REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867

Allan Kardec

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Juin

Émancipation des femmes aux États-Unis

« On mande de New York que, dans le nombre des pétitions adressées récemment au président des États-Unis, il s'en trouve une qui a soulevé de nouveau la question de l'admissibilité des femmes aux emplois publics. Mademoiselle Françoise Lord, de New York, a demandé à être envoyée comme consul à l'étranger. Le Président a pris sa demande en considération, et elle espère que le Sénat lui sera favorable. Le sentiment public ne se montre pas aussi hostile à cette innovation qu'on aurait pu le supposer, et plusieurs journaux soutiennent la prétention de mademoiselle Lord. »

Siècle, 5 avril 1867

« Dans le district commandé par le général Shéridan, formé par les états de la Louisiane et du Texas, les listes électorales ont été ouvertes, et la population blanche ou de couleur a commencé à s'y faire inscrire sans élever d'objection au sujet de l'ingérence de l'autorité militaire dans toute cette affaire. Malgré les efforts des législateurs de Washington, la population du nord garde une grande partie de ses préjugés à l'endroit des noirs. A la majorité de 35 voix contre, la chambre des députés du New Jersey leur a refusé la jouissance des droits politiques, et le sénat de l'état s'est associé à ce vote, qui est l'objet des attaques les plus vives dans toute la presse républicaine. En revanche, l'un des états de l'Ouest, le Wisconsin, a donné le droit de suffrage aux femmes âgées de plus de vingt et un ans. Ce principe nouveau fait son chemin aux États-Unis, et il ne manque pas de journalistes pour approuver la galanterie politique des sénateurs du Wisconsin. Faisant allusion à un roman célèbre, un orateur d'un meeting s'est écrié ; « Comment refuserions-nous la capacité politique à madame Beecher Stowe, lorsque nous la reconnaissons à l'oncle Tom ? »

Grand Moniteur, 9 mai 1867

La chambre des Communes d'Angleterre s'est aussi occupée de cette question dans sa séance du 20 mai dernier, sur la proposition d'un de ses membres. On lit dans le compte rendu du Morning-Post :

« Sur la clause 4, M. Mill demande qu'on retranche le mot homme et qu'on insère celui de personne.

Mon but est, dit-il, d'admettre à la franchise électorale une très grande partie de la population qui est maintenant exclue du giron de la constitution, c'est-à-dire les femmes. Je ne vois pas pourquoi les ladies non mariées, majeures, et les veuves n'auraient pas une voix dans l'élection des membres du Parlement.

On dira peut être que les femmes ont déjà bien assez de pouvoir, mais je soutiens que si elles obtenaient les droits civils que je propose qu'on leur accorde, on élèverait par là leur condition, et on les débarrasserait d'un obstacle qui empêche aujourd'hui l'expansion de leurs facultés.

J'avoue que les femmes ont déjà un grand pouvoir social, mais elles n'en ont pas trop, et ne sont pas des enfants gâtés tels qu'on le suppose généralement. Du reste, quel que soit leur pouvoir, je veux qu'il soit responsable, et je leur donnerai le moyen de faire connaître leurs besoins et leurs sentiments.

M. Laing. – La proposition est, selon lui, insoutenable, et il est persuadé que la grande majorité des femmes elles-mêmes la rejetterait.

Sir John Bowyer pense différemment. Les femmes peuvent être maintenant surveillantes directrices des pauvres, et il ne voit pas pourquoi elles ne voteraient pas pour les membres du Parlement, L'honorable baronnet cite le cas de Miss Burdetts Coutts pour montrer que la propriété des femmes, quoique imposée comme celle des hommes, n'est pas du tout représentée.

Il est procédé au vote : l'amendement est rejeté par 196 voix contre 73, et il est ordonné que le mot homme fera partie de la clause. »

Le journal la Liberté, du 24 mai, fait suivre ce compte rendu des judicieuses réflexions suivantes :

« Est-ce que déjà les femmes ne sont pas admises à siéger et à voter dans les assemblées d'actionnaires, au même titre que les hommes ?

Fût-il vrai, ainsi que l'a prétendu l'honorable M. Laing, que les femmes ne voulussent pas du droit que M. Stuart Mill propose de leur reconnaître, ce ne serait pas une raison pour ne pas le leur attribuer s'il leur appartient légitimement. Celles à qui il répugnerait de l'exercer en seraient quittes pour ne pas voter, sauf, plus tard, à se raviser quand l'usage les aurait fait changer d'avis.

Les Laing, dont les yeux sont couverts par le bandeau de la routine, trouvent monstrueux que les femmes votent, et ils trouvent tout naturel et parfaitement simple qu'une femme règne !

O inconséquence humaine ! ô contradiction sociale !

A. Fagnan. »

Nous avons traité la question de l'émancipation des femmes dans l'article intitulé : Les femmes ont-elles une âme ? publié dans la Revue de janvier 1866, et auquel nous renvoyons pour ne pas nous répéter ici ; les considérations suivantes serviront à le compléter.

Il n'est pas douteux qu'à une époque où les privilèges, débris d'un autre âge et d'autres mœurs, tombent devant le principe de l'égalité des droits de toute créature humaine, ceux de la femme ne sauraient tarder à être reconnus, et que, dans un avenir prochain, la loi ne la traitera plus en mineure. Jusqu'à présent, la reconnaissance de ces droits est considérée comme une concession de la force à la faiblesse, c'est pourquoi elle est marchandée avec tant de parcimonie. Or, comme tout ce qui est octroyé bénévolement peut être retiré, cette reconnaissance ne sera définitive et imprescriptible que lorsqu'elle ne sera plus subordonnée au caprice du plus fort, mais fondée sur un principe que nul ne puisse contester.

Les privilèges de races ont leur origine dans l'abstraction que les hommes font en général du principe spirituel, pour ne considérer que l'être matériel extérieur. De la force ou de la faiblesse constitutionnelle chez les uns, d'une différence de couleur chez les autres, de la naissance dans l'opulence ou la misère, de la filiation consanguine noble ou roturière, ils ont conclu à une supériorité ou à une infériorité naturelle ; c'est sur cette donnée qu'ils ont établi leurs lois sociales et les privilèges de races. A ce point de vue circonscrit, ils sont conséquents avec eux-mêmes, car, à ne considérer que la vie matérielle, certaines classes semblent appartenir et appartiennent en effet à des races différentes.

Mais si l'on prend son point de vue de l'être spirituel, de l'être essentiel et progressif, de l'Esprit en un mot, préexistant et survivant à tout, dont le corps n'est qu'une enveloppe temporaire, variant comme l'habit de forme et de couleur ; si de plus, de l'étude des êtres spirituels ressort la preuve que ces êtres sont d'une nature et d'une origine identiques, que leur destinée est la même, que tous partant d'un même point tendent au même but, que la vie corporelle n'est qu'un incident, une des phases de la vie de l'Esprit, nécessaire à son avancement intellectuel et moral ; qu'en vue de cet avancement l'Esprit peut successivement revêtir des enveloppes diverses, naître dans des positions différentes, on arrive à la conséquence capitale de l'égalité de nature, et de là à l'égalité des droits sociaux de toutes les créatures humaines et à l'abolition des privilèges de races. Voilà ce qu'enseigne le Spiritisme.

Vous qui niez l'existence de l'Esprit pour ne considérer que l'homme corporel, la perpétuité de l'être intelligent pour n'envisager que la vie présente, vous répudiez le seul principe sur lequel soit fondée en raison l'égalité des droits que vous réclamez pour vous-mêmes et pour vos semblables.

Appliquant ce principe à la position sociale de la femme, nous dirons que de toutes les doctrines philosophiques et religieuses, le Spiritisme est la seule qui établisse ses droits sur la nature même, en prouvant l'identité de l'être spirituel dans les deux sexes. Dès lors que la femme n'appartient pas à une création distincte, que l'Esprit peut naître à volonté homme ou femme, selon le genre d'épreuves auquel il veut se soumettre pour son avancement, que la différence n'est que dans l'enveloppe extérieure qui modifie ses aptitudes, de l'identité dans la nature de l'être, il faut nécessairement conclure à l'égalité des droits. Ceci découle, non d'une simple théorie, mais de l'observation des faits, et de la connaissance des lois qui régissent le monde spirituel. Les droits de la femme trouvant dans la doctrine spirite une consécration fondée sur les lois de la nature, il en résulte que la propagation de cette doctrine hâtera son émancipation, et lui donnera d'une manière stable la position sociale qui lui appartient. Si toutes les femmes comprenaient les conséquences du Spiritisme, elles seraient toutes spirites, car elles y puiseraient le plus puissant argument qu'elles puissent invoquer.

La pensée de l'émancipation de la femme germe en ce moment dans un grand nombre de cerveaux, parce que nous sommes à une époque où fermentent les idées de rénovation sociale, et où les femmes, aussi bien que les hommes, subissent l'influence du souffle progressif qui agite le monde. Après s'être beaucoup occupés d'eux-mêmes, les hommes commencent à comprendre qu'il serait juste de faire quelque chose pour elles, de relâcher un peu les liens de la tutelle sous laquelle ils les tiennent. Nous devons d'autant plus féliciter les États-Unis de l'initiative qu'ils prennent à ce sujet qu'ils ont été plus longs à concéder une position légale et de droit commun à toute une race de l'humanité.

Mais de l'égalité des droits ; il serait abusif de conclure à l'égalité des attributions. Dieu a doué chaque être d'un organisme approprié au rôle qu'il doit remplir dans la nature. Celui de la femme est tracé par son organisation, et ce n'est pas le moins important. Il y a donc des attributions bien caractérisées dévolues à chaque sexe par la nature même, et ces attributions impliquent des devoirs spéciaux que les sexes ne sauraient remplir efficacement en sortant de leur rôle. Il en est dans chaque sexe comme d'un sexe à l'autre : la constitution physique détermine des aptitudes spéciales ; quelle que soit leur constitution, tous les hommes ont certainement les mêmes droits, mais il est évident, par exemple, que celui qui n'est pas organisé pour le chant ne saurait faire un chanteur. Nul ne peut lui ôter le droit de chanter, mais ce droit ne peut lui donner les qualités qui lui manquent. Si donc la nature a donné à la femme des muscles plus faibles qu'à l'homme, c'est qu'elle n'est pas appelée aux mêmes exercices ; si sa voix a un autre timbre, c'est qu'elle n'est pas destinée à produire les mêmes impressions.

Or, il est à craindre, et c'est ce qui aura lieu, que dans la fièvre d'émancipation qui la tourmente, la femme ne se croie apte à remplir toutes les attributions de l'homme et que, tombant dans un excès contraire, après avoir eu trop peu, elle ne veuille avoir trop. Ce résultat est inévitable, mais il ne faut nullement s'en effrayer ; si les femmes ont des droits incontestables, la nature a les siens qu'elle ne perd jamais ; elles se lasseront bientôt des rôles qui ne sont pas les leurs ; laissez-les donc reconnaître par l'expérience leur insuffisance dans les choses auxquelles la Providence ne les a pas appelées ; des essais infructueux les ramèneront forcément dans la route qui leur est tracée, route qui peut et doit être élargie, mais qui ne saurait être dévoyée, sans préjudice pour elles-mêmes, en portant atteinte à l'influence toute spéciale qu'elles doivent exercer. Elles reconnaîtront qu'elles ne peuvent que perdre au change, car la femme aux allures trop viriles n'aura jamais la grâce et le charme qui font la puissance de celle qui sait rester femme. Une femme qui se fait homme abdique sa véritable royauté ; on la regarde comme un phénomène.

Les deux articles rapportés ci-dessus, ayant été lus à la société de Paris, cette question fut proposée aux Esprits comme sujet d'étude :

Quelle influence le Spiritisme doit-il avoir sur la condition de la femme ?



Toutes les communications obtenues concluant dans le même sens, nous ne rapportons que la suivante, comme étant la plus développée.

(Société de Paris, 10 mai 1867 ; méd. M. Morin, en somnambulisme spontané ; dissertation verbale.)

« Les hommes ont de tout temps été orgueilleux ; c'est un vice constitutionnel inhérent à leur nature. L'homme, je parle du sexe, l'homme fort par le développement de ses muscles, par les conceptions un peu hardies de sa pensée, n'a pas tenu compte de la faiblesse à laquelle il est fait allusion dans les saintes Écritures, faiblesse qui a fait le malheur de toute sa descendance. Il s'est cru fort, et s'est servi de la femme, non comme d'une compagne, d'une famille : il s'en est servi au point de vue purement bestial ; il en a fait un animal assez agréable, et a essayé de la tenir à distance respectueuse de maître. Mais comme Dieu n'a pas voulu qu'une moitié de l'humanité fût dépendante de l'autre, il n'a pas fait deux créations distinctes : l'une pour être constamment au service de l'autre ; il a voulu que toutes ses créatures pussent participer au banquet de la vie et de l'infini dans une même proportion.

Dans ces cerveaux que l'on a tenus si longtemps éloignés de toute science, comme impropres à recevoir les bienfaits de l'instruction, Dieu a fait naître, comme contrepoids, des ruses qui tiennent en échec les forces de l'homme. La femme est faible, l'homme est fort, il est savant ; mais la femme est rusée, et la science contre la ruse n'a pas toujours le dessus. Si c'était la vraie science, elle l'emporterait ; mais c'est une science fausse et incomplète, et la femme trouve facilement le défaut de la cuirasse. Provoquée par la position qui lui était faite, la femme a développé le germe qu'elle sentait en elle ; le besoin de sortir de son abaissement lui a donné le désir de rompre ses chaînes. Suivez sa marche ; prenez-la depuis l'ère chrétienne et observez-la : vous la verrez de plus en plus dominante, mais elle n'a pas dépensé toute sa force ; elle l'a conservée pour des temps plus opportuns, et l'époque approche où elle va la déployer à son tour. Du reste, la génération qui s'élève porte dans ses flancs le changement qui nous est annoncé depuis longtemps, et la femme actuelle veut avoir, dans la société, une place égale à celle de l'homme.

Observez bien ; regardez dans les intérieurs, et voyez combien la femme tend à s'affranchir du joug ; elle règne en maître, parfois en despote. Vous l'avez trop longtemps tenue ployée : elle se redresse comme un ressort comprimé qui se distend, car elle commence à comprendre que son heure est venue.

Pauvres hommes ! si vous réfléchissiez que les Esprits n'ont pas de sexe ; que celui qui est homme aujourd'hui peut être femme demain ; qu'ils choisissent indifféremment, et quelquefois de préférence, le sexe féminin, vous devriez plutôt vous réjouir que vous affliger de l'émancipation de la femme, et l'admettre au banquet de l'intelligence en lui ouvrant toutes grandes les portes de la science, car elle a des conceptions plus fines, plus douces, des attouchements plus délicats que ceux de l'homme. Pourquoi la femme ne serait-elle pas médecin ? N'est-elle pas appelée naturellement à donner des soins aux malades, et ne les donnerait-elle pas avec plus d'intelligence si elle avait les connaissances nécessaires ? N'y a-t-il pas des cas où, quand il s'agit des personnes de son sexe, un médecin femme serait préférable ? Nombre de femmes n'ont-elles pas donné la preuve de leur aptitude pour certaines sciences ? de la finesse de leur tact dans les affaires ? Pourquoi donc les hommes s'en réserveraient-ils le monopole, si ce n'est par la crainte de les voir prendre la supériorité ? Sans parler des professions spéciales, la première profession de la femme n'est-elle pas celle de mère de famille ? Or, la mère instruite est plus à même de diriger l'instruction et l'éducation de ses enfants ; en même temps qu'elle allaite le corps, elle peut développer le cœur et l'esprit. La première enfance étant nécessairement confiée aux soins de la femme, quand elle sera instruite, la régénération sociale aura fait un pas immense, et c'est ce qui se fera.

L'égalité de l'homme et de la femme aurait encore un autre résultat. Être maître, être fort, c'est très bien ; mais c'est aussi assumer une grande responsabilité ; en partageant le fardeau des affaires de la famille avec une compagne capable, éclairée, naturellement dévouée aux intérêts communs, l'homme allège sa charge et diminue sa responsabilité, tandis que la femme étant sous la tutelle, et par cela même dans un état de soumission forcée, n'a sa voix au chapitre qu'autant que l'homme veut bien condescendre à la lui donner.

Les femmes, dit-on, sont trop parleuses et trop frivoles ; mais à qui la faute, si ce n'est aux hommes qui ne leur permettent pas la réflexion ? Donnez-leur la nourriture de l'esprit, et elles parleront moins ; elles méditeront et réfléchiront. Vous les accusez de frivolité ? Mais qu'est-ce qu'elles ont à faire ? – Je parle surtout ici de la femme du monde. – Rien, absolument rien. A quoi peut-elle s'occuper ? Si elle réfléchit et transcrit ses pensées, on la traite ironiquement de bas-bleu. Si elle cultive les sciences ou les arts, ses travaux ne sont pas pris en considération, sauf quelques bien rares exceptions, et cependant, tout comme l'homme, elle a besoin d'émulation. Flattez un artiste, c'est lui donner du ton, du courage ; mais pour la femme, cela n'en vaut vraiment pas la peine ! alors il leur reste le domaine de la frivolité dans lequel elles peuvent se stimuler entre elles.

Que l'homme détruise les barrières que son amour-propre oppose à l'émancipation de la femme, et il la verra bientôt prendre son essor, au grand avantage de la société. La femme, sachez-le, a l'étincelle divine tout comme vous, car la femme c'est vous, comme vous êtes est la femme. »


De l'homéopathie dans le traitement des maladies morales

Voir le n° de mars 1867, page 65

L'article que nous avons publié dans le numéro de mars sur l'action de l'homéopathie dans les maladies morales, nous a valu d'un des plus ardents partisans de ce système, et en même temps l'un des plus fervents adeptes du Spiritisme, le docteur Charles Grégory, la lettre suivante que nous nous faisons un devoir d'insérer, en raison de la lumière que la discussion peut amener dans la question.

« Cher et vénéré maître,

Je vais tâcher de vous expliquer comment je comprends l'action de l'homéopathie sur le développement des facultés morales.

Vous admettez, comme moi, que tout homme, en santé, possède des rudiments de toutes les facultés et de tous les organes cérébraux nécessaires à leur manifestation. Vous admettez aussi que certaines facultés vont toujours se développant, tandis que d'autres, celles qui ne sont sans doute que rudimentaires, après avoir à peine donné quelques lueurs, paraissent s'éteindre tout à fait. Dans le premier cas, selon vous, les organes cérébraux se rapportant aux facultés en plein développement, auraient leur libre manifestation, tandis que ceux qui sont rudimentaires, et qui le plus souvent se rapportent aussi à des aptitudes rudimentaires, s'atrophieraient complètement avec le progrès de l'âge, par manque d'activité vitale.

Si donc, au moyen de médicaments appropriés, j'agis sur les organes imparfaits, si j'y développe un surcroît d'activité vitale, si j'y appelle une nutrition plus puissante, il est bien clair que, augmentant le volume, ils permettront à la faculté rudimentaire de mieux se manifester, et que, par la transmission des idées et des sentiments qu'ils auront puisés, par les sens, dans le monde extérieur, ils imprimeront à la faculté correspondante une influence salutaire et la développeront à son tour ; car tout se lie et se tient chez l'homme ; l'âme influe sur le physique, comme le corps influe sur l'âme. Donc, déjà, par cela même, première influence des médicaments au moyen de l'agrandissement des organes sur les facultés correspondantes de l'âme ; donc, possibilité d'augmenter l'homme par des forces tirées du monde matériel, de l'augmenter, dis-je, en virtualités et en aptitudes.

Maintenant, il ne m'est pas du tout prouvé que nos petites doses arrivées à un état de sublimation et de subtilité qui dépassent toutes les limites, n'aient pas en elles quelque chose de spirituel, en quelque sorte, qui agit à son tour sur l'Esprit. Nos médicaments, donnés à l'état de division que l'art leur fait subir, ne sont plus des substances matérielles, mais bien des forces lui doivent nécessairement, à mon sens du moins, agir sur les facultés de l'âme qui, elles aussi, sont des forces.

Et puis, comme je crois que l'Esprit de l'homme, avant de s'incarner dans l'humanité, monte tous les degrés de l'échelle et passe par le minéral, la plante et l'animal et dans la plupart des types de chaque espèce où il prélude à son complet développement comme être humain, qui me dit qu'en donnant médicalement ce qui n'est plus ni le minéral, ni la plante, ni l'animal, mais ce qu'on pourrait appeler leur essence, et en quelque sorte leur esprit, on n'agit pas sur l'âme humaine composée des mêmes éléments ? Car, on aura beau dire, l'esprit est bien quelque chose, et puisqu'il s'est développé et se développe sans cesse, il a dû prendre ses éléments quelque part.

Tout ce que je puis dire, c'est que nous n'agissons pas sur l'âme, avec nos 200e et 600e dilutions, matériellement, mais virtuellement et en quelque sorte spirituellement.

Maintenant, les faits sont là, faits nombreux, bien observés, et qui pourraient bien démontrer que je n'ai pas tout à fait tort. Pour me citer moi-même, quoique je n'aime pas beaucoup les questions personnelles, je dirai qu'expérimentant sur moi, depuis trente ans, les remèdes homéopathiques, j'ai en quelque sorte créé en moi de nouvelles facultés, rudimentaires sans doute, mais que dans ma plus luxuriante jeunesse, je n'avais jamais connues, alors que j'ignorais l'homéopathie, et qu'aujourd'hui, à cinquante-deux ans, je trouve bien développées : le sentiment de la couleur et des formes.

J'ajouterai encore que sous l'influence de nos moyens, j'ai vu des caractères changer complètement ; à la légèreté succédèrent la réflexion et la solidité du jugement ; à la lubricité, la continence ; à la méchanceté, la bienveillance ; à la haine, la bonté et le pardon des injures. Ce n'est pas évidemment l'affaire de quelques jours ; il faut bien quelques années de soins, mais on arrive à ces beaux résultats par des moyens si commodes, qu'il n'y a aucune difficulté à y décider les clients qui vous sont dévoués, et un médecin en a toujours. J'ai même remarqué que les résultats obtenus par nos moyens étaient acquis à jamais, tandis que ceux que donnent l'éducation, les bons conseils, les exhortations suivies, les livres de morale, ne tenaient guère devant la possibilité de satisfaire une ardente passion, et les tentations en rapport avec nos faiblesses, plutôt endormies et engourdies que guéries. Si des triomphes, de ce dernier cas, se manifestaient, ce n'était pas sans luttes violentes qu'il n'était pas bon de prolonger trop longtemps.

Voilà, cher maître, les observations que je tenais à vous soumettre sur cette question si grave de l'influence de l'homéopathie sur le moral humain.

Pour conclure : que ce soit par le cerveau que le médicament agisse sur les facultés, ou qu'il agisse à la fois et sur la fibre cérébrale et sur la faculté correspondante, il n'en est pas moins démontré pour moi, par des centaines de faits, que l'action subtile et profonde de nos doses sur le moral humain est bien réelle. Il m'est démontré, en outre, que l'homéopathie déprime certaines facultés, certains sentiments ou certaines passions trop exaltés, pour en relever d'autres trop affaissés, et comme paralysés, et, par cela même, conduit à l'équilibre et à l'harmonie, d'où : amélioration réelle et progrès de l'homme dans toutes ses aptitudes, et facilité à se vaincre lui-même.

Ne croyez pas que ce résultat anéantisse la responsabilité humaine, et qu'on arrive à ce progrès tant désiré sans souffrances et sans combats ; il ne suffit pas de prendre un médicament et de se dire : « Je vais triompher de mon penchant à la colère, à la jalousie, à la luxure. » Oh ! non pas ! Le remède approprié, une fois introduit dans l'organisme, n'y amène une modification profonde qu'au prix de violentes souffrances morales et physiques, et souvent de longue et très longue durée ; souffrances qu'il faut répéter plusieurs fois, en variant les médicaments et les doses, et cela pendant des mois, et quelquefois des années, si l'on veut arriver à des résultats concluants. C'est là le salaire dont il faut payer son amélioration morale ; c'est là l'épreuve et l'expiation par lesquelles tout s'achète en ce bas monde, et je vous avoue que ce n'est pas chose facile de se corriger, même par l'homéopathie. Je ne sais pas si, par les angoisses intérieures qu'on subit, on ne paye pas plus cher ce progrès que par la modification plus lente, il est vrai, mais à coup sûr plus douce et plus supportable de l'action purement morale de tous les jours, par l'observation de soi-même et le désir ardent de se vaincre.

Je termine ici ; plus tard, je vous raconterai nombre de faits qui pourront bien vous convaincre.

Recevez, etc. »



Cette lettre ne modifie en rien l'opinion que nous avons émise sur l'action de l'homéopathie dans le traitement des maladies morales, et que viennent confirmer, au contraire, les arguments mêmes de M. le docteur Grégory. Nous persistons donc à dire que : si les médicaments homéopathiques peuvent avoir une action sur le moral, c'est en agissant sur les organes des manifestations, ce qui peut avoir son utilité dans certains cas, mais non sur l'Esprit ; que les qualités bonnes ou mauvaises et les aptitudes sont inhérentes au degré d'avancement ou d'infériorité de l'Esprit, et que ce n'est pas avec un médicament quelconque qu'on peut le faire avancer plus vite, ni lui donner les qualités qu'il ne peut acquérir que successivement et par le travail ; qu'une telle doctrine, faisant dépendre les dispositions morales de l'organisme, ôte à l'homme toute responsabilité, quoi qu'en dise M. Grégory, et le dispense de tout travail sur lui-même pour s'améliorer, puisqu'on pourrait le rendre bon à son insu en lui administrant tel ou tel remède ; que si, à l'aide des moyens matériels, on peut modifier les organes des manifestations, ce que nous admettons parfaitement, ces moyens ne peuvent changer les tendances instinctives de l'Esprit, pas plus qu'en coupant la langue à un bavard on ne lui ôte l'envie de parler. Un usage d'Orient vient confirmer notre assertion par un fait matériel bien connu.

L'état pathologique influe certainement sur le moral à certains égards, mais les dispositions qui ont cette source sont accidentelles, et ne constituent pas le fond du caractère de l'Esprit ; ce sont celles-là surtout qu'une médication appropriée peut modifier. Il y a des gens qui ne sont bienveillants qu'après avoir bien dîné, et à qui il ne faut rien demander quand ils sont à jeun ; en faut-il conclure qu'un bon dîner est un remède contre l'égoïsme ? Non, car cette bienveillance, provoquée par la plénitude de la satisfaction sensuelle, est un effet même de l'égoïsme ; ce n'est qu'une bienveillance apparente, un produit de cette pensée : « Maintenant que je n'ai plus besoin de rien, je puis m'occuper un peu des autres. »

En résumé, nous ne contestons pas que certaines médications, et l'homéopathie plus que toute autre, ne produit quelques-uns des effets indiqués, mais nous en contestons plus que jamais les résultats permanents, et surtout aussi universels que quelques-uns le prétendent. Un cas où l'homéopathie surtout nous semblerait particulièrement applicable avec succès, c'est celui de la folie pathologique, parce qu'ici le désordre moral est la conséquence du désordre physique, et qu'il est constaté maintenant, par l'observation des phénomènes spirites, que l'Esprit n'est pas fou ; il n'y a pas à le modifier, mais à lui rendre les moyens de se manifester librement. L'action de l'homéopathie peut être ici d'autant plus efficace qu'elle agit principalement, par la nature spiritualisée de ses médicaments, sur le périsprit qui joue un rôle prépondérant dans cette affection.

Nous aurions plus d'une objection à faire sur quelques-unes des propositions contenues dans cette lettre ; mais cela nous entraînerait trop loin ; nous nous contentons donc de mettre les deux opinions en regard. Comme en tout, les faits sont plus concluants que les théories, et que ce sont eux, en définitive, qui confirment ou renversent ces dernières, nous désirons ardemment que M. le docteur Grégory publie un traité spécial pratique de l'homéopathie appliquée au traitement des maladies morales, afin que l'expérience puisse se généraliser et décider la question. Plus que tout autre, il nous semble capable de faire ce travail ex-professo.

Le Sens spirituel

Une seconde lettre du docteur Grégory contient ce qui suit :

« Eraste, dans une communication, a énoncé une idée qui m'a frappé et m'a donné à réfléchir. L'homme, dit-il, a sept sens : les sens bien connus de l'ouïe, de l'odorat, de la vue, du goût et du toucher, et de plus, le sens somnambulique et le sens médianimique.

J'ajoute à ces paroles que ces deux derniers sens n'existent que par exception suffisamment développés chez quelques natures privilégiées, en cas qu'ils existent chez tout homme à l'état rudimentaire. Or, il est en moi une conviction acquise par plus d'une observation et par une assez longue expérience des puissances homéopathiques, c'est que nos médicaments bien choisis, pris longtemps, peuvent développer ces deux admirables facultés. »

Ce serait à tort, selon nous, que l'on considèrerait le somnambulisme et la médiumnité comme le produit de deux sens différents, attendu que ce ne sont que deux effets résultant d'une même cause. Cette double faculté est un des attributs de l'âme, et a pour organe le périsprit, dont le rayonnement transporte la perception au delà des limites de l'action des sens matériels. C'est à proprement parler le sixième sens, qui est désigné sous le nom de sens spirituel.

Le somnambulisme et la médiumnité sont deux variétés de l'activité de ce sens, qui présentent, comme on le sait, des nuances innombrables, et constituent des aptitudes spéciales. En dehors de ces deux facultés, plus remarquées, parce qu'elles sont plus apparentes, ce serait une erreur de croire que le sens spirituel n'existe qu'à l'état rudimentaire. Comme les autres sens, il est plus ou moins développé, plus ou moins subtil selon les individus, mais tout le monde le possède, et ce n'est pas celui qui rend le moins de service, par la nature toute spéciale des perceptions dont il est la source. Loin d'être la règle, son atrophie est l'exception, et peut être considérée comme une infirmité, de même que l'absence de la vue ou de l'ouïe. C'est par ce sens que nous recevons les effluves fluidiques des Esprits, que nous nous inspirons à notre insu de leurs pensées, que nous sont donnés les avertissements intimes de la conscience, que nous avons le pressentiment et l'intuition des choses futures ou absentes, que s'exercent la fascination, l'action magnétique inconsciente et involontaire, la pénétration de la pensée, etc. Ces perceptions sont données à l'homme par la Providence, de même que la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher, pour sa conservation ; ce sont des phénomènes très vulgaires qu'il remarque à peine par l'habitude qu'il a de les éprouver, et dont il ne s'est pas rendu compte jusqu'à ce jour, par suite de son ignorance des lois du principe spirituel, de la négation même, chez quelques-uns, de l'existence de ce principe ; mais quiconque porte son attention sur les effets que nous venons de citer et sur beaucoup d'autres de même nature, reconnaîtra combien ils sont fréquents et qu'ils sont complètement indépendants des sensations perçues par les organes du corps.

La vue spirituelle, vulgairement appelée double vue ou seconde vue, est un phénomène moins rare qu'on ne le croit ; beaucoup de personnes ont cette faculté sans s'en douter ; seulement elle est plus ou moins accentuée, et il est facile de s'assurer qu'elle est étrangère aux organes de la vision, puisqu'elle s'exerce sans le secours de ces organes, que les aveugles même la possèdent. Elle existe chez certaines personnes dans l'état normal le plus parfait, sans la moindre trace apparente de sommeil ni d'état extatique. Nous connaissons, à Paris, une dame chez laquelle elle est permanente, et aussi naturelle que la vue ordinaire ; elle voit sans effort et sans concentration le caractère, les habitudes, les antécédents de quiconque l'approche ; elle décrit les maladies et prescrit des traitements efficaces avec plus de facilité que beaucoup de somnambules ordinaires ; il suffit de penser à une personne absente pour qu'elle la voie et la désigne. Nous étions un jour chez elle, et nous vîmes passer dans la rue quelqu'un avec qui nous sommes en relation et qu'elle n'avait jamais vu. Sans y être provoquée par aucune question, elle en fit le portrait moral le plus exact, et nous donna à son sujet des avis très sages.

Cette dame n'est cependant pas somnambule ; elle parle de ce qu'elle voit, comme elle parlerait de toute autre chose, sans se déranger de ses occupations. Est-elle médium ? elle n'en sait rien elle-même, car il y a peu de temps, elle ne connaissait pas même de nom le Spiritisme. Cette faculté est donc chez elle aussi naturelle et aussi spontanée que possible. Comment perçoit-elle, si ce n'est par le sens spirituel ?

Nous devons ajouter que cette dame a foi aux signes de la main ; aussi l'examine-t-elle quand on l'interroge ; elle y voit, dit-elle, l'indice des maladies. Comme elle voit juste, et qu'il est évident que beaucoup des choses qu'elle dit ne peuvent avoir aucune relation physiologique avec la main, nous sommes persuadé que c'est simplement pour elle un moyen de se mettre en rapport, et de développer sa vue en la fixant sur un point déterminé ; la main fait l'office de miroir magique ou psychique ; elle y voit comme d'autres voient dans un vase, dans une carafe ou autre objet. Sa faculté a beaucoup de rapport avec celle du Voyant de la forêt de Zimmerwald, mais elle lui est supérieure à certains égards. Du reste, comme elle n'en tire aucun profit, cette considération écarte tout soupçon de charlatanisme, et attendu qu'elle ne s'en sert que pour rendre service, elle doit être assistée par de bons Esprits. (Voir la Revue d'octobre 1864 : Le Sixième sens et la vue spirituelle ; octobre 1865 : Nouvelles études sur les miroirs psychiques. Le Voyant de la forêt de Zimmerwald.)

Groupe guérisseur de Marmande

Intervention des proches dans les guérisons


« Marmande, 12 mai 1867.

Cher monsieur Kardec,

Il y a déjà quelque temps que je ne vous ai entretenu du résultat de nos travaux Spirites que nous poursuivons avec persévérance, et, je suis heureux de le dire, avec des succès satisfaisants. Les obsédés et les malades sont toujours l'objet de nos soins exclusifs. La moralisation et les fluides sont les principaux moyens indiqués par nos guides.

Nos bons Esprits, qui se sont voués à la propagation du Spiritisme, ont aussi pris à tâche de vulgariser le magnétisme. Dans presque toutes les consultations, pour les divers cas de maladies, ils demandent le concours des proches : un père, une mère, un frère ou une sœur, un voisin, un ami, sont requis pour faire des passes. Ces braves gens sont tout surpris d'arrêter des crises, de calmer des douleurs. Ce moyen est, ce me semble, ingénieux et sûr pour faire des adeptes, aussi la confiance s'étend chaque jour davantage dans notre pays. Les groupes qui s'occupent de guérisons feraient peut-être bien de donner les mêmes conseils ; les heureux résultats obtenus prouveraient d'une façon évidente la vérité du magnétisme, et donneraient la certitude que la faculté de guérir ou de soulager son semblable n'est pas le privilège exclusif de quelques personnes ; qu'il ne faut, pour cela, qu'un bon vouloir et de la confiance en Dieu ; je ne parle pas d'une bonne santé qui est une condition indispensable, on le comprend. En reconnaissant que l'on a soi-même ce pouvoir, on acquiert la certitude qu'il n'y a ni jonglerie, ni sortilège, ni pacte avec le diable. C'est donc un moyen de détruire les idées superstitieuses.

Voici quelques exemples de guérisons obtenues :

Une petite fille de 6 à 7 ans était alitée, ayant un mal de tête continuel, la fièvre, une toux fréquente avec crachats, une douleur vive au flanc gauche ; douleur aussi aux yeux qui se recouvraient de temps en temps d'une substance laiteuse formant une sorte de taie. Sous les cheveux la peau du crâne était recouverte de pellicules blanches ; l'urine épaisse et trouble. L'enfant chétif et abattu ne mangeait ni ne dormait. Le médecin avait fini par suspendre ses visites. La mère, pauvre, en présence de son enfant malade et abandonné, vint me trouver. Nos guides consultés prescrivirent pour tout remède l'imposition des mains, les passes fluidiques de la part de la mère, en me recommandant d'aller, pendant quelques jours, lui faire voir comment elle devait s'y prendre. Je commençai par faire lever les vésicatoires et les faire sécher. Après trois jours de passes et d'impositions de mains sur la tête, les reins et la poitrine, effectuées à titre de leçons, mais faites avec âme, l'enfant demanda à se lever ; la fièvre était arrêtée, et tous les accidents décrits plus haut disparurent au bout de dix jours.

Cette guérison, que la mère qualifiait de miraculeuse, me fit appeler, deux jours plus tard, auprès d'une autre petite fille de 3 ou 4 ans qui avait la fièvre. Après les passes et impositions des mains, la fièvre cessa dès le premier jour.

Les cures de quelques obsessions ne nous donnent pas moins de satisfaction et de confiance. Marie B… jeune femme de 21 ans, de Samazan, près Marmande, se mettait nue comme un ver, courait les champs, et allait se coucher à côté du chien dans un trou de pailler. La moralisation de l'obsesseur de notre part, et des passes fluidiques faites par le mari d'après nos instructions, l'ont bientôt délivrée. Toute la commune de Samazan a été témoin de l'impuissance de la médecine à la guérir, et de l'efficacité du moyen simple employé pour la ramener à l'état normal.

Mme D… âgée de 22 ans, de la commune de Sainte-Marthe, non loin de Marmande, tombait dans des crises extraordinaires et violentes ; elle rugissait, mordait, se roulait, éprouvait des coups terribles dans l'estomac, s'évanouissait, et restait souvent quatre ou cinq heures sans connaissance ; une fois elle fut huit jours sans recouvrer sa lucidité. M. le docteur T… lui avait vainement donné ses soins. Le mari à bout de courses auprès des gens de l'art, des prêtres de nos contrées réputés guérisseurs et exorciseurs, des devins, car il avoua en avoir consulté, s'adresse à nous avec prière de vouloir bien nous occuper de sa femme si, comme on le lui avait rapporté, il était en notre pouvoir de la guérir. Nous lui promîmes de lui écrire pour lui indiquer ce qu'il devrait faire.

Nos guides consultés nous dirent : Qu'on cesse tout traitement médical : les remèdes seraient inutiles ; que le mari élève son âme à Dieu, qu'il impose les mains sur le front de sa femme et lui fasse des passes fluidiques avec amour et confiance ; qu'il observe ponctuellement les recommandations que nous allons lui faire, quelque contrariété qu'il en puisse éprouver (suivent ces recommandations qui sont toutes personnelles), et s'il se pénètre bien de l'idée qu'elles sont nécessaires au profit de sa pauvre affligée, il aura bientôt sa récompense.

Ils nous dirent aussi d'appeler et de moraliser l'Esprit obsesseur sous le nom de Lucie Cédar. Cet Esprit révéla la cause qui le portait à tourmenter Mme D… Cette cause se rattachait précisément aux recommandations faites au mari. Ce dernier s'étant conformé à tout, eut la satisfaction de voir sa femme complètement délivrée dans l'espace de dix jours. Il me dit : Puisque les Esprits se communiquent, je ne m'étonne pas qu'ils vous aient dit ce qui n'était connu que de moi, mais je suis bien plus étonné qu'aucun remède n'ait pu guérir ma femme ; si je m'étais adressé à vous dès le début, j'aurais 150 fr. dans ma poche, qui n'y sont plus, et que j'ai dépensés en médicaments.

Je vous serre bien cordialement la main,

Dombre. »

Ces faits de guérisons n'ont rien de plus extraordinaire que ceux que nous avons déjà cités provenant du même centre ; mais ils prouvent, par la persistance du succès, depuis plusieurs années, ce que l'on peut obtenir avec la persévérance et le dévouement, aussi l'assistance des bons Esprits n'y fait-elle jamais défaut. Ils n'abandonnent que ceux qui quittent la bonne voie, ce qu'il est facile de reconnaître au déclin des succès, tandis qu'ils soutiennent jusqu'au dernier moment, même contre les attaques de la malveillance, ceux dont le zèle, la sincérité, l'abnégation et l'humanité sont à l'épreuve des vicissitudes de la vie. Ils élèvent celui qui l'abaisse, et ils abaissent celui qui s'élève. Ceci s'applique à tous les genres de médiumnité.

Rien n'a rebuté M. Dombre ; il a lutté énergiquement contre toutes les entraves qu'on lui a suscitées, et il en a triomphé ; il a méprisé les injures et les menaces de nos adversaires communs, et il a forcé ceux-ci au silence par sa fermeté ; il n'a épargné ni son temps, ni sa peine, ni les sacrifices matériels ; jamais il n'a cherché à se prévaloir de ce qu'il fait pour se donner du relief ou s'en faire un marchepied quelconque ; son désintéressement moral égale son désintéressement matériel ; s'il est heureux de réussir, c'est parce que chaque succès en est un pour la doctrine. Ce sont là des titres sérieux à la reconnaissance de tous les Spirites présents et futurs, titres auxquels il faut associer les membres du groupe qui le secondent avec autant de zèle que d'abnégation, et dont nous regrettons de ne pouvoir citer les noms.

Le fait le plus caractéristique signalé dans cette lettre, c'est celui de l'intervention des parents et amis des malades dans les guérisons. C'est une idée neuve dont l'importance n'échappera à personne, car sa propagation ne peut manquer d'avoir des résultats considérables ; c'est la vulgarisation annoncée de la médiumnité guérissante. Les Spirites remarqueront combien les Esprits sont ingénieux dans les moyens si variés qu'ils emploient pour faire pénétrer l'idée dans les masses. Comment n'y arriverait-elle pas, puisqu'on lui ouvre sans cesse de nouveaux canaux, et qu'on lui donne les moyens de frapper à toutes les portes ?

Cette pratique ne saurait donc être trop encouragée ; toutefois il ne faut pas perdre de vue que les résultats seront en raison de la bonne direction donnée à la chose par les chefs des groupes guérisseurs, et de l'élan qu'ils sauront imprimer par leur énergie, leur dévouement et leur propre exemple.


Nouvelle Société spirite de Bordeaux

Depuis le mois de Juin 1866, une nouvelle Société Spirite, déjà nombreuse, s'est formée à Bordeaux sur des bases qui attestent le zèle et le bon vouloir de ses membres, et une parfaite entente des véritables principes de la doctrine. Nous extrayons du compte rendu annuel publié par le Président, quelques passages qui en feront connaître l'esprit.

Après avoir parlé des vicissitudes que le Spiritisme a éprouvées dans cette ville, des circonstances qui ont amené la formation de la société nouvelle et de son organisation qui « permet à ceux de ses membres qui s'en sentent la force, de développer par des causeries, au commencement de chaque séance, les grands principes de la doctrine, principes que beaucoup ne combattent que parce qu'ils ne les connaissent pas, » il ajoute :

« Ce sont ces causeries qui nous ont attiré jusqu'ici de nombreux auditeurs étrangers à la Société. Certes, je n'ai pas la prétention de croire que tous nos auditeurs viennent chez nous pour s'instruire ; beaucoup, sans doute, y viennent pour chercher à nous prendre en défaut ; c'est leur affaire. La nôtre, à nous, c'est de répandre le Spiritisme dans les masses, et l'expérience nous a prouvé que le meilleur moyen, après la mise en pratique de la sublime morale qui en découle, et les communications des Esprits, c'est de le faire par la parole.

Depuis que nous sommes constitués, nous avons deux séances par semaine. Cette double besogne nous a été imposée par la nécessité de consacrer une séance particulière (celle du jeudi) aux Esprits obsesseurs et au traitement des maladies qu'ils occasionnent, et de réserver une autre séance (celle du samedi) aux études scientifiques. J'ajouterai, pour justifier nos séances du jeudi, que nous avons le bonheur de posséder parmi nous un médium guérisseur à facultés bien développées, et connu par sa charité, sa modestie et son désintéressement ; il est aussi connu au dehors que dans le sein de notre société, de sorte que les malades ne lui manquent pas.

Il y a du reste, à Bordeaux, beaucoup de cas d'obsessions, et une séance par semaine spécialement consacrée à l'évocation et à la moralisation des obsesseurs est loin d'être suffisante, puisque le médium guérisseur, accompagné d'un médium écrivain, d'un évocateur et souvent de certains de nos frères, se rend au domicile des malades afin de tenir les obsesseurs en haleine et d'en venir plus facilement à bout.

Au médium guérisseur est venu se joindre un de nos frères, magnétiseur d'une grande puissance et d'un dévouement à toute épreuve qui, aidé aussi par les bons Esprits, supplée le premier, de telle sorte que nous pouvons dire que la Société possède deux médiums guérisseurs, quoique à des degrés différents. »

Suit le récit de plusieurs guérisons, parmi lesquelles nous citerons la suivante :

Mademoiselle A…, âgée de douze ans.

Cette enfant, orpheline, à la charge de parents très pauvres, nous fut présentée dans un état pitoyable. Tout son corps était en proie à des mouvements convulsifs, sa figure sans cesse contractée faisait des grimaces horribles ; ses bras et ses jambes étaient constamment agités, au point d'user les draps de son lit dans l'espace de huit jours. Ses mains, qui ne pouvaient saisir le moindre objet, pivotaient sans cesse autour des poignets. Enfin, à la suite de sa maladie, sa langue était devenue d'une épaisseur extrême et le plus complet mutisme s'en était suivi.

A première vue nous comprîmes qu'il y avait là aussi une obsession et nos guides ayant confirmé cette opinion, nous agîmes en conséquence.

De l'avis d'un médecin qui se trouva incognito chez la malade pendant que nous lui faisions subir un traitement fluidique, la maladie devait se traduire, sous trois jours, en danse de Saint-Guy et, vu l'état de faiblesse dans lequel se trouvait la malade, l'enlever impitoyablement au plus tard dans huit jours.

Je ne détaillerai pas ici les innombrables incidents auxquels donna lieu cette cure. Je ne vous parlerai pas des obstacles de toutes sortes amoncelés sous nos pas par des influences contraires et que nous avons dû surmonter. Je dirai seulement que, deux mois après notre entrevue avec le médecin, l'enfant parlait comme vous et moi, se servait de ses mains, allait à l'école et était parfaitement guérie.

Voici, ajoute M. Peyranne, les principaux enseignements qui sont sortis pour nous des séances consacrées aux Esprits obsesseurs :

« Pour agir efficacement sur un obsesseur, il faut que ceux qui le moralisent et le combattent par les fluides, vaillent mieux que lui. Cela se comprend d'autant mieux que la puissance des fluides est en rapport direct avec l'avancement moral de celui qui les émet. Un Esprit impur appelé dans une réunion d'hommes moraux n'y est pas à son aise ; il comprend son infériorité, et s'il essaye de braver l'évocateur comme cela arrive quelquefois, soyez persuadés qu'il abandonnera vite ce rôle, surtout si les personnes composant le groupe où il se communique se joignent à l'évocateur par la volonté et par la foi.

Je crois que nous ne comprenons pas bien encore tout ce que nous pouvons sur les Esprits impurs, ou plutôt, que nous ne savons pas encore nous servir des trésors que Dieu a mis entre nos mains.

Nous savons encore qu'une décharge fluidique faite sur un obsédé par plusieurs Spirites, au moyen de la chaîne magnétique, peut rompre le lien fluidique qui le relie à l'obsesseur et devenir pour ce dernier un remède moral très efficace, en lui prouvant son impuissance.

Nous savons également que tout incarné, animé du désir de soulager son semblable, agissant avec foi, peut, au moyen de passes fluidiques, sinon guérir, du moins soulager sensiblement un malade.

Je finis avec les séances du jeudi, en faisant remarquer que pas un Esprit obsesseur n'est resté rebelle. Tous ceux dont nous nous sommes occupés ont fini par reconnaître leurs torts, ont abandonné leurs victimes, et sont entrés dans une voie meilleure. »

Au sujet des séances du samedi il dit :

Ces séances sont ouvertes, vous le savez du reste, par une causerie faite par un membre de la Société, sur un sujet spirite, et terminées par un résumé succinct que fait le Président.

Dans la causerie, toute liberté de langage est laissée à l'orateur, pourvu toutefois qu'il ne sorte pas du cadre tracé par notre règlement. Il envisage à son point de vue personnel les divers sujets qu'il traite ; il les développe comme il l'entend et en tire telles conséquences qu'il juge convenables ; mais il ne saurait jamais par là engager la responsabilité de la Société.

A la fin de la séance, le Président résume les travaux, et s'il n'est pas de l'avis de l'orateur, il le combat, en faisant remarquer à l'auditoire que, pas plus que le premier, il n'engage d'autre responsabilité que la sienne, laissant à chaque homme l'usage de son libre arbitre et le soin de juger et de décider dans sa conscience de quel côté est la vérité ou, du moins, ce qui s'en rapproche le plus ; car, pour moi, la vérité c'est Dieu : plus nous nous rapprocherons de lui (ce que nous ne pouvons faire qu'en nous épurant et en travaillant à notre progrès) et plus nous serons près de la vérité. »

Nous appelons encore l'attention sur le paragraphe suivant :

« Bien que nous ayons d'excellents instruments pour nos études, nous avons compris que le nombre en était devenu insuffisant, surtout en présence de l'extension toujours croissante de la Société. La pénurie des médiums est venue souvent apporter des obstacles à la marche régulière de nos travaux, et nous avons compris qu'il fallait autant que possible développer les facultés qui dorment latentes dans l'organisation de beaucoup de nos frères. C'est pour cela que nous venons de décider qu'une séance spéciale d'essais médianimiques, aurait lieu le dimanche, à deux heures de l'après-midi, dans la salle de nos réunions. J'ai cru devoir y inviter non-seulement nos frères en croyance, mais encore les étrangers qui désireraient se rendre utiles. Déjà ces séances ont donné des résultats qui ont dépassé notre attente. Nous y faisons de l'écriture, de la typtologie, du magnétisme. Plusieurs facultés très diverses s'y sont découvertes, et il en est sorti deux somnambules qui paraissent devoir être très lucides. »

Nous ne pouvons qu'applaudir au programme de la Société de Bordeaux et la féliciter de son dévouement et de l'intelligente direction de ses travaux. Un de nos collègues, de passage en cette ville, a dernièrement assisté à quelques-unes de ses séances et en a rapporté la plus favorable impression. En persévérant dans cette voie, elle ne peut qu'obtenir des résultats de plus en plus satisfaisants, et ne manquera jamais d'éléments à son activité. La manière dont elle procède pour le traitement des obsessions, est à la fois remarquable et instructive, et la meilleure preuve que cette manière est bonne, c'est qu'elle réussit. Nous y reviendrons ultérieurement dans un article spécial.

Il serait superflu de faire ressortir l'utilité des instructions verbales qu'elle désigne sous le simple nom de causeries. Outre l'avantage d'exercer au maniement de la parole, elles ont celui non moins grand de provoquer une étude plus complète et plus sérieuse des principes de la doctrine, d'en faciliter l'intelligence, d'en faire ressortir l'importance, et d'amener, par la discussion, la lumière sur les points controversés. C'est le premier pas vers des conférences régulières qui ne peuvent manquer d'avoir lieu tôt ou tard, et qui, tout en vulgarisant la doctrine, contribueront puissamment à redresser l'opinion publique faussée par la critique malveillante, ou ignorante de ce qu'il en est.

Réfuter les objections, discuter les systèmes divergents, sont des points essentiels qu'il importe de ne pas négliger, et qui peuvent fournir la matière d'utiles instructions ; c'est non-seulement un moyen de dissiper les erreurs qui pourraient s'accréditer, mais c'est se fortifier soi-même pour les discussions particulières que l'on peut avoir à soutenir. Dans ces instructions orales, beaucoup seront sans doute assistés par les Esprits, et il ne peut manquer d'en sortir des médiums parlants. Ceux qui seraient retenus par la crainte de parler devant un auditoire, doivent se souvenir que Jésus disait à ses apôtres : « Ne vous inquiétez pas de ce que vous direz ; les paroles vous seront inspirées au moment même. »

Un groupe de province, que l'on peut ranger parmi les plus sérieux et les mieux dirigés, a introduit cet usage dans ses réunions, qui ont également lieu deux fois par semaine. Il est exclusivement composé des officiers d'un régiment. Mais là ce n'est point une faculté laissée à chaque membre ; c'est une obligation qui leur est imposée par le règlement de parler chacun à leur tour. A chaque séance l'orateur désigné pour la prochaine réunion doit se préparer à développer et à commenter un chapitre ou un point de la doctrine. Il en résulte pour eux une plus grande aptitude à faire de la propagation et à défendre la cause au besoin.

Nécrologie

M. Quinemant, de Sétif


On nous écrit de Sétif (Algérie) :

« Je viens vous faire part de la mort d'un fervent adepte du Spiritisme, M. Quinemant, décédé le samedi saint 20 avril 1867. C'est le premier qui s'en est occupé à Sétif avec moi ; il l'a constamment défendu contre ses détracteurs, sans se soucier de leurs attaques ni du ridicule. C'était en même temps un très bon magnétiseur, et il a rendu, par son dévouement tout désintéressé, de nombreux services aux personnes souffrantes.

Il était malade depuis le mois de novembre ; il avait la fièvre tous les deux jours, et quand il ne l'avait pas, il salivait constamment de l'eau. Il mangeait et digérait bien, trouvait bon tout ce qu'il prenait, et malgré cela, il maigrissait à vue d'œil ; homme d'une assez forte corpulence, ses membres étaient arrivés à n'avoir que la grosseur de ceux d'un enfant. Il s'éteignait à petit feu, et comprenait très bien sa position ; il avait dit qu'il voulait mourir le jour où mourut le Christ. Il a conservé toute sa lucidité d'esprit et causait comme s'il n'eût pas été malade. Il est mort, presque sans souffrances, avec la tranquillité et la résignation d'un Spirite, disant à sa femme de se consoler, qu'ils se retrouveraient dans le monde des Esprits. Cependant, à ses derniers moments, il a demandé le curé, quoiqu'il aimât peu les prêtres en général, et qu'il ait eu avec celui-ci d'assez vives altercations touchant le Spiritisme.

Vous m'obligerez beaucoup de l'évoquer, si cela se peut ; je ne doute pas qu'il ne se fasse un plaisir de se rendre à votre appel, et comme c'était un homme éclairé et de bon sens, je pense qu'il pourra nous donner d'utiles conseils. Son opinion était que le Spiritisme grandirait malgré toutes les entraves qu'on lui suscite. Veuillez aussi lui demander la cause de sa maladie que personne n'a connue.

(Dumas.) »

M. Quinemant, évoqué d'abord en particulier, a donné la communication suivante, et le lendemain il a donné spontanément à la Société celle que nous publions séparément sous le titre de : Le Magnétisme et le Spiritisme comparés.



Paris, 16 mai 1867. Médium, M. Desliens

« Je m'empresse de me rendre à votre appel avec d'autant plus de facilité que depuis l'ensevelissement de ma dépouille mortelle, je suis venu à toutes vos réunions. J'avais un grand désir de juger du développement de la doctrine dans son centre naturel, et si je ne l'ai point fait du vivant de mon corps, mes affaires matérielles en ont été la seule cause. Je remercie vivement mon ami Dumas de la pensée bienveillante qui l'a porté à vous signaler mon départ et à vous demander mon évocation ; il ne pouvait me faire un plus sensible plaisir.

Bien que mon retour dans le monde des Esprits soit récent, je suis suffisamment dégagé pour me communiquer avec facilité ; les idées que je possédais sur le monde invisible, ma croyance aux communications, et la lecture des ouvrages spirites m'avaient préparé à voir sans étonnement, mais non sans un bonheur infini, le spectacle qui m'attendait. Je suis heureux de la confirmation de mes pensées les plus intimes. J'étais convaincu, par le raisonnement, du développement ultérieur, et de l'importance sur les générations futures, de la doctrine des Esprits ; mais, hélas ! j'apercevais de nombreux obstacles, et j'assignais une époque indéfiniment éloignée à la prédominance de nos idées : effet de ma courte vue et des bornes assignées par la matière à ma conception de l'avenir. Aujourd'hui j'ai plus que la conviction, j'ai la certitude. Je ne voyais naguère que des effets trop lents au gré de mes désirs ; je vois aujourd'hui, je touche les causes de ces effets, et mes sentiments se sont modifiés. Oui, il faudra encore longtemps pour que notre terre soit une terre spirite, dans toute l'acception du mot ; mais il faudra un temps relativement très court pour apporter une modification considérable dans la manière d'être des individus et des nationalités.

Les enseignements que j'ai recueillis chez vous, le développement important de certaines facultés, les conciliabules spirituels auxquels il m'a été permis d'assister depuis mon arrivée ici, m'ont persuadé que de grands événements étaient proches, et que dans un temps peu éloigné, nombre de forces latentes seraient mises en activité, pour aider à la rénovation générale. Le feu couve partout sous la cendre ; qu'une étincelle jaillisse, et elle jaillira, et la conflagration deviendra universelle.

Des éléments spirituels actuels, triturés dans l'immense fournaise des cataclysmes physiques et moraux qui se préparent, les uns plus épurés suivent le mouvement ascensionnel ; les autres, rejetés au dehors avec les scories les plus grossières, devront subir encore plusieurs distillations successives, avant de s'adjoindre à leurs frères plus avancés. Ah ! je comprends, devant les événements que l'avenir nous réserve, ces paroles du fils de Marie : Il y aura des pleurs et des grincements de dents. Faites donc en sorte, mes amis, d'être tous conviés au banquet de l'intelligence et de ne point faire partie ceux qui seront rejetés dans les ténèbres extérieures.

Avant de mourir, j'ai cédé à une dernière faiblesse, j'ai obéi à un préjugé reçu, non que ma croyance ait faibli devant la crainte de l'inconnu, mais pour ne point me singulariser. Eh puis ! après tout, la parole d'un homme qui vous parle d'avenir est bonne à entendre au moment du grand voyage ; cette parole est entourée d'enseignements vieillis, de pratiques usées, je le veux bien, mais ce n'en est pas moins la parole d'espérance et de consolation.

Ah ! je vois avec les yeux de l'esprit, je vois un temps où le Spirite à son départ sera aussi entouré de frères qui lui parleront d'avenir, d'espérance de bonheur ! Mon Dieu, merci, puisque vous m'avez permis de voir la lueur de la vérité à mes derniers instants ; merci, pour cet adoucissement à mes épreuves. Si j'ai fait quelque bien, c'est à cette croyance bénie que je le dois, c'est elle qui m'a donné la foi, la vigueur matérielle et la puissance morale nécessaires pour guérir ; c'est elle qui m'a laissé ma lucidité d'esprit jusqu'à mes derniers moments, qui m'a permis de supporter sans murmurer la cruelle maladie qui m'a enlevé.

Vous demandez quelle est cette affection à laquelle j'ai succombé ; eh ! mon Dieu, c'est bien simple ; les viscères dans lesquels s'opère l'assimilation des éléments nouveaux, n'ayant plus la force nécessaire pour agir, les molécules usées par l'action vitale étaient éliminées sans que d'autres vinssent les remplacer. Mais qu'importe la maladie dont on meurt, lorsque la mort est une délivrance ! Merci encore, cher ami, de la bonne pensée qui vous a porté à demander mon évocation ; dites à ma femme que je suis heureux, qu'elle me retrouvera l'aimant toujours, et qu'en attendant son retour, je ne cesserai de l'entourer de mon affection et de l'aider de mes conseils.

Maintenant, quelques mots pour vous personnellement, mon cher Dumas. Vous avez été appelé un des premiers à planter le drapeau de la doctrine dans ce pays, et tout naturellement vous avez rencontré des obstacles, des difficultés ; si votre zèle, n'a pas été récompensé par autant de succès que vous l'espériez et que semblaient promettre les débuts, c'est qu'il faut du temps pour déraciner les préjugés et la routine dans un milieu tout adonné à la vie matérielle ; il faut être déjà avancé pour s'assimiler promptement de nouvelles idées qui changent les habitudes. Souvenez-vous que le premier pionnier qui défriche est bien rarement celui qui récolte ; il prépare le terrain pour ceux qui viennent après lui. Vous avez été ce pionnier : c'était votre mission ; c'est un bonheur et un bonheur que je suis heureux d'avoir un peu partagé et que vous apprécierez un jour, comme je puis le faire aujourd'hui, car il vous sera tenu compte de vos efforts. Mais ne croyez pas que nous nous sommes donné une peine inutile ; non, aucune des semences que nous avons répandues n'est perdue ; elles germeront et fructifieront quand le moment d'éclore sera venu. L'idée est lancée et elle fera son chemin ; félicitez-vous d'avoir été un des ouvriers choisis pour cette œuvre. Vous avez eu des déboires, des mécomptes : c'était l'épreuve de votre foi et de votre persévérance, sans cela, où serait le mérite à accomplir une mission, si l'on ne trouvait que des roses sur son chemin ?

Ne vous laissez donc pas abattre par les déceptions ; ne cédez pas surtout au découragement et souvenez-vous de cette parole du Christ : « Bienheureux ceux qui persévèrent jusqu'à la fin » et de celle-ci : « Bienheureux ceux qui souffriront pour mon nom. » Persévérez donc cher ami, poursuivez votre œuvre et songez que les fruits que l'on ramasse pour le monde où je suis maintenant, valent mieux que ceux que l'on récolte sur la terre où on les laisse en partant.

Dites, je vous prie, à tous ceux qui m'ont témoigné de l'affection et me gardent une bonne place dans leur souvenir, que je ne les oublie pas et que je suis souvent au milieu d'eux ; dites à ceux qui repoussent encore nos croyances, que lorsqu'ils seront où je suis, ils reconnaîtront que c'était la vérité, et qu'ils regretteront amèrement de l'avoir méconnue, car il leur faudra recommencer de pénibles épreuves ; dites à ceux qui m'ont fait du mal que je leur pardonne et que je prie Dieu de leur pardonner.

Celui qui vous sera toujours dévoué,

E. Quinemant. »


Le comte d'Ourches

M. le comte d'Ourches est un des premiers qui se sont occupés des manifestations spirites à Paris dès le moment où y parvinrent les récits de celles qui avaient lieu en Amérique. Par le crédit que lui donnaient sa position sociale, sa fortune, ses relations de famille, et par-dessus tout la loyauté et l'honorabilité de son caractère, il a puissamment contribué à leur vulgarisation. Au temps de la vogue des tables tournantes, son nom avait acquis une grande notoriété et une certaine autorité dans le monde des adeptes ; il a donc sa place marquée dans les annales du Spiritisme. Passionné pour les manifestations physiques, il y apportait une confiance naïve un peu trop aveugle et dont un a parfois abusé par la facilité avec laquelle elles se prêtent à l'imitation. Exclusivement adonné à ce genre de manifestations au seul point de vue du phénomène, il n'a pas suivi le Spiritisme dans sa nouvelle phase scientifique et philosophique, pour laquelle il avait peu de sympathie, et il est demeuré étranger au grand mouvement qui s'est opéré depuis dix ans.

Il est mort le 5 mai 1867 à l'âge de 80 ans. L'Indépendance Belge a publié sur lui un très long et très intéressant article biographique, signé Henry de Pène, et reproduit dans la Gazette des Etrangers de Paris (5, rue Scribe) du jeudi 23 mai ; il y est rendu pleine justice à ses éminentes qualités, et sa croyance aux Esprits y est jugée avec une modération à laquelle le premier de ces journaux ne nous avait pas habitués. L'article se termine ainsi :

« Tout cela, je le sais, fera lever les épaules à un certain nombre d'esprits positifs qui disent : « Il est fou ! » de tout cerveau qui a des cases qu'ils n'ont point. Il est fou est bientôt dit. Le comte d'Ourches était un homme supérieur qui s'était proposé pour but de l'emporter sur ses semblables en unissant les lumières positives de la science aux lueurs et aux visions du surnaturel. »

Dissertations spirites

Le Magnétisme et le Spiritisme comparés


Société de Paris, 17 mai 1867, méd. M. Desliens

« Je me suis occupé de mon vivant de la pratique du magnétisme au point de vue exclusivement matériel ; du moins, je le croyais ainsi ; je sais aujourd'hui que l'élévation volontaire ou involontaire de l'âme qui fait désirer la guérison du malade, est une véritable magnétisation spirituelle.

La guérison tient à des causes excessivement variables : Telle maladie, traitée de telle manière, cède devant la puissance d'action matérielle ; telle autre, qui est identique, mais moins accentuée, ne subit aucune espèce d'amélioration, bien que les moyens curatifs employés soient peut-être plus puissants encore. A quoi tiennent donc ces variations d'influences ? – A une cause ignorée de la plupart des magnétiseurs qui ne s'attaquent qu'aux principes morbides matériels ; elles sont la conséquence de la situation morale de l'individu.

La maladie matérielle est un effet ; pour détruire cet effet, il ne suffit pas de s'attaquer à lui, de le prendre corps à corps et de l'anéantir ; la cause existant toujours, reproduira de nouveaux effets morbides lorsque l'action curative sera éloignée.

Le fluide transmetteur de la santé dans le magnétisme est un intermédiaire entre la matière et la partie spirituelle de l'être, et que l'on pourrait comparer au périsprit. Il unit deux corps l'un à l'autre ; c'est un pont sur lequel passent les éléments qui doivent apporter la guérison dans les organes malades. Etant un intermédiaire entre l'Esprit et la matière, par suite de sa constitution moléculaire, ce fluide peut transmettre tout aussi bien une influence spirituelle qu'une influence purement animale.

Qu'est-ce que le Spiritisme en définitive, ou plutôt qu'est-ce que la médiumnité, cette faculté incomprise jusqu'ici, et dont l'extension considérable a établi sur des bases incontestables les principes fondamentaux de la nouvelle révélation ? C'est purement et simplement une variété de l'action magnétique exercée par un ou plusieurs magnétiseurs désincarnés, sur un sujet humain agissant à l'état de veille ou à l'état extatique, consciemment ou inconsciemment.

Qu'est-ce, d'autre part, que le magnétisme ? une variété du Spiritisme dans laquelle des Esprits incarnés agissent sur d'autres Esprits incarnés.

Il existe enfin une troisième variété du magnétisme ou du Spiritisme, selon que l'on prend pour point de départ l'action d'incarnés sur incarnés, ou celle d'Esprits relativement libres sur des Esprits emprisonnés dans un corps ; cette troisième variété, qui a pour principe l'action des incarnés sur les Esprits, se révèle dans le traitement et la moralisation des Esprits obsesseurs.

Le Spiritisme n'est donc que du magnétisme spirituel, et le magnétisme n'est autre chose que du Spiritisme humain.

En effet, comment procède le magnétiseur qui veut soumettre à son influence un sujet somnambulique ? Il l'enveloppe de son fluide ; il le possède dans une certaine mesure, et, remarquez-le, sans jamais parvenir à anéantir son libre arbitre, sans pouvoir en faire sa chose, un instrument purement passif. Souvent le magnétisé résiste à l'influence du magnétiseur et il agit dans un sens lorsque celui-ci désirerait que l'action fût diamétralement opposée. Quoique généralement le somnambule soit endormi, et que son propre Esprit agisse pendant que son corps demeure plus ou moins inerte, il arrive aussi, mais plus rarement, que le sujet simplement fasciné, illuminé, demeure dans l'état de veille, bien qu'avec une plus grande tension d'esprit et une exaltation inaccoutumée de ses facultés.

Et maintenant, comment procède l'Esprit qui désire se communiquer ? Il enveloppe le médium de son fluide ; il le possède dans une certaine mesure, sans jamais parvenir à en faire sa chose, un instrument purement passif. Vous m'objecterez peut-être que dans les cas d'obsession, de possession, l'annihilation du libre arbitre paraît être complète. Il y aurait beaucoup à dire sur cette question, car l'action annihilante porte plus sur les forces vitales matérielles que sur l'Esprit, qui peut se trouver paralysé, terrassé et dans l'impuissance de résister, mais, dont la pensée n'est jamais anéantie, ainsi qu'on a pu le remarquer en maintes occasions. Je trouve dans le fait même de l'obsession une confirmation, une preuve à l'appui de ma théorie, en rappelant que l'obsession s'exerce aussi d'incarné à incarné, et que l'on a vu des magnétiseurs profiter de l'empire qu'ils exerçaient pour faire commettre des actions blâmables à leurs somnambules. Ici comme toujours, l'exception confirme la règle.

Bien que généralement le sujet médianimique soit éveillé, dans certains cas, qui deviennent de plus en plus fréquents, le somnambulisme spontané se déclare chez le médium, et il parle de lui-même ou par suggestion absolument comme le somnambule magnétique se conduit dans les mêmes circonstances.

Enfin, comment procédez-vous à l'égard des Esprits obsesseurs ou simplement inférieurs que vous désirez moraliser ? Vous agissez sur eux par attraction fluidique ; vous les magnétisez, inconsciemment le plus souvent, pour les retenir dans votre cercle d'action ; consciemment quelquefois, lorsque vous établissez autour d'eux une nappe fluidique qu'ils ne peuvent pénétrer sans votre permission, et vous agissez sur eux par la puissance morale qui n'est autre qu'une action magnétique quintessenciée.

Comme on vous l'a dit maintes fois, il n'y a pas de lacunes dans l'œuvre de la nature, pas de sauts brusques, mais des transitions insensibles qui font que l'on passe peu à peu d'un état à un autre, sans s'apercevoir du changement autrement que par la conscience d'une situation meilleure.

Le magnétisme est donc un degré inférieur du Spiritisme, et qui se confond insensiblement avec ce dernier par une suite de variétés différant peu l'une de l'autre, comme l'animal est un état supérieur de la plante, etc. Dans l'un comme dans l'autre cas, ce sont deux échelons de l'échelle infinie qui relie toutes les créations, depuis l'atome infime jusqu'au Dieu créateur ! Au-dessus de vous, c'est la lumière éblouissante que vos faibles yeux ne peuvent encore supporter ; au-dessous, ce sont des ténèbres profondes que vos plus puissants instruments d'optique n'ont pu encore éclairer. Hier, vous ne saviez rien ; aujourd'hui, vous voyez l'abîme profond dans lequel se perd votre origine. Vous pressentez le but infiniment parfait auquel tendent toutes vos aspirations ; et à qui devez-vous toutes ces connaissances ? au magnétisme ! au Spiritisme ! à toutes les révélations qui découlent d'une loi de relation universelle entre tous les êtres et leur créateur ! à une science éclose d'hier pour votre conception, mais dont l'existence se perd dans la nuit des temps, car elle est une des bases fondamentales de la création.

De tout cela, je conclus que le magnétisme, développé par le Spiritisme est la clef de voûte de la santé morale et matérielle de l'humanité future.

E. Quinemant. »



Remarque. La justesse des appréciations, et les profondeurs du nouveau point de vue que renferme cette communication n'échapperont à personne. M. Quinemant, quoique parti depuis bien peu de temps, se révèle tout d'abord, et sans la moindre hésitation, comme un Esprit d'une incontestable supériorité. A peine dégagé de la matière, qui ne semble avoir laissé sur lui aucune trace, il déploie ses facultés avec une puissance remarquable qui promet à ses frères de la terre un bon conseiller de plus.

Ceux qui prétendaient que le Spiritisme se traînait dans l'ornière des lieux communs et des banalités, peuvent voir, par les questions qu'il aborde depuis quelque temps, s'il reste stationnaire, et ils le verront encore mieux à mesure qu'il lui sera permis de développer ses conséquences. Cependant il n'enseigne à proprement dire rien de nouveau ; si l'on étudie avec soin ses principes constitutifs fondamentaux, on verra qu'ils renferment les germes de tout ; mais ces germes ne peuvent se développer que graduellement ; si tous ne fleurissent pas en même temps, c'est que l'extension du cercle de ses attributions ne dépend pas de la volonté des hommes, mais de celle des Esprits, qui règlent le degré de leur enseignement sur l'opportunité. C'est en vain que les hommes voudraient anticiper sur le temps ; ils ne peuvent contraindre la volonté des Esprits qui agissent d'après des inspirations supérieures, et ne se laissent pas aller à l'impatience des incarnés ; ils savent, s'il le faut, rendre cette impatience stérile. Laissons-les donc agir ; fortifions-nous dans ce qu'ils nous enseignent, et soyons certains qu'ils sauront faire donner en temps utile, par le Spiritisme, ce qu'il doit donner.




Bibliographie

Union Spirite de Bordeaux

Le dernier numéro de l'Union, qui nous parvient à l'instant, et qui termine sa deuxième année, contient l'avis suivant :

« Absorbé par le travail matériel que nous impose la nécessité de pourvoir à nos besoins et à ceux de la famille, que nous avons la tâche d'élever, il ne nous a pas été permis de faire paraître régulièrement les derniers numéros de l'Union Spirite. Nous ne le cacherons pas, en présence de cette tâche à la fois si pénible et si ingrate que nous nous sommes imposée, nous nous sommes demandé si nous ne devions pas nous arrêter en route et laisser à d'autres, plus favorisés de la fortune que nous, le soin de continuer l'œuvre que nous avons entreprise avec autant d'ardeur que de conviction et de foi. Mais, cédant aux instances de beaucoup de nos lecteurs, qui pensent que l'Union Spirite, non-seulement a sa raison d'être, mais a rendu déjà, et est appelée à rendre, dans un avenir peut-être très prochain, de grands services au Spiritisme, nous avons résolu de marcher encore en avant, et d'affronter encore les difficultés de toutes sortes qui s'amoncellent sous nos pas. Seulement, afin de nous rendre possible une pareille tâche et pour éviter l'irrégularité dont malheureusement jusqu'ici, nous avons été si souvent la victime, nous avons dû apporter de grands changements à notre mode de publication.

L'Union Spirite qui, en juin prochain, commencera sa troisième année, paraîtra désormais une fois par mois seulement, par cahiers de 32 pages, grand in-8°. Le prix de l'abonnement sera fixé à 10 francs par an.

Nous espérons que nos abonnés voudront bien accepter ces conditions qui sont, du reste, celles de la Revue Spirite d'Allan Kardec, et de presque toutes les publications ou revues philosophiques de Paris, et qu'en nous envoyant le plus tôt possible leur adhésion, ils nous rendront aussi facile que possible l'accomplissement de l'œuvre à laquelle, depuis plus de quatre ans, nous avons fait de si grands sacrifices.

A. Bez. »



Nous sommes de ceux qui regardent ce journal comme ayant sa raison d'être et son utilité ; par l'esprit dans lequel il est rédigé, il peut et doit rendre d'incontestables services à la cause du Spiritisme. Nous félicitons M. Bez de sa persévérance, malgré les difficultés matérielles qu'il rencontre dans sa position même. Il a pris, à notre avis, un très sage parti en ne le faisant paraître qu'une fois par mois, tout en donnant la même quantité de matières. On ne peut se figurer le temps et la dépense qui entraînent les publications qui paraissent plusieurs fois par mois, quand on est obligé d'y suffire seul ou à peu près ; il faut absolument n'avoir rien autre chose à faire, et renoncer à toute autre occupation. En paraissant le 15 de chaque mois, par exemple, il alternera avec notre Revue ; de cette manière ceux qui voudraient que celle-ci parût plus souvent, ce qui est impossible, y trouveront le complément de ce qu'ils désirent, et ne seront pas privés aussi longtemps de la lecture des sujets auxquels ils s'intéressent. Nous faisons appel à leur concours pour soutenir cette publication.


Progrès spiritualiste

Nouveau journal paraissant deux fois par mois, depuis le 15 avril, dans le format de l'ancien Avenir auquel il annonce succéder. L'Avenir s'était fait le représentant d'idées auxquelles nous ne pouvions donner notre adhésion. Ce n'est pas une raison pour que ces idées n'aient pas leur organe, afin que chacun soit à même de les apprécier, et qu'on puisse juger de leur valeur par la sympathie qu'elles trouvent dans la majorité des Spirites et leur concordance avec l'enseignement de la généralité des Esprits. Le Spiritisme n'adoptant que les principes consacrés par l'universalité de l'enseignement, sanctionné par la raison et la logique, a toujours marché, et marchera toujours avec la majorité ; c'est ce qui fait sa force. Il n'a donc rien à redouter des idées divergentes ; si elles sont justes, elles prévaudront, et il les adoptera ; si elles sont fausses elles tomberont.

Nous ne pouvons encore apprécier la ligne que suivra, sous ce rapport, le nouveau journal ; dans tous les cas, nous nous faisons un devoir de signaler son apparition à nos lecteurs, afin qu'ils puissent le juger par eux-mêmes. Nous serons heureux de trouver en lui un nouveau champion sérieux de sa doctrine, et dans ce cas, nous lui souhaiterons bon succès.

Bureau : rue de la Victoire, n° 34. – Prix : 10 francs par an.

Recherches sur les causes de l'athéisme

En réponse à la brochure de Mgr Dupanloup, par une Catholique

Brochure in-8°, chez MM. Didier et Compagnie, 35, quai des Augustins, et au bureau de la Revue Spirite. – Prix : 1 fr. 25 cent. ; par la poste : 1 fr. 45 cent.

L'auteur de ce remarquable écrit, quoique sincèrement attaché aux croyances catholiques, s'est proposé de démontrer à Mgr Dupanloup quelles sont les véritables causes de la plaie de l'athéisme et de l'incrédulité qui envahit la société ; selon lui, dans des interprétations inadmissibles aujourd'hui, et inconciliables avec les données positives de la science. Il prouve qu'en beaucoup de points l'Eglise s'est écartée du sens réel des Ecritures et de la pensée des écrivains sacrés ; que la religion ne peut que gagner à une interprétation plus rationnelle qui, sans toucher aux principes fondamentaux des dogmes, se concilierait avec la raison ; que le Spiritisme, fondé sur les lois mêmes de la nature, est la seule clef possible d'une saine interprétation, et, par cela même, le plus puissant remède contre l'athéisme. Tout cela est dit simplement, froidement, sans emphase ni exaltation, et avec une logique serrée. Cet écrit est un complément à La Foi et la Raison, par M. J. B., et aux Dogmes de l'Eglise du Christ expliqués d'après le Spiritisme, par M. Bottinn.

Quoique femme, l'auteur fait preuve d'une grande érudition théologique ; il cite et commente avec une remarquable justesse les écrivains sacrés de tous les temps, et avec presque autant de facilité que M. Flammarion cite les auteurs scientifiques ; on voit qu'ils lui sont familiers, ce qui nous fait dire qu'il n'en est probablement pas à ses débuts en ces matières, et qu'il doit avoir été quelque éminent théologien dans sa précédente existence. Sans partager toutes ses idées, nous disons, qu'au point de vue où il s'est placé, il ne pouvait parler ni mieux, ni autrement, et qu'il a fait une chose utile pour l'époque où nous sommes.

Le Roman de l'avenir Par E. Bonnemère.

Un volume in-12. Librairie internationale, 15, boulevard Montmartre. – Prix : 3 fr. ; par la poste : 3 fr. 30 cent.

Le défaut d'espace nous oblige à remettre au prochain numéro le compte-rendu de cet important ouvrage, que nous recommandons à l'attention de nos lecteurs, comme très intéressant pour le Spiritisme.



Allan Kardec


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