Les Missionnaires (Envoi de M. Sabò, de Bordeaux.)Je vais vous dire quelques mots pour vous faire comprendre le but que se
proposent les Missionnaires en quittant patrie et famille pour aller
évangéliser des peuplades ignorantes ou féroces, des frères cependant,
mais enclins au mal et ne connaissant pas le bien ; ou pour aller
prêcher la mortification, la confiance en Dieu, la prière, la foi, la
résignation dans la douleur la charité, l'espérance d'une meilleure vie
après le repentir ; dites, n'est-ce pas là du Spiritisme ? Oui, âmes
d'élite qui avez toujours servi Dieu et fidèlement observé ses lois ;
qui aimez et secourez votre prochain, vous êtes Spirites. Mais vous ne
connaissez pas ce mot de création nouvelle, et vous y voyez un danger.
Eh bien ! puisque le mot vous effraie, ne le prononçons plus devant vous
jusqu'à ce que vous-mêmes veniez demander ce nom, qui résume
l'existence des Esprits et leurs manifestations : le Spiritisme.
Frères aimés, que sont les Missionnaires auprès des nations dans
l'enfance ? des Esprits en mission qui sont envoyés par Dieu, notre
père, pour éclairer de pauvres Esprits plus ignorants ; pour leur
apprendre à espérer en lui, à le connaître, à l'aimer, à être bons
époux, bons parents, bons pour leurs semblables ; pour leur donner,
autant que le comporte leur nature inculte, l'idée du bien et du beau.
Or, vous, qui êtes si fiers de votre intelligence, sachez que vous êtes
partis d'aussi bas, et que vous avez encore beaucoup à faire pour
arriver au plus haut degré. Je vous le demande, mes amis, sans les
missions et les Missionnaires, que deviendraient ces pauvres gens
abandonnés à leurs passions et à leur sauvage nature ? Mais, dites :
Est-ce vous qui, à l'exemple de ces hommes dévoués, iriez prêcher
l'Evangile à ces frères abrupts ? non, ce n'est pas vous : vous avez une
famille, des amis, une position que vous ne pouvez abandonner ; non, ce
n'est pas vous, qui aimez les douceurs du foyer domestique ; non, ce
n'est pas vous, qui avez de la fortune, des honneurs, tous les bonheurs
enfin qui satisfont votre vanité et votre égoïsme ; non, ce n'est pas
vous. Il faut des hommes qui quittent le toit paternel et la patrie avec
joie ; des hommes qui fassent peu de cas de la vie, car souvent elle
est tranchée par le fer et le feu ; il faut des hommes bien convaincus
que, s'ils vont travailler à la vigne du Seigneur et l'arroser de leur
sang, ils trouveront là-haut la récompense de tant de sacrifices ;
dites, sont-ce des matérialistes qui seraient capables d'un tel
dévouement, ceux qui n'espèrent plus rien après cette vie ? Croyez-moi,
ce sont des Esprits envoyés par Dieu. Ne riez donc plus de ce que vous
appelez leur sottise, car ils sont instruits, et, en exposant leur vie
pour éclairer leurs frères ignorants, ils ont droit à vos respects et à
votre sympathie. Oui, ce sont des Esprits incarnés qui ont la mission
périlleuse d'aller défricher ces intelligences incultes, comme d'autres
Esprits plus élevés ont pour mission de vous faire progresser
vous-mêmes.
Ce que nous venons de faire, mes amis, c'est du
Spiritisme ; ne vous effrayez donc pas de ce mot ; n'en riez pas,
surtout, car il est le symbole de la loi universelle qui régit les êtres
vivants de la création.
Adolphe, évêque d'Alger