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Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1859 > Septembre
Septembre
Des procédés pour écarter les mauvais Esprits L'immixtion des Esprits trompeurs dans les communications écrites est une des plus grandes difficultés du Spiritisme ; on sait par expérience qu'ils ne se font aucun scrupule de prendre des noms supposés, et même des noms respectables ; y a-t-il des moyens de les écarter ? là est la question. Certaines personnes emploient à cet effet ce qu'on pourrait appeler des procédés, c'est-à-dire, soit des formules particulières d'évocation, soit des sortes d'exorcismes, comme de leur faire jurer au nom de Dieu qu'ils disent la vérité, de leur faire écrire certaines choses, etc. Nous connaissons quelqu'un qui, à chaque phrase, sommait l'Esprit de signer son nom ; s'il était le vrai, il écrivait le nom sans peine ; s'il était le faux, il s'arrêtait court au beau milieu sans pouvoir l'achever ; nous avons vu cette personne avoir les communications les plus ridicules de la part d'Esprits qui signaient un nom d'emprunt avec un aplomb parfait. D'autres personnes pensent qu'un moyen efficace c'est de faire confesser Jésus en chair, ou autres vérités de la religion. Eh bien ! nous déclarons que, si quelques Esprits, un peu plus scrupuleux, sont arrêtés par l'idée d'un parjure ou d'une profanation, il en est qui jurent tout ce qu'on veut, qui signent tous les noms, qui se rient de tout, et bravent la présence des signes les plus vénérés, d'où nous concluons que, parmi ce qu'on peut appeler des procédés, il n'est aucune formule, aucun expédient matériel qui puisse servir de préservatif efficace.
En ce cas, dira-t-on, il n'y a qu'une chose à faire, c'est de cesser d'écrire. Ce moyen ne serait pas meilleur ; loin de là, il serait pire dans beaucoup de cas. Nous l'avons dit, et nous ne saurions trop le répéter, l'action des Esprits sur nous est incessante, et elle n'en est pas moins réelle, parce qu'elle est occulte. Si elle doit être mauvaise, elle sera plus pernicieuse encore par cela même que l'ennemi sera caché ; par les communications écrites, il se révèle, se démasque, on sait à qui l'on a affaire, et on peut le combattre. - Mais s'il n'y a aucun moyen de l'évincer, que faire alors ? - Nous n'avons pas dit qu'il n'y eût aucun moyen, mais seulement que la plupart de ceux que l'on emploie sont impuissants ; c'est la thèse que nous nous proposons de développer.
Il ne faut pas perdre de vue que les Esprits constituent tout un monde, toute une population qui remplit l'espace, qui circule à nos côtés, qui se mêle à tout ce que nous faisons. Si le voile qui nous les dérobe venait à se lever, nous les verrions, autour de nous, aller, venir, nous suivre ou nous éviter selon le degré de leur sympathie ; les uns indifférents, véritables flâneurs du monde occulte, les autres très occupés, soit d'eux-mêmes, soit des hommes auxquels ils s'attachent, dans un but plus ou moins louable, selon les qualités qui les distinguent. Nous verrions en un mot la doublure du genre humain avec ses bonnes et ses mauvaises qualités, ses vertus et ses vices. Cet entourage, auquel nous ne pouvons échapper, car il n'est pas d'endroit si caché qu'il soit inaccessible aux Esprits, exerce sur nous et à notre insu une influence permanente ; les uns nous poussent au bien, les autres au mal, et nos déterminations sont bien souvent le résultat de leurs suggestions ; heureux quand on a assez de jugement pour discerner la bonne ou la mauvaise voie dans laquelle ils cherchent à nous entraîner. Puisque les Esprits ne sont autre chose que les hommes mêmes dépouillés de leur grossière enveloppe, que les âmes qui survivent au corps, il en résulte qu'il y a des Esprits depuis qu'il y a des êtres humains dans l'univers ; c'est une des puissances de la nature, et ils n'ont pas attendu qu'il y eût des médiums écrivains pour agir, et la preuve en est, c'est que, de tout temps, les hommes ont commis des inconséquences ; voilà pourquoi nous disons que leur influence est indépendante de la faculté d'écrire ; cette faculté est un moyen de connaître cette influence, de savoir quels sont ceux qui rôdent autour de nous, qui s'attachent à nous. Croire qu'on peut s'y soustraire en s'abstenant d'écrire, c'est faire comme les enfants qui croient échapper à un danger en se bouchant les yeux. L'écriture, en nous révélant ceux que nous avons pour acolytes, pour amis ou pour ennemis, nous donne par cela même une arme pour combattre ces derniers, et nous devons en remercier Dieu ; à défaut de la vue pour reconnaître les Esprits, nous avons les communications écrites ; par là, ils révèlent ce qu'ils sont ; c'est pour nous un sens qui nous permet de les juger ; le repousser, c'est se complaire à rester aveugle, et vouloir demeurer exposé à la tromperie sans contrôle.
L'immixtion des mauvais Esprits dans les communications écrites n'est donc pas un danger du Spiritisme, puisque, s'il y danger, le danger existe sans cela, et qu'il est permanent ; voilà ce dont on ne saurait trop se persuader : c'est simplement une difficulté, mais dont il est aisé de triompher si l'on s'y prend convenablement.
On peut d'abord poser en principe que les mauvais Esprits ne vont que là où quelque chose les attire ; donc, quand ils se mêlent aux communications, c'est qu'ils trouvent des sympathies dans le milieu où ils se présentent, ou tout au moins des côtés faibles dont ils espèrent profiter ; en tout état de cause, c'est qu'ils ne trouvent pas une force morale suffisante pour les repousser. Parmi les causes qui les attirent, il faut placer en première ligne les imperfections morales de toute nature, parce que le mal sympathise toujours avec le mal ; en second lieu, la trop grande confiance avec laquelle on accueille leurs paroles. Lorsqu'une communication accuse une mauvaise origine, il serait illogique d'en inférer une parité nécessaire entre l'Esprit et les évocateurs ; on voit souvent les personnes les plus honorables exposées aux fourberies des Esprits trompeurs, comme on voit dans le monde des honnêtes gens trompés par des fripons ; mais lorsqu'on se tient sur ses gardes, les fripons n'ont que faire ; c'est ce qui arrive aussi avec les Esprits. Lorsqu'une personne honnête est trompée par eux, cela peut tenir à deux causes : la première est une confiance trop absolue qui la dissuade de tout examen ; la seconde, que les meilleures qualités n'excluent pas certains côtés faibles qui donnent prise aux mauvais Esprits, ardents à saisir les moindres défauts de cuirasse. Nous ne parlons pas de l'orgueil et de l'ambition, qui sont plus que des travers, mais d'une certaine faiblesse de caractère, et surtout des préjugés que ces Esprits savent habilement exploiter en les flattant, et, à cet égard, ils prennent tous les masques pour inspirer plus de confiance.
Les communications franchement grossières sont les moins dangereuses, parce qu'elles ne peuvent tromper personne ; celles qui le sont le plus sont celles qui n'ont qu'un faux-semblant de sagesse ou de gravité, en un mot, celles des Esprits hypocrites et des faux savants ; les uns peuvent se tromper de bonne foi, par ignorance ou par fatuité, les autres n'agissent que par astuce. Voyons donc le moyen de s'en débarrasser.
La première chose est d'abord de ne pas les attirer, et d'éviter tout ce qui peut leur donner accès.
Les dispositions morales sont, comme nous l'avons vu, une cause prépondérante ; mais, abstraction faite de cette cause, le mode employé n'est pas sans influence. Il y a des personnes qui ont pour principe de ne jamais faire d'évocations et d'attendre la première communication spontanée qui se présente sous le crayon du médium ; or, si l'on veut bien se rappeler ce que nous avons dit sur la foule très mélangée des Esprits qui nous entourent, on concevra sans peine que c'est se mettre à la discrétion du premier venu, bon ou mauvais ; et comme dans cette foule il y en a plus de mauvais que de bons, il y a plus de chance d'en avoir de mauvais, absolument comme si vous ouvrez votre porte à tous les passants de la rue ; tandis que par l'évocation vous faites votre choix, et en vous entourant de bons Esprits, vous imposez silence aux mauvais, qui pourront bien, malgré cela, chercher quelquefois à se faufiler, - les bons même le permettront pour exercer votre sagacité à les reconnaître, - mais ils seront sans influence. Les communications spontanées ont une grande utilité quand on est certain de la qualité de son entourage, alors on a souvent à se féliciter de l'initiative laissée aux Esprits ; l'inconvénient n'est que dans le système absolu qui consiste à s'abstenir de l'appel direct et des questions.
Parmi les causes qui influent puissamment sur la qualité des Esprits qui fréquentent les cercles spirites, il ne faut pas omettre la nature des choses dont on s'occupe. Ceux qui se proposent un but sérieux et utile attirent par cela même les Esprits sérieux ; ceux qui n'ont en vue que de satisfaire une vaine curiosité ou leurs intérêts personnels, s'exposent tout au moins à des mystifications, s'ils n'ont pas pis. En résumé, on peut tirer des communications spirites les enseignements les plus sublimes, les plus utiles, lorsqu'on sait les diriger ; toute la question est de ne pas se laisser prendre aux ruses des Esprits moqueurs ou malveillants ; or, pour cela, l'essentiel est de savoir à qui l'on a affaire. Ecoutons d'abord à ce sujet les conseils que l'Esprit de saint Louis donnait à la Société parisienne des études Spirites par l'entremise de M. R... un de ses bons médiums. Ceci est une communication spontanée qu'il reçut un jour chez lui, avec mission de la lui transmettre.
« Quelle que soit la confiance légitime que vous inspirent les Esprits qui président à vos travaux, il est une recommandation que nous ne saurions trop répéter, et que vous devriez toujours avoir présente à la pensée quand vous vous livrez à vos études : c'est de peser et mûrir, c'est de soumettre au contrôle, de la raison la plus sévère toutes les communications que vous recevez ; de ne pas négliger, dès qu'une réponse vous paraît douteuse ou obscure, de demander les éclaircissements nécessaires pour vous fixer.
« Vous savez que la révélation a existé dès les temps les plus reculés, mais elle a toujours été appropriée au degré d'avancement de ceux qui la recevaient. Aujourd'hui, il n'est plus question de vous parler par figures et par paraboles : vous devez recevoir nos enseignements d'une manière claire, précise, et sans ambiguïté. Mais il serait trop commode de n'avoir qu'à questionner pour être éclairés ; ce serait d'ailleurs sortir des lois progressives qui président à l'avancement universel. Ne soyez donc pas étonnés si, pour vous laisser le mérite du choix et du travail, et aussi pour vous punir des infractions que vous pouvez commettre contre nos conseils, il est quelquefois permis à certains Esprits, ignorants plus que malintentionnés, de répondre dans quelques cas à vos questions. Ceci, au lieu d'être pour vous une cause de découragement, doit être un puissant excitant à rechercher le vrai avec ardeur. Soyez donc bien convaincus qu'en suivant cette route vous ne pouvez manquer d'arriver à des résultats heureux. Soyez unis de coeur et d'intention ; travaillez tous ; cherchez, cherchez toujours, et vous trouverez. »
Louis.
Le langage des Esprits sérieux et bons a un cachet auquel il est impossible de se méprendre pour peu qu'on ait du tact, du jugement et l'habitude de l'observation. Les mauvais Esprits, de quelque voile hypocrite qu'ils couvrent leurs turpitudes, ne peuvent jamais soutenir leur rôle indéfiniment ; ils montrent toujours le bout de l'oreille par quelque coin, autrement, si leur langage était sans tache, ils seraient de bons Esprits. Le langage des Esprits est donc le véritable critérium par lequel nous pouvons les juger ; le langage étant l'expression de la pensée, a toujours un reflet des qualités bonnes ou mauvaises de l'individu. N'est-ce pas aussi par le langage que nous jugeons les hommes que nous ne connaissons pas ? Si vous recevez vingt lettres de vingt personnes que vous n'avez jamais vues, est-ce qu'en les lisant vous ne serez pas impressionné diversement ? Est-ce que, par les qualités du style, par le choix des expressions, par la nature des pensées, par certains détails de forme même, vous ne reconnaîtrez pas, dans celui qui vous écrit, un homme bien élevé d'un rustre, un savant d'un ignorant, un orgueilleux d'un homme modeste ? Il en est absolument de même des Esprits. Supposez que ce soient des hommes qui vous écrivent, et jugez-les de la même manière ; jugez-les sévèrement, les bons Esprits ne s'offensent nullement de cette investigation scrupuleuse, puisque ce sont eux-mêmes qui nous la recommandent comme moyen de contrôle. Nous savons que nous pouvons être trompés, donc notre premier sentiment doit être celui de la défiance ; les mauvais Esprits qui cherchent à nous induire en erreur peuvent seuls redouter l'examen, car ceux-là, loin de le provoquer, veulent être crus sur parole.
De ce principe découle tout naturellement et tout logiquement le moyen le plus efficace d'écarter les mauvais Esprits, et de se prémunir contre leurs fourberies. L'homme qui n'est pas écouté cesse de parler ; celui qui voit constamment ses ruses découvertes va les porter ailleurs ; le fripon qui sait qu'on est sur le qui-vive ne fait pas de tentatives inutiles. De même les Esprits trompeurs quittent la partie là où ils voient qu'ils n'ont rien à faire, et où ils ne trouvent que des gens sur leurs gardes qui rejettent tout ce qui leur paraît suspect.
Il nous reste, pour terminer, à passer en revue les principaux caractères qui décèlent l'origine des communications spirites.
1. Les Esprits supérieurs ont, comme nous l'avons dit en maintes circonstances, un langage toujours digne, noble, élevé, sans mélange d'aucune trivialité ; ils disent tout avec simplicité et modestie, ne se vantent jamais, ne font jamais parade de leur savoir ni de leur position parmi les autres. Celui des Esprits inférieurs ou vulgaires a toujours quelque reflet des passions humaines ; toute expression qui sent la bassesse, la suffisance, l'arrogance, la forfanterie, l'acrimonie, est un indice caractéristique d'infériorité, ou de supercherie si l'Esprit se présente sous un nom respectable et vénéré.
2. Les bons Esprits ne disent que ce qu'ils savent ; ils se taisent ou confessent leur ignorance sur ce qu'ils ne savent pas. Les mauvais parlent de tout avec assurance, sans se soucier de la vérité. Toute hérésie scientifique notoire, tout principe qui choque la raison et le bon sens, montre la fraude si l'Esprit se donne pour un Esprit éclairé.
3. Le langage des Esprits élevés est toujours identique, sinon pour la forme, du moins pour le fond. Les pensées sont les mêmes, quels que soient le temps et le lieu ; elles peuvent être plus ou moins développées selon les circonstances, les besoins et les facilités de communiquer, mais elles ne seront pas contradictoires. Si deux communications portant le même nom sont en opposition l'une avec l'autre, l'une des deux est évidemment apocryphe, et la véritable sera celle où RIEN ne dément le caractère connu du personnage. Une communication porte-t-elle de tout point le caractère de la sublimité et de l'élévation, sans aucune tache, c'est qu'elle émane d'un Esprit élevé, quel que soit son nom ; renferme-t-elle un mélange de bon et de mauvais, c'est d'un Esprit ordinaire, s'il se donne pour ce qu'il est ; d'un fourbe, s'il se pare d'un nom qu'il ne sait pas justifier.
4. Les bons Esprits ne commandent jamais ; ils ne s'imposent pas : ils conseillent, et si on ne les écoute pas, ils se retirent. Les mauvais sont impérieux : ils donnent des ordres, et veulent être obéis. Tout Esprit qui s'impose trahit son origine.
5. Les bons Esprits ne flattent point ; ils approuvent quand on fait bien, mais toujours avec réserve ; les mauvais donnent des éloges exagérés, stimulent l'orgueil et la vanité tout en prêchant l'humilité, et cherchent à exalter l'importance personnelle de ceux qu'ils veulent capter.
6. Les Esprits supérieurs sont au-dessus des puérilités de la forme en toutes choses ; pour eux la pensée est tout, la forme n'est rien. Les Esprits vulgaires seuls peuvent attacher de l'importance à certains détails incompatibles avec des idées véritablement élevées. Toute prescription méticuleuse est un signe certain d'infériorité et de supercherie de la part d'un Esprit qui prend un nom imposant.
7. Il faut se défier des noms bizarres et ridicules que prennent certains Esprits qui veulent imposer à la crédulité ; il serait souverainement absurde de prendre ces noms au sérieux.
8. Il faut également se défier de ceux qui se présentent trop facilement sous des noms extrêmement vénérés, et n'accepter leurs paroles qu'avec la plus grande réserve ; c'est là surtout qu'un contrôle sévère est indispensable, car c'est souvent un masque qu'ils prennent pour faire croire à de prétendues relations intimes avec des Esprits hors ligne. Par ce moyen ils flattent la vanité, et en profitent pour induire souvent à des démarches regrettables ou ridicules.
9. Les bons Esprits sont très scrupuleux sur les démarches qu'ils peuvent conseiller ; elles n'ont jamais, dans tous les cas, qu'un but sérieux et éminemment utile. On doit donc regarder comme suspectes toutes celles qui n'auraient pas ce caractère, et mûrement réfléchir avant de les entreprendre.
10. Les bons Esprits ne prescrivent que le bien. Toute maxime, tout conseil qui n'est pas strictement conforme à la pure charité évangélique ne peut être l'oeuvre de bons Esprits ; il en est de même de toute insinuation malveillante tendant à exciter ou à entretenir des sentiments de haine, de jalousie ou d'égoïsme.
11. Les bons esprits ne conseillent jamais que des choses parfaitement rationnelles ; toute recommandation qui s'écarterait de la droite ligne du bon sens ou des lois immuables de la nature accuse un Esprit borné et encore sous l'influence des préjugés terrestres, et par conséquent peu digne de confiance.
12. Les Esprits mauvais, ou simplement imparfaits, se trahissent encore par des signes matériels auxquels on ne saurait se méprendre. Leur action sur le médium est quelquefois violente, et provoque dans son écriture des mouvements brusques et saccadés, une agitation fébrile et convulsive qui tranche avec le calme et la douceur des bons Esprits.
13. Un autre signe de leur présence, est l'obsession. Les bons Esprits n'obsèdent jamais ; les mauvais s'imposent à tous les instants ; c'est pourquoi tout médium doit se défier du besoin irrésistible d'écrire qui s'empare de lui dans les moments les plus inopportuns. Ce n'est jamais le fait d'un bon Esprit, et il ne doit pas y céder.
14. Parmi les Esprits imparfaits qui se mêlent aux communications, il en est qui se glissent pour ainsi dire furtivement, comme pour faire une espièglerie, mais qui se retirent aussi facilement qu'ils sont venus, et cela à la première sommation ; d'autres, au contraire, sont tenaces, s'acharnent après un individu, et ne cèdent qu'à la contrainte et à la persistance ; ils s'emparent de lui, le subjuguent, le fascinent au point de lui faire prendre les plus grossières absurdités pour des choses admirables, heureux quand des personnes de sang froid parviennent à lui dessiller les yeux, ce qui n'est pas toujours facile, car ces Esprits ont l'art d'inspirer de la défiance et de l'éloignement pour quiconque peut les démasquer ; d'où il suit que l'on doit tenir pour suspect d'infériorité ou de mauvaise intention tout Esprit qui prescrit l'isolement, et l'éloignement de quiconque peut donner de bons conseils. L'amour-propre vient à leur aide, car il en coûte souvent d'avouer qu'on a été dupe d'une mystification, et de reconnaître un fourbe en celui sous le patronage duquel on se faisait gloire de se placer. Cette action de l'Esprit est indépendante de la faculté d'écrire ; à défaut de l'écriture, l'Esprit malveillant a cent moyens d'agir et de circonvenir ; l'écriture est pour lui un moyen de persuasion, mais ce n'est pas une cause ; pour le médium, c'est un moyen de s'éclairer.
En passant toutes les communications spirites au contrôle des considérations précédentes, on en reconnaîtra facilement l'origine, et l'on pourra déjouer la malice des Esprits trompeurs qui ne s'adressent qu'à ceux qui se laissent bénévolement tromper ; s'ils voient qu'on se met à genoux devant leurs paroles, ils en profitent, comme feraient de simples mortels ; c'est donc à nous de leur prouver qu'ils perdent leur temps. Ajoutons que, pour cela, la prière est d'un puissant secours ; par elle on appelle à soi l'assistance de Dieu et des bons Esprits, on augmente sa propre force ; mais on connaît le précepte : Aide-toi, le ciel t'aidera ; Dieu veut bien nous assister, mais à la condition que nous fassions de notre côté ce qui est nécessaire.
Au précepte ajoutons un exemple. Un monsieur, que je ne connaissais pas, vint un jour me voir, et me dit qu'il était médium ; qu'il recevait des communications d'un Esprit très élevé qui l'avait chargé de venir auprès de moi me faire une révélation au sujet d'une trame qui, selon lui, s'ourdissait contre moi, de la part d'ennemis secrets qu'il désigna. « Voulez-vous, ajouta-t-il, que j'écrive en votre présence ? Volontiers, répondis-je ; mais je dois vous dire, tout d'abord, que ces ennemis sont moins à craindre que vous ne croyez. Je sais que j'en ai ; qui est-ce qui n'en à pas ? et les plus acharnés sont souvent ceux à qui on a fait le plus de bien. J'ai pour moi la conscience de n'avoir fait volontairement de mal à personne ; ceux qui m'en feront ne pourront pas en dire autant, et Dieu sera juge entre nous. Voyons toutefois l'avis que votre Esprit veut bien me donner. » Là-dessus ce monsieur écrivit ce qui suit :
« J'ai ordonné à C... (le nom du monsieur) qui est le flambeau de la lumière des bons Esprits, et qui a reçu d'eux la mission de la répandre parmi ses frères, de se rendre chez Allan Kardec qui devra croire aveuglément ce que je lui dirai, parce que je suis au nombre des élus préposés par Dieu pour veiller au salut des hommes, et que je viens lui annoncer la vérité... »
En voilà assez, lui dis-je, ne prenez pas la peine de poursuivre. Cet exorde suffit pour me montrer à quel Esprit vous avez affaire ; je n'ajouterai qu'un mot, c'est que pour un Esprit qui veut faire le rusé, il est bien maladroit.
Ce monsieur parut assez scandalisé du peu de cas que je faisais de son Esprit, qu'il avait la bonté de prendre pour quelque archange, ou tout au moins pour quelque saint du premier ordre, venu tout exprès pour lui. « Mais, lui dis-je, cet Esprit montre le bout de l'oreille par chacun des mots qu'il vient d'écrire, et il faut convenir qu'il sait bien peu cacher son jeu. D'abord il vous ordonne : donc il veut vous tenir sous sa dépendance, ce qui est le propre des Esprits obsesseurs ; il vous appelle le flambeau de la lumière des bons esprits, langage passablement emphatique et amphigourique, bien loin de la simplicité qui caractérise celui des bons Esprits, et par là il flatte votre orgueil, exalte votre importance, ce qui seul suffirait pour le rendre suspect. Il se place sans façon au nombre des élus préposés par Dieu : jactance indigne d'un Esprit véritablement supérieur. Enfin il me dit que je dois le croire aveuglément ; ceci couronne l'oeuvre. C'est bien là le style de ces Esprits menteurs qui veulent qu'on les croie sur parole, parce qu'ils savent qu'ils ont tout à perdre à un examen sérieux. Avec un peu plus de perspicacité, il aurait dû savoir que je ne me paie pas de belles paroles, et qu'il s'adressait mal en me prescrivant une confiance aveugle. D'où je conclus que vous êtes le jouet d'un Esprit qui vous mystifie et abuse de votre bonne foi. Je vous engage à y faire sérieusement attention, parce que, si vous n'y prenez garde, il pourra vous jouer quelque tour de sa façon. »
Je ne sais si ce monsieur a profité de l'avertissement, car je ne l'ai jamais revu, non plus que son Esprit. Je n'en finirais pas si je racontais toutes les communications de ce genre qu'on est venu me soumettre, quelquefois très sérieusement, comme émanant des plus grands saints, de la vierge Marie, et même du Christ, et il était vraiment curieux de voir les turpitudes qui se débitaient sous ces noms vénérés ; il faut être aveugle pour se méprendre sur leur origine, alors que souvent un seul mot équivoque, une seule pensée contradictoire, suffisent pour faire découvrir la supercherie à quiconque se donne la peine de réfléchir. Comme exemples remarquables à l'appui, nous engageons nos lecteurs à vouloir bien se reporter aux articles publiés dans les n° de la Revue spirite des mois de juillet et d'octobre 1858.
En ce cas, dira-t-on, il n'y a qu'une chose à faire, c'est de cesser d'écrire. Ce moyen ne serait pas meilleur ; loin de là, il serait pire dans beaucoup de cas. Nous l'avons dit, et nous ne saurions trop le répéter, l'action des Esprits sur nous est incessante, et elle n'en est pas moins réelle, parce qu'elle est occulte. Si elle doit être mauvaise, elle sera plus pernicieuse encore par cela même que l'ennemi sera caché ; par les communications écrites, il se révèle, se démasque, on sait à qui l'on a affaire, et on peut le combattre. - Mais s'il n'y a aucun moyen de l'évincer, que faire alors ? - Nous n'avons pas dit qu'il n'y eût aucun moyen, mais seulement que la plupart de ceux que l'on emploie sont impuissants ; c'est la thèse que nous nous proposons de développer.
Il ne faut pas perdre de vue que les Esprits constituent tout un monde, toute une population qui remplit l'espace, qui circule à nos côtés, qui se mêle à tout ce que nous faisons. Si le voile qui nous les dérobe venait à se lever, nous les verrions, autour de nous, aller, venir, nous suivre ou nous éviter selon le degré de leur sympathie ; les uns indifférents, véritables flâneurs du monde occulte, les autres très occupés, soit d'eux-mêmes, soit des hommes auxquels ils s'attachent, dans un but plus ou moins louable, selon les qualités qui les distinguent. Nous verrions en un mot la doublure du genre humain avec ses bonnes et ses mauvaises qualités, ses vertus et ses vices. Cet entourage, auquel nous ne pouvons échapper, car il n'est pas d'endroit si caché qu'il soit inaccessible aux Esprits, exerce sur nous et à notre insu une influence permanente ; les uns nous poussent au bien, les autres au mal, et nos déterminations sont bien souvent le résultat de leurs suggestions ; heureux quand on a assez de jugement pour discerner la bonne ou la mauvaise voie dans laquelle ils cherchent à nous entraîner. Puisque les Esprits ne sont autre chose que les hommes mêmes dépouillés de leur grossière enveloppe, que les âmes qui survivent au corps, il en résulte qu'il y a des Esprits depuis qu'il y a des êtres humains dans l'univers ; c'est une des puissances de la nature, et ils n'ont pas attendu qu'il y eût des médiums écrivains pour agir, et la preuve en est, c'est que, de tout temps, les hommes ont commis des inconséquences ; voilà pourquoi nous disons que leur influence est indépendante de la faculté d'écrire ; cette faculté est un moyen de connaître cette influence, de savoir quels sont ceux qui rôdent autour de nous, qui s'attachent à nous. Croire qu'on peut s'y soustraire en s'abstenant d'écrire, c'est faire comme les enfants qui croient échapper à un danger en se bouchant les yeux. L'écriture, en nous révélant ceux que nous avons pour acolytes, pour amis ou pour ennemis, nous donne par cela même une arme pour combattre ces derniers, et nous devons en remercier Dieu ; à défaut de la vue pour reconnaître les Esprits, nous avons les communications écrites ; par là, ils révèlent ce qu'ils sont ; c'est pour nous un sens qui nous permet de les juger ; le repousser, c'est se complaire à rester aveugle, et vouloir demeurer exposé à la tromperie sans contrôle.
L'immixtion des mauvais Esprits dans les communications écrites n'est donc pas un danger du Spiritisme, puisque, s'il y danger, le danger existe sans cela, et qu'il est permanent ; voilà ce dont on ne saurait trop se persuader : c'est simplement une difficulté, mais dont il est aisé de triompher si l'on s'y prend convenablement.
On peut d'abord poser en principe que les mauvais Esprits ne vont que là où quelque chose les attire ; donc, quand ils se mêlent aux communications, c'est qu'ils trouvent des sympathies dans le milieu où ils se présentent, ou tout au moins des côtés faibles dont ils espèrent profiter ; en tout état de cause, c'est qu'ils ne trouvent pas une force morale suffisante pour les repousser. Parmi les causes qui les attirent, il faut placer en première ligne les imperfections morales de toute nature, parce que le mal sympathise toujours avec le mal ; en second lieu, la trop grande confiance avec laquelle on accueille leurs paroles. Lorsqu'une communication accuse une mauvaise origine, il serait illogique d'en inférer une parité nécessaire entre l'Esprit et les évocateurs ; on voit souvent les personnes les plus honorables exposées aux fourberies des Esprits trompeurs, comme on voit dans le monde des honnêtes gens trompés par des fripons ; mais lorsqu'on se tient sur ses gardes, les fripons n'ont que faire ; c'est ce qui arrive aussi avec les Esprits. Lorsqu'une personne honnête est trompée par eux, cela peut tenir à deux causes : la première est une confiance trop absolue qui la dissuade de tout examen ; la seconde, que les meilleures qualités n'excluent pas certains côtés faibles qui donnent prise aux mauvais Esprits, ardents à saisir les moindres défauts de cuirasse. Nous ne parlons pas de l'orgueil et de l'ambition, qui sont plus que des travers, mais d'une certaine faiblesse de caractère, et surtout des préjugés que ces Esprits savent habilement exploiter en les flattant, et, à cet égard, ils prennent tous les masques pour inspirer plus de confiance.
Les communications franchement grossières sont les moins dangereuses, parce qu'elles ne peuvent tromper personne ; celles qui le sont le plus sont celles qui n'ont qu'un faux-semblant de sagesse ou de gravité, en un mot, celles des Esprits hypocrites et des faux savants ; les uns peuvent se tromper de bonne foi, par ignorance ou par fatuité, les autres n'agissent que par astuce. Voyons donc le moyen de s'en débarrasser.
La première chose est d'abord de ne pas les attirer, et d'éviter tout ce qui peut leur donner accès.
Les dispositions morales sont, comme nous l'avons vu, une cause prépondérante ; mais, abstraction faite de cette cause, le mode employé n'est pas sans influence. Il y a des personnes qui ont pour principe de ne jamais faire d'évocations et d'attendre la première communication spontanée qui se présente sous le crayon du médium ; or, si l'on veut bien se rappeler ce que nous avons dit sur la foule très mélangée des Esprits qui nous entourent, on concevra sans peine que c'est se mettre à la discrétion du premier venu, bon ou mauvais ; et comme dans cette foule il y en a plus de mauvais que de bons, il y a plus de chance d'en avoir de mauvais, absolument comme si vous ouvrez votre porte à tous les passants de la rue ; tandis que par l'évocation vous faites votre choix, et en vous entourant de bons Esprits, vous imposez silence aux mauvais, qui pourront bien, malgré cela, chercher quelquefois à se faufiler, - les bons même le permettront pour exercer votre sagacité à les reconnaître, - mais ils seront sans influence. Les communications spontanées ont une grande utilité quand on est certain de la qualité de son entourage, alors on a souvent à se féliciter de l'initiative laissée aux Esprits ; l'inconvénient n'est que dans le système absolu qui consiste à s'abstenir de l'appel direct et des questions.
Parmi les causes qui influent puissamment sur la qualité des Esprits qui fréquentent les cercles spirites, il ne faut pas omettre la nature des choses dont on s'occupe. Ceux qui se proposent un but sérieux et utile attirent par cela même les Esprits sérieux ; ceux qui n'ont en vue que de satisfaire une vaine curiosité ou leurs intérêts personnels, s'exposent tout au moins à des mystifications, s'ils n'ont pas pis. En résumé, on peut tirer des communications spirites les enseignements les plus sublimes, les plus utiles, lorsqu'on sait les diriger ; toute la question est de ne pas se laisser prendre aux ruses des Esprits moqueurs ou malveillants ; or, pour cela, l'essentiel est de savoir à qui l'on a affaire. Ecoutons d'abord à ce sujet les conseils que l'Esprit de saint Louis donnait à la Société parisienne des études Spirites par l'entremise de M. R... un de ses bons médiums. Ceci est une communication spontanée qu'il reçut un jour chez lui, avec mission de la lui transmettre.
« Quelle que soit la confiance légitime que vous inspirent les Esprits qui président à vos travaux, il est une recommandation que nous ne saurions trop répéter, et que vous devriez toujours avoir présente à la pensée quand vous vous livrez à vos études : c'est de peser et mûrir, c'est de soumettre au contrôle, de la raison la plus sévère toutes les communications que vous recevez ; de ne pas négliger, dès qu'une réponse vous paraît douteuse ou obscure, de demander les éclaircissements nécessaires pour vous fixer.
« Vous savez que la révélation a existé dès les temps les plus reculés, mais elle a toujours été appropriée au degré d'avancement de ceux qui la recevaient. Aujourd'hui, il n'est plus question de vous parler par figures et par paraboles : vous devez recevoir nos enseignements d'une manière claire, précise, et sans ambiguïté. Mais il serait trop commode de n'avoir qu'à questionner pour être éclairés ; ce serait d'ailleurs sortir des lois progressives qui président à l'avancement universel. Ne soyez donc pas étonnés si, pour vous laisser le mérite du choix et du travail, et aussi pour vous punir des infractions que vous pouvez commettre contre nos conseils, il est quelquefois permis à certains Esprits, ignorants plus que malintentionnés, de répondre dans quelques cas à vos questions. Ceci, au lieu d'être pour vous une cause de découragement, doit être un puissant excitant à rechercher le vrai avec ardeur. Soyez donc bien convaincus qu'en suivant cette route vous ne pouvez manquer d'arriver à des résultats heureux. Soyez unis de coeur et d'intention ; travaillez tous ; cherchez, cherchez toujours, et vous trouverez. »
Louis.
Le langage des Esprits sérieux et bons a un cachet auquel il est impossible de se méprendre pour peu qu'on ait du tact, du jugement et l'habitude de l'observation. Les mauvais Esprits, de quelque voile hypocrite qu'ils couvrent leurs turpitudes, ne peuvent jamais soutenir leur rôle indéfiniment ; ils montrent toujours le bout de l'oreille par quelque coin, autrement, si leur langage était sans tache, ils seraient de bons Esprits. Le langage des Esprits est donc le véritable critérium par lequel nous pouvons les juger ; le langage étant l'expression de la pensée, a toujours un reflet des qualités bonnes ou mauvaises de l'individu. N'est-ce pas aussi par le langage que nous jugeons les hommes que nous ne connaissons pas ? Si vous recevez vingt lettres de vingt personnes que vous n'avez jamais vues, est-ce qu'en les lisant vous ne serez pas impressionné diversement ? Est-ce que, par les qualités du style, par le choix des expressions, par la nature des pensées, par certains détails de forme même, vous ne reconnaîtrez pas, dans celui qui vous écrit, un homme bien élevé d'un rustre, un savant d'un ignorant, un orgueilleux d'un homme modeste ? Il en est absolument de même des Esprits. Supposez que ce soient des hommes qui vous écrivent, et jugez-les de la même manière ; jugez-les sévèrement, les bons Esprits ne s'offensent nullement de cette investigation scrupuleuse, puisque ce sont eux-mêmes qui nous la recommandent comme moyen de contrôle. Nous savons que nous pouvons être trompés, donc notre premier sentiment doit être celui de la défiance ; les mauvais Esprits qui cherchent à nous induire en erreur peuvent seuls redouter l'examen, car ceux-là, loin de le provoquer, veulent être crus sur parole.
De ce principe découle tout naturellement et tout logiquement le moyen le plus efficace d'écarter les mauvais Esprits, et de se prémunir contre leurs fourberies. L'homme qui n'est pas écouté cesse de parler ; celui qui voit constamment ses ruses découvertes va les porter ailleurs ; le fripon qui sait qu'on est sur le qui-vive ne fait pas de tentatives inutiles. De même les Esprits trompeurs quittent la partie là où ils voient qu'ils n'ont rien à faire, et où ils ne trouvent que des gens sur leurs gardes qui rejettent tout ce qui leur paraît suspect.
Il nous reste, pour terminer, à passer en revue les principaux caractères qui décèlent l'origine des communications spirites.
1. Les Esprits supérieurs ont, comme nous l'avons dit en maintes circonstances, un langage toujours digne, noble, élevé, sans mélange d'aucune trivialité ; ils disent tout avec simplicité et modestie, ne se vantent jamais, ne font jamais parade de leur savoir ni de leur position parmi les autres. Celui des Esprits inférieurs ou vulgaires a toujours quelque reflet des passions humaines ; toute expression qui sent la bassesse, la suffisance, l'arrogance, la forfanterie, l'acrimonie, est un indice caractéristique d'infériorité, ou de supercherie si l'Esprit se présente sous un nom respectable et vénéré.
2. Les bons Esprits ne disent que ce qu'ils savent ; ils se taisent ou confessent leur ignorance sur ce qu'ils ne savent pas. Les mauvais parlent de tout avec assurance, sans se soucier de la vérité. Toute hérésie scientifique notoire, tout principe qui choque la raison et le bon sens, montre la fraude si l'Esprit se donne pour un Esprit éclairé.
3. Le langage des Esprits élevés est toujours identique, sinon pour la forme, du moins pour le fond. Les pensées sont les mêmes, quels que soient le temps et le lieu ; elles peuvent être plus ou moins développées selon les circonstances, les besoins et les facilités de communiquer, mais elles ne seront pas contradictoires. Si deux communications portant le même nom sont en opposition l'une avec l'autre, l'une des deux est évidemment apocryphe, et la véritable sera celle où RIEN ne dément le caractère connu du personnage. Une communication porte-t-elle de tout point le caractère de la sublimité et de l'élévation, sans aucune tache, c'est qu'elle émane d'un Esprit élevé, quel que soit son nom ; renferme-t-elle un mélange de bon et de mauvais, c'est d'un Esprit ordinaire, s'il se donne pour ce qu'il est ; d'un fourbe, s'il se pare d'un nom qu'il ne sait pas justifier.
4. Les bons Esprits ne commandent jamais ; ils ne s'imposent pas : ils conseillent, et si on ne les écoute pas, ils se retirent. Les mauvais sont impérieux : ils donnent des ordres, et veulent être obéis. Tout Esprit qui s'impose trahit son origine.
5. Les bons Esprits ne flattent point ; ils approuvent quand on fait bien, mais toujours avec réserve ; les mauvais donnent des éloges exagérés, stimulent l'orgueil et la vanité tout en prêchant l'humilité, et cherchent à exalter l'importance personnelle de ceux qu'ils veulent capter.
6. Les Esprits supérieurs sont au-dessus des puérilités de la forme en toutes choses ; pour eux la pensée est tout, la forme n'est rien. Les Esprits vulgaires seuls peuvent attacher de l'importance à certains détails incompatibles avec des idées véritablement élevées. Toute prescription méticuleuse est un signe certain d'infériorité et de supercherie de la part d'un Esprit qui prend un nom imposant.
7. Il faut se défier des noms bizarres et ridicules que prennent certains Esprits qui veulent imposer à la crédulité ; il serait souverainement absurde de prendre ces noms au sérieux.
8. Il faut également se défier de ceux qui se présentent trop facilement sous des noms extrêmement vénérés, et n'accepter leurs paroles qu'avec la plus grande réserve ; c'est là surtout qu'un contrôle sévère est indispensable, car c'est souvent un masque qu'ils prennent pour faire croire à de prétendues relations intimes avec des Esprits hors ligne. Par ce moyen ils flattent la vanité, et en profitent pour induire souvent à des démarches regrettables ou ridicules.
9. Les bons Esprits sont très scrupuleux sur les démarches qu'ils peuvent conseiller ; elles n'ont jamais, dans tous les cas, qu'un but sérieux et éminemment utile. On doit donc regarder comme suspectes toutes celles qui n'auraient pas ce caractère, et mûrement réfléchir avant de les entreprendre.
10. Les bons Esprits ne prescrivent que le bien. Toute maxime, tout conseil qui n'est pas strictement conforme à la pure charité évangélique ne peut être l'oeuvre de bons Esprits ; il en est de même de toute insinuation malveillante tendant à exciter ou à entretenir des sentiments de haine, de jalousie ou d'égoïsme.
11. Les bons esprits ne conseillent jamais que des choses parfaitement rationnelles ; toute recommandation qui s'écarterait de la droite ligne du bon sens ou des lois immuables de la nature accuse un Esprit borné et encore sous l'influence des préjugés terrestres, et par conséquent peu digne de confiance.
12. Les Esprits mauvais, ou simplement imparfaits, se trahissent encore par des signes matériels auxquels on ne saurait se méprendre. Leur action sur le médium est quelquefois violente, et provoque dans son écriture des mouvements brusques et saccadés, une agitation fébrile et convulsive qui tranche avec le calme et la douceur des bons Esprits.
13. Un autre signe de leur présence, est l'obsession. Les bons Esprits n'obsèdent jamais ; les mauvais s'imposent à tous les instants ; c'est pourquoi tout médium doit se défier du besoin irrésistible d'écrire qui s'empare de lui dans les moments les plus inopportuns. Ce n'est jamais le fait d'un bon Esprit, et il ne doit pas y céder.
14. Parmi les Esprits imparfaits qui se mêlent aux communications, il en est qui se glissent pour ainsi dire furtivement, comme pour faire une espièglerie, mais qui se retirent aussi facilement qu'ils sont venus, et cela à la première sommation ; d'autres, au contraire, sont tenaces, s'acharnent après un individu, et ne cèdent qu'à la contrainte et à la persistance ; ils s'emparent de lui, le subjuguent, le fascinent au point de lui faire prendre les plus grossières absurdités pour des choses admirables, heureux quand des personnes de sang froid parviennent à lui dessiller les yeux, ce qui n'est pas toujours facile, car ces Esprits ont l'art d'inspirer de la défiance et de l'éloignement pour quiconque peut les démasquer ; d'où il suit que l'on doit tenir pour suspect d'infériorité ou de mauvaise intention tout Esprit qui prescrit l'isolement, et l'éloignement de quiconque peut donner de bons conseils. L'amour-propre vient à leur aide, car il en coûte souvent d'avouer qu'on a été dupe d'une mystification, et de reconnaître un fourbe en celui sous le patronage duquel on se faisait gloire de se placer. Cette action de l'Esprit est indépendante de la faculté d'écrire ; à défaut de l'écriture, l'Esprit malveillant a cent moyens d'agir et de circonvenir ; l'écriture est pour lui un moyen de persuasion, mais ce n'est pas une cause ; pour le médium, c'est un moyen de s'éclairer.
En passant toutes les communications spirites au contrôle des considérations précédentes, on en reconnaîtra facilement l'origine, et l'on pourra déjouer la malice des Esprits trompeurs qui ne s'adressent qu'à ceux qui se laissent bénévolement tromper ; s'ils voient qu'on se met à genoux devant leurs paroles, ils en profitent, comme feraient de simples mortels ; c'est donc à nous de leur prouver qu'ils perdent leur temps. Ajoutons que, pour cela, la prière est d'un puissant secours ; par elle on appelle à soi l'assistance de Dieu et des bons Esprits, on augmente sa propre force ; mais on connaît le précepte : Aide-toi, le ciel t'aidera ; Dieu veut bien nous assister, mais à la condition que nous fassions de notre côté ce qui est nécessaire.
Au précepte ajoutons un exemple. Un monsieur, que je ne connaissais pas, vint un jour me voir, et me dit qu'il était médium ; qu'il recevait des communications d'un Esprit très élevé qui l'avait chargé de venir auprès de moi me faire une révélation au sujet d'une trame qui, selon lui, s'ourdissait contre moi, de la part d'ennemis secrets qu'il désigna. « Voulez-vous, ajouta-t-il, que j'écrive en votre présence ? Volontiers, répondis-je ; mais je dois vous dire, tout d'abord, que ces ennemis sont moins à craindre que vous ne croyez. Je sais que j'en ai ; qui est-ce qui n'en à pas ? et les plus acharnés sont souvent ceux à qui on a fait le plus de bien. J'ai pour moi la conscience de n'avoir fait volontairement de mal à personne ; ceux qui m'en feront ne pourront pas en dire autant, et Dieu sera juge entre nous. Voyons toutefois l'avis que votre Esprit veut bien me donner. » Là-dessus ce monsieur écrivit ce qui suit :
« J'ai ordonné à C... (le nom du monsieur) qui est le flambeau de la lumière des bons Esprits, et qui a reçu d'eux la mission de la répandre parmi ses frères, de se rendre chez Allan Kardec qui devra croire aveuglément ce que je lui dirai, parce que je suis au nombre des élus préposés par Dieu pour veiller au salut des hommes, et que je viens lui annoncer la vérité... »
En voilà assez, lui dis-je, ne prenez pas la peine de poursuivre. Cet exorde suffit pour me montrer à quel Esprit vous avez affaire ; je n'ajouterai qu'un mot, c'est que pour un Esprit qui veut faire le rusé, il est bien maladroit.
Ce monsieur parut assez scandalisé du peu de cas que je faisais de son Esprit, qu'il avait la bonté de prendre pour quelque archange, ou tout au moins pour quelque saint du premier ordre, venu tout exprès pour lui. « Mais, lui dis-je, cet Esprit montre le bout de l'oreille par chacun des mots qu'il vient d'écrire, et il faut convenir qu'il sait bien peu cacher son jeu. D'abord il vous ordonne : donc il veut vous tenir sous sa dépendance, ce qui est le propre des Esprits obsesseurs ; il vous appelle le flambeau de la lumière des bons esprits, langage passablement emphatique et amphigourique, bien loin de la simplicité qui caractérise celui des bons Esprits, et par là il flatte votre orgueil, exalte votre importance, ce qui seul suffirait pour le rendre suspect. Il se place sans façon au nombre des élus préposés par Dieu : jactance indigne d'un Esprit véritablement supérieur. Enfin il me dit que je dois le croire aveuglément ; ceci couronne l'oeuvre. C'est bien là le style de ces Esprits menteurs qui veulent qu'on les croie sur parole, parce qu'ils savent qu'ils ont tout à perdre à un examen sérieux. Avec un peu plus de perspicacité, il aurait dû savoir que je ne me paie pas de belles paroles, et qu'il s'adressait mal en me prescrivant une confiance aveugle. D'où je conclus que vous êtes le jouet d'un Esprit qui vous mystifie et abuse de votre bonne foi. Je vous engage à y faire sérieusement attention, parce que, si vous n'y prenez garde, il pourra vous jouer quelque tour de sa façon. »
Je ne sais si ce monsieur a profité de l'avertissement, car je ne l'ai jamais revu, non plus que son Esprit. Je n'en finirais pas si je racontais toutes les communications de ce genre qu'on est venu me soumettre, quelquefois très sérieusement, comme émanant des plus grands saints, de la vierge Marie, et même du Christ, et il était vraiment curieux de voir les turpitudes qui se débitaient sous ces noms vénérés ; il faut être aveugle pour se méprendre sur leur origine, alors que souvent un seul mot équivoque, une seule pensée contradictoire, suffisent pour faire découvrir la supercherie à quiconque se donne la peine de réfléchir. Comme exemples remarquables à l'appui, nous engageons nos lecteurs à vouloir bien se reporter aux articles publiés dans les n° de la Revue spirite des mois de juillet et d'octobre 1858.
Confession de Voltaire
Un de nos correspondants de Boulogne, à propos de l'entretien de Voltaire et de Frédéric, que nous avons publié dans le dernier numéro de la Revue, nous adresse la communication suivante ; nous l'insérons d'autant plus volontiers qu'elle présente un côté éminemment instructif au point de vue spirite. Notre correspondant la fait précéder de quelques réflexions que nos lecteurs nous sauront gré de ne pas omettre.
« Si jamais un homme, plus qu'un autre, en est à subir les châtiments éternels, cet homme est bien Voltaire. Le courroux, la vengeance de Dieu le poursuivront à tout jamais. Voilà ce que nous disent les théologiens de la vieille école.
« Maintenant que disent les maîtres de la théologie moderne ? Il se peut, disent-ils, que vous méconnaissiez l'homme, non moins que le Dieu dont vous parlez ; gardez pour vous vos basses passions de haine et de vengeance et n'en souillez pas votre Dieu. Si Dieu s'inquiète de ce pauvre pécheur, s'il touche à l'insecte, ce sera pour lui enlever son dard, pour ramener à lui une tête exaltée, un coeur égaré. Disons de plus que Dieu, qui sait lire dans les coeurs autrement que vous, trouve du bon là où vous ne trouvez que du mal. S'il a doué cet homme d'un grand génie, c'est pour le bien de la race, non pour son malheur. Qu'importe donc ses premières extravagances, ses allures de franc-coudoyeur chez vous ? Une âme de cette trempe n'en pouvait guère faire d'autres : la médiocrité lui était impossible en quoi que ce fût. Maintenant qu'il s'est orienté, qu'en poulain indompté il a joué des talons et des dents dans sa pâture terrestre, qu'il vienne à Dieu en coursier docile, mais toujours grand, superbe pour le bien autant qu'il l'était pour le mal. Dans l'article qui suit, nous verrons par quels moyens s'est opérée cette transformation ; nous verrons notre étalon des déserts, la crinière encore haute, les narines au vent, faire sa course à travers les espaces de l'univers. C'est que là, lui, la pensée déchaînée, en a trouvé de cette liberté qui était son essence, et s'en est donné à pleins poumons de cette respiration d'où il tirait sa vie ! Qu'en est-il arrivé ? Il s'est perdu, il s'est confondu ; le grand prêcheur du néant a enfin trouvé ce néant, mais non pas comme il le comprenait ; humilié, déchu de lui-même, frappé de sa petitesse, lui qui se croyait si grand, a été anéanti devant son Dieu ; le voilà face à terre ; il attend son arrêt ; cet arrêt c'est : Relève-toi, mon enfant, ou va-t-en misérable ! On trouvera le verdict dans la communication ci-après.
« Cette confession de Voltaire aura d'autant plus de valeur dans la Revue Spirite, qu'elle le montre sous son double aspect. Nous avons vu quelques Esprits naturalistes et matérialistes qui, faussés de tête autant que leur maître, mais sans avoir son coeur, persistaient à se glorifier dans leur cynisme. Que ceux-ci restent dans leur enfer tant qu'ils se plaisent à braver le ciel, à se railler de tout ce qui fait le bonheur de l'homme, c'est logique, c'est leur place propre ; mais nous trouvons logique aussi que ceux qui reconnaissent leurs erreurs en recueillent le fruit. Aussi on voudra bien croire que nous ne nous posons pas en apologistes de l'ancien Voltaire ; nous l'acceptons seulement dans son nouveau rôle et nous nous réjouissons de sa conversion, laquelle glorifie Dieu, et ne peut manquer d'impressionner profondément ceux qui, aujourd'hui encore, se laissent entraîner par ses écrits. Là est le poison, ici est l'antidote.
« Cette communication, traduite de l'anglais, est extraite de l'ouvrage du juge Edmonds, publié aux Etats-Unis. Elle prend la forme d'une conversation entre Voltaire et Wolsey, le célèbre cardinal anglais du temps de Henri VIII. Deux médiums ont été impressionnés séparément pour transmettre ce dialogue. »
Voltaire. - Quelle immense révolution dans la pensée humaine a eu lieu depuis que j'ai quitté la terre !
Wolsey. - En effet, cette infidélité qu'on vous reprochait alors, a grandi démesurément depuis cette époque. Ce n'est pas qu'elle ait autant de prétentions aujourd'hui, mais elle est plus profonde et plus universelle, et à moins d'être arrêtée, elle menace d'engloutir l'humanité dans le matérialisme, plus qu'elle ne l'a fait pendant des siècles.
Voltaire. - Infidélité dans quoi et envers qui ? Est-ce dans la loi de Dieu et de l'homme ? Prétends-tu m'accuser d'infidélité parce que je ne pus me soumettre aux étroits préjugés des sectes qui m'entouraient ? C'est que mon âme en était à demander une ampleur de pensée, un rayon de lumière, au-delà des doctrines humaines. Oui, mon âme enténébrée avait soif du jour.
Wolsey. - Aussi je ne voulais parler que de l'infidélité qu'on vous prêtait, et, hélas ! vous ne le savez que trop, cette imputation vous pèse encore. Je me permettais, non de vous reprocher, mais de vous adresser des regrets, car votre mépris des doctrines du jour, en autant que celles-ci n'étaient que matérielles et inventées par les hommes, ne saurait léser des esprits pareils au vôtre. Mais cette même cause qui agissait sur votre esprit, opérait également sur d'autres, lesquels étaient trop faibles et trop petits pour arriver aux mêmes résultats que vous. Voilà donc comment ce qui, chez vous n'était qu'une négation des dogmes des hommes, se traduisait chez d'autres en reniement de Dieu. C'est de cette source que s'est répandu avec une rapidité si effrayante le doute sur l'avenir de l'homme. Voilà aussi pourquoi l'homme, en bornant toutes ses aspirations à ce seul monde, est tombé de plus en plus dans l'égoïsme et dans la haine du prochain. C'est la cause, oui, la cause de cet état de choses qu'il importe de chercher, car une fois trouvée, le remède sera comparativement facile. Dites-moi, cette cause, la connaissez-vous ?
Voltaire. - Mes opinions, telles qu'elles ont été données au monde, furent empreintes, il est vrai, d'un sentiment d'amertume et de satire ; mais notez bien qu'alors j'avais l'esprit tiraillé pour ainsi dire par une lutte intérieure. Je regardais l'humanité comme m'étant inférieure en intelligence et en pénétration ; je n'y voyais que des marionnettes que pouvait conduire tout homme doué d'une volonté forte, et je m'indignais de voir cette humanité, tout en s'arrogeant une existence immortelle, être pétrie d'éléments ignobles. Fallait-il donc croire qu'un être de cette espèce fît partie de la Divinité, et qu'il pouvait, de sa chétive main, saisir l'immortalité ? Cette lacune entre deux existences si disproportionnées me choquait, et je ne pouvais la combler. Je ne voyais que l'animal chez l'homme, non le Dieu.
Je reconnais qu'en quelques cas mes opinions ont eu de fâcheuses tendances ; mais j'ai la conviction, qu'à d'autres égards, elles ont eu leur bon côté. Elles parvinrent à relever plusieurs âmes qui s'étaient dégradées dans l'esclavage ; elles brisèrent les chaînes de la pensée et donnèrent des ailes aux grandes aspirations. Mais, hélas ! moi aussi, qui planais si haut, je me perdis comme les autres.
Si en moi la partie spirituelle eût été développée aussi bien que la partie matérielle, j'eusse pu raisonner avec plus de discernement ; mais en les confondant, je perdis de vue cette immortalité de l'âme que je cherchais et que je ne demandais pas mieux que de trouver ; aussi, tout emporté que j'étais dans ma lutte avec le monde, j'en arrivai, presque malgré moi, à nier l'existence d'un avenir. L'opposition que je faisais aux sottes opinions et à l'aveugle crédulité des hommes, me poussait à nier en même temps, et à contrecarrer tout le bien que pouvait faire la religion chrétienne. Cependant, tout infidèle que j'étais, je sentais que j'étais supérieur à mes adversaires ; oui, bien au-delà de la portée de leur intelligence ; la belle face de la nature me révélait l'univers, m'inspirait le sentiment d'une vague vénération, mêlée au désir d'une liberté illimitée, sentiment que jamais ceux-ci n'éprouvaient, accroupis qu'ils étaient dans les ténèbres de l'esclavage.
Mes ouvrages ont donc eu leur bon côté, car sans eux le mal qui serait arrivé à l'humanité eût été pire, sans opposition aucune. Plusieurs hommes ne voulurent plus de leur asservissement ; beaucoup d'entre eux s'affranchirent, et si ce que je prêchais leur donna une seule pensée élevée, ou bien leur fit faire un seul pas dans le chemin de la science, n'était-ce pas leur ouvrir les yeux sur leur véritable condition ? Ce que je regrette, c'est d'avoir vécu si longtemps sur la terre sans savoir ce que j'aurais pu être, et ce que j'aurais pu faire. Que n'aurais-je pas fait, si j'eusse été béni de ces lumières du Spiritisme qui se lèvent aujourd'hui sur les Esprits des hommes !
Incroyant et douteux je suis entré dans le monde spirite. Ma seule présence suffisait pour bannir toute lueur de lumière qui aurait pu éclairer mon âme obscurcie ; c'était la partie matérielle de mon être qui s'était développée sur la terre ; quant à la partie spirituelle, elle s'était perdue au milieu de mes égarements en cherchant la lumière ; elle se trouvait encoffrée comme dans une cage de fer. Hautain et moqueur, j'y débutai, ne connaissant, ni ne me souciant de connaître cet avenir que j'avais tant combattu étant dans le corps. Mais, faisons ici cet aveu : il s'était toujours trouvé dans mon âme une toute petite voix qui se faisait entendre à travers les barreaux matériels, et qui demandait le jour. C'était une lutte incessante entre le désir de savoir et une obstination à ne pas savoir. Ainsi donc mon entrée fut loin d'être agréable. Ne venais-je pas de découvrir la fausseté, le néant des opinions que j'avais soutenues avec toute la force de mes facultés ? L'homme se trouvait immortel, après tout, et je ne pouvais manquer de voir qu'il devait également exister un Dieu, un Esprit immortel, qui était en tête et qui gouvernait cet espace illimité qui m'entourait.
Comme je voyageais sans cesse, sans m'accorder aucun repos, afin de me convaincre que ce pouvait bien encore être un monde matériel, là où j'étais, mon âme lutta contre la vérité qui m'écrasait ! Je ne pus me réaliser comme Esprit qui venait de quitter son séjour mortel ! Il n'y eût personne avec qui je pus entamer des rapports, car j'avais refusé l'immortalité à tous. Il n'existait pas de repos pour moi : j'étais toujours errant et doutant ; l'Esprit en moi, ténébreux et amer, tranchait du maniaque, impuissant à rien suivre de fixe ou d'arrêté.
C'était, ai-je dit, en moqueur et en jetant le défi que j'abordai le monde spirite. D'abord je fus conduit loin des habitations des Esprits, et je parcourus l'immense espace. Ensuite il me fut permis de jeter l'oeil sur les constructions merveilleuses des séjours spirites et, en effet, elles me parurent surprenantes ; je fus poussé, ça et là, par une force irrésistible ; j'en dus voir, et voir jusqu'à ce que mon âme fût débordée par les splendeurs, et écrasée devant le pouvoir qui contrôlait de telles merveilles. Enfin, j'en fus à vouloir me cacher et me blottir dans le creux des rochers, mais je ne le pus.
Ce fut à ce moment que mon coeur commença à sentir le besoin de s'épancher ; une association quelconque devenait urgente, car je brûlais de dire combien j'avais été induit dans l'erreur, non par d'autres, mais par mes propres rêves. Il ne me restait plus d'illusion sur mon importance personnelle, car je ne sentais que trop combien j'étais peu de chose dans ce grand monde des Esprits. J'étais enfin tellement tombé de lassitude et d'humiliation, qu'il me fut permis de m'adjoindre à quelques-uns des habitants. Ce fut d'ici que je pus contempler la position que je m'étais faite sur la terre, et celle qui en résultait pour moi dans le monde spirite. Je vous laisse croire si cette appréciation dut me sourire.
Une révolution complète, un bouleversement de fond en comble eut lieu dans mon organisme spirite, et de maître que j'avais été, je devins l'élève le plus ardent. Avec l'expansion intellectuelle qui se trouvait en moi, que de progrès je fis ! Mon âme se sentait illuminée et embrasée par l'amour divin ; ses aspirations vers l'immortalité, de comprimées qu'elles étaient, prirent des élans gigantesques. Je voyais combien mes erreurs avaient été grandes, et combien la réparation à faire devait être grande pour expier tout ce que j'avais fait ou dit, qui aurait pu séduire et tromper l'humanité. Qu'elles sont magnifiques, ces leçons de la sagesse et de la beauté célestes ! elles dépassent tout ce que j'aurais pu imaginer sur la terre.
En résumé, j'ai vécu assez pour reconnaître dans mon existence terrestre une guerre acharnée entre le monde et ma nature spirituelle. J'ai profondément regretté les opinions que j'ai promulguées et qui ont dû égarer beaucoup de monde ; mais en même temps, c'est pénétré de gratitude envers le Créateur, l'infiniment sage, que je me sens avoir été un instrument à l'aide duquel les Esprits des hommes ont pu se porter vers l'examen et le progrès.
Remarque. Nous n'ajouterons aucune réflexion sur cette communication dont chacun appréciera la profondeur et la haute portée, et où l'on retrouve toute la supériorité du génie. Jamais peut-être un tableau plus grandiose et plus saisissant n'a été donné du monde spirite, et de l'influence des idées terrestres sur les idées d'outre-tombe. Dans l'entretien que nous avons publié dans notre dernier numéro, on retrouve le même fonds de pensées, quoique moins développées et surtout moins poétiquement exprimées. Ceux qui ne s'attachent qu'à la forme diront sans doute qu'ils ne reconnaissent pas le même Esprit dans ces deux communications, et que la dernière surtout ne leur paraît pas à la hauteur de Voltaire ; d'où ils concluront que l'une des deux n'est pas de lui.
Assurément quand nous l'avons appelé, il ne nous a pas apporté son acte de naissance, mais quiconque voit au-dessous de la surface, sera frappé de l'identité de vues et de principes qui existe entre ces deux communications, obtenues à des époques diverses, à une aussi grande distance, et dans des langues différentes. Si le style n'est pas le même, il n'y a pas contradiction dans la pensée, et c'est l'essentiel. Mais si c'est le même Esprit qui a parlé dans ces deux communications, pourquoi est-il si explicite, si poétique dans l'une, tandis qu'il est si laconique, si vulgaire dans l'autre ? Il faut n'avoir pas étudié les phénomènes spirites pour ne pas s'en rendre compte. Cela tient à la même cause qui fait que le même Esprit donnera de charmantes poésies par un médium, et ne pourra pas dicter un seul vers par un autre. Nous connaissons des médiums qui ne sont pas poètes le moins du monde, et qui obtiennent des vers admirables, comme il y en a d'autres qui n'ont jamais appris à dessiner et qui font en dessin des choses merveilleuses. Il faut donc reconnaître, qu'abstraction faite des qualités intellectuelles, il y a chez les médiums des aptitudes spéciales qui les rendent, pour certains Esprits, des instruments plus ou moins flexibles, plus ou moins commodes. Nous disons pour certains Esprits, parce que les Esprits ont aussi leurs préférences fondées sur des raisons que nous ne connaissons pas toujours ; ainsi, le même Esprit sera plus ou moins explicite, selon le médium qui lui sert d'interprète, et surtout selon l'habitude qu'il a de s'en servir ; car il est certain, en outre, qu'un Esprit qui se communique fréquemment par la même personne le fait avec plus de facilité que celui qui vient pour la première fois. L'essor de la pensée peut donc être entravé par une foule de causes, mais quand c'est le même Esprit, le fond de la pensée est le même, quoique la forme soit différente, et l'observateur un peu attentif le reconnaît aisément à certains traits caractéristiques. Nous rapporterons à ce sujet le fait suivant :
L'Esprit d'un souverain, qui a joué dans le monde un rôle prépondérant, ayant été appelé dans une de nos réunions, débuta par un acte de colère en déchirant le papier et en cassant le crayon. Son langage fut loin d'être bienveillant, car il se trouvait humilié de venir parmi nous, et demanda si nous croyions qu'il dût s'abaisser à nous répondre. Il convenait cependant que s'il le faisait, c'était comme contraint et forcé par une puissance supérieure à la sienne ; mais que si cela dépendait de lui, il ne le ferait pas. Un de nos correspondants d'Afrique, qui n'avait nulle connaissance du fait, nous écrit que, dans une réunion dont il faisait partie, on voulut évoquer le même Esprit. Son langage fut de tout point identique : « Croyez-vous dit-il, que ce soit volontairement que je viens ici, dans cette maison de marchands, que peut-être un de mes valets ne voudrait pas habiter ? Je ne vous réponds pas ; cela me rappelle mon règne où j'étais si heureux ; j'avais autorité sur tous mes peuples, maintenant il faut que je sois soumis. » L'Esprit d'une reine qui, de son vivant, ne s'était pas distinguée par sa bonté, répondit dans le même cercle : « Ne m'interrogez plus, vous m'ennuyez ; si j'avais encore le pouvoir que j'avais sur la terre, je vous ferais bien repentir, mais vous vous moquez de moi, de ma misère, maintenant que je ne puis rien sur vous ; je suis bien malheureuse ! » - N'est-ce pas là une curieuse étude de moeurs spirites ?
« Si jamais un homme, plus qu'un autre, en est à subir les châtiments éternels, cet homme est bien Voltaire. Le courroux, la vengeance de Dieu le poursuivront à tout jamais. Voilà ce que nous disent les théologiens de la vieille école.
« Maintenant que disent les maîtres de la théologie moderne ? Il se peut, disent-ils, que vous méconnaissiez l'homme, non moins que le Dieu dont vous parlez ; gardez pour vous vos basses passions de haine et de vengeance et n'en souillez pas votre Dieu. Si Dieu s'inquiète de ce pauvre pécheur, s'il touche à l'insecte, ce sera pour lui enlever son dard, pour ramener à lui une tête exaltée, un coeur égaré. Disons de plus que Dieu, qui sait lire dans les coeurs autrement que vous, trouve du bon là où vous ne trouvez que du mal. S'il a doué cet homme d'un grand génie, c'est pour le bien de la race, non pour son malheur. Qu'importe donc ses premières extravagances, ses allures de franc-coudoyeur chez vous ? Une âme de cette trempe n'en pouvait guère faire d'autres : la médiocrité lui était impossible en quoi que ce fût. Maintenant qu'il s'est orienté, qu'en poulain indompté il a joué des talons et des dents dans sa pâture terrestre, qu'il vienne à Dieu en coursier docile, mais toujours grand, superbe pour le bien autant qu'il l'était pour le mal. Dans l'article qui suit, nous verrons par quels moyens s'est opérée cette transformation ; nous verrons notre étalon des déserts, la crinière encore haute, les narines au vent, faire sa course à travers les espaces de l'univers. C'est que là, lui, la pensée déchaînée, en a trouvé de cette liberté qui était son essence, et s'en est donné à pleins poumons de cette respiration d'où il tirait sa vie ! Qu'en est-il arrivé ? Il s'est perdu, il s'est confondu ; le grand prêcheur du néant a enfin trouvé ce néant, mais non pas comme il le comprenait ; humilié, déchu de lui-même, frappé de sa petitesse, lui qui se croyait si grand, a été anéanti devant son Dieu ; le voilà face à terre ; il attend son arrêt ; cet arrêt c'est : Relève-toi, mon enfant, ou va-t-en misérable ! On trouvera le verdict dans la communication ci-après.
« Cette confession de Voltaire aura d'autant plus de valeur dans la Revue Spirite, qu'elle le montre sous son double aspect. Nous avons vu quelques Esprits naturalistes et matérialistes qui, faussés de tête autant que leur maître, mais sans avoir son coeur, persistaient à se glorifier dans leur cynisme. Que ceux-ci restent dans leur enfer tant qu'ils se plaisent à braver le ciel, à se railler de tout ce qui fait le bonheur de l'homme, c'est logique, c'est leur place propre ; mais nous trouvons logique aussi que ceux qui reconnaissent leurs erreurs en recueillent le fruit. Aussi on voudra bien croire que nous ne nous posons pas en apologistes de l'ancien Voltaire ; nous l'acceptons seulement dans son nouveau rôle et nous nous réjouissons de sa conversion, laquelle glorifie Dieu, et ne peut manquer d'impressionner profondément ceux qui, aujourd'hui encore, se laissent entraîner par ses écrits. Là est le poison, ici est l'antidote.
« Cette communication, traduite de l'anglais, est extraite de l'ouvrage du juge Edmonds, publié aux Etats-Unis. Elle prend la forme d'une conversation entre Voltaire et Wolsey, le célèbre cardinal anglais du temps de Henri VIII. Deux médiums ont été impressionnés séparément pour transmettre ce dialogue. »
Voltaire. - Quelle immense révolution dans la pensée humaine a eu lieu depuis que j'ai quitté la terre !
Wolsey. - En effet, cette infidélité qu'on vous reprochait alors, a grandi démesurément depuis cette époque. Ce n'est pas qu'elle ait autant de prétentions aujourd'hui, mais elle est plus profonde et plus universelle, et à moins d'être arrêtée, elle menace d'engloutir l'humanité dans le matérialisme, plus qu'elle ne l'a fait pendant des siècles.
Voltaire. - Infidélité dans quoi et envers qui ? Est-ce dans la loi de Dieu et de l'homme ? Prétends-tu m'accuser d'infidélité parce que je ne pus me soumettre aux étroits préjugés des sectes qui m'entouraient ? C'est que mon âme en était à demander une ampleur de pensée, un rayon de lumière, au-delà des doctrines humaines. Oui, mon âme enténébrée avait soif du jour.
Wolsey. - Aussi je ne voulais parler que de l'infidélité qu'on vous prêtait, et, hélas ! vous ne le savez que trop, cette imputation vous pèse encore. Je me permettais, non de vous reprocher, mais de vous adresser des regrets, car votre mépris des doctrines du jour, en autant que celles-ci n'étaient que matérielles et inventées par les hommes, ne saurait léser des esprits pareils au vôtre. Mais cette même cause qui agissait sur votre esprit, opérait également sur d'autres, lesquels étaient trop faibles et trop petits pour arriver aux mêmes résultats que vous. Voilà donc comment ce qui, chez vous n'était qu'une négation des dogmes des hommes, se traduisait chez d'autres en reniement de Dieu. C'est de cette source que s'est répandu avec une rapidité si effrayante le doute sur l'avenir de l'homme. Voilà aussi pourquoi l'homme, en bornant toutes ses aspirations à ce seul monde, est tombé de plus en plus dans l'égoïsme et dans la haine du prochain. C'est la cause, oui, la cause de cet état de choses qu'il importe de chercher, car une fois trouvée, le remède sera comparativement facile. Dites-moi, cette cause, la connaissez-vous ?
Voltaire. - Mes opinions, telles qu'elles ont été données au monde, furent empreintes, il est vrai, d'un sentiment d'amertume et de satire ; mais notez bien qu'alors j'avais l'esprit tiraillé pour ainsi dire par une lutte intérieure. Je regardais l'humanité comme m'étant inférieure en intelligence et en pénétration ; je n'y voyais que des marionnettes que pouvait conduire tout homme doué d'une volonté forte, et je m'indignais de voir cette humanité, tout en s'arrogeant une existence immortelle, être pétrie d'éléments ignobles. Fallait-il donc croire qu'un être de cette espèce fît partie de la Divinité, et qu'il pouvait, de sa chétive main, saisir l'immortalité ? Cette lacune entre deux existences si disproportionnées me choquait, et je ne pouvais la combler. Je ne voyais que l'animal chez l'homme, non le Dieu.
Je reconnais qu'en quelques cas mes opinions ont eu de fâcheuses tendances ; mais j'ai la conviction, qu'à d'autres égards, elles ont eu leur bon côté. Elles parvinrent à relever plusieurs âmes qui s'étaient dégradées dans l'esclavage ; elles brisèrent les chaînes de la pensée et donnèrent des ailes aux grandes aspirations. Mais, hélas ! moi aussi, qui planais si haut, je me perdis comme les autres.
Si en moi la partie spirituelle eût été développée aussi bien que la partie matérielle, j'eusse pu raisonner avec plus de discernement ; mais en les confondant, je perdis de vue cette immortalité de l'âme que je cherchais et que je ne demandais pas mieux que de trouver ; aussi, tout emporté que j'étais dans ma lutte avec le monde, j'en arrivai, presque malgré moi, à nier l'existence d'un avenir. L'opposition que je faisais aux sottes opinions et à l'aveugle crédulité des hommes, me poussait à nier en même temps, et à contrecarrer tout le bien que pouvait faire la religion chrétienne. Cependant, tout infidèle que j'étais, je sentais que j'étais supérieur à mes adversaires ; oui, bien au-delà de la portée de leur intelligence ; la belle face de la nature me révélait l'univers, m'inspirait le sentiment d'une vague vénération, mêlée au désir d'une liberté illimitée, sentiment que jamais ceux-ci n'éprouvaient, accroupis qu'ils étaient dans les ténèbres de l'esclavage.
Mes ouvrages ont donc eu leur bon côté, car sans eux le mal qui serait arrivé à l'humanité eût été pire, sans opposition aucune. Plusieurs hommes ne voulurent plus de leur asservissement ; beaucoup d'entre eux s'affranchirent, et si ce que je prêchais leur donna une seule pensée élevée, ou bien leur fit faire un seul pas dans le chemin de la science, n'était-ce pas leur ouvrir les yeux sur leur véritable condition ? Ce que je regrette, c'est d'avoir vécu si longtemps sur la terre sans savoir ce que j'aurais pu être, et ce que j'aurais pu faire. Que n'aurais-je pas fait, si j'eusse été béni de ces lumières du Spiritisme qui se lèvent aujourd'hui sur les Esprits des hommes !
Incroyant et douteux je suis entré dans le monde spirite. Ma seule présence suffisait pour bannir toute lueur de lumière qui aurait pu éclairer mon âme obscurcie ; c'était la partie matérielle de mon être qui s'était développée sur la terre ; quant à la partie spirituelle, elle s'était perdue au milieu de mes égarements en cherchant la lumière ; elle se trouvait encoffrée comme dans une cage de fer. Hautain et moqueur, j'y débutai, ne connaissant, ni ne me souciant de connaître cet avenir que j'avais tant combattu étant dans le corps. Mais, faisons ici cet aveu : il s'était toujours trouvé dans mon âme une toute petite voix qui se faisait entendre à travers les barreaux matériels, et qui demandait le jour. C'était une lutte incessante entre le désir de savoir et une obstination à ne pas savoir. Ainsi donc mon entrée fut loin d'être agréable. Ne venais-je pas de découvrir la fausseté, le néant des opinions que j'avais soutenues avec toute la force de mes facultés ? L'homme se trouvait immortel, après tout, et je ne pouvais manquer de voir qu'il devait également exister un Dieu, un Esprit immortel, qui était en tête et qui gouvernait cet espace illimité qui m'entourait.
Comme je voyageais sans cesse, sans m'accorder aucun repos, afin de me convaincre que ce pouvait bien encore être un monde matériel, là où j'étais, mon âme lutta contre la vérité qui m'écrasait ! Je ne pus me réaliser comme Esprit qui venait de quitter son séjour mortel ! Il n'y eût personne avec qui je pus entamer des rapports, car j'avais refusé l'immortalité à tous. Il n'existait pas de repos pour moi : j'étais toujours errant et doutant ; l'Esprit en moi, ténébreux et amer, tranchait du maniaque, impuissant à rien suivre de fixe ou d'arrêté.
C'était, ai-je dit, en moqueur et en jetant le défi que j'abordai le monde spirite. D'abord je fus conduit loin des habitations des Esprits, et je parcourus l'immense espace. Ensuite il me fut permis de jeter l'oeil sur les constructions merveilleuses des séjours spirites et, en effet, elles me parurent surprenantes ; je fus poussé, ça et là, par une force irrésistible ; j'en dus voir, et voir jusqu'à ce que mon âme fût débordée par les splendeurs, et écrasée devant le pouvoir qui contrôlait de telles merveilles. Enfin, j'en fus à vouloir me cacher et me blottir dans le creux des rochers, mais je ne le pus.
Ce fut à ce moment que mon coeur commença à sentir le besoin de s'épancher ; une association quelconque devenait urgente, car je brûlais de dire combien j'avais été induit dans l'erreur, non par d'autres, mais par mes propres rêves. Il ne me restait plus d'illusion sur mon importance personnelle, car je ne sentais que trop combien j'étais peu de chose dans ce grand monde des Esprits. J'étais enfin tellement tombé de lassitude et d'humiliation, qu'il me fut permis de m'adjoindre à quelques-uns des habitants. Ce fut d'ici que je pus contempler la position que je m'étais faite sur la terre, et celle qui en résultait pour moi dans le monde spirite. Je vous laisse croire si cette appréciation dut me sourire.
Une révolution complète, un bouleversement de fond en comble eut lieu dans mon organisme spirite, et de maître que j'avais été, je devins l'élève le plus ardent. Avec l'expansion intellectuelle qui se trouvait en moi, que de progrès je fis ! Mon âme se sentait illuminée et embrasée par l'amour divin ; ses aspirations vers l'immortalité, de comprimées qu'elles étaient, prirent des élans gigantesques. Je voyais combien mes erreurs avaient été grandes, et combien la réparation à faire devait être grande pour expier tout ce que j'avais fait ou dit, qui aurait pu séduire et tromper l'humanité. Qu'elles sont magnifiques, ces leçons de la sagesse et de la beauté célestes ! elles dépassent tout ce que j'aurais pu imaginer sur la terre.
En résumé, j'ai vécu assez pour reconnaître dans mon existence terrestre une guerre acharnée entre le monde et ma nature spirituelle. J'ai profondément regretté les opinions que j'ai promulguées et qui ont dû égarer beaucoup de monde ; mais en même temps, c'est pénétré de gratitude envers le Créateur, l'infiniment sage, que je me sens avoir été un instrument à l'aide duquel les Esprits des hommes ont pu se porter vers l'examen et le progrès.
Remarque. Nous n'ajouterons aucune réflexion sur cette communication dont chacun appréciera la profondeur et la haute portée, et où l'on retrouve toute la supériorité du génie. Jamais peut-être un tableau plus grandiose et plus saisissant n'a été donné du monde spirite, et de l'influence des idées terrestres sur les idées d'outre-tombe. Dans l'entretien que nous avons publié dans notre dernier numéro, on retrouve le même fonds de pensées, quoique moins développées et surtout moins poétiquement exprimées. Ceux qui ne s'attachent qu'à la forme diront sans doute qu'ils ne reconnaissent pas le même Esprit dans ces deux communications, et que la dernière surtout ne leur paraît pas à la hauteur de Voltaire ; d'où ils concluront que l'une des deux n'est pas de lui.
Assurément quand nous l'avons appelé, il ne nous a pas apporté son acte de naissance, mais quiconque voit au-dessous de la surface, sera frappé de l'identité de vues et de principes qui existe entre ces deux communications, obtenues à des époques diverses, à une aussi grande distance, et dans des langues différentes. Si le style n'est pas le même, il n'y a pas contradiction dans la pensée, et c'est l'essentiel. Mais si c'est le même Esprit qui a parlé dans ces deux communications, pourquoi est-il si explicite, si poétique dans l'une, tandis qu'il est si laconique, si vulgaire dans l'autre ? Il faut n'avoir pas étudié les phénomènes spirites pour ne pas s'en rendre compte. Cela tient à la même cause qui fait que le même Esprit donnera de charmantes poésies par un médium, et ne pourra pas dicter un seul vers par un autre. Nous connaissons des médiums qui ne sont pas poètes le moins du monde, et qui obtiennent des vers admirables, comme il y en a d'autres qui n'ont jamais appris à dessiner et qui font en dessin des choses merveilleuses. Il faut donc reconnaître, qu'abstraction faite des qualités intellectuelles, il y a chez les médiums des aptitudes spéciales qui les rendent, pour certains Esprits, des instruments plus ou moins flexibles, plus ou moins commodes. Nous disons pour certains Esprits, parce que les Esprits ont aussi leurs préférences fondées sur des raisons que nous ne connaissons pas toujours ; ainsi, le même Esprit sera plus ou moins explicite, selon le médium qui lui sert d'interprète, et surtout selon l'habitude qu'il a de s'en servir ; car il est certain, en outre, qu'un Esprit qui se communique fréquemment par la même personne le fait avec plus de facilité que celui qui vient pour la première fois. L'essor de la pensée peut donc être entravé par une foule de causes, mais quand c'est le même Esprit, le fond de la pensée est le même, quoique la forme soit différente, et l'observateur un peu attentif le reconnaît aisément à certains traits caractéristiques. Nous rapporterons à ce sujet le fait suivant :
L'Esprit d'un souverain, qui a joué dans le monde un rôle prépondérant, ayant été appelé dans une de nos réunions, débuta par un acte de colère en déchirant le papier et en cassant le crayon. Son langage fut loin d'être bienveillant, car il se trouvait humilié de venir parmi nous, et demanda si nous croyions qu'il dût s'abaisser à nous répondre. Il convenait cependant que s'il le faisait, c'était comme contraint et forcé par une puissance supérieure à la sienne ; mais que si cela dépendait de lui, il ne le ferait pas. Un de nos correspondants d'Afrique, qui n'avait nulle connaissance du fait, nous écrit que, dans une réunion dont il faisait partie, on voulut évoquer le même Esprit. Son langage fut de tout point identique : « Croyez-vous dit-il, que ce soit volontairement que je viens ici, dans cette maison de marchands, que peut-être un de mes valets ne voudrait pas habiter ? Je ne vous réponds pas ; cela me rappelle mon règne où j'étais si heureux ; j'avais autorité sur tous mes peuples, maintenant il faut que je sois soumis. » L'Esprit d'une reine qui, de son vivant, ne s'était pas distinguée par sa bonté, répondit dans le même cercle : « Ne m'interrogez plus, vous m'ennuyez ; si j'avais encore le pouvoir que j'avais sur la terre, je vous ferais bien repentir, mais vous vous moquez de moi, de ma misère, maintenant que je ne puis rien sur vous ; je suis bien malheureuse ! » - N'est-ce pas là une curieuse étude de moeurs spirites ?
Entretiens familiers d'outre-tombe
Un Officier de l'armée d'ItalieDeuxième entretien (Société ; 1° juillet 1859. - Voir le n° de Juillet).
1. Evocation. - R. Me voici ; parlez-moi.
2. Vous nous avez promis de revenir nous voir, et nous en profitons pour vous prier de nous donner quelques explications complémentaires. - R. Volontiers.
3. Depuis votre mort avez-vous assisté à quelques-uns des combats qui ont eu lieu ? - R. Oui, au dernier.
4. Quand vous êtes témoin, comme Esprit, d'un combat et que vous voyez les hommes s'entr'égorger, cela vous fait-il éprouver le sentiment d'horreur que nous éprouvons nous-mêmes en voyant de pareilles scènes ? - R. Oui, je l'éprouvais même étant homme, mais alors le respect humain refoulait ce sentiment comme indigne d'un soldat.
5. Y a-t-il des Esprits qui prennent plaisir à voir ces scènes de carnage ? - R. Peu.
6. Quel sentiment éprouvent, à cette vue, les Esprits d'un ordre supérieur ? - R. Grande compassion ; presque mépris. Celui que vous éprouvez vous-mêmes quand vous voyez des animaux se déchirer entre eux.
7. En assistant à un combat, et en voyant les hommes mourir, êtes-vous témoin de la séparation de l'âme et du corps ? - R. Oui.
8. A ce moment voyez-vous deux individus : l'Esprit et le corps ? - R. Non ; le corps, qu'est-ce donc ? - Mais le corps n'en est pas moins là, et il doit être distinct de l'Esprit ? - R. Un cadavre, oui ; mais ce n'est plus un être.
9. Quelle apparence a pour vous l'Esprit à ce moment ? - R. Légère.
10. L'Esprit s'éloigne-t-il immédiatement du corps ? Veuillez nous décrire, je vous prie, aussi explicitement que possible les choses telles qu'elles se passent, et que nous les verrions si nous en étions témoins. - R. Il a peu de morts tout à fait instantanées ; la plupart du temps l'Esprit dont le corps vient d'être frappé d'une balle ou d'un boulet, se dit : Je vais mourir, pensons à Dieu, songeons, au ciel, adieu terre que j'aimais. Après ce premier sentiment, la douleur vous arrache de votre corps, et c'est alors que l'on peut distinguer l'Esprit qui se meut à côté du cadavre. Cela paraît si naturel que la vue du corps mort ne produit aucun effet désagréable. Toute la vie étant transportée dans l'Esprit, lui seul attire l'attention ; c'est avec lui que l'on converse, ou à lui que l'on commande.
Remarque. - On pourrait comparer cet effet à celui que produit une troupe de baigneurs ; le spectateur ne fait pas attention aux habits qu'ils ont laissés sur le bord de l'eau.
11. Généralement, l'homme surpris par une mort violente, pendant quelque temps ne se croit pas mort. Comment s'explique-t-il sa situation, et comment peut-il se faire illusion, puisqu'il doit bien sentir que son corps n'est plus matériel, résistant ? - R. Il le sait, et il n'y a point d'illusion.
Remarque. - Ceci n'est pas parfaitement exact ; nous savons que les Esprits se font illusion dans certains cas, et qu'ils ne croient pas être morts.
12. Un violent orage a éclaté à la fin de la bataille de Solferino ; est-ce par une circonstance fortuite ou par une vue providentielle ? - R. Toute circonstance fortuite est le fait de la volonté de Dieu.
13. Cet orage avait-il un but, et quel était-il ? - R. Oui, certainement : arrêter le combat.
14. Etait-il provoqué dans l'intérêt de l'une des parties belligérantes et laquelle ? - R. Oui, surtout pour nos ennemis.
- Pourquoi cela ? Veuillez vous expliquer plus clairement ? - R.Vous me demandez pourquoi ? Mais ne savez-vous pas que, sans cet orage, notre artillerie ne laissait pas échapper un Autrichien ?
15. Si cet orage a été provoqué, il a dû avoir des agents ; quels étaient ces agents ? - R. L'électricité.
16. C'est l'agent matériel ; mais y a-t-il des Esprits ayant dans leurs attributions la conduite des éléments ? - R. Non, la volonté de Dieu suffit ; il n'a pas besoin d'aides aussi communs.
(Voir plus loin l'article sur les orages.)
1. Evocation. - R. Me voici ; parlez-moi.
2. Vous nous avez promis de revenir nous voir, et nous en profitons pour vous prier de nous donner quelques explications complémentaires. - R. Volontiers.
3. Depuis votre mort avez-vous assisté à quelques-uns des combats qui ont eu lieu ? - R. Oui, au dernier.
4. Quand vous êtes témoin, comme Esprit, d'un combat et que vous voyez les hommes s'entr'égorger, cela vous fait-il éprouver le sentiment d'horreur que nous éprouvons nous-mêmes en voyant de pareilles scènes ? - R. Oui, je l'éprouvais même étant homme, mais alors le respect humain refoulait ce sentiment comme indigne d'un soldat.
5. Y a-t-il des Esprits qui prennent plaisir à voir ces scènes de carnage ? - R. Peu.
6. Quel sentiment éprouvent, à cette vue, les Esprits d'un ordre supérieur ? - R. Grande compassion ; presque mépris. Celui que vous éprouvez vous-mêmes quand vous voyez des animaux se déchirer entre eux.
7. En assistant à un combat, et en voyant les hommes mourir, êtes-vous témoin de la séparation de l'âme et du corps ? - R. Oui.
8. A ce moment voyez-vous deux individus : l'Esprit et le corps ? - R. Non ; le corps, qu'est-ce donc ? - Mais le corps n'en est pas moins là, et il doit être distinct de l'Esprit ? - R. Un cadavre, oui ; mais ce n'est plus un être.
9. Quelle apparence a pour vous l'Esprit à ce moment ? - R. Légère.
10. L'Esprit s'éloigne-t-il immédiatement du corps ? Veuillez nous décrire, je vous prie, aussi explicitement que possible les choses telles qu'elles se passent, et que nous les verrions si nous en étions témoins. - R. Il a peu de morts tout à fait instantanées ; la plupart du temps l'Esprit dont le corps vient d'être frappé d'une balle ou d'un boulet, se dit : Je vais mourir, pensons à Dieu, songeons, au ciel, adieu terre que j'aimais. Après ce premier sentiment, la douleur vous arrache de votre corps, et c'est alors que l'on peut distinguer l'Esprit qui se meut à côté du cadavre. Cela paraît si naturel que la vue du corps mort ne produit aucun effet désagréable. Toute la vie étant transportée dans l'Esprit, lui seul attire l'attention ; c'est avec lui que l'on converse, ou à lui que l'on commande.
Remarque. - On pourrait comparer cet effet à celui que produit une troupe de baigneurs ; le spectateur ne fait pas attention aux habits qu'ils ont laissés sur le bord de l'eau.
11. Généralement, l'homme surpris par une mort violente, pendant quelque temps ne se croit pas mort. Comment s'explique-t-il sa situation, et comment peut-il se faire illusion, puisqu'il doit bien sentir que son corps n'est plus matériel, résistant ? - R. Il le sait, et il n'y a point d'illusion.
Remarque. - Ceci n'est pas parfaitement exact ; nous savons que les Esprits se font illusion dans certains cas, et qu'ils ne croient pas être morts.
12. Un violent orage a éclaté à la fin de la bataille de Solferino ; est-ce par une circonstance fortuite ou par une vue providentielle ? - R. Toute circonstance fortuite est le fait de la volonté de Dieu.
13. Cet orage avait-il un but, et quel était-il ? - R. Oui, certainement : arrêter le combat.
14. Etait-il provoqué dans l'intérêt de l'une des parties belligérantes et laquelle ? - R. Oui, surtout pour nos ennemis.
- Pourquoi cela ? Veuillez vous expliquer plus clairement ? - R.Vous me demandez pourquoi ? Mais ne savez-vous pas que, sans cet orage, notre artillerie ne laissait pas échapper un Autrichien ?
15. Si cet orage a été provoqué, il a dû avoir des agents ; quels étaient ces agents ? - R. L'électricité.
16. C'est l'agent matériel ; mais y a-t-il des Esprits ayant dans leurs attributions la conduite des éléments ? - R. Non, la volonté de Dieu suffit ; il n'a pas besoin d'aides aussi communs.
(Voir plus loin l'article sur les orages.)
Le général Hoche
1. Evocation. - R. Je suis à vous.
2. Mme J... nous a dit que vous vous étiez spontanément communiqué à elle ; dans quelle intention l'avez-vous fait, puisqu'elle ne vous appelait pas ? - R. C'est elle qui m'amène ici ; je désirais être appelé par vous, et je savais qu'en me rendant auprès d'elle, vous le sauriez, et que vous m'évoqueriez probablement.
3. Vous lui avez dit que vous suiviez les opérations militaires de l'Italie : cela nous paraît naturel ; veuillez nous dire ce que vous en pensez - R. Elles ont produit de grands résultats ; de mon temps on se battait plus longtemps.
4. En assistant à cette guerre, y jouiez-vous un rôle actif ? - R. Non, simple spectateur.
5. D'autres généraux de votre temps y sont-ils venus comme vous ? - R. Oui ; vous devez bien le penser.
6. Pouvez-vous en désigner quelques-uns ? - C'est inutile.
7. On nous a dit que Napoléon I° y assistait, et nous n'avons pas de peine à le croire. A l'époque des premières guerres d'Italie, il n'était que général ; dans celle-ci voudriez-vous nous dire s'il voyait les choses au point de vue du général ou de l'empereur ? - R. Des deux, et d'un troisième encore : du diplomate.
8. De votre vivant, votre rang comme militaire était à peu près égal au sien ; comme depuis votre mort il a beaucoup monté, veuillez nous dire si, comme Esprit, vous le regardez comme votre supérieur ? - R. Ici règne l'égalité ; que demandez-vous là ?
Remarque. - Par égalité il entend sans doute que les Esprits ne tiennent aucun compte des distinctions terrestres, dont en effet ils se soucient fort peu, et qui ne sont d'aucun poids parmi eux ; mais l'égalité morale est loin d'y régner ; il y a entre eux une hiérarchie et une subordination fondées sur les qualités acquises, et nul ne peut se soustraire à l'ascendant de ceux qui sont plus élevés et plus purs.
9. En suivant les péripéties de la guerre, prévoyiez-vous la paix comme aussi prochaine ? - R. Oui.
10. Etait-ce chez vous une simple prévision, ou bien en aviez-vous une connaissance préalable certaine ? - R. Non ; on me l'avait dit.
11. Etes-vous sensible à la mémoire que l'on a gardée de vous ? - R. Oui ; mais j'ai si peu fait.
12. Votre veuve vient de mourir ; vous a-t-elle rejoint immédiatement ? - R. Je l'attendais. Aujourd'hui je vais la quitter : l'existence m'appelle.
13. Est-ce sur la terre que vous devez prendre une nouvelle existence ? - R. Non.
14. Le monde où vous devez aller est-il connu de nous ? - R. Oui ; Mercure.
15. Ce monde est-il moralement supérieur ou inférieur à la terre ? - R. Inférieur. Je l'élèverai, je contribuerai à lui faire prendre rang.
16. Connaissez-vous maintenant ce monde où vous allez entrer. - Oui, très-bien ; mieux peut-être que je ne le connaîtrai quand je l'habiterai.
Remarque. - Cette réponse est parfaitement logique ; comme Esprit, il voit ce monde dans son ensemble ; quand il y sera incarné, il ne le verra qu'au point de vue restreint de sa personnalité, et de la position sociale qu'il y occupera.
17. Sous le rapport physique, les habitants de ce monde sont-ils aussi matériels que ceux de la terre ? - R. Oui, tout à fait ; plus encore.
18. Est-ce vous qui avez choisi ce monde pour votre nouvelle existence ? - Non, non ; j'eusse préféré une terre calme et heureuse ; là, je trouverai des torrents de mal à combattre, et les fureurs du crime à punir.
Remarque. - Lorsque nos missionnaires chrétiens se rendent chez les peuples barbares pour essayer de faire pénétrer chez eux les germes de la civilisation, ne remplissent-ils pas une mission analogue ? Pourquoi donc s'étonner qu'un Esprit élevé se rende dans un monde arriéré en vue de le faire avancer ?
19. Cette existence vous est-elle imposée par la contrainte ? - Non ; on m'a engagé ; on m'a fait comprendre que la destinée, la Providence, si vous voulez, m'y appelait ; c'est comme la mort avant de monter au ciel : il faut souffrir, et je n'ai pas assez souffert, hélas !
20. Etes-vous heureux comme Esprit ? - R. Sans peines, oui.
21. Quelles ont été, je vous prie, vos occupations, comme Esprit, depuis le moment où vous avez quitté la terre ? - R. J'ai visité le monde, la terre entièrement ; cela m'a demandé l'espace de plusieurs années ; j'ai appris les lois que Dieu emploie pour y conduire tous les phénomènes qui en font la vie ; puis, j'ai procédé de même pour plusieurs sphères.
22. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à notre appel. - R. Adieu ; vous ne me reverrez pas.
2. Mme J... nous a dit que vous vous étiez spontanément communiqué à elle ; dans quelle intention l'avez-vous fait, puisqu'elle ne vous appelait pas ? - R. C'est elle qui m'amène ici ; je désirais être appelé par vous, et je savais qu'en me rendant auprès d'elle, vous le sauriez, et que vous m'évoqueriez probablement.
3. Vous lui avez dit que vous suiviez les opérations militaires de l'Italie : cela nous paraît naturel ; veuillez nous dire ce que vous en pensez - R. Elles ont produit de grands résultats ; de mon temps on se battait plus longtemps.
4. En assistant à cette guerre, y jouiez-vous un rôle actif ? - R. Non, simple spectateur.
5. D'autres généraux de votre temps y sont-ils venus comme vous ? - R. Oui ; vous devez bien le penser.
6. Pouvez-vous en désigner quelques-uns ? - C'est inutile.
7. On nous a dit que Napoléon I° y assistait, et nous n'avons pas de peine à le croire. A l'époque des premières guerres d'Italie, il n'était que général ; dans celle-ci voudriez-vous nous dire s'il voyait les choses au point de vue du général ou de l'empereur ? - R. Des deux, et d'un troisième encore : du diplomate.
8. De votre vivant, votre rang comme militaire était à peu près égal au sien ; comme depuis votre mort il a beaucoup monté, veuillez nous dire si, comme Esprit, vous le regardez comme votre supérieur ? - R. Ici règne l'égalité ; que demandez-vous là ?
Remarque. - Par égalité il entend sans doute que les Esprits ne tiennent aucun compte des distinctions terrestres, dont en effet ils se soucient fort peu, et qui ne sont d'aucun poids parmi eux ; mais l'égalité morale est loin d'y régner ; il y a entre eux une hiérarchie et une subordination fondées sur les qualités acquises, et nul ne peut se soustraire à l'ascendant de ceux qui sont plus élevés et plus purs.
9. En suivant les péripéties de la guerre, prévoyiez-vous la paix comme aussi prochaine ? - R. Oui.
10. Etait-ce chez vous une simple prévision, ou bien en aviez-vous une connaissance préalable certaine ? - R. Non ; on me l'avait dit.
11. Etes-vous sensible à la mémoire que l'on a gardée de vous ? - R. Oui ; mais j'ai si peu fait.
12. Votre veuve vient de mourir ; vous a-t-elle rejoint immédiatement ? - R. Je l'attendais. Aujourd'hui je vais la quitter : l'existence m'appelle.
13. Est-ce sur la terre que vous devez prendre une nouvelle existence ? - R. Non.
14. Le monde où vous devez aller est-il connu de nous ? - R. Oui ; Mercure.
15. Ce monde est-il moralement supérieur ou inférieur à la terre ? - R. Inférieur. Je l'élèverai, je contribuerai à lui faire prendre rang.
16. Connaissez-vous maintenant ce monde où vous allez entrer. - Oui, très-bien ; mieux peut-être que je ne le connaîtrai quand je l'habiterai.
Remarque. - Cette réponse est parfaitement logique ; comme Esprit, il voit ce monde dans son ensemble ; quand il y sera incarné, il ne le verra qu'au point de vue restreint de sa personnalité, et de la position sociale qu'il y occupera.
17. Sous le rapport physique, les habitants de ce monde sont-ils aussi matériels que ceux de la terre ? - R. Oui, tout à fait ; plus encore.
18. Est-ce vous qui avez choisi ce monde pour votre nouvelle existence ? - Non, non ; j'eusse préféré une terre calme et heureuse ; là, je trouverai des torrents de mal à combattre, et les fureurs du crime à punir.
Remarque. - Lorsque nos missionnaires chrétiens se rendent chez les peuples barbares pour essayer de faire pénétrer chez eux les germes de la civilisation, ne remplissent-ils pas une mission analogue ? Pourquoi donc s'étonner qu'un Esprit élevé se rende dans un monde arriéré en vue de le faire avancer ?
19. Cette existence vous est-elle imposée par la contrainte ? - Non ; on m'a engagé ; on m'a fait comprendre que la destinée, la Providence, si vous voulez, m'y appelait ; c'est comme la mort avant de monter au ciel : il faut souffrir, et je n'ai pas assez souffert, hélas !
20. Etes-vous heureux comme Esprit ? - R. Sans peines, oui.
21. Quelles ont été, je vous prie, vos occupations, comme Esprit, depuis le moment où vous avez quitté la terre ? - R. J'ai visité le monde, la terre entièrement ; cela m'a demandé l'espace de plusieurs années ; j'ai appris les lois que Dieu emploie pour y conduire tous les phénomènes qui en font la vie ; puis, j'ai procédé de même pour plusieurs sphères.
22. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à notre appel. - R. Adieu ; vous ne me reverrez pas.
Mort d'un Spirite (Société, 8 juillet 1859).
M. J..., négociant du département de la Sarthe, mort le 15 juin 1859, était un homme bien sous tous les rapports, et d'une charité sans bornes. Il avait fait une étude sérieuse du Spiritisme dont il était un des fervents adeptes. Comme abonné à la Revue Spirite, il se trouvait avoir des rapports indirects avec nous, sans que nous nous soyons vus. En l'évoquant, nous avons pour but, non seulement de répondre au désir de ses parents et de ses amis, mais de lui donner personnellement un témoignage de notre sympathie, et de le remercier des choses obligeantes qu'il avait bien voulu dire et penser de nous. C'était, en outre, pour nous, un sujet d'étude intéressant au point de vue l'influence que la connaissance approfondie du Spiritisme peut avoir sur l'état de l'âme après la mort.
1. Evocation. - R. Je suis là depuis longtemps.
2. Je n'ai jamais eu le plaisir de vous voir ; néanmoins, me reconnaissez-vous ? - Je vous reconnais d'autant mieux que je vous ai souvent visité, et que j'ai eu plus d'un entretien avec vous comme Esprit pendant ma vie.
Remarque. - Ceci confirme le fait très important, et dont nous avons eu de nombreux exemples, des communications que les hommes ont entre eux, à leur insu, pendant leur vie. Ainsi, pendant le sommeil du corps, les Esprits voyagent et vont se visiter réciproquement. Ils rapportent au réveil une intuition des idées qu'ils ont puisées dans ces entretiens occultes, mais dont ils ignorent la source. Nous avons, de cette manière, pendant la vie, une double existence : l'existence corporelle qui nous donne la vie de relation extérieure, et l'existence spirite qui nous donne la vie de relation occulte.
3. Etes-vous plus heureux que sur terre ? - R. Est-ce à vous de me le demander ?
4. Je le conçois ; cependant, vous jouissiez d'une fortune honorablement acquise, qui vous procurait les jouissances de la vie ; vous aviez l'estime et la considération que vous méritaient votre bonté et votre bienfaisance, veuillez nous dire en quoi consiste la supériorité de votre bonheur actuel ? - R. Il consiste naturellement dans la satisfaction que me procure le souvenir du peu de bien que j'ai fait, et dans la certitude de l'avenir qu'il me promet ; et comptez-vous pour rien l'absence des inquiétudes et du tracas de la vie ; des souffrances corporelles et de tous ces tourments que nous nous créons pour satisfaire aux besoins du corps ? Pendant la vie, l'agitation, l'anxiété, des angoisses incessantes, même au sein de la fortune ; ici la tranquillité et le repos : c'est le calme après la tempête.
5. Six semaines avant de mourir, vous affirmiez avoir encore cinq années à vivre ; d'où vous venait cette illusion, alors que tant de personnes pressentent leur mort prochaine ? - R. Un Esprit bienveillant voulait écarter de ma pensée ce moment que j'avais la faiblesse de redouter sans l'avouer, malgré ce que je savais de l'avenir de l'Esprit.
6. Vous aviez sérieusement approfondi la science Spirite ; veuillez nous dire si, à votre entrée dans le monde des Esprits, vous avez trouvé les choses telles que vous vous les étiez figurées ? - R. A bien peu de chose près, si ce n'est quelques questions de détail que j'avais mal comprises.
7. La lecture attentive que vous faisiez de la Revue spirite et du livre des Esprits, vous a-t-elle beaucoup aidé en cela ? - R. Incontestablement ; c'est là principalement ce qui m'a préparé à mon entrée dans la véritable vie.
8. Avez-vous éprouvé un étonnement quelconque en vous trouvant dans le monde des Esprits ? - R. C'est impossible autrement ; mais étonnement n'est pas le mot : admiration plutôt. On est si loin de pouvoir se faire une idée de ce que c'est !
Remarque. Celui qui, avant d'aller habiter un pays, l'a étudié dans les livres, s'est identifié avec les moeurs de ses habitants, sa configuration, son aspect, au moyen de dessins, de plans et de descriptions, est moins surpris, sans doute, que celui qui n'en a aucune idée ; et pourtant la réalité lui montre une foule de détails qu'il n'avait pas prévus et qui l'impressionnent. Il doit en être de même du monde des Esprits, dont nous ne pouvons comprendre toutes les merveilles, parce qu'il est des choses qui dépassent notre entendement.
9. En quittant votre corps, avez-vous vu et reconnu immédiatement des Esprits autour de vous ? - R. Oui, et des Esprits chéris.
10. Que pensez-vous maintenant de l'avenir du Spiritisme ? - R. Un avenir plus beau que vous ne le pensez encore, malgré votre foi et votre désir.
11. Vos connaissances touchant les matières spirites vous permettront, sans doute, de nous répondre avec précision sur certaines questions. Pourriez-vous nous décrire clairement ce qui s'est passé en vous à l'instant où votre corps a rendu le dernier soupir, et où votre Esprit s'est trouvé libre ? - R. Il est, je crois, personnellement très difficile de trouver un moyen de vous le faire comprendre autrement qu'on ne l'a déjà fait, en comparant la sensation qu'on éprouve au réveil qui suit un profond sommeil ; ce réveil est plus ou moins lent et difficile en raison directe de la situation morale de l'Esprit, et ne manque jamais d'être fortement influencé par les circonstances qui accompagnent la mort.
Remarque. Ceci est conforme à toutes les observations qui ont été faites sur l'état de l'Esprit au moment de sa séparation d'avec le corps ; nous avons toujours vu les circonstances morales et matérielles qui accompagnent la mort réagir puissamment sur l'état de l'Esprit dans les premiers moments.
12. Votre Esprit a-t-il conservé la conscience de son existence jusqu'au dernier moment, et l'a-t-il recouvrée immédiatement ? Y a-t-il eu un moment d'absence de lucidité, et quelle en a été la durée ? - R. Il y a eu un instant de trouble, mais presque inappréciable pour moi.
13. L'instant du réveil a-t-il eu quelque chose de pénible ? - R. Non, au contraire ; je me sentais, si je puis parler ainsi, allègre et dispos comme si j'avais respiré un air pur à la sortie d'une salle enfumée.
Remarque. Comparaison ingénieuse et qui ne peut être que l'expression de la vérité.
14. Vous rappelez-vous l'existence que vous aviez avant celle que vous venez de quitter ? Quelle était-elle ? - R. Je me la rappelle on ne peut mieux. J'étais un bon serviteur auprès d'un bon maître, qui m'a reçu conjointement avec d'autres à ma rentrée dans ce monde bienheureux.
15. Votre frère, je crois, s'occupe moins des questions spirites que vous ne le faisiez ? - R. Oui, je ferai en sorte qu'il les prenne plus à coeur, si cela m'est permis. S'il savait ce que l'on y gagne, il y attacherait plus d'importance.
16. Votre frère a chargé M. B... de me faire part de votre décès ; ils attendent tous les deux avec impatience le résultat de notre entretien ; mais ils seront encore plus sensibles à un souvenir direct de votre part, si vous vouliez bien me charger de quelques paroles pour eux, ou pour d'autres personnes qui vous regrettent. - R. Je leur dirai, par votre entremise, ce que je leur aurais dit moi-même, mais je crains beaucoup de n'avoir pas plus d'influence près de quelques-uns d'entre eux que je n'en avais autrefois ; cependant je les conjure, en mon nom et en celui de leurs amis, que je vois, de réfléchir, et d'étudier sérieusement cette grave question du Spiritisme, ne fût-ce que pour le secours qu'elle apporte pour passer ce moment si redouté de la plupart, et si peu redoutable pour celui qui s'y est préparé à l'avance par l'étude de l'avenir et la pratique du bien. Dites-leur que je suis toujours avec eux, au milieu d'eux, que je les vois, et que je serai heureux si leurs dispositions peuvent leur assurer, dans le monde où je suis, une place dont ils n'auront qu'à se féliciter. Dites-le surtout à mon frère, dont le bonheur est mon voeu le plus cher, et que je n'oublie pas, quoique je sois plus heureux.
17. La sympathie que vous avez bien voulu me témoigner de votre vivant, sans m'avoir vu, me fait espérer que nous nous reconnaîtrons facilement quand je me trouverai parmi vous ; et jusque-là je serai heureux que vous veuilliez bien m'assister dans les travaux qui me restent à faire pour accomplir ma tâche. - R. Vous me jugez trop favorablement ; néanmoins soyez convaincu que, si je puis vous être de quelque utilité, je ne manquerai pas de le faire, peut-être même sans que vous vous en doutiez.
18. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à notre appel, et des explications instructives que vous nous avez données. - R. A votre disposition ; je serai souvent avec vous.
Remarque. - Cette communication est sans contredit une de celles qui dépeignent la vie spirite avec le plus de clarté ; elle offre un puissant enseignement touchant l'influence que les idées spirites exercent sur notre état après la mort.
Cet entretien a paru laisser quelque chose à désirer à l'ami qui nous a fait part de la mort de M. J... « Ce dernier, nous répond-il, n'a pas conservé dans son langage le cachet d'originalité qu'il avait avec nous. Il se tient dans une réserve qu'il n'observait avec personne ; son style incorrect, saccadé, tranchait de l'inspiration : il osait tout ; il battait en brèche quiconque formulait une objection contre ses croyances ; il nous taillait en pièces pour nous convertir. Dans son apparition psychologique, il ne fait connaître aucune particularité des nombreuses relations qu'il avait avec une multitude de personnes qu'il fréquentait. Nous aurions tous aimé à nous voir désignés par lui, non pour satisfaire notre curiosité, mais pour notre instruction. Nous aurions voulu qu'il nous eût parlé nettement de quelques idées émises par nous, en sa présence, dans nos conversations. Il aurait pu me dire, à moi personnellement, si j'ai tort de m'arrêter à telle ou telle considération ; si ce que je lui ai dit est vrai ou faux. Il ne nous a point parlé de sa soeur encore vivante et si digne d'intérêt. »
D'après cette lettre nous avons évoqué de nouveau M. J... et lui avons adressé les questions suivantes :
19. Avez-vous connaissance de la lettre que j'ai reçue en réponse à l'envoi de votre évocation. - R. Oui, je l'ai vu écrire.
20. Aurez-vous la bonté de nous donner quelques explications sur certains passages de cette lettre, et cela, comme vous le pensez bien, dans un but d'instruction, et uniquement pour me fournir les éléments d'une réponse ? - R. Si vous le trouvez utile, oui.
21. On trouve étrange que votre langage n'ait pas conservé son cachet d'originalité ; il paraît que, de votre vivant, vous étiez assez cassant dans la discussion. - R. Oui, mais le ciel et la terre sont bien différents, et ici j'ai trouvé des maîtres. Que voulez-vous ! ils m'impatientaient par leurs objections saugrenues ; je leur montrais le soleil, et ils ne voulaient pas le voir ; comment garder son sang-froid ? Ici je n'ai pas à discuter ; nous nous comprenons tous.
22. Ces messieurs s'étonnent que vous ne les ayez pas interpellés nominativement pour les réfuter, comme vous le faisiez de votre vivant. - R. Qu'ils s'en étonnent ! Je les attends ; quand ils viendront me rejoindre, alors ils verront qui de nous avait raison. Il faudra bien qu'ils y viennent bon gré mal gré eux, et les uns plus tôt qu'ils ne le croient ; leur jactance tombera comme la poussière abattue par la pluie ; forfanterie... (Ici l'Esprit s'arrête et refuse d'achever la phrase).
23. Ils en infèrent que vous ne leur portez pas tout l'intérêt qu'ils avaient droit d'attendre de vous ? - R. Je leur veux du bien, mais je ne le leur ferai pas malgré eux.
24. Ils s'étonnent également que vous n'ayez rien dit de votre soeur. - R. Sont-ils donc entre elle et moi ?
25. M. B... aurait voulu que vous lui eussiez dit ce qu'il vous a raconté dans l'intimité ; c'eût été pour lui et pour les autres un moyen de s'éclairer. - R. A quoi bon lui répéter ce qu'il sait ? Croit-il que je n'aie que cela à faire ? N'ont-ils pas tous les moyens de s'éclairer que j'avais moi-même ? qu'ils en profitent ! ils s'en trouveront bien, je le leur garantis. Quant à moi, je bénis le ciel de m'avoir envoyé la lumière qui m'a frayé la route de la félicité.
26. Mais c'est cette lumière qu'ils désirent et qu'ils seraient heureux de recevoir de vous. -R. La lumière luit pour tout le monde ; aveugle qui ne la voit pas ; celui-là tombera dans le précipice et maudira son aveuglement.
27. Votre langage me semble empreint d'une bien grande sévérité. - R. Ne m'ont-ils pas trouvé trop doux ?
28. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir, et des éclaircissements que vous nous avez donnés. - R. Toujours à votre service, parce que je sais que c'est pour le bien.
M. J..., négociant du département de la Sarthe, mort le 15 juin 1859, était un homme bien sous tous les rapports, et d'une charité sans bornes. Il avait fait une étude sérieuse du Spiritisme dont il était un des fervents adeptes. Comme abonné à la Revue Spirite, il se trouvait avoir des rapports indirects avec nous, sans que nous nous soyons vus. En l'évoquant, nous avons pour but, non seulement de répondre au désir de ses parents et de ses amis, mais de lui donner personnellement un témoignage de notre sympathie, et de le remercier des choses obligeantes qu'il avait bien voulu dire et penser de nous. C'était, en outre, pour nous, un sujet d'étude intéressant au point de vue l'influence que la connaissance approfondie du Spiritisme peut avoir sur l'état de l'âme après la mort.
1. Evocation. - R. Je suis là depuis longtemps.
2. Je n'ai jamais eu le plaisir de vous voir ; néanmoins, me reconnaissez-vous ? - Je vous reconnais d'autant mieux que je vous ai souvent visité, et que j'ai eu plus d'un entretien avec vous comme Esprit pendant ma vie.
Remarque. - Ceci confirme le fait très important, et dont nous avons eu de nombreux exemples, des communications que les hommes ont entre eux, à leur insu, pendant leur vie. Ainsi, pendant le sommeil du corps, les Esprits voyagent et vont se visiter réciproquement. Ils rapportent au réveil une intuition des idées qu'ils ont puisées dans ces entretiens occultes, mais dont ils ignorent la source. Nous avons, de cette manière, pendant la vie, une double existence : l'existence corporelle qui nous donne la vie de relation extérieure, et l'existence spirite qui nous donne la vie de relation occulte.
3. Etes-vous plus heureux que sur terre ? - R. Est-ce à vous de me le demander ?
4. Je le conçois ; cependant, vous jouissiez d'une fortune honorablement acquise, qui vous procurait les jouissances de la vie ; vous aviez l'estime et la considération que vous méritaient votre bonté et votre bienfaisance, veuillez nous dire en quoi consiste la supériorité de votre bonheur actuel ? - R. Il consiste naturellement dans la satisfaction que me procure le souvenir du peu de bien que j'ai fait, et dans la certitude de l'avenir qu'il me promet ; et comptez-vous pour rien l'absence des inquiétudes et du tracas de la vie ; des souffrances corporelles et de tous ces tourments que nous nous créons pour satisfaire aux besoins du corps ? Pendant la vie, l'agitation, l'anxiété, des angoisses incessantes, même au sein de la fortune ; ici la tranquillité et le repos : c'est le calme après la tempête.
5. Six semaines avant de mourir, vous affirmiez avoir encore cinq années à vivre ; d'où vous venait cette illusion, alors que tant de personnes pressentent leur mort prochaine ? - R. Un Esprit bienveillant voulait écarter de ma pensée ce moment que j'avais la faiblesse de redouter sans l'avouer, malgré ce que je savais de l'avenir de l'Esprit.
6. Vous aviez sérieusement approfondi la science Spirite ; veuillez nous dire si, à votre entrée dans le monde des Esprits, vous avez trouvé les choses telles que vous vous les étiez figurées ? - R. A bien peu de chose près, si ce n'est quelques questions de détail que j'avais mal comprises.
7. La lecture attentive que vous faisiez de la Revue spirite et du livre des Esprits, vous a-t-elle beaucoup aidé en cela ? - R. Incontestablement ; c'est là principalement ce qui m'a préparé à mon entrée dans la véritable vie.
8. Avez-vous éprouvé un étonnement quelconque en vous trouvant dans le monde des Esprits ? - R. C'est impossible autrement ; mais étonnement n'est pas le mot : admiration plutôt. On est si loin de pouvoir se faire une idée de ce que c'est !
Remarque. Celui qui, avant d'aller habiter un pays, l'a étudié dans les livres, s'est identifié avec les moeurs de ses habitants, sa configuration, son aspect, au moyen de dessins, de plans et de descriptions, est moins surpris, sans doute, que celui qui n'en a aucune idée ; et pourtant la réalité lui montre une foule de détails qu'il n'avait pas prévus et qui l'impressionnent. Il doit en être de même du monde des Esprits, dont nous ne pouvons comprendre toutes les merveilles, parce qu'il est des choses qui dépassent notre entendement.
9. En quittant votre corps, avez-vous vu et reconnu immédiatement des Esprits autour de vous ? - R. Oui, et des Esprits chéris.
10. Que pensez-vous maintenant de l'avenir du Spiritisme ? - R. Un avenir plus beau que vous ne le pensez encore, malgré votre foi et votre désir.
11. Vos connaissances touchant les matières spirites vous permettront, sans doute, de nous répondre avec précision sur certaines questions. Pourriez-vous nous décrire clairement ce qui s'est passé en vous à l'instant où votre corps a rendu le dernier soupir, et où votre Esprit s'est trouvé libre ? - R. Il est, je crois, personnellement très difficile de trouver un moyen de vous le faire comprendre autrement qu'on ne l'a déjà fait, en comparant la sensation qu'on éprouve au réveil qui suit un profond sommeil ; ce réveil est plus ou moins lent et difficile en raison directe de la situation morale de l'Esprit, et ne manque jamais d'être fortement influencé par les circonstances qui accompagnent la mort.
Remarque. Ceci est conforme à toutes les observations qui ont été faites sur l'état de l'Esprit au moment de sa séparation d'avec le corps ; nous avons toujours vu les circonstances morales et matérielles qui accompagnent la mort réagir puissamment sur l'état de l'Esprit dans les premiers moments.
12. Votre Esprit a-t-il conservé la conscience de son existence jusqu'au dernier moment, et l'a-t-il recouvrée immédiatement ? Y a-t-il eu un moment d'absence de lucidité, et quelle en a été la durée ? - R. Il y a eu un instant de trouble, mais presque inappréciable pour moi.
13. L'instant du réveil a-t-il eu quelque chose de pénible ? - R. Non, au contraire ; je me sentais, si je puis parler ainsi, allègre et dispos comme si j'avais respiré un air pur à la sortie d'une salle enfumée.
Remarque. Comparaison ingénieuse et qui ne peut être que l'expression de la vérité.
14. Vous rappelez-vous l'existence que vous aviez avant celle que vous venez de quitter ? Quelle était-elle ? - R. Je me la rappelle on ne peut mieux. J'étais un bon serviteur auprès d'un bon maître, qui m'a reçu conjointement avec d'autres à ma rentrée dans ce monde bienheureux.
15. Votre frère, je crois, s'occupe moins des questions spirites que vous ne le faisiez ? - R. Oui, je ferai en sorte qu'il les prenne plus à coeur, si cela m'est permis. S'il savait ce que l'on y gagne, il y attacherait plus d'importance.
16. Votre frère a chargé M. B... de me faire part de votre décès ; ils attendent tous les deux avec impatience le résultat de notre entretien ; mais ils seront encore plus sensibles à un souvenir direct de votre part, si vous vouliez bien me charger de quelques paroles pour eux, ou pour d'autres personnes qui vous regrettent. - R. Je leur dirai, par votre entremise, ce que je leur aurais dit moi-même, mais je crains beaucoup de n'avoir pas plus d'influence près de quelques-uns d'entre eux que je n'en avais autrefois ; cependant je les conjure, en mon nom et en celui de leurs amis, que je vois, de réfléchir, et d'étudier sérieusement cette grave question du Spiritisme, ne fût-ce que pour le secours qu'elle apporte pour passer ce moment si redouté de la plupart, et si peu redoutable pour celui qui s'y est préparé à l'avance par l'étude de l'avenir et la pratique du bien. Dites-leur que je suis toujours avec eux, au milieu d'eux, que je les vois, et que je serai heureux si leurs dispositions peuvent leur assurer, dans le monde où je suis, une place dont ils n'auront qu'à se féliciter. Dites-le surtout à mon frère, dont le bonheur est mon voeu le plus cher, et que je n'oublie pas, quoique je sois plus heureux.
17. La sympathie que vous avez bien voulu me témoigner de votre vivant, sans m'avoir vu, me fait espérer que nous nous reconnaîtrons facilement quand je me trouverai parmi vous ; et jusque-là je serai heureux que vous veuilliez bien m'assister dans les travaux qui me restent à faire pour accomplir ma tâche. - R. Vous me jugez trop favorablement ; néanmoins soyez convaincu que, si je puis vous être de quelque utilité, je ne manquerai pas de le faire, peut-être même sans que vous vous en doutiez.
18. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à notre appel, et des explications instructives que vous nous avez données. - R. A votre disposition ; je serai souvent avec vous.
Remarque. - Cette communication est sans contredit une de celles qui dépeignent la vie spirite avec le plus de clarté ; elle offre un puissant enseignement touchant l'influence que les idées spirites exercent sur notre état après la mort.
Cet entretien a paru laisser quelque chose à désirer à l'ami qui nous a fait part de la mort de M. J... « Ce dernier, nous répond-il, n'a pas conservé dans son langage le cachet d'originalité qu'il avait avec nous. Il se tient dans une réserve qu'il n'observait avec personne ; son style incorrect, saccadé, tranchait de l'inspiration : il osait tout ; il battait en brèche quiconque formulait une objection contre ses croyances ; il nous taillait en pièces pour nous convertir. Dans son apparition psychologique, il ne fait connaître aucune particularité des nombreuses relations qu'il avait avec une multitude de personnes qu'il fréquentait. Nous aurions tous aimé à nous voir désignés par lui, non pour satisfaire notre curiosité, mais pour notre instruction. Nous aurions voulu qu'il nous eût parlé nettement de quelques idées émises par nous, en sa présence, dans nos conversations. Il aurait pu me dire, à moi personnellement, si j'ai tort de m'arrêter à telle ou telle considération ; si ce que je lui ai dit est vrai ou faux. Il ne nous a point parlé de sa soeur encore vivante et si digne d'intérêt. »
D'après cette lettre nous avons évoqué de nouveau M. J... et lui avons adressé les questions suivantes :
19. Avez-vous connaissance de la lettre que j'ai reçue en réponse à l'envoi de votre évocation. - R. Oui, je l'ai vu écrire.
20. Aurez-vous la bonté de nous donner quelques explications sur certains passages de cette lettre, et cela, comme vous le pensez bien, dans un but d'instruction, et uniquement pour me fournir les éléments d'une réponse ? - R. Si vous le trouvez utile, oui.
21. On trouve étrange que votre langage n'ait pas conservé son cachet d'originalité ; il paraît que, de votre vivant, vous étiez assez cassant dans la discussion. - R. Oui, mais le ciel et la terre sont bien différents, et ici j'ai trouvé des maîtres. Que voulez-vous ! ils m'impatientaient par leurs objections saugrenues ; je leur montrais le soleil, et ils ne voulaient pas le voir ; comment garder son sang-froid ? Ici je n'ai pas à discuter ; nous nous comprenons tous.
22. Ces messieurs s'étonnent que vous ne les ayez pas interpellés nominativement pour les réfuter, comme vous le faisiez de votre vivant. - R. Qu'ils s'en étonnent ! Je les attends ; quand ils viendront me rejoindre, alors ils verront qui de nous avait raison. Il faudra bien qu'ils y viennent bon gré mal gré eux, et les uns plus tôt qu'ils ne le croient ; leur jactance tombera comme la poussière abattue par la pluie ; forfanterie... (Ici l'Esprit s'arrête et refuse d'achever la phrase).
23. Ils en infèrent que vous ne leur portez pas tout l'intérêt qu'ils avaient droit d'attendre de vous ? - R. Je leur veux du bien, mais je ne le leur ferai pas malgré eux.
24. Ils s'étonnent également que vous n'ayez rien dit de votre soeur. - R. Sont-ils donc entre elle et moi ?
25. M. B... aurait voulu que vous lui eussiez dit ce qu'il vous a raconté dans l'intimité ; c'eût été pour lui et pour les autres un moyen de s'éclairer. - R. A quoi bon lui répéter ce qu'il sait ? Croit-il que je n'aie que cela à faire ? N'ont-ils pas tous les moyens de s'éclairer que j'avais moi-même ? qu'ils en profitent ! ils s'en trouveront bien, je le leur garantis. Quant à moi, je bénis le ciel de m'avoir envoyé la lumière qui m'a frayé la route de la félicité.
26. Mais c'est cette lumière qu'ils désirent et qu'ils seraient heureux de recevoir de vous. -R. La lumière luit pour tout le monde ; aveugle qui ne la voit pas ; celui-là tombera dans le précipice et maudira son aveuglement.
27. Votre langage me semble empreint d'une bien grande sévérité. - R. Ne m'ont-ils pas trouvé trop doux ?
28. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir, et des éclaircissements que vous nous avez donnés. - R. Toujours à votre service, parce que je sais que c'est pour le bien.
Les orages - Rôle des Esprits dans les phénomènes naturels
(Société, 22 juillet 1859).
1. (A Fr. Arago.) Il nous a été dit que l'orage de Solferino avait eu un but providentiel, et l'on nous signale plusieurs faits de ce genre, notamment en février et juin 1848. Ces orages, pendant les combats, avaient-ils un but analogue ? - R. Presque tous.
2. L'Esprit interrogé à ce sujet nous a dit que Dieu seul agissait, dans ces circonstances, sans intermédiaires. Permettez-nous quelques questions à ce sujet que nous vous prions de vouloir bien résoudre avec votre clarté habituelle.
Nous concevons parfaitement que la volonté de Dieu soit la cause première, en cela comme en toutes choses, mais nous savons aussi que les Esprits sont ses agents. Or, puisque nous savons que les Esprits ont une action sur la matière, nous ne voyons pas pourquoi, certains d'entre eux, n'auraient pas une action sur les éléments, pour les agiter, les calmer ou les diriger. - R. Mais c'est évident ; cela ne peut être autrement ; Dieu ne se livre pas à une action directe sur la matière ; il a ses agents dévoués à tous les degrés de l'échelle des mondes. L'Esprit évoqué n'a parlé ainsi que par une connaissance moins parfaite de ces lois que de celles de la guerre.
Remarque. La communication de l'officier, rapportée ci-dessus, a été obtenue le 1° juillet ; celle-ci n'a eu lieu que le 22 et par un autre médium ; rien, dans la question, n'indique la qualité du premier Esprit évoqué, qualité que rappelle spontanément celui qui vient de répondre. Cette circonstance est caractéristique, et prouve que la pensée du médium n'est pour rien dans la réponse. C'est ainsi que, dans une multitude de circonstances fortuites, l'Esprit révèle, soit son identité, soit son indépendance. C'est pourquoi nous disons qu'il faut beaucoup voir, beaucoup observer ; alors on découvre une multitude de nuances qui échappent à l'observateur superficiel et de passage. On sait qu'il faut saisir les faits quand ils se présentent, et que ce n'est pas en les provoquant qu'on les obtient. L'observateur attentif et patient trouve toujours quelque chose à glaner.
3. La mythologie est entièrement fondée sur les idées spirites ; nous y retrouvons toutes les propriétés des Esprits, avec cette différence que les Anciens en avaient fait des dieux. Or, la mythologie nous représente ces dieux, ou ces Esprits, avec des attributions spéciales ; ainsi, les uns étaient chargés des vents, d'autres de la foudre, d'autres de présider à la végétation, etc. ; cette croyance est-elle dénuée de fondement ? - R. Elle est si peu dénuée de fondement qu'elle est encore bien au-dessous de la vérité.
4. A l'origine de nos communications, les Esprits nous ont dit des choses qui semblent confirmer ce principe. Ils nous ont dit, par exemple, que certains Esprits habitent plus spécialement l'intérieur de la terre, et président aux phénomènes géologiques. - R. Oui, et vous ne tarderez pas beaucoup à avoir l'explication de tout cela.
5. Ces Esprits qui habitent l'intérieur de la terre, et président aux phénomènes géologiques, sont-ils d'un ordre inférieur ? - R. Ces Esprits n'habitent pas positivement la terre, mais ils président et dirigent ; ils sont d'un ordre tout différent.
6. Sont-ce des Esprits qui ont été incarnés en hommes comme nous ? - R. Qui le seront, et qui l'ont été. Je vous en dirai plus dans peu de temps, si vous le voulez.
1. (A Fr. Arago.) Il nous a été dit que l'orage de Solferino avait eu un but providentiel, et l'on nous signale plusieurs faits de ce genre, notamment en février et juin 1848. Ces orages, pendant les combats, avaient-ils un but analogue ? - R. Presque tous.
2. L'Esprit interrogé à ce sujet nous a dit que Dieu seul agissait, dans ces circonstances, sans intermédiaires. Permettez-nous quelques questions à ce sujet que nous vous prions de vouloir bien résoudre avec votre clarté habituelle.
Nous concevons parfaitement que la volonté de Dieu soit la cause première, en cela comme en toutes choses, mais nous savons aussi que les Esprits sont ses agents. Or, puisque nous savons que les Esprits ont une action sur la matière, nous ne voyons pas pourquoi, certains d'entre eux, n'auraient pas une action sur les éléments, pour les agiter, les calmer ou les diriger. - R. Mais c'est évident ; cela ne peut être autrement ; Dieu ne se livre pas à une action directe sur la matière ; il a ses agents dévoués à tous les degrés de l'échelle des mondes. L'Esprit évoqué n'a parlé ainsi que par une connaissance moins parfaite de ces lois que de celles de la guerre.
Remarque. La communication de l'officier, rapportée ci-dessus, a été obtenue le 1° juillet ; celle-ci n'a eu lieu que le 22 et par un autre médium ; rien, dans la question, n'indique la qualité du premier Esprit évoqué, qualité que rappelle spontanément celui qui vient de répondre. Cette circonstance est caractéristique, et prouve que la pensée du médium n'est pour rien dans la réponse. C'est ainsi que, dans une multitude de circonstances fortuites, l'Esprit révèle, soit son identité, soit son indépendance. C'est pourquoi nous disons qu'il faut beaucoup voir, beaucoup observer ; alors on découvre une multitude de nuances qui échappent à l'observateur superficiel et de passage. On sait qu'il faut saisir les faits quand ils se présentent, et que ce n'est pas en les provoquant qu'on les obtient. L'observateur attentif et patient trouve toujours quelque chose à glaner.
3. La mythologie est entièrement fondée sur les idées spirites ; nous y retrouvons toutes les propriétés des Esprits, avec cette différence que les Anciens en avaient fait des dieux. Or, la mythologie nous représente ces dieux, ou ces Esprits, avec des attributions spéciales ; ainsi, les uns étaient chargés des vents, d'autres de la foudre, d'autres de présider à la végétation, etc. ; cette croyance est-elle dénuée de fondement ? - R. Elle est si peu dénuée de fondement qu'elle est encore bien au-dessous de la vérité.
4. A l'origine de nos communications, les Esprits nous ont dit des choses qui semblent confirmer ce principe. Ils nous ont dit, par exemple, que certains Esprits habitent plus spécialement l'intérieur de la terre, et président aux phénomènes géologiques. - R. Oui, et vous ne tarderez pas beaucoup à avoir l'explication de tout cela.
5. Ces Esprits qui habitent l'intérieur de la terre, et président aux phénomènes géologiques, sont-ils d'un ordre inférieur ? - R. Ces Esprits n'habitent pas positivement la terre, mais ils président et dirigent ; ils sont d'un ordre tout différent.
6. Sont-ce des Esprits qui ont été incarnés en hommes comme nous ? - R. Qui le seront, et qui l'ont été. Je vous en dirai plus dans peu de temps, si vous le voulez.
Intérieur d'une famille Spirite
Madame
G... est restée veuve depuis trois ans avec quatre enfants ; l'aîné est un
aimable jeune homme de dix-sept ans, et le plus jeune une charmante petite
fille de six ans. Depuis longtemps, dans cette famille, on s'occupe de
Spiritisme, et avant même que cette croyance ne se fût popularisée comme elle
l'est aujourd'hui, le père et la mère en avaient comme une sorte d'intuition
que diverses circonstances étaient venues développer. Le père de M. G... lui
était apparu plusieurs fois dans sa jeunesse, et chaque fois l'avait prévenu de
choses importantes, ou lui avait donné d'utiles conseils. Des faits du même
genre s'étaient également passés chez leurs amis, de sorte que, pour eux,
l'existence d'outre-tombe ne pouvait faire l'objet d'aucun doute, non plus que
la possibilité de communiquer avec les êtres qui nous sont chers. Quand vint le
Spiritisme, ce ne fut que la confirmation d'une idée bien arrêtée et sanctifiée
par le sentiment d'une religion éclairée, car cette famille est un modèle de
piété et de charité évangélique. Ils puisèrent dans la science nouvelle des
moyens de communication plus directs ; la mère et l'un des enfants
devinrent d'excellents médiums ; mais loin d'employer cette faculté à des
questions futiles, tous la regardèrent comme un don précieux de la Providence,
dont il n'était permis de se servir que pour des choses sérieuses ; aussi
n'en usaient-ils jamais qu'avec recueillement et respect, et loin du regard des
importuns et des curieux.
Sur ces entrefaites, le père tomba malade, et, pressentant sa fin prochaine, il réunit ses enfants et leur dit : « Mes chers enfants, ma femme bien-aimée, Dieu me rappelle à lui ; je sens que je vais vous quitter sous peu ; mais je pense que vous puiserez dans votre foi en l'immortalité la force nécessaire pour supporter avec courage cette séparation, comme moi j'emporte la consolation que je pourrai toujours être au milieu de vous et vous aider de mes conseils. Appelez-moi donc quand je ne serai plus sur la terre, je viendrai m'asseoir à vos côtés, causer avec vous, comme le font nos grands parents ; car, en vérité, nous serons moins séparés que si je partais pour un pays lointain. Ma chère femme, je te laisse une grande tâche, mais plus elle est lourde, plus elle sera glorieuse ; et, j'en ai l'assurance, nos enfants t'aideront à la supporter. N'est-ce pas, mes enfants, vous seconderez votre mère ; vous éviterez tout ce qui pourrait lui faire de la peine ; vous serez toujours bons et bienveillants pour tout le monde ; vous tendrez la main à vos frères malheureux, car vous ne voudriez pas vous exposer à la tendre un jour vous-mêmes en vain. Que la paix, la concorde et l'union règnent parmi vous ; que jamais l'intérêt ne vous divise, car l'intérêt matériel est la plus grande barrière entre la terre et le ciel. Songez que je serai toujours là, près de vous, que je vous verrai comme je vous vois en ce moment, et mieux encore, puisque je verrai votre pensée ; vous ne voudrez donc pas plus m'attrister après ma mort que vous ne l'avez fait de mon vivant. »
C'est un spectacle vraiment édifiant de voir l'intérieur de cette pieuse famille. Ces enfants, nourris dans les idées spirites, ne se regardent point comme séparés de leur père ; pour eux il est là, et ils craindraient de faire la moindre action qui pût lui déplaire. Toutes les semaines, une soirée est consacrée à causer avec lui, et quelquefois plus souvent ; mais il y a les nécessités de la vie auxquelles il faut pourvoir, - la famille n'est pas riche, - c'est pourquoi un jour fixe est assigné à ces pieux entretiens, et ce jour est toujours attendu avec impatience. La petite fille dit souvent : Est-ce aujourd'hui que vient mon papa ? Ce jour là se passe en causeries familières, en instructions proportionnées à l'intelligence, quelquefois enfantines, d'autres fois graves et sublimes ; ce sont des conseils donnés à propos, de petits travers qu'il signale : s'il fait la part des éloges, la critique n'est pas épargnée, et le coupable baisse les yeux, comme s'il avait son père devant lui ; il lui demande un pardon qui n'est quelquefois accordé qu'après plusieurs semaines d'épreuve : on attend son arrêt avec une fiévreuse anxiété. Alors, quelle joie ! quand le père dit : Je suis content de toi. Mais la menace la plus terrible, c'est de dire : Je ne reviendrai pas la semaine prochaine.
La fête annuelle n'est pas oubliée. C'est toujours un jour solennel auquel on convie tous les grands parents défunts, sans oublier un petit frère mort il y a quelques années. Les portraits sont ornés de fleurs ; chaque enfant a préparé un petit travail, voire même le compliment traditionnel ; l'aîné a fait une dissertation sur un sujet grave ; une des jeunes filles exécute un morceau de musique ; la plus petite enfin récite une fable ; c'est le jour des grandes communications, et chaque convié reçoit un souvenir des amis qu'il a laissés sur la terre.
Qu'elles sont belles ces réunions par leur touchante simplicité ! Comme tout y parle au coeur ! Comment peut-on en sortir sans être pénétré de l'amour du bien ? Mais là aucun regard moqueur, aucun rire sceptique ne vient troubler le pieux recueillement ; quelques amis partageant les mêmes convictions et dévoués à la religion de famille sont seuls admis à prendre part à ce banquet du sentiment. Riez-en tant que voudrez, vous qui vous moquez des choses les plus saintes ; quelque superbes et endurcis que vous soyez, je ne vous fais pas l'injure de croire que votre orgueil pût rester impassible et froid devant un tel spectacle.
Un jour pourtant fut un jour de deuil pour la famille, un jour de véritable chagrin : le père avait annoncé qu'il serait quelque temps, longtemps même sans pouvoir venir ; une grande et importante mission l'appelait loin de la terre. La fête annuelle n'en fut pas moins célébrée ; mais elle fut triste : le père n'y était pas. Il avait dit en partant : Mes enfants, qu'à mon retour je vous trouve tous dignes de moi, et chacun s'efforce de se rendre digne de lui. Ils attendent encore.
Sur ces entrefaites, le père tomba malade, et, pressentant sa fin prochaine, il réunit ses enfants et leur dit : « Mes chers enfants, ma femme bien-aimée, Dieu me rappelle à lui ; je sens que je vais vous quitter sous peu ; mais je pense que vous puiserez dans votre foi en l'immortalité la force nécessaire pour supporter avec courage cette séparation, comme moi j'emporte la consolation que je pourrai toujours être au milieu de vous et vous aider de mes conseils. Appelez-moi donc quand je ne serai plus sur la terre, je viendrai m'asseoir à vos côtés, causer avec vous, comme le font nos grands parents ; car, en vérité, nous serons moins séparés que si je partais pour un pays lointain. Ma chère femme, je te laisse une grande tâche, mais plus elle est lourde, plus elle sera glorieuse ; et, j'en ai l'assurance, nos enfants t'aideront à la supporter. N'est-ce pas, mes enfants, vous seconderez votre mère ; vous éviterez tout ce qui pourrait lui faire de la peine ; vous serez toujours bons et bienveillants pour tout le monde ; vous tendrez la main à vos frères malheureux, car vous ne voudriez pas vous exposer à la tendre un jour vous-mêmes en vain. Que la paix, la concorde et l'union règnent parmi vous ; que jamais l'intérêt ne vous divise, car l'intérêt matériel est la plus grande barrière entre la terre et le ciel. Songez que je serai toujours là, près de vous, que je vous verrai comme je vous vois en ce moment, et mieux encore, puisque je verrai votre pensée ; vous ne voudrez donc pas plus m'attrister après ma mort que vous ne l'avez fait de mon vivant. »
C'est un spectacle vraiment édifiant de voir l'intérieur de cette pieuse famille. Ces enfants, nourris dans les idées spirites, ne se regardent point comme séparés de leur père ; pour eux il est là, et ils craindraient de faire la moindre action qui pût lui déplaire. Toutes les semaines, une soirée est consacrée à causer avec lui, et quelquefois plus souvent ; mais il y a les nécessités de la vie auxquelles il faut pourvoir, - la famille n'est pas riche, - c'est pourquoi un jour fixe est assigné à ces pieux entretiens, et ce jour est toujours attendu avec impatience. La petite fille dit souvent : Est-ce aujourd'hui que vient mon papa ? Ce jour là se passe en causeries familières, en instructions proportionnées à l'intelligence, quelquefois enfantines, d'autres fois graves et sublimes ; ce sont des conseils donnés à propos, de petits travers qu'il signale : s'il fait la part des éloges, la critique n'est pas épargnée, et le coupable baisse les yeux, comme s'il avait son père devant lui ; il lui demande un pardon qui n'est quelquefois accordé qu'après plusieurs semaines d'épreuve : on attend son arrêt avec une fiévreuse anxiété. Alors, quelle joie ! quand le père dit : Je suis content de toi. Mais la menace la plus terrible, c'est de dire : Je ne reviendrai pas la semaine prochaine.
La fête annuelle n'est pas oubliée. C'est toujours un jour solennel auquel on convie tous les grands parents défunts, sans oublier un petit frère mort il y a quelques années. Les portraits sont ornés de fleurs ; chaque enfant a préparé un petit travail, voire même le compliment traditionnel ; l'aîné a fait une dissertation sur un sujet grave ; une des jeunes filles exécute un morceau de musique ; la plus petite enfin récite une fable ; c'est le jour des grandes communications, et chaque convié reçoit un souvenir des amis qu'il a laissés sur la terre.
Qu'elles sont belles ces réunions par leur touchante simplicité ! Comme tout y parle au coeur ! Comment peut-on en sortir sans être pénétré de l'amour du bien ? Mais là aucun regard moqueur, aucun rire sceptique ne vient troubler le pieux recueillement ; quelques amis partageant les mêmes convictions et dévoués à la religion de famille sont seuls admis à prendre part à ce banquet du sentiment. Riez-en tant que voudrez, vous qui vous moquez des choses les plus saintes ; quelque superbes et endurcis que vous soyez, je ne vous fais pas l'injure de croire que votre orgueil pût rester impassible et froid devant un tel spectacle.
Un jour pourtant fut un jour de deuil pour la famille, un jour de véritable chagrin : le père avait annoncé qu'il serait quelque temps, longtemps même sans pouvoir venir ; une grande et importante mission l'appelait loin de la terre. La fête annuelle n'en fut pas moins célébrée ; mais elle fut triste : le père n'y était pas. Il avait dit en partant : Mes enfants, qu'à mon retour je vous trouve tous dignes de moi, et chacun s'efforce de se rendre digne de lui. Ils attendent encore.
Aphorismes Spirites et Pensées détachées
Lorsqu'on évoque un parent ou un ami, quelque affection qu'il vous ait conservée, il ne faut pas s'attendre à ces élans de tendresse qui nous sembleraient naturels après une séparation douloureuse ; l'affection, pour être calme, n'en est pas moins sentie, et peut être plus réelle que celle qui se traduit par de grandes démonstrations. Les Esprits pensent, mais ils n'agissent pas comme les hommes : deux Esprits amis se voient, s'aiment, sont heureux de se rapprocher, mais ils n'ont pas besoin de se jeter dans les bras l'un de l'autre. Quand ils se communiquent à nous par l'écriture, une bonne parole leur suffit et en dit plus pour eux que des phrases emphatiques.
ALLAN KARDEC