation, appartiennent encore au tourbillon de l'humanité terrienne. Admettons que ces derniers seuls aient le droit de se communiquer aux hommes, ce qui est une question : dans le nombre il y en a qui, de leur vivant, ont été des hommes éclairés, dont l'opinion fait autorité, et que l'on serait heureux de consulter s'ils vivaient encore. Or, de la doctrine ci-dessus il résulterait que ces mêmes hommes supérieurs sont devenus des nullités ou des médiocrités en passant dans le monde des Esprits, incapables de nous donner une instruction de quelque valeur, tandis qu'on s'inclinerait respectueusement devant eux s'ils se présentaient en chair et en os dans les assemblées mêmes où l'on refuse de les écouter comme Esprits. Il en résulte encore que Pascal, par exemple, n'est plus une lumière depuis qu'il est Esprit ; mais que, s'il se réincarnait dans Pierre ou Paul, nécessairement avec le même génie, puisqu'il n'aurait rien perdu, il serait un oracle. Cette conséquence est tellement rigoureuse, que les partisans de ce système admettent la réincarnation comme une des plus grandes vérités. Il faudra en induire enfin que ceux qui placent, de très bonne foi nous le supposons, leur propre intelligence si fort au-dessus de celle des Esprits, seront eux-mêmes des nullités ou des médiocrités dont l'opinion sera sans valeur ; de telle sorte qu'il faudrait croire à ce qu'ils disent, aujourd'hui qu'ils vivent, et qu'il n'y faudrait plus croire demain, quand ils seront morts, lors même qu'ils viendraient dire la même chose, et encore moins s'ils viennent dire qu'ils se sont trompés.
Je sais qu'on objecte la grande difficulté de la constatation de l'identité. Cette question a été assez amplement traitée pour qu'il soit superflu d'y revenir. Nous ne pouvons assurément savoir, par une preuve matérielle, si l'Esprit qui se présente sous le nom de Pascal est bien réellement celui du grand Pascal. Que nous importe, s'il dit de bonnes choses ! C'est à nous de peser la valeur de ses instructions, non à la forme du langage, qu'on sait porter souvent l'empreinte de l'infériorité de l'instrument, mais à la grandeur et à la sagesse des pensées. Un grand Esprit qui se communique par un médium peu lettré est comme un habile calligraphe qui se sert d'une mauvaise plume ; l'ensemble de l'écriture portera le cachet de son talent, mais les détails d'exécution, qui ne dépendent pas de lui, seront imparfaits.
Jamais le Spiritisme n'a dit qu'il fallait faire abnégation de son jugement, et se soumettre aveuglément au dire des Esprits ; ce sont les Esprits eux-mêmes qui nous disent de passer toutes leurs paroles au creuset de la logique, tandis que certains incarnés disent : « Ne croyez qu'à ce que nous disons, et ne croyez pas à ce que disent les Esprits. » Or, comme la raison individuelle est sujette à erreur, et que l'homme est assez généralement porté à prendre sa propre raison et ses idées pour l'unique expression de la vérité, celui qui n'a pas l'orgueilleuse prétention de se croire infaillible en réfère à l'appréciation de la majorité. Est-il tenu pour cela d'abdiquer son opinion ? Nullement ; il est parfaitement libre de croire qu'il a seul raison contre tous, mais il n'empêchera pas l'opinion du plus grand nombre de prévaloir, et d'avoir, en définitive, plus d'autorité que l'opinion d'un seul ou de quelques-uns.
Examinons maintenant la question sous un autre point de vue. Qui est-ce qui a fait le Spiritisme ? Est-ce une conception humaine personnelle ? Tout le monde sait le contraire. Le Spiritisme est le résultat de l'enseignement des Esprits ; de telle sorte que, sans les communications des Esprits, il n'y aurait point de Spiritisme. Si la doctrine spirite était une simple théorie philosophique éclose dans un cerveau humain, elle n'aurait que la valeur d'une opinion personnelle ; sortie de l'universalité de l'enseignement des Esprits, elle a la valeur d'une œuvre collective, et c'est par cela même qu'en si peu de temps elle s'est propagée par toute la terre, chacun recevant par soi-même, ou par ses relations intimes, des instructions identiques et la preuve de la réalité des manifestations.
Eh bien ! c'est en présence de ce résultat patent, matériel, que l'on essaie d'ériger en système l'inutilité des communications des Esprits. Convenons que si elles n'avaient pas la popularité qu'elles ont acquise, on ne les attaquerait pas, et que c'est la prodigieuse vulgarisation de ces idées qui suscite tant d'adversaires au Spiritisme. Ceux qui rejettent aujourd'hui les communications ne ressemblent-ils pas à ces enfants ingrats qui renient et méprisent leurs parents ? N'est-ce pas de l'ingratitude envers les Esprits, à qui ils doivent ce qu'ils savent ? N'est-ce pas se servir de ce qu'ils en ont appris pour les combattre, retourner contre eux, contre ses propres parents, les armes qu'ils nous ont données ? Parmi les Esprits qui se manifestent, n'est-ce pas de l'Esprit d'un père, d'une mère, des êtres qui nous sont le plus chers, qu'on reçoit ces touchantes instructions qui vont directement au cœur ? N'est-ce pas à eux que l'on doit d'avoir été arraché à l'incrédulité, aux tortures du doute sur l'avenir ? Et c'est alors qu'on jouit du bienfait, qu'on méconnaît la main du bienfaiteur !
Que dire de ceux qui, prenant leur opinion pour celle de tout le monde, affirment sérieusement que, maintenant, nulle part on ne veut de communications ? Étrange illusion ! qu'un regard jeté autour d'eux suffirait pour faire évanouir. De leur côté, que doivent penser les Esprits qui assistent aux réunions où l'on discute si l'on doit condescendre à les écouter, si l'on doit ou non leur permettre exceptionnellement la parole pour complaire à ceux qui ont la faiblesse de tenir à leurs instructions ? Là se trouvent sans doute des Esprits devant lesquels on tomberait à genoux si, à ce moment, ils se présentaient à la vue. A-t-on songé au prix dont pouvait être payée une telle ingratitude ?
Les Esprits ayant la liberté de se communiquer, sans égard au degré de leur savoir, il en résulte une grande diversité dans la valeur des communications, comme dans les écrits, chez un peuple où tout le monde a la liberté d'écrire, et où certes toutes les productions littéraires ne sont pas des chefs-d'œuvre. Selon les qualités individuelles des Esprits, il y a donc des communications bonnes pour le fond et pour la forme, d'autres qui sont bonnes pour le fond et mauvaises pour la forme, d'autres enfin qui ne valent rien, ni pour le fond ni pour la forme ; c'est à nous de choisir. Il ne serait pas plus rationnel de les rejeter toutes parce qu'il y en a de mauvaises, qu'il le serait de proscrire toutes les publications parce qu'il y a des écrivains qui donnent des platitudes. Les meilleurs écrivains, les plus grands génies, n'ont-ils pas des parties faibles dans leurs œuvres ? Ne fait-on pas des recueils de ce qu'ils ont produit de mieux ? Faisons de même à l'égard des productions des Esprits ; profitons de ce qu'il y a de bon et rejetons ce qui est mauvais ; mais pour arracher l'ivraie, n'arrachons pas le bon grain.
Considérons donc le monde des Esprits comme la doublure du monde corporel, comme une fraction de l'humanité, et disons-nous que nous ne devons pas plus dédaigner de les entendre, maintenant qu'ils sont désincarnés, que nous ne l'eussions fait alors qu'ils étaient incarnés ; ils sont toujours au milieu de nous, comme jadis ; seulement, ils sont derrière le rideau, au lieu d'être devant : voilà toute la différence.
Mais, dira-t-on, quelle est la portée de l'enseignement des Esprits, même dans ce qu'il a de bon, s'il ne dépasse pas ce que les hommes peuvent savoir par eux-mêmes ? Est-il bien certain qu'ils ne nous apprennent rien de plus ? Dans leur état d'Esprit ne voient-ils pas ce que nous ne pouvons voir ? Sans eux, connaîtrions-nous leur état, leur manière d'être, leurs sensations ? Connaîtrions-nous, comme nous le connaissons aujourd'hui, ce monde où nous serons peut-être demain ? Si ce monde n'a plus pour nous les mêmes terreurs, si nous envisageons sans effroi le passage qui y conduit, n'est-ce pas à eux que nous le devons ? Ce monde est-il complètement exploré ? Chaque jour ne nous en révèle-t-il pas une nouvelle face ? et n'est-ce rien de savoir où l'on va, et ce que l'on peut être en sortant d'ici ? Jadis on y entrait à tâtons et en frémissant, comme dans un gouffre sans fond ; maintenant ce gouffre est resplendissant de lumière, et l'on y entre joyeux ; et l'on ose dire que le Spiritisme ne nous a rien appris ! (Revue spirite, août 1865, page 225 : « Ce qu'apprend le Spiritisme. »)
Sans doute, l'enseignement des Esprits a ses limites ; il ne faut lui demander que ce qu'il peut donner, ce qui est dans son essence, dans son but providentiel, et il donne beaucoup à celui qui sait chercher ; mais, tel qu'il est, en avons-nous fait toutes les applications ? Avant de lui demander plus, avons-nous sondé la profondeur des horizons qu'il nous découvre ? Quant à sa portée, elle s'affirme par un fait matériel, patent, gigantesque, inouï dans les fastes de l'histoire : c'est qu'à peine à son aurore, il révolutionne déjà le monde et met en émoi les puissances de la terre. Quel est l'homme qui aurait eu ce pouvoir ?
Le Spiritisme tend à la réforme de l'humanité par la charité ; il n'est donc pas étonnant que les Esprits prêchent sans cesse la charité ; ils la prêcheront aussi longtemps qu'elle n'aura pas déraciné du cœur des hommes l'égoïsme et l'orgueil. S'il en est qui trouvent les communications inutiles, parce qu'elles répètent sans cesse les leçons de morale, il faut les féliciter, s'ils sont assez parfaits pour n'en avoir plus besoin ; mais ils doivent songer que ceux qui n'ont pas autant de confiance dans leur propre mérite et qui ont à cœur de s'améliorer, ne se lassent pas de recevoir de bons conseils. Ne cherchez donc point à leur enlever cette consolation.
Cette doctrine a-t-elle des chances de prévaloir ? Les communications des Esprits ont, comme nous l'avons dit, fondé le Spiritisme. Les repousser après les avoir acclamées, c'est vouloir saper le Spiritisme par sa base, lui enlever sa pierre d'assise ; telle ne peut être la pensée de Spirites sérieux et dévoués, car ce serait absolument comme celui qui se dirait chrétien en déniant la valeur des enseignements du Christ, sous le prétexte que sa morale est identique à celle de Platon. C'est dans ces communications que les Spirites ont trouvé la joie, la consolation, l'espérance ; c'est par elles qu'ils ont compris la nécessité du bien, de la résignation, de la soumission à la volonté de Dieu ; c'est par elles qu'ils supportent avec courage les vicissitudes de la vie, par elles qu'il n'y a plus de séparation réelle entre eux et les objets de leurs plus tendres affections. N'est-ce pas se méprendre sur le cœur humain, de croire qu'il puisse renoncer à une croyance qui fait le bonheur !
Nous répétons ici ce que nous avons dit à propos de la prière : Si le Spiritisme doit gagner en influence, c'est en augmentant la somme des satisfactions morales qu'il procure. Que ceux qui le trouvent insuffisant tel qu'il est s'efforcent de donner plus que lui ; mais ce n'est pas en donnant moins, en lui ôtant ce qui en fait le charme, la force et la popularité qu'ils le supplanteront.
En voici maintenant une autre qui s'essaie sur un nouveau terrain ; elle a pour devise : Plus de communications des Esprits. Il est assez singulier que cette opinion soit aujourd'hui préconisée par quelques-uns de ceux qui ont jadis exalté l'importance et la sublimité des enseignements spirites, et qui se faisaient gloire de ce qu'ils recevaient eux-mêmes comme médiums. A-t-elle plus de chance de succès que la précédente ? C'est ce que nous allons examiner en quelques mots.
Cette doctrine, si l'on peut donner ce nom à une opinion restreinte à quelques individualités, se fonde sur les données suivantes :
« Les Esprits qui se communiquent ne sont que des Esprits ordinaires qui ne nous ont, jusqu'à ce jour, appris aucune vérité nouvelle, et qui prouvent leur incapacité en ne sortant pas des banalités de la morale. Le critérium que l'on prétend établir sur la concordance de leur enseignement est illusoire, par suite de leur insuffisance. C'est à l'homme qu'il appartient de sonder les grands mystères de la nature, et de soumettre ce qu'ils disent au contrôle de sa propre raison. Leurs communications ne pouvant rien nous apprendre, nous les proscrivons de nos réunions. Nous discuterons entre nous ; nous chercherons et nous déciderons, dans notre sagesse, les principes qui doivent être acceptés ou rejetés, sans recourir à l'assentiment des Esprits. »
Remarquons qu'il ne s'agit point de nier le fait des manifestations, mais d'établir la supériorité du jugement de l'homme, ou de quelques hommes, sur celui des Esprits ; en un mot, de dégager le Spiritisme de l'enseignement des Esprits : les instructions de ces derniers étant au-dessous de ce que peut l'intelligence des hommes.
Cette doctrine conduit à une singulière conséquence, qui ne donnerait pas une haute idée de la supériorité de la logique de l'homme sur celle des Esprits. Nous savons, grâce à ces derniers, que ceux de l'ordre le plus élevé ont appartenu à l'humanité corporelle qu'ils ont depuis longtemps dépassée, comme le général a dépassé la classe du soldat d'où il était sorti. Sans les Esprits, nous en serions encore à la croyance que les anges sont des créatures privilégiées, et les démons des créatures prédestinées au mal pour l'éternité. « Non, dira-t-on, car il y a eu des hommes qui ont combattu cette idée. » Soit ; mais qu'étaient ces hommes, sinon des Esprits incarnés ? Quelle influence leur opinion isolée a-t-elle eue sur la croyance des masses ? Demandez au premier venu s'il connaît seulement de nom la plupart de ces grands philosophes ? Tandis que les Esprits, venant sur toute la surface de la terre se manifester au plus humble comme au plus puissant, la vérité s'est propagée avec la rapidité de l'éclair.
Les Esprits peuvent se diviser en deux grandes catégories : ceux qui, parvenus au plus haut point de l'échelle, ont définitivement quitté les mondes matériels, et ceux qui, par la loi de la réincarnation, appartiennent encore au tourbillon de l'humanité terrienne. Admettons que ces derniers seuls aient le droit de se communiquer aux hommes, ce qui est une question : dans le nombre il y en a qui, de leur vivant, ont été des hommes éclairés, dont l'opinion fait autorité, et que l'on serait heureux de consulter s'ils vivaient encore. Or, de la doctrine ci-dessus il résulterait que ces mêmes hommes supérieurs sont devenus des nullités ou des médiocrités en passant dans le monde des Esprits, incapables de nous donner une instruction de quelque valeur, tandis qu'on s'inclinerait respectueusement devant eux s'ils se présentaient en chair et en os dans les assemblées mêmes où l'on refuse de les écouter comme Esprits. Il en résulte encore que Pascal, par exemple, n'est plus une lumière depuis qu'il est Esprit ; mais que, s'il se réincarnait dans Pierre ou Paul, nécessairement avec le même génie, puisqu'il n'aurait rien perdu, il serait un oracle. Cette conséquence est tellement rigoureuse, que les partisans de ce système admettent la réincarnation comme une des plus grandes vérités. Il faudra en induire enfin que ceux qui placent, de très bonne foi nous le supposons, leur propre intelligence si fort au-dessus de celle des Esprits, seront eux-mêmes des nullités ou des médiocrités dont l'opinion sera sans valeur ; de telle sorte qu'il faudrait croire à ce qu'ils disent, aujourd'hui qu'ils vivent, et qu'il n'y faudrait plus croire demain, quand ils seront morts, lors même qu'ils viendraient dire la même chose, et encore moins s'ils viennent dire qu'ils se sont trompés.
Je sais qu'on objecte la grande difficulté de la constatation de l'identité. Cette question a été assez amplement traitée pour qu'il soit superflu d'y revenir. Nous ne pouvons assurément savoir, par une preuve matérielle, si l'Esprit qui se présente sous le nom de Pascal est bien réellement celui du grand Pascal. Que nous importe, s'il dit de bonnes choses ! C'est à nous de peser la valeur de ses instructions, non à la forme du langage, qu'on sait porter souvent l'empreinte de l'infériorité de l'instrument, mais à la grandeur et à la sagesse des pensées. Un grand Esprit qui se communique par un médium peu lettré est comme un habile calligraphe qui se sert d'une mauvaise plume ; l'ensemble de l'écriture portera le cachet de son talent, mais les détails d'exécution, qui ne dépendent pas de lui, seront imparfaits.
Jamais le Spiritisme n'a dit qu'il fallait faire abnégation de son jugement, et se soumettre aveuglément au dire des Esprits ; ce sont les Esprits eux-mêmes qui nous disent de passer toutes leurs paroles au creuset de la logique, tandis que certains incarnés disent : « Ne croyez qu'à ce que nous disons, et ne croyez pas à ce que disent les Esprits. » Or, comme la raison individuelle est sujette à erreur, et que l'homme est assez généralement porté à prendre sa propre raison et ses idées pour l'unique expression de la vérité, celui qui n'a pas l'orgueilleuse prétention de se croire infaillible en réfère à l'appréciation de la majorité. Est-il tenu pour cela d'abdiquer son opinion ? Nullement ; il est parfaitement libre de croire qu'il a seul raison contre tous, mais il n'empêchera pas l'opinion du plus grand nombre de prévaloir, et d'avoir, en définitive, plus d'autorité que l'opinion d'un seul ou de quelques-uns.
Examinons maintenant la question sous un autre point de vue. Qui est-ce qui a fait le Spiritisme ? Est-ce une conception humaine personnelle ? Tout le monde sait le contraire. Le Spiritisme est le résultat de l'enseignement des Esprits ; de telle sorte que, sans les communications des Esprits, il n'y aurait point de Spiritisme. Si la doctrine spirite était une simple théorie philosophique éclose dans un cerveau humain, elle n'aurait que la valeur d'une opinion personnelle ; sortie de l'universalité de l'enseignement des Esprits, elle a la valeur d'une œuvre collective, et c'est par cela même qu'en si peu de temps elle s'est propagée par toute la terre, chacun recevant par soi-même, ou par ses relations intimes, des instructions identiques et la preuve de la réalité des manifestations.
Eh bien ! c'est en présence de ce résultat patent, matériel, que l'on essaie d'ériger en système l'inutilité des communications des Esprits. Convenons que si elles n'avaient pas la popularité qu'elles ont acquise, on ne les attaquerait pas, et que c'est la prodigieuse vulgarisation de ces idées qui suscite tant d'adversaires au Spiritisme. Ceux qui rejettent aujourd'hui les communications ne ressemblent-ils pas à ces enfants ingrats qui renient et méprisent leurs parents ? N'est-ce pas de l'ingratitude envers les Esprits, à qui ils doivent ce qu'ils savent ? N'est-ce pas se servir de ce qu'ils en ont appris pour les combattre, retourner contre eux, contre ses propres parents, les armes qu'ils nous ont données ? Parmi les Esprits qui se manifestent, n'est-ce pas de l'Esprit d'un père, d'une mère, des êtres qui nous sont le plus chers, qu'on reçoit ces touchantes instructions qui vont directement au cœur ? N'est-ce pas à eux que l'on doit d'avoir été arraché à l'incrédulité, aux tortures du doute sur l'avenir ? Et c'est alors qu'on jouit du bienfait, qu'on méconnaît la main du bienfaiteur !
Que dire de ceux qui, prenant leur opinion pour celle de tout le monde, affirment sérieusement que, maintenant, nulle part on ne veut de communications ? Étrange illusion ! qu'un regard jeté autour d'eux suffirait pour faire évanouir. De leur côté, que doivent penser les Esprits qui assistent aux réunions où l'on discute si l'on doit condescendre à les écouter, si l'on doit ou non leur permettre exceptionnellement la parole pour complaire à ceux qui ont la faiblesse de tenir à leurs instructions ? Là se trouvent sans doute des Esprits devant lesquels on tomberait à genoux si, à ce moment, ils se présentaient à la vue. A-t-on songé au prix dont pouvait être payée une telle ingratitude ?
Les Esprits ayant la liberté de se communiquer, sans égard au degré de leur savoir, il en résulte une grande diversité dans la valeur des communications, comme dans les écrits, chez un peuple où tout le monde a la liberté d'écrire, et où certes toutes les productions littéraires ne sont pas des chefs-d'œuvre. Selon les qualités individuelles des Esprits, il y a donc des communications bonnes pour le fond et pour la forme, d'autres qui sont bonnes pour le fond et mauvaises pour la forme, d'autres enfin qui ne valent rien, ni pour le fond ni pour la forme ; c'est à nous de choisir. Il ne serait pas plus rationnel de les rejeter toutes parce qu'il y en a de mauvaises, qu'il le serait de proscrire toutes les publications parce qu'il y a des écrivains qui donnent des platitudes. Les meilleurs écrivains, les plus grands génies, n'ont-ils pas des parties faibles dans leurs œuvres ? Ne fait-on pas des recueils de ce qu'ils ont produit de mieux ? Faisons de même à l'égard des productions des Esprits ; profitons de ce qu'il y a de bon et rejetons ce qui est mauvais ; mais pour arracher l'ivraie, n'arrachons pas le bon grain.
Considérons donc le monde des Esprits comme la doublure du monde corporel, comme une fraction de l'humanité, et disons-nous que nous ne devons pas plus dédaigner de les entendre, maintenant qu'ils sont désincarnés, que nous ne l'eussions fait alors qu'ils étaient incarnés ; ils sont toujours au milieu de nous, comme jadis ; seulement, ils sont derrière le rideau, au lieu d'être devant : voilà toute la différence.
Mais, dira-t-on, quelle est la portée de l'enseignement des Esprits, même dans ce qu'il a de bon, s'il ne dépasse pas ce que les hommes peuvent savoir par eux-mêmes ? Est-il bien certain qu'ils ne nous apprennent rien de plus ? Dans leur état d'Esprit ne voient-ils pas ce que nous ne pouvons voir ? Sans eux, connaîtrions-nous leur état, leur manière d'être, leurs sensations ? Connaîtrions-nous, comme nous le connaissons aujourd'hui, ce monde où nous serons peut-être demain ? Si ce monde n'a plus pour nous les mêmes terreurs, si nous envisageons sans effroi le passage qui y conduit, n'est-ce pas à eux que nous le devons ? Ce monde est-il complètement exploré ? Chaque jour ne nous en révèle-t-il pas une nouvelle face ? et n'est-ce rien de savoir où l'on va, et ce que l'on peut être en sortant d'ici ? Jadis on y entrait à tâtons et en frémissant, comme dans un gouffre sans fond ; maintenant ce gouffre est resplendissant de lumière, et l'on y entre joyeux ; et l'on ose dire que le Spiritisme ne nous a rien appris ! (Revue spirite, août 1865, page 225 : « Ce qu'apprend le Spiritisme. »)
Sans doute, l'enseignement des Esprits a ses limites ; il ne faut lui demander que ce qu'il peut donner, ce qui est dans son essence, dans son but providentiel, et il donne beaucoup à celui qui sait chercher ; mais, tel qu'il est, en avons-nous fait toutes les applications ? Avant de lui demander plus, avons-nous sondé la profondeur des horizons qu'il nous découvre ? Quant à sa portée, elle s'affirme par un fait matériel, patent, gigantesque, inouï dans les fastes de l'histoire : c'est qu'à peine à son aurore, il révolutionne déjà le monde et met en émoi les puissances de la terre. Quel est l'homme qui aurait eu ce pouvoir ?
Le Spiritisme tend à la réforme de l'humanité par la charité ; il n'est donc pas étonnant que les Esprits prêchent sans cesse la charité ; ils la prêcheront aussi longtemps qu'elle n'aura pas déraciné du cœur des hommes l'égoïsme et l'orgueil. S'il en est qui trouvent les communications inutiles, parce qu'elles répètent sans cesse les leçons de morale, il faut les féliciter, s'ils sont assez parfaits pour n'en avoir plus besoin ; mais ils doivent songer que ceux qui n'ont pas autant de confiance dans leur propre mérite et qui ont à cœur de s'améliorer, ne se lassent pas de recevoir de bons conseils. Ne cherchez donc point à leur enlever cette consolation.
Cette doctrine a-t-elle des chances de prévaloir ? Les communications des Esprits ont, comme nous l'avons dit, fondé le Spiritisme. Les repousser après les avoir acclamées, c'est vouloir saper le Spiritisme par sa base, lui enlever sa pierre d'assise ; telle ne peut être la pensée de Spirites sérieux et dévoués, car ce serait absolument comme celui qui se dirait chrétien en déniant la valeur des enseignements du Christ, sous le prétexte que sa morale est identique à celle de Platon. C'est dans ces communications que les Spirites ont trouvé la joie, la consolation, l'espérance ; c'est par elles qu'ils ont compris la nécessité du bien, de la résignation, de la soumission à la volonté de Dieu ; c'est par elles qu'ils supportent avec courage les vicissitudes de la vie, par elles qu'il n'y a plus de séparation réelle entre eux et les objets de leurs plus tendres affections. N'est-ce pas se méprendre sur le cœur humain, de croire qu'il puisse renoncer à une croyance qui fait le bonheur !
Nous répétons ici ce que nous avons dit à propos de la prière : Si le Spiritisme doit gagner en influence, c'est en augmentant la somme des satisfactions morales qu'il procure. Que ceux qui le trouvent insuffisant tel qu'il est s'efforcent de donner plus que lui ; mais ce n'est pas en donnant moins, en lui ôtant ce qui en fait le charme, la force et la popularité qu'ils le supplanteront.
Le Spiritisme indépendant
Une lettre, qui nous a été écrite il y a
quelque temps, nous parlait du projet de donner à une publication périodique le
titre de Journal du Spiritisme indépendant. Cette idée étant évidemment le
corollaire de celle du Spiritisme sans les Esprits, nous allons essayer de
poser la question sur son véritable terrain.
Qu'est-ce d'abord que le Spiritisme indépendant ? Indépendant de quoi ? Une autre lettre le dit nettement : c'est le Spiritisme affranchi, non seulement de la tutelle des Esprits, mais de toute direction ou suprématie personnelle, de toute subordination aux instructions d'un chef, dont l'opinion ne peut faire loi, attendu qu'il n'est pas infaillible.
Ceci est la chose du monde la plus facile : elle existe de fait, puisque le Spiritisme, proclamant la liberté absolue de conscience, n'admet aucune contrainte en matière de croyance, et que jamais il n'a contesté à personne le droit de croire à sa manière en matière de Spiritisme comme en toute autre chose. A ce point de vue, nous nous trouvons parfaitement indépendant nous-mêmes, et nous entendons profiter de cette indépendance. S'il y a subordination, elle est donc toute volontaire ; bien plus, ce n'est pas la subordination à un homme, mais à une idée que l'on adopte parce qu'elle convient, qui survit à l'homme si elle est juste, qui tombe avec lui ou avant lui si elle est fausse.
Pour s'affranchir des idées des autres, il faut nécessairement avoir des idées à soi ; ces idées, on cherche naturellement à les faire prévaloir, sans cela on les garderait pour soi ; on les proclame, on les soutient, on les défend, parce qu'on les croit l'expression de la vérité, car nous admettons la bonne foi, et non l'unique désir de renverser ce qui existe ; le but est d'y rallier le plus de partisans possible, et voilà que celui qui ne veut point de chef se pose lui-même en chef de secte, cherchant à subordonner les autres à ses propres idées. Celui qui dit, par exemple : « Il ne faut plus recevoir les instructions des Esprits, » n'émet-il pas un principe absolu ? N'exerce-t-il pas une pression sur ceux qui en veulent, en les détournant d'en recevoir ? S'il fonde une réunion sur cette base, il doit en exclure les partisans des communications, parce que, si ces derniers étaient en majorité, ils lui feraient la loi. S'il les admet, et qu'il refuse d'obtempérer à leur désir, il attente à la liberté qu'ils ont d'en réclamer. Qu'il inscrive sur son programme : « Ici on ne donne point la parole aux Esprits, » et alors ceux qui désirent les entendre se le tiendront pour dit et ne s'y présenteront pas.
Nous avons toujours dit qu'une condition essentielle de toute réunion Spirite, c'est l'homogénéité, sans quoi il y a dissension. Celui qui en fonderait une sur la base du rejet des communications serait dans son droit ; s'il n'y admet que ceux qui pensent comme lui, il fait bien, mais il n'est pas fondé à dire que, parce qu'il n'en veut pas, personne ne doit en vouloir. Il est, certes, libre d'agir comme il l'entend ; mais, s'il veut la liberté pour lui, il doit la vouloir pour les autres ; puisqu'il défend ses idées et critique celles des autres, s'il est conséquent avec lui-même, il ne doit pas trouver mauvais que les autres défendent les leurs et critiquent les siennes.
On oublie trop, en général, qu'au-dessus de l'autorité d'un homme il en est une à laquelle quiconque se pose en représentant d'une idée ne peut se soustraire : c'est celle de tout le monde ; l'opinion générale est la suprême juridiction qui sanctionne ou renverse l'édifice des systèmes ; nul ne peut s'affranchir de la subordination qu'elle impose. Cette loi n'est pas moins toute-puissante en Spiritisme. Quiconque froisse le sentiment de la majorité et l'abandonne doit s'attendre à en être abandonné ; là est la cause de l'insuccès de certaines théories et de certaines publications, abstraction faite du mérite intrinsèque de ces dernières, sur lequel on se fait souvent illusion.
Il ne faut pas perdre de vue que le Spiritisme n'est inféodé ni dans un individu, ni dans quelques individus, ni dans un cercle, ni même dans une ville, mais que ses représentants sont dans le monde entier, et que parmi eux il y a une opinion dominante et profondément accréditée ; se croire fort contre tous, parce qu'on a l'approbation de son entourage, c'est s'exposer à de grandes déceptions.
Il y a deux parties dans le Spiritisme : celle des faits matériels, et celle de leurs conséquences morales. La première est nécessaire comme preuve de l'existence des Esprits, aussi est-ce celle par laquelle les Esprits ont commencé ; la seconde, qui en découle, est la seule qui puise amener la transformation de l'humanité par l'amélioration individuelle. L'amélioration est donc le but essentiel du Spiritisme. C'est celui vers lequel doit tendre tout spirite sérieux. Ayant déduit ces conséquences d'après les instructions des Esprits, nous avons défini les devoirs qu'impose cette croyance ; le premier nous avons inscrit sur le drapeau du Spiritisme : Hors la charité, point de salut, maxime acclamée, à son apparition, comme le flambeau de l'avenir, et qui bientôt a fait le tour du monde en devenant le mot de ralliement de tous ceux qui voient dans le Spiritisme autre chose qu'un fait matériel. Partout elle a été accueillie comme le symbole de la fraternité universelle, comme un gage de sécurité dans les relations sociales, comme l'aurore d'une ère nouvelle, où doivent s'éteindre les haines et les dissensions. On en comprend si bien l'importance, que déjà on en recueille les fruits ; entre ceux qui s'en font une règle de conduite, règnent la sympathie et la confiance qui font le charme de la vie sociale ; dans tout Spirite de cœur, on voit un frère avec lequel on est heureux de se trouver, car on sait que celui qui pratique la charité ne peut ni faire ni vouloir du mal.
Est-ce donc de notre autorité privée que nous avons promulgué cette maxime ? Et quand nous l'eussions fait, qui pourrait le trouver mauvais ? Mais non ; elle découle de l'enseignement des Esprits, qui eux-mêmes l'ont puisée dans ceux du Christ, où elle est écrite en toutes lettres, comme pierre angulaire de l'édifice chrétien, mais où elle était restée ensevelie pendant dix-huit siècles. L'égoïsme des hommes n'avait garde de la faire sortir de l'oubli pour la mettre en lumière, parce que c'eût été proclamé leur propre condamnation ; ils ont préféré chercher leur salut dans des pratiques plus commodes et moins gênantes. Cependant tout le monde avait lu et relu l'Évangile, et, à bien peu d'exceptions près, personne n'y avait vu cette grande vérité reléguée au second plan. Or, voilà que par l'enseignement des Esprits elle est subitement connue et comprise de tout le monde. Combien d'autres vérités recèlent l'Évangile, et qui ressortiront en leur temps ! (Évangile selon le Spiritisme, ch. xv.)
En inscrivant au frontispice du Spiritisme la suprême loi du Christ, nous avons ouvert la voie du Spiritisme chrétien ; nous sommes donc fondé à en développer les principes, ainsi que les caractères du vrai spirite à ce point de vue.
Que d'autres puissent mieux faire que nous, nous n'allons pas à l'encontre, car nous n'avons jamais dit : « Hors de nous point de vérité. » Nos instructions sont donc pour ceux qui les trouvent bonnes ; elles sont acceptées librement et sans contrainte ; nous traçons une route, la suit qui veut ; nous donnons des conseils à ceux qui nous en demandent, et non à ceux qui croient pouvoir s'en passer ; nous ne donnons d'ordres à personne, parce que nous n'avons pas qualité pour cela.
Quant à la suprématie, elle est toute morale et dans l'adhésion de ceux qui partagent notre manière de voir ; nous ne sommes investi, même pour ceux-là, d'aucun pouvoir officiel, nous n'avons sollicité ni revendiqué aucun privilège ; nous ne nous sommes décerné aucun titre, et le seul que nous prenions avec les partisans de nos idées est celui de frère en croyance ; s'ils nous considèrent comme leur chef, c'est par suite de la position que nous donnent nos travaux, et non en vertu d'une décision quelconque. Notre position est celle que chacun pouvait prendre avant nous ; notre droit, celui qu'a tout le monde de travailler comme il l'entend et de courir la chance du jugement du public.
De quelle autorité gênante ceux qui veulent le Spiritisme indépendant entendent-ils donc s'affranchir, puisqu'il n'y a ni pouvoir constitué, ni hiérarchie fermant la porte à qui que ce soit, puisque nous n'avons sur eux aucune juridiction, et que, s'il leur plait de s'écarter de notre route, nul ne peut les contraindre d'y rentrer ? Nous sommes-nous jamais fait passer pour prophète ou messie ? Prendraient-ils donc au sérieux les titres de grand-prêtre, de souverain pontife, de pape même dont il a plu à la critique de nous gratifier ? Non seulement nous ne nous les sommes jamais octroyés, mais les Spirites ne nous les ont jamais donnés. – Est-ce de l'ascendant de nos écrits ? Le champ leur est ouvert comme à nous pour se concilier les sympathies du public. S'il y a pression, elle ne vient donc pas de nous, mais de l'opinion générale qui pose son veto sur ce qui ne lui convient pas, et qui elle-même subit l'ascendant de l'enseignement général des Esprits. C'est donc à ces derniers qu'il faut s'en prendre, en définitive, de l'état des choses, et c'est peut-être bien ce qui fait qu'on ne veut plus les écouter. – Est-ce des instructions que nous donnons ? Mais nul n'est forcé de s'y soumettre. – Ont-ils à se plaindre de notre blâme ? Nous ne nommons jamais personne, si ce n'est quand nous avons à louer, et nos instructions sont données sous une forme générale, comme développement de nos principes, à l'usage de tout le monde. Si d'ailleurs elles sont mauvaises, si nos théories sont fausses, en quoi cela peut-il les offusquer ? Le ridicule, si ridicule il y a, sera pour nous. Ont-ils donc tellement à cœur les intérêts du Spiritisme, qu'ils craignent de les voir péricliter entre nos mains ? ‑ Nous sommes trop absolu dans nos idées ? Nous sommes un entêté dont on ne peut rien faire ? Eh ! mon Dieu, chacun a ses petits défauts ; nous avons celui de ne pas penser tantôt blanc, tantôt noir ; nous avons une ligne tracée, et nous n'en dévions pour complaire à personne ; il est probable que nous serons comme cela jusqu'à la fin.
Est-ce notre fortune qu'on envie ? Où sont nos châteaux, nos équipages et nos laquais ? Certes, si nous avions la fortune qu'on nous suppose, ce ne serait toutefois pas en dormant qu'elle serait venue, et bien des gens amassent des millions par un labeur moins rude. ‑ Que faisons-nous donc de l'argent que nous gagnons ? Comme nous ne demandons de comptes à personne, nous n'avons à en rendre à personne ; ce qui est certain, c'est qu'il ne sert pas à nos plaisirs. Quant à l'employer à soudoyer les agents et des espions, nous renvoyons cette calomnie à son adresse. Nous avons à nous occuper de choses plus importantes que de savoir ce que font tels ou tels ; s'ils font bien, ils n'ont à craindre aucune investigation ; s'ils font mal, cela les regarde. S'il en est qui ambitionnent notre position, est-ce dans l'intérêt du Spiritisme ou dans le leur ? Qu'ils la prennent donc avec toutes ses charges, et probablement ils ne trouveront pas que ce soit une sinécure aussi agréable qu'ils le supposent. S'ils trouvent que nous conduisons mal la barque, qui les empêchait d'en prendre le gouvernail avant nous ? et qui les en empêche encore aujourd'hui ? ‑ Se plaint-on de nos intrigues pour nous faire des partisans ? Nous attendons qu'on vienne à nous et nous n'allons chercher personne ; nous ne courons même pas après ceux qui nous quittent, parce que nous savons qu'ils ne peuvent entraver la marche des choses ; leur personnalité s'efface devant l'ensemble. D'un autre côté, nous ne sommes pas assez vains pour croire que ce soit pour notre personne qu'on se rallie à nous ; c'est évidemment pour l'idée dont nous sommes le représentant ; c'est donc à cette idée que nous reportons les témoignages de sympathie qu'on veut bien nous donner.
En résumé, le Spiritisme indépendant serait à nos yeux un non-sens, puisque l'indépendance existe de fait et de droit, et qu'il n'y a de discipline imposée à personne. Le champ d'exploration est ouvert à tout le monde ; le juge suprême du tournoi, c'est le public ; la palme est pour celui qui sait la conquérir. Tant pis pour ceux qui tombent avant d'avoir atteint le but.
Parler de ces opinions divergentes qui, en définitive, se réduisent à quelques individualités, et ne font corps nulle part, n'est-ce pas, diront peut-être quelques personnes, y attacher trop d'importance, effrayer les adeptes en leur faisant croire à des scissions plus profondes qu'elles ne le sont ? n'est-ce pas aussi fournir des armes aux ennemis du Spiritisme ?
C'est précisément pour prévenir ces inconvénients que nous en parlons. Une explication nette et catégorique qui réduit la question à sa juste valeur, est bien plus propre à rassurer qu'à effrayer les adeptes ; ils savent à quoi s'en tenir et y trouvent à l'occasion des arguments pour la réplique. Quant aux adversaires, ils ont maintes fois exploité le fait, et c'est parce qu'ils en exagèrent la portée, qu'il est utile de montrer ce qu'il en est. Pour plus ample réponse, nous renvoyons à l'article de la Revue d'octobre 1865, page 297, et plus spécialement à la page 307.
Qu'est-ce d'abord que le Spiritisme indépendant ? Indépendant de quoi ? Une autre lettre le dit nettement : c'est le Spiritisme affranchi, non seulement de la tutelle des Esprits, mais de toute direction ou suprématie personnelle, de toute subordination aux instructions d'un chef, dont l'opinion ne peut faire loi, attendu qu'il n'est pas infaillible.
Ceci est la chose du monde la plus facile : elle existe de fait, puisque le Spiritisme, proclamant la liberté absolue de conscience, n'admet aucune contrainte en matière de croyance, et que jamais il n'a contesté à personne le droit de croire à sa manière en matière de Spiritisme comme en toute autre chose. A ce point de vue, nous nous trouvons parfaitement indépendant nous-mêmes, et nous entendons profiter de cette indépendance. S'il y a subordination, elle est donc toute volontaire ; bien plus, ce n'est pas la subordination à un homme, mais à une idée que l'on adopte parce qu'elle convient, qui survit à l'homme si elle est juste, qui tombe avec lui ou avant lui si elle est fausse.
Pour s'affranchir des idées des autres, il faut nécessairement avoir des idées à soi ; ces idées, on cherche naturellement à les faire prévaloir, sans cela on les garderait pour soi ; on les proclame, on les soutient, on les défend, parce qu'on les croit l'expression de la vérité, car nous admettons la bonne foi, et non l'unique désir de renverser ce qui existe ; le but est d'y rallier le plus de partisans possible, et voilà que celui qui ne veut point de chef se pose lui-même en chef de secte, cherchant à subordonner les autres à ses propres idées. Celui qui dit, par exemple : « Il ne faut plus recevoir les instructions des Esprits, » n'émet-il pas un principe absolu ? N'exerce-t-il pas une pression sur ceux qui en veulent, en les détournant d'en recevoir ? S'il fonde une réunion sur cette base, il doit en exclure les partisans des communications, parce que, si ces derniers étaient en majorité, ils lui feraient la loi. S'il les admet, et qu'il refuse d'obtempérer à leur désir, il attente à la liberté qu'ils ont d'en réclamer. Qu'il inscrive sur son programme : « Ici on ne donne point la parole aux Esprits, » et alors ceux qui désirent les entendre se le tiendront pour dit et ne s'y présenteront pas.
Nous avons toujours dit qu'une condition essentielle de toute réunion Spirite, c'est l'homogénéité, sans quoi il y a dissension. Celui qui en fonderait une sur la base du rejet des communications serait dans son droit ; s'il n'y admet que ceux qui pensent comme lui, il fait bien, mais il n'est pas fondé à dire que, parce qu'il n'en veut pas, personne ne doit en vouloir. Il est, certes, libre d'agir comme il l'entend ; mais, s'il veut la liberté pour lui, il doit la vouloir pour les autres ; puisqu'il défend ses idées et critique celles des autres, s'il est conséquent avec lui-même, il ne doit pas trouver mauvais que les autres défendent les leurs et critiquent les siennes.
On oublie trop, en général, qu'au-dessus de l'autorité d'un homme il en est une à laquelle quiconque se pose en représentant d'une idée ne peut se soustraire : c'est celle de tout le monde ; l'opinion générale est la suprême juridiction qui sanctionne ou renverse l'édifice des systèmes ; nul ne peut s'affranchir de la subordination qu'elle impose. Cette loi n'est pas moins toute-puissante en Spiritisme. Quiconque froisse le sentiment de la majorité et l'abandonne doit s'attendre à en être abandonné ; là est la cause de l'insuccès de certaines théories et de certaines publications, abstraction faite du mérite intrinsèque de ces dernières, sur lequel on se fait souvent illusion.
Il ne faut pas perdre de vue que le Spiritisme n'est inféodé ni dans un individu, ni dans quelques individus, ni dans un cercle, ni même dans une ville, mais que ses représentants sont dans le monde entier, et que parmi eux il y a une opinion dominante et profondément accréditée ; se croire fort contre tous, parce qu'on a l'approbation de son entourage, c'est s'exposer à de grandes déceptions.
Il y a deux parties dans le Spiritisme : celle des faits matériels, et celle de leurs conséquences morales. La première est nécessaire comme preuve de l'existence des Esprits, aussi est-ce celle par laquelle les Esprits ont commencé ; la seconde, qui en découle, est la seule qui puise amener la transformation de l'humanité par l'amélioration individuelle. L'amélioration est donc le but essentiel du Spiritisme. C'est celui vers lequel doit tendre tout spirite sérieux. Ayant déduit ces conséquences d'après les instructions des Esprits, nous avons défini les devoirs qu'impose cette croyance ; le premier nous avons inscrit sur le drapeau du Spiritisme : Hors la charité, point de salut, maxime acclamée, à son apparition, comme le flambeau de l'avenir, et qui bientôt a fait le tour du monde en devenant le mot de ralliement de tous ceux qui voient dans le Spiritisme autre chose qu'un fait matériel. Partout elle a été accueillie comme le symbole de la fraternité universelle, comme un gage de sécurité dans les relations sociales, comme l'aurore d'une ère nouvelle, où doivent s'éteindre les haines et les dissensions. On en comprend si bien l'importance, que déjà on en recueille les fruits ; entre ceux qui s'en font une règle de conduite, règnent la sympathie et la confiance qui font le charme de la vie sociale ; dans tout Spirite de cœur, on voit un frère avec lequel on est heureux de se trouver, car on sait que celui qui pratique la charité ne peut ni faire ni vouloir du mal.
Est-ce donc de notre autorité privée que nous avons promulgué cette maxime ? Et quand nous l'eussions fait, qui pourrait le trouver mauvais ? Mais non ; elle découle de l'enseignement des Esprits, qui eux-mêmes l'ont puisée dans ceux du Christ, où elle est écrite en toutes lettres, comme pierre angulaire de l'édifice chrétien, mais où elle était restée ensevelie pendant dix-huit siècles. L'égoïsme des hommes n'avait garde de la faire sortir de l'oubli pour la mettre en lumière, parce que c'eût été proclamé leur propre condamnation ; ils ont préféré chercher leur salut dans des pratiques plus commodes et moins gênantes. Cependant tout le monde avait lu et relu l'Évangile, et, à bien peu d'exceptions près, personne n'y avait vu cette grande vérité reléguée au second plan. Or, voilà que par l'enseignement des Esprits elle est subitement connue et comprise de tout le monde. Combien d'autres vérités recèlent l'Évangile, et qui ressortiront en leur temps ! (Évangile selon le Spiritisme, ch. xv.)
En inscrivant au frontispice du Spiritisme la suprême loi du Christ, nous avons ouvert la voie du Spiritisme chrétien ; nous sommes donc fondé à en développer les principes, ainsi que les caractères du vrai spirite à ce point de vue.
Que d'autres puissent mieux faire que nous, nous n'allons pas à l'encontre, car nous n'avons jamais dit : « Hors de nous point de vérité. » Nos instructions sont donc pour ceux qui les trouvent bonnes ; elles sont acceptées librement et sans contrainte ; nous traçons une route, la suit qui veut ; nous donnons des conseils à ceux qui nous en demandent, et non à ceux qui croient pouvoir s'en passer ; nous ne donnons d'ordres à personne, parce que nous n'avons pas qualité pour cela.
Quant à la suprématie, elle est toute morale et dans l'adhésion de ceux qui partagent notre manière de voir ; nous ne sommes investi, même pour ceux-là, d'aucun pouvoir officiel, nous n'avons sollicité ni revendiqué aucun privilège ; nous ne nous sommes décerné aucun titre, et le seul que nous prenions avec les partisans de nos idées est celui de frère en croyance ; s'ils nous considèrent comme leur chef, c'est par suite de la position que nous donnent nos travaux, et non en vertu d'une décision quelconque. Notre position est celle que chacun pouvait prendre avant nous ; notre droit, celui qu'a tout le monde de travailler comme il l'entend et de courir la chance du jugement du public.
De quelle autorité gênante ceux qui veulent le Spiritisme indépendant entendent-ils donc s'affranchir, puisqu'il n'y a ni pouvoir constitué, ni hiérarchie fermant la porte à qui que ce soit, puisque nous n'avons sur eux aucune juridiction, et que, s'il leur plait de s'écarter de notre route, nul ne peut les contraindre d'y rentrer ? Nous sommes-nous jamais fait passer pour prophète ou messie ? Prendraient-ils donc au sérieux les titres de grand-prêtre, de souverain pontife, de pape même dont il a plu à la critique de nous gratifier ? Non seulement nous ne nous les sommes jamais octroyés, mais les Spirites ne nous les ont jamais donnés. – Est-ce de l'ascendant de nos écrits ? Le champ leur est ouvert comme à nous pour se concilier les sympathies du public. S'il y a pression, elle ne vient donc pas de nous, mais de l'opinion générale qui pose son veto sur ce qui ne lui convient pas, et qui elle-même subit l'ascendant de l'enseignement général des Esprits. C'est donc à ces derniers qu'il faut s'en prendre, en définitive, de l'état des choses, et c'est peut-être bien ce qui fait qu'on ne veut plus les écouter. – Est-ce des instructions que nous donnons ? Mais nul n'est forcé de s'y soumettre. – Ont-ils à se plaindre de notre blâme ? Nous ne nommons jamais personne, si ce n'est quand nous avons à louer, et nos instructions sont données sous une forme générale, comme développement de nos principes, à l'usage de tout le monde. Si d'ailleurs elles sont mauvaises, si nos théories sont fausses, en quoi cela peut-il les offusquer ? Le ridicule, si ridicule il y a, sera pour nous. Ont-ils donc tellement à cœur les intérêts du Spiritisme, qu'ils craignent de les voir péricliter entre nos mains ? ‑ Nous sommes trop absolu dans nos idées ? Nous sommes un entêté dont on ne peut rien faire ? Eh ! mon Dieu, chacun a ses petits défauts ; nous avons celui de ne pas penser tantôt blanc, tantôt noir ; nous avons une ligne tracée, et nous n'en dévions pour complaire à personne ; il est probable que nous serons comme cela jusqu'à la fin.
Est-ce notre fortune qu'on envie ? Où sont nos châteaux, nos équipages et nos laquais ? Certes, si nous avions la fortune qu'on nous suppose, ce ne serait toutefois pas en dormant qu'elle serait venue, et bien des gens amassent des millions par un labeur moins rude. ‑ Que faisons-nous donc de l'argent que nous gagnons ? Comme nous ne demandons de comptes à personne, nous n'avons à en rendre à personne ; ce qui est certain, c'est qu'il ne sert pas à nos plaisirs. Quant à l'employer à soudoyer les agents et des espions, nous renvoyons cette calomnie à son adresse. Nous avons à nous occuper de choses plus importantes que de savoir ce que font tels ou tels ; s'ils font bien, ils n'ont à craindre aucune investigation ; s'ils font mal, cela les regarde. S'il en est qui ambitionnent notre position, est-ce dans l'intérêt du Spiritisme ou dans le leur ? Qu'ils la prennent donc avec toutes ses charges, et probablement ils ne trouveront pas que ce soit une sinécure aussi agréable qu'ils le supposent. S'ils trouvent que nous conduisons mal la barque, qui les empêchait d'en prendre le gouvernail avant nous ? et qui les en empêche encore aujourd'hui ? ‑ Se plaint-on de nos intrigues pour nous faire des partisans ? Nous attendons qu'on vienne à nous et nous n'allons chercher personne ; nous ne courons même pas après ceux qui nous quittent, parce que nous savons qu'ils ne peuvent entraver la marche des choses ; leur personnalité s'efface devant l'ensemble. D'un autre côté, nous ne sommes pas assez vains pour croire que ce soit pour notre personne qu'on se rallie à nous ; c'est évidemment pour l'idée dont nous sommes le représentant ; c'est donc à cette idée que nous reportons les témoignages de sympathie qu'on veut bien nous donner.
En résumé, le Spiritisme indépendant serait à nos yeux un non-sens, puisque l'indépendance existe de fait et de droit, et qu'il n'y a de discipline imposée à personne. Le champ d'exploration est ouvert à tout le monde ; le juge suprême du tournoi, c'est le public ; la palme est pour celui qui sait la conquérir. Tant pis pour ceux qui tombent avant d'avoir atteint le but.
Parler de ces opinions divergentes qui, en définitive, se réduisent à quelques individualités, et ne font corps nulle part, n'est-ce pas, diront peut-être quelques personnes, y attacher trop d'importance, effrayer les adeptes en leur faisant croire à des scissions plus profondes qu'elles ne le sont ? n'est-ce pas aussi fournir des armes aux ennemis du Spiritisme ?
C'est précisément pour prévenir ces inconvénients que nous en parlons. Une explication nette et catégorique qui réduit la question à sa juste valeur, est bien plus propre à rassurer qu'à effrayer les adeptes ; ils savent à quoi s'en tenir et y trouvent à l'occasion des arguments pour la réplique. Quant aux adversaires, ils ont maintes fois exploité le fait, et c'est parce qu'ils en exagèrent la portée, qu'il est utile de montrer ce qu'il en est. Pour plus ample réponse, nous renvoyons à l'article de la Revue d'octobre 1865, page 297, et plus spécialement à la page 307.
La Saint-Charlemagne au collège de Chartres
Au collège de Chartres on a eu cette année
l'idée de joindre à la solennité du banquet de la Saint-Charlemagne une
conférence littéraire. Deux élèves de philosophie ont soutenu une controverse
dont le sujet était le Spiritisme. Voici le compte rendu qu'en donne le Journal
de Chartres du 11 mars 1866 :
« Pour clore la séance, deux élèves de philosophie, MM. Ernest Clément et Gustave Jumentié, ont mis sur le tapis, dans un dialogue vif et animé, une question qui a le privilège de passionner aujourd'hui bien des têtes : nous voulons dire le Spiritisme.
J. reproche à son compagnon, de tout temps si enjoué, un air sombre et farouche qui le fait ressembler à un auteur de mélodrames, et il lui demande d'où peut provenir un si grand changement.
C. répond qu'il est tombé la tête la première dans une doctrine sublime, le Spiritisme, qui est venue confirmer d'une manière irréfutable l'immortalité de l'âme et les autres conceptions de la philosophie spiritualiste. Ce n'est point une chimère, comme le prétend son interlocuteur ; c'est un système appuyé sur des faits authentiques, tels que les tables tournantes, les médiums, etc.
Certes, reprend J., je ne serai pas assez insensé, mon pauvre ami, pour discuter avec toi sur de folles rêveries, dont tout le monde est aujourd'hui complètement désabusé ; et quand on ne fait plus que rire au nez des Spirites, je n'irai pas, par une vaine dispute, donner à vos idées plus de poids qu'elles n'en méritent et leur faire l'honneur d'une réfutation sérieuse. Les admirables expériences des Davenport ont démontré quelle était votre puissance et la foi qu'il fallait avoir en vos miracles. Mais, heureusement, ils ont reçu la juste punition de leur fourberie ; après quelques jours d'un triomphe usurpé, ils ont été forcés de retourner dans leur patrie, et nous ont une fois de plus prouvé qu'il n'y a qu'un pas du Capitole à la roche Tarpéienne.
Je vois bien, dit à son tour C., que tu n'es pas partisan du progrès. Tu devrais, au contraire, t'apitoyer sur le sort de ces infortunés. Toutes les sciences, à leur début, ont eu leurs détracteurs. N'a-t-on pas vu Fulton repoussé par l'ignorance et traité comme un fou ? N'a-t-on pas vu aussi Lebon méconnu dans sa patrie, mourir misérablement sans avoir joui de ses travaux ? Et pourtant aujourd'hui la surface des mers est sillonnée de bateaux à vapeur, et le gaz répand partout sa vive lumière.
J. Oui, mais ces inventions reposaient sur des bases solides ; la science était le guide de ces génies et devait forcer la postérité plus éclairée à réparer les erreurs de leurs contemporains. Mais quelles sont les inventions des Spirites ? Quel est le secret de leur science ? Tout le monde a pu l'admirer ; tout le monde a pu applaudir à l'ingénieux mécanisme de leur baguette…
C. Encore des railleries ? Je te l'ai dit, pourtant ; il y a parmi les adeptes du Spiritisme des gens fort honorables, des gens dont la conviction est profonde.
J. Ce n'est que trop vrai ; mais qu'est-ce que cela prouve ? Que le bon sens n'est pas une chose aussi commune qu'on le pense, et que, comme l'a dit le poète de la Raison :
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
C. Boileau n'aurait pas parlé de la sorte s'il avait vu les tables tournantes. Qu'as-tu à dire contre cela ?
J. Que je n'ai jamais pu mouvoir le moindre guéridon.
C. C'est parce que tu es un profane ; pour moi, jamais table ne m'a résisté. J'en ai fait tourner qui pesaient 200 kilogrammes, avec les plats, les assiettes, les bouteilles…
J. Tu me ferais trembler pour la table de Saint-Charlemagne, si l'appétit des convives ne l'avait si prudemment dégarnie…
C. Je ne te parle pas des chapeaux ; mais je leur imprimais une rotation puissante au plus léger contact.
J. Je ne m'étonne pas si ta pauvre tête a tourné avec eux.
C. Mais enfin des plaisanteries ne sont pas des raisons : c'est l'argument de l'impuissance. Tu ne prouves rien, tu ne réfutes rien.
J. C'est que ta doctrine n'est qu'un rien, une chimère, un gaz incolore, impalpable, ‑ j'aime mieux le gaz à éclairage, ‑ une exhalaison, une vapeur, une fumée. ‑ Ma foi, mon choix est fait, j'aime mieux celle du Champagne. ‑ O Michel Cervantès ! Pourquoi faut-il que tu sois né deux siècles trop tôt ! C'est à ton immortel Don Quichotte qu'il appartenait de réduire en poudre le Spiritisme. Il a brandi sa lance valeureuse contre les moulins à vent. Et pourtant ils tournaient bien ceux-là ! Comme il aurait pourfendu les armoires parlantes et sonnantes ! Et toi, son fidèle écuyer, illustre Sancho Pança, c'est ta philosophie profonde, c'est ta morale sublime qui serait seule capable de dénouer ces graves théories.
C. Vous avez beau dire, messieurs les philosophes, vous niez le Spiritisme parce que vous ne savez qu'en faire, parce qu'il vous embarrasse.
J. Oh ! il ne me cause aucun embarras, et je sais bien ce que j'en ferais si j'avais voix au chapitre. Spirites, magnétistes, somnanbules, armoires, tables parlantes, chapeaux tournants, avec les têtes qu'ils ombragent, je les enverrais tous faire un tour… à Bonneval. »
Quelques personnes s'étonneront, se scandaliseront peut-être de voir les élèves du collège de Chartres aborder, sans autres armes que la plaisanterie, une question qui s'intitule la plus sérieuse des temps modernes. Franchement, après l'aventure toute récente des frères Davenport, peut-on reprocher à des jeunes gens de s'être égayés de cette mystification ? Cet âge est sans pitié.
Sans doute on pourrait, en retournant une de leurs phrases d'emprunt, apprendre à ces malins enfants que les grandes découvertes passent souvent par la roche Tarpéienne avant d'arriver au Capitole, et que, pour le Spiritisme, le jour de la réhabilitation n'est peut-être pas éloigné. Déjà les journaux nous annoncent qu'un musicien de Bruxelles, qui est en même temps Spirite, prétend être en rapport avec les Esprits de tous les compositeurs morts ; qu'il va nous transmettre leurs inspirations, et que sous peu nous aurons des œuvres vraiment posthumes des Beethoven, des Mozart, des Weber, des Mendelssohn !… Eh bien ! soit ; les écoliers sont de bonne composition : ils ont voulu rire, ils ont ri ; Quand il sera temps de faire des excuses, ils en feront. »
Nous ignorons dans quel but on a permis de traiter cette question dans une solennité de collège ; nous doutons cependant que ce soit par sympathie pour le Spiritisme et en vue de le propager parmi les élèves. Quelqu'un disait à ce sujet que cela ressemblait à certaines conférences en usage à Rome, dans lesquelles il y a l'avocat de Dieu et l'avocat du diable. Quoi qu'il en soit, il faut convenir que les deux champions n'étaient très forts ni l'un ni l'autre ; ils auraient sans doute été plus éloquents s'ils avaient mieux connu leur sujet, qu'ils n'ont guère étudié, comme on le voit, que dans les articles de journaux à propos des frères Davenport. Le fait n'en a pas moins son importance, et si le but a été de détourner les jeunes gens de l'étude du Spiritisme, nous doutons fort qu'il ait été atteint, car la jeunesse est curieuse. Jusqu'à présent le nom du Spiritisme n'avait franchi que clandestinement la porte des collèges, et ne s'y prononçait qu'en cachette ; le voici maintenant officiellement installé sur les bancs où il fera son chemin. Puisque la discussion est permise, il faudra bien étudier ; c'est tout ce que nous demandons. Les réflexions du journal à ce propos sont extrêmement judicieuses.
« Pour clore la séance, deux élèves de philosophie, MM. Ernest Clément et Gustave Jumentié, ont mis sur le tapis, dans un dialogue vif et animé, une question qui a le privilège de passionner aujourd'hui bien des têtes : nous voulons dire le Spiritisme.
J. reproche à son compagnon, de tout temps si enjoué, un air sombre et farouche qui le fait ressembler à un auteur de mélodrames, et il lui demande d'où peut provenir un si grand changement.
C. répond qu'il est tombé la tête la première dans une doctrine sublime, le Spiritisme, qui est venue confirmer d'une manière irréfutable l'immortalité de l'âme et les autres conceptions de la philosophie spiritualiste. Ce n'est point une chimère, comme le prétend son interlocuteur ; c'est un système appuyé sur des faits authentiques, tels que les tables tournantes, les médiums, etc.
Certes, reprend J., je ne serai pas assez insensé, mon pauvre ami, pour discuter avec toi sur de folles rêveries, dont tout le monde est aujourd'hui complètement désabusé ; et quand on ne fait plus que rire au nez des Spirites, je n'irai pas, par une vaine dispute, donner à vos idées plus de poids qu'elles n'en méritent et leur faire l'honneur d'une réfutation sérieuse. Les admirables expériences des Davenport ont démontré quelle était votre puissance et la foi qu'il fallait avoir en vos miracles. Mais, heureusement, ils ont reçu la juste punition de leur fourberie ; après quelques jours d'un triomphe usurpé, ils ont été forcés de retourner dans leur patrie, et nous ont une fois de plus prouvé qu'il n'y a qu'un pas du Capitole à la roche Tarpéienne.
Je vois bien, dit à son tour C., que tu n'es pas partisan du progrès. Tu devrais, au contraire, t'apitoyer sur le sort de ces infortunés. Toutes les sciences, à leur début, ont eu leurs détracteurs. N'a-t-on pas vu Fulton repoussé par l'ignorance et traité comme un fou ? N'a-t-on pas vu aussi Lebon méconnu dans sa patrie, mourir misérablement sans avoir joui de ses travaux ? Et pourtant aujourd'hui la surface des mers est sillonnée de bateaux à vapeur, et le gaz répand partout sa vive lumière.
J. Oui, mais ces inventions reposaient sur des bases solides ; la science était le guide de ces génies et devait forcer la postérité plus éclairée à réparer les erreurs de leurs contemporains. Mais quelles sont les inventions des Spirites ? Quel est le secret de leur science ? Tout le monde a pu l'admirer ; tout le monde a pu applaudir à l'ingénieux mécanisme de leur baguette…
C. Encore des railleries ? Je te l'ai dit, pourtant ; il y a parmi les adeptes du Spiritisme des gens fort honorables, des gens dont la conviction est profonde.
J. Ce n'est que trop vrai ; mais qu'est-ce que cela prouve ? Que le bon sens n'est pas une chose aussi commune qu'on le pense, et que, comme l'a dit le poète de la Raison :
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
C. Boileau n'aurait pas parlé de la sorte s'il avait vu les tables tournantes. Qu'as-tu à dire contre cela ?
J. Que je n'ai jamais pu mouvoir le moindre guéridon.
C. C'est parce que tu es un profane ; pour moi, jamais table ne m'a résisté. J'en ai fait tourner qui pesaient 200 kilogrammes, avec les plats, les assiettes, les bouteilles…
J. Tu me ferais trembler pour la table de Saint-Charlemagne, si l'appétit des convives ne l'avait si prudemment dégarnie…
C. Je ne te parle pas des chapeaux ; mais je leur imprimais une rotation puissante au plus léger contact.
J. Je ne m'étonne pas si ta pauvre tête a tourné avec eux.
C. Mais enfin des plaisanteries ne sont pas des raisons : c'est l'argument de l'impuissance. Tu ne prouves rien, tu ne réfutes rien.
J. C'est que ta doctrine n'est qu'un rien, une chimère, un gaz incolore, impalpable, ‑ j'aime mieux le gaz à éclairage, ‑ une exhalaison, une vapeur, une fumée. ‑ Ma foi, mon choix est fait, j'aime mieux celle du Champagne. ‑ O Michel Cervantès ! Pourquoi faut-il que tu sois né deux siècles trop tôt ! C'est à ton immortel Don Quichotte qu'il appartenait de réduire en poudre le Spiritisme. Il a brandi sa lance valeureuse contre les moulins à vent. Et pourtant ils tournaient bien ceux-là ! Comme il aurait pourfendu les armoires parlantes et sonnantes ! Et toi, son fidèle écuyer, illustre Sancho Pança, c'est ta philosophie profonde, c'est ta morale sublime qui serait seule capable de dénouer ces graves théories.
C. Vous avez beau dire, messieurs les philosophes, vous niez le Spiritisme parce que vous ne savez qu'en faire, parce qu'il vous embarrasse.
J. Oh ! il ne me cause aucun embarras, et je sais bien ce que j'en ferais si j'avais voix au chapitre. Spirites, magnétistes, somnanbules, armoires, tables parlantes, chapeaux tournants, avec les têtes qu'ils ombragent, je les enverrais tous faire un tour… à Bonneval. »
Quelques personnes s'étonneront, se scandaliseront peut-être de voir les élèves du collège de Chartres aborder, sans autres armes que la plaisanterie, une question qui s'intitule la plus sérieuse des temps modernes. Franchement, après l'aventure toute récente des frères Davenport, peut-on reprocher à des jeunes gens de s'être égayés de cette mystification ? Cet âge est sans pitié.
Sans doute on pourrait, en retournant une de leurs phrases d'emprunt, apprendre à ces malins enfants que les grandes découvertes passent souvent par la roche Tarpéienne avant d'arriver au Capitole, et que, pour le Spiritisme, le jour de la réhabilitation n'est peut-être pas éloigné. Déjà les journaux nous annoncent qu'un musicien de Bruxelles, qui est en même temps Spirite, prétend être en rapport avec les Esprits de tous les compositeurs morts ; qu'il va nous transmettre leurs inspirations, et que sous peu nous aurons des œuvres vraiment posthumes des Beethoven, des Mozart, des Weber, des Mendelssohn !… Eh bien ! soit ; les écoliers sont de bonne composition : ils ont voulu rire, ils ont ri ; Quand il sera temps de faire des excuses, ils en feront. »
Nous ignorons dans quel but on a permis de traiter cette question dans une solennité de collège ; nous doutons cependant que ce soit par sympathie pour le Spiritisme et en vue de le propager parmi les élèves. Quelqu'un disait à ce sujet que cela ressemblait à certaines conférences en usage à Rome, dans lesquelles il y a l'avocat de Dieu et l'avocat du diable. Quoi qu'il en soit, il faut convenir que les deux champions n'étaient très forts ni l'un ni l'autre ; ils auraient sans doute été plus éloquents s'ils avaient mieux connu leur sujet, qu'ils n'ont guère étudié, comme on le voit, que dans les articles de journaux à propos des frères Davenport. Le fait n'en a pas moins son importance, et si le but a été de détourner les jeunes gens de l'étude du Spiritisme, nous doutons fort qu'il ait été atteint, car la jeunesse est curieuse. Jusqu'à présent le nom du Spiritisme n'avait franchi que clandestinement la porte des collèges, et ne s'y prononçait qu'en cachette ; le voici maintenant officiellement installé sur les bancs où il fera son chemin. Puisque la discussion est permise, il faudra bien étudier ; c'est tout ce que nous demandons. Les réflexions du journal à ce propos sont extrêmement judicieuses.
Une vision de Paul Ier
Le czar Paul Ier, qui n'était alors que le grand-duc Paul, se trouvant à Bruxelles, dans une réunion de quelques amis, où l'on parlait de phénomènes regardés comme surnaturels, raconta le fait suivant[1] :
« J'étais, un soir, ou plutôt une nuit, dans les rues de Saint-Pétersbourg, avec Kourakin et deux valets. Nous étions restés longtemps à causer et à fumer, et l'idée nous vint de sortir du palais, incognito, pour voir la ville au clair de lune. Il ne faisait point froid, les jours se rallongeaient ; c'était un de ces moments les plus doux de notre printemps, si pâle en comparaison de ceux du Midi. Nous étions gais ; nous ne pensions à rien de religieux ni de sérieux même, et Kourakin me débitait mille plaisanteries sur les passants très rares que nous rencontrions. Je marchais devant ; un de nos gens me précédait néanmoins ; Kourakin restait de quelques pas en arrière, et l'autre domestique nous suivait un peu plus loin. La lune était claire, on aurait pu lire une lettre ; aussi les ombres, par opposition, étaient longues et épaisses.
Au détour d'une rue, dans l'enfoncement d'une porte, j'aperçus un homme grand et maigre, enveloppé d'un manteau, comme un Espagnol, avec un chapeau militaire très rabattu sur ses yeux. Il paraissait attendre, et dès que nous passâmes devant lui, il sortit de sa retraite et se mit à ma gauche, sans dire un mot, sans faire un geste. Il était impossible de distinguer ses traits ; seulement, ses pas, en heurtant les dalles rendaient un son étrange, semblable à celui d'une pierre qui en frappe une autre. Je fus d'abord étonné de cette rencontre ; puis, il me parut que tout le côté qu'il touchait presque se refroidissait peu à peu. Je sentis un frisson glacial pénétrer mes membres, et, me retournant vers Kourakin, je lui dis :
« Voilà un singulier compagnon que nous avons là ! ‑ Quel compagnon ? me demanda-t-il. ‑ Mais, celui qui marche à ma gauche et qui fait assez de bruit, ce me semble. »
Kourakin ouvrait des yeux étonnés, et m'assura qu'à ma gauche il ne voyait personne. ‑ Comment ! tu ne vois pas à ma gauche un homme en manteau qui est là entre le mur et moi ? ‑ Votre Altesse touche le mur elle-même, et il n'y a de place pour personne entre le mur et vous. »
J'allongeai un peu le bras ; en effet, je sentis de la pierre. Cependant l'homme était là, toujours marchant de ce même pas de marteau qui se réglait sur le mien. Je l'examinai attentivement alors, et je vis briller sous ce chapeau, d'une forme singulière, je l'ai dit, l'œil le plus étincelant que j'aie rencontré jamais. Cet œil me regardait, me fascinait ; je ne pouvais pas en fuir le rayon. Ah ! dis-je à Kourakin, je ne sais ce que j'éprouve, mais c'est étrange !
Je tremblais, non de peur, mais de froid. Je me sentais peu à peu gagner jusqu'au cœur par une impression que rien ne peut rendre. Mon sang se figeait dans mes veines. Tout à coup une voit creuse et mélancolique sortit de ce manteau qui cachait sa bouche et m'appela par mon nom : « Paul ! » Je répondis machinalement, poussé par je ne sais quelle puissance : « Que veux-tu ? Paul ! répéta-t-il. » ‑ Et cette fois l'accent était plus affectueux et plus triste encore. Je ne répliquai rien, j'attendis, il m'appela de nouveau et ensuite il s'arrêta tout court. Je fus contraint d'en faire autant. « Paul ! pauvre Paul ! pauvre prince ! »
Je me retournai vers Kourakin, qui s'était arrêté aussi. « Entends-tu ? lui dis-je. ‑ Rien absolument, monseigneur ; et vous ? » Quant à moi, j'entendais ; la plainte résonnait encore à mon oreille. Je fis un effort immense, et je demandai à cet être mystérieux qui il était et ce qu'il voulait. « Pauvre Paul ! qui je suis ? Je suis celui qui s'intéresse à toi. Ce que je veux ? je veux que tu ne t'attaches pas trop à ce monde, car tu n'y resteras pas longtemps. Vis en juste, si tu désires mourir en paix ; et ne méprise pas le remords, c'est le supplice le plus poignant des grandes âmes. »
Il reprit son chemin en me regardant toujours de cet œil qui semblait se détacher de sa tête, et de même que j'avais été forcé de m'arrêter comme lui, je fus forcé de marcher comme lui. Il ne me parla plus et je ne me sentis plus le désir de lui adresser la parole. Je le suivais, car c'était lui qui dirigeait la marche, et cette course dura plus d'une heure encore, en silence, sans que je puisse dire par où j'ai passé. Kourakin et les laquais n'en revenaient point. Regardez-le sourire : il croit encore que j'ai rêvé tout cela.
Enfin nous approchâmes de la Grande-Place, entre le pont de la Newa et le palais des Sénateurs. L'homme alla droit vers un point de cette place, où je le suivis, bien entendu, et là il s'arrêta encore. « Paul, adieu. Tu me reverras ici et ailleurs encore. » Puis, comme s'il l'eût touché, son chapeau se souleva légèrement tout seul ; je distinguai alors très facilement son visage. Je reculai malgré moi : c'était l'œil d'aigle, c'était le front basané, le sourire sévère de mon aïeul Pierre le Grand. Avant que je fusse revenu de ma surprise, de ma terreur, il avait disparu.
C'est à cette même place que l'impératrice élève le monument célèbre qui va bientôt faire l'admiration de toute l'Europe, et qui représente le czar Pierre à cheval. Un immense bloc de granit est la base de cette statue. Ce n'est pas moi qui ai désigné à ma mère cet endroit, choisi ou plutôt deviné d'avance par le fantôme. Et j'avoue qu'en y retrouvant cette statue, je ne sais quel sentiment s'empara de moi. J'ai peur d'avoir peur, malgré le prince Kourakin, qui veut me persuader que j'ai rêvé tout éveillé, en me promenant dans les rues. Je me souviens du moindre détail de cette vision, car c'en était une, je persiste à le soutenir. Il me semble que j'y suis encore. Je revins au palais, brisé comme si j'avais fait une longue route et littéralement gelé du côté gauche. Il me fallut plusieurs heures pour me réchauffer dans un lit brûlant et sous des couvertures. »
Le grand-duc Paul regretta plus tard d'avoir parlé de cette aventure, et chercha à la mettre sur le compte de la plaisanterie, mais les préoccupations qu'elle lui causait firent penser qu'elle avait quelque chose de sérieux.
Le fait ayant été lu à la Société de Paris, mais sans intention de faire aucune question à ce sujet, un des médiums obtint spontanément et sans évocation la communication suivante :
Société de Paris, 9 mars 1866. ‑ Médium, M. Morin.
Dans la phase nouvelle où vous êtes entrés avec la clef que vous a donnée le Spiritisme, ou révélation des Esprits, tout doit s'expliquer, au moins ce que vous êtes aptes à comprendre.
L'existence de la médiumnité voyante a été la première de toutes les facultés données à l'homme pour correspondre avec ce monde invisible, cause de tant de faits restés jusqu'à ce jour encore sans explication rationnelle. Faites en effet un retour sur les différents âges de l'humanité, et observez avec attention toutes les traditions qui sont parvenues jusqu'à vous, et partout, chez ceux qui vous ont précédés, vous rencontrerez des êtres qui ont été mis, par la vision, en relation avec le monde des Esprits.
De tous les temps, chez tous les peuples, les croyances religieuses se sont établies sur les révélations de visionnaires ou médiums voyants.
Les hommes, trop petits par eux-mêmes, ont toujours été assistés par ceux des invisibles qui les avaient précédés dans l'erraticité, et qui, obéissant à la loi de réciprocité universelle, venaient leur apporter, par des communications souvent inconscientes, les connaissances acquises par eux, et leur tracer la conduite à suivre pour découvrir la vérité.
La première des facultés médianimiques, je l'ai dit, a été la vision ; combien n'a-t-elle pas trouvé d'adversaires parmi les intéressés de tous les temps ! Mais il ne faudrait pas induire de mon langage que toutes les visions sont le résultat de communications réelles ; beaucoup sont dues à l'hallucination de cerveaux affaiblis ou le résultat d'un complot ourdi pour servir un calcul ou satisfaire un orgueil.
Croyez-moi, le médium voyant est de tous le plus impressionnable ; ce que l'on a vu se grave mieux dans l'esprit. Lorsque votre grand-duc[2], fanfaron et vain comme la plupart de ceux de sa race, vit son aïeul lui apparaître, car c'était bien une vision, qui avait sa raison d'être dans la mission que Pierre le Grand avait acceptée en faveur de son petit-fils, et qui consistait à le conduire et à l'inspirer, dès cet instant, la médiumnité a été chez le duc en permanence, et la crainte seule du ridicule l'a empêché de raconter toutes ses visions à son ami.
La médiumnité voyante n'était pas la seule qu'il possédait ; il avait aussi l'intuition et l'audition ; mais, trop imbu des principes de sa première éducation, il a refusé de mettre à profit les sages avertissements que lui donnaient ses guides. C'est par l'audition qu'il a eu la révélation de sa fin tragique. Depuis ce temps, son Esprit a beaucoup progressé ; aujourd'hui il ne craindrait plus le ridicule en croyant à la vision, c'est pourquoi il vient vous dire :
« Grâce à mes chers instructeurs spirituels et à l'observation des faits, je crois à la manifestation des Esprits, à la survivance de l'âme, à la toute-puissance éternelle de Dieu, à la progression constante vers le bien des hommes et des peuples, et me tiens pour fort honoré qu'une de mes puérilités ait donné lieu à une dissertation où j'ai tout à gagner et vous rien à perdre.
Paul. »
[1] Extrait du Grand Journal du 3 mars 1866, et tiré d'un ouvrage de M. Hortensius de Saint Albin, intitulé : Le Culte de Satan.
[2] Plusieurs Russes assistaient à la séance dans laquelle cette communication a été donnée ; c'est sans doute ce qui a motivé l'expression : Votre grand duc.
« J'étais, un soir, ou plutôt une nuit, dans les rues de Saint-Pétersbourg, avec Kourakin et deux valets. Nous étions restés longtemps à causer et à fumer, et l'idée nous vint de sortir du palais, incognito, pour voir la ville au clair de lune. Il ne faisait point froid, les jours se rallongeaient ; c'était un de ces moments les plus doux de notre printemps, si pâle en comparaison de ceux du Midi. Nous étions gais ; nous ne pensions à rien de religieux ni de sérieux même, et Kourakin me débitait mille plaisanteries sur les passants très rares que nous rencontrions. Je marchais devant ; un de nos gens me précédait néanmoins ; Kourakin restait de quelques pas en arrière, et l'autre domestique nous suivait un peu plus loin. La lune était claire, on aurait pu lire une lettre ; aussi les ombres, par opposition, étaient longues et épaisses.
Au détour d'une rue, dans l'enfoncement d'une porte, j'aperçus un homme grand et maigre, enveloppé d'un manteau, comme un Espagnol, avec un chapeau militaire très rabattu sur ses yeux. Il paraissait attendre, et dès que nous passâmes devant lui, il sortit de sa retraite et se mit à ma gauche, sans dire un mot, sans faire un geste. Il était impossible de distinguer ses traits ; seulement, ses pas, en heurtant les dalles rendaient un son étrange, semblable à celui d'une pierre qui en frappe une autre. Je fus d'abord étonné de cette rencontre ; puis, il me parut que tout le côté qu'il touchait presque se refroidissait peu à peu. Je sentis un frisson glacial pénétrer mes membres, et, me retournant vers Kourakin, je lui dis :
« Voilà un singulier compagnon que nous avons là ! ‑ Quel compagnon ? me demanda-t-il. ‑ Mais, celui qui marche à ma gauche et qui fait assez de bruit, ce me semble. »
Kourakin ouvrait des yeux étonnés, et m'assura qu'à ma gauche il ne voyait personne. ‑ Comment ! tu ne vois pas à ma gauche un homme en manteau qui est là entre le mur et moi ? ‑ Votre Altesse touche le mur elle-même, et il n'y a de place pour personne entre le mur et vous. »
J'allongeai un peu le bras ; en effet, je sentis de la pierre. Cependant l'homme était là, toujours marchant de ce même pas de marteau qui se réglait sur le mien. Je l'examinai attentivement alors, et je vis briller sous ce chapeau, d'une forme singulière, je l'ai dit, l'œil le plus étincelant que j'aie rencontré jamais. Cet œil me regardait, me fascinait ; je ne pouvais pas en fuir le rayon. Ah ! dis-je à Kourakin, je ne sais ce que j'éprouve, mais c'est étrange !
Je tremblais, non de peur, mais de froid. Je me sentais peu à peu gagner jusqu'au cœur par une impression que rien ne peut rendre. Mon sang se figeait dans mes veines. Tout à coup une voit creuse et mélancolique sortit de ce manteau qui cachait sa bouche et m'appela par mon nom : « Paul ! » Je répondis machinalement, poussé par je ne sais quelle puissance : « Que veux-tu ? Paul ! répéta-t-il. » ‑ Et cette fois l'accent était plus affectueux et plus triste encore. Je ne répliquai rien, j'attendis, il m'appela de nouveau et ensuite il s'arrêta tout court. Je fus contraint d'en faire autant. « Paul ! pauvre Paul ! pauvre prince ! »
Je me retournai vers Kourakin, qui s'était arrêté aussi. « Entends-tu ? lui dis-je. ‑ Rien absolument, monseigneur ; et vous ? » Quant à moi, j'entendais ; la plainte résonnait encore à mon oreille. Je fis un effort immense, et je demandai à cet être mystérieux qui il était et ce qu'il voulait. « Pauvre Paul ! qui je suis ? Je suis celui qui s'intéresse à toi. Ce que je veux ? je veux que tu ne t'attaches pas trop à ce monde, car tu n'y resteras pas longtemps. Vis en juste, si tu désires mourir en paix ; et ne méprise pas le remords, c'est le supplice le plus poignant des grandes âmes. »
Il reprit son chemin en me regardant toujours de cet œil qui semblait se détacher de sa tête, et de même que j'avais été forcé de m'arrêter comme lui, je fus forcé de marcher comme lui. Il ne me parla plus et je ne me sentis plus le désir de lui adresser la parole. Je le suivais, car c'était lui qui dirigeait la marche, et cette course dura plus d'une heure encore, en silence, sans que je puisse dire par où j'ai passé. Kourakin et les laquais n'en revenaient point. Regardez-le sourire : il croit encore que j'ai rêvé tout cela.
Enfin nous approchâmes de la Grande-Place, entre le pont de la Newa et le palais des Sénateurs. L'homme alla droit vers un point de cette place, où je le suivis, bien entendu, et là il s'arrêta encore. « Paul, adieu. Tu me reverras ici et ailleurs encore. » Puis, comme s'il l'eût touché, son chapeau se souleva légèrement tout seul ; je distinguai alors très facilement son visage. Je reculai malgré moi : c'était l'œil d'aigle, c'était le front basané, le sourire sévère de mon aïeul Pierre le Grand. Avant que je fusse revenu de ma surprise, de ma terreur, il avait disparu.
C'est à cette même place que l'impératrice élève le monument célèbre qui va bientôt faire l'admiration de toute l'Europe, et qui représente le czar Pierre à cheval. Un immense bloc de granit est la base de cette statue. Ce n'est pas moi qui ai désigné à ma mère cet endroit, choisi ou plutôt deviné d'avance par le fantôme. Et j'avoue qu'en y retrouvant cette statue, je ne sais quel sentiment s'empara de moi. J'ai peur d'avoir peur, malgré le prince Kourakin, qui veut me persuader que j'ai rêvé tout éveillé, en me promenant dans les rues. Je me souviens du moindre détail de cette vision, car c'en était une, je persiste à le soutenir. Il me semble que j'y suis encore. Je revins au palais, brisé comme si j'avais fait une longue route et littéralement gelé du côté gauche. Il me fallut plusieurs heures pour me réchauffer dans un lit brûlant et sous des couvertures. »
Le grand-duc Paul regretta plus tard d'avoir parlé de cette aventure, et chercha à la mettre sur le compte de la plaisanterie, mais les préoccupations qu'elle lui causait firent penser qu'elle avait quelque chose de sérieux.
Le fait ayant été lu à la Société de Paris, mais sans intention de faire aucune question à ce sujet, un des médiums obtint spontanément et sans évocation la communication suivante :
Société de Paris, 9 mars 1866. ‑ Médium, M. Morin.
Dans la phase nouvelle où vous êtes entrés avec la clef que vous a donnée le Spiritisme, ou révélation des Esprits, tout doit s'expliquer, au moins ce que vous êtes aptes à comprendre.
L'existence de la médiumnité voyante a été la première de toutes les facultés données à l'homme pour correspondre avec ce monde invisible, cause de tant de faits restés jusqu'à ce jour encore sans explication rationnelle. Faites en effet un retour sur les différents âges de l'humanité, et observez avec attention toutes les traditions qui sont parvenues jusqu'à vous, et partout, chez ceux qui vous ont précédés, vous rencontrerez des êtres qui ont été mis, par la vision, en relation avec le monde des Esprits.
De tous les temps, chez tous les peuples, les croyances religieuses se sont établies sur les révélations de visionnaires ou médiums voyants.
Les hommes, trop petits par eux-mêmes, ont toujours été assistés par ceux des invisibles qui les avaient précédés dans l'erraticité, et qui, obéissant à la loi de réciprocité universelle, venaient leur apporter, par des communications souvent inconscientes, les connaissances acquises par eux, et leur tracer la conduite à suivre pour découvrir la vérité.
La première des facultés médianimiques, je l'ai dit, a été la vision ; combien n'a-t-elle pas trouvé d'adversaires parmi les intéressés de tous les temps ! Mais il ne faudrait pas induire de mon langage que toutes les visions sont le résultat de communications réelles ; beaucoup sont dues à l'hallucination de cerveaux affaiblis ou le résultat d'un complot ourdi pour servir un calcul ou satisfaire un orgueil.
Croyez-moi, le médium voyant est de tous le plus impressionnable ; ce que l'on a vu se grave mieux dans l'esprit. Lorsque votre grand-duc[2], fanfaron et vain comme la plupart de ceux de sa race, vit son aïeul lui apparaître, car c'était bien une vision, qui avait sa raison d'être dans la mission que Pierre le Grand avait acceptée en faveur de son petit-fils, et qui consistait à le conduire et à l'inspirer, dès cet instant, la médiumnité a été chez le duc en permanence, et la crainte seule du ridicule l'a empêché de raconter toutes ses visions à son ami.
La médiumnité voyante n'était pas la seule qu'il possédait ; il avait aussi l'intuition et l'audition ; mais, trop imbu des principes de sa première éducation, il a refusé de mettre à profit les sages avertissements que lui donnaient ses guides. C'est par l'audition qu'il a eu la révélation de sa fin tragique. Depuis ce temps, son Esprit a beaucoup progressé ; aujourd'hui il ne craindrait plus le ridicule en croyant à la vision, c'est pourquoi il vient vous dire :
« Grâce à mes chers instructeurs spirituels et à l'observation des faits, je crois à la manifestation des Esprits, à la survivance de l'âme, à la toute-puissance éternelle de Dieu, à la progression constante vers le bien des hommes et des peuples, et me tiens pour fort honoré qu'une de mes puérilités ait donné lieu à une dissertation où j'ai tout à gagner et vous rien à perdre.
Paul. »
[1] Extrait du Grand Journal du 3 mars 1866, et tiré d'un ouvrage de M. Hortensius de Saint Albin, intitulé : Le Culte de Satan.
[2] Plusieurs Russes assistaient à la séance dans laquelle cette communication a été donnée ; c'est sans doute ce qui a motivé l'expression : Votre grand duc.
Le réveil du seigneur de Cosnac
Notre collègue de la société de Paris, M. Leymarie, étant allé dernièrement faire un voyage dans la Corrèze, s'y entretenait fréquemment du Spiritisme, et y reçut plusieurs communications médianimiques, entre autres celle que nous donnons ci-après, et qui, certes, ne pouvait être dans sa pensée, car il ignorait s'il y avait jamais eu dans le monde un individu du nom de Cosnac. Cette communication est remarquable en ce qu'elle peint la position singulière d'un Esprit qui, depuis deux siècles et demi, ne se croyait pas vivant, mais se trouvait sous l'impression des idées et de la vue des choses de son temps, sans s'apercevoir combien tout avait changé depuis.
(Tulle, 7 mars 1866.)
Il y a deux siècles et demi, qu'inconscient de ma position, je vois sans cesse le château fort de mes ancêtres, les fossés profonds, le seigneur de Cosnac toujours attaché à son roi, à son nom, à ses souvenirs de grandeur ; il y a des pages, des varlets partout ; des hommes d'armes partant pour une expédition secrète. Je suis tous ces mouvements, tout ce bruit ; j'entends les plaintes des prisonniers et des colons, des serfs craintifs qui passent humblement devant la demeure du maître ;… et tout cela n'est qu'un rêve !…
Mes yeux se sont ouverts aujourd'hui pour voir tout le contraire de mon rêve séculaire ! Je vois une grande habitation bourgeoise, mais plus de lignes de défense ; tout est calme. Les grands bois ont disparu ; on dirait qu'une main de fée a transformé la demeure féodale et le paysage agreste qui l'entoure. Pourquoi ce changement ?… Le nom que je porte a donc disparu et le bon vieux temps avec lui ?… Hélas ! il faut perdre mes rêves, mes désirs, mes fictions, car un nouveau monde vient de m'être révélé ! Jadis évêque, fier de mes titres, de mes alliances, conseiller d'un roi, je n'admettais que nos personnalités, qu'un Dieu créant des races privilégiées à qui le monde appartenait de droit, qu'un nom qui devait se perpétuer, et, comme base de ce système, la compression et la souffrance pour le serf et l'artisan.
Quelques mots ont pu réveiller !… Une attraction involontaire (autrefois, j'eus dit diabolique) m'a attiré vers celui qui écrit. Il a discuté avec un prêtre qui emploie, pour la défense de l'Église, tous les arguments que je répétais autrefois, tandis que lui se sert de mots nouveaux, qu'il explique simplement, et, l'avouerai-je ? c'est son raisonnement qui permet à mes yeux de voir, à mes oreilles d'entendre.
Par lui, je perçois les choses telles qu'elles sont, et, ce qui est plus étrange, après l'avoir suivi en plus d'un endroit où il défend le Spiritisme, je reviens au sentiment de mon existence comme Esprit ; j'apprécie mieux, je définis mieux les grandes lois du vrai et du juste ; je rabaisse mon orgueil, cause de la cataracte qui a pu troubler ma raison, mon jugement, pendant deux siècles et demi, et pourtant voyez la force de l'habitude, de l'orgueil de race !… malgré le changement radical opéré dans les biens de mes aïeux, dans les mœurs, les lois et le gouvernement ; malgré les causeries du médium qui transmet ma pensée, malgré ma visite aux groupes spirites de Paris, et même à ceux des Esprits qui se préparent à l'émigration dans les mondes avancés, ou bien aux réincarnations terriennes, il m'a fallu huit jours de réflexion pour me rendre à l'évidence.
Dans ce long combat entre un passé disparu et la présent qui nous emporte vers les grandes espérances, mes résistances sont tombées, une à une, comme les vieilles armures brisées de nos anciens chevaliers. Je viens faire acte de foi devant l'évidence, et moi, de Cosnac, ancien évêque, j'affirme que je vis, que je sens, que je juge. En attendant ma réincarnation, je prépare mes armes spirituelles ; je sens Dieu partout et en tout ; je ne suis pas un démon, je récuse mon orgueil de caste, et dans mon enveloppe fluidique, je rends hommage au Dieu créateur, au Dieu d'harmonie qui appelle à lui tous ses enfants, afin qu'après des vies plus ou moins accidentées, ils arrivent purifiés dans les sphères éthérées où ce Dieu si magnanime les fera jouir de la suprême sagesse.
De Cosnac.
Nota. ‑ L'avant-dernier archevêque de Sens se nommait Jean-Joseph-Marie-Victoire de Cosnac ; il était né, en 1764, au château de Cosnac, en Limousin, et y mourut en 1843. Le Bulletin de la Société archéologique de Sens, t. 7, p. 301, dit qu'il était le onzième prélat que sa famille avait donné à l'Eglise. Il n'y a donc rien d'impossible à ce qu'un évêque de ce nom ait existé au commencement du dix-septième siècle.
(Tulle, 7 mars 1866.)
Il y a deux siècles et demi, qu'inconscient de ma position, je vois sans cesse le château fort de mes ancêtres, les fossés profonds, le seigneur de Cosnac toujours attaché à son roi, à son nom, à ses souvenirs de grandeur ; il y a des pages, des varlets partout ; des hommes d'armes partant pour une expédition secrète. Je suis tous ces mouvements, tout ce bruit ; j'entends les plaintes des prisonniers et des colons, des serfs craintifs qui passent humblement devant la demeure du maître ;… et tout cela n'est qu'un rêve !…
Mes yeux se sont ouverts aujourd'hui pour voir tout le contraire de mon rêve séculaire ! Je vois une grande habitation bourgeoise, mais plus de lignes de défense ; tout est calme. Les grands bois ont disparu ; on dirait qu'une main de fée a transformé la demeure féodale et le paysage agreste qui l'entoure. Pourquoi ce changement ?… Le nom que je porte a donc disparu et le bon vieux temps avec lui ?… Hélas ! il faut perdre mes rêves, mes désirs, mes fictions, car un nouveau monde vient de m'être révélé ! Jadis évêque, fier de mes titres, de mes alliances, conseiller d'un roi, je n'admettais que nos personnalités, qu'un Dieu créant des races privilégiées à qui le monde appartenait de droit, qu'un nom qui devait se perpétuer, et, comme base de ce système, la compression et la souffrance pour le serf et l'artisan.
Quelques mots ont pu réveiller !… Une attraction involontaire (autrefois, j'eus dit diabolique) m'a attiré vers celui qui écrit. Il a discuté avec un prêtre qui emploie, pour la défense de l'Église, tous les arguments que je répétais autrefois, tandis que lui se sert de mots nouveaux, qu'il explique simplement, et, l'avouerai-je ? c'est son raisonnement qui permet à mes yeux de voir, à mes oreilles d'entendre.
Par lui, je perçois les choses telles qu'elles sont, et, ce qui est plus étrange, après l'avoir suivi en plus d'un endroit où il défend le Spiritisme, je reviens au sentiment de mon existence comme Esprit ; j'apprécie mieux, je définis mieux les grandes lois du vrai et du juste ; je rabaisse mon orgueil, cause de la cataracte qui a pu troubler ma raison, mon jugement, pendant deux siècles et demi, et pourtant voyez la force de l'habitude, de l'orgueil de race !… malgré le changement radical opéré dans les biens de mes aïeux, dans les mœurs, les lois et le gouvernement ; malgré les causeries du médium qui transmet ma pensée, malgré ma visite aux groupes spirites de Paris, et même à ceux des Esprits qui se préparent à l'émigration dans les mondes avancés, ou bien aux réincarnations terriennes, il m'a fallu huit jours de réflexion pour me rendre à l'évidence.
Dans ce long combat entre un passé disparu et la présent qui nous emporte vers les grandes espérances, mes résistances sont tombées, une à une, comme les vieilles armures brisées de nos anciens chevaliers. Je viens faire acte de foi devant l'évidence, et moi, de Cosnac, ancien évêque, j'affirme que je vis, que je sens, que je juge. En attendant ma réincarnation, je prépare mes armes spirituelles ; je sens Dieu partout et en tout ; je ne suis pas un démon, je récuse mon orgueil de caste, et dans mon enveloppe fluidique, je rends hommage au Dieu créateur, au Dieu d'harmonie qui appelle à lui tous ses enfants, afin qu'après des vies plus ou moins accidentées, ils arrivent purifiés dans les sphères éthérées où ce Dieu si magnanime les fera jouir de la suprême sagesse.
De Cosnac.
Nota. ‑ L'avant-dernier archevêque de Sens se nommait Jean-Joseph-Marie-Victoire de Cosnac ; il était né, en 1764, au château de Cosnac, en Limousin, et y mourut en 1843. Le Bulletin de la Société archéologique de Sens, t. 7, p. 301, dit qu'il était le onzième prélat que sa famille avait donné à l'Eglise. Il n'y a donc rien d'impossible à ce qu'un évêque de ce nom ait existé au commencement du dix-septième siècle.
Pensées spirites Poésie de M. Eugène Nus
Les strophes suivantes sont tirées de l'ouvrage les Dogmes nouveaux, de M. Eugène Nus. Quoique ce ne soit point une œuvre médianimique, on nous saura sans doute gré de les reproduire, à cause des pensées qui y sont si gracieusement exprimées. Sous le titre de : les Grands mystères, le même auteur a publié dernièrement un autre remarquable ouvrage dont nous rendrons compte, et dans lequel on retrouve tous les principes fondamentaux de la doctrine spirite, comme solution rationnelle.
O morts aimés, que cette terre
A vus passer, mêlés à nous,
Révélez-nous le grand mystère :
O morts aimés, où vivez-vous ?
Globes flamboyants, qui peuplez l'espace,
Sœurs de notre terre, étoiles des cieux,
Laquelle de vous prépare ma place,
Et me garde un sort sombre ou glorieux ?
Laquelle de vous a reçu les âmes
De ceux que j'aimais et que j'ai perdus ?
Dans un blanc rayon de votre douce flamme,
Sur mon front rêveur sont-ils descendus ?
Ou bien, attachés au sort de la terre
Par la destinée ou par leur amour,
Sont-ils emportés dans notre atmosphère,
Attendant là-haut l'heure du retour ?
Ou, plus près encore, Esprits invisibles,
Sont-ils parmi nous mêlés à nos jours,
Prêchant la concorde aux cœurs sensibles,
Et pleurant tout bas de les trouver sourds ?
Mystère profond de l'âme infinie !
Depuis bien longtemps je te cherche en vain.
J'ai pâli mon front à creuser la vie
Sans pouvoir trouver le secret divin.
Mais, ô morts chéris, qu'importe où vous êtes !
De loin ou de près vous venez à moi ;
J'ai cédé souvent à vos voix secrètes,
Et votre chaleur réchauffe ma foi.
O morts aimés, que cette terre
A vus passer, mêlés à nous,
Révélez-nous le grand mystère :
O morts aimés, où vivez-vous ?
O morts aimés, que cette terre
A vus passer, mêlés à nous,
Révélez-nous le grand mystère :
O morts aimés, où vivez-vous ?
Globes flamboyants, qui peuplez l'espace,
Sœurs de notre terre, étoiles des cieux,
Laquelle de vous prépare ma place,
Et me garde un sort sombre ou glorieux ?
Laquelle de vous a reçu les âmes
De ceux que j'aimais et que j'ai perdus ?
Dans un blanc rayon de votre douce flamme,
Sur mon front rêveur sont-ils descendus ?
Ou bien, attachés au sort de la terre
Par la destinée ou par leur amour,
Sont-ils emportés dans notre atmosphère,
Attendant là-haut l'heure du retour ?
Ou, plus près encore, Esprits invisibles,
Sont-ils parmi nous mêlés à nos jours,
Prêchant la concorde aux cœurs sensibles,
Et pleurant tout bas de les trouver sourds ?
Mystère profond de l'âme infinie !
Depuis bien longtemps je te cherche en vain.
J'ai pâli mon front à creuser la vie
Sans pouvoir trouver le secret divin.
Mais, ô morts chéris, qu'importe où vous êtes !
De loin ou de près vous venez à moi ;
J'ai cédé souvent à vos voix secrètes,
Et votre chaleur réchauffe ma foi.
O morts aimés, que cette terre
A vus passer, mêlés à nous,
Révélez-nous le grand mystère :
O morts aimés, où vivez-vous ?
Lettre de M. F. Blanchard au journal la Liberté.
On nous prie d'insérer la lettre suivante, adressée à M. le rédacteur en chef du journal la Liberté.
« Monsieur,
Il faut, il est vrai, remplir les colonnes d'un journal, mais lorsque ce garni est plein d'insultes adressées à ceux qui ne pensent pas comme vos rédacteurs, du moins comme celui qui a écrit cette platitude, au sujet des frères Davenport, numéro de lundi, il est permis de trouver mauvais de donner son argent à ceux qui ne craignent point de vous traiter de sot, d'ignorant, etc. Or, je suis Spirite, et j'en remercie Dieu. Aussi lorsque mon abonnement à votre journal sera terminé, soyez certain qu'il ne sera pas renouvelé.
Votre feuille porte un titre sublime ; ne mentez donc pas à ce titre, et sachez que ce mot implique le respect des opinions de chacun. N'oubliez pas surtout que Liberté et Spiritisme c'est absolument la même chose. Cette synonymie vous étonne ? Lisez, étudiez cette doctrine qui vous paraît si noire ; vous pourrez alors rendre un service à la Vérité et à la Liberté que vous portez si haut, mais que vous offensez.
Florentin Blanchard, libraire, à Marennes. »
P. S. Si ma signature ne vous semblait pas assez lisible, la griffe qui ferme ma lettre vous édifiera.
« Monsieur,
Il faut, il est vrai, remplir les colonnes d'un journal, mais lorsque ce garni est plein d'insultes adressées à ceux qui ne pensent pas comme vos rédacteurs, du moins comme celui qui a écrit cette platitude, au sujet des frères Davenport, numéro de lundi, il est permis de trouver mauvais de donner son argent à ceux qui ne craignent point de vous traiter de sot, d'ignorant, etc. Or, je suis Spirite, et j'en remercie Dieu. Aussi lorsque mon abonnement à votre journal sera terminé, soyez certain qu'il ne sera pas renouvelé.
Votre feuille porte un titre sublime ; ne mentez donc pas à ce titre, et sachez que ce mot implique le respect des opinions de chacun. N'oubliez pas surtout que Liberté et Spiritisme c'est absolument la même chose. Cette synonymie vous étonne ? Lisez, étudiez cette doctrine qui vous paraît si noire ; vous pourrez alors rendre un service à la Vérité et à la Liberté que vous portez si haut, mais que vous offensez.
Florentin Blanchard, libraire, à Marennes. »
P. S. Si ma signature ne vous semblait pas assez lisible, la griffe qui ferme ma lettre vous édifiera.
Notices bibliographiques
Suis-je Spirite ? par Sylvain Alquié, de Toulouse ; brochure in-12, prix : 50 c. Toulouse, chez Caillol et Baylac, 34, rue de la Pomme.
L'auteur, nouvel adepte, ne connaissait le Spiritisme que par les diatribes des journaux à propos des frères Davenport, lorsque le premier article publié par le journal la Discussion (voir la Revue spirite de février 1866) lui étant tombé sous les yeux, au café, le lui fit voir sous un tout autre jour, et le porta à l'étudier. Ce sont ces impressions qu'il décrit dans sa brochure ; il passe en revue les raisonnements qui l'ont amené à la croyance, et à chacun desquels il se demandait : suis-je Spirite ? Sa conclusion est résumée dans le dernier chapitre par ces simples mots : je suis Spirite. Cette brochure, écrite avec élégance, clarté et conviction, est une profession de foi sagement raisonnée ; elle mérite les sympathies de tous les adeptes sincères auxquels nous nous faisons un devoir de la recommander, regrettant que le défaut d'espace nous empêche de justifier notre appréciation par quelques citations.
Lettre à MM. les directeurs et rédacteurs des journaux antispirites par A. Grelez, officier d'administration en retraite. Brochure in-8°, prix : 50 c. Paris, Bordeaux, chez les principaux libraires.
Cette lettre, ou mieux ces lettres, datées de Sétif (Algérie), ont été publiées par l'Union Spirite Bordelaise dans ses nos 34, 35, 36. C'est un exposé clair et succinct des principes de la doctrine en réponse aux diatribes de certains journalistes dont l'auteur relève avec convenance les fausses et injustes appréciations. Il ne se flatte assurément pas de les convertir, mais ces réfutations, multipliées dans des brochures à bon marché, ont l'avantage d'éclairer les masses sur le véritable caractère du Spiritisme, et de montrer qu'il trouve partout des défenseurs sérieux qui n'ont besoin que du raisonnement, pour combattre ses adversaires. Nous devons donc des remerciements à M. Grelez, et des félicitations à l'Union spirite bordelaise pour avoir pris l'initiative de cette publication.
Philosophie spirite extraite du divin Livre des Esprits par Allan Kardec par Augustin Babin, de Cognac. 1 vol. in-12 de 200 pages, prix : 1 fr.
Le guide du bonheur, ou Devoirs généraux de l'homme par amour pour Dieu par le même. Brochure in-12 de 100 pages, prix : 60 c.
Notions d'astronomie scientifique, psychologique et morale, par le même. Brochure in-12 de 100 pages, prix : 75 c. ‑ Angoulême, chez Nadaud et Ce, 26, rempart Desaix.
Nous ferons remarquer que l'épithète de divin est donnée au Livre des Esprits par l'auteur et non par nous ; elle caractérise la manière dont il envisage la question. M. Babin est un Spirite de vieille date, et qui prend la doctrine au sérieux, au point de vue moral. Ces trois ouvrages sont le fruit d'une conviction profonde, inaltérable, et à l'abri de toute fluctuation. Ce n'est pas un enthousiaste, mais un homme qui a puisé dans le Spiritisme tant de forces, de consolations et de bonheur qu'il regarde comme un devoir d'aider à propager une croyance qui lui est chère. Son zèle est d'autant plus méritoire qu'il est totalement désintéressé. Il déclare mettre ses livres dans le domaine public à la condition de n'y rien changer et de n'en pas augmenter le prix. Il a bien voulu en mettre une centaine d'exemplaires à notre disposition pour être distribués gratuitement, ce dont nous le prions d'agréer nos biens sincères remerciements.
L'auteur, nouvel adepte, ne connaissait le Spiritisme que par les diatribes des journaux à propos des frères Davenport, lorsque le premier article publié par le journal la Discussion (voir la Revue spirite de février 1866) lui étant tombé sous les yeux, au café, le lui fit voir sous un tout autre jour, et le porta à l'étudier. Ce sont ces impressions qu'il décrit dans sa brochure ; il passe en revue les raisonnements qui l'ont amené à la croyance, et à chacun desquels il se demandait : suis-je Spirite ? Sa conclusion est résumée dans le dernier chapitre par ces simples mots : je suis Spirite. Cette brochure, écrite avec élégance, clarté et conviction, est une profession de foi sagement raisonnée ; elle mérite les sympathies de tous les adeptes sincères auxquels nous nous faisons un devoir de la recommander, regrettant que le défaut d'espace nous empêche de justifier notre appréciation par quelques citations.
Lettre à MM. les directeurs et rédacteurs des journaux antispirites par A. Grelez, officier d'administration en retraite. Brochure in-8°, prix : 50 c. Paris, Bordeaux, chez les principaux libraires.
Cette lettre, ou mieux ces lettres, datées de Sétif (Algérie), ont été publiées par l'Union Spirite Bordelaise dans ses nos 34, 35, 36. C'est un exposé clair et succinct des principes de la doctrine en réponse aux diatribes de certains journalistes dont l'auteur relève avec convenance les fausses et injustes appréciations. Il ne se flatte assurément pas de les convertir, mais ces réfutations, multipliées dans des brochures à bon marché, ont l'avantage d'éclairer les masses sur le véritable caractère du Spiritisme, et de montrer qu'il trouve partout des défenseurs sérieux qui n'ont besoin que du raisonnement, pour combattre ses adversaires. Nous devons donc des remerciements à M. Grelez, et des félicitations à l'Union spirite bordelaise pour avoir pris l'initiative de cette publication.
Philosophie spirite extraite du divin Livre des Esprits par Allan Kardec par Augustin Babin, de Cognac. 1 vol. in-12 de 200 pages, prix : 1 fr.
Le guide du bonheur, ou Devoirs généraux de l'homme par amour pour Dieu par le même. Brochure in-12 de 100 pages, prix : 60 c.
Notions d'astronomie scientifique, psychologique et morale, par le même. Brochure in-12 de 100 pages, prix : 75 c. ‑ Angoulême, chez Nadaud et Ce, 26, rempart Desaix.
Nous ferons remarquer que l'épithète de divin est donnée au Livre des Esprits par l'auteur et non par nous ; elle caractérise la manière dont il envisage la question. M. Babin est un Spirite de vieille date, et qui prend la doctrine au sérieux, au point de vue moral. Ces trois ouvrages sont le fruit d'une conviction profonde, inaltérable, et à l'abri de toute fluctuation. Ce n'est pas un enthousiaste, mais un homme qui a puisé dans le Spiritisme tant de forces, de consolations et de bonheur qu'il regarde comme un devoir d'aider à propager une croyance qui lui est chère. Son zèle est d'autant plus méritoire qu'il est totalement désintéressé. Il déclare mettre ses livres dans le domaine public à la condition de n'y rien changer et de n'en pas augmenter le prix. Il a bien voulu en mettre une centaine d'exemplaires à notre disposition pour être distribués gratuitement, ce dont nous le prions d'agréer nos biens sincères remerciements.