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Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1859 > Avril
Avril
Tableau de la Vie Spirite Tous, sans exception, nous atteignons tôt ou tard le terme fatal de la vie ; nulle puissance ne saurait nous soustraire à cette nécessité, voilà qui est positif. Les préoccupations du monde nous détournent souvent de la pensée de ce qui se passe au-delà de la tombe, mais quand arrive le moment suprême, il en est peu qui ne se demandent ce qu'ils vont devenir, car l'idée de quitter sans retour l'existence a quelque chose de navrant. Qui pourrait, en effet, envisager avec indifférence une séparation absolue, éternelle, de tout ce que l'on a aimé ? Qui pourrait voir sans effroi s'ouvrir devant soi le gouffre immense du néant où viendraient s'engloutir à jamais toutes nos facultés, toutes nos espérances ? « Quoi ! après moi, rien, plus rien que le vide ; tout est fini sans retour ; encore quelques jours et mon souvenir sera effacé de la mémoire de ceux qui me survivent ; bientôt il ne restera nulle trace de mon passage sur la terre ; le bien même que j'ai fait sera oublié des ingrats que j'ai obligés ; et rien pour compenser tout cela, aucune autre perspective que celle de mon corps rongé par les vers ! » Ce tableau de la fin du matérialiste, tracé par un Esprit qui avait vécu dans ces pensées, n'a-t-il pas quelque chose d'affreux, de glacial ? La religion nous enseigne qu'il ne peut en être ainsi, et la raison nous le confirme ; mais cette existence future, vague et indéfinie, n'a rien qui satisfasse notre amour du positif ; c'est ce qui, chez beaucoup, engendre le doute. Nous avons une âme, soit ; mais qu'est-ce que c'est que notre âme ? A-t-elle une forme, une apparence quelconque ? Est-ce un être limité ou indéfini ? Les uns disent que c'est un souffle de Dieu, d'autres une étincelle, d'autres une partie du grand tout, le principe de la vie et de l'intelligence ; mais qu'est-ce que tout cela nous apprend ? On dit encore qu'elle est immatérielle ; mais une chose immatérielle ne saurait avoir des proportions définies ; pour nous ce n'est rien. La religion nous enseigne encore que nous serons heureux ou malheureux, selon le bien ou le mal que nous aurons fait ; mais quel est ce bonheur qui nous attend dans le sein de Dieu ? Est-ce une béatitude, une contemplation éternelle, sans autre emploi que de chanter les louanges du Créateur ? Les flammes de l'enfer sont-elles une réalité ou une figure ? L'Eglise elle-même l'entend dans cette dernière acception, mais quelles sont ces souffrances ? où est ce lieu de supplice ? En un mot, que fait-on, que voit-on, dans ce monde qui nous attend tous ? Personne, dit-on, n'est revenu pour nous en rendre compte. C'est une erreur, et la mission du spiritisme est précisément de nous éclairer sur cet avenir, de nous le faire, jusqu'à un certain point, toucher au doigt et à l'oeil, non plus par le raisonnement, mais par les faits. Grâce aux communications spirites, ce n'est plus une présomption, une probabilité sur laquelle chacun brode à sa guise, que les poètes embellissent de leurs fictions, ou sèment d'images allégoriques qui nous trompent, c'est la réalité même qui nous apparaît, car ce sont les êtres mêmes d'outre-tombe qui viennent nous dépeindre leur situation, nous dire ce qu'ils font, qui nous permettent d'assister pour ainsi dire à toutes les péripéties de leur vie nouvelle, et, par ce moyen, nous montrent le sort inévitable qui nous attend selon nos mérites et nos méfaits. Y a-t-il là rien d'anti-religieux ? bien au contraire, puisque les incrédules y trouvent la foi, et les tièdes un renouvellement de ferveur et de confiance. Le spiritisme est donc le plus puissant auxiliaire de la religion. Puisque cela est, c'est que Dieu le permet, et il le permet pour ranimer nos espérances chancelantes, et nous ramener dans la voie du bien par la perspective de l'avenir qui nous attend.
Les entretiens familiers d'outre-tombe que nous donnons, les récits qu'ils contiennent de la situation des Esprits qui nous parlent, nous initient à leurs peines, à leurs joies, à leurs occupations ; c'est le tableau animé de la vie spirite, et dans la variété même des sujets, nous pouvons trouver les analogies qui nous touchent. Nous allons essayer d'en résumer l'ensemble.
Prenons d'abord l'âme à sa sortie de ce monde, et voyons ce qui se passe dans cette transmigration. Les forces vitales s'éteignant, l'Esprit se dégage du corps au moment où cesse la vie organique ; mais la séparation n'est pas brusque et instantanée. Elle commence quelquefois avant la cessation complète de la vie ; elle n'est pas toujours complète à l'instant de la mort. Nous savons qu'entre l'Esprit et le corps il y a un lien semi-matériel qui constitue une première enveloppe ; c'est ce lien qui n'est pas brisé subitement, et tant qu'il subsiste, l'Esprit est dans un état de trouble qu'on peut comparer à celui qui accompagne le réveil ; souvent même il doute de sa mort ; il sent qu'il existe, il se voit, et ne comprend pas qu'il puisse vivre sans son corps dont il se voit séparé ; les liens qui l'unissent encore à la matière le rendent même accessible à certaines sensations qu'il prend pour des sensations physiques ; ce n'est que lorsqu'il est complètement libre que l'Esprit se reconnaît : jusque-là il ne se rend pas compte de sa situation. La durée de cet état de trouble, ainsi que nous l'avons dit en d'autres occasions, est très variable ; elle peut être de plusieurs heures, comme de plusieurs mois, mais il est rare qu'au bout de quelques jours l'Esprit ne se reconnaisse pas plus ou moins bien. Cependant comme tout est étrange et inconnu pour lui, il lui faut un certain temps pour se familiariser avec sa nouvelle manière de percevoir les choses.
L'instant où l'un d'eux voit cesser son esclavage par la rupture des liens qui le retiennent au corps, est un instant solennel ; à sa rentrée dans le monde des Esprits, il est accueilli par ses amis qui viennent le recevoir comme au retour d'un pénible voyage ; si la traversée a été heureuse, c'est-à-dire, si le temps d'exil a été employé d'une manière profitable pour lui et l'élève dans la hiérarchie du monde des Esprits, ils le félicitent ; là il retrouve ceux qu'il a connus, se mêle à ceux qui l'aiment et sympathisent avec lui, et alors commence véritablement pour lui sa nouvelle existence.
L'enveloppe semi-matérielle de l'Esprit constitue une sorte de corps d'une forme définie, limitée et analogue à la nôtre ; mais ce corps n'a point nos organes et ne peut ressentir toutes nos impressions. Il perçoit cependant tout ce que nous percevons : la lumière, les sons, les odeurs, etc. ; et ces sensations, pour n'avoir rien de matériel, n'en sont pas moins réelles ; elles ont même quelque chose de plus clair, de plus précis, de plus subtil, parce qu'elles arrivent à l'Esprit sans intermédiaire, sans passer par la filière des organes qui les émoussent. La faculté de percevoir est inhérente à l'Esprit : c'est un attribut de tout son être ; les sensations lui arrivent de partout et non par des canaux circonscrits. L'un d'eux nous disait en parlant de la vue : « C'est une faculté de l'Esprit et non du corps ; vous voyez par les yeux, mais en vous ce n'est pas l'oeil qui voit, c'est l'Esprit. »
Par la conformation de nos organes, nous avons besoin de certains véhicules pour nos sensations ; c'est ainsi qu'il nous faut la lumière pour refléter les objets, l'air pour nous transmettre les sons ; ces véhicules deviennent inutiles dès lors que nous n'avons plus les intermédiaires qui les rendaient nécessaires ; l'Esprit voit donc sans le secours de notre lumière, entend sans avoir besoin des vibrations de l'air ; c'est pourquoi il n'y a point pour lui d'obscurité. Mais des sensations perpétuelles et indéfinies, quelque agréables qu'elles soient, deviendraient fatigantes à la longue si l'on ne pouvait s'y soustraire ; aussi l'Esprit a-t-il la faculté de les suspendre ; il peut cesser à volonté de voir, d'entendre, de sentir telles ou telles choses, par conséquent, ne voir, n'entendre, ne sentir que ce qu'il veut ; cette faculté est en raison de sa supériorité, car il est des choses que les Esprits inférieurs ne peuvent éviter, et voilà ce qui rend leur situation pénible.
C'est cette nouvelle manière de sentir que l'Esprit ne s'explique pas tout d'abord, et dont il ne se rend compte que peu à peu. Ceux dont l'intelligence est encore arriérée ne la comprennent même pas du tout, et seraient fort en peine de la décrire ; absolument comme parmi nous, les ignorants voient et se meuvent sans savoir pourquoi ni comment.
Cette impuissance à comprendre ce qui est au-dessus de leur portée, jointe à la forfanterie, compagne ordinaire de l'ignorance, est la source des théories absurdes que donnent certains Esprits, et qui nous induiraient nous-mêmes en erreur si nous les acceptions sans contrôle, et sans nous être assurés, par les moyens que donne l'expérience et l'habitude de converser avec eux, du degré de confiance qu'ils méritent.
Il y a des sensations qui ont leur source dans l'état même de nos organes ; or les besoins inhérents à notre corps ne peuvent avoir lieu du moment que le corps n'existe plus. L'Esprit n'éprouve donc ni la fatigue, ni le besoin du repos, ni celui de nourriture, parce qu'il n'a aucune déperdition à réparer ; il n'est affligé d'aucune de nos infirmités. Les besoins du corps entraînent des besoins sociaux qui n'existent plus pour les Esprits ; ainsi pour eux les soucis des affaires, les tracasseries, les mille tribulations du monde, les tourments que l'on se donne pour se procurer les nécessités ou les superfluités de la vie n'existent plus ; ils prennent en pitié la peine que nous nous donnons pour de vains hochets ; et pourtant, autant les Esprits élevés sont heureux, autant les Esprits inférieurs souffrent, mais ces souffrances sont plutôt des angoisses qui pour n'avoir rien de physique n'en sont pas moins poignantes ; ils ont toutes les passions, tous les désirs qu'ils avaient de leur vivant (nous parlons des Esprits inférieurs), et leur châtiment est de ne pouvoir les satisfaire ; c'est pour eux une véritable torture qu'ils croient perpétuelle, parce que leur infériorité même ne leur permet pas d'en voir le terme, et c'est encore pour eux un châtiment.
La parole articulée est aussi une nécessité de notre organisation ; les Esprits n'ayant pas besoin de sons vibrants pour frapper leurs oreilles, se comprennent par la seule transmission de la pensée, comme il nous arrive souvent à nous-mêmes de nous comprendre par le seul regard. Les Esprits cependant font du bruit ; nous savons qu'ils peuvent agir sur la matière, et cette matière nous transmet le son ; c'est ainsi qu'ils font entendre, soit des coups frappés, soit des cris dans le vague de l'air, mais alors c'est pour nous qu'ils le font, et non pour eux. Nous aurons à revenir sur ce sujet dans un article spécial où nous traiterons de la faculté des médiums auditifs.
Tandis que nous traînons péniblement notre corps lourd et matériel sur la terre, comme le galérien son boulet, celui des Esprits, vaporeux, éthéré, se transporte sans fatigue d'un lieu à un autre, franchit l'espace avec la rapidité de la pensée ; il pénètre partout, aucune matière ne lui fait obstacle.
L'Esprit voit tout ce que nous voyons, et plus clairement que nous ne pouvons le faire ; il voit de plus ce que nos sens bornés ne nous permettent pas de voir ; pénétrant lui-même la matière, il découvre ce que la matière dérobe à notre vue.
Les Esprits ne sont donc point des êtres vagues, indéfinis, selon les définitions abstraites de l'âme que nous avons rapportées plus haut ; ce sont des êtres réels, déterminés, circonscrits, jouissant de toutes nos facultés et de beaucoup d'autres qui nous sont inconnues, parce qu'elles sont inhérentes à leur nature ; ils ont les qualités de la matière qui leur est propre, et composent le monde indivisible qui peuple l'espace, nous entoure, nous coudoie sans cesse. Supposons pour un instant que le voile matériel qui les dérobe à notre vue soit déchiré, nous nous verrions environnés d'une multitude d'êtres qui vont, viennent, s'agitent autour de nous, nous observent, comme nous sommes nous-mêmes quand nous nous trouvons dans une assemblée d'aveugles. Pour les Esprits nous sommes les aveugles, et ils sont les voyants.
Nous avons dit qu'en entrant dans sa nouvelle vie, l'Esprit est quelque temps à se reconnaître, que tout est étrange et inconnu pour lui. On se demandera sans doute comment il peut en être ainsi s'il a déjà eu d'autres existences corporelles ; ces existences ont été séparées par des intervalles pendant lesquels il habitait le monde des Esprits ; ce monde ne doit donc pas lui être inconnu, puisqu'il ne le voit pas pour la première fois.
Plusieurs causes contribuent à rendre ces perceptions nouvelles pour lui, quoiqu'il les ait déjà éprouvées. La mort, avons-nous dit, est toujours suivie d'un instant de trouble, mais qui peut être de courte durée. Dans cet état ses idées sont toujours vagues et confuses : la vie corporelle se confond en quelque sorte avec la vie spirite, il ne peut encore les séparer dans sa pensée. Ce premier trouble dissipé, les idées s'élucident peu à peu et avec elles le souvenir du passé qui ne lui revient que graduellement à la mémoire, car jamais cette mémoire ne fait en lui une brusque irruption. Ce n'est que lorsqu'il est tout à fait dématérialisé que le passé se déroule devant lui, comme une perspective sortant d'un brouillard. Alors seulement il se rappelle tous les actes de sa dernière existence, puis ses existences antérieures et ses divers passages dans le monde des Esprits. On conçoit donc, d'après cela, que, pendant un certain temps, ce monde doit lui paraître nouveau, jusqu'à ce qu'il s'y soit complètement reconnu, et que le souvenir des sensations qu'il y a éprouvées lui soit revenu d'une manière précise. Mais à cette cause il faut en ajouter une autre non moins prépondérante.
L'état de l'Esprit, comme Esprit, varie extraordinairement en raison du degré de son élévation et de sa pureté. A mesure qu'il s'élève et s'épure, ses perceptions et ses sensations sont moins grossières ; elles acquièrent plus de finesse, de subtilité, de délicatesse ; il voit, sent, et comprend des choses qu'il ne pouvait ni voir, ni sentir, ni comprendre dans une condition inférieure. Or, chaque existence corporelle étant pour lui une occasion de progrès l'amène dans un milieu nouveau pour lui, parce qu'il se trouve, s'il a progressé, parmi des Esprits d'un autre ordre dont toutes les pensées et toutes les habitudes sont différentes. Ajoutons à cela que cette épuration lui permet de pénétrer, toujours comme Esprit, dans des mondes inaccessibles aux Esprits inférieurs, comme chez nous les salons du grand monde sont interdits aux gens mal élevés. Moins il est éclairé, plus l'horizon est borné pour lui ; à mesure qu'il s'élève et s'épure, cet horizon grandit, et avec lui le cercle de ses idées et de ses perceptions. La comparaison suivante peut nous le faire comprendre. Supposons un paysan brut et ignorant, venant à Paris pour la première fois ; connaîtra-t-il et comprendra-t-il le Paris du monde élégant et du monde savant ? non, car il n'y fréquentera que les gens de sa classe et les quartiers qu'ils habitent. Mais que, dans l'intervalle d'un second voyage, ce paysan se soit débrouillé, qu'il ait acquis de l'instruction et des manières polies, ses habitudes et ses relations seront tout autres ; alors il verra un monde nouveau pour lui qui ne ressemblera plus à son Paris d'autrefois. Il en est de même des Esprits ; mais tous n'éprouvent pas cette incertitude au même degré. A mesure qu'ils progressent, leurs idées se développent, la mémoire est plus prompte ; ils sont familiarisés d'avance avec leur nouvelle situation ; leur retour parmi les autres Esprits n'a plus rien qui les étonne : ils se retrouvent dans leur milieu normal, et le premier moment de trouble passé, ils se reconnaissent presque immédiatement.
Telle est la situation générale des Esprits à l'état que l'on appelle errant ; mais dans cet état, que font-ils ? à quoi passent-ils leur temps ? cette question est pour nous d'un intérêt capital. Ce sont eux-mêmes qui vont y répondr répondre, comme ce sont eux qui nous ont fourni les explications que nous venons de donner, car dans tout ceci rien n'est le fait de notre imagination ; ce n'est pas un système éclos dans notre cerveau : nous jugeons d'après ce que nous voyons et entendons. Toute opinion à part sur le spiritisme, on conviendra que cette théorie de la vie d'outre-tombe n'a rien d'irrationnel ; elle présente une suite, un enchaînement parfaitement logiques et dont plus d'un philosophe se ferait honneur.
On serait dans l'erreur si l'on croyait que la vie spirite est une vie oisive ; elle est au contraire essentiellement active, et tous nous parlent de leurs occupations ; ces occupations diffèrent nécessairement selon que l'Esprit est errant ou incarné. A l'état d'incarnation, elles sont relatives à la nature des globes qu'ils habitent, aux besoins qui dépendent de l'état physique et moral de ces globes, ainsi que de l'organisation des êtres vivants. Ce n'est pas ce dont nous avons à nous occuper ici ; nous ne parlerons que des Esprits errants. Parmi ceux qui ont atteint un certain degré d'élévation, les uns veillent à l'accomplissement des desseins de Dieu dans les grandes destinées de l'Univers ; ils dirigent la marche des événements, et concourent au progrès de chaque monde ; d'autres prennent les individus sous leur protection et s'en constituent les génies tutélaires, les anges gardiens, les suivent depuis la naissance jusqu'à la mort en cherchant à les diriger dans la voie du bien : c'est un bonheur pour eux quand leurs efforts sont couronnés de succès. Quelques-uns s'incarnent dans des mondes inférieurs pour y accomplir des missions de progrès ; ils cherchent par leurs travaux, leurs exemples, leurs conseils, leurs enseignements à faire avancer ceux-ci dans les sciences ou les arts, ceux-là dans la morale. Ils se soumettent alors volontairement aux vicissitudes d'une vie corporelle souvent pénible, en vue de faire le bien, et le bien qu'ils font leur est compté. Beaucoup enfin n'ont point d'attributions spéciales ; ils vont partout où leur présence peut être utile, donner des conseils, inspirer de bonnes idées, soutenir les courages défaillants, donner de la force aux faibles et châtier les présomptueux.
Si l'on considère le nombre infini des mondes qui peuplent l'univers, et le nombre incalculable des êtres qui les habitent, on concevra qu'il y a de quoi occuper les Esprits ; mais ces occupations n'ont rien de pénible pour eux ; ils les remplissent avec joie, volontairement et non par contrainte, et leur bonheur est de réussir dans ce qu'ils entreprennent ; nul ne songe à une oisiveté éternelle qui serait un véritable supplice. Quand les circonstances l'exigent, ils se réunissent en conseil, délibèrent sur la marche à suivre, selon les événements, donnent des ordres aux Esprits qui leur sont subordonnés, et vont ensuite où le devoir les appelle. Ces assemblées sont plus ou moins générales ou particulières selon l'importance du sujet ; aucun lieu spécial et circonscrit n'est affecté à ces réunions : l'espace est le domaine des Esprits ; pourtant elles se tiennent de préférence sur les globes qui en font l'objet. Les Esprits incarnés qui y sont en mission y prennent part selon leur élévation ; tandis que leur corps repose, ils vont puiser des conseils parmi les autres Esprits, souvent recevoir des ordres sur la conduite qu'ils doivent tenir comme hommes. A leur réveil ils n'ont point, il est vrai, un souvenir précis de ce qui s'est passé, mais ils en ont l'intuition qui les fait agir comme de leur propre mouvement.
En descendant la hiérarchie, nous trouvons des Esprits moins élevés, moins épurés, et par conséquent moins éclairés, mais qui n'en sont pas moins bons, et qui, dans une sphère d'activité plus restreinte, remplissent des fonctions analogues. Leur action, au lieu de s'étendre aux différents mondes, s'exerce plus spécialement sur un globe déterminé en rapport avec le degré de leur avancement ; leur influence est plus individuelle, et a pour objet des choses de moindre importance.
Vient ensuite la foule des Esprits vulgaires plus ou moins bons ou mauvais qui pullulent autour de nous ; ils s'élèvent peu au-dessus de l'humanité dont ils représentent toutes les nuances et en sont comme le reflet, car ils en ont tous les vices et toutes les vertus ; chez un grand nombre on retrouve les goûts, les idées et les penchants qu'ils avaient de leur vivant ; leurs facultés sont bornées, leur jugement faillible comme celui des hommes, souvent erroné et imbu de préjugés.
Chez d'autres le sens moral est plus développé ; sans avoir ni grande supériorité, ni grande profondeur, ils jugent plus sainement, et souvent condamnent ce quels ont fait, dit ou pensé pendant la vie. Du reste il y a ceci de remarquable, c'est que même parmi les Esprits les plus ordinaires, la plupart ont des sentiments plus purs comme Esprits que comme hommes ; la vie spirite les éclaire sur leurs défauts ; et, à bien peu d'exceptions près, ils se repentent amèrement, et regrettent le mal qu'ils ont fait, car ils en souffrent plus ou moins cruellement. Nous en avons quelquefois vus qui n'étaient pas meilleurs, mais jamais qui fussent plus mauvais qu'ils n'avaient été de leur vivant. L'endurcissement absolu est fort rare et n'est que temporaire, car tôt ou tard ils finissent par gémir de leur position, et l'on peut dire que tous aspirent à se perfectionner, car tous comprennent que c'est le seul moyen de sortir de leur infériorité ; s'instruire, s'éclairer c'est là leur grande préoccupation, et ils sont heureux quand ils peuvent y joindre quelques petites missions de confiance qui les relèvent à leurs propres yeux.
Ils ont aussi leurs assemblées, mais plus ou moins sérieuses selon la nature de leurs pensées. Ils nous parlent, voient et observent ce qui se passe ; ils se mêlent à nos réunions, à nos jeux, à nos fêtes, à nos spectacles, comme à nos affaires sérieuses ; ils écoutent nos conversations : les plus légers pour s'amuser et souvent rire à nos dépens ou nous faire quelques malices s'ils le peuvent, les autres pour s'instruire ; ils observent les hommes, leur caractère, et font ce qu'ils appellent des études de moeurs, en vue de se fixer sur le choix de leur existence future.
Nous avons vu l'Esprit au moment où, quittant son corps, il entre dans sa vie nouvelle ; nous avons analysé ses sensations, suivi le développement graduel de ses idées. Les premiers moments sont employés à se reconnaître, à se rendre compte de ce qui se passe en lui ; en un mot il essaye pour ainsi dire ses facultés, comme l'enfant qui peu à peu voit grandir ses forces et ses pensées. Nous parlons des Esprits vulgaires, car les autres, comme nous l'avons dit, sont en quelque sorte identifiés d'avance avec l'état spirite qui ne leur cause aucune surprise, mais seulement la joie d'être délivrés de leurs entraves et des souffrances corporelles. Parmi les Esprits inférieurs beaucoup regrettent la vie terrestre, parce que leur situation comme Esprit est cent fois pire, c'est pourquoi ils cherchent une distraction dans la vue de ce qui faisait jadis leurs délices, mais cette vue même est pour eux un supplice, car ils ont les désirs et ne peuvent les satisfaire.
Le besoin de progresser est général chez les Esprits, et c'est ce qui les excite à travailler à leur amélioration, car ils comprennent que leur bonheur est à ce prix ; mais tous n'éprouvent pas ce besoin au même degré, surtout en commençant ; quelques-uns même se complaisent dans une sorte de flânerie, mais qui n'a qu'un temps ; l'activité devient bientôt pour eux une nécessité impérieuse, à laquelle d'ailleurs ils sont poussés par d'autres Esprits qui stimulent en eux le sentiment du bien.
Vient ensuite ce que l'on peut appeler la lie du monde spirite, composée de tous les Esprits impurs dont le mal est la seule préoccupation. Ils souffrent, et voudraient voir tous les autres souffrir comme eux. La jalousie leur rend toute supériorité odieuse ; la haine est leur essence ; ne pouvant s'en prendre aux Esprits, ils s'en prennent aux hommes et s'attaquent à ceux qu'ils sentent plus faibles. Exciter les mauvaises passions, souffler la discorde, séparer les amis, provoquer les rixes, gonfler l'orgueil des ambitieux pour se donner le plaisir de l'abattre ensuite, répandre l'erreur et le mensonge, en un mot détourner du bien, telles sont leurs pensées dominantes.
Mais pourquoi Dieu permet-il qu'il en soit ainsi ? Dieu n'a pas de comptes à nous rendre. Les Esprits supérieurs nous disent que les méchants sont des épreuves pour les bons, et qu'il n'y a pas de vertu là où il n'y a pas de victoire à remporter. Du reste si ces Esprits malfaisants se donnent rendez-vous sur notre terre, c'est qu'ils y trouvent des échos et des sympathies. Consolons-nous en pensant qu'au-dessus de cette fange qui nous entoure, il y a des êtres purs et bienveillants qui nous aiment, nous soutiennent, nous encouragent, et nous tendent les bras pour nous amener à eux, et nous conduire dans des mondes meilleurs où le mal n'a pas d'accès, si nous savons faire ce qu'il faut pour le mériter.
Les entretiens familiers d'outre-tombe que nous donnons, les récits qu'ils contiennent de la situation des Esprits qui nous parlent, nous initient à leurs peines, à leurs joies, à leurs occupations ; c'est le tableau animé de la vie spirite, et dans la variété même des sujets, nous pouvons trouver les analogies qui nous touchent. Nous allons essayer d'en résumer l'ensemble.
Prenons d'abord l'âme à sa sortie de ce monde, et voyons ce qui se passe dans cette transmigration. Les forces vitales s'éteignant, l'Esprit se dégage du corps au moment où cesse la vie organique ; mais la séparation n'est pas brusque et instantanée. Elle commence quelquefois avant la cessation complète de la vie ; elle n'est pas toujours complète à l'instant de la mort. Nous savons qu'entre l'Esprit et le corps il y a un lien semi-matériel qui constitue une première enveloppe ; c'est ce lien qui n'est pas brisé subitement, et tant qu'il subsiste, l'Esprit est dans un état de trouble qu'on peut comparer à celui qui accompagne le réveil ; souvent même il doute de sa mort ; il sent qu'il existe, il se voit, et ne comprend pas qu'il puisse vivre sans son corps dont il se voit séparé ; les liens qui l'unissent encore à la matière le rendent même accessible à certaines sensations qu'il prend pour des sensations physiques ; ce n'est que lorsqu'il est complètement libre que l'Esprit se reconnaît : jusque-là il ne se rend pas compte de sa situation. La durée de cet état de trouble, ainsi que nous l'avons dit en d'autres occasions, est très variable ; elle peut être de plusieurs heures, comme de plusieurs mois, mais il est rare qu'au bout de quelques jours l'Esprit ne se reconnaisse pas plus ou moins bien. Cependant comme tout est étrange et inconnu pour lui, il lui faut un certain temps pour se familiariser avec sa nouvelle manière de percevoir les choses.
L'instant où l'un d'eux voit cesser son esclavage par la rupture des liens qui le retiennent au corps, est un instant solennel ; à sa rentrée dans le monde des Esprits, il est accueilli par ses amis qui viennent le recevoir comme au retour d'un pénible voyage ; si la traversée a été heureuse, c'est-à-dire, si le temps d'exil a été employé d'une manière profitable pour lui et l'élève dans la hiérarchie du monde des Esprits, ils le félicitent ; là il retrouve ceux qu'il a connus, se mêle à ceux qui l'aiment et sympathisent avec lui, et alors commence véritablement pour lui sa nouvelle existence.
L'enveloppe semi-matérielle de l'Esprit constitue une sorte de corps d'une forme définie, limitée et analogue à la nôtre ; mais ce corps n'a point nos organes et ne peut ressentir toutes nos impressions. Il perçoit cependant tout ce que nous percevons : la lumière, les sons, les odeurs, etc. ; et ces sensations, pour n'avoir rien de matériel, n'en sont pas moins réelles ; elles ont même quelque chose de plus clair, de plus précis, de plus subtil, parce qu'elles arrivent à l'Esprit sans intermédiaire, sans passer par la filière des organes qui les émoussent. La faculté de percevoir est inhérente à l'Esprit : c'est un attribut de tout son être ; les sensations lui arrivent de partout et non par des canaux circonscrits. L'un d'eux nous disait en parlant de la vue : « C'est une faculté de l'Esprit et non du corps ; vous voyez par les yeux, mais en vous ce n'est pas l'oeil qui voit, c'est l'Esprit. »
Par la conformation de nos organes, nous avons besoin de certains véhicules pour nos sensations ; c'est ainsi qu'il nous faut la lumière pour refléter les objets, l'air pour nous transmettre les sons ; ces véhicules deviennent inutiles dès lors que nous n'avons plus les intermédiaires qui les rendaient nécessaires ; l'Esprit voit donc sans le secours de notre lumière, entend sans avoir besoin des vibrations de l'air ; c'est pourquoi il n'y a point pour lui d'obscurité. Mais des sensations perpétuelles et indéfinies, quelque agréables qu'elles soient, deviendraient fatigantes à la longue si l'on ne pouvait s'y soustraire ; aussi l'Esprit a-t-il la faculté de les suspendre ; il peut cesser à volonté de voir, d'entendre, de sentir telles ou telles choses, par conséquent, ne voir, n'entendre, ne sentir que ce qu'il veut ; cette faculté est en raison de sa supériorité, car il est des choses que les Esprits inférieurs ne peuvent éviter, et voilà ce qui rend leur situation pénible.
C'est cette nouvelle manière de sentir que l'Esprit ne s'explique pas tout d'abord, et dont il ne se rend compte que peu à peu. Ceux dont l'intelligence est encore arriérée ne la comprennent même pas du tout, et seraient fort en peine de la décrire ; absolument comme parmi nous, les ignorants voient et se meuvent sans savoir pourquoi ni comment.
Cette impuissance à comprendre ce qui est au-dessus de leur portée, jointe à la forfanterie, compagne ordinaire de l'ignorance, est la source des théories absurdes que donnent certains Esprits, et qui nous induiraient nous-mêmes en erreur si nous les acceptions sans contrôle, et sans nous être assurés, par les moyens que donne l'expérience et l'habitude de converser avec eux, du degré de confiance qu'ils méritent.
Il y a des sensations qui ont leur source dans l'état même de nos organes ; or les besoins inhérents à notre corps ne peuvent avoir lieu du moment que le corps n'existe plus. L'Esprit n'éprouve donc ni la fatigue, ni le besoin du repos, ni celui de nourriture, parce qu'il n'a aucune déperdition à réparer ; il n'est affligé d'aucune de nos infirmités. Les besoins du corps entraînent des besoins sociaux qui n'existent plus pour les Esprits ; ainsi pour eux les soucis des affaires, les tracasseries, les mille tribulations du monde, les tourments que l'on se donne pour se procurer les nécessités ou les superfluités de la vie n'existent plus ; ils prennent en pitié la peine que nous nous donnons pour de vains hochets ; et pourtant, autant les Esprits élevés sont heureux, autant les Esprits inférieurs souffrent, mais ces souffrances sont plutôt des angoisses qui pour n'avoir rien de physique n'en sont pas moins poignantes ; ils ont toutes les passions, tous les désirs qu'ils avaient de leur vivant (nous parlons des Esprits inférieurs), et leur châtiment est de ne pouvoir les satisfaire ; c'est pour eux une véritable torture qu'ils croient perpétuelle, parce que leur infériorité même ne leur permet pas d'en voir le terme, et c'est encore pour eux un châtiment.
La parole articulée est aussi une nécessité de notre organisation ; les Esprits n'ayant pas besoin de sons vibrants pour frapper leurs oreilles, se comprennent par la seule transmission de la pensée, comme il nous arrive souvent à nous-mêmes de nous comprendre par le seul regard. Les Esprits cependant font du bruit ; nous savons qu'ils peuvent agir sur la matière, et cette matière nous transmet le son ; c'est ainsi qu'ils font entendre, soit des coups frappés, soit des cris dans le vague de l'air, mais alors c'est pour nous qu'ils le font, et non pour eux. Nous aurons à revenir sur ce sujet dans un article spécial où nous traiterons de la faculté des médiums auditifs.
Tandis que nous traînons péniblement notre corps lourd et matériel sur la terre, comme le galérien son boulet, celui des Esprits, vaporeux, éthéré, se transporte sans fatigue d'un lieu à un autre, franchit l'espace avec la rapidité de la pensée ; il pénètre partout, aucune matière ne lui fait obstacle.
L'Esprit voit tout ce que nous voyons, et plus clairement que nous ne pouvons le faire ; il voit de plus ce que nos sens bornés ne nous permettent pas de voir ; pénétrant lui-même la matière, il découvre ce que la matière dérobe à notre vue.
Les Esprits ne sont donc point des êtres vagues, indéfinis, selon les définitions abstraites de l'âme que nous avons rapportées plus haut ; ce sont des êtres réels, déterminés, circonscrits, jouissant de toutes nos facultés et de beaucoup d'autres qui nous sont inconnues, parce qu'elles sont inhérentes à leur nature ; ils ont les qualités de la matière qui leur est propre, et composent le monde indivisible qui peuple l'espace, nous entoure, nous coudoie sans cesse. Supposons pour un instant que le voile matériel qui les dérobe à notre vue soit déchiré, nous nous verrions environnés d'une multitude d'êtres qui vont, viennent, s'agitent autour de nous, nous observent, comme nous sommes nous-mêmes quand nous nous trouvons dans une assemblée d'aveugles. Pour les Esprits nous sommes les aveugles, et ils sont les voyants.
Nous avons dit qu'en entrant dans sa nouvelle vie, l'Esprit est quelque temps à se reconnaître, que tout est étrange et inconnu pour lui. On se demandera sans doute comment il peut en être ainsi s'il a déjà eu d'autres existences corporelles ; ces existences ont été séparées par des intervalles pendant lesquels il habitait le monde des Esprits ; ce monde ne doit donc pas lui être inconnu, puisqu'il ne le voit pas pour la première fois.
Plusieurs causes contribuent à rendre ces perceptions nouvelles pour lui, quoiqu'il les ait déjà éprouvées. La mort, avons-nous dit, est toujours suivie d'un instant de trouble, mais qui peut être de courte durée. Dans cet état ses idées sont toujours vagues et confuses : la vie corporelle se confond en quelque sorte avec la vie spirite, il ne peut encore les séparer dans sa pensée. Ce premier trouble dissipé, les idées s'élucident peu à peu et avec elles le souvenir du passé qui ne lui revient que graduellement à la mémoire, car jamais cette mémoire ne fait en lui une brusque irruption. Ce n'est que lorsqu'il est tout à fait dématérialisé que le passé se déroule devant lui, comme une perspective sortant d'un brouillard. Alors seulement il se rappelle tous les actes de sa dernière existence, puis ses existences antérieures et ses divers passages dans le monde des Esprits. On conçoit donc, d'après cela, que, pendant un certain temps, ce monde doit lui paraître nouveau, jusqu'à ce qu'il s'y soit complètement reconnu, et que le souvenir des sensations qu'il y a éprouvées lui soit revenu d'une manière précise. Mais à cette cause il faut en ajouter une autre non moins prépondérante.
L'état de l'Esprit, comme Esprit, varie extraordinairement en raison du degré de son élévation et de sa pureté. A mesure qu'il s'élève et s'épure, ses perceptions et ses sensations sont moins grossières ; elles acquièrent plus de finesse, de subtilité, de délicatesse ; il voit, sent, et comprend des choses qu'il ne pouvait ni voir, ni sentir, ni comprendre dans une condition inférieure. Or, chaque existence corporelle étant pour lui une occasion de progrès l'amène dans un milieu nouveau pour lui, parce qu'il se trouve, s'il a progressé, parmi des Esprits d'un autre ordre dont toutes les pensées et toutes les habitudes sont différentes. Ajoutons à cela que cette épuration lui permet de pénétrer, toujours comme Esprit, dans des mondes inaccessibles aux Esprits inférieurs, comme chez nous les salons du grand monde sont interdits aux gens mal élevés. Moins il est éclairé, plus l'horizon est borné pour lui ; à mesure qu'il s'élève et s'épure, cet horizon grandit, et avec lui le cercle de ses idées et de ses perceptions. La comparaison suivante peut nous le faire comprendre. Supposons un paysan brut et ignorant, venant à Paris pour la première fois ; connaîtra-t-il et comprendra-t-il le Paris du monde élégant et du monde savant ? non, car il n'y fréquentera que les gens de sa classe et les quartiers qu'ils habitent. Mais que, dans l'intervalle d'un second voyage, ce paysan se soit débrouillé, qu'il ait acquis de l'instruction et des manières polies, ses habitudes et ses relations seront tout autres ; alors il verra un monde nouveau pour lui qui ne ressemblera plus à son Paris d'autrefois. Il en est de même des Esprits ; mais tous n'éprouvent pas cette incertitude au même degré. A mesure qu'ils progressent, leurs idées se développent, la mémoire est plus prompte ; ils sont familiarisés d'avance avec leur nouvelle situation ; leur retour parmi les autres Esprits n'a plus rien qui les étonne : ils se retrouvent dans leur milieu normal, et le premier moment de trouble passé, ils se reconnaissent presque immédiatement.
Telle est la situation générale des Esprits à l'état que l'on appelle errant ; mais dans cet état, que font-ils ? à quoi passent-ils leur temps ? cette question est pour nous d'un intérêt capital. Ce sont eux-mêmes qui vont y répondr répondre, comme ce sont eux qui nous ont fourni les explications que nous venons de donner, car dans tout ceci rien n'est le fait de notre imagination ; ce n'est pas un système éclos dans notre cerveau : nous jugeons d'après ce que nous voyons et entendons. Toute opinion à part sur le spiritisme, on conviendra que cette théorie de la vie d'outre-tombe n'a rien d'irrationnel ; elle présente une suite, un enchaînement parfaitement logiques et dont plus d'un philosophe se ferait honneur.
On serait dans l'erreur si l'on croyait que la vie spirite est une vie oisive ; elle est au contraire essentiellement active, et tous nous parlent de leurs occupations ; ces occupations diffèrent nécessairement selon que l'Esprit est errant ou incarné. A l'état d'incarnation, elles sont relatives à la nature des globes qu'ils habitent, aux besoins qui dépendent de l'état physique et moral de ces globes, ainsi que de l'organisation des êtres vivants. Ce n'est pas ce dont nous avons à nous occuper ici ; nous ne parlerons que des Esprits errants. Parmi ceux qui ont atteint un certain degré d'élévation, les uns veillent à l'accomplissement des desseins de Dieu dans les grandes destinées de l'Univers ; ils dirigent la marche des événements, et concourent au progrès de chaque monde ; d'autres prennent les individus sous leur protection et s'en constituent les génies tutélaires, les anges gardiens, les suivent depuis la naissance jusqu'à la mort en cherchant à les diriger dans la voie du bien : c'est un bonheur pour eux quand leurs efforts sont couronnés de succès. Quelques-uns s'incarnent dans des mondes inférieurs pour y accomplir des missions de progrès ; ils cherchent par leurs travaux, leurs exemples, leurs conseils, leurs enseignements à faire avancer ceux-ci dans les sciences ou les arts, ceux-là dans la morale. Ils se soumettent alors volontairement aux vicissitudes d'une vie corporelle souvent pénible, en vue de faire le bien, et le bien qu'ils font leur est compté. Beaucoup enfin n'ont point d'attributions spéciales ; ils vont partout où leur présence peut être utile, donner des conseils, inspirer de bonnes idées, soutenir les courages défaillants, donner de la force aux faibles et châtier les présomptueux.
Si l'on considère le nombre infini des mondes qui peuplent l'univers, et le nombre incalculable des êtres qui les habitent, on concevra qu'il y a de quoi occuper les Esprits ; mais ces occupations n'ont rien de pénible pour eux ; ils les remplissent avec joie, volontairement et non par contrainte, et leur bonheur est de réussir dans ce qu'ils entreprennent ; nul ne songe à une oisiveté éternelle qui serait un véritable supplice. Quand les circonstances l'exigent, ils se réunissent en conseil, délibèrent sur la marche à suivre, selon les événements, donnent des ordres aux Esprits qui leur sont subordonnés, et vont ensuite où le devoir les appelle. Ces assemblées sont plus ou moins générales ou particulières selon l'importance du sujet ; aucun lieu spécial et circonscrit n'est affecté à ces réunions : l'espace est le domaine des Esprits ; pourtant elles se tiennent de préférence sur les globes qui en font l'objet. Les Esprits incarnés qui y sont en mission y prennent part selon leur élévation ; tandis que leur corps repose, ils vont puiser des conseils parmi les autres Esprits, souvent recevoir des ordres sur la conduite qu'ils doivent tenir comme hommes. A leur réveil ils n'ont point, il est vrai, un souvenir précis de ce qui s'est passé, mais ils en ont l'intuition qui les fait agir comme de leur propre mouvement.
En descendant la hiérarchie, nous trouvons des Esprits moins élevés, moins épurés, et par conséquent moins éclairés, mais qui n'en sont pas moins bons, et qui, dans une sphère d'activité plus restreinte, remplissent des fonctions analogues. Leur action, au lieu de s'étendre aux différents mondes, s'exerce plus spécialement sur un globe déterminé en rapport avec le degré de leur avancement ; leur influence est plus individuelle, et a pour objet des choses de moindre importance.
Vient ensuite la foule des Esprits vulgaires plus ou moins bons ou mauvais qui pullulent autour de nous ; ils s'élèvent peu au-dessus de l'humanité dont ils représentent toutes les nuances et en sont comme le reflet, car ils en ont tous les vices et toutes les vertus ; chez un grand nombre on retrouve les goûts, les idées et les penchants qu'ils avaient de leur vivant ; leurs facultés sont bornées, leur jugement faillible comme celui des hommes, souvent erroné et imbu de préjugés.
Chez d'autres le sens moral est plus développé ; sans avoir ni grande supériorité, ni grande profondeur, ils jugent plus sainement, et souvent condamnent ce quels ont fait, dit ou pensé pendant la vie. Du reste il y a ceci de remarquable, c'est que même parmi les Esprits les plus ordinaires, la plupart ont des sentiments plus purs comme Esprits que comme hommes ; la vie spirite les éclaire sur leurs défauts ; et, à bien peu d'exceptions près, ils se repentent amèrement, et regrettent le mal qu'ils ont fait, car ils en souffrent plus ou moins cruellement. Nous en avons quelquefois vus qui n'étaient pas meilleurs, mais jamais qui fussent plus mauvais qu'ils n'avaient été de leur vivant. L'endurcissement absolu est fort rare et n'est que temporaire, car tôt ou tard ils finissent par gémir de leur position, et l'on peut dire que tous aspirent à se perfectionner, car tous comprennent que c'est le seul moyen de sortir de leur infériorité ; s'instruire, s'éclairer c'est là leur grande préoccupation, et ils sont heureux quand ils peuvent y joindre quelques petites missions de confiance qui les relèvent à leurs propres yeux.
Ils ont aussi leurs assemblées, mais plus ou moins sérieuses selon la nature de leurs pensées. Ils nous parlent, voient et observent ce qui se passe ; ils se mêlent à nos réunions, à nos jeux, à nos fêtes, à nos spectacles, comme à nos affaires sérieuses ; ils écoutent nos conversations : les plus légers pour s'amuser et souvent rire à nos dépens ou nous faire quelques malices s'ils le peuvent, les autres pour s'instruire ; ils observent les hommes, leur caractère, et font ce qu'ils appellent des études de moeurs, en vue de se fixer sur le choix de leur existence future.
Nous avons vu l'Esprit au moment où, quittant son corps, il entre dans sa vie nouvelle ; nous avons analysé ses sensations, suivi le développement graduel de ses idées. Les premiers moments sont employés à se reconnaître, à se rendre compte de ce qui se passe en lui ; en un mot il essaye pour ainsi dire ses facultés, comme l'enfant qui peu à peu voit grandir ses forces et ses pensées. Nous parlons des Esprits vulgaires, car les autres, comme nous l'avons dit, sont en quelque sorte identifiés d'avance avec l'état spirite qui ne leur cause aucune surprise, mais seulement la joie d'être délivrés de leurs entraves et des souffrances corporelles. Parmi les Esprits inférieurs beaucoup regrettent la vie terrestre, parce que leur situation comme Esprit est cent fois pire, c'est pourquoi ils cherchent une distraction dans la vue de ce qui faisait jadis leurs délices, mais cette vue même est pour eux un supplice, car ils ont les désirs et ne peuvent les satisfaire.
Le besoin de progresser est général chez les Esprits, et c'est ce qui les excite à travailler à leur amélioration, car ils comprennent que leur bonheur est à ce prix ; mais tous n'éprouvent pas ce besoin au même degré, surtout en commençant ; quelques-uns même se complaisent dans une sorte de flânerie, mais qui n'a qu'un temps ; l'activité devient bientôt pour eux une nécessité impérieuse, à laquelle d'ailleurs ils sont poussés par d'autres Esprits qui stimulent en eux le sentiment du bien.
Vient ensuite ce que l'on peut appeler la lie du monde spirite, composée de tous les Esprits impurs dont le mal est la seule préoccupation. Ils souffrent, et voudraient voir tous les autres souffrir comme eux. La jalousie leur rend toute supériorité odieuse ; la haine est leur essence ; ne pouvant s'en prendre aux Esprits, ils s'en prennent aux hommes et s'attaquent à ceux qu'ils sentent plus faibles. Exciter les mauvaises passions, souffler la discorde, séparer les amis, provoquer les rixes, gonfler l'orgueil des ambitieux pour se donner le plaisir de l'abattre ensuite, répandre l'erreur et le mensonge, en un mot détourner du bien, telles sont leurs pensées dominantes.
Mais pourquoi Dieu permet-il qu'il en soit ainsi ? Dieu n'a pas de comptes à nous rendre. Les Esprits supérieurs nous disent que les méchants sont des épreuves pour les bons, et qu'il n'y a pas de vertu là où il n'y a pas de victoire à remporter. Du reste si ces Esprits malfaisants se donnent rendez-vous sur notre terre, c'est qu'ils y trouvent des échos et des sympathies. Consolons-nous en pensant qu'au-dessus de cette fange qui nous entoure, il y a des êtres purs et bienveillants qui nous aiment, nous soutiennent, nous encouragent, et nous tendent les bras pour nous amener à eux, et nous conduire dans des mondes meilleurs où le mal n'a pas d'accès, si nous savons faire ce qu'il faut pour le mériter.
Fraudes spirites
Ceux qui n'admettent pas la réalité des manifestations physiques, attribuent généralement à la fraude les effets produits. Ils se fondent sur ce que les prestidigitateurs habiles font des choses qui paraissent des prodiges quand on ne connaît pas leurs secrets ; d'où ils concluent que les médiums ne sont autres que des escamoteurs. Nous avons déjà réfuté cet argument, ou plutôt cette opinion, notamment dans nos articles sur M. Home et dans les n° de la Revue de janvier et février 1858 ; nous n'en dirons donc que quelques mots avant de parler d'une chose plus sérieuse.
De ce qu'il y a des charlatans qui débitent des drogues sur les places publiques, de ce qu'il y a même des médecins qui, sans aller sur la place publique, trompent la confiance, s'ensuit-il que tous les médecins sont des charlatans, et le corps médical en est-il atteint dans sa considération ? De ce qu'il y a des gens qui vendent de la teinture pour du vin, s'ensuit-il que tous les marchands de vin sont des frelateurs et qu'il n'y a point de vin pur ? On abuse de tout, même des choses les plus respectables, et l'on peut dire que la fraude a aussi son génie. Mais la fraude a toujours un but, un intérêt matériel quelconque ; là où il n'y a rien à gagner il n'y a nul intérêt à tromper. Aussi avons-nous dit, dans notre numéro précédent, à propos des médiums mercenaires, que la meilleure de toutes les garanties est un désintéressement absolu.
Cette garantie, dira-t-on, n'en est pas une, car en fait de prestidigitation il y a des amateurs fort habiles qui n'ont en vue que d'amuser une société et n'en font point un métier ; ne peut-il en être de même des médiums ? Sans doute, on peut s'amuser un instant à amuser les autres, mais pour y passer des heures entières, et cela pendant des semaines, des mois et des années, il faudrait vraiment être possédé du démon de la mystification, et le premier mystifié serait le mystificateur. Nous ne répéterons point ici tout ce qui a été dit sur la bonne foi possible des médiums et des assistants qui peuvent être le jouet d'une illusion ou d'une fascination. Nous y avons répondu vingt fois ainsi qu'à toutes les autres objections pour lesquelles nous renvoyons notamment à notre Instruction pratique sur les manifestations et à nos précédents articles de la Revue. Notre but n'est pas ici de convaincre les incrédules ; s'ils ne le sont pas par les faits, ils ne le seront pas davantage par des raisonnements : ce serait donc perdre notre temps. Nous nous adressons au contraire aux adeptes pour les prémunir contre les subterfuges dont ils pourraient être dupes de la part de gens intéressés, par un motif quelconque, à simuler certains phénomènes ; nous disons certains phénomènes, parce qu'il en est qui défient évidemment toute l'habileté de la prestidigitation, tels sont notamment le mouvement des objets sans contact, la suspension des corps graves dans l'espace, les coups frappés de différents côtés, les apparitions, etc., et encore, pour quelques uns de ces phénomènes, pourrait-on, jusqu'à un certain point, les simuler, tant l'art de l'imitation a progressé. Ce qu'il faut faire en pareil cas, c'est observer attentivement les circonstances, et surtout tenir compte du caractère et de la position des personnes, du but et de l'intérêt quelles pourraient avoir à tromper : c'est là le meilleur de tous les contrôles, car il est telles circonstances qui enlèvent tout motif à la suspicion. Nous posons donc en principe qu'il faut se défier de quiconque ferait de ces phénomènes un spectacle ou un objet de curiosité et d'amusement, qui en tirerait un profit quelque minime qu'il soit, et se vanterait de les produire à volonté et à point nommé. Nous ne saurions trop le répéter, les intelligences occultes qui se manifestent à nous ont leurs susceptibilités, et veulent nous prouver qu'elles ont aussi leur libre arbitre, et ne se soumettent pas à nos caprices.
De tous les phénomènes physiques, un des plus ordinaires est celui des coups intimes frappés dans la substance même du bois, avec ou sans mouvement de la table ou autre objet dont on se sert. Or, cet effet est un des plus faciles à imiter, et comme c'est aussi un de ceux qui se produisent le plus fréquemment, nous croyons utile de dévoiler la petite ruse avec laquelle on peut donner le change. Il suffit pour cela de poser ses deux mains à plat sur la table et assez rapprochées pour que les ongles des pouces appuient fortement l'un contre l'autre ; alors par un mouvement musculaire tout à fait imperceptible, on leur fait éprouver un frottement qui donne un petit bruit sec, ayant une grande analogie avec ceux de la typtologie intime. Ce bruit se répercute dans le bois et produit une illusion complète. Rien n'est plus facile que de faire entendre autant de coups qu'on en demande, une batterie de tambour, etc. ; de répondre à certaines questions par oui ou par non, par des nombres, ou même par l'indication des lettres de l'alphabet.
Une fois prévenu, le moyen de reconnaître la fraude est bien simple. Elle n'est plus possible si les mains sont écartées l'une de l'autre, et si l'on est assuré qu'aucun autre contact ne peut produire le bruit. Les coups réels offrent d'ailleurs cela de caractéristique, qu'ils changent de place et de timbre à volonté, ce qui ne peut avoir lieu quand il est dû à la cause que nous signalons ou à toute autre analogue ; qu'il sort de la table pour se porter sur un meuble quelconque que personne ne touche, qu'il répond enfin à des questions non prévues.
Nous appelons donc l'attention des gens de bonne foi sur ce petit stratagème et sur tous ceux qu'ils pourraient reconnaître, afin de les signaler sans ménagement. La possibilité de la fraude et de l'imitation n'empêche pas la réalité des faits, et le spiritisme ne peut que gagner à démasquer les imposteurs. Si quelqu'un nous dit : J'ai vu tel phénomène, mais il y avait supercherie, nous répondrons que c'est possible ; nous avons vu nous-même de soi-disant somnambules simuler le somnambulisme avec beaucoup d'adresse, ce qui n'empêche pas le somnambulisme d'être un fait ; tout le monde a vu des marchands vendre du coton pour de la soie, ce qui n'empêche pas qu'il y ait de véritables étoffes de soie. Il faut examiner toutes les circonstances et voir si le doute est fondé ; mais en cela, comme en toutes choses, il faut être expert ; or, nous ne saurions reconnaître pour juge d'une question quelconque celui qui n'y connaît rien.
Nous en dirons autant des médiums écrivains. On pense généralement que ceux qui sont mécaniques offrent plus de garantie, non seulement pour l'indépendance des idées, mais aussi contre la supercherie. Eh bien ! c'est une erreur. La fraude se glisse partout, et nous savons qu'avec de l'habileté on peut diriger à volonté même une corbeille ou une planchette qui écrit, et lui donner toutes les apparences des mouvements spontanés. Ce qui lève tous les doutes, ce sont les pensées exprimées, qu'elles viennent d'un médium mécanique, intuitif, auditif, parlant ou voyant. Il y a des communications qui sont tellement en dehors des idées, des connaissances, et même de la portée intellectuelle du médium qu'il faudrait s'abuser étrangement pour lui en faire honneur. Nous reconnaissons au charlatanisme une grande habileté et de fécondes ressources, mais nous ne lui connaissons pas encore le don de donner du savoir à un ignorant, ou de l'esprit à celui qui n'en a pas.
De ce qu'il y a des charlatans qui débitent des drogues sur les places publiques, de ce qu'il y a même des médecins qui, sans aller sur la place publique, trompent la confiance, s'ensuit-il que tous les médecins sont des charlatans, et le corps médical en est-il atteint dans sa considération ? De ce qu'il y a des gens qui vendent de la teinture pour du vin, s'ensuit-il que tous les marchands de vin sont des frelateurs et qu'il n'y a point de vin pur ? On abuse de tout, même des choses les plus respectables, et l'on peut dire que la fraude a aussi son génie. Mais la fraude a toujours un but, un intérêt matériel quelconque ; là où il n'y a rien à gagner il n'y a nul intérêt à tromper. Aussi avons-nous dit, dans notre numéro précédent, à propos des médiums mercenaires, que la meilleure de toutes les garanties est un désintéressement absolu.
Cette garantie, dira-t-on, n'en est pas une, car en fait de prestidigitation il y a des amateurs fort habiles qui n'ont en vue que d'amuser une société et n'en font point un métier ; ne peut-il en être de même des médiums ? Sans doute, on peut s'amuser un instant à amuser les autres, mais pour y passer des heures entières, et cela pendant des semaines, des mois et des années, il faudrait vraiment être possédé du démon de la mystification, et le premier mystifié serait le mystificateur. Nous ne répéterons point ici tout ce qui a été dit sur la bonne foi possible des médiums et des assistants qui peuvent être le jouet d'une illusion ou d'une fascination. Nous y avons répondu vingt fois ainsi qu'à toutes les autres objections pour lesquelles nous renvoyons notamment à notre Instruction pratique sur les manifestations et à nos précédents articles de la Revue. Notre but n'est pas ici de convaincre les incrédules ; s'ils ne le sont pas par les faits, ils ne le seront pas davantage par des raisonnements : ce serait donc perdre notre temps. Nous nous adressons au contraire aux adeptes pour les prémunir contre les subterfuges dont ils pourraient être dupes de la part de gens intéressés, par un motif quelconque, à simuler certains phénomènes ; nous disons certains phénomènes, parce qu'il en est qui défient évidemment toute l'habileté de la prestidigitation, tels sont notamment le mouvement des objets sans contact, la suspension des corps graves dans l'espace, les coups frappés de différents côtés, les apparitions, etc., et encore, pour quelques uns de ces phénomènes, pourrait-on, jusqu'à un certain point, les simuler, tant l'art de l'imitation a progressé. Ce qu'il faut faire en pareil cas, c'est observer attentivement les circonstances, et surtout tenir compte du caractère et de la position des personnes, du but et de l'intérêt quelles pourraient avoir à tromper : c'est là le meilleur de tous les contrôles, car il est telles circonstances qui enlèvent tout motif à la suspicion. Nous posons donc en principe qu'il faut se défier de quiconque ferait de ces phénomènes un spectacle ou un objet de curiosité et d'amusement, qui en tirerait un profit quelque minime qu'il soit, et se vanterait de les produire à volonté et à point nommé. Nous ne saurions trop le répéter, les intelligences occultes qui se manifestent à nous ont leurs susceptibilités, et veulent nous prouver qu'elles ont aussi leur libre arbitre, et ne se soumettent pas à nos caprices.
De tous les phénomènes physiques, un des plus ordinaires est celui des coups intimes frappés dans la substance même du bois, avec ou sans mouvement de la table ou autre objet dont on se sert. Or, cet effet est un des plus faciles à imiter, et comme c'est aussi un de ceux qui se produisent le plus fréquemment, nous croyons utile de dévoiler la petite ruse avec laquelle on peut donner le change. Il suffit pour cela de poser ses deux mains à plat sur la table et assez rapprochées pour que les ongles des pouces appuient fortement l'un contre l'autre ; alors par un mouvement musculaire tout à fait imperceptible, on leur fait éprouver un frottement qui donne un petit bruit sec, ayant une grande analogie avec ceux de la typtologie intime. Ce bruit se répercute dans le bois et produit une illusion complète. Rien n'est plus facile que de faire entendre autant de coups qu'on en demande, une batterie de tambour, etc. ; de répondre à certaines questions par oui ou par non, par des nombres, ou même par l'indication des lettres de l'alphabet.
Une fois prévenu, le moyen de reconnaître la fraude est bien simple. Elle n'est plus possible si les mains sont écartées l'une de l'autre, et si l'on est assuré qu'aucun autre contact ne peut produire le bruit. Les coups réels offrent d'ailleurs cela de caractéristique, qu'ils changent de place et de timbre à volonté, ce qui ne peut avoir lieu quand il est dû à la cause que nous signalons ou à toute autre analogue ; qu'il sort de la table pour se porter sur un meuble quelconque que personne ne touche, qu'il répond enfin à des questions non prévues.
Nous appelons donc l'attention des gens de bonne foi sur ce petit stratagème et sur tous ceux qu'ils pourraient reconnaître, afin de les signaler sans ménagement. La possibilité de la fraude et de l'imitation n'empêche pas la réalité des faits, et le spiritisme ne peut que gagner à démasquer les imposteurs. Si quelqu'un nous dit : J'ai vu tel phénomène, mais il y avait supercherie, nous répondrons que c'est possible ; nous avons vu nous-même de soi-disant somnambules simuler le somnambulisme avec beaucoup d'adresse, ce qui n'empêche pas le somnambulisme d'être un fait ; tout le monde a vu des marchands vendre du coton pour de la soie, ce qui n'empêche pas qu'il y ait de véritables étoffes de soie. Il faut examiner toutes les circonstances et voir si le doute est fondé ; mais en cela, comme en toutes choses, il faut être expert ; or, nous ne saurions reconnaître pour juge d'une question quelconque celui qui n'y connaît rien.
Nous en dirons autant des médiums écrivains. On pense généralement que ceux qui sont mécaniques offrent plus de garantie, non seulement pour l'indépendance des idées, mais aussi contre la supercherie. Eh bien ! c'est une erreur. La fraude se glisse partout, et nous savons qu'avec de l'habileté on peut diriger à volonté même une corbeille ou une planchette qui écrit, et lui donner toutes les apparences des mouvements spontanés. Ce qui lève tous les doutes, ce sont les pensées exprimées, qu'elles viennent d'un médium mécanique, intuitif, auditif, parlant ou voyant. Il y a des communications qui sont tellement en dehors des idées, des connaissances, et même de la portée intellectuelle du médium qu'il faudrait s'abuser étrangement pour lui en faire honneur. Nous reconnaissons au charlatanisme une grande habileté et de fécondes ressources, mais nous ne lui connaissons pas encore le don de donner du savoir à un ignorant, ou de l'esprit à celui qui n'en a pas.
Problème moral - Les Cannibales
Un de nos
abonnés nous adresse la question suivante, avec prière de la faire résoudre par
les Esprits qui nous assistent, si elle ne l'a déjà été.
« Les Esprits errants désirent, après un laps de temps plus ou moins long, et demandent à Dieu leur réincarnation comme moyen d'avancement spirituel. Ils ont le choix des épreuves, et usant en cela de leur libre arbitre, ils choisissent naturellement celles qui leur semblent les plus propres à cet avancement dans le monde où la réincarnation leur est permise. Or, pendant leur existence errante, qu'ils emploient à s'instruire (ce sont eux qui nous le disent), ils doivent apprendre quelles sont les nations qui peuvent le mieux leur faire atteindre le but qu'ils se proposent. Ils voient des peuplades féroces, anthropophages, et ils ont la certitude qu'en s'incarnant chez elles, ils deviendront féroces et mangeurs de chair humaine. Ce n'est assurément pas là qu'ils trouveront leur progrès spirituel ; leurs instincts brutaux n'en auront acquis que plus de consistance par la force de l'habitude. Voilà donc leur but manqué quant au choix des incarnations chez tel ou tel peuple.
« Il en est de même de certaines positions sociales. Parmi celles-ci, il en est certainement qui présentent des obstacles invincibles à l'avancement spirituel. Je ne citerai que les tueurs de bestiaux dans les abattoirs, les bourreaux, etc. On dit que ces gens-là sont nécessaires : les uns, parce que nous ne pouvons nous passer de nourriture animale ; les autres, parce qu'il faut bien exécuter les arrêts de la justice, notre organisation sociale le voulant ainsi. Il n'en est pas moins vrai que l'Esprit en s'incarnant dans le corps d'un enfant destiné à embrasser l'une ou l'autre de ces professions, doit savoir qu'il fait fausse route et qu'il se prive volontairement des moyens qui peuvent le conduire à la perfection. Ne pourrait-il arriver, avec la permission de Dieu, qu'aucun Esprit ne voulût de ces genres d'existence, et dans ce cas, que deviendraient ces professions nécessaires à notre état social ? »
La réponse à cette question découle de tous les enseignements qui nous ont été donnés ; nous pouvons donc la résoudre sans avoir besoin de la soumettre de nouveau aux Esprits.
Il est évident qu'un Esprit déjà élevé, celui d'un Européen éclairé, par exemple, ne peut choisir comme voie de progrès, une existence de sauvage : au lieu d'avancer, ce serait rétrograder. Mais nous savons que nos anthropophages même, ne sont pas au dernier degré de l'échelle, et qu'il y a des mondes où l'abrutissement et la férocité n'ont pas d'analogues sur la Terre. Ces Esprits sont donc encore inférieurs aux plus inférieurs de notre monde, et venir parmi nos sauvages, c'est pour eux un progrès. S'ils ne visent pas plus haut, c'est que leur infériorité morale ne leur permet pas de comprendre un progrès plus complet. L'Esprit ne peut avancer que graduellement ; il doit passer successivement par tous les degrés, de manière que chaque pas en avant soit une base pour asseoir un nouveau progrès. Il ne peut franchir d'un bond la distance qui sépare la barbarie de la civilisation, comme l'écolier ne peut franchir sans transition, de l'ABC à la Rhétorique, et c'est en cela que nous voyons une des nécessités de la réincarnation, qui est bien véritablement selon la justice de Dieu ; autrement que deviendraient ces millions d'êtres qui meurent dans le dernier état de dégradation, s'ils n'avaient les moyens d'atteindre à la supériorité ? Pourquoi Dieu les aurait-il déshérités des faveurs accordées à d'autres hommes ? Nous le répétons, car c'est un point essentiel, en raison de leur intelligence bornée, ils ne comprennent le mieux que dans une étroite limite, et à leur point de vue. Il en est pourtant qui se fourvoient en voulant monter trop haut, et qui nous donnent le triste spectacle de la férocité au milieu de la civilisation ; ceux-là, en retournant parmi les cannibales, gagneront encore.
Ces considérations s'appliquent aussi aux professions dont parle notre correspondant ; elles offrent évidemment une supériorité relative pour certains Esprits, et c'est en ce sens qu'on doit concevoir le choix qu'ils en font. A position égale, elles peuvent même être choisies comme expiation ou comme mission, car il n'en est pas où l'on ne puisse trouver l'occasion de faire du bien et de progresser par la manière même dont elles sont exercées.
Quant à la question de savoir ce qu'il en adviendrait de ces professions dans le cas où aucun Esprit ne voudrait s'en charger, elle est résolue par le fait ; dès lors que les Esprits qui les alimentent partent de plus bas, il n'est pas à craindre de les voir chômer. Lorsque le progrès social permettra de supprimer l'office de bourreau, c'est la place qui fera défaut, et non les candidats qui iront se présenter chez d'autres peuples ou dans d'autres mondes moins avancés.
« Les Esprits errants désirent, après un laps de temps plus ou moins long, et demandent à Dieu leur réincarnation comme moyen d'avancement spirituel. Ils ont le choix des épreuves, et usant en cela de leur libre arbitre, ils choisissent naturellement celles qui leur semblent les plus propres à cet avancement dans le monde où la réincarnation leur est permise. Or, pendant leur existence errante, qu'ils emploient à s'instruire (ce sont eux qui nous le disent), ils doivent apprendre quelles sont les nations qui peuvent le mieux leur faire atteindre le but qu'ils se proposent. Ils voient des peuplades féroces, anthropophages, et ils ont la certitude qu'en s'incarnant chez elles, ils deviendront féroces et mangeurs de chair humaine. Ce n'est assurément pas là qu'ils trouveront leur progrès spirituel ; leurs instincts brutaux n'en auront acquis que plus de consistance par la force de l'habitude. Voilà donc leur but manqué quant au choix des incarnations chez tel ou tel peuple.
« Il en est de même de certaines positions sociales. Parmi celles-ci, il en est certainement qui présentent des obstacles invincibles à l'avancement spirituel. Je ne citerai que les tueurs de bestiaux dans les abattoirs, les bourreaux, etc. On dit que ces gens-là sont nécessaires : les uns, parce que nous ne pouvons nous passer de nourriture animale ; les autres, parce qu'il faut bien exécuter les arrêts de la justice, notre organisation sociale le voulant ainsi. Il n'en est pas moins vrai que l'Esprit en s'incarnant dans le corps d'un enfant destiné à embrasser l'une ou l'autre de ces professions, doit savoir qu'il fait fausse route et qu'il se prive volontairement des moyens qui peuvent le conduire à la perfection. Ne pourrait-il arriver, avec la permission de Dieu, qu'aucun Esprit ne voulût de ces genres d'existence, et dans ce cas, que deviendraient ces professions nécessaires à notre état social ? »
La réponse à cette question découle de tous les enseignements qui nous ont été donnés ; nous pouvons donc la résoudre sans avoir besoin de la soumettre de nouveau aux Esprits.
Il est évident qu'un Esprit déjà élevé, celui d'un Européen éclairé, par exemple, ne peut choisir comme voie de progrès, une existence de sauvage : au lieu d'avancer, ce serait rétrograder. Mais nous savons que nos anthropophages même, ne sont pas au dernier degré de l'échelle, et qu'il y a des mondes où l'abrutissement et la férocité n'ont pas d'analogues sur la Terre. Ces Esprits sont donc encore inférieurs aux plus inférieurs de notre monde, et venir parmi nos sauvages, c'est pour eux un progrès. S'ils ne visent pas plus haut, c'est que leur infériorité morale ne leur permet pas de comprendre un progrès plus complet. L'Esprit ne peut avancer que graduellement ; il doit passer successivement par tous les degrés, de manière que chaque pas en avant soit une base pour asseoir un nouveau progrès. Il ne peut franchir d'un bond la distance qui sépare la barbarie de la civilisation, comme l'écolier ne peut franchir sans transition, de l'ABC à la Rhétorique, et c'est en cela que nous voyons une des nécessités de la réincarnation, qui est bien véritablement selon la justice de Dieu ; autrement que deviendraient ces millions d'êtres qui meurent dans le dernier état de dégradation, s'ils n'avaient les moyens d'atteindre à la supériorité ? Pourquoi Dieu les aurait-il déshérités des faveurs accordées à d'autres hommes ? Nous le répétons, car c'est un point essentiel, en raison de leur intelligence bornée, ils ne comprennent le mieux que dans une étroite limite, et à leur point de vue. Il en est pourtant qui se fourvoient en voulant monter trop haut, et qui nous donnent le triste spectacle de la férocité au milieu de la civilisation ; ceux-là, en retournant parmi les cannibales, gagneront encore.
Ces considérations s'appliquent aussi aux professions dont parle notre correspondant ; elles offrent évidemment une supériorité relative pour certains Esprits, et c'est en ce sens qu'on doit concevoir le choix qu'ils en font. A position égale, elles peuvent même être choisies comme expiation ou comme mission, car il n'en est pas où l'on ne puisse trouver l'occasion de faire du bien et de progresser par la manière même dont elles sont exercées.
Quant à la question de savoir ce qu'il en adviendrait de ces professions dans le cas où aucun Esprit ne voudrait s'en charger, elle est résolue par le fait ; dès lors que les Esprits qui les alimentent partent de plus bas, il n'est pas à craindre de les voir chômer. Lorsque le progrès social permettra de supprimer l'office de bourreau, c'est la place qui fera défaut, et non les candidats qui iront se présenter chez d'autres peuples ou dans d'autres mondes moins avancés.
L'Industrie
Communication spontanée de M. Croz, médium écrivain, lue à la Société le 21 janvier 1859.
Les entreprises que chaque jour voit éclore sont des actes providentiels et le développement des germes déposés par les siècles. L'humanité et la planète qu'elle habite ont une même existence dont les phases s'enchaînent et se répondent.
Aussitôt que les grandes convulsions de la nature se calment, la fièvre qui poussait aux guerres d'extermination s'apaise, la philosophie se fait jour, l'esclavage disparaît, et les sciences et les arts fleurissent.
La perfection divine peut se résumer par le beau et l'utile, et si Dieu a fait l'homme à son image, c'est parce qu'il a voulu qu'il vécût de son intelligence, comme lui-même vit au sein des splendeurs de la création.
Les entreprises que Dieu bénit, quelles que soient leurs proportions, sont donc celles qui répondent à ses desseins en apportant leur concours à l'oeuvre collective dont la loi est écrite dans l'univers : le beau et l'utile ; l'art, fils du loisir et de l'inspiration, c'est le beau ; l'industrie, fille de la science et du travail, c'est l'utile.
Remarque. - Cette communication est à peu près le début d'un médium qui vient de se former avec une rapidité étonnante ; on conviendra que pour un coup d'essai, cela promet. Dès la première séance il a écrit d'un seul trait quatre pages qui ne le cèdent pas à ce qu'on vient de lire pour la profondeur des pensées, et qui dénotent en lui une aptitude remarquable à servir d'intermédiaire à tous les Esprits pour les communications particulières. Nous avons du reste besoin de l'étudier davantage sous ce rapport, car cette flexibilité n'est pas donnée à tous ; nous en connaissons qui ne peuvent servir d'interprètes qu'à certains Esprits, et pour un certain ordre d'idées.
Depuis que cette note a été écrite, nous avons été à même de constater les progrès de ce médium, dont la faculté offre des caractères spéciaux et dignes de toute l'attention de l'observateur.
Entretiens familiers d'outre-tombe
Benvenuto Cellini(Séance de la Société parisienne des études spirites du 11 mars 1859.)
1. Evocation. - R. Interrogez-moi, je suis prêt ; soyez aussi longs que vous voudrez : j'ai du temps à vous donner.
2. Vous rappelez-vous l'existence que vous avez eue sur la Terre dans le XVI° siècle, de 1500 à 1570 ? - R. Oui, oui.
3. Quelle est actuellement votre situation comme Esprit ? - R. J'ai vécu dans plusieurs autres mondes, et je suis assez content du rang que j'occupe aujourd'hui ; ce n'est pas un trône, mais je suis sur les marches.
4. Avez-vous eu d'autres existences corporelles sur la Terre depuis celle que nous vous connaissons ? - R. Corporelles, oui ; sur la Terre, non.
5. Combien de temps êtes-vous resté errant ? - R. Je ne puis chiffrer : quelques années.
6. Quelles étaient vos occupations à l'état errant ? - R. Je me travaillais.
7. Revenez-vous quelquefois sur la Terre ? - Peu.
8. Avez-vous assisté au drame où vous êtes représenté, et qu'en pensez-vous ? - R. J'y suis allé plusieurs fois ; j'en ai été flatté en tant que Cellini, mais peu comme Esprit qui avait progressé.
9. Avant l'existence que nous vous connaissons, en aviez-vous eu d'autres sur la Terre ? - R. Non, aucune.
10. Pourriez-vous nous dire ce que vous étiez dans votre précédente existence ? - R. Mes occupations étaient tout autres que celles que j'eus sur votre terre.
11. Quel monde habitez-vous ? - R. Il n'est pas connu de vous, et vous ne le voyez point.
12. Pourriez-vous nous en donner une description au physique et au moral ? - R. Oui, facilement.
Au physique, mes chers amis, j'y ai trouvé mon contentement en beauté plastique : là, rien ne choque les yeux ; toutes les lignes s'harmonisent parfaitement ; la mimique y est à l'état constant ; les parfums nous entourent, et nous ne saurions que souhaiter pour notre bien-être physique, car les nécessités peu nombreuses auxquelles nous sommes soumis sont aussitôt satisfaites.
Pour le moral, la perfection est moins grande, car là encore on peut voir des consciences troublées et des Esprits portés au mal ; ce n'est pas la perfection, tant s'en faut, mais, comme je vous l'ai dit, c'en est le chemin, et tous nous espérons y arriver un jour.
13. Quelles sont vos occupations dans le monde que vous habitez ? - R. Nous travaillons les arts. Je suis artiste.
14. Dans vos mémoires, vous relatez une scène de sorcellerie et de diablerie qui se serait passée au Colisée, à Rome, et à laquelle vous auriez pris part ; vous la rappelez-vous ? - Peu clairement.
15. Si nous en faisions la lecture, cela rappellerait-il vos souvenirs ? - R. Oui, cela m'en donnerait connaissance.
(Lecture est donnée du fragment ci-après de ses mémoires.)
« Au milieu de cette vie étrange, je me liai avec un prêtre Sicilien, d'un esprit très distingué, et qui était profondément versé dans les lettres grecques et latines. Un jour que je causais avec lui, la conversation tomba sur la nécromancie, et je lui dis que toute ma vie j'avais ardemment désiré voir et apprendre quelque chose de cet art. Pour aborder une semblable entreprise, il faut une âme ferme et intrépide, me répondit le prêtre...
« Un soir donc, le prêtre fit ses préparatifs et me dit de chercher un compagnon ou deux. Il s'adjoignit un homme de Pistoia, qui s'occupait lui-même de nécromancie. Nous nous rendîmes au Colysée. Là, le prêtre se vêtit à la manière des nécromants, puis se mit à dessiner sur le sol des cercles, avec les plus belles cérémonies que l'on puisse imaginer. Il avait apporté des parfums précieux, des drogues fétides et du feu. Lorsque tout fut en ordre, il pratiqua une porte au cercle et nous y introduisit en nous prenant l'un après l'autre par la main. Il distribua ensuite les rôles. Il remit le talisman entre les mains de son ami le nécromant, chargea les autres de veiller au feu et aux parfums, et enfin commença ses conjurations. Cette cérémonie dura plus d'une heure et demie. Le colysée se remplit de légions d'esprits infernaux. Lorsque le prêtre vit qu'ils étaient assez nombreux, il se tourna vers moi, qui avais soin des parfums, et il me dit : Benvenuto, demande-leur quelque chose. Je répondis que je désirais qu'ils me réunissent à ma Sicilienne Angélica. Cette nuit-là nous n'eûmes point de réponse ; je fus néanmoins enchanté de ce que j'avais vu. Le nécromant me dit qu'il fallait y retourner une seconde fois, que j'obtiendrais tout ce que je demanderais pourvu que j'amenasse un jeune garçon qui eût encore sa virginité. Je choisis un de mes apprentis et je pris encore avec moi deux de mes amis...
« Il me mit en main le talisman, en me disant de le tourner vers les endroits qu'il me désignerait. Mon apprenti était placé sous le talisman. Le nécromant commença ses terribles évocations, appela par leur nom une multitude de chefs de légions infernales, et leur exprima des ordres en hébreu, en grec et en latin, au nom du Dieu incréé, vivant et éternel. Bientôt le Colysée fut rempli d'un nombre de démons cent fois plus considérable que la première fois. Par le conseil du nécromant, je demandai de nouveau à me trouver avec Angélica. Il se retourna vers moi et me dit : Ne les as-tu pas entendus t'annoncer que dans un mois tu serais avec elle ? Et il me pria de tenir ferme, parce qu'il y avait mille légions de plus qu'il n'en avait appelé. Il ajouta qu'elles étaient les plus dangereuses, et que, puisqu'elles avaient répondu à mes questions, il fallait les traiter avec douceur et les renvoyer tranquillement. D'un autre côté, l'enfant s'écriait avec épouvante qu'il apercevait un million d'hommes terribles qui nous menaçaient, et quatre énormes géants, armés de pied en cap, qui semblaient vouloir entrer dans notre cercle. Pendant ce temps, le nécromant, tremblant de peur, essayait de les conjurer, en prenant la voix la plus douce. L'enfant s'était fourré la tête entre ses genoux et criait : Je veux mourir ainsi ! Nous sommes morts ! Je lui dis alors : « Ces créatures sont toutes au-dessous de nous, et ce que tu vois n'est que de la fumée et de l'ombre ; ainsi, lève les yeux. » A peine m'eut-il obéi qu'il reprit : Tout le Colysée brûle et le feu vient sur nous. Le nécromant ordonna de brûler de l'assa-foetida. Agnolo, chargé des parfums, était à demi-mort de peur.
« A ce bruit et à cette affreuse puanteur, l'enfant se hasarda à lever la tête. En m'entendant rire, il se rassura un peu, et dit que les démons commençaient à opérer leur retraite. Nous restâmes ainsi jusqu'au moment où matines sonnèrent. L'enfant nous dit qu'il n'apercevait plus que quelques démons, et à une grande distance. Enfin, dès que le nécromant eut accompli le reste de ses cérémonies et quitté son costume, nous sortîmes tous du cercle. Pendant que nous cheminions vers la rue des Banchi pour regagner nos demeures, il assurait que deux des démons gambadaient devant nous, et couraient tantôt sur les toits, tantôt sur le sol.
« Le nécromant jurait que depuis qu'il avait mis le pied dans un cercle magique il ne lui était jamais arrivé rien d'aussi extraordinaire. Il essaya ensuite de me déterminer à me joindre à lui pour consacrer un livre qui devait nous procurer des richesses incalculables, et nous fournir les moyens de forcer les démons à nous indiquer les endroits où sont cachés les trésors que la terre recèle dans son sein...
« Après différents récits qui ont plus ou moins de rapport avec ce qui précède, Benvenuto raconte comment au bout de trente jours, c'est-à-dire dans le délai fixé par les démons, il retrouva son Angélica. »
16. Pourriez-vous nous dire ce qu'il y a de vrai dans cette scène ? - R. Le nécromant était un charlatan, j'étais un romancier et Angelica était ma maîtresse.
17. Avez-vous revu François I°, votre protecteur ? - R. Certainement ; il en a revu bien d'autres qu'il n'avait pas protégés.
18. Comment le jugiez-vous de votre vivant, et comment le jugez-vous maintenant ? - R. Je vous dirai comment je le jugeais : comme un prince, et en cette qualité, aveuglé par son éducation et son entourage.
19. Et maintenant, qu'en dites-vous ? - R. Il a progressé.
20. Etait-ce par amour sincère de l'art qu'il protégeait les artistes ? - R. Oui, et par plaisir et par vanité.
21. Où est-il maintenant ? - R. Il vit.
22. Est-ce sur la Terre ? - R. Non.
23. Si nous l'évoquions en ce moment, pourrait-il venir et causer avec vous ? - R. Oui, mais ne pressez pas ainsi les Esprits ; que vos évocations soient préparées de longue main, et alors vous aurez peu de chose à demander à l'Esprit. Vous risquerez ainsi beaucoup moins d'être trompés, car on l'est quelquefois. (Saint Louis).
24. (A saint Louis) : Pourriez-vous faire venir deux Esprits qui se parleraient ? - R. Oui.
24. Dans ce cas, serait-il utile d'avoir deux médiums ? - R. Oui, nécessaire.
Nota. Ce dialogue a eu lieu dans une autre séance ; nous le rapporterons dans notre prochain numéro.
25. (A Cellini) : D'où vous venait le sentiment de l'art qui était en vous ; tenait-il à un développement spécial antérieur ? - R. Oui ; j'avais été longtemps attaché à la poésie et à la beauté du langage. Sur la Terre, je m'attachai à la beauté comme reproduction, aujourd'hui je m'occupe de la beauté comme invention.
26. Vous aviez aussi des talents militaires, puisque le pape Clément VII vous confia la défense du château Saint-Ange. Cependant, vos talents d'artiste ne devaient pas vous donner beaucoup d'aptitude pour la guerre ? - R. J'avais du talent et je savais l'appliquer. En tout, il faut du jugement, surtout pour l'art militaire d'alors.
27. Pourriez-vous dicter quelques conseils aux artistes qui cherchent à marcher sur vos traces ? - R. Oui ; je leur dirai simplement de s'attacher plus qu'ils ne le font, et que je ne l'ai fait moi-même, à la pureté et à la vraie beauté ; ils me comprendront.
28. La beauté n'est-elle pas relative et de convention ? L'Européen se croit plus beau que le nègre, et le nègre plus beau que le blanc. S'il y a une beauté absolue, quel en est le type ? Veuillez nous donner votre opinion à ce sujet. - R. Volontiers. Je n'ai pas entendu faire allusion à une beauté de convention : bien au contraire ; le beau est partout, c'est le reflet de l'Esprit sur le corps, et non la forme corporelle seule. Comme vous le dites, un nègre peut être beau, d'une beauté qui sera appréciée seulement par ses pareils, il est vrai. De même, notre beauté terrestre est difformité pour le Ciel, comme pour vous, Blancs, le beau nègre vous parait presque difforme. La beauté, pour l'artiste, c'est la vie, le sentiment qu'il sait donner à son oeuvre ; avec cela il donnera de la beauté aux choses les plus vulgaires.
29. Pourriez-vous guider un médium dans l'exécution d'un modelage, comme Bernard de Palissy en a guidé pour des dessins ? - R. Oui.
30. Pourriez-vous faire faire quelque chose au médium qui vous sert actuellement d'interprète ? - R. Comme d'autres, mais je préférerais un artiste qui connût les trucs.
Remarque. L'expérience prouve que l'aptitude d'un médium pour tel ou tel genre de production tient à la flexibilité qu'il présente à l'Esprit, et cela abstraction faite du talent. La connaissance du métier et des moyens matériels d'exécution n'est pas le talent, mais on conçoit que l'Esprit qui dirige le médium y trouve une difficulté mécanique de moins à vaincre. On voit pourtant des médiums faire des choses admirables dont ils n'ont pas les premières notions, telles que de la poésie, des dessins, des gravures, de la musique, etc. ; mais c'est qu'alors il y a en eux une aptitude innée, tenant sans doute à un développement antérieur dont ils n'ont conservé que l'intuition.
31. Pourriez-vous diriger Mme G. S., ici présente, qui elle-même est artiste, mais n'a jamais réussi à produire quelque chose comme médium ? - R. J'essaierai, si elle veut bien.
32. (Mme G. S.) Quand veux-tu commencer ? - R. Quand tu voudras, dès demain.
33. Mais comment saurai-je que l'inspiration vient de toi ? - R. La conviction vient avec les preuves ; laissez-la venir lentement.
34. Pourquoi n'ai-je pas réussi jusqu'à présent ? - R. Peu de persistance et de bonne volonté chez l'Esprit prié.
35. Je te remercie de l'assistance que tu me promets. - R. Adieu ; au revoir à ma compagne de travail.
Nota. Mme G. S. a dû se mettre à l'oeuvre, mais nous ne savons encore ce qu'elle a obtenu.
1. Evocation. - R. Interrogez-moi, je suis prêt ; soyez aussi longs que vous voudrez : j'ai du temps à vous donner.
2. Vous rappelez-vous l'existence que vous avez eue sur la Terre dans le XVI° siècle, de 1500 à 1570 ? - R. Oui, oui.
3. Quelle est actuellement votre situation comme Esprit ? - R. J'ai vécu dans plusieurs autres mondes, et je suis assez content du rang que j'occupe aujourd'hui ; ce n'est pas un trône, mais je suis sur les marches.
4. Avez-vous eu d'autres existences corporelles sur la Terre depuis celle que nous vous connaissons ? - R. Corporelles, oui ; sur la Terre, non.
5. Combien de temps êtes-vous resté errant ? - R. Je ne puis chiffrer : quelques années.
6. Quelles étaient vos occupations à l'état errant ? - R. Je me travaillais.
7. Revenez-vous quelquefois sur la Terre ? - Peu.
8. Avez-vous assisté au drame où vous êtes représenté, et qu'en pensez-vous ? - R. J'y suis allé plusieurs fois ; j'en ai été flatté en tant que Cellini, mais peu comme Esprit qui avait progressé.
9. Avant l'existence que nous vous connaissons, en aviez-vous eu d'autres sur la Terre ? - R. Non, aucune.
10. Pourriez-vous nous dire ce que vous étiez dans votre précédente existence ? - R. Mes occupations étaient tout autres que celles que j'eus sur votre terre.
11. Quel monde habitez-vous ? - R. Il n'est pas connu de vous, et vous ne le voyez point.
12. Pourriez-vous nous en donner une description au physique et au moral ? - R. Oui, facilement.
Au physique, mes chers amis, j'y ai trouvé mon contentement en beauté plastique : là, rien ne choque les yeux ; toutes les lignes s'harmonisent parfaitement ; la mimique y est à l'état constant ; les parfums nous entourent, et nous ne saurions que souhaiter pour notre bien-être physique, car les nécessités peu nombreuses auxquelles nous sommes soumis sont aussitôt satisfaites.
Pour le moral, la perfection est moins grande, car là encore on peut voir des consciences troublées et des Esprits portés au mal ; ce n'est pas la perfection, tant s'en faut, mais, comme je vous l'ai dit, c'en est le chemin, et tous nous espérons y arriver un jour.
13. Quelles sont vos occupations dans le monde que vous habitez ? - R. Nous travaillons les arts. Je suis artiste.
14. Dans vos mémoires, vous relatez une scène de sorcellerie et de diablerie qui se serait passée au Colisée, à Rome, et à laquelle vous auriez pris part ; vous la rappelez-vous ? - Peu clairement.
15. Si nous en faisions la lecture, cela rappellerait-il vos souvenirs ? - R. Oui, cela m'en donnerait connaissance.
(Lecture est donnée du fragment ci-après de ses mémoires.)
« Au milieu de cette vie étrange, je me liai avec un prêtre Sicilien, d'un esprit très distingué, et qui était profondément versé dans les lettres grecques et latines. Un jour que je causais avec lui, la conversation tomba sur la nécromancie, et je lui dis que toute ma vie j'avais ardemment désiré voir et apprendre quelque chose de cet art. Pour aborder une semblable entreprise, il faut une âme ferme et intrépide, me répondit le prêtre...
« Un soir donc, le prêtre fit ses préparatifs et me dit de chercher un compagnon ou deux. Il s'adjoignit un homme de Pistoia, qui s'occupait lui-même de nécromancie. Nous nous rendîmes au Colysée. Là, le prêtre se vêtit à la manière des nécromants, puis se mit à dessiner sur le sol des cercles, avec les plus belles cérémonies que l'on puisse imaginer. Il avait apporté des parfums précieux, des drogues fétides et du feu. Lorsque tout fut en ordre, il pratiqua une porte au cercle et nous y introduisit en nous prenant l'un après l'autre par la main. Il distribua ensuite les rôles. Il remit le talisman entre les mains de son ami le nécromant, chargea les autres de veiller au feu et aux parfums, et enfin commença ses conjurations. Cette cérémonie dura plus d'une heure et demie. Le colysée se remplit de légions d'esprits infernaux. Lorsque le prêtre vit qu'ils étaient assez nombreux, il se tourna vers moi, qui avais soin des parfums, et il me dit : Benvenuto, demande-leur quelque chose. Je répondis que je désirais qu'ils me réunissent à ma Sicilienne Angélica. Cette nuit-là nous n'eûmes point de réponse ; je fus néanmoins enchanté de ce que j'avais vu. Le nécromant me dit qu'il fallait y retourner une seconde fois, que j'obtiendrais tout ce que je demanderais pourvu que j'amenasse un jeune garçon qui eût encore sa virginité. Je choisis un de mes apprentis et je pris encore avec moi deux de mes amis...
« Il me mit en main le talisman, en me disant de le tourner vers les endroits qu'il me désignerait. Mon apprenti était placé sous le talisman. Le nécromant commença ses terribles évocations, appela par leur nom une multitude de chefs de légions infernales, et leur exprima des ordres en hébreu, en grec et en latin, au nom du Dieu incréé, vivant et éternel. Bientôt le Colysée fut rempli d'un nombre de démons cent fois plus considérable que la première fois. Par le conseil du nécromant, je demandai de nouveau à me trouver avec Angélica. Il se retourna vers moi et me dit : Ne les as-tu pas entendus t'annoncer que dans un mois tu serais avec elle ? Et il me pria de tenir ferme, parce qu'il y avait mille légions de plus qu'il n'en avait appelé. Il ajouta qu'elles étaient les plus dangereuses, et que, puisqu'elles avaient répondu à mes questions, il fallait les traiter avec douceur et les renvoyer tranquillement. D'un autre côté, l'enfant s'écriait avec épouvante qu'il apercevait un million d'hommes terribles qui nous menaçaient, et quatre énormes géants, armés de pied en cap, qui semblaient vouloir entrer dans notre cercle. Pendant ce temps, le nécromant, tremblant de peur, essayait de les conjurer, en prenant la voix la plus douce. L'enfant s'était fourré la tête entre ses genoux et criait : Je veux mourir ainsi ! Nous sommes morts ! Je lui dis alors : « Ces créatures sont toutes au-dessous de nous, et ce que tu vois n'est que de la fumée et de l'ombre ; ainsi, lève les yeux. » A peine m'eut-il obéi qu'il reprit : Tout le Colysée brûle et le feu vient sur nous. Le nécromant ordonna de brûler de l'assa-foetida. Agnolo, chargé des parfums, était à demi-mort de peur.
« A ce bruit et à cette affreuse puanteur, l'enfant se hasarda à lever la tête. En m'entendant rire, il se rassura un peu, et dit que les démons commençaient à opérer leur retraite. Nous restâmes ainsi jusqu'au moment où matines sonnèrent. L'enfant nous dit qu'il n'apercevait plus que quelques démons, et à une grande distance. Enfin, dès que le nécromant eut accompli le reste de ses cérémonies et quitté son costume, nous sortîmes tous du cercle. Pendant que nous cheminions vers la rue des Banchi pour regagner nos demeures, il assurait que deux des démons gambadaient devant nous, et couraient tantôt sur les toits, tantôt sur le sol.
« Le nécromant jurait que depuis qu'il avait mis le pied dans un cercle magique il ne lui était jamais arrivé rien d'aussi extraordinaire. Il essaya ensuite de me déterminer à me joindre à lui pour consacrer un livre qui devait nous procurer des richesses incalculables, et nous fournir les moyens de forcer les démons à nous indiquer les endroits où sont cachés les trésors que la terre recèle dans son sein...
« Après différents récits qui ont plus ou moins de rapport avec ce qui précède, Benvenuto raconte comment au bout de trente jours, c'est-à-dire dans le délai fixé par les démons, il retrouva son Angélica. »
16. Pourriez-vous nous dire ce qu'il y a de vrai dans cette scène ? - R. Le nécromant était un charlatan, j'étais un romancier et Angelica était ma maîtresse.
17. Avez-vous revu François I°, votre protecteur ? - R. Certainement ; il en a revu bien d'autres qu'il n'avait pas protégés.
18. Comment le jugiez-vous de votre vivant, et comment le jugez-vous maintenant ? - R. Je vous dirai comment je le jugeais : comme un prince, et en cette qualité, aveuglé par son éducation et son entourage.
19. Et maintenant, qu'en dites-vous ? - R. Il a progressé.
20. Etait-ce par amour sincère de l'art qu'il protégeait les artistes ? - R. Oui, et par plaisir et par vanité.
21. Où est-il maintenant ? - R. Il vit.
22. Est-ce sur la Terre ? - R. Non.
23. Si nous l'évoquions en ce moment, pourrait-il venir et causer avec vous ? - R. Oui, mais ne pressez pas ainsi les Esprits ; que vos évocations soient préparées de longue main, et alors vous aurez peu de chose à demander à l'Esprit. Vous risquerez ainsi beaucoup moins d'être trompés, car on l'est quelquefois. (Saint Louis).
24. (A saint Louis) : Pourriez-vous faire venir deux Esprits qui se parleraient ? - R. Oui.
24. Dans ce cas, serait-il utile d'avoir deux médiums ? - R. Oui, nécessaire.
Nota. Ce dialogue a eu lieu dans une autre séance ; nous le rapporterons dans notre prochain numéro.
25. (A Cellini) : D'où vous venait le sentiment de l'art qui était en vous ; tenait-il à un développement spécial antérieur ? - R. Oui ; j'avais été longtemps attaché à la poésie et à la beauté du langage. Sur la Terre, je m'attachai à la beauté comme reproduction, aujourd'hui je m'occupe de la beauté comme invention.
26. Vous aviez aussi des talents militaires, puisque le pape Clément VII vous confia la défense du château Saint-Ange. Cependant, vos talents d'artiste ne devaient pas vous donner beaucoup d'aptitude pour la guerre ? - R. J'avais du talent et je savais l'appliquer. En tout, il faut du jugement, surtout pour l'art militaire d'alors.
27. Pourriez-vous dicter quelques conseils aux artistes qui cherchent à marcher sur vos traces ? - R. Oui ; je leur dirai simplement de s'attacher plus qu'ils ne le font, et que je ne l'ai fait moi-même, à la pureté et à la vraie beauté ; ils me comprendront.
28. La beauté n'est-elle pas relative et de convention ? L'Européen se croit plus beau que le nègre, et le nègre plus beau que le blanc. S'il y a une beauté absolue, quel en est le type ? Veuillez nous donner votre opinion à ce sujet. - R. Volontiers. Je n'ai pas entendu faire allusion à une beauté de convention : bien au contraire ; le beau est partout, c'est le reflet de l'Esprit sur le corps, et non la forme corporelle seule. Comme vous le dites, un nègre peut être beau, d'une beauté qui sera appréciée seulement par ses pareils, il est vrai. De même, notre beauté terrestre est difformité pour le Ciel, comme pour vous, Blancs, le beau nègre vous parait presque difforme. La beauté, pour l'artiste, c'est la vie, le sentiment qu'il sait donner à son oeuvre ; avec cela il donnera de la beauté aux choses les plus vulgaires.
29. Pourriez-vous guider un médium dans l'exécution d'un modelage, comme Bernard de Palissy en a guidé pour des dessins ? - R. Oui.
30. Pourriez-vous faire faire quelque chose au médium qui vous sert actuellement d'interprète ? - R. Comme d'autres, mais je préférerais un artiste qui connût les trucs.
Remarque. L'expérience prouve que l'aptitude d'un médium pour tel ou tel genre de production tient à la flexibilité qu'il présente à l'Esprit, et cela abstraction faite du talent. La connaissance du métier et des moyens matériels d'exécution n'est pas le talent, mais on conçoit que l'Esprit qui dirige le médium y trouve une difficulté mécanique de moins à vaincre. On voit pourtant des médiums faire des choses admirables dont ils n'ont pas les premières notions, telles que de la poésie, des dessins, des gravures, de la musique, etc. ; mais c'est qu'alors il y a en eux une aptitude innée, tenant sans doute à un développement antérieur dont ils n'ont conservé que l'intuition.
31. Pourriez-vous diriger Mme G. S., ici présente, qui elle-même est artiste, mais n'a jamais réussi à produire quelque chose comme médium ? - R. J'essaierai, si elle veut bien.
32. (Mme G. S.) Quand veux-tu commencer ? - R. Quand tu voudras, dès demain.
33. Mais comment saurai-je que l'inspiration vient de toi ? - R. La conviction vient avec les preuves ; laissez-la venir lentement.
34. Pourquoi n'ai-je pas réussi jusqu'à présent ? - R. Peu de persistance et de bonne volonté chez l'Esprit prié.
35. Je te remercie de l'assistance que tu me promets. - R. Adieu ; au revoir à ma compagne de travail.
Nota. Mme G. S. a dû se mettre à l'oeuvre, mais nous ne savons encore ce qu'elle a obtenu.
Girard de Codemberg
Ancien élève de l'Ecole polytechnique, membre de plusieurs sociétés savantes, auteur d'un livre intitulé : Le Monde spirituel, ou science chrétienne de communiquer intimement avec les puissances célestes et les âmes heureuses. Mort en novembre 1858 ; évoqué dans la Société le 14 janvier suivant.
1. Evocation. - R. Je suis là ; que me voulez-vous ?
2. Venez-vous volontiers à notre appel ? - R. Oui.
3. Voulez-vous nous dire ce que vous pensez actuellement du livre que vous avez publié ? - R. J'ai commis quelques erreurs, mais il y a du bon, et je suis très porté à croire que vous-mêmes approuverez ce que je dis-là, sans flatterie.
4. Vous dites notamment que vous avez eu des communications avec la mère du Christ ; voyez-vous maintenant si c'était réellement elle ? - R. Non, ce n'était pas elle, mais un Esprit qui prenait son nom.
5. Dans quel but cet Esprit prenait-il ce nom ? - R. Il me voyait prendre le chemin de l'erreur, et il en profitait pour m'y engager davantage ; c'était un Esprit de trouble, un être léger ; plus propre au mal qu'au bien ; il était heureux de voir ma fausse joie ; j'étais son jouet, comme vous autres hommes l'êtes souvent de vos semblables.
6. Comment vous, doué d'une intelligence supérieure, ne vous êtes-vous pas aperçu du ridicule de certaines communications ? - R. J'étais fasciné, et je croyais bon tout ce qui m'était dit.
7. Ne pensez-vous pas que cet ouvrage peut faire du mal en ce sens qu'il prête au ridicule à l'égard des communications d'outre-tombe ? - R. Dans ce sens là, oui ; mais j'ai dit aussi qu'il y a du bon et du vrai ; et à un autre point de vue il frappe les yeux des masses ; dans ce qui nous paraît mauvais, souvent vous trouvez un bon germe.
8. Etes-vous plus heureux maintenant que de votre vivant ? - R. Oui, mais j'ai bien besoin de m'éclairer, car je suis encore dans les brouillards qui suivent la mort ; je suis comme l'écolier qui commence à épeler.
9. De votre vivant connaissiez-vous le Livre des Esprits ? - R. Je n'y avais jamais fait attention ; j'avais mes idées arrêtées ; en cela je péchais, car on ne saurait trop approfondir et étudier toutes choses ; mais l'orgueil est toujours là qui nous fait illusion ; c'est du reste le propre des ignorants en général ; ils ne veulent étudier que ce qu'ils préfèrent, et n'écoutent que ceux qui les flattent.
10. Mais vous n'étiez pas un ignorant ; vos titres en sont la preuve ? - R. Qu'est-ce que le savant de la terre devant la science du ciel ? D'ailleurs, n'y a-t-il pas toujours l'influence de certains Esprits intéressés à écarter de nous la lumière.
Remarque. Ceci corrobore ce qui a déjà été dit que certains Esprits inspirent de l'éloignement pour les personnes dont on peut recevoir d'utiles conseils et qui peuvent les déjouer. Cette influence n'est jamais celle d'un bon Esprit.
11. Et maintenant que pensez-vous de ce livre ? - R. Je ne puis le dire sans flatterie, or nous ne flattons pas : vous devez me comprendre.
12. Votre opinion sur la nature des peines futures s'est elle modifiée? - R. Oui ; je croyais aux peines matérielles ; je crois maintenant aux peines morales.
13. Pouvons-nous faire quelque chose qui vous soit agréable ? - R. Toujours ; dites chacun une petite prière ce soir à mon intention ; je vous en serai reconnaissant ; surtout ne l'oubliez pas.
Remarque. Le livre de M. de Codemberg a fait une certaine sensation, et nous devons le dire, une sensation pénible parmi les partisans éclairés de spiritisme, à cause de l'étrangeté de certaines communications qui prêtent trop au ridicule. Son intention était louable, parce que c'était un homme sincère ; mais il est un exemple de l'empire que certains Esprits peuvent prendre en flattant et en exagérant les idées et les préjugés de ceux qui ne pèsent pas avec assez de sévérité le pour et le contre des communications spirites. Il nous montre surtout le danger de les répandre trop légèrement dans le public, parce qu'elles peuvent être un motif de répulsion, fortifier certaines gens dans leur incrédulité, et faire ainsi plus de mal que de bien en donnant des armes aux ennemis de la chose. On ne saurait donc être trop circonspect à cet égard.
1. Evocation. - R. Je suis là ; que me voulez-vous ?
2. Venez-vous volontiers à notre appel ? - R. Oui.
3. Voulez-vous nous dire ce que vous pensez actuellement du livre que vous avez publié ? - R. J'ai commis quelques erreurs, mais il y a du bon, et je suis très porté à croire que vous-mêmes approuverez ce que je dis-là, sans flatterie.
4. Vous dites notamment que vous avez eu des communications avec la mère du Christ ; voyez-vous maintenant si c'était réellement elle ? - R. Non, ce n'était pas elle, mais un Esprit qui prenait son nom.
5. Dans quel but cet Esprit prenait-il ce nom ? - R. Il me voyait prendre le chemin de l'erreur, et il en profitait pour m'y engager davantage ; c'était un Esprit de trouble, un être léger ; plus propre au mal qu'au bien ; il était heureux de voir ma fausse joie ; j'étais son jouet, comme vous autres hommes l'êtes souvent de vos semblables.
6. Comment vous, doué d'une intelligence supérieure, ne vous êtes-vous pas aperçu du ridicule de certaines communications ? - R. J'étais fasciné, et je croyais bon tout ce qui m'était dit.
7. Ne pensez-vous pas que cet ouvrage peut faire du mal en ce sens qu'il prête au ridicule à l'égard des communications d'outre-tombe ? - R. Dans ce sens là, oui ; mais j'ai dit aussi qu'il y a du bon et du vrai ; et à un autre point de vue il frappe les yeux des masses ; dans ce qui nous paraît mauvais, souvent vous trouvez un bon germe.
8. Etes-vous plus heureux maintenant que de votre vivant ? - R. Oui, mais j'ai bien besoin de m'éclairer, car je suis encore dans les brouillards qui suivent la mort ; je suis comme l'écolier qui commence à épeler.
9. De votre vivant connaissiez-vous le Livre des Esprits ? - R. Je n'y avais jamais fait attention ; j'avais mes idées arrêtées ; en cela je péchais, car on ne saurait trop approfondir et étudier toutes choses ; mais l'orgueil est toujours là qui nous fait illusion ; c'est du reste le propre des ignorants en général ; ils ne veulent étudier que ce qu'ils préfèrent, et n'écoutent que ceux qui les flattent.
10. Mais vous n'étiez pas un ignorant ; vos titres en sont la preuve ? - R. Qu'est-ce que le savant de la terre devant la science du ciel ? D'ailleurs, n'y a-t-il pas toujours l'influence de certains Esprits intéressés à écarter de nous la lumière.
Remarque. Ceci corrobore ce qui a déjà été dit que certains Esprits inspirent de l'éloignement pour les personnes dont on peut recevoir d'utiles conseils et qui peuvent les déjouer. Cette influence n'est jamais celle d'un bon Esprit.
11. Et maintenant que pensez-vous de ce livre ? - R. Je ne puis le dire sans flatterie, or nous ne flattons pas : vous devez me comprendre.
12. Votre opinion sur la nature des peines futures s'est elle modifiée? - R. Oui ; je croyais aux peines matérielles ; je crois maintenant aux peines morales.
13. Pouvons-nous faire quelque chose qui vous soit agréable ? - R. Toujours ; dites chacun une petite prière ce soir à mon intention ; je vous en serai reconnaissant ; surtout ne l'oubliez pas.
Remarque. Le livre de M. de Codemberg a fait une certaine sensation, et nous devons le dire, une sensation pénible parmi les partisans éclairés de spiritisme, à cause de l'étrangeté de certaines communications qui prêtent trop au ridicule. Son intention était louable, parce que c'était un homme sincère ; mais il est un exemple de l'empire que certains Esprits peuvent prendre en flattant et en exagérant les idées et les préjugés de ceux qui ne pèsent pas avec assez de sévérité le pour et le contre des communications spirites. Il nous montre surtout le danger de les répandre trop légèrement dans le public, parce qu'elles peuvent être un motif de répulsion, fortifier certaines gens dans leur incrédulité, et faire ainsi plus de mal que de bien en donnant des armes aux ennemis de la chose. On ne saurait donc être trop circonspect à cet égard.
M. Poitevin, aéronaute
Mort, il y a deux mois environ, d'une fièvre typhoïde contractée à la suite d'une descente qu'il fit en pleine mer.
Séance de la Société parisienne des études spirites du 11 février 1859.
1. Evocation. - R. Me voilà ; parlez.
2. Regrettez-vous la vie terrestre ? - R. Non.
3. Etes-vous plus heureux que de votre vivant ? - R. Beaucoup.
4. Quel motif a pu vous porter vers les expériences aéronautiques ? - R. La nécessité.
5. Aviez-vous la pensée de servir la science ? - R. Aucunement.
6. Voyez-vous maintenant la science aéronautique à un autre point de vue que de votre vivant ? - R. Non ; je la voyais comme je la vois maintenant, parce que je la voyais bien. Je voyais beaucoup de perfectionnements à amener que je ne pouvais développer faute de science ; mais attendez ; des hommes viendront qui lui donneront le relief qu'elle mérite et qu'elle méritera un jour.
7. Croyez-vous que la science aéronautique devienne un jour un objet d'utilité publique ? - R. Oui, certainement.
8. La grande préoccupation de ceux qui s'occupent de cette science est la recherche des moyens de diriger les ballons ; pensez-vous qu'on y arrive ? - R. Oui, certainement.
9. Quelle est, selon vous, la plus grande difficulté que présente la direction des ballons ? - R. Le vent, les orages.
10. Ainsi ce n'est pas la difficulté de trouver un point d'appui ? - R. Si l'on conduisait les vents, on conduirait les ballons.
11. Pourriez-vous signaler le point vers lequel il conviendrait de diriger les recherches sous ce rapport ? - R. Laissez faire.
12. De votre vivant avez-vous étudié les différents systèmes proposés ? - R. Non.
13. Pourriez-vous donner des conseils à ceux qui s'occupent de ces sortes de recherches ? - R. Pensez-vous qu'on suivrait vos avis ?
14. Ce ne serait pas les nôtres, mais les vôtres. - R. Voulez-vous un traité ? je le ferai faire.
15. Par qui ? - R. Par des amis qui m'ont guidé moi-même.
16. Il y a ici deux inventeurs distingués en fait d'aérostation, M. Sanson et M. Ducroz qui ont obtenu des rapports scientifiques très honorables. Vous faites-vous une idée de leur système ? - R. Non ; il y a beaucoup à dire ; je ne les connais pas.
17. Admettant le problème de la direction résolu, croyez-vous à la possibilité d'une navigation aérienne sur une grande échelle comme sur mer ? - R. Non, jamais comme par le télégraphe.
18. Je ne parle pas de la rapidité des communications qui ne peuvent jamais être comparées à celles du télégraphe, mais du transport d'un grand nombre de personnes et d'objets matériels. Quel résultat peut-on espérer sous ce rapport ? - R. Peu et promptitude.
19. Quand vous étiez dans un péril imminent, pensiez-vous à ce que vous seriez après votre mort ? - R. Non ; j'étais tout à mes manoeuvres.
20. Quelle impression faisait sur vous la pensée du danger que vous couriez ? - R. L'habitude avait émoussé la crainte.
21. Quelle sensation éprouviez-vous quand vous étiez perdu dans l'espace ? - R. Trouble, mais bonheur ; mon esprit semblait s'échapper de votre monde ; cependant les besoins de la manoeuvre me rappelaient souvent à la réalité, et me faisaient retomber à la froide et dangereuse position dans laquelle je me trouvais.
22. Voyez-vous avec plaisir votre femme suivre la même carrière aventureuse que vous ? - R. Non.
23. Quelle est votre situation comme Esprit ? - R. Je vis comme vous, c'est-à-dire que je puis pourvoir à ma vie spirituelle comme vous pourvoyez à votre vie matérielle.
Remarque. Les curieuses expériences de M. Poitevin, son intrépidité, sa remarquable habileté dans la manoeuvre des ballons, nous faisaient espérer trouver en lui plus d'élévation et de grandeur dans les idées. Le résultat n'a pas répondu à notre attente ; l'aérostation n'était pour lui, comme on a pu le voir, qu'une industrie, une manière de vivre par un genre particulier de spectacle ; toutes ses facultés étaient concentrées sur les moyens de piquer la curiosité publique. C'est ainsi que, dans ces entretiens d'outre-tombe, les prévisions sont souvent déroutées ; tantôt elles sont dépassées, tantôt on trouve moins qu'on ne s'y attendait, preuve évidente de l'indépendance des communications.
Dans une séance particulière, et par l'intermédiaire du même médium, Poitevin a dicté les conseils suivants pour réaliser la promesse qu'il venait de faire : chacun pourra en apprécier la valeur ; nous les donnons comme sujet d'étude sur la nature des Esprits, et non pour leur mérite scientifique plus que contestable.
« Pour conduire un ballon plein de gaz vous rencontrerez toujours les plus grandes difficultés : l'immense surface qu'il offre en proie aux vents, la petitesse du poids que le gaz peut porter, la faiblesse de l'enveloppe que réclame cet air subtil ; toutes ces causes ne permettront jamais de donner au système aérostatique la grande extension que vous voudriez lui voir prendre. Pour que l'aérostat ait une utilité réelle, il faut qu'il soit un mode de communications puissant et doué d'une certaine promptitude, mais surtout puissant. Nous avons dit qu'il tiendrait le milieu entre l'électricité et la vapeur ; oui, et à deux points de vue :
1° Il doit transporter plus vite que les chemins de fer les voyageurs, moins vite que le télégraphe les messages.
2° Ne tient-il pas le milieu entre ces deux systèmes, car il participe à la fois de l'air et de la terre, tous deux lui servent de chemin : il est entre le ciel et le monde.
« Vous ne m'avez pas demandé si vous parviendriez à aller, par ce moyen, visiter les autres planètes. Cependant cette pensée est celle qui a inquiété bien des cerveaux, et dont la solution comblerait d'étonnement tout votre monde. Non, vous n'y parviendrez pas. Songez donc que pour traverser ces espaces inouïs pour vous, de millions, de millions de lieues, la lumière met des années ; voyez donc combien il faudrait de temps pour les atteindre, même portés par la vapeur ou par le vent.
« Pour en revenir au sujet principal, je vous disais en commençant qu'il ne fallait pas espérer beaucoup de votre système actuellement employé ; mais vous obtiendrez beaucoup plus en agissant sur l'air par compression forte et étendue ; le point d'appui que vous cherchez est devant vous, il vous entoure de tous côtés, vous vous y heurtez à chacun de vos mouvements, il entrave tous les jours votre route, et influe sur tout ce que vous touchez. Songez bien à cela, tirez de cette révélation tout ce que vous pourrez : les déductions en sont énormes. Nous ne pouvons vous prendre la main et vous faire forger les outils nécessaires à ce travail, nous ne pouvons vous donner mot à mot une induction ; il faut que votre Esprit travaille, qu'il mûrisse ses projets, sans cela vous ne comprendriez point ce que vous feriez et vous ne sauriez manier vos instruments ; nous serions obligés de tourner et d'ouvrir nous-mêmes tous vos pistons, et les circonstances imprévues qui viendraient un jour ou l'autre combattre vos efforts vous rejetteraient dans votre ignorance première.
« Travaillez donc et vous trouverez ce que vous aurez cherché ; conduisez votre Esprit vers le côté que nous vous indiquons, et apprenez par l'expérience que nous ne vous induisons pas en erreur. »
Remarque. Ces conseils, quoique renfermant d'incontestables vérités, n'en dénotent pas moins un Esprit peu éclairé à certains points de vue, puisqu'il paraît ignorer la véritable cause de l'impossibilité d'atteindre à d'autres planètes. C'est une preuve de plus de la diversité des aptitudes et des lumières que l'on rencontre dans le monde des Esprits comme ici-bas. C'est par la multiplicité des observations qu'on arrive à le connaître, à le comprendre et à le juger. C'est pourquoi nous donnons des spécimens de tous les genres de communications, en ayant soin d'en faire ressortir le fort et le faible. Celle de Poitevin est terminée par une considération fort juste qui nous semble avoir été suscitée par un Esprit plus philosophique que le sien ; au reste, il avait dit qu'il ferait rédiger ces conseils par ses amis qui, en définitive, ne nous apprennent rien.
Nous y trouvons encore une nouvelle preuve que les hommes qui ont eu une spécialité sur la terre, ne sont pas toujours les plus propres à nous éclairer comme Esprits, si, surtout, ils ne sont pas assez élevés pour se dégager de la vie terrestre.
Il est fâcheux, pour le progrès de l'aéronautique, que la plupart de ces hommes intrépides ne puissent mettre leur expérience à profit pour la science, tandis que les théoriciens sont étrangers à la pratique, et sont comme des marins qui n'auraient jamais vu la mer. Incontestablement il y aura un jour des ingénieurs en aérostatique, comme il y a des ingénieurs maritimes, mais ce ne sera que lorsqu'ils auront pu voir et sonder par eux-mêmes les profondeurs de l'océan aérien. Que d'idées ne leur donnerait pas le contact réel des éléments, idées qui échappent aux gens de métier ! car, quel que soit leur savoir, ils ne peuvent, du fond de leur cabinet, apercevoir tous les écueils ; et pourtant si cette science doit être un jour une réalité, ce ne sera que par eux. Aux yeux de beaucoup de gens c'est encore une chimère, et voilà pourquoi les inventeurs, qui ne sont pas en général des capitalistes, ne trouvent ni l'appui, ni les encouragements nécessaires. Quand l'aérostation donnera des dividendes, même en espérance, et pourra être cotée, les capitaux ne lui feront pas défaut ; jusque-là il ne faut compter que sur le dévouement de ceux qui voient le progrès avant la spéculation. Tant qu'il y aura parcimonie dans les moyens d'exécution, il y aura des échecs par l'impossibilité de faire les essais sur une assez vaste échelle ou dans des conditions convenables. On est forcé de faire mesquinement, et l'on fait mal, en cela, comme en toute chose. Le succès ne sera qu'au prix de sacrifices suffisants pour entrer largement dans la voie de la pratique, et qui dit sacrifice, dit exclusion de toute idée de bénéfice. Espérons que la pensée de doter le monde de la solution d'un grand problème, ne fût-ce qu'au point de vue de la science, inspirera quelque généreux désintéressement. Mais la première chose à faire serait de fournir aux théoriciens les moyens d'acquérir l'expérience de l'air, même par les moyens imparfaits que nous possédons. Si Poitevin eût été un homme de savoir, et qu'il eût inventé un système de locomotion aérienne, il eût inspiré, sans contredit, plus de confiance que ceux qui n'ont jamais quitté la terre, et eût probablement trouvé les ressources que l'on refuse aux autres.
Séance de la Société parisienne des études spirites du 11 février 1859.
1. Evocation. - R. Me voilà ; parlez.
2. Regrettez-vous la vie terrestre ? - R. Non.
3. Etes-vous plus heureux que de votre vivant ? - R. Beaucoup.
4. Quel motif a pu vous porter vers les expériences aéronautiques ? - R. La nécessité.
5. Aviez-vous la pensée de servir la science ? - R. Aucunement.
6. Voyez-vous maintenant la science aéronautique à un autre point de vue que de votre vivant ? - R. Non ; je la voyais comme je la vois maintenant, parce que je la voyais bien. Je voyais beaucoup de perfectionnements à amener que je ne pouvais développer faute de science ; mais attendez ; des hommes viendront qui lui donneront le relief qu'elle mérite et qu'elle méritera un jour.
7. Croyez-vous que la science aéronautique devienne un jour un objet d'utilité publique ? - R. Oui, certainement.
8. La grande préoccupation de ceux qui s'occupent de cette science est la recherche des moyens de diriger les ballons ; pensez-vous qu'on y arrive ? - R. Oui, certainement.
9. Quelle est, selon vous, la plus grande difficulté que présente la direction des ballons ? - R. Le vent, les orages.
10. Ainsi ce n'est pas la difficulté de trouver un point d'appui ? - R. Si l'on conduisait les vents, on conduirait les ballons.
11. Pourriez-vous signaler le point vers lequel il conviendrait de diriger les recherches sous ce rapport ? - R. Laissez faire.
12. De votre vivant avez-vous étudié les différents systèmes proposés ? - R. Non.
13. Pourriez-vous donner des conseils à ceux qui s'occupent de ces sortes de recherches ? - R. Pensez-vous qu'on suivrait vos avis ?
14. Ce ne serait pas les nôtres, mais les vôtres. - R. Voulez-vous un traité ? je le ferai faire.
15. Par qui ? - R. Par des amis qui m'ont guidé moi-même.
16. Il y a ici deux inventeurs distingués en fait d'aérostation, M. Sanson et M. Ducroz qui ont obtenu des rapports scientifiques très honorables. Vous faites-vous une idée de leur système ? - R. Non ; il y a beaucoup à dire ; je ne les connais pas.
17. Admettant le problème de la direction résolu, croyez-vous à la possibilité d'une navigation aérienne sur une grande échelle comme sur mer ? - R. Non, jamais comme par le télégraphe.
18. Je ne parle pas de la rapidité des communications qui ne peuvent jamais être comparées à celles du télégraphe, mais du transport d'un grand nombre de personnes et d'objets matériels. Quel résultat peut-on espérer sous ce rapport ? - R. Peu et promptitude.
19. Quand vous étiez dans un péril imminent, pensiez-vous à ce que vous seriez après votre mort ? - R. Non ; j'étais tout à mes manoeuvres.
20. Quelle impression faisait sur vous la pensée du danger que vous couriez ? - R. L'habitude avait émoussé la crainte.
21. Quelle sensation éprouviez-vous quand vous étiez perdu dans l'espace ? - R. Trouble, mais bonheur ; mon esprit semblait s'échapper de votre monde ; cependant les besoins de la manoeuvre me rappelaient souvent à la réalité, et me faisaient retomber à la froide et dangereuse position dans laquelle je me trouvais.
22. Voyez-vous avec plaisir votre femme suivre la même carrière aventureuse que vous ? - R. Non.
23. Quelle est votre situation comme Esprit ? - R. Je vis comme vous, c'est-à-dire que je puis pourvoir à ma vie spirituelle comme vous pourvoyez à votre vie matérielle.
Remarque. Les curieuses expériences de M. Poitevin, son intrépidité, sa remarquable habileté dans la manoeuvre des ballons, nous faisaient espérer trouver en lui plus d'élévation et de grandeur dans les idées. Le résultat n'a pas répondu à notre attente ; l'aérostation n'était pour lui, comme on a pu le voir, qu'une industrie, une manière de vivre par un genre particulier de spectacle ; toutes ses facultés étaient concentrées sur les moyens de piquer la curiosité publique. C'est ainsi que, dans ces entretiens d'outre-tombe, les prévisions sont souvent déroutées ; tantôt elles sont dépassées, tantôt on trouve moins qu'on ne s'y attendait, preuve évidente de l'indépendance des communications.
Dans une séance particulière, et par l'intermédiaire du même médium, Poitevin a dicté les conseils suivants pour réaliser la promesse qu'il venait de faire : chacun pourra en apprécier la valeur ; nous les donnons comme sujet d'étude sur la nature des Esprits, et non pour leur mérite scientifique plus que contestable.
« Pour conduire un ballon plein de gaz vous rencontrerez toujours les plus grandes difficultés : l'immense surface qu'il offre en proie aux vents, la petitesse du poids que le gaz peut porter, la faiblesse de l'enveloppe que réclame cet air subtil ; toutes ces causes ne permettront jamais de donner au système aérostatique la grande extension que vous voudriez lui voir prendre. Pour que l'aérostat ait une utilité réelle, il faut qu'il soit un mode de communications puissant et doué d'une certaine promptitude, mais surtout puissant. Nous avons dit qu'il tiendrait le milieu entre l'électricité et la vapeur ; oui, et à deux points de vue :
1° Il doit transporter plus vite que les chemins de fer les voyageurs, moins vite que le télégraphe les messages.
2° Ne tient-il pas le milieu entre ces deux systèmes, car il participe à la fois de l'air et de la terre, tous deux lui servent de chemin : il est entre le ciel et le monde.
« Vous ne m'avez pas demandé si vous parviendriez à aller, par ce moyen, visiter les autres planètes. Cependant cette pensée est celle qui a inquiété bien des cerveaux, et dont la solution comblerait d'étonnement tout votre monde. Non, vous n'y parviendrez pas. Songez donc que pour traverser ces espaces inouïs pour vous, de millions, de millions de lieues, la lumière met des années ; voyez donc combien il faudrait de temps pour les atteindre, même portés par la vapeur ou par le vent.
« Pour en revenir au sujet principal, je vous disais en commençant qu'il ne fallait pas espérer beaucoup de votre système actuellement employé ; mais vous obtiendrez beaucoup plus en agissant sur l'air par compression forte et étendue ; le point d'appui que vous cherchez est devant vous, il vous entoure de tous côtés, vous vous y heurtez à chacun de vos mouvements, il entrave tous les jours votre route, et influe sur tout ce que vous touchez. Songez bien à cela, tirez de cette révélation tout ce que vous pourrez : les déductions en sont énormes. Nous ne pouvons vous prendre la main et vous faire forger les outils nécessaires à ce travail, nous ne pouvons vous donner mot à mot une induction ; il faut que votre Esprit travaille, qu'il mûrisse ses projets, sans cela vous ne comprendriez point ce que vous feriez et vous ne sauriez manier vos instruments ; nous serions obligés de tourner et d'ouvrir nous-mêmes tous vos pistons, et les circonstances imprévues qui viendraient un jour ou l'autre combattre vos efforts vous rejetteraient dans votre ignorance première.
« Travaillez donc et vous trouverez ce que vous aurez cherché ; conduisez votre Esprit vers le côté que nous vous indiquons, et apprenez par l'expérience que nous ne vous induisons pas en erreur. »
Remarque. Ces conseils, quoique renfermant d'incontestables vérités, n'en dénotent pas moins un Esprit peu éclairé à certains points de vue, puisqu'il paraît ignorer la véritable cause de l'impossibilité d'atteindre à d'autres planètes. C'est une preuve de plus de la diversité des aptitudes et des lumières que l'on rencontre dans le monde des Esprits comme ici-bas. C'est par la multiplicité des observations qu'on arrive à le connaître, à le comprendre et à le juger. C'est pourquoi nous donnons des spécimens de tous les genres de communications, en ayant soin d'en faire ressortir le fort et le faible. Celle de Poitevin est terminée par une considération fort juste qui nous semble avoir été suscitée par un Esprit plus philosophique que le sien ; au reste, il avait dit qu'il ferait rédiger ces conseils par ses amis qui, en définitive, ne nous apprennent rien.
Nous y trouvons encore une nouvelle preuve que les hommes qui ont eu une spécialité sur la terre, ne sont pas toujours les plus propres à nous éclairer comme Esprits, si, surtout, ils ne sont pas assez élevés pour se dégager de la vie terrestre.
Il est fâcheux, pour le progrès de l'aéronautique, que la plupart de ces hommes intrépides ne puissent mettre leur expérience à profit pour la science, tandis que les théoriciens sont étrangers à la pratique, et sont comme des marins qui n'auraient jamais vu la mer. Incontestablement il y aura un jour des ingénieurs en aérostatique, comme il y a des ingénieurs maritimes, mais ce ne sera que lorsqu'ils auront pu voir et sonder par eux-mêmes les profondeurs de l'océan aérien. Que d'idées ne leur donnerait pas le contact réel des éléments, idées qui échappent aux gens de métier ! car, quel que soit leur savoir, ils ne peuvent, du fond de leur cabinet, apercevoir tous les écueils ; et pourtant si cette science doit être un jour une réalité, ce ne sera que par eux. Aux yeux de beaucoup de gens c'est encore une chimère, et voilà pourquoi les inventeurs, qui ne sont pas en général des capitalistes, ne trouvent ni l'appui, ni les encouragements nécessaires. Quand l'aérostation donnera des dividendes, même en espérance, et pourra être cotée, les capitaux ne lui feront pas défaut ; jusque-là il ne faut compter que sur le dévouement de ceux qui voient le progrès avant la spéculation. Tant qu'il y aura parcimonie dans les moyens d'exécution, il y aura des échecs par l'impossibilité de faire les essais sur une assez vaste échelle ou dans des conditions convenables. On est forcé de faire mesquinement, et l'on fait mal, en cela, comme en toute chose. Le succès ne sera qu'au prix de sacrifices suffisants pour entrer largement dans la voie de la pratique, et qui dit sacrifice, dit exclusion de toute idée de bénéfice. Espérons que la pensée de doter le monde de la solution d'un grand problème, ne fût-ce qu'au point de vue de la science, inspirera quelque généreux désintéressement. Mais la première chose à faire serait de fournir aux théoriciens les moyens d'acquérir l'expérience de l'air, même par les moyens imparfaits que nous possédons. Si Poitevin eût été un homme de savoir, et qu'il eût inventé un système de locomotion aérienne, il eût inspiré, sans contredit, plus de confiance que ceux qui n'ont jamais quitté la terre, et eût probablement trouvé les ressources que l'on refuse aux autres.
Pensées poétiques
Dictées par l'Esprit d'Alfred de Musset, pour Mme ***.
Si tu souffres sur terre
Pauvre coeur affligé,
Si pour toi la misère
Est un lot obligé,
Pense, dans ta douleur,
Que tu suis le chemin
Qui conduit par les pleurs
Vers un meilleur destin.
Les chagrins de la vie
Sont-ils donc assez grands
Pour que ton coeur oublie
Qu'un jour aux premiers rangs,
Pour prix de tes souffrances,
Ton Esprit épuré
Aura les jouissances
De l'empire éthéré ?
_______
La vie est un passage
Dont tu connais le cours ;
Agis toujours en sage,
Tu auras d'heureux jours.
Remarque. Le médium qui a servi d'interprète est non seulement étranger aux règles les plus vulgaires de la poésie, mais n'a jamais pu faire un seul vers par lui-même. Il les écrit avec une facilité extraordinaire sous la dictée des Esprits, et quoiqu'il soit médium depuis très peu de temps, il en possède déjà un recueil nombreux des plus intéressants. Nous en avons vu entre autres de charmants et pleins d'à-propos, qui lui ont été dictés par l'Esprit d'une personne vivante qu'il a évoquée et qui habite à 200 lieues. Cette personne, lorsqu'elle est éveillée, n'est pas plus poète que lui.
Si tu souffres sur terre
Pauvre coeur affligé,
Si pour toi la misère
Est un lot obligé,
Pense, dans ta douleur,
Que tu suis le chemin
Qui conduit par les pleurs
Vers un meilleur destin.
Les chagrins de la vie
Sont-ils donc assez grands
Pour que ton coeur oublie
Qu'un jour aux premiers rangs,
Pour prix de tes souffrances,
Ton Esprit épuré
Aura les jouissances
De l'empire éthéré ?
_______
La vie est un passage
Dont tu connais le cours ;
Agis toujours en sage,
Tu auras d'heureux jours.
Remarque. Le médium qui a servi d'interprète est non seulement étranger aux règles les plus vulgaires de la poésie, mais n'a jamais pu faire un seul vers par lui-même. Il les écrit avec une facilité extraordinaire sous la dictée des Esprits, et quoiqu'il soit médium depuis très peu de temps, il en possède déjà un recueil nombreux des plus intéressants. Nous en avons vu entre autres de charmants et pleins d'à-propos, qui lui ont été dictés par l'Esprit d'une personne vivante qu'il a évoquée et qui habite à 200 lieues. Cette personne, lorsqu'elle est éveillée, n'est pas plus poète que lui.
Somnambules rétribués
Un de nos
correspondants nous écrit à propos de notre dernier article sur les médiums
mercenaires, pour nous demander si nos observations s'appliquent également aux
somnambules rétribués.
Si l'on veut bien remonter à la source du phénomène, on verra que le somnambule, bien qu'on puisse le considérer comme une variété de médium, est dans un cas différent du médium proprement dit. En effet, ce dernier reçoit ses communications d'Esprits étrangers qui peuvent venir ou non selon les circonstances ou les sympathies qu'ils rencontrent. Le somnambule, au contraire, agit par lui-même ; c'est son propre Esprit qui se dégage de la matière, et voit plus ou moins bien, selon que le dégagement est plus ou moins complet. Le somnambule, il est vrai, est en rapport avec d'autres Esprits qui l'assistent plus ou moins volontiers, en raison de leurs sympathies ; mais, en définitive, c'est le sien qui voit et qui peut, jusqu'à un certain point, disposer de lui-même sans que d'autres y trouvent à redire, et sans que leur concours soit indispensable. Il en résulte que le somnambule qui cherche une compensation matérielle à la fatigue souvent très grande qui résulte pour lui de l'exercice de sa faculté, n'a point à vaincre les mêmes susceptibilités que le médium qui n'est qu'un instrument.
On sait en outre que la lucidité somnambulique se développe par l'exercice ; or, celui qui en fait son occupation exclusive, acquiert une facilité d'autant plus grande, qu'il est à même de voir beaucoup de choses avec lesquelles il finit par s'identifier, ainsi qu'avec certains termes spéciaux qui lui reviennent plus facilement à la mémoire ; en un mot, il se familiarise avec cet état qui devient pour ainsi dire son état normal : rien ne l'étonne plus. Les faits, d'ailleurs, sont là pour prouver avec quelle promptitude et quelle netteté ils peuvent voir ; d'où nous concluons que la rétribution payée à certains somnambules n'est point un obstacle au développement de la lucidité.
A cela on fait une objection. Comme la lucidité est souvent variable, qu'elle dépend de causes fortuites, on se demande si l'appât du gain ne pourrait pas engager le somnambule à feindre cette lucidité alors même qu'elle lui ferait défaut, par fatigue ou autre cause, inconvénient qui ne peut avoir lieu quand il n'y a pas d'intérêt. Cela est très vrai, mais nous répondons que toute chose a son mauvais côté. On peut abuser de tout, et partout où se glisse la fraude, il faut la flétrir. Le somnambule qui agirait ainsi manquerait de loyauté, ce qui, malheureusement, se rencontre aussi chez ceux qui ne dorment pas. Avec un peu d'habitude, on peut aisément s'en apercevoir, et il serait difficile d'abuser longtemps un observateur expérimenté. En cela, comme en toutes choses, l'essentiel est de s'assurer du degré de confiance que mérite la personne à laquelle on s'adresse. Si le somnambule non rétribué n'offre pas cet inconvénient, il ne faut pas croire que sa lucidité soit infaillible ; il peut se tromper tout comme un autre, s'il est dans de mauvaises conditions ; l'expérience est à cet égard le meilleur guide. En résumé, nous ne préconisons personne ; nous avons été à même de constater des services éminents rendus par les uns et par les autres ; notre but était seulement de prouver qu'on peut trouver de bons somnambules dans l'une et l'autre condition.
Si l'on veut bien remonter à la source du phénomène, on verra que le somnambule, bien qu'on puisse le considérer comme une variété de médium, est dans un cas différent du médium proprement dit. En effet, ce dernier reçoit ses communications d'Esprits étrangers qui peuvent venir ou non selon les circonstances ou les sympathies qu'ils rencontrent. Le somnambule, au contraire, agit par lui-même ; c'est son propre Esprit qui se dégage de la matière, et voit plus ou moins bien, selon que le dégagement est plus ou moins complet. Le somnambule, il est vrai, est en rapport avec d'autres Esprits qui l'assistent plus ou moins volontiers, en raison de leurs sympathies ; mais, en définitive, c'est le sien qui voit et qui peut, jusqu'à un certain point, disposer de lui-même sans que d'autres y trouvent à redire, et sans que leur concours soit indispensable. Il en résulte que le somnambule qui cherche une compensation matérielle à la fatigue souvent très grande qui résulte pour lui de l'exercice de sa faculté, n'a point à vaincre les mêmes susceptibilités que le médium qui n'est qu'un instrument.
On sait en outre que la lucidité somnambulique se développe par l'exercice ; or, celui qui en fait son occupation exclusive, acquiert une facilité d'autant plus grande, qu'il est à même de voir beaucoup de choses avec lesquelles il finit par s'identifier, ainsi qu'avec certains termes spéciaux qui lui reviennent plus facilement à la mémoire ; en un mot, il se familiarise avec cet état qui devient pour ainsi dire son état normal : rien ne l'étonne plus. Les faits, d'ailleurs, sont là pour prouver avec quelle promptitude et quelle netteté ils peuvent voir ; d'où nous concluons que la rétribution payée à certains somnambules n'est point un obstacle au développement de la lucidité.
A cela on fait une objection. Comme la lucidité est souvent variable, qu'elle dépend de causes fortuites, on se demande si l'appât du gain ne pourrait pas engager le somnambule à feindre cette lucidité alors même qu'elle lui ferait défaut, par fatigue ou autre cause, inconvénient qui ne peut avoir lieu quand il n'y a pas d'intérêt. Cela est très vrai, mais nous répondons que toute chose a son mauvais côté. On peut abuser de tout, et partout où se glisse la fraude, il faut la flétrir. Le somnambule qui agirait ainsi manquerait de loyauté, ce qui, malheureusement, se rencontre aussi chez ceux qui ne dorment pas. Avec un peu d'habitude, on peut aisément s'en apercevoir, et il serait difficile d'abuser longtemps un observateur expérimenté. En cela, comme en toutes choses, l'essentiel est de s'assurer du degré de confiance que mérite la personne à laquelle on s'adresse. Si le somnambule non rétribué n'offre pas cet inconvénient, il ne faut pas croire que sa lucidité soit infaillible ; il peut se tromper tout comme un autre, s'il est dans de mauvaises conditions ; l'expérience est à cet égard le meilleur guide. En résumé, nous ne préconisons personne ; nous avons été à même de constater des services éminents rendus par les uns et par les autres ; notre but était seulement de prouver qu'on peut trouver de bons somnambules dans l'une et l'autre condition.
Aphorismes spirites et Pensées détachées
Les
Esprits s'incarnent hommes ou femmes, parce qu'ils n'ont pas de sexe. Comme ils
doivent progresser en tout, chaque sexe, comme chaque position sociale, leur
offre des épreuves et des devoirs spéciaux, et l'occasion d'acquérir de
l'expérience. Celui qui serait toujours homme, ne saurait que ce que savent les
hommes.
Par la doctrine spirite, la solidarité n'est plus restreinte à la société terrestre : elle embrasse tous les mondes ; par les rapports que les Esprits établissent entre les différentes sphères, la solidarité est universelle, car d'un monde à l'autre les êtres vivants se prêtent un mutuel appui.
Par la doctrine spirite, la solidarité n'est plus restreinte à la société terrestre : elle embrasse tous les mondes ; par les rapports que les Esprits établissent entre les différentes sphères, la solidarité est universelle, car d'un monde à l'autre les êtres vivants se prêtent un mutuel appui.
Avis
Nous recevons sans cesse des lettres de nos correspondants qui nous demandent l'Histoire de Jeanne d'Arc et celle de Louis XI dont nous avons publié des extraits, ainsi que l'album des dessins de M. Victorien Sardou.
Nous rappelons à nos lecteurs que l'histoire de Jeanne d'Arc est complètement épuisée, maintenant ; que la vie de Louis XI ainsi que celle de Louis IX n'ont point encore été publiées ; nous espérons qu'elles le seront un jour et nous nous ferons un devoir de les annoncer dans notre recueil. Jusque-là toute demande à l'effet de se procurer ces ouvrages est sans objet. Il en est de même de l'album de M. Sardou. Le dessin que nous avons donné de la maison de Mozart est le seul qui soit en vente chez M. Ledoyen.
ALLAN KARDEC