Cazotte (Méd. M. Alfred Didier.)Il est curieux de voir surgir, au milieu du matérialisme, une réunion
d'hommes de bonne foi pour propager le Spiritisme. Oui, c'est au milieu
des plus profondes ténèbres que Dieu lance la lumière, et c'est au
moment où on l'oublie le plus qu'il se montre le mieux ; semblable au
voleur sublime dont parle l'Evangile, qui viendra juger le monde au
moment où il y pensera le moins. Mais Dieu ne vient pas vers vous pour
vous surprendre ; il vient, au contraire, vous prévenir que cette grande
surprise, qui doit saisir les hommes à la mort, doit être, pour eux,
funeste ou heureuse.
C'était au milieu d'une société corrompue
que Dieu m'avait envoyé. Grâce à la clairvoyance, quelques-unes de ces
révélations, qui semblaient si merveilleuses de mon temps, paraissent
aujourd'hui toutes naturelles. Tous ces souvenirs ne sont plus que des
rêves pour moi, et, Dieu soit loué ! le réveil n'a pas été pénible. Le
Spiritisme est né, ou plutôt il est ressuscité à votre époque ; le
magnétisme était de mon temps. Croyez que les grandes lumières précèdent
de grands éclats.
L'auteur du Diable amoureux vous rappelle
qu'il a déjà eu l'honneur de converser avec nous, et il sera heureux de
continuer ses relations amicales.
Cazotte.
Dans la séance suivante, les questions ci-après furent adressées à l'Esprit de Cazotte :
Vous avez eu l'obligeance, en venant spontanément la dernière fois, de
nous dire que vous reviendriez volontiers. Nous profitons de votre
offre pour vous adresser quelques questions, si vous le voulez bien.
1° L'histoire du fameux souper où vous prédîtes le sort qui attendait
chaque convive est-elle entièrement vraie ? - R. Elle est vraie en ce
sens que cette prédiction ne s'est pas faite en une seule soirée, mais à
bien des repas, à la fin desquels je m'égayais à faire peur à mes
aimables convives par de sinistres révélations.
2° Nous
connaissons les effets de la seconde vue, et nous comprendrions que,
doué de cette faculté, vous eussiez pu voir des choses éloignées, mais
se passant à ce moment-là ; comment avez-vous pu voir des choses futures
qui n'existaient pas encore, et les voir avec précision ? Veuillez nous
dire en même temps comment cette prévision vous a été donnée ?
Avez-vous parlé simplement comme inspiré, sans rien voir, ou bien le
tableau des événements annoncés par vous s'est-il présenté comme une
image ? Soyez assez bon pour nous décrire cela le mieux possible pour
notre instruction. - R. Il y a dans la raison de l'homme un instinct
moral qui le pousse à prédire certains événements. J'étais doué, il est
vrai, d'une clairvoyance assez grande, mais toujours humaine, sur les
événements qui s'effectuaient alors ; mais croyez-vous que le bon sens,
ou le jugement sain des choses d'ici-bas, puisse vous détailler, bien
des années à l'avance, telle ou telle circonstance ? Non ; à ma sagacité
naturelle était jointe une qualité surnaturelle : la seconde vue.
Lorsque je révélais aux personnes qui m'entouraient les secousses
terribles qui allaient avoir lieu, je parlais évidemment comme un homme
de sens et de logique ; mais lorsque de ces circonstances vagues et
générales, je voyais les petits détails, lorsque je voyais visiblement
telle ou telle victime, c'est alors que je ne parlais plus comme un
homme seulement doué, mais comme un homme inspiré.
3°
Indépendamment de ce fait, avez-vous eu, pendant votre vie, d'autres
exemples de prévisions ? - Oui ; elles étaient toutes à peu près sur ce
sujet ; mais, par passe-temps, j'étudiais les sciences occultes, et je
m'occupais beaucoup de magnétisme.
4° Cette faculté de
prévision vous a-t-elle suivi dans le monde des Esprits ? c'est-à-dire,
depuis votre mort, prévoyez-vous encore certains événements ? - R. Oui,
ce don m'est resté beaucoup plus pur.
Remarque.
On pourrait voir ici une contradiction avec le principe qui s'oppose à
la révélation de l'avenir. L'avenir, en effet, nous est caché par une
loi très sage de la Providence, parce que cette connaissance nuirait à
notre libre-arbitre, et nous porterait à négliger le présent pour
l'avenir ; de plus, par notre opposition, nous pourrions entraver
certains événements nécessaires à l'ordre général ; mais lorsque cette
communication peut nous exciter à faciliter l'accomplissement d'une
chose, Dieu peut en permettre la révélation dans des limites assignées
par sa sagesse.