Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1859

Allan Kardec

Vous êtes ici: Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1859 > Mai


Mai

Scènes de la vie privée spirite

Dans notre dernier numéro nous avons présenté le tableau de la vie Spirite comme ensemble ; nous avons suivi les Esprits depuis l'instant où ils quittent leur corps terrestre, et nous avons rapidement esquissé leurs occupations. Nous nous proposons aujourd'hui de les montrer en action, en réunissant dans un même cadre diverses scènes intimes dont nos communications nous ont rendus témoins. Déjà, les nombreux entretiens familiers d'outre-tombe publiés dans cette revue ont pu donner une idée de la situation des Esprits selon le degré de leur avancement, mais ici il y a un caractère spécial d'activité qui nous fait mieux connaître encore le rôle qu'ils jouent parmi nous à notre insu. Le sujet d'étude dont nous allons rapporter les péripéties s'est offert spontanément ; il présente d'autant plus d'intérêt qu'il a pour héros principal, non un de ces Esprits supérieurs qui habitent des mondes inconnus, mais un de ceux qui, par leur nature même, sont encore attachés à notre terre, un contemporain qui nous a donné des preuves manifestes de son identité. C'est parmi nous que l'action se passe, et chacun de nous y joue son rôle.

Cette étude des moeurs spirites a, en outre, cela de particulier, qu'elle nous montre la progression des Esprits à l'état errant, et comment nous pouvons concourir à leur éducation.

Un de nos amis qui, après de longs essais infructueux, mais dont sa patience a triomphé, est tout à coup devenu excellent médium écrivain, et de plus médium auditif, était occupé à écrire, avec un autre médium de ses amis, lorsque, à une question adressée à un Esprit, il obtint une réponse assez bizarre et peu sérieuse dans laquelle il ne reconnaissait pas le caractère de l'Esprit évoqué. Ayant interpellé l'auteur de cette réponse, et après l'avoir sommé au nom de Dieu de se faire connaître, ce dernier signa Pierre Le Flamand, nom parfaitement inconnu du médium. C'est alors que s'établit entre eux, et plus tard entre cet Esprit et nous, une série d'entretiens que nous allons rapporter :



Premier entretien

1. Qui es-tu ? Je ne connais personne de ce nom. - R. Un de tes anciens camarades de collège.

2. Je n'en ai aucun souvenir. - R. Te rappelles-tu avoir une fois été rossé ?

3. C'est possible ; entre écoliers cela arrive quelquefois. Je me souviens en effet de quelque chose comme cela, mais je me souviens aussi de lui avoir rendu la monnaie de sa pièce. - R. C'était moi ; je ne t'en veux pas.

4. Merci ; autant que je me le rappelle, tu étais un assez mauvais garnement. - R. Voilà la mémoire qui te revient ; je n'ai pas changé tant que j'ai vécu. J'étais mauvaise tête, mais pas méchant dans le fond ; je me battais avec le premier venu ; c'était comme un besoin chez moi ; puis, le dos tourné, je n'y pensais plus.

5. Quand et à quel âge es-tu mort ? - R. Il y a quinze ans ; j'avais vingt ans à peu près.

6. De quoi es-tu mort ? - R. Une étourderie de jeune homme..., une suite de ma mauvaise tête....

7. As-tu encore ta famille ? - R. J'avais perdu depuis longtemps mon père et ma mère ; j'habitais chez un oncle, mon seul parent... ; si tu vas à Cambrai je t'engage à aller le voir... ; c'est un bien brave homme que j'aime beaucoup quoiqu'il m'ait assez durement mené ; mais je le méritais.

8. S'appelle-t-il comme toi ? - R. Non ; il n'y a plus personne à Cambrai de mon nom ; il s'appelle W... ; il demeure rue... n... ; tu verras que c'est bien moi qui te parle.

Remarque. - Le fait a été vérifié par le médium lui-même dans un voyage qu'il fit quelque temps après. Il trouva M. W... à l'adresse indiquée ; celui-ci lui dit qu'en effet il avait eu un neveu de ce nom, un franc étourdi assez mauvais sujet, mort en 1844, peu de temps après avoir tiré à la conscription. Cette circonstance n'avait pas été indiquée par l'Esprit ; il l'a fait plus tard spontanément ; on verra à quelle occasion.

9. Par quel hasard es-tu venu chez moi ? - R. Le hasard si tu veux ; mais moi je crois plutôt que c'est mon bon génie qui m'a poussé vers toi, car j'ai l'idée que nous gagnerons tous les deux à renouveler connaissance... J'étais ici à côté, chez ton voisin, occupé à considérer des tableaux..., pas des tableaux d'église... ; tout à coup je t'ai aperçu et je suis venu. Je t'ai vu occupé à causer avec un autre Esprit, j'ai voulu me mêler de la conversation.

10. Mais pourquoi as-tu répondu aux questions que je faisais à un autre Esprit ? Ceci n'est pas d'un bon camarade. - R. J'étais en présence d'un Esprit sérieux qui ne me paraissait pas disposé à répondre ; en répondant pour lui je croyais lui faire la langue, mais cela n'a pas réussi ; je voulais, en ne disant pas la vérité, le faire parler.

11. Ceci est très mal, car il aurait pu en résulter des choses fâcheuses si je ne me fusse pas aperçu de la supercherie. - R. Tu l'aurais toujours su, un peu plus tôt, un peu plus tard.

12. Dis-moi un peu comment tu es entré ici ? - R. Belle question ! Est-ce que nous avons besoin de demander le cordon ?

13. Tu peux donc aller partout, entrer partout ? - R. Mais !... sans dire gare ! encore... Nous ne sommes pas Esprits pour rien.

14. Je croyais cependant que certains Esprits n'avaient pas le pouvoir de pénétrer dans toutes les réunions ? - R. Est-ce que, par hasard, tu crois que ta chambre est un sanctuaire, et que je suis indigne d'y pénétrer ?

15. Réponds sérieusement à ma question, et pas de mauvaises plaisanteries, je t'en prie ; tu vois que je ne suis pas d'humeur à les supporter, et que les Esprits mystificateurs sont mal reçus chez moi. - R. Il y a des réunions d'Esprits où nous autres vauriens ne pouvons pénétrer, c'est vrai ; mais ce sont les Esprits supérieurs qui nous en empêchent, et non pas vous autres hommes ; d'ailleurs, quand nous allons quelque part nous savons bien nous taire et nous tenir à l'écart quand il le faut ; nous écoutons, et si cela nous ennuie nous nous en allons... Ah çà ! tu n'as pas l'air enchanté de ma visite.

16. C'est que je ne reçois pas volontiers le premier venu, et franchement je te sais mauvais gré d'être venu troubler un entretien sérieux. - R. Ne te fâche pas..., je ne t'en veux pas..., je suis toujours bon garçon... ; une autre fois je me ferai annoncer.

17. Voilà quinze ans que tu es mort... - R. Entendons-nous ; c'est mon corps qui est mort ; mais moi, qui te parle, je ne suis pas mort.

Remarque. On trouve souvent chez les Esprits, même légers et facétieux, des mots d'une grande profondeur. Ce MOI qui n'est pas mort est tout à fait philosophique.

18. C'est bien comme cela que je l'entends. A ce sujet, dis-moi si, tel que tu es maintenant, tu me vois avec autant de netteté que si tu avais ton corps ? - R. Je te vois encore bien mieux ; j'étais myope ; c'est pour cela que j'ai voulu me faire exempter de la conscription.

19. Voilà, dis-je, quinze ans que tu es mort, et tu me parais tout aussi étourdi qu'auparavant ; tu n'as donc pas avancé ? - R. Je suis ce que j'étais, ni mieux, ni pis.

20. A quoi passes-tu ton temps ? - R. Je n'ai pas d'autres occupations que de me divertir ou de me renseigner sur les événements qui peuvent influencer ma destinée. Je vois beaucoup ; je passe une partie de mon temps, tantôt chez des amis, tantôt au spectacle... Je surprends quelquefois de drôles de choses... Si l'on savait que l'on a des témoins quand on croit être seul !... Enfin je fais en sorte que mon temps me soit à charge le moins possible... Dire combien cela durera, je n'en sais rien, et cependant je cours ainsi depuis un certain temps... As-tu assez d'explications comme cela ?

21. En somme, es-tu plus heureux que de ton vivant ? - R. Non.

22. Qu'est-ce qui te manque ? Tu n'as plus besoin de rien ; tu ne souffres plus ; tu ne crains pas d'être ruiné ; tu vas partout, tu vois tout ; tu ne redoutes ni les soucis, ni les maladies, ni les infirmités de la vieillesse ; n'est-ce pas là une existence heureuse ? - R. Il me manque la réalité des jouissances ; je ne suis pas assez avancé pour jouir d'un bonheur moral ; j'envie tout ce que je vois, et c'est ce qui me torture ; je m'ennuie et je tâche de tuer le temps comme je peux !... il est bien long le temps !... j'éprouve un malaise que je ne puis définir... ; j'aimerais mieux souffrir les misères de la vie que cette anxiété qui m'accable.

Remarque. N'est-ce pas là un éloquent tableau des souffrances morales des Esprits inférieurs ? Envier tout ce que l'on voit ; avoir les mêmes désirs et ne jouir de rien en réalité, ce doit être une véritable torture.

23. Tu as dis que tu allais voir tes amis ; n'est-ce pas une distraction ? - R. Mes amis ne savent pas que je suis là, et d'ailleurs ils ne pensent plus à moi ; cela me fait mal.

24. N'en as-tu pas parmi les Esprits ? - R. Des étourdis, des vauriens comme moi, qui s'ennuient comme moi ; leur société n'est pas très amusante ; ceux qui sont heureux et raisonnables s'éloignent de moi.

25. Pauvre garçon ! je te plains, et si je pouvais t'être utile, je le ferais avec plaisir. - R. Si tu savais ce que cette parole me fait de bien ! c'est la première fois que je l'entends.

26. Ne pourrais-tu te procurer les occasions de voir et d'entendre des choses bonnes et utiles qui serviraient à ton avancement ? - R. Oui, mais il faudrait pour cela que je sache profiter de ces leçons ; j'avoue que de préférence j'aime à assister à des scènes d'amour et de débauche qui n'ont pas influencé mon esprit dans le bien. Avant d'entrer chez toi, j'étais là, à considérer des tableaux qui réveillaient en moi certaines idées..., mais brisons là... J'ai su cependant résister à demander à me réincarner pour jouir des plaisirs dont j'ai tant abusé ; maintenant je vois combien j'aurais eu tort. En venant chez toi, je sens que je fais bien.

27. Eh bien ! à l'avenir, j'espère que tu me feras le plaisir, si tu tiens à mon amitié, de ne plus arrêter ton attention sur les tableaux qui peuvent te donner de mauvaises idées, et que tu penseras au contraire à ce que tu pourras entendre ici de bon et d'utile pour toi. Tu t'en trouveras bien ; crois-moi. - R. Si c'est ton idée ce sera la mienne.

28. Quand tu vas au théâtre éprouves-tu les mêmes émotions que lorsque tu y allais de ton vivant ? - R. Plusieurs émotions différentes ; celles-là d'abord ; puis je me mêle quelquefois à des conversations..., j'entends de singulières choses.

29. Quel est ton théâtre de prédilection ? - R. Les Variétés ; mais il m'arrive souvent d'aller les voir tous dans la même soirée. Je vais aussi dans les bals, dans les réunions où l'on s'amuse.

30. De façon que, tout en t'amusant, tu peux t'instruire, car tu dois pouvoir observer beaucoup dans ta position ? - R. Oui, mais ce que j'aime bien, ce sont certains colloques ; il est vraiment curieux de voir les manèges de certains individus, surtout de ceux qui veulent se faire croire encore jeunes. Dans tous ces bavardages personne ne dit la vérité : le coeur se farde comme le visage et c'est à n'y rien comprendre. J'ai fait une étude de moeurs là-dessus.

31. Eh bien ! ne vois-tu pas que nous pourrions avoir ensemble de bonnes petites causeries comme celle-ci dont nous pourrons l'un et l'autre tirer bon profit ? - R. Toujours ; comme tu le dis, pour toi d'abord et pour moi ensuite. Tu as des occupations que nécessite ton corps ; moi je puis faire toutes les démarches possibles pour m'instruire sans nuire à mon existence.

32. Puisqu'il en est ainsi, tu continueras tes observations, ou, comme tu le dis, tes études de moeurs ; jusqu'à présent tu n'en as guère profité ; il faut qu'elles servent à t'éclairer, et pour cela il faut que tu les fasses dans un but sérieux et non pour t'amuser et tuer le temps. Tu me diras ce que tu as vu ; nous en raisonnerons, et nous en tirerons des conséquences pour notre instruction mutuelle. - R. Ce sera même très attrayant ; oui, certainement, je suis à ton service.

33. Ce n'est pas tout ; je voudrais te procurer l'occasion de faire une bonne action ; le veux-tu ? - R. De grand coeur ! Il sera donc dit que je pourrai être bon à quelque chose. Dis-moi tout de suite ce qu'il faut que je fasse.

34. Doucement ! Je ne confie pas ainsi des missions délicates à ceux dont je ne suis pas parfaitement sûr. Tu as de la bonne volonté, je n'en doute pas ; mais auras-tu la persévérance nécessaire ? c'est une question. Il faut donc que j'apprenne à te mieux connaître, pour savoir ce dont tu es capable et jusqu'à quel point je peux compter sur toi. Nous en causerons une autre fois. - R. Tu le verras.

35. Adieu donc pour aujourd'hui. - R. Au revoir.

Deuxième entretien

36. Eh bien ! mon cher Pierre, as-tu réfléchi sérieusement à ce que nous avons dit l'autre jour ? - R. Plus sérieusement que tu ne crois, car j'ai à coeur de te prouver que je vaux mieux que je n'en ai l'air. Je me sens plus à mon aise depuis que j'ai quelque chose à faire ; j'ai un but maintenant, et je ne m'ennuie plus.

37. J'ai parlé de toi à M. Allan Kardec ; je lui ai communiqué notre entretien, et il en a été très content ; il désire entrer en rapport avec toi. - R. Je le sais, je suis allé chez lui.

38. Qui t'y a conduit ? - R. Ta pensée. Je suis revenu ici depuis l'autre jour ; j'ai vu que tu voulais lui parler de moi, et je me suis dit : Allons-y le premier, j'y trouverai probablement quelque sujet d'observation et peut-être l'occasion d'être utile.

39. J'aime à te voir ces pensées sérieuses. Quelle impression as-tu reçue de ta visite ? - R. Oh ! une bien grande ; j'y ai appris des choses dont je ne me doutais pas et qui m'ont éclairé sur mon avenir. C'est comme une lumière qui s'est faite en moi ; je comprends maintenant tout ce que j'ai à gagner à me perfectionner..., il le faut..., il le faut.

40. Puis-je, sans indiscrétion, te demander ce que tu as vu chez lui ? - R. Assurément, chez lui comme chez d'autres, d'autant plus que je ne dirai toujours que ce que je voudrai... ou ce que je pourrai.

41. Comment entends-tu cela ? Est-ce que tu ne peux pas dire tout ce que tu veux ? - R. Non ; depuis quelques jours je vois un Esprit qui semble me suivre partout, qui me pousse ou me retient ; on dirait qu'il me dirige ; je sens une impulsion dont je ne me rends pas compte, et à laquelle j'obéis malgré moi ; si je veux dire ou faire quelque chose de déplacé, il se pose devant moi..., me regarde..., et je me tais..., je m'arrête.

42. Quel est cet Esprit ? - R. Je n'en sais rien ; mais il me domine.

43. Pourquoi ne le lui demandes-tu pas ? - R. Je n'ose pas ; quand je veux lui parler, il me regarde, et ma langue est clouée.

Remarque. Il est évident que le mot langue est ici une figure, puisque les Esprits n'ont pas de langage articulé.

44. Tu dois voir s'il est bon ou mauvais ? - R. Il doit être bon, puisqu'il m'empêche de dire des bêtises ; mais il est sévère... Il a quelquefois l'air courroucé, et d'autres fois il semble me regarder avec tendresse... Il m'est venu dans la pensée que ce pourrait bien être l'Esprit de mon père qui ne veut pas se faire connaître.

45. Cela me paraît probable ; il ne doit pas être fort content de toi. Ecoute-moi bien ; je vais te donner un avis à ce sujet. Nous savons que les parents ont pour mission d'élever leurs enfants et de les diriger dans la voie du bien ; ils sont en conséquence responsables du bien et du mal que font ces derniers d'après l'éducation qu'ils ont reçue, et ils en souffrent ou en sont heureux dans le monde des Esprits. La conduite des enfants influe donc jusqu'à un certain point sur le bonheur ou le malheur de leurs parents après la mort. Comme ta conduite sur la terre n'a pas été très édifiante, et que depuis que tu es mort tu n'as pas fait grand chose de bon, ton père doit en souffrir s'il a à se reprocher de ne t'avoir pas bien dirigé... - R. Si je ne suis pas devenu bon sujet, ce n'est pas faute d'avoir été plus d'une fois corrigé d'importance.

46. Ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de te ramener ; quoi qu'il en soit, son affection pour toi est toujours la même, et il te le prouve en se rapprochant de toi, si c'est lui, comme je le présume ; il doit être heureux de ton changement, c'est ce qui explique ses alternatives de tendresse et de courroux ; il veut t'aider dans la bonne voie dans laquelle tu viens d'entrer, et lorsqu'il t'y verra solidement engagé, je suis persuadé qu'il se fera connaître. Ainsi, en travaillant à ton propre bonheur, tu travailleras au sien. Je ne serais même pas étonné que ce fût lui qui t'ait poussé à venir chez moi. S'il ne l'a pas fait plus tôt, c'est qu'il a voulu te laisser le temps de comprendre le vide de ton existence désoeuvrée et d'en ressentir les désagréments. - R. Merci ! merci... ! Il est là derrière toi... Il pose sa main sur ta tête, comme s'il te dictait les paroles que tu viens de dire.

47. Revenons à M. Allan Kardec. - R. Je suis allé chez lui avant-hier soir ; il était occupé à écrire dans son cabinet..., il travaillait à un nouvel ouvrage qu'il prépare... Ah ! il nous arrange bien, nous autres pauvres Esprits ; si l'on ne nous connaît pas ce ne sera pas sa faute.

48. Etait-il seul ? - R. Seul, oui, c'est-à-dire qu'il n'y avait personne avec lui ; mais il y avait autour de lui une vingtaine d'Esprits qui bourdonnaient au-dessus de sa tête.

49. Les entendait-il ? - R. Il les entendait si bien qu'il regardait de tous côtés d'où venait ce bruit, pour voir si ce n'étaient pas des milliers de mouches ; puis il a ouvert sa fenêtre pour regarder si c'était le vent ou la pluie.

Remarque. Le fait était parfaitement exact.

50. Parmi tous ces Esprits en as-tu reconnu ? - R. Non ; ce ne sont pas ceux dont je faisais ma société ; j'avais l'air d'un intrus et je me suis mis dans un coin pour observer.

51. Ces Esprits paraissaient-ils s'intéresser à ce qu'il écrivait ? - R. Je le crois bien ! Il y en avait deux ou trois surtout qui lui soufflaient ce qu'il écrivait et qui avaient l'air de prendre l'avis des autres ; lui, il croyait tout bonnement que les idées étaient de lui, et il en paraissait content.

52. Est-ce tout ce que tu as vu ? - R. Il est ensuite arrivé huit ou dix personnes qui se sont réunies dans une autre chambre avec Kardec ; on s'est mis à causer ; on le questionnait ; il répondait, il expliquait.

53. Connais-tu les personnes qui étaient là ? - R. Non ; je sais seulement qu'il y avait de grands personnages, car à l'un d'eux on disait toujours : Prince, et à un autre, M. le Duc. Les Esprits sont aussi arrivés en masse ; il y en avait au moins une centaine, dont plusieurs avaient sur la tête comme des couronnes de feu ; les autres se tenaient à l'écart et écoutaient.

54. Et toi, que faisais-tu ? - R. J'écoutais aussi, mais j'observais surtout ; alors il m'est venu dans l'idée de faire une démarche très utile pour Kardec ; je te dirai plus tard ce que c'était quand j'aurai réussi. J'ai donc quitté l'assemblée, et tout en cheminant dans les rues, je m'amusais à flâner devant les boutiques, à me mêler dans les groupes.

55. De sorte qu'au lieu d'aller à tes affaires, tu perdais ton temps. - R. Je ne l'ai pas perdu, puisque j'ai empêché un vol.

56. Ah ! tu te mêles aussi de faire la police ? - R. Pourquoi pas ? En passant devant une boutique fermée, je remarque qu'il se passe en dedans quelque chose de singulier ; j'entre ; je vois un jeune homme très agité et qui allait, venait et avait l'air d'en vouloir à la caisse du marchand. Il y avait avec lui deux Esprits, l'un qui lui soufflait à l'oreille : Va donc, poltron ! le tiroir est plein ; tu pourras t'amuser à ton aise, etc. ; l'autre avait une figure de femme, belle et pleine de noblesse, quelque chose de céleste et de bon dans le regard ; il lui disait : Va-t'en ! va-t'en ! ne te laisse pas tenter ; et il lui soufflait les mots : prison, déshonneur.

Le jeune homme hésitait. Au moment où il s'approche du comptoir, je me mets devant lui pour l'arrêter. Le mauvais Esprit me demande de quoi je me mêle. Je veux, lui dis-je empêcher ce jeune homme de commettre une mauvaise action, et peut-être d'aller aux galères. Alors le bon Esprit s'approche de moi et me dit : Il faut qu'il subisse la tentation ; c'est une épreuve ; s'il succombe, ce sera sa faute. Mon voleur allait triompher, lorsque son mauvais génie emploie une ruse abominable qui réussit ; il lui fait remarquer, sur une tablette, une bouteille : c'était de l'eau-de-vie ; il lui inspire l'idée d'en boire pour se donner du courage. Le malheureux est perdu, me dis-je..., tâchons au mois de sauver quelque chose. Je n'avais plus qu'une ressource, c'était d'avertir le patron... tôt ! me voilà chez lui au cinquième. Il était en train de faire une partie de cartes avec sa femme il fallait trouver le moyen de le faire descendre.

57. S'il avait été médium tu lui aurais fait écrire qu'on le volait. Croyait-il du moins aux Esprits ? - R. Il n'avait pas assez d'esprit pour savoir seulement ce que c'est.

58. Je ne te connaissais pas le talent de faire des jeux de mots. - R. Si tu m'interromps, je ne dis plus rien. Je lui donne un violent éternuement ; il veut prendre du tabac, et il s'aperçoit qu'il a oublié sa tabatière dans la boutique. Il appelle son petit garçon qui dormait dans un coin et lui dit d'aller la lui chercher..., ce n'était pas mon affaire... ; l'enfant se réveille en grognant... Je souffle à la mère de dire : Ne réveille donc pas cet enfant ; tu peux bien y aller toi-même. - Il se décide enfin..., je le suis, pour le faire aller plus vite. Arrivé à la porte il aperçoit de la lumière dans la boutique et entend du bruit. Voilà la peur qui le prend, les jambes lui tremblent ; je le pousse pour le faire avancer ; s'il était entré subitement, il prenait son voleur comme dans une trappe ; au lieu de cela, ce gros imbécile se met à crier : au voleur ! le voleur se sauve, mais dans sa précipitation, et troublé qu'il était par l'eau-de-vie, il oublie de ramasser sa casquette. Le marchand entre quand il n'y a plus personne... ; ce que fera la casquette, ce n'est pas mon affaire... : celui-là n'est pas dans de beaux draps. Grâce à moi , le vol n'a pas eu le temps de s'accomplir, et le marchand en a été quitte pour la peur ; ce qui ne l'a pas empêché de dire en remontant chez lui qu'il a terrassé un homme de six pieds. - Voyez un peu, dit-il, à quoi tiennent les choses ! si je n'avais pas eu l'idée de prendre du tabac !... - Si je ne t'avais pas empêché d'envoyer notre garçon ! dit la femme... - Il faut convenir que nous avons eu bon nez tous les deux ! - Ce que c'est que le hasard !

Voilà, mon cher, comment on nous remercie.

59. Tu es un brave garçon, mon cher Pierre, et je te félicite. Ne te décourage pas de l'ingratitude des hommes ; tu en trouveras bien d'autres, maintenant que tu te mets à leur rendre service, même parmi ceux qui croient à l'intervention des esprits. - R. Oui, et je sais que les ingrats se préparent de cruels retours.

60. Je vois maintenant que je puis compter sur toi, et que tu deviens vraiment sérieux. - R. Tu verras plus tard que ce sera moi qui te ferai de la morale.

61. J'en ai besoin tout comme un autre, et je reçois volontiers les bons conseils de quelque part qu'ils viennent. Je t'ai dit que je voulais te faire faire une bonne action ; es-tu disposé ? - R. Peux-tu en douter ?

62. J'ai un de mes amis qui est menacé, je crois, de grandes déceptions s'il continue à suivre la mauvaise voie dans laquelle il est engagé ; les illusions qu'il se fait peuvent le perdre. Je voudrais que tu essayasses de le ramener dans la bonne route par quelque chose qui pût l'impressionner vivement ; comprends-tu ma pensée ? - R. Oui ; tu voudrais que je lui fisse quelque bonne manifestation ; une apparition, par exemple ; mais cela n'est pas en mon pouvoir. Je puis cependant quelquefois, lorsque j'en ai la permission, donner des preuves sensibles de ma présence ; tu le sais.

Remarque. Le médium auquel cet Esprit semble s'être attaché est averti de sa présence par une impression très sensible, alors même qu'il ne songe pas à l'appeler. Il le reconnaît à une sorte de frôlement qu'il ressent sur les bras, sur le dos et sur les épaules ; mais les effets sont quelquefois plus énergiques. Dans une réunion qui avait lieu chez nous, le 24 mars dernier, cet Esprit répondait aux questions par l'entremise d'un autre médium. On parlait de sa puissance physique ; tout à coup, comme pour en donner une preuve, il saisit l'un des assistants par la jambe au moyen d'une violente secousse, le souleva de sa chaise et le jeta tout étourdi à l'autre bout de la chambre

63. Tu feras ce que tu voudras, ou mieux ce que tu pourras. Je t'avertis qu'il est un peu médium. - R. Tant mieux ; j'ai mon plan.

64. Que comptes-tu faire ? - R. Je vais d'abord étudier la position ; voir de quels Esprits il est entouré, et s'il y a moyen de faire quelque chose avec eux. Une fois chez lui, je m'annoncerai, comme je l'ai fait chez toi ; l'on m'interpellera ; je répondrai : « C'est moi, Pierre Le Flamand, messager en Esprit, qui vient se mettre à votre service et qui, par la même occasion, désirerait vous obliger. Il a entendu dire que vous étiez dans de certaines espérances qui vous tournent la tête et vous font déjà tourner le dos à vos amis ; je crois devoir, dans votre intérêt, vous avertir combien vos idées sont loin de profiter à votre bonheur futur. Foi de Leflamand, je puis vous attester que je viens vous voir dans de bonnes intentions. Craignez la colère des Esprits, et plus encore celle de Dieu, et croyez aux paroles de votre serviteur qui peut vous affirmer que sa mission est toute pour le bien. (Sic.)

Si l'on me renvoie, je reviendrai trois fois, et puis je verrai ce que j'aurai à faire. C'est-il cela ?

65. Très bien, mon ami, mais n'en dis ni plus ni moins. - R. Mot à mot.

66. Mais si l'on te demande qui t'a chargé de cette mission, que répondras-tu ? - R. Des Esprits supérieurs. Je puis, pour le bien, ne pas dire tout à fait la vérité.

67. Tu te trompes ; du moment qu'on agit pour le bien, c'est toujours par l'inspiration des bons Esprits ; ainsi ta conscience peut être en repos, car les mauvais Esprits ne poussent jamais à faire de bonnes choses. - R. C'est entendu.

68. Je te remercie et te félicite de tes bonnes dispositions. Quand veux-tu que je t'appelle pour que tu me fasses connaître le résultat de la mission ? - R. Je t'avertirai.

(La suite au prochain numéro.)




Musique d'outre-tombe

Mozart

L'Esprit de Mozart vient de dicter à notre excellent médium, M. Bryon-Dorgeval, un fragment de sonate. Comme moyen de contrôle, ce dernier le fit entendre à plusieurs artistes sans en indiquer la source, et en demandant simplement quelle couleur ils trouvaient à ce morceau ; chacun y reconnut sans hésitation le cachet de Mozart. Il a été exécuté dans la séance de la Société du 8 avril dernier, en présence de nombreux connaisseurs, par Mlle de Davans, élève de Choppin et pianiste distinguée, qui a bien voulu prêter son concours. Comme point de comparaison, Mlle de Davans a préalablement fait entendre une sonate composée par Mozart de son vivant. Il n'y a eu qu'une voix, non seulement sur la parfaite identité du genre, mais encore sur la supériorité de la composition spirite. Un morceau de Choppin a ensuite été exécuté par Mlle de Davans avec son talent habituel. On ne pouvait manquer cette occasion d'invoquer ces deux compositeurs avec lesquels on a eu l'entretien suivant :

1. Vous savez sans doute quel motif nous fait vous appeler ? - R. Votre appel me fait plaisir.

2. Reconnaissez-vous le morceau qu'on vient de jouer comme étant dicté par vous ? - R. Oui, très bien ; je le reconnais tout à fait. Le médium qui m'a servi d'interprète est un ami qui ne m'a pas trahi.

3. Lequel des deux morceaux préférez-vous ? - R. Le second, sans parallèle.

4. Pourquoi ? - R. La douceur, le charme y sont plus vifs et plus tendres à la fois.

Remarque. Ce sont en effet les qualités que l'on a reconnues dans ce morceau.

5. La musique du monde que vous habitez peut-elle se comparer à la nôtre ? - R. Il vous serait difficile de la comprendre ; nous avons des sens que vous ne possédez pas.

6. Il nous a été dit que dans votre monde il y a une harmonie naturelle, universelle que nous ne connaissons pas ici-bas. - R. C'est vrai ; sur votre Terre vous faites de la musique ; ici, toute la nature fait entendre des sons mélodieux.

7. Pourriez-vous jouer vous-même sur le piano ? - R. Je le pourrais, sans doute, mais je ne le veux pas ; c'est inutile.

8. Ce serait pourtant un puissant motif de conviction. - R. N'êtes-vous pas convaincus ?

Remarque. On sait que les Esprits ne se prêtent jamais aux épreuves ; ils font souvent spontanément ce qu'on ne leur demande pas ; celle-ci, d'ailleurs, rentre dans la catégorie des manifestations physiques dont les Esprits élevés ne s'occupent pas.

9. Que pensez-vous de la publication récente de vos lettres ? - R. Elle a rappelé beaucoup mon souvenir.

10. Votre souvenir est dans la mémoire de tout le monde ; pourriez-vous préciser l'effet que ces lettres ont produit dans l'opinion ? - R. Oui, mais on m'a aimé, et l'on s'est attaché beaucoup plus à moi comme homme qu'on ne le faisait auparavant.

Remarque. La personne, étrangère à la Société, qui a posé ces dernières questions, confirme que tel a été en effet l'impression produite par cette publication.

11. Nous désirons interroger Chopin ; le pouvons-nous ? - R. Oui ; il est plus triste et plus sombre que moi.

Chopin
12. (Après l'évocation.) Pourriez-vous nous dire dans quelle situation vous êtes comme Esprit ? - R. Errant encore.

13. Regrettez-vous la vie terrestre ? - R. Je ne suis pas malheureux.

14. Etes-vous plus heureux que vous ne l'étiez ? - R. Oui, un peu.

15. Vous dites un peu, ce qui veut dire qu'il n'y a pas une grande différence ; que vous manque-t-il pour l'être davantage ? - R. Je dis un peu, par rapport à ce que j'aurais pu être ; car avec mon intelligence, j'aurais pu m'avancer plus que je ne l'ai fait.

16. Le bonheur que vous n'avez pas maintenant, espérez-vous l'avoir un jour ? - R. Assurément, cela viendra, mais il faudra de nouvelles épreuves.

17. Mozart dit que vous êtes sombre et triste ; pourquoi cela ? - R. Mozart dit vrai. Je m'attriste, parce que j'avais entrepris une épreuve que je n'ai pas menée à bien, et je n'ai plus le courage de la recommencer.

18. Comment appréciez-vous vos oeuvres musicales ? - R. Je les estime beaucoup, mais parmi nous on fait mieux ; on exécute mieux surtout ; on a plus de moyens.

19. Quels sont donc vos exécutants ? - R. Nous avons sous nos ordres des légions d'exécutants qui suivent nos compositions avec mille fois plus d'art qu'aucun des vôtres ; ce sont des musiciens accomplis ; l'instrument dont ils se servent est leur gosier, pour ainsi dire, et ils sont aidés par des instruments, sortes d'orgues d'une précision et d'une mélodie que vous semblez ne pas devoir comprendre.

20. Etes-vous bien errant ? - Oui ; c'est-à-dire que je n'appartiens à aucune planète exclusivement.

21. Et vos exécutants, sont-ils aussi errants ? - R. Errants comme moi.

22. (A Mozart.) Auriez-vous la bonté de nous expliquer ce que vient de dire Chopin ? Nous ne comprenons pas cette exécution par des Esprits errants. - R. Je conçois votre étonnement ; nous vous avons pourtant dit déjà qu'il y a des mondes particulièrement affectés aux êtres errants, mondes dans lesquels ils peuvent habiter temporairement ; sortes de bivouacs, de camps pour reposer leurs esprits fatigués par une trop longue erraticité, état toujours un peu pénible.

23. (A Chopin.) Reconnaissez-vous ici une de vos élèves ? - R. Oui, il me semble.

24. Serez-vous bien aise d'assister à l'exécution d'un morceau de votre composition ? - R. Cela me fera beaucoup de plaisir, surtout exécuté par une personne qui a gardé de moi un bon souvenir ; qu'elle accepte mes remerciements.

25. Veuillez nous donner votre jugement sur la musique de Mozart. - R. Je l'aime beaucoup ; je regarde Mozart comme mon maître.

26. Partagez-vous son opinion relativement à la musique d'aujourd'hui ? - R. Mozart a dit que la musique était mieux comprise de son temps qu'aujourd'hui : c'est la vérité ; j'objecterai pourtant qu'il y a encore de vrais artistes.

NOTA. - Le fragment de sonate dicté par l'Esprit de Mozart, vient d'être publié. On peut se le procurer, soit au Bureau de la Revue spirite, soit à la librairie spirite de M. Ledoyen, Palais royal, galerie d'Orléans, 31. - Prix net : 2 francs. - Il sera adressé franco contre la remise d'un mandat de cette somme.


Les mondes intermédiaires ou transitoires

On a vu par une des réponses rapportées dans l'article précédent qu'il y aurait, à ce qu'il paraît, des mondes affectés aux Esprits errants. L'idée de ces mondes n'était dans la pensée d'aucun des assistants, et personne n'y eût songé sans la révélation spontanée de Mozart, preuve nouvelle que les communications spirites peuvent être indépendantes de toute opinion préconçue. Dans le but d'approfondir cette question, nous l'avons soumise à un autre Esprit, en dehors de la Société et par l'intermédiaire d'un autre médium qui n'en avait aucune connaissance.

1. (A saint Augustin.) Existe-t-il, comme cela nous a été dit, des mondes qui servent aux Esprits errants de stations et de points de repos ? - R. Il y en a, mais ils sont gradués ; c'est-à-dire qu'ils occupent des positions intermédiaires parmi les autres mondes, suivant la nature des Esprits qui peuvent s'y rendre, et qui y jouissent d'un bien-être plus ou moins grand.

2. Les Esprits qui habitent ces mondes peuvent-ils les quitter à volonté ? - R. Oui ; les Esprits qui se trouvent dans ces mondes peuvent s'en détacher pour aller où ils doivent se rendre. Figurez-vous des oiseaux de passage s'abattant sur une île en attendant d'avoir repris des forces pour se rendre à leur destination.

3. Les Esprits progressent-ils pendant leurs stations dans les mondes intermédiaires ? - R. Certainement ; ceux qui se réunissent ainsi, c'est dans le but de s'instruire et de pouvoir plus facilement obtenir la permission de se rendre dans des lieux meilleurs, et parvenir à la position qu'obtiennent les élus.

4. Ces mondes sont-ils perpétuellement et par leur nature spéciale affectés aux Esprits errants ? - R. Non ; leur position n'est que transitoire.

5. Sont-ils en même temps habités par des êtres corporels ? - Non.

6. Ont-ils une constitution analogue à celle des autres planètes ? - R. Oui, mais la surface est stérile.

7. Pourquoi cette stérilité ? - R. Ceux qui les habitent n'ont besoin de rien.

8. Cette stérilité est-elle permanente et tient-elle à leur nature spéciale ? - R. Non, ils sont stériles par transition.

9. Ces mondes doivent alors être dépourvus de beautés naturelles ? - R. La nature se traduit par les beautés de l'immensité qui ne sont pas moins admirables que ce que vous appelez les beautés naturelles.

10. Y a-t-il de ces mondes dans notre système planétaire ?- R. Non.

11. Puisque leur état est transitoire, notre Terre sera-t-elle un jour de ce nombre ? - R. Elle l'a été.

12. A quelle époque ? - R. Pendant sa formation.

Remarque. Cette communication confirme une fois de plus cette grande vérité que rien n'est inutile dans la nature ; chaque chose a son but, sa destination ; rien n'est vide, tout est habité, la vie est partout. Ainsi, pendant la longue série de siècles qui se sont écoulés avant l'apparition de l'homme soir la terre, durant ces lentes périodes de transition attestées par les couches géologiques, avant même la formation des premiers êtres organiques ; sur cette masse informe, dans cet aride chaos où les éléments étaient confondus, il n'y avait pas absence de vie ; des êtres qui n'avaient ni nos besoins, ni nos sensations physiques y trouvaient un refuge. Dieu a voulu que, même dans cet état imparfait, elle servit à quelque chose. Qui donc oserait dire que parmi ces milliards de mondes qui circulent dans l'immensité, un seul, un des plus petits, perdu dans la foule, eût le privilège exclusif d'être peuplé. Quelle serait donc l'utilité des autres ? Dieu ne les aurait-il faits qu'en vue de récréer nos yeux ? Supposition absurde, incompatible avec la sagesse qui éclate dans toutes ses oeuvres. Personne ne contestera qu'il y a dans cette idée des mondes encore impropres à la vie matérielle, et pourtant peuplés d'êtres vivants appropriés à ce milieu, quelque chose de grand et de sublime où se trouve peut-être la solution de plus d'un problème.


Le lien de l'esprit et du corps

Mme Schutz, une de nos amies, qui est parfaitement de ce monde, et ne paraît pas devoir le quitter de sitôt, ayant été évoquée pendant son sommeil, nous a plus d'une fois donné la preuve de la perspicacité de son Esprit dans cet état. Un jour, ou mieux une nuit, après un entretien assez long elle dit : Je suis fatiguée ; j'ai besoin de repos ; je dors ; mon corps en a besoin.

Là-dessus on lui fit cette question : Votre corps peut reposer ; en vous parlant je ne le dérange pas ; c'est votre Esprit qui est ici et non votre corps ; vous pouvez donc vous entretenir avec moi, sans que celui-ci en souffre. Elle répondit :

« Vous avez tort de croire cela ; mon Esprit se détache bien un peu de mon corps, mais il est comme un ballon captif qui est retenu par des cordes. Lorsque le ballon reçoit des secousses occasionnées par le vent, le poteau qui le tient captif ressent la commotion des secousses transmises par les attaches. Mon corps tient lieu de poteau à mon Esprit, avec la différence qu'il éprouve des sensations inconnues au poteau, et que ces sensations fatiguent beaucoup le cerveau ; voilà pourquoi mon corps, comme mon Esprit, a besoin de repos. »

Cette explication, à laquelle elle nous a déclaré que, pendant la veille, elle n'avait jamais songé, montre parfaitement les relations qui existent entre le corps et l'Esprit, alors que ce dernier jouit d'une partie de sa liberté. Nous savions bien que la séparation absolue n'a lieu qu'après la mort, et même quelque temps après la mort, mais jamais cette liaison ne nous avait été dépeinte par une image aussi claire et aussi saisissante ; aussi avons-nous sincèrement félicité cette dame de ce qu'elle avait autant d'esprit en dormant.

Ceci, toutefois, ne nous paraissait qu'une ingénieuse comparaison, lorsque tout dernièrement cette figure a pris les proportions de la réalité. - M. R..., ancien ministre résidant des Etats-Unis, près le roi de Naples, homme très éclairé sur le spiritisme, étant venu nous voir, nous a demandé si, dans les phénomènes des apparitions, nous avions jamais observé une particularité distinctive entre l'Esprit d'une personne vivante et celui d'une personne morte ; en un mot, si, lorsqu'un Esprit apparaît spontanément, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil, nous avons un moyen de reconnaître si la personne est morte ou vivante. Sur notre réponse que nous n'en connaissons pas d'autre que de le demander à l'Esprit, il nous dit connaître en Angleterre un médium voyant, doué d'une grande puissance, qui, chaque fois que l'Esprit d'une personne vivante se présente à lui, remarque une traînée lumineuse partant de la poitrine, traverse l'espace sans être interrompue par les obstacles matériels, et va aboutir au corps, sorte de cordon ombilical, qui unit les deux parties momentanément séparées de l'être vivant. Il ne l'a jamais remarqué quand la vie corporelle n'existe plus, et c'est à ce signe qu'il reconnaît si l'Esprit est celui d'une personne morte ou encore vivante.

La comparaison de Mme Schutz nous est revenue à la pensée, et nous en avons trouvé la confirmation dans le fait que nous venons de rapporter. Nous ferons toutefois une remarque à ce sujet.

On sait qu'au moment de la mort la séparation-n'est pas brusque ; le périsprit ne se dégage que peu à peu, et tant que dure le trouble, il conserve une certaine affinité avec le corps. Ne serait-il pas possible que le lien observé par le médium voyant dont nous venons de parler, subsistât encore lorsque l'Esprit apparaît au moment même de la mort, ou peu d'instants après, comme cela arrive souvent ? Dans ce cas, la présence de ce cordon ne serait pas un indice que la personne est vivante. M. R... n'a pu nous dire si le médium a fait cette remarque. Dans tous les cas, l'observation n'en est pas moins très importante, et jette un nouveau jour sur ce qu'on peut appeler la physiologie des Esprits.


Réfutation d'un article de l'Univers

Le journal l'Univers, dans son numéro du 13 avril dernier, contient un article de M. l'abbé Chesnel où la question du spiritisme est longuement discutée. Nous l'aurions laissé passer comme tant d'autres auxquels nous n'attachons aucune importance, s'il s'agissait d'une de ces diatribes grossières qui prouvent tout au moins de la part de leurs auteurs l'ignorance la plus absolue de ce qu'ils attaquent. Nous nous plaisons à reconnaître que l'article de M. l'abbé Chesnel est rédigé dans un tout autre esprit. Par la modération et la convenance de son langage, il mérite une réponse, d'autant plus nécessaire que cet article contient une erreur grave et peut donner une idée très fausse soit du spiritisme en général, soit en particulier du caractère et de l'objet des travaux de la Société parisienne des études spirites. Nous citons l'article dans son entier.
« Tout le monde connaît le spiritualisme de M. Cousin, cette philosophie destinée à prendre doucement la place de la religion. Aujourd'hui, nous possédons sous le même titre un corps de doctrines révélées, qui va se complétant peu à peu, et un culte fort simple, il est vrai, mais d'une efficacité merveilleuse, puisqu'il mettrait les dévots en communication réelle, sensible et presque permanente avec le monde surnaturel.

« Ce culte a des assemblées périodiques qui s'ouvrent par l'invocation d'un saint canonisé. Après avoir constaté la présence au milieu des fidèles de saint Louis, roi de France, on le supplie d'interdire aux malins esprits l'entrée du temple, et on lit le procès-verbal de la séance précédente. Puis, sur l'invitation du président, un médium monte au bureau près du secrétaire chargé d'écrire les demandes faites par l'un des fidèles et les réponses qui seront dictées au médium par l'esprit invoqué. L'assemblée assiste gravement, pieusement, à cette scène de nécromancie quelquefois très longue, et quand l'ordre du jour est épuisé, on se retire plus persuadé que jamais de la vérité du spiritualisme. Chaque fidèle, dans l'intervalle qui s'écoule jusqu'à la réunion suivante, ne néglige point d'entretenir un commerce assidu, mais privé, avec ceux des esprits qui lui sont ou le plus accessibles ou le plus chers. Les médium abondent, et il n'y a guère de secrets dans l'autre vie que les médium ne finissent par pénétrer. Ces secrets une fois révélés aux fidèles, ne sont pas dérobés au public. La Revue spiritualiste, qui paraît régulièrement tous les mois, ne refuse aucun abonnement profane, et le premier venu peut acheter les livres qui contiennent le texte révélé avec son commentaire authentique.

« On serait porté à croire qu'une religion qui consiste uniquement dans l'évocation des morts est fort hostile à l'Eglise catholique, qui n'a jamais cessé d'interdire la pratique de la nécromancie. Mais ces sentiments étroits, tout naturels qu'ils paraissent, n'en sont pas moins étrangers, assure-t-on, au coeur des spiritualistes. Ils rendent volontiers justice à l'Evangile et à son Auteur ; ils avouent que Jésus a vécu, agi, parlé, souffert comme nos quatre évangélistes le racontent. La doctrine évangélique est vraie ; mais cette révélation dont Jésus fut l'organe, loin d'exclure tout progrès, a besoin d'être complétée. C'est le spiritualisme qui donnera à l'Evangile la saine interprétation qui lui manque et le complément qu'il attend depuis dix-huit siècles.

« Mais aussi, qui assignera des limites au progrès du christianisme enseigné, interprété, développé tel qu'il l'est par des âmes dégagées de la matière, étrangères aux passions terrestres, à nos préjugés et aux intérêts humains ? L'infini lui-même se découvre à nous ; or, l'infini n'a pas de bornes, et tout nous fait espérer que la révélation de l'infini sera continuée sans interruption ; à mesure que s'écouleront les siècles, on verra les révélations ajoutées aux révélations, sans épuiser jamais ces mystères dont l'étendue et la profondeur semblent grandir à mesure qu'ils se dégagent de l'obscurité qui les avait enveloppés jusqu'ici.

« D'où cette conséquence que le spiritualisme est une religion, puisqu'il nous met intimement en relation avec l'infini et qu'il absorbe, en l'élargissant, le christianisme, qui, de toutes les formes religieuses présentes ou passées, est, comme on l'avoue sans peine, la plus élevée, la plus pure et la plus parfaite. Mais agrandir le christianisme est une tâche difficile, qui ne peut être accomplie sans renverser les barrières derrière lesquelles il se tient retranché. Les rationalistes ne respectent aucune barrière ; moins ardents ou mieux avisés, les spiritualistes n'en trouvent que deux dont l'abaissement paraisse indispensable, savoir, l'autorité de l'Eglise catholique, et le dogme de l'éternité des peines.

« Cette vie est-elle l'unique épreuve qu'il soit donné à l'homme de traverser ? L'arbre demeure-t-il éternellement du côté où il est tombé ? L'état de l'âme, après la mort, est-il définitif, irrévocable et éternel ? Non, répond la nécromancie spiritualiste. A la mort, rien ne finit, tout recommence. La mort est pour chacun de nous le point de départ d'une incarnation nouvelle, d'une nouvelle vie et d'une nouvelle épreuve.

« Dieu, selon le panthéisme allemand, n'est pas l'être, mais le devenir éternel. Quoi qu'il en soit de Dieu, l'homme, d'après les spiritualistes parisiens, n'a pas d'autre destinée que le devenir progressif ou rétrogressif, selon ses mérites et selon ses oeuvres. La loi morale ou religieuse a une sanction véritable dans les autres vies, où les bons sont récompensés et les méchants punis, mais durant une période plus ou moins longue d'années ou de siècles, et non pendant l'éternité.

« Le spiritualisme serait-il la forme mystique de l'erreur dont M. Jean Reynaud est le théologien ? Peut-être. Est-il permis d'aller plus loin et de dire qu'entre M. Reynaud et les nouveaux sectaires il existe un lien plus étroit que celui de la communauté de doctrines ? Peut-être encore. Mais cette question, faute de renseignements certains, ne sera pas tranchée ici d'une manière décisive.

« Ce qui importe beaucoup plus que la parenté ou les alliances hérétiques de M. Jean Reynaud, c'est la confusion d'idées dont le progrès du spiritualisme est le signe ; c'est l'ignorance en matière de religion, qui rend possible tant d'extravagance ; c'est la légèreté avec laquelle des hommes, d'ailleurs estimables, accueillent ces révélations de l'autre monde qui n'ont aucun mérite, pas même celui de la nouveauté.

« Il n'est pas nécessaire de remonter jusqu'à Pythagore et aux prêtres de l'Egypte pour découvrir les origines du spiritualisme contemporain. On les trouvera en feuilletant les procès-verbaux du magnétisme animal.

« Dès le XVIII° siècle, la nécromancie jouait un grand rôle dans les pratiques du magnétisme ; et plusieurs années avant qu'il fût question d'esprits frappeurs en Amérique, certains magnétiseurs français obtenaient, disaient-ils, de la bouche des morts ou des démons, la confirmation des doctrines condamnées par l'Eglise ; et notamment celle des erreurs d'Origène touchant la conversion future des mauvais anges et des réprouvés.

« Il faut dire aussi que le médium spiritualiste dans l'exercice de ses fonctions diffère peu du sujet sous la main du magnétiseur, et que le cercle embrassé par les révélations du premier ne dépasse pas non plus celui qui borne la vue du second.

« Les renseignements que la curiosité obtient dans les affaires privées, au moyen de la nécromancie, n'apprennent, en général, rien de plus que ce qui était connu auparavant. La réponse du médium spiritualiste est obscure dans les points que nos recherches personnelles n'ont pu éclaircir ; elle est nette et précise dans les choses qui nous sont bien connues ; muette sur tout ce qui s'est dérobé à nos études et à nos efforts. Il semble, en un mot, que le médium a une vue magnétique de notre âme, mais qui ne découvre rien au-delà de ce qu'il y trouve écrit. Mais cette explication, qui paraît bien simple, est pourtant sujette à de graves difficultés. Elle suppose, en effet, qu'une âme peut naturellement lire au fond d'une autre âme sans le secours des signes et indépendamment de la volonté de celui qui deviendrait pour le premier venu un livre ouvert et très lisible. Or les anges, bons ou mauvais, ne possèdent naturellement ce privilège ni par rapport à nous, ni dans les relations directes qu'ils ont entre eux. Dieu seul pénètre immédiatement les esprits et scrute jusqu'au fond des coeurs le plus obstinément fermés à sa lumière.

« Si les faits spiritualistes les plus étranges qu'on rapporte sont authentiques, il faudrait donc, pour les expliquer, recourir à d'autres principes. On oublie trop que ces faits se rapportent en général à un objet qui préoccupe fortement le coeur ou l'intelligence, qui a provoqué de longues recherches, et dont on a souvent parlé en dehors de la consultation spiritualiste. Dans ces conditions, qu'il ne faut pas perdre de vue, une certaine connaissance des choses qui nous intéressent ne dépasse nullement les limites naturelles de la puissance des esprits.

« Quoi qu'il en soit, il n'y a pas autre chose, dans le spectacle qui nous est donné aujourd'hui, qu'une évolution du magnétisme qui s'efforce de devenir une religion.

« Sous la forme dogmatique et polémique que la religion nouvelle doit à M. Jean Reynaud, elle a encouru la condamnation du Concile de Périgueux, dont la compétence, on s'en souvient, a été gravement niée par le coupable.

« Dans la forme mystique qu'elle prend aujourd'hui à Paris, elle mérite d'être étudiée au moins comme un signe des temps où nous vivons. Le spiritualisme a enrôlé déjà un certain nombre d'hommes parmi lesquels plusieurs sont honorablement connus dans le monde. Ce pouvoir de séduction qu'il exerce, le progrès lent, mais non interrompu, qui lui est attribué par des témoins dignes de foi, les prétentions qu'il affiche, les problèmes qu'il pose, le mal qu'il peut faire aux âmes, voilà sans doute assez de motifs réunis pour attirer de ce côté l'attention des catholiques. Gardons-nous d'attribuer à la nouvelle secte plus d'importance qu'elle n'en a réellement. Mais pour éviter l'exagération qui grossit tout, ne tombons pas non plus dans la manie de nier et d'amoindrir toutes choses. Nolite omni spiritui credere, sed probate spiritus si ex Deo sint : Quoniam multi pseudoprophetoe exierunt in mundum. (I Joan. IV. 1.) »


L'ABBE FRANÇOIS CHESNEL.



Monsieur l’abbé,

L'article que vous avez publié dans l'Univers concernant le spiritisme, contient plusieurs erreurs qu'il importe de rectifier, et qui proviennent, sans aucun doute, d'une étude incomplète de la matière. Pour les réfuter toutes, il faudrait reprendre, en sous-oeuvre, tous les points de la théorie, ainsi que les traits qui lui servent de base, et c'est ce que je n'ai nullement l'intention de faire ici. Je me borne aux points principaux.

Vous voulez bien reconnaître que les idées spirites ont enrôlé un certain nombre d'hommes honorablement connus dans le monde ; ce fait, dont la réalité dépasse sans doute de beaucoup ce que vous croyez, mérite incontestablement l'attention de tout homme sérieux, car tant de gens éminents par leur intelligence, leur savoir et leur position sociale, ne se passionneraient pas pour une idée dénuée de tout fondement. La conclusion naturelle en est qu'au fond de tout cela il doit y avoir quelque chose.

Vous objecterez sans doute que certaines doctrines, moitié religieuses, moitiés sociales, ont trouvé dans ces dernières années des sectaires dans les rangs même de l'aristocratie intellectuelle, ce qui ne les a pas empêchées de tomber sous le ridicule. Les hommes d'intelligence peuvent donc se laisser séduire par des utopies. A cela je réponds que les utopies n'ont qu'un temps ; tôt ou tard la raison en fait justice ; il en sera de même du spiritisme, si c'en est une ; si c'est une vérité, il triomphera de toutes les oppositions, de tous les sarcasmes, je dirai même de toutes les persécutions, si les persécutions étaient encore de notre siècle, et les détracteurs en seront pour leurs frais ; il faudra bien que bon gré mal gré les opposants l'acceptent, comme on a accepté tant de choses, contre lesquelles on avait protesté, soi-disant au nom de la raison. Le spiritisme est-il une vérité ? L'avenir jugera ; déjà il semble se prononcer par la rapidité avec laquelle ces idées se propagent, et remarquez bien que ce n'est pas dans la classe ignorante et illettrée qu'elles trouvent des adhérents, mais bien au contraire parmi les gens éclairés.

Il est encore à remarquer que toutes les doctrines philosophiques sont l'oeuvre d'hommes à pensées plus ou moins grandes, plus ou moins justes ; toutes ont un chef, autour duquel se sont groupés d'autres hommes partageant la même manière de voir. Quel est l'auteur du spiritisme ? Quel est celui qui a imaginé cette théorie, vraie ou fausse ? On a cherché à la coordonner, à la formuler, à l'expliquer, c'est vrai ; mais l'idée première, qui l'a conçue ? Personne ; ou pour mieux dire tout le monde, parce que chacun a pu voir et que ceux qui n'ont pas vu, c'est qu'ils n'ont pas voulu voir, ou qu'ils ont voulu voir à leur manière, sans sortir du cercle de leurs idées préconçues, ce qui fait qu'ils ont mal vu et mal jugé. Le spiritisme découle d'observations que chacun peut faire, qui ne sont un privilège pour personne, c'est ce qui explique son irrésistible propagation ; il n'est le produit d'aucun système individuel, et c'est ce qui le distingue de toutes les autres doctrines philosophiques.

Ces révélations de l'autre monde n'ont pas même, dites-vous, le mérite de la nouveauté. Serait-ce donc un mérite que la nouveauté ? Qui a jamais prétendu que ce fût une découverte moderne ? Ces communications étant une conséquence de la nature humaine, et ayant lieu par la volonté de Dieu, font partie des lois immuables par lesquelles il régit le monde ; elles ont donc dû exister depuis qu'il y a des hommes sur la terre ; voilà pourquoi on les retrouve dans la plus haute antiquité, chez tous les peuples, dans l'histoire profane, aussi bien que dans l'histoire sacrée. L'ancienneté et l'universalité de cette croyance sont des arguments en sa faveur ; en tirer contre elle une conclusion défavorable, serait manquer de logique au premier chef.

Vous dites ensuite que la faculté des médiums diffère peu de celle du sujet sous la main du magnétiseur, autrement dit du somnambule ; mais admettons même une parfaite identité ; quelle peut être la cause de cette admirable clairvoyance somnambulique, clairvoyance qui ne trouve d'obstacle ni dans la matière, ni dans la distance ; qui s'exerce sans le concours des organes de la vue ? N'est-ce pas la démonstration la plus patente de l'existence et de l'individualité de l'âme, pivot de la religion ? Si j'étais prêtre, et que je voulusse dans un sermon prouver qu'il y a en nous autre chose que le corps, je le démontrerais d'une manière irrécusable par les phénomènes du somnambulisme naturel ou artificiel. Si la médiumnité n'est qu'une variété du somnambulisme, ses effets n'en sont pas moins dignes d'observations. J'y trouverais une preuve de plus en faveur de ma thèse et m'en ferais une arme nouvelle contre l'athéisme et le matérialisme. Toutes nos facultés sont l'oeuvre de Dieu ; plus elles sont grandes et merveilleuses, plus elles attestent sa puissance et sa bonté.

Pour moi qui, pendant trente-cinq ans, ai fait du somnambulisme une étude spéciale, qui en ai fait une non moins approfondie de toutes les variétés de médiums, je dis, comme tous ceux qui ne jugent pas sur la vue d'une seule face, que le médium est doué d'une faculté particulière, qui ne permet pas de le confondre avec le somnambule, et que la complète indépendance de sa pensée est prouvée par des faits de la dernière évidence, pour quiconque se place dans les conditions voulues pour observer sans partialité. Abstraction faite des communications écrites, quel est le somnambule qui a jamais fait jaillir une pensée d'un corps inerte ? qui a produit des apparitions visibles et même tangibles ? qui a pu maintenir un corps grave dans l'espace sans point d'appui ? Est-ce par un effet somnambulique qu'un médium a dessiné, il y a quinze jours, chez moi, en présence de vingt témoins, le portrait d'une jeune personne morte depuis dix-huit mois et qu'il n'avait jamais connue, portrait reconnu par le père présent à la séance ? Est-ce par un effet somnambulique qu'une table répond avec précision aux questions proposées, à des questions mentales, même ? Assurément, si l'on admet que le médium soit dans un état magnétique, il me paraît difficile de croire que la table soit somnambule.

Vous dites que le médium ne parle clairement que de choses connues. Comment expliquer le fait suivant et cent autres du même genre qui se sont maintes fois reproduits à ma connaissance personnelle ? Un de mes amis, très bon médium écrivain, demande à un Esprit si une personne qu'il a perdue de vue depuis quinze ans est encore de ce monde. « Oui, elle vit encore, lui est-il répondu ; elle demeure à Paris, telle rue, tel numéro. » Il va, et trouve la personne à l'adresse indiquée. Est-ce de l'illusion ? Sa pensée pouvait-elle lui suggérer cette réponse ? Si, dans certains cas, les réponses peuvent s'accorder avec la pensée, est-il rationnel d'en conclure que ce soit une loi générale ? En cela, comme en toutes choses, les jugements précipités sont toujours dangereux, parce qu'ils peuvent être infirmés par les faits que l'on n'a pas observés.

Au reste, monsieur l'abbé, mon intention n'est point ici de faire un cours de spiritisme, ni d'en discuter l'erreur ou la vérité. Il me faudrait, comme je l'ai dit tout à l'heure, rappeler les faits innombrables que j'ai cités dans la Revue Spirite, ainsi que les explications que j'en ai données dans mes divers écrits. J'arrive donc à la partie de votre article qui me paraît la plus grave.

Vous intitulez votre article : Une religion nouvelle à Paris. En supposant que tel fût en effet le caractère du spiritisme, il y aurait là une première erreur, attendu qu'il est loin d'être circonscrit dans Paris. Il compte plusieurs millions d'adhérents répandus dans les cinq parties du monde, et Paris n'en a pas été le foyer primitif. En second lieu est-ce une religion ? Il est aisé de démontrer le contraire.

Le spiritisme est fondé sur l'existence d'un monde invisible, formé d'êtres incorporels qui peuplent l'espace, et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu sur la Terre ou dans les autres globes où ils ont laissé leur enveloppe matérielle. Ce sont ces êtres auxquels nous avons donné, ou mieux qui se sont donné le nom d'Esprits. Ces êtres, qui nous entourent sans cesse, exercent sur les hommes à leur insu une grande influence ; ils jouent un rôle très actif dans le monde moral, et jusqu'à un certain point dans le monde physique. Le spiritisme est donc dans la nature, et l'on peut dire que, dans un certain ordre d'idées, c'est une puissance, comme l'électricité en est une à un autre point de vue, comme la gravitation universelle en est une autre.

Il nous dévoile le monde des invisibles, comme le microscope nous a dévoilé le monde des infiniment petits que nous ne soupçonnions pas. Les phénomènes dont ce monde invisible est la source ont donc dû se produire, et se sont produits dans tous les temps, voilà pourquoi l'histoire de tous les peuples en fait mention. Seulement, dans leur ignorance, les hommes ont attribué ces phénomènes à des causes plus ou moins hypothétiques, et donné sous ce rapport un libre cours à leur imagination, comme ils l'ont fait pour tous les phénomènes dont la nature leur était imparfaitement connue. Le spiritisme, mieux observé depuis qu'il est vulgarisé, vient jeter la lumière sur une foule de questions jusqu'ici insolubles ou mal résolues. Son véritable caractère est donc celui d'une science et non d'une religion, et la preuve en est, c'est qu'il compte parmi ses adhérents des hommes de toutes les croyances et qui n'ont point pour cela renoncé à leurs convictions : des catholiques fervents qui n'en pratiquent pas moins tous les devoirs de leur culte, des protestants de toutes les sectes, des israélites, des musulmans et jusqu'à des bouddhistes et des brahmistes ; il y a de tout, excepté des matérialistes et des athées, parce que ces idées sont incompatibles avec les observations spirites. Le spiritisme repose donc sur des principes généraux indépendants de toute question dogmatique. Il a, il est vrai, des conséquences morales comme toutes les sciences philosophiques ; ces conséquences sont dans le sens du christianisme, parce que le christianisme est de toutes les doctrines la plus éclairée, la plus pure, et c'est pour cette raison que de toutes les sectes religieuses du monde, les chrétiens sont les plus aptes à le comprendre dans sa véritable essence. Le spiritisme n'est donc point une religion : autrement il aurait son culte, ses temples, ses ministres. Chacun sans doute peut se faire une religion de ses opinions, interpréter à son gré les religions connues, mais de là à la constitution d'une nouvelle Eglise, il y a loin, et je crois qu'il serait imprudent d'en donner l'idée. En résumé, le spiritisme s'occupe de l'observation des faits, et non des particularités de telle ou telle croyance, de la recherche des causes, de l'explication que ces faits peuvent donner de phénomènes connus, dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique, et n'impose pas plus un culte à ses partisans que l'astronomie n'impose le culte des astres, ni la pyrotechnie celui du feu. Bien plus : de même que le sabéisme est né de l'astronomie mal comprise, le spiritisme, mal compris dans l'antiquité, a été la source du polythéisme. Aujourd'hui que, grâce aux lumières du christianisme, nous pouvons le juger plus sainement, il nous met en garde contre les systèmes erronés, fruits de l'ignorance ; et la religion elle-même peut y puiser la preuve palpable de beaucoup de vérités contestées par certaines opinions ; voilà pourquoi, contrairement à la plupart des sciences philosophiques, un de ses effets est de ramener aux idées religieuses ceux qui sont égarés par un scepticisme exagéré.

La Société dont vous parlez définit son objet par son titre même ; le nom de : Société parisienne des études spirites ne ressemble guère à celui d'une secte ; elle en a si peu le caractère que son règlement lui interdit de s'occuper de questions religieuses ; elle est rangée dans la catégorie des sociétés scientifiques, parce qu'en effet son but est d'étudier et d'approfondir tous les phénomènes qui résultent des rapports entre le monde visible et le monde invisible ; elle a son président, son secrétaire, son trésorier, comme toutes les sociétés ; elle ne convie point le public à ses séances ; on n'y fait aucun discours, ni rien qui ait le caractère d'un culte quelconque. Elle procède à ses travaux avec calme et recueillement, d'abord parce que c'est une condition nécessaire pour les observations ; secondement, parce qu'elle sait le respect que l'on doit à ceux qui ne vivent plus sur la Terre. Elle les appelle au nom de Dieu, parce qu'elle croit en Dieu, en sa toute-puissance, et qu'elle sait que rien ne se fait en ce monde sans sa permission. Elle ouvre sa séance par un appel général aux bons Esprits, parce que, sachant qu'il y en a de bons et de mauvais, elle tient à ce que ces derniers ne viennent pas se mêler frauduleusement aux communications qu'elle reçoit et l'induire en erreur. Qu'est-ce que cela prouve ? Que nous ne sommes pas des athées ; mais cela n'implique nullement que nous soyons des religionnaires ; c'est ce dont aurait pu se convaincre la personne qui vous a rapporté ce qui se fait parmi nous, si elle eût suivi nos travaux, et si surtout elle les eût jugés moins légèrement, et peut-être avec un esprit moins prévenu et moins passionné. Les faits protestent donc d'eux-mêmes contre la qualification de nouvelle secte que vous donnez à la Société, faute sans doute de la mieux connaître.

Vous terminez votre article en appelant l'attention des catholiques sur le mal que le spiritisme peut faire aux âmes. Si les conséquences du spiritisme étaient la négation de dieu, de l'âme, de son individualité après la mort, du libre arbitre de l'homme, des peines et des récompenses futures, ce serait une doctrine profondément immorale ; loin de là, il prouve, non par le raisonnement, mais par les faits, ces bases fondamentales de la religion dont le plus dangereux ennemi est le matérialisme. Il fait plus : par ses conséquences il apprend à supporter avec résignation les misères de cette vie ; il calme le désespoir ; il apprend aux hommes à s'aimer comme des frères selon les divins préceptes de Jésus. Si vous saviez comme moi combien il a ramené d'incrédules endurcis, combien il a arraché de victimes au suicide par la perspective du sort réservé à ceux qui abrègent leur vie contrairement à la volonté de Dieu ; combien il a calmé de haines et rapproché d'ennemis ! Est-ce là ce que vous appelez faire du mal aux âmes ? Non, vous ne pouvez penser ainsi, et j'aime à croire que si vous le connaissiez mieux, vous le jugeriez tout autrement. La religion, direz-vous, peut faire tout cela. Loin de moi de le contester ; mais croyez-vous qu'il eût été plus heureux pour ceux qu'elle a trouvés rebelles, d'être restés dans une incrédulité absolue ? Si le spiritisme en a triomphé, s'il leur a rendu clair ce qui était obscur, évident ce qui était douteux, où est le mal ? Pour moi, je dis qu'au lieu de perdre des âmes il en a sauvé.

Agréez, etc.

ALLAN KARDEC.


Le Livre des Esprits chez les Sauvages

Nous savions que le Livre des Esprits a des lecteurs sympathiques dans toutes les parties du monde, mais nous ne nous serions certes pas douté qu'on pût le trouver chez les sauvages de l'Amérique du Sud, sans une lettre qui nous a été adressée de Lima, il y a quelques mois, et dont nous croyons devoir publier la traduction intégrale en raison du fait significatif qu'elle renferme et dont chacun comprendra la portée. Elle porte avec elle son commentaire, et nous n'y ajouterons aucune réflexion.
« Très honoré monsieur Allan Kardec,

« Excusez-moi de ne pas vous écrire en français ; je comprends cette langue pour la lecture, mais je ne puis l'écrire correctement et intelligiblement.

« Je fréquente depuis plus de dix ans les peuplades aborigènes qui habitent le versant oriental des Andes, dans les contrées de l'Amérique, sur les confins du Pérou. Votre Livre des Esprits que je me suis procuré dans un voyage à Lima m'accompagne dans ces solitudes ; vous dire que je l'ai lu avec avidité et que je le relis sans cesse, cela ne doit pas vous étonner ; aussi, je ne viendrais point vous troubler pour si peu de chose, si je ne croyais que certains renseignements peuvent vous intéresser, et si je n'avais le désir d'obtenir de vous quelques conseils que j'attends de votre bonté, ne doutant pas que vos sentiments humains ne soient d'accord avec les sublimes principes de votre livre.

Ces peuples que nous appelons sauvages le sont moins qu'on ne le croit généralement ; si l'on veut dire qu'ils habitent des cabanes au lieu de palais, qu'ils ne connaissent pas nos arts et nos sciences, qu'ils ignorent l'étiquette des gens policés, ce sont de vrais sauvages ; mais sous le rapport de l'intelligence, on trouve chez eux des idées d'une justesse étonnante, une grande finesse d'observation, et des sentiments nobles et élevés. Ils comprennent avec une merveilleuse facilité, et ils ont l'esprit, sans comparaison, moins lourd que les paysans d'Europe. Ils méprisent ce qui leur semble inutile par rapport à la simplicité qui suffit à leur genre de vie. La tradition de leur antique indépendance est toujours vivante parmi eux, c'est pourquoi ils ont une aversion insurmontable pour leurs conquérants ; mais s'ils haïssent la race en général, ils s'attachent aux individus qui leur inspirent une confiance absolue. C'est à cette confiance que je dois de vivre dans leur intimité, et quand je suis au milieu d'eux, je suis plus en sûreté que dans certaines grandes villes. Quand je les quitte, ils sont dans la tristesse, et me font promettre de revenir ; quand je reviens, toute la tribu est en fête.

Ces explications étaient nécessaires pour ce qui va suivre.

Je vous ai dit que j'avais avec moi le Livre des Esprits. Il me prit un jour fantaisie de leur en traduire quelques passages, et j'ai été fort surpris de voir qu'ils le comprenaient mieux que je ne l'aurais pensé, par suite de certaines remarques très judicieuses qu'ils faisaient. En voici un exemple.

L'idée de revivre sur la Terre leur paraît toute naturelle, et l'un d'eux me dit un jour : Est-ce que quand nous serons morts, nous pouvons naître parmi les Blancs ? - Assurément, répondis-je. - Alors tu es peut-être un de nos parents ? - C'est possible. - C'est sans doute pour cela que tu es bon pour nous et que nous t'aimons ? - C'est encore possible. - Alors quand nous rencontrons un Blanc il ne faut pas lui faire de mal, parce que c'est peut-être un de nos frères.

Vous admirerez, sans doute, comme moi, Monsieur, cette conclusion d'un sauvage, et le sentiment de fraternité qu'elle a fait naître en lui. Au reste, l'idée des Esprits n'est point nouvelle pour eux ; elle est dans leurs croyances, et ils sont persuadés qu'on peut s'entretenir avec les parents qui sont morts et qui viennent visiter les vivants. Le point important est d'en tirer parti pour les moraliser, et je ne crois pas que ce soit une chose impossible, parce qu'ils n'ont pas encore les vices de notre civilisation. C'est ici que j'aurais besoin des conseils de votre expérience. On a tort, à mon avis, de croire qu'on ne peut influencer les gens ignorants qu'en parlant à leurs sens ; je pense au contraire que c'est les entretenir dans des idées étroites, et développer chez eux le penchant à la superstition. Je crois que le raisonnement, quand on sait se mettre à la portée des intelligences, aura toujours un empire plus durable.

Dans l'attente de la réponse dont vous voudrez bien me favoriser, recevez, etc.

DON FERNANDO GUERRERO.


Aphorismes spirites et pensées détachées

Lorsque vous voulez étudier l'aptitude d'un médium, n'évoquez pas de prime abord, par son intermédiaire, le premier Esprit venu, parce qu'il n'est pas dit que le médium soit apte à servir d'interprète à tous les Esprits, et que des Esprits légers peuvent usurper le nom de celui que vous appelez. Evoquez de préférence son Esprit familier, parce que celui-là viendra toujours ; alors vous le jugerez à son langage et vous serez mieux à même d'apprécier la nature des communications que reçoit le médium.
Les Esprits incarnés agissent par eux-mêmes selon qu'ils sont bons ou mauvais ; ils peuvent agir aussi sous l'impulsion d'Esprits non incarnés dont ils sont les instruments pour le bien ou le mal, ou pour l'accomplissement des événements. Nous sommes ainsi à notre insu les agents de la volonté des Esprits pour ce qui se passe dans le monde, tantôt dans un intérêt général, tantôt dans un intérêt individuel. Ainsi, nous rencontrons quelqu'un qui est cause que nous faisons ou ne faisons pas une chose ; nous croyons que c'est le hasard qui nous l'envoie, tandis que le plus souvent ce sont les Esprits qui nous poussent l'un vers l'autre, parce que cette rencontre doit amener un résultat déterminé.
Les Esprits, en s'incarnant dans différentes positions sociales, sont comme des acteurs qui, hors de la scène, sont vêtus comme tout le monde, et sur la scène revêtent tous les costumes et jouent tous les rôles, depuis le roi jusqu'au chiffonnier.
Il y a des gens qui ne craignent pas la mort, qui l'ont affrontée cent fois, et qui éprouvent une certaine crainte dans l'obscurité ; ils n'ont pas peur des voleurs, et pourtant dans l'isolement, dans un cimetière, la nuit, ils ont peur de quelque chose. Ce sont les Esprits qui sont auprès d'eux, et dont le contact produit sur eux une impression, et par suite une crainte dont ils ne se rendent pas compte.

Les origines que certains Esprits nous donnent par la révélation de prétendues existences antérieures, sont souvent un moyen de séduction et une tentation pour notre orgueil, qui se trouve flatté d'avoir été tel ou tel personnage.

ALLAN KARDEC.


Articles connexes

Voir articles connexes