REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867

Allan Kardec

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Octobre

Le Spiritisme partout

A propos des poésies de M. Marteau

C'est une chose vraiment curieuse de voir ceux mêmes qui repoussent le nom du Spiritisme avec le plus d'obstination, en semer les idées à profusion. Il n'est pas de jour où, dans la presse, dans les œuvres littéraires, dans la poésie, dans les discours, dans les sermons même, on ne rencontre des pensées appartenant au plus pur Spiritisme. Demandez à ces écrivains s'ils sont Spirites, ils répondront avec dédain qu'ils s'en garderaient bien ; si vous leur dites que ce qu'ils ont écrit est du Spiritisme, ils répondront que cela ne se peut pas, parce que ce n'est pas l'apologie des Davenport et des tables tournantes. Pour eux, tout le Spiritisme est là, ils n'en sortent pas, et n'en veulent pas sortir ; ils ont prononcé : leur jugement est sans appel.

Ils seraient bien surpris, cependant, s'ils savaient qu'ils font à chaque instant du Spiritisme sans le savoir, qu'ils le coudoient sans se douter qu'ils en sont si près ! Mais, qu'importe le nom, si les idées fondamentales sont acceptées ! Que fait la forme de la charrue, pourvu qu'elle prépare le terrain ? Au lieu d'arriver tout d'une pièce, l'idée arrive par fragments, voilà toute la différence ; or, quand plus tard, on verra que ces fragments réunis ne sont autre chose que le Spiritisme, on reviendra forcément sur l'opinion qu'on s'en était faite. Les Spirites ne sont pas assez puérils pour attacher plus d'importance au mot qu'à la chose ; c'est pourquoi ils se félicitent de voir leurs idées se répandre sous une forme quelconque.

Les Esprits qui conduisent le mouvement, se disent : Puisqu'ils ne veulent pas de la chose sous ce nom, nous allons la leur faire accepter en détail sous une autre forme ; se croyant les inventeurs de l'idée, ils en seront eux-mêmes les propagateurs. Nous ferons comme avec les malades qui ne veulent pas de certains remèdes, et qu'on leur fait prendre sans qu'ils s'en doutent, en en changeant la couleur.

Les adversaires connaissent en général si peu ce qui constitue le Spiritisme, que nous mettons en fait que le Spirite le plus fervent, qui ne serait pas connu pour tel, pourrait, à l'aide de quelques précautions oratoires, et pourvu surtout qu'il s'abstînt de parler des Esprits, développer les principes les plus essentiels de la doctrine, et se faire applaudir par ceux mêmes qui ne lui eussent pas laissé prendre la parole, s'il se fût présenté comme adepte.

Mais d'où viennent ces idées, puisque ceux qui les émettent ne les ont pas puisées dans la doctrine qu'ils ne connaissent pas ?

Nous l'avons déjà dit plusieurs fois : lorsqu'une vérité est arrivée à terme, et que l'esprit des masses est mûr pour se l'assimiler, l'idée germe partout ; elle est dans l'air, portée sur tous les points par les courants fluidiques ; chacun en aspire quelques parcelles, et les émet comme si elles étaient écloses dans son cerveau. Si quelques-uns s'inspirent de l'idée spirite sans oser l'avouer, il est certain que chez beaucoup elle est spontanée. Or, le Spiritisme se trouvant être la collectivité et la coordination de ces idées partielles, par la force des choses il sera un jour le trait d'union entre ceux qui les professent ; c'est une question de temps.

Il est à remarquer que lorsqu'une idée doit prendre rang dans l'humanité, tout concourt à lui frayer la voie ; il en est ainsi du Spiritisme. En observant ce qui se passe dans le monde en ce moment, les évènements grands et petits qui surgissent ou se préparent, il n'est pas un Spirite qui ne se dise que tout semble fait exprès pour aplanir les difficultés et faciliter son établissement ; ses adversaires eux-mêmes semblent poussés par une force inconsciente à déblayer la route, et à creuser un abîme sous leurs pas, pour mieux faire sentir la nécessité de le combler.

Et qu'on ne croie pas que les contraires soient nuisibles ; loin de là. Jamais l'incrédulité, l'athéisme et le matérialisme, n'ont plus hardiment levé la tête, et affiché leurs prétentions. Ce ne sont plus des opinions personnelles, respectables comme tout ce qui est du ressort de la conscience intime, ce sont des doctrines que l'on veut imposer, et à l'aide desquelles on prétend gouverner les hommes malgré eux. L'exagération même de ces doctrines en est le remède, car on se demande ce que serait la société, si jamais elles venaient à prévaloir. Il fallait cette exagération pour mieux faire comprendre le bienfait des croyances qui peuvent être la sauvegarde de l'ordre social.

Mais aveuglement étrange ! ou pour mieux dire, aveuglement providentiel ! ceux qui veulent se substituer à ce qui existe, comme ceux qui veulent s'opposer aux idées nouvelles, au moment où les plus graves questions s'agitent, au lieu d'attirer à eux, de se concilier les sympathies par la douceur, la bienveillance et la persuasion, semblent prendre à tâche de tout faire pour inspirer la répulsion ; ils ne trouvent rien de mieux que de s'imposer par la violence, de comprimer les consciences, de froisser les convictions, de persécuter. Singulier moyen de se faire bien voir des populations !

Dans l'état actuel de notre monde, la persécution est le baptême obligé de toute croyance nouvelle de quelque valeur. Le Spiritisme recevant le sien, c'est la preuve de l'importance qu'on y attache.

Mais nous le répétons, tout cela a sa raison d'être et son utilité : il faut qu'il en soit ainsi pour préparer les voies. Les Spirites doivent se considérer comme des soldats sur un champ de bataille ; ils se doivent à la cause, et ne peuvent attendre le repos que lorsque la victoire sera remportée. Heureux ceux qui auront contribué à la victoire au prix de quelques sacrifices !

Pour l'observateur qui contemple de sang-froid le travail d'enfantement de l'idée, c'est quelque chose de merveilleux de voir comment tout, même ce qui, au premier abord, paraît insignifiant ou contraire, converge en définitive vers le même but ; de voir la diversité et la multiplicité des ressorts que les puissances invisibles mettent en jeu pour atteindre ce but ; tout leur sert, tout est utilisé, même ce qui nous semble mauvais.

Il n'y a donc pas à s'inquiéter des fluctuations que le Spiritisme peut éprouver dans le conflit des idées qui sont en fermentation ; c'est un effet de l'effervescence même qu'il produit dans l'opinion, où il ne peut rencontrer partout des sympathies ; il faut s'attendre à ces fluctuations jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli. En attendant, l'idée marche, c'est l'essentiel ; et, comme nous l'avons dit en commençant, elle se fait jour par tous les pores ; tous, amis et ennemis, y travaillent comme à l'envi, et il n'est pas douteux que sans l'active coopération involontaire des adversaires, les progrès de la doctrine, qui n'a jamais fait de réclames pour se faire connaître, n'auraient pas été aussi rapides.

On croit étouffer le Spiritisme en proscrivant le nom ; mais comme il ne consiste pas dans les mots, si on lui ferme la porte à cause de son nom, il pénètre sous la forme impalpable de l'idée. Et ce qu'il y a de curieux, c'est que beaucoup de ceux qui le repoussent ne le connaissant pas, ne voulant pas le connaître, ignorant, par conséquent, son but, ses tendances et ses principes les plus sérieux, acclament certaines idées, qui parfois sont les leurs, sans se douter que souvent elles font partie essentielle et intégrante de la doctrine. S'ils le savaient il est probable qu'ils s'abstiendraient.

Le seul moyen d'éviter la méprise serait d'étudier la doctrine à fond pour savoir ce qu'elle dit et ce qu'elle ne dit pas. Mais alors surgirait un autre embarras : le Spiritisme touche à tant de questions, les idées qui se groupent autour de lui sont si multiples, que si l'on voulait s'abstenir de parler de tout ce qui s'y rattache, on se trouverait souvent singulièrement empêché, et souvent même arrêté dans les élans de ses propres inspirations ; car on se convaincrait, par cette étude, que le Spiritisme est en tout et partout, et l'on serait surpris de le trouver chez les écrivains les plus accrédités ; bien plus, on se surprendrait soi-même à en faire en maintes circonstances, sans le vouloir ; or, une idée qui devient le patrimoine commun est impérissable.

Nous avons plusieurs fois déjà reproduit les pensées spirites que l'on trouve à profusion dans la presse et les écrits de tous genres, et nous continuerons à le faire de temps en temps sous ce titre : le Spiritisme partout. L'article suivant vient surtout à l'appui des réflexions ci-dessus ; il est extrait du Phare de la Manche, journal de Cherbourg, du 18 août 1867.

L'auteur y rend compte d'un recueil de poésie de M. Amédée Marteau[1], et à ce sujet il s'exprime ainsi :

« Il y a deux mille ans, quelque temps avant l'établissement du Christianisme, la caste sacerdotale des druides enseignait à ses adeptes une doctrine étrange. Elle disait : Aucun être ne finira jamais ; mais tous les êtres, excepté Dieu, ont commencé. Tout être est créé au plus bas degré de l'existence. L'âme est d'abord sans conscience d'elle-même ; soumise aux lois invariables du monde physique, esprit esclave de la matière, force latente et obscure, elle monte fatalement les degrés de la nature inorganique, puis de la nature organisée. Alors l'éclair tombe du ciel, l'être se connaît, il est homme.

L'âme humaine commence dans un demi-jour les épreuves de son libre arbitre ; elle se fait à elle-même sa destinée, elle avance d'existence en existence, de transmigration en transmigration, par la délivrance que lui donne la mort ; ou bien, elle tourne sur elle-même, elle retombe d'échelon en échelon, si elle n'a pas mérité de s'élever, sans qu'aucune chute, néanmoins, soit à jamais irréparable.

Lorsque l'âme est arrivée au plus haut point de science, de force, de vertu dont la condition humaine est susceptible, elle échappe au cercle des épreuves et des transmigrations, elle atteint le terme du bonheur : le ciel. Une fois parvenu à ce terme, l'homme ne retombe plus ; il monte toujours, il s'élève vers Dieu par un progrès éternel, sans toutefois jamais se confondre avec lui. Bien loin de perdre dans le ciel son activité, son individualité, c'est là que chaque âme en acquiert la pleine possession, avec la mémoire de tous les états antérieurs par lesquels elle a passé. Sa personnalité, sa nature propre s'y développent de plus en plus distinctes, au fur et à mesure qu'elle gravit sur une échelle infinie, dont les degrés ne sont que des accomplissements de vie qui ne sont plus séparés par la mort.

Telle était la conception que le druidisme s'était faite de l'âme et de ses destinées. C'était l'idée pythagoricienne agrandie, devenue dogme et appliquée à l'infini.

Comment cette opinion, après avoir sommeillé tant de siècles dans les limbes de l'intelligence humaine, se réveille-t-elle aujourd'hui ? peut-être a-t-elle sa raison d'être dans la révolution qui, depuis Galilée, s'est opérée dans le système astronomique ; peut-être doit-elle sa résurrection aux séduisantes perspectives qu'elle présente aux rêveries des philosophes et des penseurs ; ou enfin, à cette curiosité native qui pousse sans cesse l'homme vers l'inconnu.

Quoi qu'il en soit, Fontenelle est le premier dont la plume spirituelle a renouvelé ces questions dans son charmant badinage sur la pluralité des mondes.

De l'habitabilité des mondes à la transmigration des âmes la pente est glissante, et notre siècle s'y est laissé entraîner. Il s'est emparé de cette idée, et, l'étayant sur l'astronomie, il essaye de l'élever à la hauteur d'une science. Jean Reynaud l'a développée, sous une forme magistrale, dans Ciel et Terre ; Lamennais l'adopte et la généralise dans l'Esquisse d'une philosophie ; Lamartine et Hugo la préconisent ; Maxime Ducamp l'a popularisée dans un roman ; Flammarion a publié un livre en sa faveur ; et enfin, M. Amédée Marteau, dans une œuvre poétique, que nous avons lue avec le plus vif intérêt, revêt des couleurs de sa palette séduisante cette vaste et magnifique utopie.

M. Marteau est le poète de l'idée nouvelle ; il est un croyant enthousiaste et dévoué de la transmigration des âmes dans les corps célestes, et il faut convenir qu'il a réussi à traiter de main de maître ce splendide sujet. Dieu, l'homme, le temps, l'espace sont les inspirateurs de sa muse. Abîmes vertigineux, élévations incommensurables, rien ne l'arrête, rien ne l'effraye. Il se joue dans l'immensité, il côtoie sans pâlir les rivages de l'infini. Il voyage dans les astres, comme un aigle sur les hautes cimes. Il décrit dans un langage harmonieux, avec une précision mathématique, leurs formes, leur marche, leur couleur, leurs contours. »

Après avoir cité un fragment d'une des odes de ce recueil, l'auteur de l'article ajoute :

« M. Marteau n'est pas seulement un poète d'une haute distinction, il est, de plus, un philosophe et un savant. L'astronomie lui est familière ; il émaille sa poésie avec la poudre d'or qu'il fait tomber des sphères sidérales. Nous ne saurions dire ce qui nous a le plus captivé, ou de l'intérêt de la diction, ou de l'originalité de la pensée. Tout cela s'agence, se coordonne d'une manière si nette, si claire, si naturelle, qu'on demeure comme fasciné sous le charme.

Nous ne connaissons pas M. Marteau ; mais nous pensons que si, pour composer un livre comme celui-ci, il faut être doué d'un grand talent, il faut aussi être doué d'un grand cœur ; car, dans cet auteur, tout respire l'amour de l'homme et l'amour de Dieu.

Aussi ne pouvons-nous trop engager tous ceux que n'absorbent pas les soucis et les intérêts matériels à jeter un coup d'œil sur les œuvres de M. Marteau. Ils y trouveront des consolations et des espérances, sans compter les jouissances intellectuelles que fait éprouver la lecture d'une poésie généreuse, riche de conceptions, idéale, et destinée, nous n'en doutons pas, à un brillant succès. »

Digard.

L'exposé de la doctrine druidique sur les destinées de l'âme, par lequel débute l'article, est, comme on le voit, un résumé complet de la doctrine spirite sur le même sujet. L'auteur le sait-il ? Il est permis d'en douter, autrement il serait étrange qu'il se fût abstenu de citer le Spiritisme, à moins qu'il n'ait craint de lui faire une part dans les éloges qu'il prodigue aux idées de l'auteur. Nous ne lui ferons pas l'injure de lui supposer cette puérile partialité ; nous aimons donc mieux croire qu'il en ignore jusqu'à l'existence. Quand il se demande : « Comment cette opinion, après avoir sommeillé tant de siècles dans les limbes de l'intelligence humaine, se réveille-t-elle aujourd'hui ? » s'il avait étudié le Spiritisme, le Spiritisme lui aurait répondu, et il aurait vu que ces idées sont plus populaires qu'il ne le croit.

« M. Marteau, dit-il, est le poète de l'idée nouvelle ; il est un croyant enthousiaste et dévoué de la transmigration des âmes dans les corps célestes, et il faut convenir qu'il a réussi à traiter de main de maître ce splendide sujet. » Plus loin, il ajoute : « Si, pour composer un livre comme celui-ci, il faut être doué d'un grand talent, il faut aussi être doué d'un grand cœur, car, dans cet auteur, tout respire l'amour de l'homme et l'amour de Dieu. » M. Marteau n'est donc pas un fou pour professer de pareilles idées ? Jean Reynaud, Lamennais, Lamartine, Victor Hugo, Louis Jourdan, Maxime Ducamp, Flammarion, ne sont donc pas des fous pour les avoir préconisées ? Faire l'éloge des hommes, n'est-ce pas faire l'éloge de leurs principes ? Et d'ailleurs, peut-on faire un plus grand éloge d'un livre que de dire que les lecteurs y puiseront des espérances et des consolations ? Puisque ces doctrines sont celles du Spiritisme, n'est-ce pas accréditer celles-ci dans l'opinion ?

Ainsi voilà un article où l'on dirait que le nom du Spiritisme est omis à dessein, et où l'on acclame les idées qu'il professe sur les points les plus essentiels : la pluralité des existences et les destinées de l'âme.

[1] Espoirs et Souvenirs, chez Hachette, 77, boulevard Saint-Germain.



Madame la comtesse Adélaïde de Clérambert, Médium médecin

Madame la comtesse de Clérambert habitait à Saint-Symphorien-sur-Coise, département de la Loire ; elle est morte il y a quelques années dans un âge avancé. Douée d'une intelligence supérieure, elle avait, dès son jeune âge, montré un goût particulier pour les études médicales, et se complaisait dans la lecture des ouvrages traitant de cette science. Dans les vingt dernières années de sa vie, elle s'était consacrée au soulagement de la souffrance avec un dévouement tout philanthropique et la plus entière abnégation. Les nombreuses guérisons qu'elle opérait sur des personnes réputées incurables, lui avaient fait une certaine réputation ; mais, aussi modeste que charitable, elle n'en tirait ni vanité ni profit.

A ses connaissances médicales acquises, dont elle faisait sans doute usage dans ses traitements, elle joignait une faculté d'intuition qui n'était autre qu'une médiumnité inconsciente, car elle traitait souvent par correspondance, et, sans avoir vu les malades, décrivait parfaitement la maladie ; du reste, elle disait elle-même qu'elle recevait des instructions, sans s'expliquer sur la manière dont elles lui étaient transmises. Elle avait eu maintes fois des manifestations matérielles, tels que apports, déplacements d'objets et autres phénomènes de ce genre, quoiqu'elle ne connût pas le Spiritisme. Un jour un de ses malades lui écrivait qu'il lui était survenu des abcès, et, pour lui en donner une idée, en avait taillé le patron sur une feuille de papier ; mais, ayant oublié de le joindre à sa lettre, cette dame lui répondit par le retour du courrier : « Le patron dont vous m'annoncez l'envoi n'étant point dans votre lettre, j'ai pensé que c'était un oubli de votre part ; je viens d'en trouver un ce matin dans mon tiroir, qui doit être pareil au vôtre et que je vous adresse. » En effet, ce patron reproduisait exactement la forme et la grandeur des abcès.

Elle ne traitait ni par le magnétisme, ni par l'imposition des mains, ni par l'intervention ostensible des Esprits, mais par l'emploi de médicaments que le plus souvent elle préparait elle-même, d'après les indications qui lui étaient fournies. Sa médication variait pour la même maladie selon les individus ; elle n'avait point de recette secrète d'une efficacité universelle, mais se guidait selon les circonstances. Le résultat était quelquefois presque instantané, et dans certains cas ne s'obtenait qu'après un traitement suivi, mais toujours court relativement à la médecine ordinaire. Elle a guéri radicalement un grand nombre d'épileptiques et de malades atteints d'affections aiguës ou chroniques abandonnés des médecins.

Madame de Clérambert n'était donc point un Médium guérisseur dans le sens attaché à ce mot, mais un Médium médecin. Elle jouissait d'une clairvoyance qui lui faisait voir le mal, et la guidait dans l'application des remèdes qui lui étaient inspirés, secondée en outre par la connaissance qu'elle avait de la matière médicale et surtout des propriétés des plantes. Par son dévouement, son désintéressement moral et matériel, qui ne se sont jamais démentis, par son inaltérable bienveillance pour ceux qui s'adressaient à elle, madame de Clérambert, de même que l'abbé prince de Hohenlohe, a dû de conserver jusqu'à la fin de sa vie la précieuse faculté qui lui avait été accordée, et qu'elle aurait sans doute vue s'affaiblir et disparaître, si elle n'eût pas persévéré dans le noble usage qu'elle en faisait.

Sa position de fortune, sans être très brillante, était suffisante pour ôter tout prétexte à une rémunération quelconque ; elle ne demandait donc absolument rien, mais elle recevait des riches, reconnaissants d'avoir été guéris, ce qu'ils croyaient devoir donner, et elle l'employait à subvenir aux besoins de ceux qui manquaient du nécessaire.

Les documents de la note ci-dessus ont été fournis par une personne qui a été guérie par madame de Clérambert, et ils ont été confirmés par d'autres personnes qui l'ont connue. Cette notice ayant été lue à la Société spirite de Paris, madame de Clérambert fit la réponse ci-après :


(Société spirite de Paris, 5 avril 1867, Méd. M. Desliens.)

Évocation. – Le récit que nous venons de lire nous donne naturellement le désir de nous entretenir avec vous, et de vous compter au nombre des Esprits qui veulent bien concourir à notre instruction. Nous espérons que vous voudrez bien vous rendre à notre appel, et, dans ce cas, nous prendrons la liberté de vous adresser les questions suivantes :

1° Que pensez-vous de la notice qu'on vient de lire et des réflexions qui l'accompagnent ?

2° Quelle est l'origine de votre goût inné pour les études médicales ?

3° Par quelle voie receviez-vous les inspirations qui vous étaient données pour le traitement des malades ?

4° Pouvez-vous, comme Esprit, continuer de rendre les services que vous rendiez comme incarnée, lorsque vous seriez appelée par un malade, à l'aide d'un Médium ?

Réponse. – Je vous remercie, monsieur le président, des paroles bienveillantes que vous avez bien voulu prononcer à mon intention, et j'accepte volontiers l'éloge que vous avez fait de mon caractère. Il est, je crois, l'expression de la vérité, et je n'aurai point l'orgueil ou la fausse modestie de le récuser. Instrument choisi par la Providence, sans doute à cause de ma bonne volonté et de l'aptitude particulière qui favorisait l'exercice de ma faculté, je n'ai fait que mon devoir en me consacrant au soulagement de ceux qui se réclamaient à mon secours. Accueillie quelquefois par la reconnaissance, souvent par l'oubli, mon cœur ne s'est pas plus enorgueilli des suffrages des uns qu'il n'a souffert de l'ingratitude des autres, attendu que je savais fort bien être indigne des uns et me mettre au-dessus des autres.

Mais c'est assez s'occuper de ma personne ; venons-en à la faculté qui m'a valu l'honneur d'être appelée au milieu de cette Société sympathique, où l'on aime à reposer sa vue, surtout lorsqu'on a été comme moi en butte à la calomnie et aux attaques malveillantes de ceux dont on a froissé les croyances ou gêné les intérêts. Que Dieu leur pardonne comme je l'ai fait moi-même !

Dès ma plus tendre enfance, et par une sorte d'attrait naturel, je me suis occupée de l'étude des plantes et de leur action salutaire sur le corps humain. D'où me venait ce goût ordinairement peu naturel à mon sexe ? Je l'ignorais alors, mais je sais aujourd'hui que ce n'était pas la première fois que la santé humaine était l'objet de mes plus vives préoccupations : j'avais été médecin. Quant à la faculté particulière qui me permettait de voir à distance le diagnostic des affections de certains malades (car je ne voyais pas pour tout le monde), et de prescrire les médicaments qui devaient rendre la santé, elle était toute semblable à celle de vos Médiums médecins actuels ; comme eux, j'étais en rapport avec un être occulte qui se disait Esprit, et dont l'influence salutaire m'a aidée puissamment à soulager les infortunés qui se réclamaient à moi. Il m'avait prescrit le désintéressement le plus complet, sous peine de perdre instantanément une faculté qui faisait mon bonheur. Je ne sais pour quelle raison, peut-être parce qu'il eût été prématuré de dévoiler l'origine de mes prescriptions, il m'avait également recommandé, de la manière la plus formelle, de ne point dire de qui je tenais les ordonnances que j'adressais à mes malades. Enfin, il considérait le désintéressement moral, l'humilité et l'abnégation comme une des conditions essentielles à la perpétuation de ma faculté. J'ai suivi ses conseils et m'en suis bien trouvée.

Vous avez raison, monsieur, de dire que les médecins seront appelés un jour à jouer un rôle de même nature que le mien, lorsque le Spiritisme aura pris l'influence considérable qui le fera, dans l'avenir, l'instrument universel du progrès et du bonheur des peuples ! Oui, certains médecins auront des facultés de cette nature, et pourront rendre des services d'autant plus grands que leurs connaissances acquises leur permettront plus facilement de s'assimiler spirituellement les instructions qui leur seront données. Il est un fait que vous avez dû remarquer, c'est que les instructions qui traitent de sujets spéciaux sont d'autant plus facilement, et d'autant plus largement développées, que les connaissances personnelles du Médium sont plus rapprochées de la nature de celles qu'il est appelé à transmettre. Aussi, je pourrais certainement prescrire des traitements aux malades qui s'adresseraient à moi pour obtenir leur guérison, mais je ne le ferais pas avec la même facilité avec tous les instruments ; tandis que les uns transmettraient facilement mes ordonnances, d'autres ne pourraient le faire qu'incorrectement ou incomplètement. Cependant, si mon concours peut vous être utile, en quelque circonstance que ce soit, je me ferai un plaisir de vous aider dans vos travaux selon la mesure de mes connaissances, hélas ! bien bornées en dehors de certaines attributions spéciales.

Adèle de Clérambert.

Remarque. L'Esprit signe Adèle, tandis que, de son vivant, elle s'appelait Adélaïde ; lui en ayant demandé la raison, elle a répondu qu'Adèle était son véritable nom, et que ce n'était que par une habitude d'enfance qu'on l'appelait Adélaïde.

Les Médecins-Médiums

Madame la comtesse de Clérambert, dont nous avons parlé dans l'article précédent, offrait une des variétés de la faculté de guérir qui se présente sous une infinité d'aspects et de nuances appropriées aux aptitudes spéciales de chaque individu. Elle était, à notre avis, le type de ce que pourraient être beaucoup de médecins ; de ce que beaucoup seront sans doute quand ils entreront dans la voie de la spiritualité que leur ouvre le Spiritisme, car beaucoup verront se développer en eux des facultés intuitives qui leur seront d'un précieux secours dans la pratique.

Nous l'avons dit, et nous le répétons, ce serait une erreur de croire que la médiumnité guérissante vient détrôner la médecine et les médecins ; elle vient leur ouvrir une nouvelle voie, leur montrer, dans la nature, des ressources et des forces qu'ils ignoraient, et dont ils peuvent faire bénéficier la science et leurs malades ; leur prouver en un mot qu'ils ne savent pas tout, puisqu'il y a des gens qui, en dehors de la science officielle, obtiennent ce qu'ils n'obtiennent pas eux-mêmes. Nous ne faisons donc aucun doute qu'il n'y ait un jour des médecins-médiums, comme il y a des médiums-médecins, qui, à la science acquise, joindront le don de facultés médianimiques spéciales.

Seulement, comme ces facultés n'ont de valeur effective que par l'assistance des Esprits, qui peuvent en paralyser les effets en retirant leur concours, qui déjouent à leur gré les calculs de l'orgueil et de la cupidité, il est évident qu'ils ne prêteront pas leur assistance à ceux qui les renieraient, et entendraient se servir d'eux secrètement au profit de leur propre réputation et de leur fortune. Comme les Esprits travaillent pour l'humanité, et ne viennent pas pour servir les intérêts égoïstes individuels ; qu'ils agissent, en tout ce qu'ils font, en vue de la propagation des doctrines nouvelles, il leur faut des soldats courageux et dévoués, et ils n'ont que faire des poltrons qui ont peur de l'ombre de la vérité. Ils seconderont donc ceux qui mettront, sans réticence et sans arrière-pensée, leurs aptitudes au service de la cause qu'ils s'efforcent de faire prévaloir.

Le désintéressement matériel, qui est un des attributs essentiels de la médiumnité guérissante, sera-t-il aussi une des conditions de la médecine médianimique ? Comment alors concilier les exigences de la profession avec une abnégation absolue ?

Ceci demande quelques explications, car la position n'est plus la même.

La faculté du médium guérisseur ne lui a rien coûté ; elle n'a exigé de lui ni étude, ni travail, ni dépenses ; il l'a reçue gratuitement pour le bien d'autrui, il en doit user gratuitement. Comme il faut vivre avant tout, s'il n'a pas, par lui-même, des ressources qui le rendent indépendant, il doit en chercher les moyens dans son travail ordinaire, comme il l'eût fait avant de connaître la médiumnité ; il ne donne à l'exercice de sa faculté que le temps qu'il peut matériellement y consacrer. S'il prend ce temps sur son repos, et s'il emploie à se rendre utile à ses semblables celui qu'il aurait consacré à des distractions mondaines, c'est du véritable dévouement, et il n'en a que plus de mérite. Les Esprits n'en demandent pas davantage et n'exigent aucun sacrifice déraisonnable. On ne pourrait considérer comme du dévouement et de l'abnégation l'abandon de son état pour se livrer à un travail moins pénible et plus lucratif. Dans la protection qu'ils accordent, les Esprits, auxquels on ne peut en imposer, savent parfaitement distinguer les dévouements réels des dévouements factices.

Tout autre serait la position des médecins-médiums. La médecine est une des carrières sociales que l'on embrasse pour s'en faire un état, et la science médicale ne s'acquiert qu'à titre onéreux, par un labeur assidu souvent pénible ; le savoir du médecin est donc un acquis personnel, ce qui n'est pas le cas de la médiumnité. Si, au savoir humain, les Esprits ajoutent leur concours par le don d'une aptitude médianimique, c'est pour le médecin un moyen de plus de s'éclairer, d'agir plus sûrement et plus efficacement, ce dont il doit être reconnaissant, mais il n'en est pas moins toujours médecin ; c'est son état, qu'il ne le quitte pas pour se faire médium ; il n'y a donc rien de répréhensible à ce qu'il continue d'en vivre, et cela avec d'autant plus de raison que l'assistance des Esprits est souvent inconsciente, intuitive, et que leur intervention se confond parfois avec l'emploi des moyens ordinaires de guérison.

De ce qu'un médecin deviendrait médium, et serait assisté par les Esprits dans le traitement de ses malades, il ne s'ensuivrait donc pas qu'il dût renoncer à toute rémunération, ce qui l'obligerait à chercher en dehors de la médecine des moyens d'existence, et par le fait à renoncer à son état. Mais s'il est animé du sentiment des obligations que lui impose la faveur qui lui est accordée, il saura concilier ses intérêts avec les devoirs de l'humanité.

Il n'en est pas de même du désintéressement moral qui peut et doit dans tous les cas être absolu. Celui qui, au lieu de voir dans la faculté médianimique un moyen de plus d'être utile à ses semblables, n'y chercherait qu'une satisfaction d'amour-propre ; qui se ferait un mérite personnel des succès qu'il obtient par ce moyen, en dissimulant la cause véritable, manquerait à son premier devoir. Celui qui, sans renier les Esprits, ne verrait dans leur concours, direct ou indirect, qu'un moyen de suppléer à l'insuffisance de sa clientèle productive, de quelque apparence philanthropique qu'il se couvre aux yeux des hommes, ferait, par cela même, acte d'exploitation ; dans l'un et l'autre cas de tristes déceptions en seraient la conséquence inévitable, parce que les simulacres et les faux-fuyants ne peuvent abuser les Esprits qui lisent au fond de la pensée.

Nous avons dit que la médiumnité guérissante ne tuera ni la médecine ni les médecins, mais elle ne peut manquer de modifier profondément la science médicale. Il y aura sans doute toujours des médiums guérisseurs, parce qu'il y en a toujours eu, et que cette faculté est dans la nature ; mais ils seront moins nombreux et moins recherchés à mesure que le nombre des médecins-médiums augmentera, et lorsque la science et la médiumnité se prêteront un mutuel appui. On aura plus de confiance dans les médecins quand ils seront médiums, et plus de confiance dans les médiums quand ils seront médecins.

On ne peut contester les vertus curatives de certaines plantes et autres substances que la Providence a mises sous la main de l'homme, en plaçant le remède à côté du mal ; l'étude de ces propriétés est du ressort de la médecine. Or, comme les médiums guérisseurs n'agissent que par l'influence fluidique, sans l'emploi de médicaments, s'ils devaient un jour supplanter la médecine, il en résulterait qu'en dotant les plantes de propriétés curatives, Dieu aurait fait une chose inutile, ce qui n'est pas admissible. Il faut donc considérer la médiumnité guérissante comme un mode spécial et non comme un moyen absolu de guérison ; le fluide, comme un nouvel agent thérapeutique applicable à certains cas, et venant ajouter une nouvelle ressource à la médecine ; par conséquent, la médiumnité guérissante et la médecine, comme devant désormais marcher concurremment, destinées à s'entraider, à se suppléer et à se compléter, l'une par l'autre. Voilà pourquoi on peut être médecin sans être médium guérisseur, et médium guérisseur sans être médecin.

Alors pourquoi cette faculté se développe-t-elle aujourd'hui à peu près exclusivement chez les ignorants plutôt que chez les hommes de science ? Par la raison bien simple que, jusqu'à présent, les hommes de science la repoussent ; quand ils l'accepteront, ils la verront se développer parmi eux comme parmi les autres. Celui qui la posséderait aujourd'hui, irait-il la proclamer ? Non ; il la cacherait avec le plus grand soin. Puisqu'elle serait inutile entre ses mains, à quoi bon la lui donner ? autant vaudrait donner un violon à un homme qui ne sait pas ou ne veut pas en jouer.

A cet état de choses, il y a un autre motif capital. En donnant à des ignorants le don de guérir des maux que ne peuvent guérir les savants, c'est pour prouver à ceux-ci qu'ils ne savent pas tout, et qu'il y a des lois naturelles en dehors de celles que reconnaît la science. Plus la distance entre l'ignorance et le savoir est grande, plus le fait est évident. Lorsqu'il se produit chez celui qui ne sait rien, c'est une preuve certaine que le savoir humain n'y est pour rien.

Mais comme la science ne peut être un attribut de la matière, la connaissance du mal et des remèdes par intuition, ainsi que la faculté voyante, ne peuvent être les attributs que de l'Esprit ; elles prouvent en l'homme l'existence de l'être spirituel, doué de perceptions indépendantes des organes corporels, et souvent des connaissances acquises antérieurement, dans une précédente existence. Ces phénomènes ont donc à la fois pour conséquence d'être utiles à l'humanité, et de prouver l'existence du principe spirituel.

Le caïd Hassan, guérisseur tripolitain ou la Bénédiction du sang

Le fait suivant, publié dans le Tour du monde, pages 74 et suivantes, est tiré des Promenades dans la Tripolitaine, par M. le baron de Krafft.

« J'ai souvent pour guide et pour compagnon de promenade dans mes courses hors de la ville, le cavas-bachi (chef des janissaires) du consulat de France, que le consul général a l'obligeance de mettre à ma disposition. C'est un magnifique nègre du Ouadaï, haut de six pieds, et qui, malgré sa barbe grisonnante, a conservé toute l'activité et toute l'énergie de la jeunesse. Le caïd Hassan n'est pas un homme du commun : il a gouverné pendant dix-huit ans, au temps des Caramanlys, la tribu des Ouerchéfâna, et nul n'a su mieux que lui tenir en bride cette peuplade remuante. Brave jusqu'à la témérité, il a toujours défendu les intérêts de ses administrés contre les tribus voisines, et, au besoin, contre le gouvernement lui-même ; mais, en même temps, les siens ne pouvaient pas davantage se livrer à leurs caprices, et l'on ne badinait pas avec la sévérité du caïd Hassan. Pour lui, la vie d'un homme était à peine plus précieuse que celle d'un mouton, et certainement on l'embarrasserait bien en lui demandant le nombre exact des têtes qu'il a fait tomber de sa main, tant sa conscience est tranquille à cet égard. Excellent homme, du reste, et tout dévoué au consulat qu'il sert depuis dix ans.

Dans une de nos premières sorties, je vis un groupe de cinq ou six femmes s'approcher de lui d'un air suppliant. Deux d'entre elles avaient dans les bras de pauvres petits enfants à la mamelle, dont le visage, la tête et le cou étaient couverts d'une plaque dartreuse et de croûtes purulentes. C'était affreux et dégoûtant à voir.

– Notre père, dirent les mères désolées au caïd Hassan, c'est le prophète de Dieu qui t'amène auprès de notre maison, car nous voulions aller à la ville pour te trouver et voilà bien dix jours que nous en attendons l'occasion. Le djardoun (petit lézard blanc très inoffensif) a passé sur notre sein, et a empoisonné notre lait ; vois l'état de tes enfants, et guéris-les pour que Dieu te bénisse.

– Es-tu donc médecin ? dis-je à mon compagnon.

– Non, me répondit-il, mais j'ai la bénédiction du sang sur les mains, et quiconque l'a comme moi peut, comme moi, guérir cette maladie. C'est un don naturel de tout homme dont le bras a coupé quelques têtes. – Allons, les femmes, donnez ce qu'il faut.

Et aussitôt, une des mères présente au docteur une poule blanche, sept œufs et trois pièces de vingt paras ; puis, elle s'accroupit à ses pieds, élevant au-dessus de sa tête le petit patient. Hassan tire gravement de sa ceinture son briquet et sa pierre à fusil, comme s'il voulait allumer une pipe. Bismillah ! (au nom de Dieu !) dit-il, et il se met à faire jaillir du silex de nombreuses étincelles sur l'enfant malade, tout en récitant le sourat-el-fatéha, le premier chapitre du Coran.

L'opération terminée, l'autre enfant eut son tour, moyennant la même offrande, et les femmes partirent joyeuses après avoir baisé respectueusement la main qui venait de rendre la santé à leurs fils.

Il paraît que ma figure décelait clairement mon incrédulité, car le caïd Hassan, tout en ramassant, pour les emporter, les honoraires de sa cure merveilleuse, cria à ses clientes : « Ne manquez pas de venir dans sept jours me présenter vos enfants à la skifa du consulat. » (La skifa est le vestibule extérieur, la salle d'attente dans les grandes maisons.)

En effet, une semaine plus tard, les petites créatures me furent représentées ; l'une était guérie complètement, l'autre n'avait plus que quelques cicatrices d'une apparence fort satisfaisante, indiquant une guérison toute prochaine. Je demeurai stupéfait, mais non convaincu ; cependant, plus de vingt expériences semblables m'ont depuis forcé de croire à l'incroyable vertu des mains bénies par le sang. »

Il y a des gens que les faits même les plus patents ne peuvent convaincre ; il faut toutefois convenir que, dans celui-ci, il est logiquement permis de ne pas croire à l'efficacité de la bénédiction du sang, obtenue surtout dans de telles conditions, pas plus qu'à celle des étincelles du briquet. Cependant le fait matériel de la guérison n'en existe pas moins ; s'il n'a pas cette cause, il doit en avoir une autre ; si vingt expériences pareilles, à la connaissance du narrateur, sont venues le confirmer, cette cause ne peut être fortuite, et doit procéder d'une loi ; or, cette loi n'est autre que la faculté guérissante dont cet homme était doué. Dans son ignorance du principe, il attribuait cette faculté à ce qu'il appelait la bénédiction du sang, croyance en rapport avec les mœurs du pays où la vie d'un homme est comptée pour rien. Le briquet et les autres formules sont des accessoires qui n'ont de valeur que dans son imagination, et qui servent sans doute, par l'importance qu'il y attache, à lui donner plus de confiance en lui-même, et, par suite, à augmenter sa puissance fluidique.

Ce fait soulève naturellement une question de principe touchant le don de la faculté de guérir, et à laquelle répond la communication suivante donnée à ce sujet.

(Société de Paris, 23 février 1867, méd. M. Desliens.)

On s'étonne quelquefois, avec une apparence de raison, de rencontrer chez des individus indignes des facultés remarquablement développées, et qui sembleraient devoir être, de préférence, le partage des hommes vertueux et dépourvus de préjugés ; et cependant l'histoire des siècles passés présente, presque à chaque page, des exemples de médiumnités remarquables possédées par des Esprits inférieurs et impurs, par des fanatiques sans raison ! Quel peut être le motif d'une telle anomalie ?

Il n'y a cependant rien là qui puisse étonner, et une étude un peu sérieuse et réfléchie du problème en donnera la clef.

Lorsque des phénomènes saillants, appartenant à l'ordre extracorporel, sont produits, qu'arrive-t-il en effet ? – C'est que des individualités incarnées servent d'organes de transmission à la manifestation. Elles sont des instruments mus par une volonté extérieure. Or, demandera-t-on à un simple instrument ce que l'on exigerait de l'artiste qui le met en vibration ?… S'il est évident qu'un bon piano soit préférable à celui qui serait défectueux, il ne l'est pas moins que l'on distinguera, sur l'un comme sur l'autre, la touche de l'artiste de celle de l'écolier. – Si donc, l'Esprit qui intervient dans la guérison rencontre un bon instrument, il s'en servira volontiers ; sinon il emploiera celui qui s'offrira à lui, quelque défectueux qu'il soit.

Il faut aussi considérer que, dans l'exercice de la faculté médianimique, et en particulier dans l'exercice de la médiumnité guérissante, il peut se présenter deux cas bien distincts : ou le médium peut être guérisseur de son chef, ou il peut n'être que l'agent plus ou moins passif d'un moteur extracorporel.

Dans le premier cas, il ne pourra agir que si ses vertus et sa puissance morale le lui permettent. Il sera un exemple dans sa conduite privée ou publique, un modèle, un missionnaire venu pour servir de guide ou de signe de ralliement aux hommes de bonne volonté. Le Christ est la personnification suprême du guérisseur.

Quant à celui qui n'est que médium, étant instrument, il peut être plus ou moins défectueux, et les actes qui s'opèrent par son intermédiaire ne l'empêchent en aucune façon d'être imparfait, égoïste, orgueilleux ou fanatique. Membre de la grande famille humaine, au même titre que la généralité, il participe à toutes ses faiblesses.

Souvenez-vous de ces paroles de Jésus : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin. » Il faut donc voir une marque de la bonté de la Providence dans ces facultés qui se développent dans les milieux et chez des gens imparfaits ; c'est un moyen de leur donner la foi qui les amènera tôt ou tard au bien ; si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain ; ce sont des semences qui ne sont pas perdues, car, vous, Spirites, vous savez que rien ne se perd pour l'Esprit.

S'il n'est pas rare de rencontrer chez les natures les plus abruptes, moralement et physiquement, des facultés transcendantes, cela tient également à ce que ces individualités n'ayant que peu ou point de volonté personnelle, se bornent à laisser agir l'influence qui les dirige. On pourrait dire qu'ils opèrent d'instinct, tandis qu'une intelligence plus développée, voulant se rendre compte de la cause qui la met en mouvement, se mettrait parfois dans des conditions qui ne permettraient pas un accomplissement aussi facile des desseins providentiels.

Quelque bizarres et inexplicables que soient les effets qui se produisent sous vos yeux, étudiez-les attentivement avant d'en considérer un seul comme une infraction aux lois éternelles du Maître suprême ! Il n'en est pas un qui n'affirme son existence, sa justice et sa sagesse éternelles, et, si l'apparence dit le contraire, croyez bien que ce n'est qu'une apparence qui disparaîtra pour faire place à la réalité, avec une étude plus approfondie des lois connues et la connaissance de celles dont la découverte est réservée à l'avenir.

Clélie Duplantier.

Le zouave Jacob

La faculté guérissante étant à l'ordre du jour, on ne sera pas surpris que nous y ayons consacré la plus grande partie de ce numéro, et assurément nous sommes loin d'avoir épuisé le sujet ; c'est pourquoi nous y reviendrons.

Pour fixer tout d'abord les idées d'un grand nombre de personnes intéressées dans la question relative à M. Jacob, et qui nous ont écrit ou pourraient nous écrire à son sujet, nous disons :

1° Que les séances de M. Jacob sont suspendues ; qu'ainsi il serait inutile de se présenter au lieu où il les tenait, rue de la Roquette, 80, et qu'il ne les a, jusqu'à présent, reprises nulle part. Le motif a été l'encombrement excessif qui gênait la circulation dans une rue très fréquentée et dans une impasse occupée par un grand nombre d'industriels qui se trouvaient empêchés dans leurs affaires, ne pouvant ni recevoir les clients, ni expédier leurs marchandises. En ce moment M. Jacob n'a de séances ni publiques ni particulières.

2° Vu l'affluence, chacun devant attendre son tour assez longtemps, à ceux qui nous ont demandé, ou voudraient nous demander à l'avenir si, connaissant personnellement M. Jacob, sur notre recommandation ils pourraient obtenir un tour de faveur, nous dirons que nous ne l'avons jamais demandé et que nous ne le demanderions jamais, sachant que ce serait inutile. Si des tours de faveur eussent été accordés, c'eût été au préjudice de ceux qui attendent, et cela n'eût pas manqué de soulever des réclamations fondées. M. Jacob n'a fait d'exception pour personne ; le riche devait attendre comme le malheureux, parce qu'en définitive le malheureux souffre autant que le riche ; il n'a pas, comme celui-ci, le confortable pour compensation, et de plus, souvent il attend la santé pour avoir de quoi vivre. Nous en félicitons M. Jacob, et s'il n'eût pas agi ainsi, nous n'aurions pas fait, en sollicitant une faveur, une chose que nous aurions blâmée en lui.

3° Aux malades qui nous ont demandé, ou pourraient nous demander, si nous leur conseillons de faire le voyage de Paris, nous disons : M. Jacob ne guérit pas tout le monde, ainsi qu'il le déclare lui-même ; il ne sait jamais d'avance s'il guérira ou non un malade ; ce n'est que lorsqu'il est en sa présence qu'il juge de l'action fluidique, et voit le résultat ; c'est pourquoi il ne promet jamais rien et ne répond de rien. Engager quelqu'un à faire le voyage de Paris, ce serait prendre une responsabilité sans certitude de succès. C'est donc une chance à courir, et si l'on n'obtient pas de résultat, on en est quitte pour ses frais de voyage, tandis qu'on dépense souvent en consultations des sommes énormes sans plus de réussite. Si l'on n'est pas guéri, on ne peut pas dire qu'on a payé des soins en pure perte.

4° A ceux qui nous demandent si, en indemnisant M. Jacob de ses frais de voyage, puisqu'il ne veut point accepter d'honoraires, il consentirait à se rendre dans telle ou telle localité pour soigner un malade, nous répondons : M. Jacob ne se rend point aux invitations de ce genre, par les raisons qui sont développées ci-dessus. Ne pouvant répondre d'avance du résultat, il regarderait comme une indélicatesse d'induire en dépense sans certitude ; et en cas de non-réussite, ce serait donner prise à la critique.

5° A ceux qui écrivent à M. Jacob, ou qui nous envoient des lettres pour les lui faire parvenir, nous disons : M. Jacob a chez lui une armoire pleine de lettres qu'il ne lit pas, et il ne répond à personne. Que pourrait-il dire, en effet ? Il ne guérit point d'ailleurs par correspondance. Faire des phrases ? ce n'est pas son genre ; dire si telle maladie est guérissable par lui ? il n'en sait rien ; de ce qu'il a guéri une personne de telle maladie, il ne s'ensuit pas qu'il guérisse la même maladie chez une autre personne, parce que les conditions fluidiques ne sont plus les mêmes ; indiquer un traitement ? il n'est pas médecin, et il se garderait bien de donner cette arme contre lui.

Lui écrire est donc peine inutile. La seule chose à faire, dans le cas où il reprendrait ses séances, que l'on a à tort qualifiées de consultations, puisqu'on ne le consulte pas, c'est de s'y présenter comme le premier venu, de prendre son rang, d'attendre patiemment et d'en courir la chance. Si l'on n'est pas guéri, on ne peut se plaindre d'avoir été trompé, puisqu'il ne promet rien.

Il y a des sources qui ont la propriété de guérir certaines maladies ; on s'y rend ; les uns s'en trouvent bien, d'autres ne sont que soulagés, d'autres enfin n'en éprouvent rien du tout. Il faut considérer M. Jacob comme une source de fluides salutaires, à l'influence desquels on va se soumettre, mais qui n'étant pas une panacée universelle, ne guérit pas tous les maux, et peut être plus ou moins efficace, selon les conditions du malade.

Mais enfin, y a-t-il eu des guérisons ? Un fait répond à cette question : Si personne n'avait été guéri, la foule ne s'y serait pas portée comme elle l'a fait.

Mais la foule crédule ne peut-elle avoir été abusée par de fausses apparences, et s'y rendre sur la foi d'une réputation usurpée ? Des compères ne peuvent-ils avoir simulé des maladies pour avoir l'air d'être guéris ?

Cela s'est vu sans doute, et se voit tous les jours, quand des compères ont intérêt à jouer la comédie. Or, ici, quel profit en auraient-ils tiré ? Qui les aurait payés ? Ce n'est pas assurément M. Jacob sur sa paye de musicien des zouaves ; ce n'est pas non plus en leur faisant une remise sur le prix de ses consultations, puisqu'il ne recevait rien. On comprend que celui qui veut se faire une clientèle à tout prix emploie de pareils moyens ; mais M. Jacob n'avait aucun intérêt à attirer la foule à lui ; il ne l'a pas appelée, c'est elle qui est venu à lui, et l'on peut dire malgré lui. S'il n'y avait pas eu des faits, personne ne serait venu, puisqu'il n'appelait personne. Les journaux ont sans doute contribué à augmenter le nombre des visiteurs, mais ils n'en ont parlé que parce que la foule existait déjà, sans cela ils n'en auraient rien dit, M. Jacob ne les ayant pas priés de parler de lui, ni payés pour lui faire de la réclame. Il faut donc écarter toute idée de subterfuges qui n'auraient eu aucune raison d'être dans la circonstance dont il s'agit.

Pour apprécier les actes d'un individu, il faut chercher l'intérêt qui peut le solliciter dans sa manière d'agir ; or, il est avéré qu'il n'y en avait aucun de la part de M. Jacob ; qu'il n'y en avait pas davantage pour M. Dufayet, qui donnait son local gratuitement, et mettait ses ouvriers au service des malades, pour monter les infirmes, et cela au préjudice de ses propres intérêts ; enfin que des compères n'avaient rien à gagner.

Les guérisons opérées par M. Jacob en ces derniers temps étant dans le même genre que celles qu'il a obtenues l'année dernière au camp de Châlons, et les faits s'étant passés à peu près de la même manière, seulement sur une plus grande échelle, nous renvoyons nos lecteurs aux comptes rendus et aux appréciations que nous en avons donnés dans la Revue d'octobre et de novembre 1866. Quant aux incidents particuliers de cette année, nous ne pourrions que répéter ce que tout le monde a su par la voie des journaux. Nous nous bornerons donc, quant à présent, à quelques considérations générales sur le fait en lui-même.

Il y a environ deux ans, les Esprits nous avaient annoncé que la médiumnité guérissante prendrait de grands développements, et serait un puissant moyen de propagation pour le Spiritisme. Jusque-là il n'y avait eu que des guérisseurs opérant pour ainsi dire dans l'intimité et sans bruit. Nous dîmes aux Esprits que, pour que la propagation fût plus rapide, il faudrait qu'il en surgît d'assez puissants pour que les guérisons eussent du retentissement dans le public. – Cela aura lieu, nous fut-il répondu, et il y en aura plus d'un.

Cette prévision a eu un commencement de réalisation l'année dernière au camp de Châlons, et Dieu sait si le retentissement a manqué cette année aux guérisons de la rue de la Roquette, non-seulement en France, mais à l'étranger.

L'émotion générale que ces faits ont causée est justifiée par la gravité des questions qu'ils soulèvent. Il ne faut pas s'y tromper, ce n'est pas ici un de ces événements de simple curiosité qui passionnent un moment la foule avide de nouveautés et de distractions. On ne se distrait pas au spectacle des misères humaines ; la vue de ces milliers de malades courant après la santé qu'ils n'ont pu trouver dans les ressources de la science, n'a rien de réjouissant, et fait faire de sérieuses réflexions.

Oui, il y a ici autre chose qu'un phénomène vulgaire. On s'étonne sans doute de guérisons obtenues dans des conditions si exceptionnelles qu'elles semblent tenir du prodige ; mais ce qui impressionne plus encore que le fait matériel, c'est qu'on y pressent la révélation d'un principe nouveau dont les conséquences sont incalculables, d'une de ces lois longtemps restées voilées dans le sanctuaire de la nature, qui, à leur apparition, changent le cours des idées et modifient profondément les croyances.

Une secrète intuition dit que si les faits en question sont réels, c'est plus qu'un changement dans les habitudes, plus qu'un déplacement d'industrie : c'est un élément nouveau introduit dans la société, un nouvel ordre d'idées qui s'établit.

Bien que les événements du camp de Châlons aient préparé à ce qui vient de se passer, par suite de l'inactivité de M. Jacob pendant un an, on les avait presque oubliés ; l'émotion s'était calmée ; lorsque, tout à coup, les mêmes faits éclatent au sein de la capitale, et prennent subitement des proportions inouïes. On s'est pour ainsi dire réveillé comme au lendemain d'une révolution, et l'on ne s'abordait qu'en se demandant : Savez-vous ce qui se passe rue de la Roquette ? Avez-vous des nouvelles ? On se passait les journaux comme s'il s'était agi d'un grand événement. En quarante-huit heures, la France entière en fut instruite.

Il y a dans cette instantanéité quelque chose de remarquable et de plus important qu'on ne croit.

L'impression du premier moment a été celle de la stupeur : personne n'a ri. La presse facétieuse elle-même a simplement relaté les faits et les ouï-dire sans commentaires ; chaque jour elle en donnait le bulletin, sans se prononcer ni pour ni contre, et l'on a pu remarquer que la plupart des articles n'étaient point faits sur le ton de la raillerie ; ils exprimaient le doute, l'incertitude sur la réalité de faits aussi étranges, mais en penchant plutôt vers l'affirmation que vers la négation. C'est que le sujet, par lui-même, était sérieux ; il s'agissait de la souffrance, et la souffrance a quelque chose de sacré qui impose le respect ; en pareil cas la plaisanterie serait déplacée et universellement réprouvée. On ne vit jamais la verve railleuse s'exercer devant un hôpital, même de fous, ou un convoi de blessés. Des hommes de cœur et de sens ne pouvaient manquer de comprendre que, dans une chose qui touche à une question d'humanité, la moquerie eût été malséante, car c'eût été insulter à la douleur. Aussi est-ce avec un sentiment pénible et une sorte de dégoût qu'on voit aujourd'hui le spectacle de ces malheureux infirmes reproduit grotesquement sur les tréteaux, et traduit en chansons burlesques. En admettant de leur part une crédulité puérile et une espérance mal fondée, ce n'est pas une raison pour manquer au respect que l'on doit à la souffrance.

En présence d'un tel retentissement, la dénégation absolue était difficile ; le doute seul est permis à celui qui ne sait pas ou qui n'a pas vu ; parmi les incrédules de bonne foi et par ignorance, beaucoup ont compris qu'il y aurait imprudence à s'inscrire prématurément en faux contre des faits qui pouvaient un jour ou l'autre recevoir une consécration et leur consécration et leur donner un démenti. Sans donc rien nier ni affirmer, la presse s'est généralement bornée à consigner l'état des choses, laissant à l'expérience le soin de les confirmer ou de les démentir, et surtout de les expliquer ; c'était le parti le plus sage.

Le premier moment de surprise passé, les adversaires obstinés de toute chose nouvelle qui contrarie leurs idées, un instant abasourdis par la violence de l'irruption, ont pris courage, quand ils ont vu surtout que le zouave était patient et d'humeur pacifique ; ils ont commencé l'attaque, et engagé contre lui une charge à fond de train avec les armes habituelles de ceux qui n'ont pas de bonnes raisons à opposer : la raillerie et la calomnie à outrance ; mais leur polémique acrimonieuse décèle la colère et un embarras évident, et leurs arguments qui, pour la plupart, portent à faux et sur des allégations notoirement inexactes, ne sont pas de ceux qui convainquent, car ils se réfutent par eux-mêmes.

Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici d'une question de personne ; que M. Jacob succombe ou non dans la lutte, c'est une question de principes qui est en jeu, qui est posée avec un immense retentissement, et qui suivra son cours. Elle remet en mémoire les innombrables faits du même genre dont l'histoire fait mention, et qui se multiplient de nos jours. Si c'est une vérité, elle n'est pas incarnée dans un homme, et rien ne saurait l'étouffer ; la violence même des attaques prouve qu'on a peur que ce ne soit une vérité.

En cette circonstance, ceux qui témoignent le moins de surprise et s'émeuvent le moins, ce sont les Spirites, par la raison que ces sortes de faits n'ont rien dont ils ne se rendent parfaitement compte ; connaissant la cause, ils ne s'étonnent pas de l'effet.

Quant à ceux qui ne connaissent ni la cause du phénomène ni la loi qui le régit, ils se demandent naturellement si c'est une illusion ou une réalité ; si M. Jacob est un charlatan ; s'il guérit réellement toutes les maladies ; s'il est doué d'un pouvoir surnaturel et de qui il le tient ; si nous sommes revenus au temps des miracles ? En voyant la foule qui l'assiège et le suit, comme jadis celle qui suivait Jésus en Galilée, quelques-uns se demandent même s'il ne serait pas le Christ réincarné, tandis que d'autres prétendent que sa faculté est un présent du diable.

Toutes ces questions sont depuis longtemps résolues pour les Spirites qui en ont la solution dans les principes de la doctrine. Néanmoins, comme il en peut sortir plusieurs enseignements importants, nous les examinerons dans un prochain article, dans lequel nous ferons également ressortir l'inconséquence de certaines critiques.



Dissertations Spirites

Conseils sur la médiumnité guérissante

I

(Paris. 12 mars 1867, groupe Desliens ; Méd. M. Desliens.)

Comme il vous l'a été dit maintes fois déjà dans différentes instructions, la médiumnité guérissante, de concert avec la faculté voyante, est appelée à jouer un grand rôle dans la période actuelle de la révélation. Ce sont les deux agents qui coopèrent avec le plus de puissance à la régénération de l'humanité et à la fusion de toutes les croyances en une seule croyance, tolérante, progressive, universelle.

Lorsque, récemment, je me suis communiqué dans une réunion de la Société où l'on m'avait évoqué, je l'ai dit et je le répète, tout le monde possède plus ou moins la faculté guérissante, et si chacun voulait se consacrer sérieusement à l'étude de cette faculté, nombre de médiums qui s'ignorent pourraient rendre d'utiles services à leurs frères en humanité. Le temps ne m'a pas alors permis de développer toute ma pensée à cet égard ; je profiterai de votre appel pour le faire aujourd'hui.

En général, ceux qui recherchent la faculté guérissante ont pour unique désir d'obtenir le rétablissement de la santé matérielle, de rendre la liberté de son action à tel organe empêché dans ses fonctions par une cause matérielle quelconque. Mais, sachez-le bien, c'est là le moindre des services que cette faculté est appelée à rendre, et vous ne la connaîtriez que dans ses prémices et d'une manière tout à fait rudimentaire, si vous lui assigniez ce seul rôle… Non, la faculté guérissante a une mission plus noble et plus étendue !… Si elle peut rendre aux corps la vigueur de la santé, elle doit aussi donner aux âmes toute la pureté dont elles sont susceptibles, et c'est seulement dans ce cas qu'elle pourra être appelée curative dans le sens absolu du mot.

On vous l'a dit souvent, et vos instructeurs ne sauraient trop vous le répéter, l'effet apparent matériel, la souffrance, a presque constamment une cause morbide immatérielle, résidant dans l'état moral de l'Esprit. Si donc le médium guérisseur s'attaque au corps, il ne s'attaque qu'à l'effet, et la cause première du mal restant, l'effet peut se reproduire, soit sous sa forme primordiale, soit sous toute autre apparence. C'est souvent là une des raisons pour lesquelles telle maladie, subitement guérie par l'influence d'un médium, reparaît avec tous ses accidents, dès que l'influence bienfaisante s'éloigne, parce qu'il ne reste rien, absolument rien pour combattre la cause morbide.

Pour éviter ces retours, il faut que le remède spirituel attaque le mal dans sa base, comme le fluide matériel le détruit dans ses effets ; il faut, en un mot, traiter à la fois le corps et l'âme.

Pour être bon médium guérisseur, il faut que non-seulement le corps soit apte à servir de canal aux fluides matériels réparateurs, mais il faut encore que l'Esprit possède une puissance morale qu'il ne peut acquérir que par sa propre amélioration. Pour être médium guérisseur, il faut donc s'y préparer, non-seulement par la prière, mais par l'épuration de son âme, afin de traiter physiquement le corps par des moyens physiques, et d'influencer l'âme par la puissance morale.

Une dernière réflexion. On vous conseille de rechercher de préférence les pauvres qui n'ont d'autres ressources que la charité de l'hôpital ; je ne suis point tout à fait de cet avis. Jésus disait que le médecin a pour mission de soigner les malades et non ceux qui sont en bonne santé ; souvenez-vous qu'en fait de santé morale, il y a des malades partout, et que le devoir du médecin est de se porter partout où son secours est nécessaire.

Abbé Prince De Hohenlohe.


Conseils sur la médiumnité guérissante

II

(Société de Paris, 15 mars 1867 ; Méd. M. Desliens.)

Dans une communication récente, je parlais de la médiumnité guérissante à un point de vue plus large qu'elle n'a été considérée jusqu'ici, et je la faisais consister plutôt dans le traitement moral que dans le traitement physique des malades, ou tout au moins je réunissais ces deux traitements en un seul. Je vous demanderai de vous dire quelques mots à ce sujet.

La souffrance, la maladie, la mort même, dans les conditions sous lesquelles vous les connaissez, ne sont-elles pas plus spécialement le partage des mondes habités par les Esprits inférieurs ou peu avancés ? Le développement moral n'a-t-il pas pour but principal de conduire l'humanité au bonheur, en lui faisant acquérir des connaissances plus complètes, en le débarrassant des imperfections de toute nature qui ralentissent sa marche ascensionnelle vers l'infini ? Or, en améliorant l'Esprit des malades, ne les met-on pas dans de meilleures conditions pour supporter leurs souffrances physiques ? En s'attaquant aux vices, aux penchants mauvais, qui sont la source de presque toutes les désorganisations physiques, ne met-on pas ces désorganisations dans l'impossibilité de se reproduire ? En détruisant la cause, on empêche nécessairement l'effet de se manifester de nouveau.

La médiumnité guérissante peut donc comporter deux formes, et cette faculté ne sera à son apogée, chez ceux qui la possèderont, que lorsqu'ils réuniront en eux ces deux manières d'être. Elle peut comprendre uniquement le soulagement matériel des malades, et alors elle s'adresse aux incarnés ; elle peut comprendre l'amélioration morale des individus, et, dans ce cas, elle s'adresse aussi bien aux Esprits qu'aux hommes ; elle peut comprendre enfin l'amélioration morale comme le soulagement matériel, et, dans ce cas, la cause comme l'effet pourront être combattus victorieusement. Le traitement des Esprits obsesseurs est-il autre chose, en effet, qu'une sorte d'influence semblable à la médiumnité guérissante exercée de concert par des médiums et des Esprits sur une personnalité désincarnée ?

La médiumnité guérissante embrasse donc à la fois la santé morale et la santé physique, le monde des incarnés et celui des Esprits.

Abbé Prince de Hohenlohe.

Conseils sur la médiumnité guérissante

III

(Paris, 24 mars 1867. Médium, M. Rul.)

Je viens continuer l'instruction que j'ai donnée à un médium de la Société. Pourquoi doutiez-vous que je fusse venu à votre appel ? Ne savez-vous pas qu'un bon Esprit est toujours heureux d'aider ses frères de la terre dans la voie de l'amélioration et du progrès ?

Vous connaissez aujourd'hui ce que j'ai dit du rôle étendu réserve à la médiumnité guérissante ; vous savez que, selon l'état de votre âme et les aptitudes de votre organisme, vous pourrez, si Dieu vous le permet, guérir, soit les douleurs physiques, soit les souffrances morales, ou toutes les deux. Vous doutez d'être capable de faire l'un ou l'autre, parce que vous connaissez vos imperfections ; mais Dieu ne demande pas la perfection, la pureté absolue aux hommes de la terre. A ce titre, nul parmi vous ne serait digne d'être médium guérisseur. Dieu vous demande de vous améliorer, de faire des efforts constants pour vous purifier, et il vous tient compte de votre bonne volonté.

Puisque vous désirez sérieusement soulager vos frères qui souffrent physiquement et moralement, ayez confiance, espérez que le Seigneur vous accordera cette faveur. Mais, je vous le répète, ne soyez pas exclusif dans le choix de vos malades ; tous, quels qu'ils soient, riches ou pauvres, croyant ou incrédules, bons ou méchants, tous ont droit à votre secours. Est-ce que le Seigneur prive les méchants de la chaleur bienfaisante du soleil qui réchauffe, qui ranime, qui vivifie ? Est-ce que la lumière est refusée à quiconque ne se prosterne pas devant la bonté du Tout-Puissant ? Guérissez donc quiconque souffre, et profitez du bien que vous avez apporté au corps pour purifier l'âme plus souffrante encore et lui apprendre à prier. Ne vous rebutez pas par les refus que vous rencontrerez ; faites toujours votre œuvre de charité et d'amour, et ne doutez pas que le bien, quoique retardé pour quelques-uns, ne sera jamais perdu. Améliorez-vous par la prière, par l'amour du Seigneur, de vos frères, et ne doutez pas que le Tout-Puissant ne vous donne les occasions fréquentes d'exercer votre faculté médianimique. Soyez heureux lorsque, après la guérison, votre main serrera celle de votre frère reconnaissant, et que tous deux, prosternés aux pieds de votre Père céleste, vous prierez ensemble pour le remercier et pour l'adorer ; plus heureux encore, lorsque, accueilli par l'ingratitude, après avoir guéri le corps, impuissant à guérir l'âme endurcie, vous élèverez votre pensée vers le Créateur, car votre prière sera la première étincelle destinée à allumer plus tard le flambeau qui brillera aux yeux de votre frère guéri de son aveuglement, et vous vous direz que plus un malade souffre, plus le médecin doit lui donner de soins.

Courage, frère, espérez et attendez que les bons Esprits qui vous dirigent, vous inspirent lorsque vous devrez commencer, auprès de vos frères qui souffrent, l'application de votre nouvelle faculté médianimique. Jusque-là priez, progressez par la charité morale, par l'influence de l'exemple, et ne laissez jamais fuir la moindre occasion d'éclairer vos frères. Dieu veille sur chacun de vous, et celui qui est aujourd'hui le plus incrédule, pourra être demain le plus fervent et le plus croyant.

Abbé Prince de Hohenlohe.

Les Adieux

(Société de Paris, 16 août 1867 ; méd. M. Morin, en somnambulisme spontané.)

Nota. – Parmi les communications obtenues dans la dernière séance de la société, avant les vacances, celle-ci présente un caractère particulier qui sort de la forme habituelle. Plusieurs Esprits, de ceux qui sont assidus aux séances, et s'y manifestent quelquefois, sont venus successivement adresser quelques paroles aux membres de la société avant leur séparation, par l'entremise de M. Morin, en somnambulisme spontané. C'était comme une troupe d'amis venant prendre congé, et donner un témoignage de sympathie au moment du départ. A chaque interlocuteur qui se présentait, l'interprète changeait de ton, d'allure, d'expression, de physionomie, et au langage on reconnaissait l'Esprit qui parlait avant qu'il se fût nommé ; c'était bien lui qui parlait, en se servant des organes d'un incarné, et non sa pensée traduite, plus ou moins fidèlement rendue en passant par un intermédiaire ; aussi l'identité était-elle patente, et sauf la ressemblance physique, on avait devant soi l'Esprit comme de son vivant. Après chaque allocution, le médium restait quelques minutes absorbé ; c'était le temps de la substitution d'un Esprit à un autre ; puis revenant peu à peu à lui, il reprenait la parole sur un autre ton. Le premier qui s'est présenté a été notre ancien collègue Leclerc, décédé au mois de décembre de l'année dernière.



Quelques-uns de vos frères partis viennent saisir l'occasion de vous manifester leur sympathie au moment de votre séparation.

La mort n'est rien lorsqu'elle a pour résultat de faire naître une vie beaucoup plus grande, beaucoup plus large, beaucoup plus utile que la vie humaine !… Un étourdissement survient, un affaissement s'ensuit (allusion à la manière dont il est mort), et, je me relève plus libre et heureux en entrant dans ce monde invisible que mon âme avait pressenti, que tout mon être désirait !… Libre !… planer dans l'espace !… J'ai vu, j'ai observé, et ma joie délirante n'était tempérée que par le regret exagéré qu'avaient les miens de l'absence de ma personnalité matérielle ; mais aujourd'hui que j'ai pu leur prouver mon existence, et que je leur ai démontré que si mon corps n'était plus là, mon Esprit y était davantage, aujourd'hui je suis heureux, bien heureux ; car ce que n'a pu faire l'incarné, il a pu l'obtenir dans un état de spiritualité. Je suis utile aujourd'hui, bien utile, et grâce à la sympathique affection de ceux qui m'ont connu, mon utilité est plus efficace.

Qu'il est bon de pouvoir servir ses frères, et d'être utile ainsi à l'humanité entière ! Qu'il est bon, qu'il est doux à l'âme de pouvoir faire participer l'humanité au peu de savoir que l'on a acquis par la souffrance ! Moi qui, autrefois emprisonné dans ce corps obtus, aujourd'hui je suis grand, et si ce n'était la crainte de votre ridicule, je m'admirerais ; car voyez-vous, être bon, c'est faire partie de Dieu ; et cette bonté, est-ce que je la possédais ? oh ! répondez-moi, votre témoignage sera un bonheur de plus, ajouté au bonheur dont je jouis ; mais qu'ai-je besoin de vos paroles ? ne puis-je lire dans vos cœurs, et voir vos sentiments les plus intimes ? Aujourd'hui, grâce à ma dématérialisation, ne puis-je voir vos pensées les plus secrètes ?

Oh ! Dieu est grand, et sa bonté est sublime ! Mes amis, comme moi inclinez-vous devant sa majesté ; travaillez à l'accomplissement de ses desseins, en faisant plus et mieux que je n'ai pu le faire moi-même.

Leclerc.



Pour l'âme qui aspire à la liberté, que le temps est long sur la terre, et combien le moment tant rêvé se fait attendre ! Mais aussi, une fois le lien rompu, avec quelle rapidité l'Esprit s'envole et court vers le royaume céleste, que de son vivant il voyait en rêve, et auquel il aspirait sans cesse ! Le beau, l'infini, l'impalpable, tous les sentiments les plus purs, voilà quel est l'apanage de ceux qui méprisent les trésors humains, voulant marcher dans la vie sainte du bien, de la charité et du devoir. J'ai ma récompense et je suis bien heureuse, car maintenant, je n'attends plus les visites de ceux qui me sont chers ; maintenant il n'est plus de bornes pour ma vue, et cette souffrance, ce long amaigrissement du corps n'est plus ; je suis joyeuse, allègre, pleine de vivacité. Je n'attends plus les visiteurs, je vais les visiter. Ernestine Dozon.

Ils sont bien heureux ceux qui, en ce jour, peuvent venir sans honte au milieu de vous, vous faire part de leur joie, de leur plaisir, en entrant ici ! Mais moi qui ai pris la route des lâches pour éviter le chemin battu ; moi, qui suis entré par surprise dans un monde qui ne m'était pas inconnu ; moi, qui ai brisé la porte de la prison, au lieu d'attendre qu'elle me fût largement ouverte, c'est en raison même de cette honte qui me couvre le front, que je viens à cette table, parce que j'y trouve le moyen de vous dire : Merci pour votre pardon sincère, merci pour vos prières, pour l'intérêt que vous m'avez prodigué et qui ont abrégé mes souffrances ! Merci encore, pour les pensées d'avenir que je vois germer dans vos cœurs, pour la collectivité fraternelle de vos sympathies dont je bénéficierai !

Aujourd'hui, la lueur à peine entrevue est devenue un phare lumineux, aux rayons larges et brillants ; désormais je vois la route, et si vos prières me soutiennent comme je le pressens, si mon humilité et mon repentir ne se démentent pas, vous pouvez compter sur un voyageur de plus sur cette large route qu'on appelle le bien.

D.



J'ai failli… j'ai péché… bien péché !… et pourtant si Dieu place dans le cerveau d'un homme une intelligence, et qu'à côté il mette des désirs à assouvir, des penchants impossibles à surmonter, pourquoi ferait-il supporter à l'Esprit les conséquences de ces obstacles qu'il n'a pu vaincre ?… Mais je m'égare, je blasphème !… car, puisqu'il m'avait donné une intelligence, c'était l'instrument à l'aide duquel je pouvais vaincre les obstacles… Plus cette intelligence était grande, moins je suis excusable…

Mon intelligence même, ma présomption surtout m'ont perdu… J'ai souffert moralement de toutes mes déceptions, bien plus que physiquement, et ce n'est pas peu dire !… En vous faisant ces aveux, je souffre du passé et de toutes les souffrances des miens qui viennent augmenter le bagage des maux qui m'écrasent déjà… Oh ! priez pour moi ! Aujourd'hui, c'est un jour d'indulgence ; eh bien ! je réclame la vôtre. Que ceux que j'ai offensés et méconnus me pardonnent !

X.



Spectateur invisible, j'assiste depuis quelque temps à vos études avec un bien grand bonheur ! Vos travaux absorbent encore davantage mes facultés intellectuelles qu'ils ne le faisaient de mon vivant. Je vois, j'observe, j'étudie, et aujourd'hui que mes fibres cérébrales ne sont plus obstruées par la matière, j'ai ouvert mes yeux spirituels, et je puis voir les fluides que j'avais en vain cherché à percevoir de mon vivant.

Eh bien ! si vous pouviez le voir cet immense réseau, cet enchevêtrement fluidique, vos rayons visuels seraient tellement anéantis que vous n'apercevriez que des ténèbres. Moi je vois, je sens, je ressens !… et dans ces molécules fluidiques, atomes impalpables, je distingue les différentes forces propulsives ; je les analyse, j'en forme un tout que j'emploie encore au bénéfice des pauvres corps souffrants ; je réunis, j'agglomère les fluides sympathiques, et je vais simplement, gratuitement, les déverser sur ceux qui en ont besoin.

Ah ! l'étude des fluides est une belle chose ! Et vous comprendriez combien tous ces mystères ont de prix pour moi, si, comme moi, vous aviez consacré en vain toute votre existence à les pénétrer. Grâce au Spiritisme, le chaos apparent de ces connaissances a été mis en ordre ; le Spiritisme a distingué ce qui est du domaine physique de ce qui appartient au monde spirituel ; il a reconnu deux parties bien distinctes dans le magnétisme ; il a rendu ses effets faciles à reconnaître, et Dieu sait ce que l'avenir lui réserve !

Mais je m'aperçois que j'absorbe tout votre temps à mon bénéfice, tandis que d'autres Esprits désirent encore vous parler. Je reviendrai, par l'écriture, continuer à vous développer mes idées sur ces études dont j'aimais tant à m'entretenir de mon vivant.

E. Quinemant.



Mes chers enfants, l'année sociale spirite a été fructueuse pour vos études, et je viens avec plaisir vous en témoigner toute ma satisfaction. Bien des faits ont été analysés, bien des choses incomprises ont été élucidées, et vous avez touché certaines questions qui ne tarderont pas à être admises en principe. Je suis, ou plutôt nous sommes satisfaits.

Malgré toute l'ardeur employée jusqu'ici, au milieu de vous et par vos ennemis, contre vos bonnes intentions, votre phalange a été la plus forte, et, si le mal a fait quelques victimes, c'est que la lèpre existait déjà en elles ; mais déjà la plaie se cicatrise ; les bons entrent et les mauvais s'en vont ; et pour les mauvais qui demeurent parmi vous, plus tard le remords sera terrible, car ils joignent à leurs tares celle de l'hypocrisie ; mais ceux qui sont sincères, ceux qui se joignent à vous aujourd'hui, ceux qui apportent leur dévouement à la vérité et le désir de la communiquer à tous, ceux-là, je vous le dis, mes enfants, seront bien heureux, car ils porteront le bonheur non-seulement pour eux, mais pour tous ceux qui les écoutent. Regardez dans vos rangs et vous verrez que les vides créés par les défections sont bien vite remplis avec avantage par de nouvelles individualités, et ceux-là jouiront des bienfaits qui seront l'apanage de la génération future.

Allez mes enfants ! vos études ne sont encore que très élémentaires ; mais chaque jour apporte les moyens d'approfondir davantage, et pour cela de nouveaux instruments viendront s'ajouter à ceux que vous avez déjà. Vous aurez des instructions plus étendues, et cela à la plus grande gloire de Dieu, et pour le plus grand bien-être de l'humanité.

Il y a parmi vous plusieurs de ces instruments qui prendront place à votre table à la rentrée ; ils n'osent pas encore se déclarer ; mais encouragez-les ; amenez à vos côtés les timides et les orgueilleux qui croient faire mieux que les autres, et nous verrons alors si les timides ont peur, et si les orgueilleux n'auront pas à rabattre de leurs prétentions.

Saint-Louis.



L'épidémie qui vient décimer le monde à certains moments et que vous êtes convenus d'appeler choléra, frappe de nouveau et à coups redoublés sur l'humanité ; ses effets sont prompts et son action rapide. Sans aucun avertissement l'homme passe de vie à trépas, et ceux, plus privilégiés, qu'épargne sa main foudroyante, restent stupéfaits, tremblants, devant les épouvantables conséquences d'un mal inconnu dans ses causes et dont on ignore complètement le remède.

La peur s'empare, dans ces tristes moments, de ceux qui n'envisagent que l'action de la mort, sans songer au delà, et qui, par ce seul fait, prêtent plus facilement le flanc au mal ; mais comme l'heure de chacun de nous est marquée, il faut partir malgré tout, si elle est sonnée. L'heure est marquée pour un bon nombre d'habitants de l'univers terrestre ; il en part tous les jours ; le fléau gagne de proche en proche et va s'étendre sur toute la surface du globe.

Ce mal est inconnu, et il l'est peut-être plus encore aujourd'hui ; car, à sa constitution propre, s'ajoutent journellement d'autres éléments qui confondent le savoir humain et empêchent de trouver le remède nécessaire pour l'arrêter dans sa marche. Les hommes donc, malgré leur science, doivent en subir les conséquences, et ce fléau destructeur est tout simplement un des moyens pour activer la rénovation humanitaire qui doit s'accomplir.

Mais, soyez sans inquiétude ; pour vous Spirites qui savez que mourir c'est renaître, si vous êtes atteints et que vous partiez, n'irez-vous pas au bonheur ? Si, au contraire, vous êtes épargnés, remerciez-en Dieu qui vous permettra ainsi d'ajouter à la somme de vos souffrances et de payer davantage à l'épreuve.

D'un côté comme de l'autre, que la mort vous frappe ou qu'elle vous épargne, vous n'avez qu'à gagner, ou alors ne vous dites pas Spirites.

Docteur Demeure.



Ceci est pour lui (le médium parle de lui-même à la troisième personne). – Voyez-vous, il vous a été dit qu'un moment viendrait où il pourrait voir, entendre, se reposer à son tour. Eh bien ! ce moment est arrivé, envers vous et non pas envers les autres ; à la rentrée il ne s'endormira plus, sauf quelques cas exceptionnels où l'utilité s'en fera sentir ; en ce moment, il le regrette, mais lorsqu'il le saura tout à l'heure, quand il sera réveillé, il en sera bien joyeux… l'égoïste !… Pourtant, il a encore beaucoup à faire ; d'ici là, il dormira ; il félicitera rarement et fustigera bien souvent : c'est sa tâche. Priez pour qu'elle lui soit facile ; pour que sa parole porte où cela sera nécessaire, la paix, la consolation et la conciliation. Aidez-le par votre pensée ; à son retour il mettra toute sa bonne volonté à vous seconder, et il le fera de tout cœur ; mais soutenez-le, car il en a grand besoin. Du reste, les circonstances exceptionnelles où il dormira, ne seront peut-être malheureusement que trop souvent motivées. Enfin, dites comme lui : Que la volonté de Dieu soit faite !

Morin.

Allan Kardec


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