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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867 > Février
Février
La libre pensée et la libre conscience
Dans un article de notre dernier numéro (page 6), intitulé: Coup d'œil rétrospectif sur le mouvement du Spiritisme, nous avons fait deux classes distinctes des libres penseurs : les incrédules et les croyants, et dit que, pour les premiers, être libre penseur ce n'est pas seulement croire à ce qu'on veut, mais ne croire à rien ; c'est s'affranchir de tout frein, même de la crainte de Dieu et de l'avenir ; pour les seconds, c'est subordonner la croyance à la raison et s'affranchir du joug de la foi aveugle. Ces derniers ont pour organe de publicité la Libre conscience, titre significatif ; les autres, le journal la Libre pensée, qualification plus vague, mais qui se spécialise par les opinions formulées, et qui viennent de tous points corroborer la distinction que nous avons faite. Nous y lisons dans le n° 2 du 28 octobre 1866:
«Les questions d'origine et de fin ont jusqu'ici préoccupé l'humanité au point souvent de troubler sa raison. Ces problèmes qu'on a qualifiés de redoutables, et que nous croyons d'importance secondaire, ne sont point du domaine immédiat de la science. Leur solution scientifique ne peut offrir qu'une demi-certitude. Telle qu'elle est pourtant, elle nous suffit, et nous n'essayerons pas de la compléter par des arguties métaphysiques. Notre but est, d'ailleurs, de ne nous occuper que des sujets abordables par l'observation. Nous entendons rester sur terre. Si, parfois, nous nous en éloignons pour répondre aux attaques de ceux qui ne pensent pas comme nous, l'excursion au dehors du réel sera de courte durée. Nous aurons toujours présent à la pensée ce sage conseil d'Helvétius: «Il faut avoir le courage d'ignorer ce qu'on ne peut savoir.»
Un nouveau journal, la Libre conscience, notre aîné de quelques jours, comme il le fait remarquer, nous souhaite la bienvenue dans son numéro spécimen. Nous le remercions de la façon courtoise dont il a usé de son droit d'aînesse. Notre confrère pense que, malgré l'analogie des titres, nous ne serons pas toujours en « complète affinité d'idées.» Nous, après lecture de son numéro spécimen, nous en sommes certains ; nous ne comprenons pas plus la libre conscience que la libre pensée avec une limite dogmatique assignée à l'avance. Quand on se déclare nettement disciple de la science, et champion de la libre conscience, il est irrationnel, selon nous, de poser ensuite comme un dogme une croyance quelconque, impossible à prouver scientifiquement. La liberté limitée de la sorte n'est pas la liberté. A notre tour, nous souhaitons la bienvenue à la Libre conscience, et sommes disposés à voir en elle une alliée, puisqu'elle déclare vouloir combattre pour toutes les libertés… moins une.»
Il est étrange de voir considérer l'origine et la fin de l'humanité comme des questions secondaires propres à troubler la raison. Que dirait-on d'un homme qui, vivant au jour le jour, ne s'inquièterait pas comment il vivra demain? Passerait-il pour un homme sensé? Que penserait-on de celui qui, ayant une femme, des enfants, des amis, dirait: Que m'importe que demain ils soient morts ou vivants ! Or, le lendemain de la mort est long; il ne faut donc pas s'étonner que tant de gens s'en préoccupent.
Si l'on fait la statistique de tous ceux qui perdent la raison, on verra que le plus grand nombre est précisément du côté de ceux qui ne croient pas à ce lendemain ou qui en doutent, et cela, par la raison bien simple que la grande majorité des cas de folie est produite par le désespoir et le manque de courage moral qui fait supporter les misères de la vie, tandis que la certitude de ce lendemain rend moins amères les vicissitudes du présent, et les fait considérer comme des incidents passagers dont le moral ne s'affecte que médiocrement ou pas du tout. Sa confiance en l'avenir lui donne une force que n'aura jamais celui qui n'a pour perspective que le néant. Il est dans la position d'un homme qui, ruiné aujourd'hui, a la certitude d'avoir demain une fortune supérieure à celle qu'il vient de perdre. Dans ce cas, il en prend aisément son parti, et reste calme ; si au contraire il n'attend rien, il se désespère et sa raison peut en souffrir.
Personne ne contestera ce principe que : savoir jour par jour d'où l'on vient et où l'on va, ce que l'on a fait la veille et ce que l'on fera demain, ne soit une chose nécessaire pour régler les affaires journalières de la vie, et qu'elle n'influe sur la conduite personnelle. Assurément le soldat qui sait où on le conduit, qui voit son but, marche avec plus de fermeté, plus d'entrain, plus d'enthousiasme que si on le conduisait en aveugle. Il en est ainsi du petit au grand, de l'individualité à l'ensemble ; savoir d'où l'on vient et où l'on va n'est pas moins nécessaire pour régler les affaires de la vie collective de l'humanité. Le jour où l'humanité tout entière aurait la certitude que la mort est sans issue, verrait un désarroi général, et les hommes se ruer les uns sur les autres, en se disant : Si nous ne devons vivre qu'un jour, vivons le mieux possible, n'importe aux dépens de qui !
Le journal la Libre pensée déclare qu'il entend rester sur la terre, et que, s'il en sort parfois, ce sera pour réfuter ceux qui ne pensent pas comme lui, mais que ses excursions hors du réel seront de courte durée. Nous comprendrions qu'il en fût ainsi d'un journal exclusivement scientifique, traitant de matières spéciales ; il est évident qu'il serait intempestif de parler de spiritualité, de psychologie ou de théogonie à propos de mécanique, de chimie, de physique, de calculs mathématiques, de commerce ou d'industrie ; mais dès lors qu'il fait entrer dans son programme la philosophie, il ne saurait le remplir sans aborder les questions métaphysiques. Bien que le mot philosophie soit très élastique, et qu'il ait été singulièrement détourné de son acception étymologique, il implique, par son essence même, des recherches et des études qui ne sont pas exclusivement matérielles.
Le conseil d'Helvétius: «Il faut avoir le courage d'ignorer ce qu'on ne peut savoir, » est très sage, et s'adresse surtout aux savants présomptueux qui pensent que rien ne peut être caché à l'homme, et que ce qu'ils ne savent pas ou ne comprennent pas ne doit pas exister. Il serait plus juste cependant de dire: «Il faut avoir le courage d'avouer son ignorance sur ce qu'on ne sait pas.» Tel qu'il est formulé, on pourrait le traduire ainsi : «Il faut avoir le courage de conserver son ignorance,» d'où cette conséquence: «Il est inutile de chercher à savoir ce qu'on ne sait pas.» Sans doute, il est des choses que l'homme ne saura jamais tant qu'il sera sur la terre, parce que, quelle que soit sa présomption, l'humanité y est encore à l'état d'adolescence; mais qui oserait poser des bornes absolues à ce qu'il peut savoir? Puisqu'il en sait infiniment plus aujourd'hui que les hommes des temps primitifs, pourquoi, plus tard, n'en saurait-il pas plus qu'il n'en sait maintenant? C'est ce que ne peuvent comprendre ceux qui n'admettent pas la perpétuité et la perfectibilité de l'être spirituel. Beaucoup se disent: Je suis au sommet de l'échelle intellectuelle; ce que je ne vois pas et ne comprends pas, personne ne peut le voir et le comprendre.
Dans le paragraphe rapporté ci-dessus et relatif au journal la Libre conscience, il est dit: «Nous ne comprenons pas plus la libre conscience que la libre pensée avec une limite dogmatique assignée à l'avance. Quand on se déclare disciple de la science, il est irrationnel de poser comme un dogme une croyance quelconque impossible à prouver scientifiquement. La liberté limitée de la sorte n'est pas la liberté.»
Toute la doctrine est dans ces mots; la profession de foi est nette et catégorique. Ainsi, parce que Dieu ne peut être démontré par une équation algébrique, que l'âme n'est pas saisissable à l'aide d'un réactif, il est absurde de croire à Dieu et à l'âme. Tout disciple de la science doit par conséquent être athée et matérialiste. Mais, pour ne pas sortir de la matérialité, la science est-elle toujours infaillible dans ses démonstrations? Ne l'a-t-on pas maintes fois vue donner pour des vérités ce qui plus tard a été reconnu être des erreurs, et vice versâ? N'est-ce pas au nom de la science que le système de Fulton a été déclaré une chimère? Avant de connaître la loi de la gravitation, ne démontrait-elle pas scientifiquement qu'il ne pouvait pas y avoir d'antipodes? Avant de connaître celle de l'électricité, n'eût-elle pas démontré par a plus b qu'il n'existait pas de vitesse capable de transmettre une dépêche à cinq cents lieues en quelques minutes?
On avait bien expérimenté la lumière, et cependant, il y a peu d'années encore, qui eût soupçonné les prodiges de la photographie? Pourtant ce ne sont pas des savants officiels qui ont fait cette prodigieuse découverte, non plus que celles du télégraphe électrique et des machines à vapeur. La science connaît-elle encore aujourd'hui toutes les lois de la nature? Sait-elle seulement toutes les ressources qu'on peut tirer des lois connues? Qui oserait le dire? Ne se peut-il qu'un jour la connaissance de nouvelles lois rende la vie extra-corporelle aussi évidente, aussi rationnelle, aussi intelligible que celle des antipodes ? Un tel résultat coupant court à toutes les incertitudes, serait-il donc à dédaigner? Serait-il moins important pour l'humanité que la découverte d'un nouveau continent, d'une nouvelle planète, d'un nouvel engin de destruction? Eh bien ! cette hypothèse s'est faite réalité; c'est au Spiritisme qu'on le doit, et c'est grâce à lui que tant de gens qui croyaient mourir une fois pour toutes, sont maintenant certains de vivre toujours.
Nous avons parlé de la force de gravitation, de cette force qui régit l'univers, depuis le grain de sable jusqu'aux mondes; mais qui l'a vue, qui a pu la suivre, l'analyser? En quoi consiste-t-elle? Quelle est sa nature, sa cause première? Nul ne le sait, et cependant nul n'en doute aujourd'hui. Comment l'a-t-on reconnue? Par ses effets ; des effets on a conclu à la cause; on a fait plus: en calculant la puissance des effets, on a calculé la puissance de la cause qu'on n'a jamais vue. Il en est de même de Dieu et de la vie spirituelle que l'on juge aussi par leurs effets, selon cet axiome: «Tout effet a une cause. Tout effet intelligent a une cause intelligente. La puissance de la cause intelligente est en raison de la grandeur de l'effet.» Croire en Dieu et en la vie spirituelle n'est donc pas une croyance purement gratuite, mais un résultat d'observations tout aussi positif que celui qui fait croire à la force de gravitation.
Puis, à défaut de preuves matérielles, ou concurremment à celles-ci, la philosophie n'admet-elle pas les preuves morales qui, parfois, ont autant et plus de valeur que les autres? Vous, qui ne tenez pour vrai que ce qui est prouvé matériellement, que diriez-vous si, étant injustement accusé d'un crime dont toutes les apparences seraient contre vous, ainsi que cela se voit souvent en justice, les juges ne tenaient aucun compte des preuves morales qui seraient en votre faveur? Ne seriez-vous pas le premier à les invoquer? à faire valoir leur prépondérance sur des effets purement matériels qui peuvent faire illusion? à prouver que les sens peuvent abuser le plus clairvoyant? Si donc vous admettez que les preuves morales doivent peser dans la balance d'un jugement, vous ne seriez pas conséquent avec vous-même d'en dénier la valeur quand il s'agit de se faire une opinion sur les choses qui, par leur nature, échappent à la matérialité.
Quoi de plus libre, de plus indépendant, de moins saisissable par son essence même, que la pensée? Et pourtant voilà une école qui prétend l'émanciper en l'enchaînant à la matière ; qui avance, au nom de la raison, que la pensée circonscrite sur les choses terrestres est plus libre que celle qui s'élance dans l'infini, et veut voir au delà de l'horizon matériel ! Autant vaudrait dire que le prisonnier qui ne peut faire que quelques pas dans son cachot est plus libre que celui qui court les champs. Si, croire aux choses du monde spirituel qui est infini, c'est n'être pas libre, vous l'êtes cent fois moins, vous qui vous circonscrivez dans la limite étroite du tangible, qui dites à la pensée: Tu ne sortiras pas du cercle que nous te traçons, et si tu en sors, nous déclarons que tu n'es plus la pensée saine, mais la folie, la sottise, la déraison, car à nous seuls appartient de discerner le faux du vrai.
A cela le spiritualisme répond: Nous formons l'immense majorité des hommes dont vous êtes à peine la millionième partie ; de quel droit vous attribuez-vous le monopole de la raison ? Vous voulez, dites-vous, émanciper nos idées en nous imposant les vôtres ? Mais vous ne nous apprenez rien ; nous savons ce que vous savez; nous croyons sans restriction à tout ce que vous croyez: à la matière et à la valeur des preuves tangibles, et de plus que vous: à quelque chose en dehors de la matière; à une puissance intelligente supérieure à l'humanité ; à des causes inappréciables par les sens, mais perceptibles par la pensée; à la perpétuité de la vie spirituelle que vous limitez à la durée de la vie du corps. Nos idées sont donc infiniment plus larges que les vôtres; tandis que vous circonscrivez votre point de vue, le nôtre embrasse des horizons sans bornes. Comment celui qui concentre sa pensée sur un ordre déterminé de faits, qui pose ainsi un point d'arrêt à ses mouvements intellectuels, à ses investigations, peut-il prétendre émanciper celui qui se meut sans entraves, et dont la pensée sonde les profondeurs de l'infini? Restreindre le champ d'exploration de la pensée, c'est restreindre sa liberté, et c'est ce que vous faites.
Vous voulez, dites-vous encore, arracher le monde au joug des croyances dogmatiques; faites-vous au moins une distinction entre ces croyances? Non, car vous confondez dans la même réprobation tout ce qui n'est pas du domaine exclusif de la science, tout ce qui ne se voit pas par les yeux du corps, en un mot tout ce qui est d'essence spirituelle, par conséquent Dieu, l'âme et la vie future. Mais si toute croyance spirituelle est une entrave à la liberté de penser, il en est de même de toute croyance matérielle ; celui qui croit qu'une chose est rouge, parce qu'il la voit rouge, n'est pas libre de la croire verte. Dès lors que la pensée est arrêtée par une conviction quelconque, elle n'est plus libre; pour être conséquent avec votre théorie, la liberté absolue consisterait à ne rien croire du tout, pas même à sa propre existence, car ce serait encore une restriction; mais alors que deviendrait la pensée?
Envisagée à ce point de vue, la libre pensée serait un non-sens. Elle doit s'entendre dans un sens plus large et plus vrai; c'est-à-dire du libre usage que l'on fait de la faculté de penser, et non de son application à un ordre quelconque d'idées. Elle consiste, non pas à croire une chose plutôt qu'une autre, ni à exclure telle ou telle croyance, mais dans la liberté absolue du choix des croyances. C'est donc abusivement que quelques-uns en font l'application exclusive aux idées antispiritualistes. Toute opinion raisonnée, qui n'est ni imposée, ni enchaînée aveuglement à celle d'autrui, mais qui est volontairement adoptée en vertu de l'exercice du jugement personnel, est une pensée libre, qu'elle soit religieuse, politique ou philosophique.
La libre pensée, dans son acception la plus large, signifie: libre examen, liberté de conscience, foi raisonnée; elle symbolise l'émancipation intellectuelle, l'indépendance morale, complément de l'indépendante physique; elle ne veut pas plus d'esclaves de la pensée que d'esclaves du corps, car ce qui caractérise le libre penseur, c'est qu'il pense par lui-même et non par les autres, en d'autres termes que son opinion lui appartient en propre. Il peut donc y avoir des libres penseurs dans toutes les opinions et dans toutes les croyances. En ce sens, la libre pensée relève la dignité de l'homme; elle en fait un être actif, intelligent, au lieu d'une machine à croire.
Dans le sens exclusif que quelques-uns lui donnent, au lieu d'émanciper l'esprit, elle restreint son activité, elle en fait l'esclave de la matière. Les fanatiques de l'incrédulité font dans un sens ce que les fanatiques de la foi aveugle font dans un autre; alors que ceux-ci disent: Pour être selon Dieu il faut croire à tout ce que nous croyons ; hors de notre foi il n'y a point de salut, les autres disent: Pour être selon la raison, il faut penser comme nous, ne croire qu'à ce que nous croyons; hors des limites que nous traçons à la croyance, il n'y a ni liberté ni bon sens, doctrine qui se formule par ce paradoxe: Votre esprit n'est libre qu'à la condition de ne pas croire à ce qu'il veut, ce qui revient à dire à un individu: Tu es le plus libre de tous les hommes, à la condition de ne pas aller plus loin que le bout de la corde à laquelle nous t'attachons.
Assurément nous ne contestons pas aux incrédules le droit de ne croire à rien autre qu'à la matière, mais on conviendra qu'il y a de singulières contradictions dans leur prétention à s'attribuer le monopole de la liberté de penser.
Nous avons dit que par la qualité de libre penseur certaines personnes cherchaient à atténuer ce que l'incrédulité absolue a de répulsif pour l'opinion des masses; supposons, en effet, qu'un journal s'intitule ouvertement ; l'Athée, l'Incrédule ou le Matérialiste, on peut juger de l'impression que ce titre ferait sur le public; mais qu'il abrite ces mêmes doctrines sous le couvert du libre penseur, à cette enseigne on se dit : C'est le drapeau de l'émancipation morale ; ce doit être celui de la liberté de conscience et surtout de la tolérance; voyons. On voit qu'il ne faut pas toujours s'en rapporter à l'étiquette.
On aurait tort, du reste, de s'effrayer outre mesure des conséquences de certaines doctrines ; elles peuvent momentanément séduire quelques individus, mais elles ne séduiront jamais les masses qui y sont opposées par instinct et par besoin. Il est utile que tous les systèmes se montrent au grand jour, afin que chacun puisse en juger le fort et le faible, et, en vertu du droit de libre examen, puisse les adopter ou les rejeter en connaissance de cause. Quand les utopies auront été vues à l'œuvre, et qu'elles auront prouvé leur impuissance, elles tomberont pour ne plus se relever. Par leur exagération même, elles remuent la société et préparent la rénovation. C'est encore là un signe des temps.
Le spiritisme est-il, comme quelques-uns le pensent, une nouvelle foi aveugle substituée à une autre foi aveugle; autrement dit un nouvel esclavage de la pensée sous une nouvelle forme? Pour le croire il faut en ignorer les premiers éléments. En effet, le Spiritisme pose en principe qu'avant de croire il faut comprendre; or, pour comprendre, il faut faire usage de son jugement; voilà pourquoi il cherche à se rendre compte de tout avant de rien admettre, à savoir le pourquoi et le comment de chaque chose ; aussi les Spirites sont-ils plus sceptiques que beaucoup d'autres à l'endroit des phénomènes qui sortent du cercle des observations habituelles. Il ne repose sur aucune théorie préconçue et hypothétique, mais sur l'expérience et l'observation des faits; au lieu de dire: «Croyez d'abord, et vous comprendrez ensuite, si vous le pouvez,» il dit: «Comprenez d'abord, et vous croirez ensuite si vous le voulez.» Il ne s'impose à personne ; il dit à tous: «Voyez, observez, comparez et venez à nous librement si cela vous convient.» En parlant ainsi, il se met sur les rangs et court les chances de la concurrence. Si beaucoup vont à lui, c'est qu'il en satisfait beaucoup, mais nul ne l'accepte les yeux fermés. A ceux qui ne l'acceptent pas, il dit: «Vous êtes libres, et je ne vous en veux pas ; tout ce que je vous demande, c'est de me laisser ma liberté, comme je vous laisse la vôtre. Si vous cherchez à m'évincer, par la crainte que je ne vous supplante, c'est que vous n'êtes pas bien sûrs de vous.»
Le Spiritisme ne cherchant à écarter aucun des concurrents dans la lice ouverte aux idées qui doivent prévaloir dans le monde régénéré, est dans les conditions de la véritable libre pensée; n'admettant aucune théorie qui ne soit fondée sur l'observation, il est en même temps dans celles du plus rigoureux positivisme; il a enfin sur ses adversaires des deux opinions contraires extrêmes, l'avantage de la tolérance.
Nota. Quelques personnes nous ont reproché les explications théoriques que nous avons, dès le principe, cherché à donner des phénomènes spirites. Ces explications, basées sur une observation attentive, en remontant des effets à la cause, prouvaient, d'une part, que nous voulions nous rendre compte et non croire en aveugle; de l'autre, que nous voulions faire du Spiritisme une science de raisonnement et non de crédulité. Par ces explications que le temps a développées, mais qu'il a consacrées en principe, car aucune n'a été contredite par l'expérience, les Spirites ont cru, parce qu'ils ont compris, et il n'est pas douteux que c'est à cela qu'il faut attribuer l'accroissement rapide du nombre des adeptes sérieux. C'est à ces explications que le Spiritisme doit d'être sorti du domaine du merveilleux, et de s'être rattaché aux sciences positives; par elles il est démontré aux incrédules que ce n'est pas une œuvre d'imagination; sans elles nous en serions encore à comprendre les phénomènes qui surgissent chaque jour. Il était urgent de poser, dès le principe, le Spiritisme sur son véritable terrain. La théorie fondée sur l'expérience, a été le frein qui a empêché la crédulité superstitieuse, aussi bien que la malveillance, de le faire dévoyer de sa route. Pourquoi ceux qui nous reprochent d'en avoir pris l'initiative, ne l'ont-ils pas prise eux-mêmes?
«Les questions d'origine et de fin ont jusqu'ici préoccupé l'humanité au point souvent de troubler sa raison. Ces problèmes qu'on a qualifiés de redoutables, et que nous croyons d'importance secondaire, ne sont point du domaine immédiat de la science. Leur solution scientifique ne peut offrir qu'une demi-certitude. Telle qu'elle est pourtant, elle nous suffit, et nous n'essayerons pas de la compléter par des arguties métaphysiques. Notre but est, d'ailleurs, de ne nous occuper que des sujets abordables par l'observation. Nous entendons rester sur terre. Si, parfois, nous nous en éloignons pour répondre aux attaques de ceux qui ne pensent pas comme nous, l'excursion au dehors du réel sera de courte durée. Nous aurons toujours présent à la pensée ce sage conseil d'Helvétius: «Il faut avoir le courage d'ignorer ce qu'on ne peut savoir.»
Un nouveau journal, la Libre conscience, notre aîné de quelques jours, comme il le fait remarquer, nous souhaite la bienvenue dans son numéro spécimen. Nous le remercions de la façon courtoise dont il a usé de son droit d'aînesse. Notre confrère pense que, malgré l'analogie des titres, nous ne serons pas toujours en « complète affinité d'idées.» Nous, après lecture de son numéro spécimen, nous en sommes certains ; nous ne comprenons pas plus la libre conscience que la libre pensée avec une limite dogmatique assignée à l'avance. Quand on se déclare nettement disciple de la science, et champion de la libre conscience, il est irrationnel, selon nous, de poser ensuite comme un dogme une croyance quelconque, impossible à prouver scientifiquement. La liberté limitée de la sorte n'est pas la liberté. A notre tour, nous souhaitons la bienvenue à la Libre conscience, et sommes disposés à voir en elle une alliée, puisqu'elle déclare vouloir combattre pour toutes les libertés… moins une.»
Il est étrange de voir considérer l'origine et la fin de l'humanité comme des questions secondaires propres à troubler la raison. Que dirait-on d'un homme qui, vivant au jour le jour, ne s'inquièterait pas comment il vivra demain? Passerait-il pour un homme sensé? Que penserait-on de celui qui, ayant une femme, des enfants, des amis, dirait: Que m'importe que demain ils soient morts ou vivants ! Or, le lendemain de la mort est long; il ne faut donc pas s'étonner que tant de gens s'en préoccupent.
Si l'on fait la statistique de tous ceux qui perdent la raison, on verra que le plus grand nombre est précisément du côté de ceux qui ne croient pas à ce lendemain ou qui en doutent, et cela, par la raison bien simple que la grande majorité des cas de folie est produite par le désespoir et le manque de courage moral qui fait supporter les misères de la vie, tandis que la certitude de ce lendemain rend moins amères les vicissitudes du présent, et les fait considérer comme des incidents passagers dont le moral ne s'affecte que médiocrement ou pas du tout. Sa confiance en l'avenir lui donne une force que n'aura jamais celui qui n'a pour perspective que le néant. Il est dans la position d'un homme qui, ruiné aujourd'hui, a la certitude d'avoir demain une fortune supérieure à celle qu'il vient de perdre. Dans ce cas, il en prend aisément son parti, et reste calme ; si au contraire il n'attend rien, il se désespère et sa raison peut en souffrir.
Personne ne contestera ce principe que : savoir jour par jour d'où l'on vient et où l'on va, ce que l'on a fait la veille et ce que l'on fera demain, ne soit une chose nécessaire pour régler les affaires journalières de la vie, et qu'elle n'influe sur la conduite personnelle. Assurément le soldat qui sait où on le conduit, qui voit son but, marche avec plus de fermeté, plus d'entrain, plus d'enthousiasme que si on le conduisait en aveugle. Il en est ainsi du petit au grand, de l'individualité à l'ensemble ; savoir d'où l'on vient et où l'on va n'est pas moins nécessaire pour régler les affaires de la vie collective de l'humanité. Le jour où l'humanité tout entière aurait la certitude que la mort est sans issue, verrait un désarroi général, et les hommes se ruer les uns sur les autres, en se disant : Si nous ne devons vivre qu'un jour, vivons le mieux possible, n'importe aux dépens de qui !
Le journal la Libre pensée déclare qu'il entend rester sur la terre, et que, s'il en sort parfois, ce sera pour réfuter ceux qui ne pensent pas comme lui, mais que ses excursions hors du réel seront de courte durée. Nous comprendrions qu'il en fût ainsi d'un journal exclusivement scientifique, traitant de matières spéciales ; il est évident qu'il serait intempestif de parler de spiritualité, de psychologie ou de théogonie à propos de mécanique, de chimie, de physique, de calculs mathématiques, de commerce ou d'industrie ; mais dès lors qu'il fait entrer dans son programme la philosophie, il ne saurait le remplir sans aborder les questions métaphysiques. Bien que le mot philosophie soit très élastique, et qu'il ait été singulièrement détourné de son acception étymologique, il implique, par son essence même, des recherches et des études qui ne sont pas exclusivement matérielles.
Le conseil d'Helvétius: «Il faut avoir le courage d'ignorer ce qu'on ne peut savoir, » est très sage, et s'adresse surtout aux savants présomptueux qui pensent que rien ne peut être caché à l'homme, et que ce qu'ils ne savent pas ou ne comprennent pas ne doit pas exister. Il serait plus juste cependant de dire: «Il faut avoir le courage d'avouer son ignorance sur ce qu'on ne sait pas.» Tel qu'il est formulé, on pourrait le traduire ainsi : «Il faut avoir le courage de conserver son ignorance,» d'où cette conséquence: «Il est inutile de chercher à savoir ce qu'on ne sait pas.» Sans doute, il est des choses que l'homme ne saura jamais tant qu'il sera sur la terre, parce que, quelle que soit sa présomption, l'humanité y est encore à l'état d'adolescence; mais qui oserait poser des bornes absolues à ce qu'il peut savoir? Puisqu'il en sait infiniment plus aujourd'hui que les hommes des temps primitifs, pourquoi, plus tard, n'en saurait-il pas plus qu'il n'en sait maintenant? C'est ce que ne peuvent comprendre ceux qui n'admettent pas la perpétuité et la perfectibilité de l'être spirituel. Beaucoup se disent: Je suis au sommet de l'échelle intellectuelle; ce que je ne vois pas et ne comprends pas, personne ne peut le voir et le comprendre.
Dans le paragraphe rapporté ci-dessus et relatif au journal la Libre conscience, il est dit: «Nous ne comprenons pas plus la libre conscience que la libre pensée avec une limite dogmatique assignée à l'avance. Quand on se déclare disciple de la science, il est irrationnel de poser comme un dogme une croyance quelconque impossible à prouver scientifiquement. La liberté limitée de la sorte n'est pas la liberté.»
Toute la doctrine est dans ces mots; la profession de foi est nette et catégorique. Ainsi, parce que Dieu ne peut être démontré par une équation algébrique, que l'âme n'est pas saisissable à l'aide d'un réactif, il est absurde de croire à Dieu et à l'âme. Tout disciple de la science doit par conséquent être athée et matérialiste. Mais, pour ne pas sortir de la matérialité, la science est-elle toujours infaillible dans ses démonstrations? Ne l'a-t-on pas maintes fois vue donner pour des vérités ce qui plus tard a été reconnu être des erreurs, et vice versâ? N'est-ce pas au nom de la science que le système de Fulton a été déclaré une chimère? Avant de connaître la loi de la gravitation, ne démontrait-elle pas scientifiquement qu'il ne pouvait pas y avoir d'antipodes? Avant de connaître celle de l'électricité, n'eût-elle pas démontré par a plus b qu'il n'existait pas de vitesse capable de transmettre une dépêche à cinq cents lieues en quelques minutes?
On avait bien expérimenté la lumière, et cependant, il y a peu d'années encore, qui eût soupçonné les prodiges de la photographie? Pourtant ce ne sont pas des savants officiels qui ont fait cette prodigieuse découverte, non plus que celles du télégraphe électrique et des machines à vapeur. La science connaît-elle encore aujourd'hui toutes les lois de la nature? Sait-elle seulement toutes les ressources qu'on peut tirer des lois connues? Qui oserait le dire? Ne se peut-il qu'un jour la connaissance de nouvelles lois rende la vie extra-corporelle aussi évidente, aussi rationnelle, aussi intelligible que celle des antipodes ? Un tel résultat coupant court à toutes les incertitudes, serait-il donc à dédaigner? Serait-il moins important pour l'humanité que la découverte d'un nouveau continent, d'une nouvelle planète, d'un nouvel engin de destruction? Eh bien ! cette hypothèse s'est faite réalité; c'est au Spiritisme qu'on le doit, et c'est grâce à lui que tant de gens qui croyaient mourir une fois pour toutes, sont maintenant certains de vivre toujours.
Nous avons parlé de la force de gravitation, de cette force qui régit l'univers, depuis le grain de sable jusqu'aux mondes; mais qui l'a vue, qui a pu la suivre, l'analyser? En quoi consiste-t-elle? Quelle est sa nature, sa cause première? Nul ne le sait, et cependant nul n'en doute aujourd'hui. Comment l'a-t-on reconnue? Par ses effets ; des effets on a conclu à la cause; on a fait plus: en calculant la puissance des effets, on a calculé la puissance de la cause qu'on n'a jamais vue. Il en est de même de Dieu et de la vie spirituelle que l'on juge aussi par leurs effets, selon cet axiome: «Tout effet a une cause. Tout effet intelligent a une cause intelligente. La puissance de la cause intelligente est en raison de la grandeur de l'effet.» Croire en Dieu et en la vie spirituelle n'est donc pas une croyance purement gratuite, mais un résultat d'observations tout aussi positif que celui qui fait croire à la force de gravitation.
Puis, à défaut de preuves matérielles, ou concurremment à celles-ci, la philosophie n'admet-elle pas les preuves morales qui, parfois, ont autant et plus de valeur que les autres? Vous, qui ne tenez pour vrai que ce qui est prouvé matériellement, que diriez-vous si, étant injustement accusé d'un crime dont toutes les apparences seraient contre vous, ainsi que cela se voit souvent en justice, les juges ne tenaient aucun compte des preuves morales qui seraient en votre faveur? Ne seriez-vous pas le premier à les invoquer? à faire valoir leur prépondérance sur des effets purement matériels qui peuvent faire illusion? à prouver que les sens peuvent abuser le plus clairvoyant? Si donc vous admettez que les preuves morales doivent peser dans la balance d'un jugement, vous ne seriez pas conséquent avec vous-même d'en dénier la valeur quand il s'agit de se faire une opinion sur les choses qui, par leur nature, échappent à la matérialité.
Quoi de plus libre, de plus indépendant, de moins saisissable par son essence même, que la pensée? Et pourtant voilà une école qui prétend l'émanciper en l'enchaînant à la matière ; qui avance, au nom de la raison, que la pensée circonscrite sur les choses terrestres est plus libre que celle qui s'élance dans l'infini, et veut voir au delà de l'horizon matériel ! Autant vaudrait dire que le prisonnier qui ne peut faire que quelques pas dans son cachot est plus libre que celui qui court les champs. Si, croire aux choses du monde spirituel qui est infini, c'est n'être pas libre, vous l'êtes cent fois moins, vous qui vous circonscrivez dans la limite étroite du tangible, qui dites à la pensée: Tu ne sortiras pas du cercle que nous te traçons, et si tu en sors, nous déclarons que tu n'es plus la pensée saine, mais la folie, la sottise, la déraison, car à nous seuls appartient de discerner le faux du vrai.
A cela le spiritualisme répond: Nous formons l'immense majorité des hommes dont vous êtes à peine la millionième partie ; de quel droit vous attribuez-vous le monopole de la raison ? Vous voulez, dites-vous, émanciper nos idées en nous imposant les vôtres ? Mais vous ne nous apprenez rien ; nous savons ce que vous savez; nous croyons sans restriction à tout ce que vous croyez: à la matière et à la valeur des preuves tangibles, et de plus que vous: à quelque chose en dehors de la matière; à une puissance intelligente supérieure à l'humanité ; à des causes inappréciables par les sens, mais perceptibles par la pensée; à la perpétuité de la vie spirituelle que vous limitez à la durée de la vie du corps. Nos idées sont donc infiniment plus larges que les vôtres; tandis que vous circonscrivez votre point de vue, le nôtre embrasse des horizons sans bornes. Comment celui qui concentre sa pensée sur un ordre déterminé de faits, qui pose ainsi un point d'arrêt à ses mouvements intellectuels, à ses investigations, peut-il prétendre émanciper celui qui se meut sans entraves, et dont la pensée sonde les profondeurs de l'infini? Restreindre le champ d'exploration de la pensée, c'est restreindre sa liberté, et c'est ce que vous faites.
Vous voulez, dites-vous encore, arracher le monde au joug des croyances dogmatiques; faites-vous au moins une distinction entre ces croyances? Non, car vous confondez dans la même réprobation tout ce qui n'est pas du domaine exclusif de la science, tout ce qui ne se voit pas par les yeux du corps, en un mot tout ce qui est d'essence spirituelle, par conséquent Dieu, l'âme et la vie future. Mais si toute croyance spirituelle est une entrave à la liberté de penser, il en est de même de toute croyance matérielle ; celui qui croit qu'une chose est rouge, parce qu'il la voit rouge, n'est pas libre de la croire verte. Dès lors que la pensée est arrêtée par une conviction quelconque, elle n'est plus libre; pour être conséquent avec votre théorie, la liberté absolue consisterait à ne rien croire du tout, pas même à sa propre existence, car ce serait encore une restriction; mais alors que deviendrait la pensée?
Envisagée à ce point de vue, la libre pensée serait un non-sens. Elle doit s'entendre dans un sens plus large et plus vrai; c'est-à-dire du libre usage que l'on fait de la faculté de penser, et non de son application à un ordre quelconque d'idées. Elle consiste, non pas à croire une chose plutôt qu'une autre, ni à exclure telle ou telle croyance, mais dans la liberté absolue du choix des croyances. C'est donc abusivement que quelques-uns en font l'application exclusive aux idées antispiritualistes. Toute opinion raisonnée, qui n'est ni imposée, ni enchaînée aveuglement à celle d'autrui, mais qui est volontairement adoptée en vertu de l'exercice du jugement personnel, est une pensée libre, qu'elle soit religieuse, politique ou philosophique.
La libre pensée, dans son acception la plus large, signifie: libre examen, liberté de conscience, foi raisonnée; elle symbolise l'émancipation intellectuelle, l'indépendance morale, complément de l'indépendante physique; elle ne veut pas plus d'esclaves de la pensée que d'esclaves du corps, car ce qui caractérise le libre penseur, c'est qu'il pense par lui-même et non par les autres, en d'autres termes que son opinion lui appartient en propre. Il peut donc y avoir des libres penseurs dans toutes les opinions et dans toutes les croyances. En ce sens, la libre pensée relève la dignité de l'homme; elle en fait un être actif, intelligent, au lieu d'une machine à croire.
Dans le sens exclusif que quelques-uns lui donnent, au lieu d'émanciper l'esprit, elle restreint son activité, elle en fait l'esclave de la matière. Les fanatiques de l'incrédulité font dans un sens ce que les fanatiques de la foi aveugle font dans un autre; alors que ceux-ci disent: Pour être selon Dieu il faut croire à tout ce que nous croyons ; hors de notre foi il n'y a point de salut, les autres disent: Pour être selon la raison, il faut penser comme nous, ne croire qu'à ce que nous croyons; hors des limites que nous traçons à la croyance, il n'y a ni liberté ni bon sens, doctrine qui se formule par ce paradoxe: Votre esprit n'est libre qu'à la condition de ne pas croire à ce qu'il veut, ce qui revient à dire à un individu: Tu es le plus libre de tous les hommes, à la condition de ne pas aller plus loin que le bout de la corde à laquelle nous t'attachons.
Assurément nous ne contestons pas aux incrédules le droit de ne croire à rien autre qu'à la matière, mais on conviendra qu'il y a de singulières contradictions dans leur prétention à s'attribuer le monopole de la liberté de penser.
Nous avons dit que par la qualité de libre penseur certaines personnes cherchaient à atténuer ce que l'incrédulité absolue a de répulsif pour l'opinion des masses; supposons, en effet, qu'un journal s'intitule ouvertement ; l'Athée, l'Incrédule ou le Matérialiste, on peut juger de l'impression que ce titre ferait sur le public; mais qu'il abrite ces mêmes doctrines sous le couvert du libre penseur, à cette enseigne on se dit : C'est le drapeau de l'émancipation morale ; ce doit être celui de la liberté de conscience et surtout de la tolérance; voyons. On voit qu'il ne faut pas toujours s'en rapporter à l'étiquette.
On aurait tort, du reste, de s'effrayer outre mesure des conséquences de certaines doctrines ; elles peuvent momentanément séduire quelques individus, mais elles ne séduiront jamais les masses qui y sont opposées par instinct et par besoin. Il est utile que tous les systèmes se montrent au grand jour, afin que chacun puisse en juger le fort et le faible, et, en vertu du droit de libre examen, puisse les adopter ou les rejeter en connaissance de cause. Quand les utopies auront été vues à l'œuvre, et qu'elles auront prouvé leur impuissance, elles tomberont pour ne plus se relever. Par leur exagération même, elles remuent la société et préparent la rénovation. C'est encore là un signe des temps.
Le spiritisme est-il, comme quelques-uns le pensent, une nouvelle foi aveugle substituée à une autre foi aveugle; autrement dit un nouvel esclavage de la pensée sous une nouvelle forme? Pour le croire il faut en ignorer les premiers éléments. En effet, le Spiritisme pose en principe qu'avant de croire il faut comprendre; or, pour comprendre, il faut faire usage de son jugement; voilà pourquoi il cherche à se rendre compte de tout avant de rien admettre, à savoir le pourquoi et le comment de chaque chose ; aussi les Spirites sont-ils plus sceptiques que beaucoup d'autres à l'endroit des phénomènes qui sortent du cercle des observations habituelles. Il ne repose sur aucune théorie préconçue et hypothétique, mais sur l'expérience et l'observation des faits; au lieu de dire: «Croyez d'abord, et vous comprendrez ensuite, si vous le pouvez,» il dit: «Comprenez d'abord, et vous croirez ensuite si vous le voulez.» Il ne s'impose à personne ; il dit à tous: «Voyez, observez, comparez et venez à nous librement si cela vous convient.» En parlant ainsi, il se met sur les rangs et court les chances de la concurrence. Si beaucoup vont à lui, c'est qu'il en satisfait beaucoup, mais nul ne l'accepte les yeux fermés. A ceux qui ne l'acceptent pas, il dit: «Vous êtes libres, et je ne vous en veux pas ; tout ce que je vous demande, c'est de me laisser ma liberté, comme je vous laisse la vôtre. Si vous cherchez à m'évincer, par la crainte que je ne vous supplante, c'est que vous n'êtes pas bien sûrs de vous.»
Le Spiritisme ne cherchant à écarter aucun des concurrents dans la lice ouverte aux idées qui doivent prévaloir dans le monde régénéré, est dans les conditions de la véritable libre pensée; n'admettant aucune théorie qui ne soit fondée sur l'observation, il est en même temps dans celles du plus rigoureux positivisme; il a enfin sur ses adversaires des deux opinions contraires extrêmes, l'avantage de la tolérance.
Nota. Quelques personnes nous ont reproché les explications théoriques que nous avons, dès le principe, cherché à donner des phénomènes spirites. Ces explications, basées sur une observation attentive, en remontant des effets à la cause, prouvaient, d'une part, que nous voulions nous rendre compte et non croire en aveugle; de l'autre, que nous voulions faire du Spiritisme une science de raisonnement et non de crédulité. Par ces explications que le temps a développées, mais qu'il a consacrées en principe, car aucune n'a été contredite par l'expérience, les Spirites ont cru, parce qu'ils ont compris, et il n'est pas douteux que c'est à cela qu'il faut attribuer l'accroissement rapide du nombre des adeptes sérieux. C'est à ces explications que le Spiritisme doit d'être sorti du domaine du merveilleux, et de s'être rattaché aux sciences positives; par elles il est démontré aux incrédules que ce n'est pas une œuvre d'imagination; sans elles nous en serions encore à comprendre les phénomènes qui surgissent chaque jour. Il était urgent de poser, dès le principe, le Spiritisme sur son véritable terrain. La théorie fondée sur l'expérience, a été le frein qui a empêché la crédulité superstitieuse, aussi bien que la malveillance, de le faire dévoyer de sa route. Pourquoi ceux qui nous reprochent d'en avoir pris l'initiative, ne l'ont-ils pas prise eux-mêmes?
Sous ce titre, M. Hippolyte Rodrigues a publié un ouvrage dans lequel il prévoit la fusion des trois grandes religions issues de la Bible. Un des écrivains du journal le Pays fait à ce sujet les réflexions suivantes dans le numéro du 10 décembre 1866 :
«Qu'est-ce que les trois filles de la Bible? La première est juive, la seconde est catholique, la troisième est mahométane.
On comprend de suite qu'il s'agit ici d'un livre grave, et que l'œuvre de M. Hippolyte Rodrigues intéresse spécialement les esprits sérieux qui se complaisent dans les méditations morales et philosophiques sur la destinée humaine.
L'auteur croit à une prochaine fusion des trois grandes religions qu'on appelle les trois filles de la Bible, et il travaille à amener ce résultat, dans lequel il voit un progrès immense. C'est de cette fusion que sortira la religion nouvelle qu'il considère comme devant être la religion définitive de l'humanité.
Je ne veux pas entamer ici avec M. Hippolyte Rodrigues une polémique inopportune sur la question religieuse qui s'agite depuis tant d'années au fond des consciences et dans les entrailles de la société. Je me permettrai cependant une réflexion. Il veut faire accepter la croyance nouvelle par le raisonnement. Jusqu'à ce jour, il n'y a que la foi qui ait fondé et maintenu les religions, par cette raison suprême que, lorsqu'on raisonne, on ne croit plus, et que lorsqu'un peuple, une époque, a cessé de croire, on voit bientôt s'écrouler la religion existante, on ne voit pas s'élever de religion nouvelle.»
A. de Cesena.
Cette tendance, qui se généralise, à prévoir l'unification des cultes, comme tout ce qui se rattache à la fusion des peuples, à l'abaissement des barrières qui les séparent moralement et commercialement, est aussi un des signes caractéristiques des temps. Nous ne jugerons pas l'œuvre de M. Rodrigues, attendu que nous ne la connaissons pas ; nous n'avons pas non plus à examiner, pour le moment, par quelles circonstances pourra être amené le résultat qu'il espère, et qu'il considère à juste titre comme un progrès ; nous voulons seulement présenter quelques observations sur l'article ci-dessus.
L'auteur est dans une grande erreur quand il dit que «lorsqu'on raisonne on ne croit plus.» Nous disons, au contraire que lorsqu'on raisonne sa croyance, on croit plus fermement, parce que l'on comprend; c'est en vertu de ce principe que nous avons dit: Il n'y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face à tous les âges de l'humanité.
Le tort de la plupart des religions est d'avoir érigé en dogme absolu le principe de la foi aveugle, et d'avoir, à la faveur de ce principe, qui annihile l'action de l'intelligence, fait accepter, pendant un temps, des croyances que les progrès ultérieurs de la science sont venus contredire. Il en est résulté, chez un grand nombre de personnes, cette prévention que toute croyance religieuse ne peut supporter le libre examen, confondant, dans une réprobation générale, ce qui n'était que des cas particuliers. Cette manière de juger les choses n'est pas plus rationnelle que si l'on condamnait tout un poème, parce qu'il renfermerait quelques vers incorrects, mais elle est plus commode pour ceux qui ne veulent croire à rien, parce que, rejetant tout, ils se croient dispensés de rien examiner.
L'auteur commet une autre erreur capitale quand il dit: «Lorsqu'un peuple, une époque a cessé de croire, on voit bientôt s'écrouler la religion existante, on ne voit pas s'élever de religion nouvelle.» Où a-t-il vu, dans l'histoire, un peuple, une époque sans religion ?
La plupart des religions ont pris naissance dans les temps reculés, où les connaissances scientifiques étaient très bornées ou nulles ; elles ont érigé en croyances des notions erronées, que le temps seul pouvait rectifier. Malheureusement toutes se sont fondées sur le principe de l'immuabilité, et comme presque toutes ont confondu, dans un même code, la loi civile et la loi religieuse, il en est résulté qu'à un moment donné, l'esprit humain ayant marché, tandis que les religions sont restées stationnaires, celles-ci ne se sont plus trouvées à la hauteur des idées nouvelles. Elles tombent alors par la force des choses, comme tombent les lois, les mœurs sociales, les systèmes politiques qui ne peuvent répondre aux besoins nouveaux. Mais comme les croyances religieuses sont instinctives chez l'homme, et constituent, pour le cœur et l'esprit, un besoin aussi impérieux que la législation civile pour l'ordre social, elles ne s'anéantissent pas ; elles se transforment.
La transition ne s'opère jamais d'une manière brusque, mais par le mélange temporaire des idées anciennes et des idées nouvelles ; c'est d'abord une foi mixte qui participe des unes et des autres; peu à peu la vieille croyance s'éteint, la nouvelle grandit, jusqu'à ce que la substitution soit complète. Parfois la transformation n'est que partielle ; ce sont alors des sectes qui se séparent de la religion mère en modifiant quelques points de détail. C'est ainsi que le Christianisme a succédé au paganisme, que l'Islamisme a succédé au fétichisme arabe, que le Protestantisme, la religion grecque, se sont séparés du Catholicisme. Partout on voit les peuples ne quitter une croyance que pour en prendre une appropriée à leur état d'avancement moral et intellectuel ; mais nulle part il n'y a solution de continuité.
De nos jours on voit, il est vrai, l'incrédulité absolue érigée en doctrine et professée par quelques sectes philosophiques ; mais ses représentants, qui constituent une infime minorité dans la population intelligente, ont le tort de se croire tout un peuple, toute une époque, et parce qu'ils ne veulent plus de religion, s'imaginent que leur opinion personnelle est la clôture des temps religieux, tandis qu'elle n'est qu'une transition partielle à un autre ordre d'idées.
«Qu'est-ce que les trois filles de la Bible? La première est juive, la seconde est catholique, la troisième est mahométane.
On comprend de suite qu'il s'agit ici d'un livre grave, et que l'œuvre de M. Hippolyte Rodrigues intéresse spécialement les esprits sérieux qui se complaisent dans les méditations morales et philosophiques sur la destinée humaine.
L'auteur croit à une prochaine fusion des trois grandes religions qu'on appelle les trois filles de la Bible, et il travaille à amener ce résultat, dans lequel il voit un progrès immense. C'est de cette fusion que sortira la religion nouvelle qu'il considère comme devant être la religion définitive de l'humanité.
Je ne veux pas entamer ici avec M. Hippolyte Rodrigues une polémique inopportune sur la question religieuse qui s'agite depuis tant d'années au fond des consciences et dans les entrailles de la société. Je me permettrai cependant une réflexion. Il veut faire accepter la croyance nouvelle par le raisonnement. Jusqu'à ce jour, il n'y a que la foi qui ait fondé et maintenu les religions, par cette raison suprême que, lorsqu'on raisonne, on ne croit plus, et que lorsqu'un peuple, une époque, a cessé de croire, on voit bientôt s'écrouler la religion existante, on ne voit pas s'élever de religion nouvelle.»
A. de Cesena.
Cette tendance, qui se généralise, à prévoir l'unification des cultes, comme tout ce qui se rattache à la fusion des peuples, à l'abaissement des barrières qui les séparent moralement et commercialement, est aussi un des signes caractéristiques des temps. Nous ne jugerons pas l'œuvre de M. Rodrigues, attendu que nous ne la connaissons pas ; nous n'avons pas non plus à examiner, pour le moment, par quelles circonstances pourra être amené le résultat qu'il espère, et qu'il considère à juste titre comme un progrès ; nous voulons seulement présenter quelques observations sur l'article ci-dessus.
L'auteur est dans une grande erreur quand il dit que «lorsqu'on raisonne on ne croit plus.» Nous disons, au contraire que lorsqu'on raisonne sa croyance, on croit plus fermement, parce que l'on comprend; c'est en vertu de ce principe que nous avons dit: Il n'y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face à tous les âges de l'humanité.
Le tort de la plupart des religions est d'avoir érigé en dogme absolu le principe de la foi aveugle, et d'avoir, à la faveur de ce principe, qui annihile l'action de l'intelligence, fait accepter, pendant un temps, des croyances que les progrès ultérieurs de la science sont venus contredire. Il en est résulté, chez un grand nombre de personnes, cette prévention que toute croyance religieuse ne peut supporter le libre examen, confondant, dans une réprobation générale, ce qui n'était que des cas particuliers. Cette manière de juger les choses n'est pas plus rationnelle que si l'on condamnait tout un poème, parce qu'il renfermerait quelques vers incorrects, mais elle est plus commode pour ceux qui ne veulent croire à rien, parce que, rejetant tout, ils se croient dispensés de rien examiner.
L'auteur commet une autre erreur capitale quand il dit: «Lorsqu'un peuple, une époque a cessé de croire, on voit bientôt s'écrouler la religion existante, on ne voit pas s'élever de religion nouvelle.» Où a-t-il vu, dans l'histoire, un peuple, une époque sans religion ?
La plupart des religions ont pris naissance dans les temps reculés, où les connaissances scientifiques étaient très bornées ou nulles ; elles ont érigé en croyances des notions erronées, que le temps seul pouvait rectifier. Malheureusement toutes se sont fondées sur le principe de l'immuabilité, et comme presque toutes ont confondu, dans un même code, la loi civile et la loi religieuse, il en est résulté qu'à un moment donné, l'esprit humain ayant marché, tandis que les religions sont restées stationnaires, celles-ci ne se sont plus trouvées à la hauteur des idées nouvelles. Elles tombent alors par la force des choses, comme tombent les lois, les mœurs sociales, les systèmes politiques qui ne peuvent répondre aux besoins nouveaux. Mais comme les croyances religieuses sont instinctives chez l'homme, et constituent, pour le cœur et l'esprit, un besoin aussi impérieux que la législation civile pour l'ordre social, elles ne s'anéantissent pas ; elles se transforment.
La transition ne s'opère jamais d'une manière brusque, mais par le mélange temporaire des idées anciennes et des idées nouvelles ; c'est d'abord une foi mixte qui participe des unes et des autres; peu à peu la vieille croyance s'éteint, la nouvelle grandit, jusqu'à ce que la substitution soit complète. Parfois la transformation n'est que partielle ; ce sont alors des sectes qui se séparent de la religion mère en modifiant quelques points de détail. C'est ainsi que le Christianisme a succédé au paganisme, que l'Islamisme a succédé au fétichisme arabe, que le Protestantisme, la religion grecque, se sont séparés du Catholicisme. Partout on voit les peuples ne quitter une croyance que pour en prendre une appropriée à leur état d'avancement moral et intellectuel ; mais nulle part il n'y a solution de continuité.
De nos jours on voit, il est vrai, l'incrédulité absolue érigée en doctrine et professée par quelques sectes philosophiques ; mais ses représentants, qui constituent une infime minorité dans la population intelligente, ont le tort de se croire tout un peuple, toute une époque, et parce qu'ils ne veulent plus de religion, s'imaginent que leur opinion personnelle est la clôture des temps religieux, tandis qu'elle n'est qu'une transition partielle à un autre ordre d'idées.
L'abbé Lacordaire et les tables tournantes
Extrait d'une lettre de l'abbé Lacordaire à madame Swetchine, datée de Flavigny, 29 juin 1853, tirée de sa correspondance publiée en 1865.
« Avez-vous vu tourner et entendu parler des tables ? – J'ai dédaigné de les voir tourner, comme une chose trop simple, mais j'en ai entendu et fait parler. Elles m'ont dit des choses assez remarquables sur le passé et sur le présent. Quelque extraordinaire que cela soit, c'est pour un chrétien qui croit aux Esprits, un phénomène très vulgaire et très pauvre. De tous temps il y a eu des modes plus ou moins bizarres pour communiquer avec les Esprits ; seulement autrefois, on faisait mystère de ces procédés, comme on faisait mystère de la chimie ; la justice, par des exécutions terribles, refoulait dans l'ombre ces étranges pratiques. Aujourd'hui, grâce à la liberté des cultes et à la publicité universelle, ce qui était un secret est devenu une formule populaire. Peut-être aussi, par cette divulgation, Dieu veut-il proportionner le développement des forces spirituelles au développement des forces matérielles, afin que l'homme n'oublie pas, en présence des merveilles de la mécanique, qu'il y a deux mondes inclus l'un dans l'autre : le monde des corps et le monde des Esprits.
Il est probable que ce développement parallèle ira croissant jusqu'à la fin du monde, ce qui amènera un jour le règne de l'antéchrist, où l'on verra, de part et d'autre, pour le bien et le mal, l'emploi d'armes surnaturelles, et des prodiges effrayants. Je n'en conclus pas que l'Antéchrist soit proche, parce que les opérations dont nous sommes témoins n'ont rien, sauf la publicité, de plus extraordinaire que ce qui se voyait autrefois. Les pauvres incrédules doivent être assez inquiets de leur raison ; mais ils ont la ressource de tout croire pour échapper à la vraie foi, et ils n'y manqueront pas. O profondeur des jugements de Dieu ! »
L'abbé Lacordaire écrivait ceci en 1 853, c'est-à-dire presque au début des manifestations, à une époque où ces phénomènes étaient bien plus un objet de curiosité qu'un sujet de méditations sérieuses. Bien qu'alors ils ne fussent constitués ni en science ni en corps de doctrine, il en avait entrevu la portée, et loin de les considérer comme une chose éphémère, il en prévoyait le développement dans l'avenir. Son opinion sur l'existence et la manifestation des Esprits est catégorique ; or, comme il est généralement tenu par tout le monde pour une des hautes intelligences de ce siècle, il paraît difficile de le ranger parmi les fous après l'avoir applaudi comme homme de grand sens et de progrès. On peut donc avoir le sens commun et croire aux Esprits.
Les tables parlantes sont, dit-il, « un phénomène très vulgaire et très pauvre » bien pauvre en effet quant au moyen de communiquer avec les Esprits, car si l'on n'en eût pas eu d'autres, le Spiritisme ne serait guère avancé ; alors on connaissait à peine les médiums écrivains, et l'on ne soupçonnait pas ce qui allait sortir de ce moyen en apparence si puéril. Quant au règne de l'Antéchrist, Lacordaire ne paraît pas s'en effrayer beaucoup, car il ne le voit pas venir de sitôt. Pour lui ces manifestations sont providentielles ; elles doivent troubler et confondre les incrédules ; il y admire la profondeur des jugements de Dieu ; elles ne sont donc pas l'œuvre du diable qui doit pousser à renier Dieu et non à reconnaître sa puissance.
L'extrait ci-dessus de la correspondance de Lacordaire à été lu à la Société de Paris, dans la séance du 18 janvier ; dans cette même séance, M. Morin, un de ses médiums écrivains habitués, s'endormit spontanément sous l'action magnétique des Esprits ; c'était la troisième fois que ce phénomène se produisait chez lui, car habituellement il ne s'endort que par la magnétisation ordinaire. Dans son sommeil il parla sur différents sujets, et de plusieurs Esprits présents dont il nous transmit la pensée. Il dit entre autres choses ce qui suit :
« Un Esprit que vous connaissez tous, et que je reconnais aussi ; un Esprit de grande réputation terrestre, élevé dans l'échelle intellectuelle des mondes est ici. Spirite avant le Spiritisme, je l'ai vu enseignant la doctrine, non plus comme incarné, mais comme Esprit. Je l'ai vu prêchant avec la même éloquence, avec le même sentiment de conviction intime que de son vivant, ce qu'il n'eût certainement pas osé prêcher en chaire ouvertement, mais ce à quoi conduisaient ses enseignements. Je l'ai vu prêcher la doctrine aux siens, à sa famille, à tous ses amis. Je l'ai vu s'emporter, bien qu'à l'état spirituel, lorsqu'il rencontrait un cerveau réfractaire, ou une résistance obstinée aux inspirations qu'il soufflait ; toujours vif et pétulant, voulant faire pénétrer la conviction dans les intelligences, comme on fait pénétrer dans le roc vif le ciseau pousser par un vigoureux coup de marteau. Mais cela n'entre pas si vite ; cependant son éloquence en a converti plus d'un. Cet Esprit c'est celui de l'abbé Lacordaire.
Il demande une chose, non par Esprit d'orgueil, non par un intérêt personnel quelconque, mais dans l'intérêt de tous pour le bien de la doctrine : l'insertion dans la Revue, de ce qu'il a écrit il y a treize ans. Si je demande cette insertion, dit-il, c'est pour deux motifs ; le premier c'est que vous montrerez au monde que, comme vous le dites, on peut ne pas être un sot et croire aux Esprits. Le second, c'est que la publication de cette première citation fera découvrir dans mes écrits d'autres passages qui vous seront signalés, comme étant d'accord avec les principes du Spiritisme. »
« Avez-vous vu tourner et entendu parler des tables ? – J'ai dédaigné de les voir tourner, comme une chose trop simple, mais j'en ai entendu et fait parler. Elles m'ont dit des choses assez remarquables sur le passé et sur le présent. Quelque extraordinaire que cela soit, c'est pour un chrétien qui croit aux Esprits, un phénomène très vulgaire et très pauvre. De tous temps il y a eu des modes plus ou moins bizarres pour communiquer avec les Esprits ; seulement autrefois, on faisait mystère de ces procédés, comme on faisait mystère de la chimie ; la justice, par des exécutions terribles, refoulait dans l'ombre ces étranges pratiques. Aujourd'hui, grâce à la liberté des cultes et à la publicité universelle, ce qui était un secret est devenu une formule populaire. Peut-être aussi, par cette divulgation, Dieu veut-il proportionner le développement des forces spirituelles au développement des forces matérielles, afin que l'homme n'oublie pas, en présence des merveilles de la mécanique, qu'il y a deux mondes inclus l'un dans l'autre : le monde des corps et le monde des Esprits.
Il est probable que ce développement parallèle ira croissant jusqu'à la fin du monde, ce qui amènera un jour le règne de l'antéchrist, où l'on verra, de part et d'autre, pour le bien et le mal, l'emploi d'armes surnaturelles, et des prodiges effrayants. Je n'en conclus pas que l'Antéchrist soit proche, parce que les opérations dont nous sommes témoins n'ont rien, sauf la publicité, de plus extraordinaire que ce qui se voyait autrefois. Les pauvres incrédules doivent être assez inquiets de leur raison ; mais ils ont la ressource de tout croire pour échapper à la vraie foi, et ils n'y manqueront pas. O profondeur des jugements de Dieu ! »
L'abbé Lacordaire écrivait ceci en 1 853, c'est-à-dire presque au début des manifestations, à une époque où ces phénomènes étaient bien plus un objet de curiosité qu'un sujet de méditations sérieuses. Bien qu'alors ils ne fussent constitués ni en science ni en corps de doctrine, il en avait entrevu la portée, et loin de les considérer comme une chose éphémère, il en prévoyait le développement dans l'avenir. Son opinion sur l'existence et la manifestation des Esprits est catégorique ; or, comme il est généralement tenu par tout le monde pour une des hautes intelligences de ce siècle, il paraît difficile de le ranger parmi les fous après l'avoir applaudi comme homme de grand sens et de progrès. On peut donc avoir le sens commun et croire aux Esprits.
Les tables parlantes sont, dit-il, « un phénomène très vulgaire et très pauvre » bien pauvre en effet quant au moyen de communiquer avec les Esprits, car si l'on n'en eût pas eu d'autres, le Spiritisme ne serait guère avancé ; alors on connaissait à peine les médiums écrivains, et l'on ne soupçonnait pas ce qui allait sortir de ce moyen en apparence si puéril. Quant au règne de l'Antéchrist, Lacordaire ne paraît pas s'en effrayer beaucoup, car il ne le voit pas venir de sitôt. Pour lui ces manifestations sont providentielles ; elles doivent troubler et confondre les incrédules ; il y admire la profondeur des jugements de Dieu ; elles ne sont donc pas l'œuvre du diable qui doit pousser à renier Dieu et non à reconnaître sa puissance.
L'extrait ci-dessus de la correspondance de Lacordaire à été lu à la Société de Paris, dans la séance du 18 janvier ; dans cette même séance, M. Morin, un de ses médiums écrivains habitués, s'endormit spontanément sous l'action magnétique des Esprits ; c'était la troisième fois que ce phénomène se produisait chez lui, car habituellement il ne s'endort que par la magnétisation ordinaire. Dans son sommeil il parla sur différents sujets, et de plusieurs Esprits présents dont il nous transmit la pensée. Il dit entre autres choses ce qui suit :
« Un Esprit que vous connaissez tous, et que je reconnais aussi ; un Esprit de grande réputation terrestre, élevé dans l'échelle intellectuelle des mondes est ici. Spirite avant le Spiritisme, je l'ai vu enseignant la doctrine, non plus comme incarné, mais comme Esprit. Je l'ai vu prêchant avec la même éloquence, avec le même sentiment de conviction intime que de son vivant, ce qu'il n'eût certainement pas osé prêcher en chaire ouvertement, mais ce à quoi conduisaient ses enseignements. Je l'ai vu prêcher la doctrine aux siens, à sa famille, à tous ses amis. Je l'ai vu s'emporter, bien qu'à l'état spirituel, lorsqu'il rencontrait un cerveau réfractaire, ou une résistance obstinée aux inspirations qu'il soufflait ; toujours vif et pétulant, voulant faire pénétrer la conviction dans les intelligences, comme on fait pénétrer dans le roc vif le ciseau pousser par un vigoureux coup de marteau. Mais cela n'entre pas si vite ; cependant son éloquence en a converti plus d'un. Cet Esprit c'est celui de l'abbé Lacordaire.
Il demande une chose, non par Esprit d'orgueil, non par un intérêt personnel quelconque, mais dans l'intérêt de tous pour le bien de la doctrine : l'insertion dans la Revue, de ce qu'il a écrit il y a treize ans. Si je demande cette insertion, dit-il, c'est pour deux motifs ; le premier c'est que vous montrerez au monde que, comme vous le dites, on peut ne pas être un sot et croire aux Esprits. Le second, c'est que la publication de cette première citation fera découvrir dans mes écrits d'autres passages qui vous seront signalés, comme étant d'accord avec les principes du Spiritisme. »
Réfutation de l'intervention du démon
Par Mgr Freyssinous, évêque d'Hermopolis.
En réponse à l'opinion qui attribue à une ruse du démon les transformations morales opérées par l'enseignement des Esprits, nous avons maintes fois dit que le diable serait bien peu habile si, pour arriver à perdre l'homme, il commençait par le tirer du bourbier de l'incrédulité et le ramener à Dieu ; que ce serait la conduite d'un sot et d'un niais. A cela on objecte que c'est précisément là le chef-d'œuvre de la malice de cet ennemi de Dieu et des hommes. Nous avouons ne pas comprendre la malice.
Un de nos correspondants nous adresse, à l'appui de notre raisonne-ment, les paroles ci-après de Mgr de Freyssinous, évêque d'Hermopolis, tirées de ses Conférences sur la religion, tome II, page 341 ; Paris, 1825.
« Si Jésus-Christ avait opéré ses miracles par la vertu du démon, le démon aurait donc travaillé à détruire son empire, et il aurait employé sa puissance contre lui-même. Certes, un démon qui chercherait à détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu, serait un étrange démon. Voilà pourquoi Jésus, pour repousser l'absurde accusation des Juifs, leur disait : « Si j'opère des prodiges au nom du démon, le démon est donc divisé avec lui-même ; il cherche donc à se détruire, » réponse qui ne souffre pas de réplique. »
Merci à notre correspondant d'avoir bien voulu nous signaler cet important passage dont nos lecteurs feront leur profit à l'occasion. Merci aussi à tous ceux qui nous transmettent ce qu'ils trouvent, dans leurs lectures, d'intéressant pour la doctrine. Rien n'est perdu.
Tous les ecclésiastiques, comme on le voit, sont loin de professer, sur la doctrine démoniaque, des opinions aussi absolues que certains membres du clergé ; Mgr d'Hermopolis est, en ces matières, une autorité dont ils ne sauraient récuser la valeur. Ses arguments sont précisément les mêmes qu'opposent les Spirites à ceux qui attribuent au démon les bons conseils qu'ils reçoivent des Esprits. Que font, en effet, les Esprits, si ce n'est détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu ? de ramener à Dieu ceux qui le méconnaissent et le renient ? Si telle est l'œuvre du démon, il agirait comme un voleur de profession qui restituerait ce qu'il a volé, et engagerait les autres voleurs à devenir d'honnêtes gens. Alors il faudrait le féliciter de sa transformation. Soutenir la coopération volontaire de l'Esprit du mal pour produire le bien, c'est non seulement un non-sens, mais c'est renier la plus haute autorité chrétienne : celle du Christ.
Que les Pharisiens du temps de Jésus aient cru cela de bonne foi, on pourrait le concevoir, parce qu'alors on n'était pas plus éclairé sur la nature de Satan que sur celle de Dieu, et qu'il entrait dans la théogonie des Juifs d'en faire deux puissances rivales. Mais aujourd'hui une telle doctrine est aussi inadmissible que celle qui attribuait à Satan certaines inventions industrielles, comme l'imprimerie, par exemple ; ceux mêmes qui la défendent sont peut-être les derniers à y croire ; déjà elle tombe dans le ridicule et n'effraye personne, et avant qu'il soit longtemps on n'osera plus l'invoquer sérieusement.
La doctrine spirite n'admet pas de puissance rivale à celle de Dieu, et encore moins pourrait-elle admettre qu'un être déchu, précipité par Dieu dans l'abîme, pût avoir recouvré assez de pouvoir pour contrebalancer ses desseins, ce qui ôterait à Dieu sa toute-puissance. Selon cette doctrine, Satan est la personnification allégorique du mal, comme chez les Païens Saturne était la personnification du temps, Mars celle de la guerre, Vénus de la beauté.
Les Esprits qui se manifestent sont les âmes des hommes, et dans le nombre il y en a, comme parmi les hommes, de bons et de pervers, d'avancés et d'arriérés ; les bons disent de bonnes choses, donnent de bons conseils ; les pervers en disent de mauvaises, inspirent de mauvaises pensées, et font le mal comme ils le faisaient sur la terre ; en voyant la méchanceté, la fourberie, l'ingratitude, la perversité de certains hommes, on reconnaît qu'ils ne valent pas mieux que les plus mauvais Esprits ; mais incarnés ou désincarnés, ces mauvais Esprits arriveront un jour à s'améliorer lorsqu'ils auront été touchés par le repentir.
Comparez l'une et l'autre doctrine, et voyez celle qui est la plus rationnelle, la plus respectueuse envers la divinité.
En réponse à l'opinion qui attribue à une ruse du démon les transformations morales opérées par l'enseignement des Esprits, nous avons maintes fois dit que le diable serait bien peu habile si, pour arriver à perdre l'homme, il commençait par le tirer du bourbier de l'incrédulité et le ramener à Dieu ; que ce serait la conduite d'un sot et d'un niais. A cela on objecte que c'est précisément là le chef-d'œuvre de la malice de cet ennemi de Dieu et des hommes. Nous avouons ne pas comprendre la malice.
Un de nos correspondants nous adresse, à l'appui de notre raisonne-ment, les paroles ci-après de Mgr de Freyssinous, évêque d'Hermopolis, tirées de ses Conférences sur la religion, tome II, page 341 ; Paris, 1825.
« Si Jésus-Christ avait opéré ses miracles par la vertu du démon, le démon aurait donc travaillé à détruire son empire, et il aurait employé sa puissance contre lui-même. Certes, un démon qui chercherait à détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu, serait un étrange démon. Voilà pourquoi Jésus, pour repousser l'absurde accusation des Juifs, leur disait : « Si j'opère des prodiges au nom du démon, le démon est donc divisé avec lui-même ; il cherche donc à se détruire, » réponse qui ne souffre pas de réplique. »
Merci à notre correspondant d'avoir bien voulu nous signaler cet important passage dont nos lecteurs feront leur profit à l'occasion. Merci aussi à tous ceux qui nous transmettent ce qu'ils trouvent, dans leurs lectures, d'intéressant pour la doctrine. Rien n'est perdu.
Tous les ecclésiastiques, comme on le voit, sont loin de professer, sur la doctrine démoniaque, des opinions aussi absolues que certains membres du clergé ; Mgr d'Hermopolis est, en ces matières, une autorité dont ils ne sauraient récuser la valeur. Ses arguments sont précisément les mêmes qu'opposent les Spirites à ceux qui attribuent au démon les bons conseils qu'ils reçoivent des Esprits. Que font, en effet, les Esprits, si ce n'est détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu ? de ramener à Dieu ceux qui le méconnaissent et le renient ? Si telle est l'œuvre du démon, il agirait comme un voleur de profession qui restituerait ce qu'il a volé, et engagerait les autres voleurs à devenir d'honnêtes gens. Alors il faudrait le féliciter de sa transformation. Soutenir la coopération volontaire de l'Esprit du mal pour produire le bien, c'est non seulement un non-sens, mais c'est renier la plus haute autorité chrétienne : celle du Christ.
Que les Pharisiens du temps de Jésus aient cru cela de bonne foi, on pourrait le concevoir, parce qu'alors on n'était pas plus éclairé sur la nature de Satan que sur celle de Dieu, et qu'il entrait dans la théogonie des Juifs d'en faire deux puissances rivales. Mais aujourd'hui une telle doctrine est aussi inadmissible que celle qui attribuait à Satan certaines inventions industrielles, comme l'imprimerie, par exemple ; ceux mêmes qui la défendent sont peut-être les derniers à y croire ; déjà elle tombe dans le ridicule et n'effraye personne, et avant qu'il soit longtemps on n'osera plus l'invoquer sérieusement.
La doctrine spirite n'admet pas de puissance rivale à celle de Dieu, et encore moins pourrait-elle admettre qu'un être déchu, précipité par Dieu dans l'abîme, pût avoir recouvré assez de pouvoir pour contrebalancer ses desseins, ce qui ôterait à Dieu sa toute-puissance. Selon cette doctrine, Satan est la personnification allégorique du mal, comme chez les Païens Saturne était la personnification du temps, Mars celle de la guerre, Vénus de la beauté.
Les Esprits qui se manifestent sont les âmes des hommes, et dans le nombre il y en a, comme parmi les hommes, de bons et de pervers, d'avancés et d'arriérés ; les bons disent de bonnes choses, donnent de bons conseils ; les pervers en disent de mauvaises, inspirent de mauvaises pensées, et font le mal comme ils le faisaient sur la terre ; en voyant la méchanceté, la fourberie, l'ingratitude, la perversité de certains hommes, on reconnaît qu'ils ne valent pas mieux que les plus mauvais Esprits ; mais incarnés ou désincarnés, ces mauvais Esprits arriveront un jour à s'améliorer lorsqu'ils auront été touchés par le repentir.
Comparez l'une et l'autre doctrine, et voyez celle qui est la plus rationnelle, la plus respectueuse envers la divinité.
Variétés
Eugénie Colombe. Précocité phénoménale.
Plusieurs journaux ont reproduit le fait suivant:
«La Sentinelle, de Toulon, parle d'un jeune phénomène qu'on admire en ce moment dans cette ville.
C'est une petite fille âgée de deux ans et onze mois, nommée Eugénie Colombe.
Cette enfant sait déjà parfaitement lire et écrire, elle est de plus en état de soutenir le plus sérieux examen sur les principes de la religion chrétienne, sur la grammaire française, la géographie, l'histoire de France et les quatre règles de l'arithmétique.
Elle connaît la rose des vents et soutient parfaitement une discussion scientifique sur tous ces sujets.
Cette étonnante petite fille a commencé à parler très distinctement à l'âge de quatre mois.
Présentée dans les salons de la préfecture maritime, Eugénie Colombe, douée d'une figure charmante, a obtenu un succès d'enthousiasme.»
Cet article nous avait paru, ainsi qu'à beaucoup d'autres personnes, empreint d'une telle exagération, que nous n'y avions attaché aucune importance. Néanmoins, pour savoir positivement à quoi nous en tenir, nous avons prié un de nos correspondants, officier de marine à Toulon, de vouloir bien s'enquérir du fait. Voici ce qu'il nous a répondu:
«Pour m'assurer de la vérité, je me suis rendu chez les parents de la petite fille signalée par la Sentinelle Toulonnaise du 19 novembre ; j'ai vu cette charmante enfant dont le développement physique est en rapport avec son âge ; elle n'a que trois ans. Sa mère est institutrice ; c'est elle qui dirige son instruction. Elle l'a interrogée en ma présence sur le catéchisme, l'histoire sainte depuis la création du monde jusqu'au déluge, les huit premiers rois de France et différentes circonstances relatives à leur règne et à celui de Napoléon Ier. Pour la géographie, l'enfant a nommé les cinq parties du monde, les capitales des contrées qu'elles renferment, plusieurs chefs-lieux des départements de la France. Elle a aussi parfaitement répondu sur les premières notions de la grammaire française et le système métrique. Cette enfant a fait toutes ces réponses sans la moindre hésitation, tout en s'amusant avec les joujoux qu'elle tenait dans ses mains. Sa mère m'a dit qu'elle sait lire depuis l'âge de deux ans et demi, et m'a assuré qu'elle peut répondre de la même manière à plus de cinq cents questions.»
Le fait dégagé de l'exagération du récit des journaux, et réduit aux proportions ci-dessus, n'en est pas moins remarquable et important dans ses conséquences. Il appelle forcément l'attention sur les faits analogues de précocité intellectuelle et les connaissances innées. Involontairement on cherche à se les expliquer, et avec les idées de pluralité d'existences qui circulent, on arrive à n'en trouver de solution rationnelle que dans une existence antérieure. Il faut ranger ces phénomènes au nombre de ceux qui sont annoncés comme devant, par leur multiplicité, confirmer les croyances spirites, et contribuer à leur développement.
Dans le cas dont il s'agit, la mémoire paraît certainement jouer un rôle important. La mère de cette enfant étant institutrice, la petite fille se trouvait sans doute habituellement dans la classe, et aura retenu les leçons faites aux élèves par sa mère, tandis qu'on voit certains enfants posséder, par intuition, des connaissances en quelque sorte natives, et en dehors de tout enseignement. Mais pourquoi, chez elle plutôt que chez d'autres, cette facilité exceptionnelle à s'assimiler ce qu'elle entendait, et qu'on ne songeait probablement pas à lui apprendre ? C'est que ce qu'elle entendait ne faisait que réveiller en elle le souvenir de ce qu'elle avait su. La précocité de certains enfants pour les langues, la musique, les mathématiques, etc., toutes les idées innées, en un mot, ne sont également que des souvenirs ; ils se souviennent de ce qu'ils ont su, comme on voit certaines personnes se souvenir, plus ou moins vaguement, de ce qu'elles ont fait, ou de ce qui leur est arrivé. Nous connaissons un petit garçon de cinq ans qui, étant à table, où rien dans la conversation n'avait pu provoquer une idée sur ce sujet, se mit à dire : « Moi, j'ai été marié, je m'en souviens bien ; j'avais une femme, petite, jeune et jolie, et j'ai eu plusieurs enfants. » On n'a certainement aucun moyen de contrôler son assertion, mais on se demande d'où a pu lui venir une pareille idée, alors qu'aucune circonstance n'avait pu la provoquer.
En faut-il conclure que les enfants qui n'apprennent qu'à force de travail ont été ignorants ou stupides dans leur précédente existence ? Non assurément ; la faculté de se souvenir est une aptitude inhérente à l'état psychologique, c'est-à-dire au plus facile dégagement de l'âme chez certains individus que chez d'autres, une sorte de vue spirituelle rétrospective qui leur rappelle le passé, tandis que pour ceux qui ne la possèdent pas, ce passé ne laisse aucune trace apparente. Le passé est comme un rêve dont on se souvient plus ou moins exactement, ou dont on a totalement perdu le souvenir. (Voir Revue spirite de juillet 1860, page 205 ; id. de novembre 1864, page 328.)
Au moment de mettre sous presse, nous recevons d'un de nos correspondants d'Algérie, qui, à son passage à Toulon, a vu la jeune Eugénie Colombe, une lettre contenant le récit suivant qui confirme le précédent, et y ajoute des détails qui ne sont pas sans intérêt :
«Cette enfant, d'une beauté remarquable, est d'une vivacité extrême, mais d'une douceur angélique. Placée sur les genoux de sa mère, elle a répondu à plus de cinquante questions sur l'Évangile. Interrogée sur la géographie, elle m'a désigné toutes les capitales d'Europe et des divers états de l'Amérique; tous les chefs-lieux des départements français et de l'Algérie; elle m'a expliqué le système décimal, le système métrique. En grammaire, les verbes, les participes et les adjectifs. Elle connaît, ou du moins définit les quatre premières règles. Elle a écrit sous ma dictée, mais avec une rapidité telle que je suis porté à croire qu'elle écrit médianimiquement. A la cinquième ligne elle a posé sa plume ; elle m'a regardé fixement avec ses grands yeux bleus, en me disant brusquement : «Monsieur, c'est assez;» puis elle est descendue de son siège et a couru à ses joujoux.
Cette enfant est certainement un Esprit très avancé, car on voit qu'elle répond et cite sans le moindre effort de mémoire. Sa mère m'a dit que depuis l'âge de 12 à 15 mois elle rêve la nuit et paraît faire la conservation, mais dans un langage qui ne permet pas de la comprendre. Elle est charitable par instinct ; elle attire toujours l'attention de sa mère lorsqu'elle aperçoit un pauvre ; elle ne peut souffrir que l'on frappe ni chiens, ni chats, ni aucun animal. Son père est un ouvrier de l'arsenal maritime.»
Des Spirites éclairés, comme nos deux correspondants, pouvaient seuls apprécier le phénomène psychologique que présente cette jeune enfant, et en sonder la cause ; car, de même que pour juger un mécanisme, il faut un mécanicien, pour juger les faits spirites, il faut être Spirite; or, qui charge-t-on en général de la constatation et de l'explication des phénomènes de ce genre? Précisément des personnes qui ne les ont pas étudiés, et qui niant la cause première n'en peuvent admettre les conséquences.
«La Sentinelle, de Toulon, parle d'un jeune phénomène qu'on admire en ce moment dans cette ville.
C'est une petite fille âgée de deux ans et onze mois, nommée Eugénie Colombe.
Cette enfant sait déjà parfaitement lire et écrire, elle est de plus en état de soutenir le plus sérieux examen sur les principes de la religion chrétienne, sur la grammaire française, la géographie, l'histoire de France et les quatre règles de l'arithmétique.
Elle connaît la rose des vents et soutient parfaitement une discussion scientifique sur tous ces sujets.
Cette étonnante petite fille a commencé à parler très distinctement à l'âge de quatre mois.
Présentée dans les salons de la préfecture maritime, Eugénie Colombe, douée d'une figure charmante, a obtenu un succès d'enthousiasme.»
Cet article nous avait paru, ainsi qu'à beaucoup d'autres personnes, empreint d'une telle exagération, que nous n'y avions attaché aucune importance. Néanmoins, pour savoir positivement à quoi nous en tenir, nous avons prié un de nos correspondants, officier de marine à Toulon, de vouloir bien s'enquérir du fait. Voici ce qu'il nous a répondu:
«Pour m'assurer de la vérité, je me suis rendu chez les parents de la petite fille signalée par la Sentinelle Toulonnaise du 19 novembre ; j'ai vu cette charmante enfant dont le développement physique est en rapport avec son âge ; elle n'a que trois ans. Sa mère est institutrice ; c'est elle qui dirige son instruction. Elle l'a interrogée en ma présence sur le catéchisme, l'histoire sainte depuis la création du monde jusqu'au déluge, les huit premiers rois de France et différentes circonstances relatives à leur règne et à celui de Napoléon Ier. Pour la géographie, l'enfant a nommé les cinq parties du monde, les capitales des contrées qu'elles renferment, plusieurs chefs-lieux des départements de la France. Elle a aussi parfaitement répondu sur les premières notions de la grammaire française et le système métrique. Cette enfant a fait toutes ces réponses sans la moindre hésitation, tout en s'amusant avec les joujoux qu'elle tenait dans ses mains. Sa mère m'a dit qu'elle sait lire depuis l'âge de deux ans et demi, et m'a assuré qu'elle peut répondre de la même manière à plus de cinq cents questions.»
Le fait dégagé de l'exagération du récit des journaux, et réduit aux proportions ci-dessus, n'en est pas moins remarquable et important dans ses conséquences. Il appelle forcément l'attention sur les faits analogues de précocité intellectuelle et les connaissances innées. Involontairement on cherche à se les expliquer, et avec les idées de pluralité d'existences qui circulent, on arrive à n'en trouver de solution rationnelle que dans une existence antérieure. Il faut ranger ces phénomènes au nombre de ceux qui sont annoncés comme devant, par leur multiplicité, confirmer les croyances spirites, et contribuer à leur développement.
Dans le cas dont il s'agit, la mémoire paraît certainement jouer un rôle important. La mère de cette enfant étant institutrice, la petite fille se trouvait sans doute habituellement dans la classe, et aura retenu les leçons faites aux élèves par sa mère, tandis qu'on voit certains enfants posséder, par intuition, des connaissances en quelque sorte natives, et en dehors de tout enseignement. Mais pourquoi, chez elle plutôt que chez d'autres, cette facilité exceptionnelle à s'assimiler ce qu'elle entendait, et qu'on ne songeait probablement pas à lui apprendre ? C'est que ce qu'elle entendait ne faisait que réveiller en elle le souvenir de ce qu'elle avait su. La précocité de certains enfants pour les langues, la musique, les mathématiques, etc., toutes les idées innées, en un mot, ne sont également que des souvenirs ; ils se souviennent de ce qu'ils ont su, comme on voit certaines personnes se souvenir, plus ou moins vaguement, de ce qu'elles ont fait, ou de ce qui leur est arrivé. Nous connaissons un petit garçon de cinq ans qui, étant à table, où rien dans la conversation n'avait pu provoquer une idée sur ce sujet, se mit à dire : « Moi, j'ai été marié, je m'en souviens bien ; j'avais une femme, petite, jeune et jolie, et j'ai eu plusieurs enfants. » On n'a certainement aucun moyen de contrôler son assertion, mais on se demande d'où a pu lui venir une pareille idée, alors qu'aucune circonstance n'avait pu la provoquer.
En faut-il conclure que les enfants qui n'apprennent qu'à force de travail ont été ignorants ou stupides dans leur précédente existence ? Non assurément ; la faculté de se souvenir est une aptitude inhérente à l'état psychologique, c'est-à-dire au plus facile dégagement de l'âme chez certains individus que chez d'autres, une sorte de vue spirituelle rétrospective qui leur rappelle le passé, tandis que pour ceux qui ne la possèdent pas, ce passé ne laisse aucune trace apparente. Le passé est comme un rêve dont on se souvient plus ou moins exactement, ou dont on a totalement perdu le souvenir. (Voir Revue spirite de juillet 1860, page 205 ; id. de novembre 1864, page 328.)
Au moment de mettre sous presse, nous recevons d'un de nos correspondants d'Algérie, qui, à son passage à Toulon, a vu la jeune Eugénie Colombe, une lettre contenant le récit suivant qui confirme le précédent, et y ajoute des détails qui ne sont pas sans intérêt :
«Cette enfant, d'une beauté remarquable, est d'une vivacité extrême, mais d'une douceur angélique. Placée sur les genoux de sa mère, elle a répondu à plus de cinquante questions sur l'Évangile. Interrogée sur la géographie, elle m'a désigné toutes les capitales d'Europe et des divers états de l'Amérique; tous les chefs-lieux des départements français et de l'Algérie; elle m'a expliqué le système décimal, le système métrique. En grammaire, les verbes, les participes et les adjectifs. Elle connaît, ou du moins définit les quatre premières règles. Elle a écrit sous ma dictée, mais avec une rapidité telle que je suis porté à croire qu'elle écrit médianimiquement. A la cinquième ligne elle a posé sa plume ; elle m'a regardé fixement avec ses grands yeux bleus, en me disant brusquement : «Monsieur, c'est assez;» puis elle est descendue de son siège et a couru à ses joujoux.
Cette enfant est certainement un Esprit très avancé, car on voit qu'elle répond et cite sans le moindre effort de mémoire. Sa mère m'a dit que depuis l'âge de 12 à 15 mois elle rêve la nuit et paraît faire la conservation, mais dans un langage qui ne permet pas de la comprendre. Elle est charitable par instinct ; elle attire toujours l'attention de sa mère lorsqu'elle aperçoit un pauvre ; elle ne peut souffrir que l'on frappe ni chiens, ni chats, ni aucun animal. Son père est un ouvrier de l'arsenal maritime.»
Des Spirites éclairés, comme nos deux correspondants, pouvaient seuls apprécier le phénomène psychologique que présente cette jeune enfant, et en sonder la cause ; car, de même que pour juger un mécanisme, il faut un mécanicien, pour juger les faits spirites, il faut être Spirite; or, qui charge-t-on en général de la constatation et de l'explication des phénomènes de ce genre? Précisément des personnes qui ne les ont pas étudiés, et qui niant la cause première n'en peuvent admettre les conséquences.
Tom l'aveugle, musicien naturel
On lit dans le Spiritual Magazine de Londres :
« La célébrité de Tom l'Aveugle qui, depuis peu, a fait son apparition à Londres, s'était déjà répandue ici, et il y a quelques années, un article dans le journal All the year round, avait décrit ses remarquables facultés et la sensation qu'elles avaient produites en Amérique. La manière dont ces facultés se sont développées chez ce nègre, esclave et aveugle, ignorant et totalement illettré ; comment, tout enfant, surpris un jour par les sons de la musique dans la maison de son maître, il courut sans cérémonie prendre sa place au piano, reproduisant note par note ce qui venait d'être joué, riant et faisant des contorsions de joie en voyant le nouveau monde de jouissances qu'il venait de découvrir, tout cela a été si fréquemment raconté, que je crois inutile de le mentionner de nouveau ; mais un fait significatif et intéressant m'a été raconté par un ami qui fut le premier témoin et appréciateur de la faculté de Tom. Un jour une œuvre de Haendel lui fut jouée. Immédiatement Tom la rejoua correctement, et quand il eut terminé, il se frotta les mains avec une expression de joie indéfinissable en s'écriant : « Je le vois, c'est un vieillard avec une grande perruque ; il a joué d'abord et moi après. » Il est incontestable que Tom avait vu Haendel, et l'avait entendu jouer.
Tom s'est produit plusieurs fois en public, et la manière dont il exécute les morceaux les plus difficiles ferait presque douter de son infirmité. Il répète sans faute sur le piano, et nécessairement de mémoire, tout ce qu'on lui joue, soit des sonates classiques anciennes, soit des fantaisies modernes ; or, nous voudrions bien voir celui qui pourrait apprendre de cette manière les variations de Thalberg les yeux fermés comme il l'a fait.
Ce fait surprenant d'un aveugle, ignorant, dépourvu de toute instruction, montrant un talent que d'autres sont incapables d'acquérir avec tous les avantages de l'étude, sera probablement expliqué par un grand nombre d'après la manière ordinaire d'envisager ces choses, en disant : c'est un génie et une organisation exceptionnelle ; mais ce n'est que le Spiritisme qui puisse donner la clef de ce phénomène d'une manière compréhensible et rationnelle. »
Les réflexions que nous avons faites à propos de la petite fille de Toulon, s'appliquent naturellement à Tom l'aveugle. Tom a dû être un grand musicien auquel il suffit d'entendre pour être sur la voie de ce qu'il a su. Ce qui rend le phénomène plus extraordinaire, c'est qu'il se présente chez un nègre, esclave et aveugle, triple cause qui s'opposait à la culture de ses aptitudes natives, et malgré laquelle elles se sont manifestées à la première occasion favorable, comme une graine germe aux rayons du soleil. Or, comme la race nègre en général, et surtout à l'état d'esclavage, ne brille pas par la culture des arts, il en faut conclure que l'Esprit de Tom n'appartient pas à cette race ; mais qu'il s'y sera incarné soit comme expiation, soit comme moyen providentiel de réhabilitation de cette race dans l'opinion, en montrant ce dont elle est capable.
On a beaucoup dit et beaucoup écrit contre l'esclavage et le préjugé de la couleur ; tout ce qu'on a dit est juste et moral ; mais ce n'était qu'une thèse philosophique. La loi de la pluralité des existences et de la réincarnation vient y ajouter l'irréfutable sanction d'une loi de la nature qui consacre la fraternité de tous les hommes. Tom l'esclave, né et acclamé en Amérique, est une protestation vivante contre les préjugés qui règnent encore dans ce pays. (Voir la Revue d'avril 1862, page 97 : Perfectibilité de la race nègre. Phrénologie spiritualiste.)
« La célébrité de Tom l'Aveugle qui, depuis peu, a fait son apparition à Londres, s'était déjà répandue ici, et il y a quelques années, un article dans le journal All the year round, avait décrit ses remarquables facultés et la sensation qu'elles avaient produites en Amérique. La manière dont ces facultés se sont développées chez ce nègre, esclave et aveugle, ignorant et totalement illettré ; comment, tout enfant, surpris un jour par les sons de la musique dans la maison de son maître, il courut sans cérémonie prendre sa place au piano, reproduisant note par note ce qui venait d'être joué, riant et faisant des contorsions de joie en voyant le nouveau monde de jouissances qu'il venait de découvrir, tout cela a été si fréquemment raconté, que je crois inutile de le mentionner de nouveau ; mais un fait significatif et intéressant m'a été raconté par un ami qui fut le premier témoin et appréciateur de la faculté de Tom. Un jour une œuvre de Haendel lui fut jouée. Immédiatement Tom la rejoua correctement, et quand il eut terminé, il se frotta les mains avec une expression de joie indéfinissable en s'écriant : « Je le vois, c'est un vieillard avec une grande perruque ; il a joué d'abord et moi après. » Il est incontestable que Tom avait vu Haendel, et l'avait entendu jouer.
Tom s'est produit plusieurs fois en public, et la manière dont il exécute les morceaux les plus difficiles ferait presque douter de son infirmité. Il répète sans faute sur le piano, et nécessairement de mémoire, tout ce qu'on lui joue, soit des sonates classiques anciennes, soit des fantaisies modernes ; or, nous voudrions bien voir celui qui pourrait apprendre de cette manière les variations de Thalberg les yeux fermés comme il l'a fait.
Ce fait surprenant d'un aveugle, ignorant, dépourvu de toute instruction, montrant un talent que d'autres sont incapables d'acquérir avec tous les avantages de l'étude, sera probablement expliqué par un grand nombre d'après la manière ordinaire d'envisager ces choses, en disant : c'est un génie et une organisation exceptionnelle ; mais ce n'est que le Spiritisme qui puisse donner la clef de ce phénomène d'une manière compréhensible et rationnelle. »
Les réflexions que nous avons faites à propos de la petite fille de Toulon, s'appliquent naturellement à Tom l'aveugle. Tom a dû être un grand musicien auquel il suffit d'entendre pour être sur la voie de ce qu'il a su. Ce qui rend le phénomène plus extraordinaire, c'est qu'il se présente chez un nègre, esclave et aveugle, triple cause qui s'opposait à la culture de ses aptitudes natives, et malgré laquelle elles se sont manifestées à la première occasion favorable, comme une graine germe aux rayons du soleil. Or, comme la race nègre en général, et surtout à l'état d'esclavage, ne brille pas par la culture des arts, il en faut conclure que l'Esprit de Tom n'appartient pas à cette race ; mais qu'il s'y sera incarné soit comme expiation, soit comme moyen providentiel de réhabilitation de cette race dans l'opinion, en montrant ce dont elle est capable.
On a beaucoup dit et beaucoup écrit contre l'esclavage et le préjugé de la couleur ; tout ce qu'on a dit est juste et moral ; mais ce n'était qu'une thèse philosophique. La loi de la pluralité des existences et de la réincarnation vient y ajouter l'irréfutable sanction d'une loi de la nature qui consacre la fraternité de tous les hommes. Tom l'esclave, né et acclamé en Amérique, est une protestation vivante contre les préjugés qui règnent encore dans ce pays. (Voir la Revue d'avril 1862, page 97 : Perfectibilité de la race nègre. Phrénologie spiritualiste.)
Suicide des animaux
« Le Morning-Post racontait, il y a quelques jours, l'histoire étrange
d'un chien qui se serait suicidé. L'animal appartenait à un M. Home, de
Frinsbury, près de Rochester. Il paraît que certaines circonstances
l'avaient fait soupçonner d'être atteint d'hydrophobie, et que par suite
on l'évitait et on le tenait éloigné de la maison autant que possible.
Il semblait éprouver beaucoup d'ennui d'être traité de la sorte, et
pendant quelques jours on remarqua qu'il était d'humeur sombre et
chagrine, mais sans montrer encore aucun symptôme de rage. Jeudi on le
vit quitter sa niche et se diriger vers la résidence d'un ami intime de
son maître à Upnor, où on refusa de l'accueillir, ce qui lui arracha un
cri lamentable.
« Après avoir attendu quelque temps devant la maison sans obtenir d'être admis à l'intérieur, il se décida à partir, et on le vit aller du côté de la rivière qui passe près de là, descendre sur la berge d'un pas délibéré, puis, après s'être retourné et avoir poussé une sorte de hurlement d'adieu, entrer dans la rivière, plonger sa tête sous l'eau, et, au bout d'une minute ou deux, reparaître sans vie à la surface.
Cet acte de suicide extraordinaire a eu, dit-on, pour témoins un grand nombre de personnes. Le genre de mort prouve clairement que l'animal n'était point hydrophobe.
Ce fait paraît bien extraordinaire ; il rencontrera sans doute des incrédules. Néanmoins, dit le Droit, il n'est pas sans précédent.
L'histoire nous a conservé le souvenir de chiens fidèles qui se sont voué à une mort volontaire pour ne pas survivre à leurs maîtres. Montaigne en cite deux exemples empruntés à l'antiquité : Hyrcanus, le chien du roy Lysimachus, son maistre mort, demeura obstiné sur son lict, sans vouloir boire ne manger, et le iour qu'on en brusla le corps, il print sa course et se iecta dans le feu, où il feut bruslé ; comme feit aussi le chien d'un nommé Pyrrhus, car il ne bougea de dessus le lict de son maistre depuis qu'il feut mort ; et quand on l'emporta, il se laissa enlever quand et luy, et finalement se lança dans le buchier où bruslait le corps de son maistre. » (Essais, liv. ii, chap. xii.) Nous avons nous-même enregistré, il y a quelques années, la fin tragique d'un chien qui, ayant encouru la disgrâce de son maître, et ne pouvant s'en consoler, s'était précipité du haut d'une passerelle dans le canal Saint-Martin. Le récit très circonstancié que nous fîmes alors de cet événement n'a jamais été contredit et n'a donné lieu à aucune réclamation des parties intéressées. »
(Petit Journal, 15 mai 1866.)
Le suicide n'est pas sans exemple chez les animaux. Le chien, comme il est dit ci-dessus, qui se laisse mourir d'inanition par chagrin d'avoir perdu son maître, accomplit un véritable suicide. Le scorpion, entouré d'un cercle de charbons ardents, voyant qu'il n'en peut sortir, se tue lui-même. C'est une analogie de plus à constater entre l'esprit de l'homme et celui des animaux.
La mort volontaire chez un animal prouve qu'il a la conscience de son existence et de son individualité ; il comprend ce que c'est que la vie et la mort, puisqu'il choisit librement entre l'une et l'autre ; il n'est donc pas aussi machine, et n'obéit pas aussi exclusivement à un instinct aveugle qu'on le suppose. L'instinct pousse à la recherche des moyens de conservation, et non de sa propre destruction.
« Après avoir attendu quelque temps devant la maison sans obtenir d'être admis à l'intérieur, il se décida à partir, et on le vit aller du côté de la rivière qui passe près de là, descendre sur la berge d'un pas délibéré, puis, après s'être retourné et avoir poussé une sorte de hurlement d'adieu, entrer dans la rivière, plonger sa tête sous l'eau, et, au bout d'une minute ou deux, reparaître sans vie à la surface.
Cet acte de suicide extraordinaire a eu, dit-on, pour témoins un grand nombre de personnes. Le genre de mort prouve clairement que l'animal n'était point hydrophobe.
Ce fait paraît bien extraordinaire ; il rencontrera sans doute des incrédules. Néanmoins, dit le Droit, il n'est pas sans précédent.
L'histoire nous a conservé le souvenir de chiens fidèles qui se sont voué à une mort volontaire pour ne pas survivre à leurs maîtres. Montaigne en cite deux exemples empruntés à l'antiquité : Hyrcanus, le chien du roy Lysimachus, son maistre mort, demeura obstiné sur son lict, sans vouloir boire ne manger, et le iour qu'on en brusla le corps, il print sa course et se iecta dans le feu, où il feut bruslé ; comme feit aussi le chien d'un nommé Pyrrhus, car il ne bougea de dessus le lict de son maistre depuis qu'il feut mort ; et quand on l'emporta, il se laissa enlever quand et luy, et finalement se lança dans le buchier où bruslait le corps de son maistre. » (Essais, liv. ii, chap. xii.) Nous avons nous-même enregistré, il y a quelques années, la fin tragique d'un chien qui, ayant encouru la disgrâce de son maître, et ne pouvant s'en consoler, s'était précipité du haut d'une passerelle dans le canal Saint-Martin. Le récit très circonstancié que nous fîmes alors de cet événement n'a jamais été contredit et n'a donné lieu à aucune réclamation des parties intéressées. »
(Petit Journal, 15 mai 1866.)
Le suicide n'est pas sans exemple chez les animaux. Le chien, comme il est dit ci-dessus, qui se laisse mourir d'inanition par chagrin d'avoir perdu son maître, accomplit un véritable suicide. Le scorpion, entouré d'un cercle de charbons ardents, voyant qu'il n'en peut sortir, se tue lui-même. C'est une analogie de plus à constater entre l'esprit de l'homme et celui des animaux.
La mort volontaire chez un animal prouve qu'il a la conscience de son existence et de son individualité ; il comprend ce que c'est que la vie et la mort, puisqu'il choisit librement entre l'une et l'autre ; il n'est donc pas aussi machine, et n'obéit pas aussi exclusivement à un instinct aveugle qu'on le suppose. L'instinct pousse à la recherche des moyens de conservation, et non de sa propre destruction.
Poésies Spirites
Société de Paris, 20 juillet 1866, méd. M. Vavasseur
Souvenir.
Deux enfants, la sœur et le frère,
Rentraient ensemble à la chaumière
Un soir d'été. Déjà la nuit,
A pas lents, s'avançait sans bruit,
Derrière eux, blanche et vaporeuse
Comme une ombre mystérieuse.
L'oiseau dormait au fond des bois,
Et la bise glissait sans voix ;
Tout rêvait dans un doux mystère.
La sœur dit tout bas à son frère :
Frère, j'ai peur ; n'entends-tu pas
Une cloche pleurer là-bas ?
C'est le lugubre et triste glas
D'un trépassé. – Ne tremble pas,
Sœur, dit le frère, c'est une âme
Qui fuit la terre et qui réclame
Une prière, pour payer
Sa place à l'éternel foyer.
Allons, sœur, prier à l'Église
Sur la dalle poudreuse et grise
Où l'on nous vit, un jour de deuil,
Tous deux derrière un long cercueil
Où dormait notre pauvre mère.
Allons prier pour les morts, sœur ;
Cela nous portera bonheur.
Allons, allons ! – Et sœur et frère,
Une larme sous la paupière,
Tous deux se tenant par la main,
Prirent l'étroit et vert chemin
Qui menait à la vieille église.
Une seconde fois la bise
Leur apporta le triste adieu
Du trépassé cherchant son Dieu,
Et la cloche cessa sa plainte ;
Et muets et tremblants de crainte
Nos deux enfants silencieux
Marchaient en regardant les cieux.
Arrivés au seuil de l'église
Ils virent une femme assise
A l'ombre du triste pilier
Qui portait le grand bénitier.
Les pieds nus, la face voilée,
Pâle, folle et échevelée.
Elle s'écriait : O mon Dieu !
O vous qu'on adore en tout lieu,
En tout temps, partout sur la terre
Comme au ciel, une pauvre mère
Tremblante, aux pieds de vos autels,
Levant vos desseins éternels,
Ose à peine, en votre présence,
Se plaindre et conter sa souffrance.
Seigneur ! Je n'avais qu'un enfant,
Un seul ; il était rose et blanc
Comme un blanc rayon qui colore
Un frais matin à son aurore.
Le miroir de ses grands yeux bleus
Reflétait l'azur de vos cieux,
Et sur sa bouche un doux sourire
Semblait se poser et me dire :
Ne pleure plus à ton foyer ;
C'est Dieu qui vient de m'envoyer.
Vois, l'orage est dissipé, mère ;
Le ciel est sans nuage ; espère !
Et j'espérais. Mais, pauvre enfant,
Tu te trompais en me trompant.
Quand le vent souffle sur la plage
Il détruit tout sur son passage,
Ne laissant que quelques roseaux
Pour pleurer aux bords de leurs eaux.
Et quand la mort frappe à la porte
D'un foyer, elle entre et emporte
Tout ! tout !… Ne laissant à son seuil
Qu'un drap noir pour cacher son deuil.
Je savais pourtant qu'un beau rêve,
S'il commence un matin, s'achève
Un soir ici-bas ; que la nuit,
Jalouse du soleil qui luit,
Et qui fait pâlir sa triste ombre
Étend bientôt un voile sombre
Pour obscurcir ses mille feux
Et le voiler à tous les yeux.
Oui, je le savais; mais la mère
Ignore tout ; quand elle espère,
La pauvre mère croit à tout ;
Pour un fils, au bonheur surtout.
J'avais souffert toute ma vie,
Ne pouvais-je pas sans folie
Espérer un jour de bonheur ?
Il en fut autrement ! Seigneur
Que votre volonté soit faite !
Seule, dans cette humble retraite,
Où j'ai vu mourir un époux,
Où, pâle et tremblante, à genoux,
J'ai reçu les adieux d'un père,
Où vous enlevez à la mère
Son dernier espoir, son enfant.
Devant son bourreau triomphant,
La mort qui contemple sa proie
Avec un sourire de joie,
Seigneur ! je demande à la main
Qui frappe tous les miens, demain
De ne point épargner la mère
Demandant son fils à la terre.
La cloche une dernière fois,
A ces mots, fit parler sa voix.
L'âme de l'enfant sur la terre
Revenait consoler la mère
En lui disant : Je suis aux cieux !
Quand sœur et frère soucieux
Sortirent de la vieille église,
La femme était encore assise.
Jean.
Dissertations spirites
Les trois causes principales des maladies
(Paris, 25 octobre 1866. – Médium, M. Desliens)
Qu'est-ce que l'homme ?… Un composé de trois principes essentiels :
l'Esprit, le périsprit et le corps. L'absence de l'un quelconque de ces
trois principes entraînerait nécessairement l'anéantissement de l'être à
l'état humain. Si le corps n'est plus, il y a l'Esprit et non plus
l'homme ; si le périsprit manque ou ne peut fonctionner, l'immatériel ne
pouvant agir directement sur la matière et se trouvant ainsi dans
l'impossibilité de se manifester, il pourra y avoir quelque chose dans
le genre du crétin ou de l'idiot, mais il n'y aura jamais un être
intelligent. Enfin, si l'Esprit manque, on aura un fœtus vivant de la
vie animale et non un Esprit incarné. Si donc nous avons trois principes
en présence, ces trois principes doivent réagir l'un sur l'autre, et il
s'ensuivra la santé ou la maladie, selon qu'il y aura entre eux
harmonie parfaite ou désaccord partiel.
Si la maladie ou le désordre organique, comme on voudra l'appeler, procède du corps, les médicaments matériels sagement employés suffiront à rétablir l'harmonie générale.
Si le trouble vient du périsprit, si c'est une modification du principe fluidique qui le compose, qui se trouve altéré, il faudra une médication en rapport avec la nature de l'organe troublé pour que les fonctions puissent reprendre leur état normal. Si la maladie procède de l'Esprit, on ne saurait employer pour la combattre autre chose qu'une médication spirituelle. Si enfin, comme c'est le cas le plus général, et on peut même dire celui qui se présente exclusivement, si la maladie procède du corps, du périsprit et de l'Esprit, il faudra que la médication combatte à la fois toutes les causes du désordre par des moyens divers pour obtenir la guérison. Or que font généralement les médecins ? Ils soignent le corps, ils le guérissent ; mais guérissent-ils la maladie ? Non. Pourquoi ? Parce que le périsprit étant un principe supérieur à la matière proprement dite, pourra devenir cause par rapport à celle-ci ; et s'il est entravé, les organes matériels qui se trouvent en rapport avec lui seront également frappés dans leur vitalité. En soignant le corps, vous détruisez l'effet ; mais la cause résidant dans le périsprit, la maladie reviendra de nouveau lorsque les soins cesseront, jusqu'à ce qu'on se soit aperçu qu'il faut porter ailleurs son attention, en soignant fluidiquement le principe fluidique morbide.
Si enfin la maladie procède du mens, de l'Esprit, le périsprit et le corps, placés sous sa dépendance, seront entravés dans leurs fonctions, et ce n'est ni en soignant l'un ni en soignant l'autre qu'on fera disparaître la cause.
Ce n'est donc pas en mettant la camisole de force à un fou, ou en lui donnant des pilules ou des douches, qu'on parviendra à le remettre dans son état normal ; on apaisera seulement ses sens révoltés ; on calmera ses accès, mais on ne détruira le germe qu'en le combattant par ses semblables, en faisant de l'homéopathie spirituellement et fluidiquement, comme on en fait matériellement, en donnant au malade, par la prière, une dose infinitésimale de patience, de calme, de résignation, suivant les cas, comme on lui donne une dose infinitésimale de brucine, de digitale ou d'aconit.
Pour détruire une cause morbide, il faut la combattre sur terrain.
Docteur Morel Lavallée.
Si la maladie ou le désordre organique, comme on voudra l'appeler, procède du corps, les médicaments matériels sagement employés suffiront à rétablir l'harmonie générale.
Si le trouble vient du périsprit, si c'est une modification du principe fluidique qui le compose, qui se trouve altéré, il faudra une médication en rapport avec la nature de l'organe troublé pour que les fonctions puissent reprendre leur état normal. Si la maladie procède de l'Esprit, on ne saurait employer pour la combattre autre chose qu'une médication spirituelle. Si enfin, comme c'est le cas le plus général, et on peut même dire celui qui se présente exclusivement, si la maladie procède du corps, du périsprit et de l'Esprit, il faudra que la médication combatte à la fois toutes les causes du désordre par des moyens divers pour obtenir la guérison. Or que font généralement les médecins ? Ils soignent le corps, ils le guérissent ; mais guérissent-ils la maladie ? Non. Pourquoi ? Parce que le périsprit étant un principe supérieur à la matière proprement dite, pourra devenir cause par rapport à celle-ci ; et s'il est entravé, les organes matériels qui se trouvent en rapport avec lui seront également frappés dans leur vitalité. En soignant le corps, vous détruisez l'effet ; mais la cause résidant dans le périsprit, la maladie reviendra de nouveau lorsque les soins cesseront, jusqu'à ce qu'on se soit aperçu qu'il faut porter ailleurs son attention, en soignant fluidiquement le principe fluidique morbide.
Si enfin la maladie procède du mens, de l'Esprit, le périsprit et le corps, placés sous sa dépendance, seront entravés dans leurs fonctions, et ce n'est ni en soignant l'un ni en soignant l'autre qu'on fera disparaître la cause.
Ce n'est donc pas en mettant la camisole de force à un fou, ou en lui donnant des pilules ou des douches, qu'on parviendra à le remettre dans son état normal ; on apaisera seulement ses sens révoltés ; on calmera ses accès, mais on ne détruira le germe qu'en le combattant par ses semblables, en faisant de l'homéopathie spirituellement et fluidiquement, comme on en fait matériellement, en donnant au malade, par la prière, une dose infinitésimale de patience, de calme, de résignation, suivant les cas, comme on lui donne une dose infinitésimale de brucine, de digitale ou d'aconit.
Pour détruire une cause morbide, il faut la combattre sur terrain.
Docteur Morel Lavallée.
La Clarté
(Société de Paris, 5 janvier 1866. – Médium, M. Leymarie.)
M'accorderez-vous bien l'hospitalité
pour votre première séance de 1866 ? Je désire, avec l'accolade
fraternelle, vous présenter des vœux amis ; puissiez-vous avoir beaucoup
de satisfactions morales, beaucoup de volonté et de charité
persévérante.
Dans ce siècle de lumière, ce qui manque le plus, c'est la clarté ! Les demi-savants, les Croquemitaines de la presse, ont vaillamment fait le travail de l'araignée pour obscurcir, à l'aide d'un tissu soi-disant libéral, tout ce qui est clair, tout ce qui éclaire.
Chers Spirites, avez-vous trouvé dans toutes les couches sociales cette force de raisonnement qui est la marque intelligente des êtres arrivés ? N'avez-vous pas, au contraire, la certitude que la grande majorité de vos frères croupit dans une ignorance malsaine ? Partout les hérésies et les mauvaises actions ! Les bonnes intentions, viciées en leur principe, tombent une à une, semblables à ces beaux fruits dont un ver ronge le cœur et que le vent jette à terre. La clarté, dans les arguments, dans le savoir, aurait-elle fait par hasard élection de domicile dans les académies, chez les philosophes, les journalistes ou les pamphlétaires ?… On pourrait en douter, ce me semble, en les voyant, à l'instar de Diogène, la lanterne à la main, chercher une vérité en plein soleil.
Lumière, clarté, vous êtes l'essence de tout mouvement intelligent ! Bientôt vous inonderez de vos rayons bienfaisants les recoins les plus obscurs de cette pauvre humanité ; c'est vous qui sortirez de la fange tant de terriens ahuris, abrutis, esprits malheureux qui doivent être lavés par l'instruction, par la liberté, surtout par la conscience de leur valeur spirituelle. La lumière chassera les larmes, les peines, les sombres désespoirs, la négation des choses divines, toutes les mauvaises volontés ! En assiégeant le matérialisme, elle le forcera à ne plus s'abriter derrière ce rempart factice, vermoulu, d'où il décoche maladroitement ses traits sur tout ce qui n'est pas son œuvre.
Mais les masques seront arrachés et nous saurons alors si les jouissances, la fortune et le sensualisme, sont bien les emblèmes de la vie et de la liberté. La clarté est utile en tout et à tous ; à l'embryon comme à l'homme, il faut la lumière ! sans elle tout marche à tâtons, et l'âme, à tâtons, cherche l'âme.
Qu'une nuit éternelle se fasse ! aussitôt les couleurs harmonieuses disparaîtront de votre globe, les fleurs s'étioleront, les grands arbres seront détruits ; les insectes, la nature entière ne donneront plus ces mille bruits, l'éternelle chanson à Dieu ! les ruisseaux baigneront des rives désolées ; le froid aura tout momifié, la vie aura disparu !…
Il en est de même pour l'Esprit. Si vous faites la nuit autour de lui, il en sera malade ; le froid pétrifiera ses tendances divines ; l'homme, comme au moyen âge, s'engourdira, semblable en son âme aux solitudes sauvages et désolées des contrées boréales !
C'est pour cela, Spirites, que vous vous devez à toutes les clartés. Mais avant de conseiller et enseigner, commencez d'abord par éclairer les moindres replis de votre âme. Lorsque, assez épurés pour ne rien craindre, vous pourrez élever la voix, le regard, le geste, vous ferez une guerre implacable à l'ombre, à la tristesse, à l'absence de vie ; vous apprendrez les grandes lois spirites aux frères qui ne savent rien du rôle que Dieu leur assigne.
1866, puisses-tu, pour les années à venir, être cette étoile lumineuse qui conduisait les rois mages vers la crèche d'un humble enfant du peuple ; ils venaient rendre hommage à l'incarnation qui devait représenter dans le sens le plus large l'esprit de vérité, cette lumière bienfaisante qui a transformé l'humanité. Par cet enfant, tout a été compris ! C'est bien lui qui éternise la grâce et la simplicité, la charité, la bienveillance, l'amour et la liberté.
Le Spiritisme, étoile lumineuse aussi, doit, comme celle qui a déchiré, il y a dix-huit siècles, le voile sombre des siècles de fer, conduire les terriens à la conquête des vérités promises. Saura-t-il bien se dégager des orages que nous promettent les évolutions humaines et les résistances désespérées de la science aux abois ? C'est ce que vous tous, mes amis, et nous vos frères de l'erraticité, sommes appelés à mieux accuser, en inondant cette année des clartés acquises.
Travailler dans ce but, c'est être adeptes de l'Enfant de Bethléem, c'est être fils de Dieu, de qui émanent toute lumière et toute clarté.
Sonnez.
Dans ce siècle de lumière, ce qui manque le plus, c'est la clarté ! Les demi-savants, les Croquemitaines de la presse, ont vaillamment fait le travail de l'araignée pour obscurcir, à l'aide d'un tissu soi-disant libéral, tout ce qui est clair, tout ce qui éclaire.
Chers Spirites, avez-vous trouvé dans toutes les couches sociales cette force de raisonnement qui est la marque intelligente des êtres arrivés ? N'avez-vous pas, au contraire, la certitude que la grande majorité de vos frères croupit dans une ignorance malsaine ? Partout les hérésies et les mauvaises actions ! Les bonnes intentions, viciées en leur principe, tombent une à une, semblables à ces beaux fruits dont un ver ronge le cœur et que le vent jette à terre. La clarté, dans les arguments, dans le savoir, aurait-elle fait par hasard élection de domicile dans les académies, chez les philosophes, les journalistes ou les pamphlétaires ?… On pourrait en douter, ce me semble, en les voyant, à l'instar de Diogène, la lanterne à la main, chercher une vérité en plein soleil.
Lumière, clarté, vous êtes l'essence de tout mouvement intelligent ! Bientôt vous inonderez de vos rayons bienfaisants les recoins les plus obscurs de cette pauvre humanité ; c'est vous qui sortirez de la fange tant de terriens ahuris, abrutis, esprits malheureux qui doivent être lavés par l'instruction, par la liberté, surtout par la conscience de leur valeur spirituelle. La lumière chassera les larmes, les peines, les sombres désespoirs, la négation des choses divines, toutes les mauvaises volontés ! En assiégeant le matérialisme, elle le forcera à ne plus s'abriter derrière ce rempart factice, vermoulu, d'où il décoche maladroitement ses traits sur tout ce qui n'est pas son œuvre.
Mais les masques seront arrachés et nous saurons alors si les jouissances, la fortune et le sensualisme, sont bien les emblèmes de la vie et de la liberté. La clarté est utile en tout et à tous ; à l'embryon comme à l'homme, il faut la lumière ! sans elle tout marche à tâtons, et l'âme, à tâtons, cherche l'âme.
Qu'une nuit éternelle se fasse ! aussitôt les couleurs harmonieuses disparaîtront de votre globe, les fleurs s'étioleront, les grands arbres seront détruits ; les insectes, la nature entière ne donneront plus ces mille bruits, l'éternelle chanson à Dieu ! les ruisseaux baigneront des rives désolées ; le froid aura tout momifié, la vie aura disparu !…
Il en est de même pour l'Esprit. Si vous faites la nuit autour de lui, il en sera malade ; le froid pétrifiera ses tendances divines ; l'homme, comme au moyen âge, s'engourdira, semblable en son âme aux solitudes sauvages et désolées des contrées boréales !
C'est pour cela, Spirites, que vous vous devez à toutes les clartés. Mais avant de conseiller et enseigner, commencez d'abord par éclairer les moindres replis de votre âme. Lorsque, assez épurés pour ne rien craindre, vous pourrez élever la voix, le regard, le geste, vous ferez une guerre implacable à l'ombre, à la tristesse, à l'absence de vie ; vous apprendrez les grandes lois spirites aux frères qui ne savent rien du rôle que Dieu leur assigne.
1866, puisses-tu, pour les années à venir, être cette étoile lumineuse qui conduisait les rois mages vers la crèche d'un humble enfant du peuple ; ils venaient rendre hommage à l'incarnation qui devait représenter dans le sens le plus large l'esprit de vérité, cette lumière bienfaisante qui a transformé l'humanité. Par cet enfant, tout a été compris ! C'est bien lui qui éternise la grâce et la simplicité, la charité, la bienveillance, l'amour et la liberté.
Le Spiritisme, étoile lumineuse aussi, doit, comme celle qui a déchiré, il y a dix-huit siècles, le voile sombre des siècles de fer, conduire les terriens à la conquête des vérités promises. Saura-t-il bien se dégager des orages que nous promettent les évolutions humaines et les résistances désespérées de la science aux abois ? C'est ce que vous tous, mes amis, et nous vos frères de l'erraticité, sommes appelés à mieux accuser, en inondant cette année des clartés acquises.
Travailler dans ce but, c'est être adeptes de l'Enfant de Bethléem, c'est être fils de Dieu, de qui émanent toute lumière et toute clarté.
Sonnez.
Communication providentielle des Esprits
Groupe Delanne. – Paris, 8 janvier 1865. – Médium, madame Br.
Les temps sont venus où cette parole
du prophète doit être accomplie : « Je répandrai, dit le Seigneur, de
mon Esprit sur toute chair, et vos enfants prophétiseront, vos
vieillards auront des songes. » Le Spiritisme est cette diffusion de
l'Esprit divin venant instruire et moraliser tous ces pauvres déshérités
de la vie spirituelle qui, ne voyant que la matière, oubliaient que
l'homme ne vit pas seulement de pain.
Il faut au corps un organisme matériel au service de l'âme, une nourriture appropriée à sa nature ; mais à l'âme, émanation de l'Esprit Créateur, il faut un aliment spirituel qu'elle ne trouve que dans la contemplation des beautés célestes, résultant de l'harmonie des facultés intelligentes dans leur complet épanouissement.
Tant que l'homme néglige de cultiver son esprit et reste absorbé par la recherche ou la possession des biens matériels, son âme est en quelque sorte stationnaire, et il lui faut un grand nombre d'incarnations avant qu'elle puisse, obéissant insensiblement et comme par force à la loi inévitable du progrès, arriver à ce commencement de vitalité intellectuelle qui la rend la directrice de l'être matériel auquel elle est unie. C'est pour cela que, malgré les enseignements donnés par le Christ pour faire avancer l'humanité, elle est encore si en arrière, l'égoïsme n'ayant pas voulu s'effacer devant cette loi de charité qui doit changer la face du monde, et en faire un séjour de paix et de bonheur. Mais la bonté de Dieu est infinie, elle surpasse l'indifférence et l'ingratitude de ses enfants ; c'est pourquoi il leur envoie ces messagers divins qui viennent leur rappeler que Dieu ne les a pas créés pour la terre, qu'ils n'y sont que pour un temps, afin que, par le travail, ils développent les qualités déposées en germe dans leur âme, et que, citoyens des cieux, ils ne doivent pas se complaire dans une station inférieure à leur ignorance où leurs fautes seules les retiennent.
Remerciez donc le Seigneur, et saluez avec joie l'avènement du Spiritisme, puisqu'il est l'accomplissement des prophéties, le signe éclatant de la bonté du Père de miséricorde, et pour vous un nouvel appel à ce dégagement de la matière, si désirable, puisque seul il peut vous procurer un véritable bonheur.
Louis de France.
Il faut au corps un organisme matériel au service de l'âme, une nourriture appropriée à sa nature ; mais à l'âme, émanation de l'Esprit Créateur, il faut un aliment spirituel qu'elle ne trouve que dans la contemplation des beautés célestes, résultant de l'harmonie des facultés intelligentes dans leur complet épanouissement.
Tant que l'homme néglige de cultiver son esprit et reste absorbé par la recherche ou la possession des biens matériels, son âme est en quelque sorte stationnaire, et il lui faut un grand nombre d'incarnations avant qu'elle puisse, obéissant insensiblement et comme par force à la loi inévitable du progrès, arriver à ce commencement de vitalité intellectuelle qui la rend la directrice de l'être matériel auquel elle est unie. C'est pour cela que, malgré les enseignements donnés par le Christ pour faire avancer l'humanité, elle est encore si en arrière, l'égoïsme n'ayant pas voulu s'effacer devant cette loi de charité qui doit changer la face du monde, et en faire un séjour de paix et de bonheur. Mais la bonté de Dieu est infinie, elle surpasse l'indifférence et l'ingratitude de ses enfants ; c'est pourquoi il leur envoie ces messagers divins qui viennent leur rappeler que Dieu ne les a pas créés pour la terre, qu'ils n'y sont que pour un temps, afin que, par le travail, ils développent les qualités déposées en germe dans leur âme, et que, citoyens des cieux, ils ne doivent pas se complaire dans une station inférieure à leur ignorance où leurs fautes seules les retiennent.
Remerciez donc le Seigneur, et saluez avec joie l'avènement du Spiritisme, puisqu'il est l'accomplissement des prophéties, le signe éclatant de la bonté du Père de miséricorde, et pour vous un nouvel appel à ce dégagement de la matière, si désirable, puisque seul il peut vous procurer un véritable bonheur.
Louis de France.
Notices bibliographiques
Mirette
Roman spirite par M. Élie Sauvage, membre de la Société des gens de lettres. *
L'année 1867 s'est ouverte, pour le Spiritisme, par la publication d'un ouvrage qui inaugure en quelque sorte la voie nouvelle ouverte à la littérature par la doctrine spirite. Mirette n'est point un de ces livres où l'idée spirite n'est qu'accessoire, et comme jetée, pour l'effet, au hasard de l'imagination, sans que la croyance vienne l'animer et la réchauffer ; c'est cette idée même qui en forme la donnée principale, moins encore pour l'action que pour les conséquences générales qui en découlent.
Dans Spirite de Théophile Gautier, le fantastique l'emporte de beaucoup sur le réel et le possible au point de vue de la doctrine. C'est moins un roman spirite que le roman du Spiritisme, et que celui-ci ne peut accepter comme une peinture fidèle des manifestations ; de plus, la donnée philosophique et morale y est à peu près nulle. Cet ouvrage n'en a pas moins été très utile à la vulgarisation de l'idée, par l'autorité du nom de l'auteur qui a su y donner le cachet de son incontestable talent, et par sa publication dans le journal officiel. C'était en outre le premier ouvrage de ce genre d'une importance réelle, où l'idée était prise au sérieux.
Celui de M. Sauvage est conçu sur un tout autre plan ; c'est une peinture de la vie réelle où rien ne s'écarte du possible, et dont le Spiritisme peut tout accepter. C'est un récit simple, naïf, d'un intérêt soutenu, et d'autant plus attachant que tout y est naturel et vraisemblable ; on n'y trouve point de situations romanesques, mais des scènes attendrissantes, des pensées élevées, des caractères tracés d'après nature ; on y voit les sentiments les plus nobles et les plus purs aux prises avec l'égoïsme et la basse méchanceté, la foi luttant contre l'incrédulité. Le style en est clair, concis, sans longueurs ni accessoires inutiles, sans ornements superflus, et sans prétentions à l'effet. L'auteur s'est proposé avant tout de faire un livre moral, et il en a puisé les éléments dans la philosophie spirite et ses conséquences, bien plus que dans le fait des manifestations ; il montre à quelle élévation de pensées conduisent ces croyances. Sur ce point nous résumons notre opinion en disant que : ce livre peut être lu avec fruit par la jeunesse des deux sexes qui y trouvera de beaux modèles, de bons exemples, et d'utiles instructions, sans préjudice du profit et de l'agrément qu'on en peut tirer à tout âge. Nous ajouterons que pour avoir écrit ce livre dans le sens où il est fait, il faut être profondément pénétré des principes de la doctrine.
L'auteur place son action en 1831 ; il ne peut donc nominalement parler du Spiritisme, ni des ouvrages Spirites actuels ; aussi a-t-il dû faire remonter son point de départ apparent à Swedenborg ; mais tout y est conforme aux données du Spiritisme moderne qu'il a étudié avec soin.
Voici en deux mots le sujet de l'ouvrage :
Le comte de Rouville, forcé de quitter subitement la France pendant la révolution, avait confié, en partant pour l'exil, une somme importante et ses titres de famille à un homme sur la loyauté duquel il croyait pouvoir compter. Cet homme, abusant de sa confiance, s'approprie cette somme avec laquelle il s'enrichit. Lorsque l'émigré revient, le dépositaire déclare ne pas le connaître et nie le dépôt. M. de Rouville, dénué de toutes ressources par cette infidélité, meurt de désespoir, laissant une petite fille de trois ans, nommée Mirette. L'enfant est recueillie par un ancien serviteur de la famille qui l'élève comme sa fille. Celle-ci avait à peine seize ans quand son père adoptif, très pauvre lui-même, vint à mourir. Lucien, jeune étudiant en droit, à l'âme grande et noble, qui avait assisté le vieillard à ses derniers moments, devient le protecteur de Mirette restée sans appui et sans asile ; il la fait admettre chez sa mère, riche boulangère, au cœur dur et égoïste. Or, il se découvre que Lucien est le fils du spoliateur ; ce dernier, en apprenant plus tard que Mirette est la fille de celui dont il a causé la ruine et la mort, tombe malade et meurt bourrelé de remords dans les convulsions d'une effrayante agonie. De là des complications, car les deux jeunes gens s'aiment, mais ils finissent néanmoins par se marier.
Les principaux personnages sont : Lucien et Mirette, deux âmes d'élite ; la mère de Lucien, type parfait de l'égoïsme, de la cupidité, de l'étroitesse des idées, en lutte avec l'amour maternel ; le père de Lucien, exacte personnification de la conscience troublée ; une porteuse de pains bassement méchante et jalouse ; un vieux médecin, excellent homme, mais incrédule et railleur ; un étudiant en médecine, son élève, spiritu-aliste, homme de cœur, et habile magnétiseur ; une somnambule très lucide, et une sœur de charité aux idées larges et élevées, type modèle.
Nous avons entendu faire sur cet ouvrage la critique suivante :
L'action débute, sans préambule, par un de ces faits de manifestations spontanées comme on en voit souvent de nos jours, et qui consistent dans des coups frappés dans la muraille. Ces bruits amènent la rencontre des deux principaux personnages de l'histoire, Lucien et Mirette, qui se déroule ensuite. L'auteur aurait dû, dit-on, donner une explication du phénomène à l'usage des personnes étrangères au Spiritisme, et qui se trouvent avoir un point de départ qu'elles ne comprennent pas. Nous ne partageons pas cette opinion, car il faudrait en dire autant des scènes de visions extatiques et de somnambulisme. L'auteur n'a point voulu, et ne pouvait, à propos d'un roman, faire un traité didactique de Spiritisme. Tous les jours les écrivains appuient leurs conceptions sur des faits scientifiques, historiques ou autres, qu'ils ne peuvent moins faire que de supposer connus de leurs lecteurs, sous peine de transformer leurs ouvrages en encyclopédies ; c'est à ceux qui ne les connaissent pas à en chercher, ou à en demander l'explication. M. Sauvage, plaçant son sujet en 1831, ne pouvait développer des théories qui ne furent connues que vingt ans plus tard. Les Esprits frappeurs ont, d'ailleurs, de ses jours, assez de retentissement, grâce même à la presse hostile, pour que peu de personnes n'en aient entendu parler. Ces faits sont plus vulgaires aujourd'hui que beaucoup d'autres que l'on cite journellement. L'auteur nous semble avoir, au contraire, rehaussé le Spiritisme en posant le fait comme suffisamment acquis pour n'avoir pas besoin d'être expliqué.
Nous ne partageons pas non plus l'avis de ceux qui lui reprochent son cadre un peu familier et vulgaire, le peu de complications des ressorts de l'intrigue, en un mot de n'avoir pas fait une œuvre littéraire plus magistrale, ainsi qu'il en était certainement capable. Selon nous, l'ouvrage est ce qu'il devait être pour atteindre le but proposé ; ce n'est pas un monument que l'auteur a voulu élever, mais une simple et gracieuse maisonnette où le cœur peut se reposer. Tel qu'il est, il s'adresse à tout le monde : grands et petits, riches et prolétaires, mais surtout à une classe de lecteurs auxquels il eût moins convenu s'il eût revêtu une forme plus académique. Nous pensons que la lecture peut en être très profitable à la classe laborieuse et à ce titre nous voudrions lui voir la popularité de certains écrits dont la lecture est moins saine.
Les deux passages suivants peuvent donner une idée de l'esprit dans lequel est conçu l'ouvrage. Le premier est une scène entre Lucien et Mirette à l'enterrement du père adoptif de celle-ci :
« Mon pauvre père, je ne te verrai donc plus ! dit Mirette en sanglotant.
« Mirette, répondit Lucien d'une voix douce et grave, ceux qui croient à Dieu et à l'immortalité de l'âme humaine ne doivent pas se désoler comme les malheureux qui n'ont pas l'espérance. Pour les vrais chrétiens, la mort n'existe pas. Regardez autour de nous : nous sommes assis au milieu des tombeaux, dans le lieu terrible et funèbre que l'ignorance et la peur appellent le champ des morts. Eh bien ! le soleil du mois de mai y resplendit comme au sein des plus riantes campagnes. Les arbres, les arbustes et les fleurs inondent l'air des plus doux parfums ; depuis l'oiseau jusqu'à l'insecte imperceptible, chaque être de la création jette sa note dans cette grande symphonie qui chante à Dieu l'hymne sublime de la vie universelle. N'est-ce pas là, dites-moi, une éclatante protestation contre le néant, contre la mort ? La mort est une transformation pour la matière, pour les êtres bons et intelligents, c'est une transfiguration. Votre père a rempli la tâche que Dieu lui avait confiée : Dieu l'a rappelé à lui ; que notre amour égoïste n'envie pas la palme au martyr, la couronne au vainqueur !… Mais ne croyez pas qu'il vous oublie. L'amour est le lien mystérieux qui relie tous les mondes. Le père de famille, forcé d'accomplir un grand voyage, ne pense-t-il pas à ses enfants chéris ? Ne veille-t-il pas de loin sur leur bonheur ? Oui, Mirette, que cette pensée vous console ; nous ne sommes jamais orphelins sur la terre ; nous avons Dieu d'abord qui nous a permis de l'appeler notre père, et puis les amis qui nous ont précédés dans la vie éternelle. – Celui que vous pleurez, il est là, je le vois… il vous sourit avec une tendresse ineffable,… il vous parle… écoutez…
« Le visage de Lucien prit tout à coup une expression extatique ; son regard fixe, son doigt levé en l'air, montrait quelque chose dans l'espace ; son oreille tendue semblait entendre des paroles mystérieuses.
Enfant, dit-il, avec une voix qui n'était plus la sienne, pourquoi fixer ton regard voilé de larmes sur ce coin de terre où l'on a déposé ma dépouille mortelle ? Lève les yeux vers le ciel ; c'est là que l'Esprit purifié par la souffrance, par l'amour et par la prière, s'envole vers l'objet de ses sublimes aspirations ! Qu'importe au papillon qui déploie au soleil ses ailes radieuses, que lui importent les débris de sa grossière enveloppe ? La poussière retourne à la poussière, l'étincelle remonte à son divin foyer. Mais l'Esprit doit passer par de terribles épreuves avant de recevoir sa couronne. La terre sur laquelle rampe la fourmilière humaine est un lieu d'expiation et de préparation à la vie bienheureuse. De grandes luttes t'attendent, pauvre enfant, mais aie confiance : Dieu et les bons Esprits ne t'abandonneront pas. Foi, espérance, amour, que ce soit là ta devise. Adieu. »
L'ouvrage se termine par le récit suivant d'une excursion extatique des deux jeunes gens, alors mariés :
« Après un voyage dont ils ne purent apprécier la durée, ces deux navigateurs aériens abordèrent une terre inconnue et merveilleuse où tout était lumière, harmonie et parfums, où la végétation était si belle qu'elle différait autant de celle de notre globe que la flore des tropiques diffère de celle du Groenland et des terres australes. Les êtres qui habitaient ce monde perdu au milieu des mondes ressemblaient assez à l'idée qu'ici-bas nous nous faisons des anges. Leurs corps légers et transparents n'avaient rien de notre grossière enveloppe terrestre, leur visage rayonnait d'intelligence et d'amour. Les uns reposaient sous l'ombrage d'arbres chargés de fruits et de fleurs, d'autres se promenaient comme ces ombres bienheureuses que nous montre Virgile dans sa ravissante description des Champs-Elyséens. Les deux personnages que Lucien avait déjà vus plusieurs fois dans ses visions précédentes s'avancèrent les bras tendus vers les deux voyageurs. Le sourire dont ils les embrassèrent les remplit d'une joie céleste. Celui qui avait été le père adoptif de Mirette leur dit avec une douceur ineffable : « Mes chers enfants, vos prières et vos bonnes œuvres ont trouvé grâce devant Dieu. Il a touché l'âme du coupable et la renvoie dans la vie terrestre pour expier ses fautes et se purifier par de nouvelles épreuves, car Dieu ne punit pas éternellement, et sa justice est toujours tempérée par la miséricorde. »
Voici maintenant l'opinion des Esprits sur cet ouvrage, donnée à la Société de Paris dans la séance où il en fut rendu compte :
Société de Paris, 4 janvier 1867. Méd. M. Desliens.
Chaque jour la croyance détache des idées adverses un esprit irrésolu ; chaque jour de nouveaux adeptes obscurs ou illustres, viennent s'abriter sous sa bannière ; les faits se multiplient, et la foule réfléchit. Puis les trembleurs prennent leur courage à deux mains, et alors ils crient : En avant ! de toute la force de leurs poumons. Les hommes sérieux travaillent, et science morale ou matérielle, romans et nouvelles, laissent percer les principes nouveaux dans des pages éloquentes. Que de Spirites sans le savoir parmi les spiritualistes modernes ! Que de publications auxquelles il ne manque qu'un mot pour être désignées à l'attention publique comme émanant d'une source spirite !
L'année 1866 présente la philosophie nouvelle sous toutes ses formes ; mais c'est encore la tige verte qui renferme l'épi de blé, et attend pour le montrer que la chaleur du printemps l'ait fait mûrir et s'entrouvrir. 1866 a préparé, 1867 mûrira et réalisera. L'année s'ouvre sous les auspices de Mirette, et elle ne s'écoulera pas sans voir apparaître de nouvelles publications du même genre, et de plus sérieuses encore, en ce sens que le roman se fera philosophie, et que la philosophie se fera histoire.
On ne fera plus du Spiritisme une croyance ignorée et acceptée seulement par quelques cerveaux soi-disant malades ; ce sera une philosophie admise au banquet de l'intelligence, une idée nouvelle ayant rang à côté des idées progressives qui marquent la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Aussi félicitons-nous vivement celui qui a su, le premier, mettre de côté tout faux respect humain, pour arborer franchement et carrément sa croyance intime.
Docteur Morel Lavallée.
L'année 1867 s'est ouverte, pour le Spiritisme, par la publication d'un ouvrage qui inaugure en quelque sorte la voie nouvelle ouverte à la littérature par la doctrine spirite. Mirette n'est point un de ces livres où l'idée spirite n'est qu'accessoire, et comme jetée, pour l'effet, au hasard de l'imagination, sans que la croyance vienne l'animer et la réchauffer ; c'est cette idée même qui en forme la donnée principale, moins encore pour l'action que pour les conséquences générales qui en découlent.
Dans Spirite de Théophile Gautier, le fantastique l'emporte de beaucoup sur le réel et le possible au point de vue de la doctrine. C'est moins un roman spirite que le roman du Spiritisme, et que celui-ci ne peut accepter comme une peinture fidèle des manifestations ; de plus, la donnée philosophique et morale y est à peu près nulle. Cet ouvrage n'en a pas moins été très utile à la vulgarisation de l'idée, par l'autorité du nom de l'auteur qui a su y donner le cachet de son incontestable talent, et par sa publication dans le journal officiel. C'était en outre le premier ouvrage de ce genre d'une importance réelle, où l'idée était prise au sérieux.
Celui de M. Sauvage est conçu sur un tout autre plan ; c'est une peinture de la vie réelle où rien ne s'écarte du possible, et dont le Spiritisme peut tout accepter. C'est un récit simple, naïf, d'un intérêt soutenu, et d'autant plus attachant que tout y est naturel et vraisemblable ; on n'y trouve point de situations romanesques, mais des scènes attendrissantes, des pensées élevées, des caractères tracés d'après nature ; on y voit les sentiments les plus nobles et les plus purs aux prises avec l'égoïsme et la basse méchanceté, la foi luttant contre l'incrédulité. Le style en est clair, concis, sans longueurs ni accessoires inutiles, sans ornements superflus, et sans prétentions à l'effet. L'auteur s'est proposé avant tout de faire un livre moral, et il en a puisé les éléments dans la philosophie spirite et ses conséquences, bien plus que dans le fait des manifestations ; il montre à quelle élévation de pensées conduisent ces croyances. Sur ce point nous résumons notre opinion en disant que : ce livre peut être lu avec fruit par la jeunesse des deux sexes qui y trouvera de beaux modèles, de bons exemples, et d'utiles instructions, sans préjudice du profit et de l'agrément qu'on en peut tirer à tout âge. Nous ajouterons que pour avoir écrit ce livre dans le sens où il est fait, il faut être profondément pénétré des principes de la doctrine.
L'auteur place son action en 1831 ; il ne peut donc nominalement parler du Spiritisme, ni des ouvrages Spirites actuels ; aussi a-t-il dû faire remonter son point de départ apparent à Swedenborg ; mais tout y est conforme aux données du Spiritisme moderne qu'il a étudié avec soin.
Voici en deux mots le sujet de l'ouvrage :
Le comte de Rouville, forcé de quitter subitement la France pendant la révolution, avait confié, en partant pour l'exil, une somme importante et ses titres de famille à un homme sur la loyauté duquel il croyait pouvoir compter. Cet homme, abusant de sa confiance, s'approprie cette somme avec laquelle il s'enrichit. Lorsque l'émigré revient, le dépositaire déclare ne pas le connaître et nie le dépôt. M. de Rouville, dénué de toutes ressources par cette infidélité, meurt de désespoir, laissant une petite fille de trois ans, nommée Mirette. L'enfant est recueillie par un ancien serviteur de la famille qui l'élève comme sa fille. Celle-ci avait à peine seize ans quand son père adoptif, très pauvre lui-même, vint à mourir. Lucien, jeune étudiant en droit, à l'âme grande et noble, qui avait assisté le vieillard à ses derniers moments, devient le protecteur de Mirette restée sans appui et sans asile ; il la fait admettre chez sa mère, riche boulangère, au cœur dur et égoïste. Or, il se découvre que Lucien est le fils du spoliateur ; ce dernier, en apprenant plus tard que Mirette est la fille de celui dont il a causé la ruine et la mort, tombe malade et meurt bourrelé de remords dans les convulsions d'une effrayante agonie. De là des complications, car les deux jeunes gens s'aiment, mais ils finissent néanmoins par se marier.
Les principaux personnages sont : Lucien et Mirette, deux âmes d'élite ; la mère de Lucien, type parfait de l'égoïsme, de la cupidité, de l'étroitesse des idées, en lutte avec l'amour maternel ; le père de Lucien, exacte personnification de la conscience troublée ; une porteuse de pains bassement méchante et jalouse ; un vieux médecin, excellent homme, mais incrédule et railleur ; un étudiant en médecine, son élève, spiritu-aliste, homme de cœur, et habile magnétiseur ; une somnambule très lucide, et une sœur de charité aux idées larges et élevées, type modèle.
Nous avons entendu faire sur cet ouvrage la critique suivante :
L'action débute, sans préambule, par un de ces faits de manifestations spontanées comme on en voit souvent de nos jours, et qui consistent dans des coups frappés dans la muraille. Ces bruits amènent la rencontre des deux principaux personnages de l'histoire, Lucien et Mirette, qui se déroule ensuite. L'auteur aurait dû, dit-on, donner une explication du phénomène à l'usage des personnes étrangères au Spiritisme, et qui se trouvent avoir un point de départ qu'elles ne comprennent pas. Nous ne partageons pas cette opinion, car il faudrait en dire autant des scènes de visions extatiques et de somnambulisme. L'auteur n'a point voulu, et ne pouvait, à propos d'un roman, faire un traité didactique de Spiritisme. Tous les jours les écrivains appuient leurs conceptions sur des faits scientifiques, historiques ou autres, qu'ils ne peuvent moins faire que de supposer connus de leurs lecteurs, sous peine de transformer leurs ouvrages en encyclopédies ; c'est à ceux qui ne les connaissent pas à en chercher, ou à en demander l'explication. M. Sauvage, plaçant son sujet en 1831, ne pouvait développer des théories qui ne furent connues que vingt ans plus tard. Les Esprits frappeurs ont, d'ailleurs, de ses jours, assez de retentissement, grâce même à la presse hostile, pour que peu de personnes n'en aient entendu parler. Ces faits sont plus vulgaires aujourd'hui que beaucoup d'autres que l'on cite journellement. L'auteur nous semble avoir, au contraire, rehaussé le Spiritisme en posant le fait comme suffisamment acquis pour n'avoir pas besoin d'être expliqué.
Nous ne partageons pas non plus l'avis de ceux qui lui reprochent son cadre un peu familier et vulgaire, le peu de complications des ressorts de l'intrigue, en un mot de n'avoir pas fait une œuvre littéraire plus magistrale, ainsi qu'il en était certainement capable. Selon nous, l'ouvrage est ce qu'il devait être pour atteindre le but proposé ; ce n'est pas un monument que l'auteur a voulu élever, mais une simple et gracieuse maisonnette où le cœur peut se reposer. Tel qu'il est, il s'adresse à tout le monde : grands et petits, riches et prolétaires, mais surtout à une classe de lecteurs auxquels il eût moins convenu s'il eût revêtu une forme plus académique. Nous pensons que la lecture peut en être très profitable à la classe laborieuse et à ce titre nous voudrions lui voir la popularité de certains écrits dont la lecture est moins saine.
Les deux passages suivants peuvent donner une idée de l'esprit dans lequel est conçu l'ouvrage. Le premier est une scène entre Lucien et Mirette à l'enterrement du père adoptif de celle-ci :
« Mon pauvre père, je ne te verrai donc plus ! dit Mirette en sanglotant.
« Mirette, répondit Lucien d'une voix douce et grave, ceux qui croient à Dieu et à l'immortalité de l'âme humaine ne doivent pas se désoler comme les malheureux qui n'ont pas l'espérance. Pour les vrais chrétiens, la mort n'existe pas. Regardez autour de nous : nous sommes assis au milieu des tombeaux, dans le lieu terrible et funèbre que l'ignorance et la peur appellent le champ des morts. Eh bien ! le soleil du mois de mai y resplendit comme au sein des plus riantes campagnes. Les arbres, les arbustes et les fleurs inondent l'air des plus doux parfums ; depuis l'oiseau jusqu'à l'insecte imperceptible, chaque être de la création jette sa note dans cette grande symphonie qui chante à Dieu l'hymne sublime de la vie universelle. N'est-ce pas là, dites-moi, une éclatante protestation contre le néant, contre la mort ? La mort est une transformation pour la matière, pour les êtres bons et intelligents, c'est une transfiguration. Votre père a rempli la tâche que Dieu lui avait confiée : Dieu l'a rappelé à lui ; que notre amour égoïste n'envie pas la palme au martyr, la couronne au vainqueur !… Mais ne croyez pas qu'il vous oublie. L'amour est le lien mystérieux qui relie tous les mondes. Le père de famille, forcé d'accomplir un grand voyage, ne pense-t-il pas à ses enfants chéris ? Ne veille-t-il pas de loin sur leur bonheur ? Oui, Mirette, que cette pensée vous console ; nous ne sommes jamais orphelins sur la terre ; nous avons Dieu d'abord qui nous a permis de l'appeler notre père, et puis les amis qui nous ont précédés dans la vie éternelle. – Celui que vous pleurez, il est là, je le vois… il vous sourit avec une tendresse ineffable,… il vous parle… écoutez…
« Le visage de Lucien prit tout à coup une expression extatique ; son regard fixe, son doigt levé en l'air, montrait quelque chose dans l'espace ; son oreille tendue semblait entendre des paroles mystérieuses.
Enfant, dit-il, avec une voix qui n'était plus la sienne, pourquoi fixer ton regard voilé de larmes sur ce coin de terre où l'on a déposé ma dépouille mortelle ? Lève les yeux vers le ciel ; c'est là que l'Esprit purifié par la souffrance, par l'amour et par la prière, s'envole vers l'objet de ses sublimes aspirations ! Qu'importe au papillon qui déploie au soleil ses ailes radieuses, que lui importent les débris de sa grossière enveloppe ? La poussière retourne à la poussière, l'étincelle remonte à son divin foyer. Mais l'Esprit doit passer par de terribles épreuves avant de recevoir sa couronne. La terre sur laquelle rampe la fourmilière humaine est un lieu d'expiation et de préparation à la vie bienheureuse. De grandes luttes t'attendent, pauvre enfant, mais aie confiance : Dieu et les bons Esprits ne t'abandonneront pas. Foi, espérance, amour, que ce soit là ta devise. Adieu. »
L'ouvrage se termine par le récit suivant d'une excursion extatique des deux jeunes gens, alors mariés :
« Après un voyage dont ils ne purent apprécier la durée, ces deux navigateurs aériens abordèrent une terre inconnue et merveilleuse où tout était lumière, harmonie et parfums, où la végétation était si belle qu'elle différait autant de celle de notre globe que la flore des tropiques diffère de celle du Groenland et des terres australes. Les êtres qui habitaient ce monde perdu au milieu des mondes ressemblaient assez à l'idée qu'ici-bas nous nous faisons des anges. Leurs corps légers et transparents n'avaient rien de notre grossière enveloppe terrestre, leur visage rayonnait d'intelligence et d'amour. Les uns reposaient sous l'ombrage d'arbres chargés de fruits et de fleurs, d'autres se promenaient comme ces ombres bienheureuses que nous montre Virgile dans sa ravissante description des Champs-Elyséens. Les deux personnages que Lucien avait déjà vus plusieurs fois dans ses visions précédentes s'avancèrent les bras tendus vers les deux voyageurs. Le sourire dont ils les embrassèrent les remplit d'une joie céleste. Celui qui avait été le père adoptif de Mirette leur dit avec une douceur ineffable : « Mes chers enfants, vos prières et vos bonnes œuvres ont trouvé grâce devant Dieu. Il a touché l'âme du coupable et la renvoie dans la vie terrestre pour expier ses fautes et se purifier par de nouvelles épreuves, car Dieu ne punit pas éternellement, et sa justice est toujours tempérée par la miséricorde. »
Voici maintenant l'opinion des Esprits sur cet ouvrage, donnée à la Société de Paris dans la séance où il en fut rendu compte :
Société de Paris, 4 janvier 1867. Méd. M. Desliens.
Chaque jour la croyance détache des idées adverses un esprit irrésolu ; chaque jour de nouveaux adeptes obscurs ou illustres, viennent s'abriter sous sa bannière ; les faits se multiplient, et la foule réfléchit. Puis les trembleurs prennent leur courage à deux mains, et alors ils crient : En avant ! de toute la force de leurs poumons. Les hommes sérieux travaillent, et science morale ou matérielle, romans et nouvelles, laissent percer les principes nouveaux dans des pages éloquentes. Que de Spirites sans le savoir parmi les spiritualistes modernes ! Que de publications auxquelles il ne manque qu'un mot pour être désignées à l'attention publique comme émanant d'une source spirite !
L'année 1866 présente la philosophie nouvelle sous toutes ses formes ; mais c'est encore la tige verte qui renferme l'épi de blé, et attend pour le montrer que la chaleur du printemps l'ait fait mûrir et s'entrouvrir. 1866 a préparé, 1867 mûrira et réalisera. L'année s'ouvre sous les auspices de Mirette, et elle ne s'écoulera pas sans voir apparaître de nouvelles publications du même genre, et de plus sérieuses encore, en ce sens que le roman se fera philosophie, et que la philosophie se fera histoire.
On ne fera plus du Spiritisme une croyance ignorée et acceptée seulement par quelques cerveaux soi-disant malades ; ce sera une philosophie admise au banquet de l'intelligence, une idée nouvelle ayant rang à côté des idées progressives qui marquent la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Aussi félicitons-nous vivement celui qui a su, le premier, mettre de côté tout faux respect humain, pour arborer franchement et carrément sa croyance intime.
Docteur Morel Lavallée.
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* 1 vol. in-12. Librairie des Auteurs, 10, rue dt: la Bourse . Prix: 3 fr. Par la
poste, pour la France et l'Algérie, 3 fr. 30 c.
Echos poétiques d'outre-tombe
Recueil de poésies médianimiques obtenues par M. Vavasseur ; précédé
d'une Étude sur la poésie médianimique, par M. Allan Kardec. 1 vol.
in-12, prix 1 fr. Par la poste, pour la France et l'Algérie, 1 fr. 20 c.
– Paris, librairie centrale, 24, boulevard des Italiens ; au bureau de
la Revue Spirite, et chez l'auteur, 3, rue de la Mairie, à
Paris-Montmartre.
Cet ouvrage dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, et dont l'impression a été retardée, est en vente.
Cet ouvrage dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, et dont l'impression a été retardée, est en vente.
Nouvelle théorie médico-spirite.
Par le docteur Brizio, de Turin.
Nous ne connaissons cet ouvrage que par le prospectus en langue italienne qui nous a été adressé, mais nous ne pouvons que nous réjouir de voir l'empressement des nations étrangères à suivre le mouvement spirite, et féliciter les hommes de talent qui entrent dans la voie des applications du Spiritisme à la science. L'ouvrage du docteur Brizio sera publié en 20 ou 30 livraisons à 20 c. chacune, et l'impression en sera commencée dès qu'il y aura 300 souscripteurs. On souscrit à Turin, à la librairie Degiorgis, via Nuova.
Nous ne connaissons cet ouvrage que par le prospectus en langue italienne qui nous a été adressé, mais nous ne pouvons que nous réjouir de voir l'empressement des nations étrangères à suivre le mouvement spirite, et féliciter les hommes de talent qui entrent dans la voie des applications du Spiritisme à la science. L'ouvrage du docteur Brizio sera publié en 20 ou 30 livraisons à 20 c. chacune, et l'impression en sera commencée dès qu'il y aura 300 souscripteurs. On souscrit à Turin, à la librairie Degiorgis, via Nuova.
Le Livre des Médiums en espagno
Le Livre des Médiums, traduction en espagnol sur la 9e édition française : Madrid, – Barcelone, – Marseille, – Paris, au bureau de la Revue spirite.
Allan Kardec