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Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1858 > Novembre
Novembre
On nous a plusieurs fois demandé pourquoi nous ne répondions pas, dans notre journal, aux attaques de certaines feuilles dirigées contre le Spiritisme en général, contre ses partisans, et quelquefois même contre nous. Nous croyons que, dans certains cas, le silence est la meilleure réponse. Il est d'ailleurs un genre de polémique dont nous nous sommes fait une loi de nous abstenir, c'est celle qui peut dégénérer en personnalités ; non seulement elle nous répugne, mais elle nous prendrait un temps que nous pouvons employer plus utilement, et serait fort peu intéressante pour nos lecteurs, qui s'abonnent pour s'instruire et non pour entendre des diatribes plus ou moins spirituelles ; or, une fois engagé dans cette voie, il serait difficile d'en sortir, c'est pourquoi nous préférons n'y pas entrer, et nous pensons que le Spiritisme ne peut qu'y gagner en dignité. Nous n'avons jusqu'à présent qu'à nous applaudir de notre modération ; nous n'en dévierons pas, et ne donnerons jamais satisfaction aux amateurs de scandale.
Mais il y a polémique et polémique ; il en est une devant laquelle nous ne reculerons jamais, c'est la discussion sérieuse des principes que nous professons. Toutefois, il est ici même une distinction à faire ; s'il ne s'agit que d'attaques générales dirigées contre la doctrine, sans autre but déterminé que celui de critiquer, et de la part de gens qui ont un parti pris de rejeter tout ce qu'ils ne comprennent pas, cela ne mérite pas qu'on s'en occupe ; le terrain que gagne chaque jour le Spiritisme est une réponse suffisamment péremptoire et qui doit leur prouver que leurs sarcasmes n'ont pas produit grand effet ; aussi remarquons-nous que le feu roulant de plaisanteries dont les partisans de la doctrine étaient naguère l'objet, s'éteint peu à peu ; on se demande si, lorsqu'on voit tant de gens éminents adopter ces idées nouvelles, il y a de quoi rire ; quelques-uns ne rient que du bout des lèvres et par habitude, beaucoup d'autres ne rient plus du tout et attendent.
Remarquons encore que, parmi les critiques, il y a beaucoup de gens qui parlent sans connaître la chose, sans s'être donné la peine de l'approfondir ; pour leur répondre il faudrait sans cesse recommencer les explications les plus élémentaires et répéter ce que nous avons écrit, chose que nous croyons inutile. Il n'en est pas de même de ceux qui ont étudié et qui n'ont pas tout compris, de ceux qui veulent sérieusement s'éclairer, qui soulèvent des objections en connaissance de cause et de bonne foi ; sur ce terrain nous acceptons la controverse, sans nous flatter de résoudre toutes les difficultés, ce qui serait par trop présomptueux. La science spirite est à son début, et ne nous a pas encore dit tous ses secrets, quelques merveilles qu'elle nous ait dévoilées. Quelle, est la science qui n'a pas des faits encore mystérieux et inexpliqués ? Nous confesserons donc sans honte notre insuffisance sur tous les points auxquels il ne nous sera pas possible de répondre. Ainsi, loin de repousser les objections et les questions, nous les sollicitons, pourvu qu'elles ne soient pas oiseuses et ne nous fassent pas perdre notre temps en futilités, parce que c'est un moyen de s'éclairer.
C'est là ce que nous appelons une polémique utile, et elle le sera toujours quand elle aura lieu entre des gens sérieux qui se respecteront assez pour ne pas s'écarter des convenances. On peut penser différemment et ne s'en estimer pas moins. Que cherchons-nous tous, en définitive, dans cette question si palpitante et si féconde du Spiritisme ? à nous éclairer ; nous, tout le premier, nous cherchons la lumière, de quelque part qu'elle vienne, et, si nous émettons notre manière de voir, ce n'est qu'une opinion individuelle que nous ne prétendons imposer à personne ; nous la livrons à la discussion, et nous sommes tout prêt à y renoncer s'il nous est démontré que nous sommes dans l'erreur. Cette polémique, nous la faisons tous les jours dans notre Revue par les réponses ou les réfutations collectives que nous saisissons l'occasion de faire à propos de tel ou tel article, et ceux qui nous font l'honneur de nous écrire y trouveront toujours la réponse à ce qu'ils nous demandent, lorsqu'il ne nous est pas possible de la donner individuellement par écrit, ce que le temps matériel ne nous permet pas toujours. Leurs questions et leurs objections sont autant de sujets d'étude dont nous profitons pour nous-même et dont nous sommes heureux de faire profiter nos lecteurs en les traitant à mesure que les circonstances amènent les faits qui peuvent y avoir rapport. Nous nous faisons également un plaisir de donner verbalement les explications qui peuvent nous être demandées par les personnes qui nous honorent de leur visite, et dans ces conférences empreintes d'une bienveillance réciproque on s'éclaire mutuellement.
Mais il y a polémique et polémique ; il en est une devant laquelle nous ne reculerons jamais, c'est la discussion sérieuse des principes que nous professons. Toutefois, il est ici même une distinction à faire ; s'il ne s'agit que d'attaques générales dirigées contre la doctrine, sans autre but déterminé que celui de critiquer, et de la part de gens qui ont un parti pris de rejeter tout ce qu'ils ne comprennent pas, cela ne mérite pas qu'on s'en occupe ; le terrain que gagne chaque jour le Spiritisme est une réponse suffisamment péremptoire et qui doit leur prouver que leurs sarcasmes n'ont pas produit grand effet ; aussi remarquons-nous que le feu roulant de plaisanteries dont les partisans de la doctrine étaient naguère l'objet, s'éteint peu à peu ; on se demande si, lorsqu'on voit tant de gens éminents adopter ces idées nouvelles, il y a de quoi rire ; quelques-uns ne rient que du bout des lèvres et par habitude, beaucoup d'autres ne rient plus du tout et attendent.
Remarquons encore que, parmi les critiques, il y a beaucoup de gens qui parlent sans connaître la chose, sans s'être donné la peine de l'approfondir ; pour leur répondre il faudrait sans cesse recommencer les explications les plus élémentaires et répéter ce que nous avons écrit, chose que nous croyons inutile. Il n'en est pas de même de ceux qui ont étudié et qui n'ont pas tout compris, de ceux qui veulent sérieusement s'éclairer, qui soulèvent des objections en connaissance de cause et de bonne foi ; sur ce terrain nous acceptons la controverse, sans nous flatter de résoudre toutes les difficultés, ce qui serait par trop présomptueux. La science spirite est à son début, et ne nous a pas encore dit tous ses secrets, quelques merveilles qu'elle nous ait dévoilées. Quelle, est la science qui n'a pas des faits encore mystérieux et inexpliqués ? Nous confesserons donc sans honte notre insuffisance sur tous les points auxquels il ne nous sera pas possible de répondre. Ainsi, loin de repousser les objections et les questions, nous les sollicitons, pourvu qu'elles ne soient pas oiseuses et ne nous fassent pas perdre notre temps en futilités, parce que c'est un moyen de s'éclairer.
C'est là ce que nous appelons une polémique utile, et elle le sera toujours quand elle aura lieu entre des gens sérieux qui se respecteront assez pour ne pas s'écarter des convenances. On peut penser différemment et ne s'en estimer pas moins. Que cherchons-nous tous, en définitive, dans cette question si palpitante et si féconde du Spiritisme ? à nous éclairer ; nous, tout le premier, nous cherchons la lumière, de quelque part qu'elle vienne, et, si nous émettons notre manière de voir, ce n'est qu'une opinion individuelle que nous ne prétendons imposer à personne ; nous la livrons à la discussion, et nous sommes tout prêt à y renoncer s'il nous est démontré que nous sommes dans l'erreur. Cette polémique, nous la faisons tous les jours dans notre Revue par les réponses ou les réfutations collectives que nous saisissons l'occasion de faire à propos de tel ou tel article, et ceux qui nous font l'honneur de nous écrire y trouveront toujours la réponse à ce qu'ils nous demandent, lorsqu'il ne nous est pas possible de la donner individuellement par écrit, ce que le temps matériel ne nous permet pas toujours. Leurs questions et leurs objections sont autant de sujets d'étude dont nous profitons pour nous-même et dont nous sommes heureux de faire profiter nos lecteurs en les traitant à mesure que les circonstances amènent les faits qui peuvent y avoir rapport. Nous nous faisons également un plaisir de donner verbalement les explications qui peuvent nous être demandées par les personnes qui nous honorent de leur visite, et dans ces conférences empreintes d'une bienveillance réciproque on s'éclaire mutuellement.
Des diverses doctrines professées par le Spiritisme, la plus controversée est sans contredit celle de la pluralité des existences corporelles, autrement dit de la réincarnation. Bien que cette opinion soit maintenant partagée par un très grand nombre de personnes, et que nous ayons déjà traité la question à plusieurs reprises, nous croyons devoir, en raison de son extrême gravité, l'examiner ici d'une manière plus approfondie, afin de répondre aux diverses objections qu'elle a suscitées. Avant d'entrer dans le fond de la question, quelques observations préliminaires nous paraissent indispensables.
Le dogme de la réincarnation, disent certaines personnes, n'est point nouveau ; il est ressuscité de Pythagore. Nous n'avons jamais dit que la doctrine spirite fût d'invention moderne ; le Spiritisme étant une loi de nature a dû exister dès l'origine des temps, et nous nous sommes toujours efforcé de prouver qu'on en retrouve les traces dans la plus haute antiquité. Pythagore, comme on le sait, n'est pas l'auteur du système de la métempsycose ; il l'a puisée chez les philosophes indiens et chez les Egyptiens, où elle existait de temps immémorial. L'idée de la transmigration des âmes était donc une croyance vulgaire admise par les hommes les plus éminents. Par quelle voie leur est-elle venue ? est-ce par révélation ou par intuition ? nous ne le savons pas ; mais, quoi qu'il en soit, une idée ne traverse pas les âges et n'est pas acceptée par les intelligences d'élite, sans avoir un côté sérieux. L'antiquité de cette doctrine serait donc plutôt une preuve qu'une objection. Toutefois, comme on le sait également, il y a entre la métempsycose des anciens et la doctrine moderne de la réincarnation cette grande différence que les Esprits rejettent de la manière la plus absolue la transmigration de l'homme dans les animaux et réciproquement.
Vous étiez sans doute, disent aussi quelques contradicteurs, imbu de ces idées, et voilà pourquoi les Esprits ont abondé dans votre manière de voir. C'est là une erreur qui prouve une fois de plus le danger des jugements précipités et sans examen. Si ces personnes se fussent donné la peine, avant de juger, de lire ce que nous avons écrit sur le Spiritisme, elles se seraient épargné la peine d'une objection faite un peu trop légèrement. Nous répéterons donc ce que nous avons dit à ce sujet, savoir que, lorsque la doctrine de la réincarnation nous a été enseignée par les Esprits, elle était si loin de notre pensée que nous nous étions fait sur les antécédents de l'âme un système tout autre, partagé, du reste, par beaucoup de personnes. La doctrine des Esprits, sous ce rapport, nous a donc surpris ; nous dirons plus, contrarié, parce qu'elle renversait nos propres idées ; elle était loin, comme on le voit, d'en être le reflet. Ce n'est pas tout ; nous n'avons pas cédé au premier choc ; nous avons combattu, défendu notre opinion, élevé des objections, et ce n'est qu'à l'évidence que nous nous sommes rendu, et lorsque nous avons vu l'insuffisance de notre système pour résoudre toutes les questions que ce sujet soulève.
Aux yeux de quelques personnes le mot évidence paraîtra sans doute singulier en pareille matière ; mais il ne semblera pas impropre à ceux qui sont habitués à scruter les phénomènes spirites. Pour l'observateur attentif, il y a des faits qui, bien qu'ils ne soient pas d'une nature absolument matérielle, n'en constituent pas moins une véritable évidence, ou tout au moins une évidence morale. Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer ces faits ; une étude suivie et persévérante peut seule les faire comprendre ; notre but était uniquement de réfuter l'idée que cette doctrine n'est que la traduction de notre pensée. Nous avons encore une autre réfutation à opposer : c'est que ce n'est pas à nous seul qu'elle a été enseignée ; elle l'a été en maints autres endroits, en France et à l'étranger : en Allemagne, en Hollande, en Russie, etc., et cela avant même la publication du Livre des Esprits. Ajoutons encore que, depuis que nous nous sommes livré à l'étude du Spiritisme, nous avons eu des communications par plus de cinquante médiums, écrivains, parlants, voyants, etc., plus ou moins éclairés, d'une intelligence normale plus ou moins bornée, quelques-uns même complètement illettrés, et par conséquent tout à fait étrangers aux matières philosophiques, et que, dans aucun cas, les Esprits ne se sont démentis sur cette question ; il en est de même dans tous les cercles que nous connaissons, où le même principe a été professé. Cet argument n'est point sans réplique, nous le savons, c'est pourquoi nous n'y insisterons pas plus que de raison.
Examinons la chose sous un autre point de vue, et abstraction faite de toute intervention des Esprits ; mettons ceux-ci de côté pour un instant ; supposons que cette théorie ne soit pas leur fait ; supposons même qu'il n'ait jamais été question d'Esprits. Plaçons-nous donc momentanément sur un terrain neutre, admettant au même degré de probabilité l'une et l'autre hypothèse, savoir : la pluralité et l'unité des existences corporelles, et voyons de quel côté nous portera la raison et notre propre intérêt.
Certaines personnes repoussent l'idée de la réincarnation par ce seul motif qu'elle ne leur convient pas, disant qu'elles ont bien assez d'une existence et qu'elles n'en voudraient pas recommencer une pareille ; nous en connaissons que la seule pensée de reparaître sur la terre fait bondir de fureur. Nous n'avons qu'une chose à leur demander, c'est si elles pensent que Dieu ait pris leur avis et consulté leur goût pour régler l'univers. Or, de deux choses l'une : ou la réincarnation existe, ou elle n'existe pas ; si elle existe, elle a beau les contrarier, il leur faudra la subir, Dieu ne leur en demandera pas la permission. Il nous semble entendre un malade dire : J'ai assez souffert aujourd'hui, je ne veux plus souffrir demain. Quelle que soit sa mauvaise humeur, il ne lui faudra pas moins souffrir le lendemain et les jours suivants, jusqu'à ce qu'il soit guéri ; donc, s'ils doivent revivre corporellement, ils revivront, ils se réincarneront ; ils auront beau se mutiner comme un enfant qui ne veut pas aller à l'école, ou un condamné en prison, il faudra qu'ils en passent par là. De pareilles objections sont trop puériles pour mériter un plus sérieux examen. Nous leur dirons cependant, pour les rassurer, que la doctrine spirite sur la réincarnation n'est pas aussi terrible qu'ils le croient, et s'ils l'avaient étudiée à fond ils n'en seraient pas si effrayés ; ils sauraient que la condition de cette nouvelle existence dépend d'eux ; elle sera heureuse ou malheureuse selon ce qu'ils auront fait ici-bas, et ils peuvent dès cette vie s'élever si haut, qu'ils n'auront plus à craindre de retomber dans le bourbier.
Nous supposons que nous parlons à des gens qui croient à un avenir quelconque après la mort, et non à ceux qui se donnent le néant pour perspective, ou qui veulent noyer leur âme dans un tout universel, sans individualité, comme les gouttes de pluie dans l'Océan, ce qui revient à peu près au même. Si donc vous croyez à un avenir quelconque, vous n'admettrez pas, sans doute, qu'il soit le même pour tous, autrement où serait l'utilité du bien ? Pourquoi se contraindre ? pourquoi ne pas satisfaire toutes ses passions, tous ses désirs, fût-ce même aux dépens d'autrui, puisqu'il n'en serait ni plus ni moins ? Vous croyez que cet avenir sera plus ou moins heureux ou malheureux selon ce que nous aurons fait pendant la vie ; vous avez alors le désir d'y être aussi heureux que possible, puisque ce doit être pour l'éternité ? Auriez-vous, par hasard, la prétention d'être un des hommes les plus parfaits qui aient existé sur la terre, et d'avoir ainsi droit d'emblée à la félicité suprême des élus ? Non. Vous admettez ainsi qu'il y a des hommes qui valent mieux que vous et qui ont droit à une meilleure place, sans pour cela que vous soyez parmi les réprouvés. Eh bien ! placez-vous un instant par la pensée dans cette situation moyenne qui sera la vôtre, puisque vous venez d'en convenir, et supposez que quelqu'un vienne vous dire : Vous souffrez, vous n'êtes pas aussi heureux que vous le pourriez être, tandis que vous avez devant vous des êtres qui jouissent d'un bonheur sans mélange, voulez-vous changer votre position contre la leur ? - Sans doute, direz-vous ; que faut-il faire ? - Moins que rien, recommencer ce que vous avez mal fait et tâcher de faire mieux. - Hésiteriez-vous à accepter, fût-ce même au prix de plusieurs existences d'épreuve ? Prenons une comparaison plus prosaïque. Si, à un homme qui, sans être dans la dernière des misères, éprouve néanmoins des privations par suite de la médiocrité de ses ressources, on venait dire : Voilà une immense fortune, vous pouvez en jouir, il faut pour cela travailler rudement pendant une minute. Fût-il le plus paresseux de la terre, il dira sans hésiter : Travaillons une minute, deux minutes, une heure, un jour s'il le faut ; qu'est-ce que cela pour finir ma vie dans l'abondance ? Or, qu'est-ce qu'est la durée de la vie corporelle par rapport à l'éternité ? moins qu'une minute, moins qu'une seconde.
Nous avons entendu faire ce raisonnement : Dieu, qui est souverainement bon, ne peut imposer à l'homme de recommencer une série de misères et de tribulations ? Trouverait-on, par hasard, qu'il y a plus de bonté à condamner l'homme à une souffrance perpétuelle pour quelques moments d'erreur plutôt qu'à lui donner les moyens de réparer ses fautes ? « Deux fabricants avaient chacun un ouvrier qui pouvait aspirer à devenir l'associé du chef. Or il arriva que ces deux ouvriers employèrent une fois très mal leur journée et méritèrent d'être renvoyés. L'un des deux fabricants chassa son ouvrier malgré ses supplications, et celui-ci n'ayant pas trouvé d'ouvrage mourut de misère. L'autre dit au sien : Vous avez perdu un jour, vous m'en devez un en compensation ; vous avez mal fait votre ouvrage, vous m'en devez la réparation, je vous permets de le recommencer ; tâchez de bien faire et je vous conserverai, et vous pourrez toujours aspirer à la position supérieure que je vous ai promise. » Est-il besoin de demander quel est celui des deux fabricants qui a été le plus humain ? Dieu, la clémence même, serait-il plus inexorable qu'un homme ? La pensée que notre sort est à jamais fixé par quelques années d'épreuve, alors même qu'il n'a pas toujours dépendu de nous d'atteindre à la perfection sur la terre, a quelque chose de navrant, tandis que l'idée contraire est éminemment consolante ; elle nous laisse l'espérance. Ainsi, sans nous prononcer pour ou contre la pluralité des existences, sans admettre une hypothèse plutôt que l'autre, nous disons que, si nous avions le choix, il n'est personne qui préférât un jugement sans appel. Un philosophe a dit que si Dieu n'existait pas il faudrait l'inventer pour le bonheur du genre humain ; on pourrait en dire autant de la pluralité des existences. Mais, comme nous l'avons dit, Dieu ne nous demande pas notre permission ; il ne consulte pas notre goût ; cela est ou cela n'est pas ; voyons de quel côté sont les probabilités, et prenons la chose à un autre point de vue, toujours abstraction faite de l'enseignement des Esprits, et uniquement comme étude philosophique.
S'il n'y a pas de réincarnation, il n'y a qu'une existence corporelle, cela est évident ; si notre existence corporelle actuelle est la seule, l'âme de chaque homme est créée à sa naissance, à moins que l'on n'admette l'antériorité de l'âme, auquel cas on se demanderait ce qu'était l'âme avant la naissance, et si cet état ne constituait pas une existence sous une forme quelconque. Il n'y a pas de milieu : ou l'âme existait, ou elle n'existait pas avant le corps ; si elle existait, quelle était sa situation ? avait-elle ou non conscience d'elle-même ; si elle n'en avait pas conscience, c'est à peu près comme si elle n'existait pas ; si elle avait son individualité, elle était progressive ou stationnaire ; dans l'un et l'autre cas, à quel degré est-elle arrivée dans le corps ? En admettant, selon la croyance vulgaire, que l'âme prend naissance avec le corps, ou, ce qui revient au même, qu'antérieurement à son incarnation elle n'a que des facultés négatives, nous posons les questions suivantes :
1. Pourquoi l'âme montre-t-elle des aptitudes si diverses et indépendantes des idées acquises par l'éducation ?
2. D'où vient l'aptitude extra-normale de certains enfants en bas âge pour tel art ou telle science, tandis que d'autres restent inférieurs ou médiocres toute leur vie ?
3. D'où viennent, chez les uns, les idées innées ou intuitives qui n'existent pas chez d'autres ?
4. D'où viennent, chez certains enfants, ces instincts précoces de vices ou de vertus, ces sentiments innés de dignité ou de bassesse qui contrastent avec le milieu dans lequel ils sont nés ?
5. Pourquoi certains hommes, abstraction faite de l'éducation, sont-ils plus avancés les uns que les autres ?
6. Pourquoi y a-t-il des sauvages et des hommes civilisés ? Si vous prenez un enfant hottentot à la mamelle, et si vous l'élevez dans nos lycées les plus renommés, en ferez-vous jamais un Laplace ou un Newton ?
Nous demandons quelle est la philosophie ou la théosophie qui peut résoudre ces problèmes ? Ou les âmes à leur naissance sont égales, ou elles sont inégales, cela n'est pas douteux. Si elles sont égales, pourquoi ces aptitudes si diverses ? Dira-t-on que cela dépend de l'organisme ? mais alors c'est la doctrine la plus monstrueuse et la plus immorale. L'homme n'est plus qu'une machine, le jouet de la matière ; il n'a plus la responsabilité de ses actes ; il peut tout rejeter sur ses imperfections physiques. Si elles sont inégales, c'est que Dieu les a créées ainsi ; mais alors pourquoi cette supériorité innée accordée à quelques-unes ? Cette partialité est-elle conforme à la justice de Dieu et à l'égal amour qu'il porte à toutes ses créatures ?
Admettons au contraire une succession d'existences antérieures progressives, et tout est expliqué. Les hommes apportent en naissant l'intuition de ce qu'ils ont acquis ; ils sont plus ou moins avancés, selon le nombre d'existences qu'ils ont parcourues, selon qu'ils sont plus ou moins éloignés du point de départ : absolument comme dans une réunion d'individus de tous âges, chacun aura un développement proportionné au nombre d'années qu'il aura vécu ; les existences successives seront, pour la vie de l'âme, ce que les années sont pour la vie du corps. Rassemblez un jour mille individus, depuis un an jusqu'à quatre-vingts ; supposez qu'un voile soit jeté sur tous les jours qui ont précédé, et que, dans votre ignorance, vous les croyiez ainsi tous nés le même jour : vous vous demanderez naturellement comment il se fait que les uns soient grands et les autres petits, les uns vieux et les autres jeunes, les uns instruits et les autres encore ignorants ; mais si le nuage qui vous cache le passé vient à se lever, si vous apprenez qu'ils ont tous vécu plus ou moins longtemps, tout vous sera expliqué. Dieu, dans sa justice, n'a pu créer des âmes plus ou moins parfaites ; mais, avec la pluralité des existences, l'inégalité que nous voyons n'a plus rien de contraire à l'équité la plus rigoureuse : c'est que nous ne voyons que le présent et non le passé. Ce raisonnement repose-t-il sur un système, une supposition gratuite ? Non ; nous partons d'un fait patent, incontestable : l'inégalité des aptitudes et du développement intellectuel et moral, et nous trouvons ce fait inexplicable par toutes les théories qui ont cours, tandis que l'explication en est simple, naturelle, logique, par une autre théorie. Est-il rationnel de préférer celle qui n'explique pas à celle qui explique ?
A l'égard de la sixième question, on dira sans doute que le Hottentot est d'une race inférieure : alors nous demanderons si le Hottentot est un homme ou non. Si c'est un homme, pourquoi Dieu l'a-t-il, lui et sa race, déshérité des privilèges accordés à la race caucasique ? Si ce n'est pas un homme, pourquoi chercher à le faire chrétien ? La doctrine spirite est plus large que tout cela ; pour elle, il n'y a pas plusieurs espèces d'hommes, il n'y a que des hommes dont l'esprit est plus ou moins arriéré, mais susceptible de progresser : cela n'est-il pas plus conforme à la justice de Dieu ?
Nous venons de voir l'âme dans son passé et dans son présent ; si nous la considérons dans son avenir, nous trouvons les mêmes difficultés.
1. Si notre existence actuelle doit seule décider de notre sort à venir, quelle est, dans la vie future, la position respective du sauvage et de l'homme civilisé ? Sont-ils au même niveau, ou sont-ils distancés dans la somme du bonheur éternel ?
2. L'homme qui a travaillé toute sa vie à s'améliorer est-il au même rang que celui qui est resté inférieur, non par sa faute, mais parce qu'il n'a eu ni le temps ni la possibilité de s'améliorer ?
3. L'homme qui fait mal parce qu'il n'a pu s'éclairer est-il passible d'un état de choses qui n'a pas dépendu de lui ?
4. On travaille à éclairer les hommes, à les moraliser, à les civiliser ; mais pour un que l'on éclaire, il y en a des millions qui meurent chaque jour avant que la lumière soit parvenue jusqu'à eux ; quel est le sort de ceux-ci ? Sont-ils traités comme des réprouvés ? Dans le cas contraire, qu'ont-ils fait pour mériter d'être sur le même rang que les autres ?
5. Quel est le sort des enfants qui meurent en bas âge avant d'avoir pu faire ni bien ni mal ? S'ils sont parmi les élus, pourquoi cette faveur sans avoir rien fait pour la mériter ? Par quel privilège sont-ils affranchis des tribulations de la vie ?
Y a-t-il une doctrine qui puisse résoudre ces questions ? Admettez des existences consécutives, et tout est expliqué conformément à la justice de Dieu. Ce que l'on n'a pu faire dans une existence, on le fait dans une autre ; c'est ainsi que personne n'échappe à la loi du progrès, que chacun sera récompensé selon son mérite réel, et que nul n'est exclu de la félicité suprême, à laquelle il peut prétendre, quels que soient les obstacles qu'il ait rencontrés sur sa route.
Ces questions pourraient être multipliées à l'infini, car les problèmes psychologiques et moraux, qui ne trouvent leur solution que dans la pluralité des existences, sont innombrables ; nous nous sommes borné aux plus généraux. Quoi qu'il en soit, dira-t-on peut-être, la doctrine de la réincarnation n'est point admise par l'Eglise ; ce serait donc le renversement de la religion. Notre but n'est pas de traiter cette question en ce moment ; il nous suffit d'avoir démontré quelle est éminemment morale et rationnelle. Plus tard nous montrerons que la religion en est peut-être moins éloignée qu'on ne le pense, et qu'elle n'en souffrirait pas plus qu'elle n'a souffert de la découverte du mouvement de la terre et des périodes géologiques qui, au premier abord, ont paru donner un démenti aux textes sacrés. L'enseignement des Esprits est éminemment chrétien ; il s'appuie sur l'immortalité de l'âme, les peines et les récompenses futures, le libre arbitre de l'homme, la morale du Christ ; donc il n'est pas antireligieux.
Nous avons raisonné, comme nous l'avons dit, abstraction faite de tout enseignement spirite qui, pour certaines personnes, n'est pas une autorité. Si nous et tant d'autres avons adopté l'opinion de la pluralité des existences, ce n'est pas seulement parce qu'elle nous vient des Esprits, c'est parce qu'elle nous a paru la plus logique, et qu'elle seule résout des questions jusqu'alors insolubles. Elle nous serait venue d'un simple mortel que nous l'aurions adoptée de même, et que nous n'aurions pas hésité davantage à renoncer à nos propres idées ; du moment qu'une erreur est démontrée, l'amour-propre a plus à perdre qu'à gagner à s'entêter dans une idée fausse. De même, nous l'eussions repoussée, quoique venant des Esprits, si elle nous eût semblé contraire à la raison, comme nous en avons repoussé bien d'autres, car nous savons par expérience qu'il ne faut pas accepter en aveugle tout ce qui vient de leur part, pas plus que ce qui vient de la part des hommes. Il nous reste donc à examiner la question de la pluralité des existences au point de vue de l'enseignement des Esprits, de quelle manière on doit l'entendre, et à répondre enfin aux objections les plus sérieuses qu'on puisse y opposer ; c'est ce que nous ferons dans un prochain article.
Le dogme de la réincarnation, disent certaines personnes, n'est point nouveau ; il est ressuscité de Pythagore. Nous n'avons jamais dit que la doctrine spirite fût d'invention moderne ; le Spiritisme étant une loi de nature a dû exister dès l'origine des temps, et nous nous sommes toujours efforcé de prouver qu'on en retrouve les traces dans la plus haute antiquité. Pythagore, comme on le sait, n'est pas l'auteur du système de la métempsycose ; il l'a puisée chez les philosophes indiens et chez les Egyptiens, où elle existait de temps immémorial. L'idée de la transmigration des âmes était donc une croyance vulgaire admise par les hommes les plus éminents. Par quelle voie leur est-elle venue ? est-ce par révélation ou par intuition ? nous ne le savons pas ; mais, quoi qu'il en soit, une idée ne traverse pas les âges et n'est pas acceptée par les intelligences d'élite, sans avoir un côté sérieux. L'antiquité de cette doctrine serait donc plutôt une preuve qu'une objection. Toutefois, comme on le sait également, il y a entre la métempsycose des anciens et la doctrine moderne de la réincarnation cette grande différence que les Esprits rejettent de la manière la plus absolue la transmigration de l'homme dans les animaux et réciproquement.
Vous étiez sans doute, disent aussi quelques contradicteurs, imbu de ces idées, et voilà pourquoi les Esprits ont abondé dans votre manière de voir. C'est là une erreur qui prouve une fois de plus le danger des jugements précipités et sans examen. Si ces personnes se fussent donné la peine, avant de juger, de lire ce que nous avons écrit sur le Spiritisme, elles se seraient épargné la peine d'une objection faite un peu trop légèrement. Nous répéterons donc ce que nous avons dit à ce sujet, savoir que, lorsque la doctrine de la réincarnation nous a été enseignée par les Esprits, elle était si loin de notre pensée que nous nous étions fait sur les antécédents de l'âme un système tout autre, partagé, du reste, par beaucoup de personnes. La doctrine des Esprits, sous ce rapport, nous a donc surpris ; nous dirons plus, contrarié, parce qu'elle renversait nos propres idées ; elle était loin, comme on le voit, d'en être le reflet. Ce n'est pas tout ; nous n'avons pas cédé au premier choc ; nous avons combattu, défendu notre opinion, élevé des objections, et ce n'est qu'à l'évidence que nous nous sommes rendu, et lorsque nous avons vu l'insuffisance de notre système pour résoudre toutes les questions que ce sujet soulève.
Aux yeux de quelques personnes le mot évidence paraîtra sans doute singulier en pareille matière ; mais il ne semblera pas impropre à ceux qui sont habitués à scruter les phénomènes spirites. Pour l'observateur attentif, il y a des faits qui, bien qu'ils ne soient pas d'une nature absolument matérielle, n'en constituent pas moins une véritable évidence, ou tout au moins une évidence morale. Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer ces faits ; une étude suivie et persévérante peut seule les faire comprendre ; notre but était uniquement de réfuter l'idée que cette doctrine n'est que la traduction de notre pensée. Nous avons encore une autre réfutation à opposer : c'est que ce n'est pas à nous seul qu'elle a été enseignée ; elle l'a été en maints autres endroits, en France et à l'étranger : en Allemagne, en Hollande, en Russie, etc., et cela avant même la publication du Livre des Esprits. Ajoutons encore que, depuis que nous nous sommes livré à l'étude du Spiritisme, nous avons eu des communications par plus de cinquante médiums, écrivains, parlants, voyants, etc., plus ou moins éclairés, d'une intelligence normale plus ou moins bornée, quelques-uns même complètement illettrés, et par conséquent tout à fait étrangers aux matières philosophiques, et que, dans aucun cas, les Esprits ne se sont démentis sur cette question ; il en est de même dans tous les cercles que nous connaissons, où le même principe a été professé. Cet argument n'est point sans réplique, nous le savons, c'est pourquoi nous n'y insisterons pas plus que de raison.
Examinons la chose sous un autre point de vue, et abstraction faite de toute intervention des Esprits ; mettons ceux-ci de côté pour un instant ; supposons que cette théorie ne soit pas leur fait ; supposons même qu'il n'ait jamais été question d'Esprits. Plaçons-nous donc momentanément sur un terrain neutre, admettant au même degré de probabilité l'une et l'autre hypothèse, savoir : la pluralité et l'unité des existences corporelles, et voyons de quel côté nous portera la raison et notre propre intérêt.
Certaines personnes repoussent l'idée de la réincarnation par ce seul motif qu'elle ne leur convient pas, disant qu'elles ont bien assez d'une existence et qu'elles n'en voudraient pas recommencer une pareille ; nous en connaissons que la seule pensée de reparaître sur la terre fait bondir de fureur. Nous n'avons qu'une chose à leur demander, c'est si elles pensent que Dieu ait pris leur avis et consulté leur goût pour régler l'univers. Or, de deux choses l'une : ou la réincarnation existe, ou elle n'existe pas ; si elle existe, elle a beau les contrarier, il leur faudra la subir, Dieu ne leur en demandera pas la permission. Il nous semble entendre un malade dire : J'ai assez souffert aujourd'hui, je ne veux plus souffrir demain. Quelle que soit sa mauvaise humeur, il ne lui faudra pas moins souffrir le lendemain et les jours suivants, jusqu'à ce qu'il soit guéri ; donc, s'ils doivent revivre corporellement, ils revivront, ils se réincarneront ; ils auront beau se mutiner comme un enfant qui ne veut pas aller à l'école, ou un condamné en prison, il faudra qu'ils en passent par là. De pareilles objections sont trop puériles pour mériter un plus sérieux examen. Nous leur dirons cependant, pour les rassurer, que la doctrine spirite sur la réincarnation n'est pas aussi terrible qu'ils le croient, et s'ils l'avaient étudiée à fond ils n'en seraient pas si effrayés ; ils sauraient que la condition de cette nouvelle existence dépend d'eux ; elle sera heureuse ou malheureuse selon ce qu'ils auront fait ici-bas, et ils peuvent dès cette vie s'élever si haut, qu'ils n'auront plus à craindre de retomber dans le bourbier.
Nous supposons que nous parlons à des gens qui croient à un avenir quelconque après la mort, et non à ceux qui se donnent le néant pour perspective, ou qui veulent noyer leur âme dans un tout universel, sans individualité, comme les gouttes de pluie dans l'Océan, ce qui revient à peu près au même. Si donc vous croyez à un avenir quelconque, vous n'admettrez pas, sans doute, qu'il soit le même pour tous, autrement où serait l'utilité du bien ? Pourquoi se contraindre ? pourquoi ne pas satisfaire toutes ses passions, tous ses désirs, fût-ce même aux dépens d'autrui, puisqu'il n'en serait ni plus ni moins ? Vous croyez que cet avenir sera plus ou moins heureux ou malheureux selon ce que nous aurons fait pendant la vie ; vous avez alors le désir d'y être aussi heureux que possible, puisque ce doit être pour l'éternité ? Auriez-vous, par hasard, la prétention d'être un des hommes les plus parfaits qui aient existé sur la terre, et d'avoir ainsi droit d'emblée à la félicité suprême des élus ? Non. Vous admettez ainsi qu'il y a des hommes qui valent mieux que vous et qui ont droit à une meilleure place, sans pour cela que vous soyez parmi les réprouvés. Eh bien ! placez-vous un instant par la pensée dans cette situation moyenne qui sera la vôtre, puisque vous venez d'en convenir, et supposez que quelqu'un vienne vous dire : Vous souffrez, vous n'êtes pas aussi heureux que vous le pourriez être, tandis que vous avez devant vous des êtres qui jouissent d'un bonheur sans mélange, voulez-vous changer votre position contre la leur ? - Sans doute, direz-vous ; que faut-il faire ? - Moins que rien, recommencer ce que vous avez mal fait et tâcher de faire mieux. - Hésiteriez-vous à accepter, fût-ce même au prix de plusieurs existences d'épreuve ? Prenons une comparaison plus prosaïque. Si, à un homme qui, sans être dans la dernière des misères, éprouve néanmoins des privations par suite de la médiocrité de ses ressources, on venait dire : Voilà une immense fortune, vous pouvez en jouir, il faut pour cela travailler rudement pendant une minute. Fût-il le plus paresseux de la terre, il dira sans hésiter : Travaillons une minute, deux minutes, une heure, un jour s'il le faut ; qu'est-ce que cela pour finir ma vie dans l'abondance ? Or, qu'est-ce qu'est la durée de la vie corporelle par rapport à l'éternité ? moins qu'une minute, moins qu'une seconde.
Nous avons entendu faire ce raisonnement : Dieu, qui est souverainement bon, ne peut imposer à l'homme de recommencer une série de misères et de tribulations ? Trouverait-on, par hasard, qu'il y a plus de bonté à condamner l'homme à une souffrance perpétuelle pour quelques moments d'erreur plutôt qu'à lui donner les moyens de réparer ses fautes ? « Deux fabricants avaient chacun un ouvrier qui pouvait aspirer à devenir l'associé du chef. Or il arriva que ces deux ouvriers employèrent une fois très mal leur journée et méritèrent d'être renvoyés. L'un des deux fabricants chassa son ouvrier malgré ses supplications, et celui-ci n'ayant pas trouvé d'ouvrage mourut de misère. L'autre dit au sien : Vous avez perdu un jour, vous m'en devez un en compensation ; vous avez mal fait votre ouvrage, vous m'en devez la réparation, je vous permets de le recommencer ; tâchez de bien faire et je vous conserverai, et vous pourrez toujours aspirer à la position supérieure que je vous ai promise. » Est-il besoin de demander quel est celui des deux fabricants qui a été le plus humain ? Dieu, la clémence même, serait-il plus inexorable qu'un homme ? La pensée que notre sort est à jamais fixé par quelques années d'épreuve, alors même qu'il n'a pas toujours dépendu de nous d'atteindre à la perfection sur la terre, a quelque chose de navrant, tandis que l'idée contraire est éminemment consolante ; elle nous laisse l'espérance. Ainsi, sans nous prononcer pour ou contre la pluralité des existences, sans admettre une hypothèse plutôt que l'autre, nous disons que, si nous avions le choix, il n'est personne qui préférât un jugement sans appel. Un philosophe a dit que si Dieu n'existait pas il faudrait l'inventer pour le bonheur du genre humain ; on pourrait en dire autant de la pluralité des existences. Mais, comme nous l'avons dit, Dieu ne nous demande pas notre permission ; il ne consulte pas notre goût ; cela est ou cela n'est pas ; voyons de quel côté sont les probabilités, et prenons la chose à un autre point de vue, toujours abstraction faite de l'enseignement des Esprits, et uniquement comme étude philosophique.
S'il n'y a pas de réincarnation, il n'y a qu'une existence corporelle, cela est évident ; si notre existence corporelle actuelle est la seule, l'âme de chaque homme est créée à sa naissance, à moins que l'on n'admette l'antériorité de l'âme, auquel cas on se demanderait ce qu'était l'âme avant la naissance, et si cet état ne constituait pas une existence sous une forme quelconque. Il n'y a pas de milieu : ou l'âme existait, ou elle n'existait pas avant le corps ; si elle existait, quelle était sa situation ? avait-elle ou non conscience d'elle-même ; si elle n'en avait pas conscience, c'est à peu près comme si elle n'existait pas ; si elle avait son individualité, elle était progressive ou stationnaire ; dans l'un et l'autre cas, à quel degré est-elle arrivée dans le corps ? En admettant, selon la croyance vulgaire, que l'âme prend naissance avec le corps, ou, ce qui revient au même, qu'antérieurement à son incarnation elle n'a que des facultés négatives, nous posons les questions suivantes :
1. Pourquoi l'âme montre-t-elle des aptitudes si diverses et indépendantes des idées acquises par l'éducation ?
2. D'où vient l'aptitude extra-normale de certains enfants en bas âge pour tel art ou telle science, tandis que d'autres restent inférieurs ou médiocres toute leur vie ?
3. D'où viennent, chez les uns, les idées innées ou intuitives qui n'existent pas chez d'autres ?
4. D'où viennent, chez certains enfants, ces instincts précoces de vices ou de vertus, ces sentiments innés de dignité ou de bassesse qui contrastent avec le milieu dans lequel ils sont nés ?
5. Pourquoi certains hommes, abstraction faite de l'éducation, sont-ils plus avancés les uns que les autres ?
6. Pourquoi y a-t-il des sauvages et des hommes civilisés ? Si vous prenez un enfant hottentot à la mamelle, et si vous l'élevez dans nos lycées les plus renommés, en ferez-vous jamais un Laplace ou un Newton ?
Nous demandons quelle est la philosophie ou la théosophie qui peut résoudre ces problèmes ? Ou les âmes à leur naissance sont égales, ou elles sont inégales, cela n'est pas douteux. Si elles sont égales, pourquoi ces aptitudes si diverses ? Dira-t-on que cela dépend de l'organisme ? mais alors c'est la doctrine la plus monstrueuse et la plus immorale. L'homme n'est plus qu'une machine, le jouet de la matière ; il n'a plus la responsabilité de ses actes ; il peut tout rejeter sur ses imperfections physiques. Si elles sont inégales, c'est que Dieu les a créées ainsi ; mais alors pourquoi cette supériorité innée accordée à quelques-unes ? Cette partialité est-elle conforme à la justice de Dieu et à l'égal amour qu'il porte à toutes ses créatures ?
Admettons au contraire une succession d'existences antérieures progressives, et tout est expliqué. Les hommes apportent en naissant l'intuition de ce qu'ils ont acquis ; ils sont plus ou moins avancés, selon le nombre d'existences qu'ils ont parcourues, selon qu'ils sont plus ou moins éloignés du point de départ : absolument comme dans une réunion d'individus de tous âges, chacun aura un développement proportionné au nombre d'années qu'il aura vécu ; les existences successives seront, pour la vie de l'âme, ce que les années sont pour la vie du corps. Rassemblez un jour mille individus, depuis un an jusqu'à quatre-vingts ; supposez qu'un voile soit jeté sur tous les jours qui ont précédé, et que, dans votre ignorance, vous les croyiez ainsi tous nés le même jour : vous vous demanderez naturellement comment il se fait que les uns soient grands et les autres petits, les uns vieux et les autres jeunes, les uns instruits et les autres encore ignorants ; mais si le nuage qui vous cache le passé vient à se lever, si vous apprenez qu'ils ont tous vécu plus ou moins longtemps, tout vous sera expliqué. Dieu, dans sa justice, n'a pu créer des âmes plus ou moins parfaites ; mais, avec la pluralité des existences, l'inégalité que nous voyons n'a plus rien de contraire à l'équité la plus rigoureuse : c'est que nous ne voyons que le présent et non le passé. Ce raisonnement repose-t-il sur un système, une supposition gratuite ? Non ; nous partons d'un fait patent, incontestable : l'inégalité des aptitudes et du développement intellectuel et moral, et nous trouvons ce fait inexplicable par toutes les théories qui ont cours, tandis que l'explication en est simple, naturelle, logique, par une autre théorie. Est-il rationnel de préférer celle qui n'explique pas à celle qui explique ?
A l'égard de la sixième question, on dira sans doute que le Hottentot est d'une race inférieure : alors nous demanderons si le Hottentot est un homme ou non. Si c'est un homme, pourquoi Dieu l'a-t-il, lui et sa race, déshérité des privilèges accordés à la race caucasique ? Si ce n'est pas un homme, pourquoi chercher à le faire chrétien ? La doctrine spirite est plus large que tout cela ; pour elle, il n'y a pas plusieurs espèces d'hommes, il n'y a que des hommes dont l'esprit est plus ou moins arriéré, mais susceptible de progresser : cela n'est-il pas plus conforme à la justice de Dieu ?
Nous venons de voir l'âme dans son passé et dans son présent ; si nous la considérons dans son avenir, nous trouvons les mêmes difficultés.
1. Si notre existence actuelle doit seule décider de notre sort à venir, quelle est, dans la vie future, la position respective du sauvage et de l'homme civilisé ? Sont-ils au même niveau, ou sont-ils distancés dans la somme du bonheur éternel ?
2. L'homme qui a travaillé toute sa vie à s'améliorer est-il au même rang que celui qui est resté inférieur, non par sa faute, mais parce qu'il n'a eu ni le temps ni la possibilité de s'améliorer ?
3. L'homme qui fait mal parce qu'il n'a pu s'éclairer est-il passible d'un état de choses qui n'a pas dépendu de lui ?
4. On travaille à éclairer les hommes, à les moraliser, à les civiliser ; mais pour un que l'on éclaire, il y en a des millions qui meurent chaque jour avant que la lumière soit parvenue jusqu'à eux ; quel est le sort de ceux-ci ? Sont-ils traités comme des réprouvés ? Dans le cas contraire, qu'ont-ils fait pour mériter d'être sur le même rang que les autres ?
5. Quel est le sort des enfants qui meurent en bas âge avant d'avoir pu faire ni bien ni mal ? S'ils sont parmi les élus, pourquoi cette faveur sans avoir rien fait pour la mériter ? Par quel privilège sont-ils affranchis des tribulations de la vie ?
Y a-t-il une doctrine qui puisse résoudre ces questions ? Admettez des existences consécutives, et tout est expliqué conformément à la justice de Dieu. Ce que l'on n'a pu faire dans une existence, on le fait dans une autre ; c'est ainsi que personne n'échappe à la loi du progrès, que chacun sera récompensé selon son mérite réel, et que nul n'est exclu de la félicité suprême, à laquelle il peut prétendre, quels que soient les obstacles qu'il ait rencontrés sur sa route.
Ces questions pourraient être multipliées à l'infini, car les problèmes psychologiques et moraux, qui ne trouvent leur solution que dans la pluralité des existences, sont innombrables ; nous nous sommes borné aux plus généraux. Quoi qu'il en soit, dira-t-on peut-être, la doctrine de la réincarnation n'est point admise par l'Eglise ; ce serait donc le renversement de la religion. Notre but n'est pas de traiter cette question en ce moment ; il nous suffit d'avoir démontré quelle est éminemment morale et rationnelle. Plus tard nous montrerons que la religion en est peut-être moins éloignée qu'on ne le pense, et qu'elle n'en souffrirait pas plus qu'elle n'a souffert de la découverte du mouvement de la terre et des périodes géologiques qui, au premier abord, ont paru donner un démenti aux textes sacrés. L'enseignement des Esprits est éminemment chrétien ; il s'appuie sur l'immortalité de l'âme, les peines et les récompenses futures, le libre arbitre de l'homme, la morale du Christ ; donc il n'est pas antireligieux.
Nous avons raisonné, comme nous l'avons dit, abstraction faite de tout enseignement spirite qui, pour certaines personnes, n'est pas une autorité. Si nous et tant d'autres avons adopté l'opinion de la pluralité des existences, ce n'est pas seulement parce qu'elle nous vient des Esprits, c'est parce qu'elle nous a paru la plus logique, et qu'elle seule résout des questions jusqu'alors insolubles. Elle nous serait venue d'un simple mortel que nous l'aurions adoptée de même, et que nous n'aurions pas hésité davantage à renoncer à nos propres idées ; du moment qu'une erreur est démontrée, l'amour-propre a plus à perdre qu'à gagner à s'entêter dans une idée fausse. De même, nous l'eussions repoussée, quoique venant des Esprits, si elle nous eût semblé contraire à la raison, comme nous en avons repoussé bien d'autres, car nous savons par expérience qu'il ne faut pas accepter en aveugle tout ce qui vient de leur part, pas plus que ce qui vient de la part des hommes. Il nous reste donc à examiner la question de la pluralité des existences au point de vue de l'enseignement des Esprits, de quelle manière on doit l'entendre, et à répondre enfin aux objections les plus sérieuses qu'on puisse y opposer ; c'est ce que nous ferons dans un prochain article.
Sur le Suicide
Questions adressées à saint Louis, par l'intermédiaire de M. C..., médium parlant et voyant, dans la Société parisienne des études spirites, séance du 12 octobre 1858.
1. Pourquoi l'homme qui a la ferme intention de se détruire se révolterait-il à l'idée d'être tué par un autre, et se défendrait-il contre les attaques au moment même où il va accomplir son dessein ? R. Parce que l'homme a toujours peur de la mort ; lorsqu'il se la donne lui-même, il est surexcité, il a la tête dérangée, et il accomplit cet acte sans courage ni crainte, et sans, pour ainsi dire, avoir la connaissance de ce qu'il fait, tandis que, s'il avait le choix, vous ne verriez pas autant de suicides. L'instinct de l'homme le porte à défendre sa vie, et, pendant le temps qui s'écoule entre l'instant où son semblable s'approche pour le tuer et celui où l'acte est commis, il y a toujours un mouvement de répulsion instinctif de la mort qui le porte à repousser ce fantôme, qui n'est effrayant que pour l'Esprit coupable. L'homme qui se suicide n'éprouve pas ce sentiment, parce qu'il est entouré d'Esprits qui le poussent, qui l'aident dans ses désirs, et lui font complètement perdre le souvenir de ce qui n'est pas lui, c'est-à-dire de ses parents et de ceux qui l'aiment, et d'une autre existence. L'homme dans ce moment est tout égoïsme.
1. Pourquoi l'homme qui a la ferme intention de se détruire se révolterait-il à l'idée d'être tué par un autre, et se défendrait-il contre les attaques au moment même où il va accomplir son dessein ? R. Parce que l'homme a toujours peur de la mort ; lorsqu'il se la donne lui-même, il est surexcité, il a la tête dérangée, et il accomplit cet acte sans courage ni crainte, et sans, pour ainsi dire, avoir la connaissance de ce qu'il fait, tandis que, s'il avait le choix, vous ne verriez pas autant de suicides. L'instinct de l'homme le porte à défendre sa vie, et, pendant le temps qui s'écoule entre l'instant où son semblable s'approche pour le tuer et celui où l'acte est commis, il y a toujours un mouvement de répulsion instinctif de la mort qui le porte à repousser ce fantôme, qui n'est effrayant que pour l'Esprit coupable. L'homme qui se suicide n'éprouve pas ce sentiment, parce qu'il est entouré d'Esprits qui le poussent, qui l'aident dans ses désirs, et lui font complètement perdre le souvenir de ce qui n'est pas lui, c'est-à-dire de ses parents et de ceux qui l'aiment, et d'une autre existence. L'homme dans ce moment est tout égoïsme.
2. Celui qui, dégoûté de la vie, mais ne veut pas se l'ôter et veut que sa mort serve à quelque chose, est-il coupable de la chercher sur un champ de bataille en défendant son pays ? - R. Toujours. L'homme doit suivre l'impulsion qui lui est donnée ; quelle que soit la carrière qu'il embrasse, quelle que soit la vie qu'il mène, il est toujours assisté d'Esprits qui le conduisent et le dirigent à son insu ; or chercher à aller contre leurs conseils est un crime, puisqu'ils sont placés là pour nous diriger, et que ces bons Esprits, lorsque nous voulons agir par nous-mêmes, sont là pour nous aider. Mais cependant, si l'homme entraîné par son Esprit à lui, veut quitter cette vie, on l'abandonne, et il reconnaît sa faute plus tard lorsqu'il se trouve obligé de recommencer une autre existence. L'homme doit être éprouvé pour s'élever ; arrêter ses actes, mettre une entrave à son libre arbitre, serait aller contre Dieu, et les épreuves, dans ce cas, deviendraient inutiles, puisque les Esprits ne commettraient pas de fautes. L'Esprit a été créé simple et ignorant ; il faut donc, pour arriver aux sphères heureuses, qu'il progresse, s'élève en science et en sagesse, et ce n'est que dans l'adversité que l'Esprit puise l'élévation du coeur et comprend mieux la grandeur de Dieu.
3. Un des assistants fait observer qu'il croit voir une contradiction entre ces dernières paroles de saint Louis et les précédentes, quand il a dit que l'homme peut être poussé au suicide par certains Esprits qui l'y excitent. Dans ce cas, il céderait à une impulsion qui lui serait étrangère. - R. Il n'y a pas de contradiction. Lorsque j'ai dit que l'homme poussé au suicide était entouré d'Esprits qui l'y sollicitent, je n'ai pas parlé des bons Esprits qui font tous leurs efforts pour l'en détourner ; cela devait être sous-entendu ; nous savons tous que nous avons un ange gardien, ou, si vous aimez mieux, un guide familier. Or l'homme a son libre arbitre ; si, malgré les bons conseils qui lui sont donnés, il persévère dans cette idée qui est un crime, il l'accomplit et il est aidé en cela par les Esprits légers et impurs qui l'entourent, qui sont heureux de voir que l'homme, ou l'Esprit incarné, manque aussi, lui, de courage pour suivre les conseils de son bon guide, et souvent de l'Esprit de ses parents morts qui l'entourent, surtout dans des circonstances semblables.
3. Un des assistants fait observer qu'il croit voir une contradiction entre ces dernières paroles de saint Louis et les précédentes, quand il a dit que l'homme peut être poussé au suicide par certains Esprits qui l'y excitent. Dans ce cas, il céderait à une impulsion qui lui serait étrangère. - R. Il n'y a pas de contradiction. Lorsque j'ai dit que l'homme poussé au suicide était entouré d'Esprits qui l'y sollicitent, je n'ai pas parlé des bons Esprits qui font tous leurs efforts pour l'en détourner ; cela devait être sous-entendu ; nous savons tous que nous avons un ange gardien, ou, si vous aimez mieux, un guide familier. Or l'homme a son libre arbitre ; si, malgré les bons conseils qui lui sont donnés, il persévère dans cette idée qui est un crime, il l'accomplit et il est aidé en cela par les Esprits légers et impurs qui l'entourent, qui sont heureux de voir que l'homme, ou l'Esprit incarné, manque aussi, lui, de courage pour suivre les conseils de son bon guide, et souvent de l'Esprit de ses parents morts qui l'entourent, surtout dans des circonstances semblables.
Entretiens familiers d'outre-tombe
1. Au nom de Dieu tout-puissant, je prie l'Esprit de Méhémet-Ali de
vouloir bien se communiquer à nous. - R. Oui ; je sais pourquoi.
2. Vous nous avez promis de revenir parmi nous pour nous instruire ; serez-vous assez bon pour nous écouter et nous répondre ? - R. Non pas promis ; je ne me suis pas engagé.
3. Soit ; au lieu de promis, mettons que vous nous avez fait espérer. - R. C'est-à-dire pour contenter votre curiosité ; n'importe ! je m'y prêterai un peu.
4. Puisque vous avez vécu du temps des Pharaons, pourriez-vous nous dire dans quel but ont été construites les Pyramides ? - R. Ce sont des sépulcres ; sépulcres et temples : là avaient lieu les grandes manifestations.
5. Avaient-elles aussi un but scientifique ? - R. Non ; l'intérêt religieux absorbait tout.
6. Il fallait que les Egyptiens fussent dès ce temps-là très avancés dans les arts mécaniques pour accomplir des travaux qui exigeaient des forces si considérables. Pourriez-vous nous donner une idée des moyens qu'ils employaient ? - R. Des masses d'hommes ont gémi sous le faix de ces pierres qui ont traversé des siècles : l'homme était la machine.
7. Quelle classe d'hommes occupait-on à ces grands travaux ? - R. Ce que vous appelez le peuple.
8. Le peuple était-il à l'état d'esclavage, ou recevait-il un salaire ? - R. La force.
9. D'où venait aux Egyptiens le goût des choses colossales plutôt que celui des choses gracieuses qui distinguait les Grecs quoique ayant la même origine. - R. L'Egyptien était frappé de la grandeur de Dieu ; il cherchait à s'égaler à lui en surpassant ses forces. Toujours l'homme !
10. Puisque vous étiez prêtre à cette époque, veuillez nous dire quelque chose de la religion des anciens Egyptiens. Quelle était la croyance du peuple à l'égard de la Divinité ? - R. Corrompus, ils croyaient à leurs prêtres ; c'étaient des dieux pour eux, ceux-là qui les tenaient courbés.
11. Que pensait-il de l'état de l'âme après la mort ? - R. Il en croyait ce que lui disaient les prêtres.
12. Les prêtres avaient-ils, au double point de vue de Dieu et de l'âme, des idées plus saines que le peuple ? - R. Oui, ils avaient la lumière entre leurs mains ; en la cachant aux autres, ils la voyaient encore.
13. Les grands de l'Etat partageaient-ils les croyances du peuple ou celles des prêtres ? - R. Entre les deux.
14. Quelle était l'origine du culte rendu aux animaux ? - R. Ils voulaient détourner l'homme de Dieu, l'abaisser sous lui-même en lui donnant pour dieux des êtres inférieurs.
15. On conçoit, jusqu'à un certain point, le culte des animaux utiles, mais on ne comprend pas celui des animaux immondes et nuisibles, tels que les serpents, les crocodiles, etc. ! - R. L'homme adore ce qu'il craint. C'était un joug pour le peuple. Les prêtres pouvaient-ils croire à des dieux faits de leurs mains !
16. Par quelle bizarrerie adoraient-ils à la fois le crocodile ainsi que les reptiles, et l'ichneumon et l'ibis qui les détruisaient ? - R. Aberration de l'esprit ; l'homme cherche partout des dieux pour se cacher celui qui est.
17. Pourquoi Osiris était-il représenté avec une tête d'épervier et Anubis avec une tête de chien ? - R. L'Egyptien aimait à personnifier sous de clairs emblèmes : Anubis était bon ; l'épervier qui déchire représentait le cruel Osiris.
18. Comment concilier le respect des Egyptiens pour les morts, avec le mépris et l'horreur qu'ils avaient pour ceux qui les ensevelissaient et les momifiaient ? - R. Le cadavre était un instrument de manifestations : l'Esprit, selon eux, revenait dans le corps qu'il avait animé. Le cadavre, l'un des instruments du culte, était sacré, et le mépris poursuivait celui qui osait violer la sainteté de la mort.
19. La conservation des corps donnait-elle lieu à des manifestations plus nombreuses ?- R. Plus longues ; c'est-à-dire que l'Esprit revenait plus longtemps, tant que l'instrument était docile.
20. La conservation des corps n'avait-elle pas aussi une cause de salubrité, en raison des débordements du Nil ? - R. Oui, pour ceux du peuple.
21. L'initiation aux mystères se faisait-elle en Egypte avec des pratiques aussi rigoureuses qu'en Grèce ? - R. Plus rigoureuses.
22. Dans quel but imposait-on aux initiés des conditions aussi difficiles à remplir ? - R. Pour n'avoir que des âmes supérieures : celles-là savaient comprendre et se taire.
23. L'enseignement donné dans les mystères avait-il pour but unique la révélation des choses extra-humaines, ou bien y enseignait-on aussi les préceptes de la morale et de l'amour du prochain ? - R. Tout cela était bien corrompu. Le but des prêtres était de dominer : ce n'était pas d'instruire.
2. Vous nous avez promis de revenir parmi nous pour nous instruire ; serez-vous assez bon pour nous écouter et nous répondre ? - R. Non pas promis ; je ne me suis pas engagé.
3. Soit ; au lieu de promis, mettons que vous nous avez fait espérer. - R. C'est-à-dire pour contenter votre curiosité ; n'importe ! je m'y prêterai un peu.
4. Puisque vous avez vécu du temps des Pharaons, pourriez-vous nous dire dans quel but ont été construites les Pyramides ? - R. Ce sont des sépulcres ; sépulcres et temples : là avaient lieu les grandes manifestations.
5. Avaient-elles aussi un but scientifique ? - R. Non ; l'intérêt religieux absorbait tout.
6. Il fallait que les Egyptiens fussent dès ce temps-là très avancés dans les arts mécaniques pour accomplir des travaux qui exigeaient des forces si considérables. Pourriez-vous nous donner une idée des moyens qu'ils employaient ? - R. Des masses d'hommes ont gémi sous le faix de ces pierres qui ont traversé des siècles : l'homme était la machine.
7. Quelle classe d'hommes occupait-on à ces grands travaux ? - R. Ce que vous appelez le peuple.
8. Le peuple était-il à l'état d'esclavage, ou recevait-il un salaire ? - R. La force.
9. D'où venait aux Egyptiens le goût des choses colossales plutôt que celui des choses gracieuses qui distinguait les Grecs quoique ayant la même origine. - R. L'Egyptien était frappé de la grandeur de Dieu ; il cherchait à s'égaler à lui en surpassant ses forces. Toujours l'homme !
10. Puisque vous étiez prêtre à cette époque, veuillez nous dire quelque chose de la religion des anciens Egyptiens. Quelle était la croyance du peuple à l'égard de la Divinité ? - R. Corrompus, ils croyaient à leurs prêtres ; c'étaient des dieux pour eux, ceux-là qui les tenaient courbés.
11. Que pensait-il de l'état de l'âme après la mort ? - R. Il en croyait ce que lui disaient les prêtres.
12. Les prêtres avaient-ils, au double point de vue de Dieu et de l'âme, des idées plus saines que le peuple ? - R. Oui, ils avaient la lumière entre leurs mains ; en la cachant aux autres, ils la voyaient encore.
13. Les grands de l'Etat partageaient-ils les croyances du peuple ou celles des prêtres ? - R. Entre les deux.
14. Quelle était l'origine du culte rendu aux animaux ? - R. Ils voulaient détourner l'homme de Dieu, l'abaisser sous lui-même en lui donnant pour dieux des êtres inférieurs.
15. On conçoit, jusqu'à un certain point, le culte des animaux utiles, mais on ne comprend pas celui des animaux immondes et nuisibles, tels que les serpents, les crocodiles, etc. ! - R. L'homme adore ce qu'il craint. C'était un joug pour le peuple. Les prêtres pouvaient-ils croire à des dieux faits de leurs mains !
16. Par quelle bizarrerie adoraient-ils à la fois le crocodile ainsi que les reptiles, et l'ichneumon et l'ibis qui les détruisaient ? - R. Aberration de l'esprit ; l'homme cherche partout des dieux pour se cacher celui qui est.
17. Pourquoi Osiris était-il représenté avec une tête d'épervier et Anubis avec une tête de chien ? - R. L'Egyptien aimait à personnifier sous de clairs emblèmes : Anubis était bon ; l'épervier qui déchire représentait le cruel Osiris.
18. Comment concilier le respect des Egyptiens pour les morts, avec le mépris et l'horreur qu'ils avaient pour ceux qui les ensevelissaient et les momifiaient ? - R. Le cadavre était un instrument de manifestations : l'Esprit, selon eux, revenait dans le corps qu'il avait animé. Le cadavre, l'un des instruments du culte, était sacré, et le mépris poursuivait celui qui osait violer la sainteté de la mort.
19. La conservation des corps donnait-elle lieu à des manifestations plus nombreuses ?- R. Plus longues ; c'est-à-dire que l'Esprit revenait plus longtemps, tant que l'instrument était docile.
20. La conservation des corps n'avait-elle pas aussi une cause de salubrité, en raison des débordements du Nil ? - R. Oui, pour ceux du peuple.
21. L'initiation aux mystères se faisait-elle en Egypte avec des pratiques aussi rigoureuses qu'en Grèce ? - R. Plus rigoureuses.
22. Dans quel but imposait-on aux initiés des conditions aussi difficiles à remplir ? - R. Pour n'avoir que des âmes supérieures : celles-là savaient comprendre et se taire.
23. L'enseignement donné dans les mystères avait-il pour but unique la révélation des choses extra-humaines, ou bien y enseignait-on aussi les préceptes de la morale et de l'amour du prochain ? - R. Tout cela était bien corrompu. Le but des prêtres était de dominer : ce n'était pas d'instruire.
Mort au Caire le 4 juin 1857. - Evoqué sur la prière de M. Jobard.
C'était, dit-il, un Esprit très élevé de son vivant ; médecin-homéopathe
; un véritable apôtre spirite ; il doit être au moins dans Jupiter.
1. Evocation. - R. Je suis là.
2. Auriez-vous la bonté de nous dire où vous êtes ? - R. Je suis errant.
3. Est-ce le 4 juin de cette année que vous êtes mort ? - R. C'est l'année passée.
4. Vous rappelez-vous votre ami M. Jobard ? - R. oui, et je suis souvent près de lui.
5. Lorsque je lui transmettrai cette réponse, cela lui fera plaisir, car il a toujours pour vous une grande affection. - R. Je le sais ; cet Esprit m'est des plus sympathiques.
6. Qu'entendiez-vous de votre vivant par les gnomes ? - R. J'entendais des êtres qui pouvaient se matérialiser et prendre des formes fantastiques.
7. Y croyez-vous toujours ? - R. Plus que jamais ; j'en ai la certitude maintenant ; mais gnome est un mot qui peut sembler tenir trop de la magie ; j'aime mieux dire maintenant Esprit que gnome.
Remarque. De son vivant il croyait aux Esprits et à leurs manifestations ; seulement il les désignait sous le nom de gnomes, tandis que maintenant il se sert de l'expression plus générique d'Esprit.
8. Croyez-vous encore que ces Esprits, que vous appeliez gnomes de votre vivant, puissent prendre des formes matérielles fantastiques ? - R. Oui, mais je sais que cela ne se fait pas souvent, car il y a des gens qui pourraient devenir fous s'ils voyaient les apparences que ces Esprits peuvent prendre.
9. Quelles apparences peuvent-ils prendre ? - R. Animaux, diables.
10. Est-ce une apparence matérielle tangible, ou une pure apparence comme dans les rêves ou les visions ? - R. Un peu plus matérielle que dans les rêves ; les apparitions qui pourraient trop effrayer ne peuvent pas être tangibles ; Dieu ne le permet pas.
11. L'apparition de l'Esprit de Bergzabern, sous forme d'homme ou d'animal, était-elle de cette nature ? - R. Oui, c'est dans ce genre.
Remarque. Nous ne savons si, de son vivant, il croyait que les Esprits pouvaient prendre une forme tangible ; mais il est évident que maintenant il entend parler de la forme vaporeuse et impalpable des apparitions.
12. Croyez-vous que lorsque vous vous réincarnerez vous irez dans Jupiter ? - R. J'irai dans un monde qui n'égale pas encore Jupiter.
13. Est-ce de votre propre choix que vous irez dans un monde inférieur à Jupiter, ou est-ce parce que vous ne méritez pas encore d'aller dans cette planète ? - R. J'aime mieux croire ne pas le mériter, et remplir une mission dans un monde moins avancé. Je sais que j'arriverai à la perfection, c'est ce qui fait que j'aime mieux être modeste.
Remarque. Cette réponse est une preuve de la supériorité de cet Esprit ; elle concorde avec ce que nous a dit le P. Ambroise : qu'il y a plus de mérite à demander une mission dans un monde inférieur qu'à vouloir avancer trop vite dans un monde supérieur.
14. M. Jobard nous prie de vous demander si vous êtes satisfait de l'article nécrologique qu'il a écrit sur vous ? - R. Jobard m'a donné une nouvelle preuve de sympathie en écrivant cela ; je le remercie bien, et désire que le tableau, un peu exagéré, des vertus et des talents qu'il a fait, puisse servir d'exemple à ceux d'entre vous qui suivent les traces du progrès.
15. Puisque, de votre vivant, vous étiez homéopathe, que pensez-vous maintenant de l'homéopathie ? - R. L'homéopathie est le commencement des découvertes des fluides latents. Bien d'autres découvertes aussi précieuses se feront et formeront un tout harmonieux qui conduira votre globe à la perfection.
16. Quel mérite attachez-vous à votre livre intitulé : le Médecin du peuple ? - R. C'est la pierre de l'ouvrier que j'ai apportée à l'oeuvre.
Remarque. - La réponse de cet Esprit sur l'homéopathie vient à l'appui de l'idée des fluides latents qui nous a déjà été donnée par l'Esprit de M. Badel, au sujet de son image photographiée. Il en résulterait qu'il y a des fluides dont les propriétés nous sont inconnues ou passent inaperçues parce que leur action n'est pas ostensible, mais n'en est pas moins réelle ; l'humanité s'enrichit de connaissances nouvelles à mesure que les circonstances lui font connaître ses propriétés.
1. Evocation. - R. Je suis là.
2. Auriez-vous la bonté de nous dire où vous êtes ? - R. Je suis errant.
3. Est-ce le 4 juin de cette année que vous êtes mort ? - R. C'est l'année passée.
4. Vous rappelez-vous votre ami M. Jobard ? - R. oui, et je suis souvent près de lui.
5. Lorsque je lui transmettrai cette réponse, cela lui fera plaisir, car il a toujours pour vous une grande affection. - R. Je le sais ; cet Esprit m'est des plus sympathiques.
6. Qu'entendiez-vous de votre vivant par les gnomes ? - R. J'entendais des êtres qui pouvaient se matérialiser et prendre des formes fantastiques.
7. Y croyez-vous toujours ? - R. Plus que jamais ; j'en ai la certitude maintenant ; mais gnome est un mot qui peut sembler tenir trop de la magie ; j'aime mieux dire maintenant Esprit que gnome.
Remarque. De son vivant il croyait aux Esprits et à leurs manifestations ; seulement il les désignait sous le nom de gnomes, tandis que maintenant il se sert de l'expression plus générique d'Esprit.
8. Croyez-vous encore que ces Esprits, que vous appeliez gnomes de votre vivant, puissent prendre des formes matérielles fantastiques ? - R. Oui, mais je sais que cela ne se fait pas souvent, car il y a des gens qui pourraient devenir fous s'ils voyaient les apparences que ces Esprits peuvent prendre.
9. Quelles apparences peuvent-ils prendre ? - R. Animaux, diables.
10. Est-ce une apparence matérielle tangible, ou une pure apparence comme dans les rêves ou les visions ? - R. Un peu plus matérielle que dans les rêves ; les apparitions qui pourraient trop effrayer ne peuvent pas être tangibles ; Dieu ne le permet pas.
11. L'apparition de l'Esprit de Bergzabern, sous forme d'homme ou d'animal, était-elle de cette nature ? - R. Oui, c'est dans ce genre.
Remarque. Nous ne savons si, de son vivant, il croyait que les Esprits pouvaient prendre une forme tangible ; mais il est évident que maintenant il entend parler de la forme vaporeuse et impalpable des apparitions.
12. Croyez-vous que lorsque vous vous réincarnerez vous irez dans Jupiter ? - R. J'irai dans un monde qui n'égale pas encore Jupiter.
13. Est-ce de votre propre choix que vous irez dans un monde inférieur à Jupiter, ou est-ce parce que vous ne méritez pas encore d'aller dans cette planète ? - R. J'aime mieux croire ne pas le mériter, et remplir une mission dans un monde moins avancé. Je sais que j'arriverai à la perfection, c'est ce qui fait que j'aime mieux être modeste.
Remarque. Cette réponse est une preuve de la supériorité de cet Esprit ; elle concorde avec ce que nous a dit le P. Ambroise : qu'il y a plus de mérite à demander une mission dans un monde inférieur qu'à vouloir avancer trop vite dans un monde supérieur.
14. M. Jobard nous prie de vous demander si vous êtes satisfait de l'article nécrologique qu'il a écrit sur vous ? - R. Jobard m'a donné une nouvelle preuve de sympathie en écrivant cela ; je le remercie bien, et désire que le tableau, un peu exagéré, des vertus et des talents qu'il a fait, puisse servir d'exemple à ceux d'entre vous qui suivent les traces du progrès.
15. Puisque, de votre vivant, vous étiez homéopathe, que pensez-vous maintenant de l'homéopathie ? - R. L'homéopathie est le commencement des découvertes des fluides latents. Bien d'autres découvertes aussi précieuses se feront et formeront un tout harmonieux qui conduira votre globe à la perfection.
16. Quel mérite attachez-vous à votre livre intitulé : le Médecin du peuple ? - R. C'est la pierre de l'ouvrier que j'ai apportée à l'oeuvre.
Remarque. - La réponse de cet Esprit sur l'homéopathie vient à l'appui de l'idée des fluides latents qui nous a déjà été donnée par l'Esprit de M. Badel, au sujet de son image photographiée. Il en résulterait qu'il y a des fluides dont les propriétés nous sont inconnues ou passent inaperçues parce que leur action n'est pas ostensible, mais n'en est pas moins réelle ; l'humanité s'enrichit de connaissances nouvelles à mesure que les circonstances lui font connaître ses propriétés.
Dans la séance de la Société parisienne des études spirites, du 28
septembre 1858, l'Esprit de madame de Staël se communique spontanément
et sans être appelé, sous la main de mademoiselle E..., médium écrivain ;
il dicte le passage suivant :
Vivre c'est souffrir ; oui, mais l'espérance ne suit-elle pas la souffrance ? Dieu n'a-t-il pas mis dans le coeur des plus malheureux la plus grande dose d'espérance ? Enfant, le chagrin et la déception suivent la naissance ; mais devant lui marche l'Espérance qui lui dit : Avance, au but est le bonheur : Dieu est clément.
Pourquoi, disent les esprits forts, pourquoi venir nous enseigner une nouvelle religion, quand le Christ a posé les bases d'une charité si grandiose, d'un bonheur si certain ? Nous n'avons pas l'intention de changer ce que le grand réformateur a enseigné. Non : nous venons seulement raffermir notre conscience, agrandir nos espérances. Plus le monde se civilise, plus il devrait avoir confiance, et plus aussi nous avons besoin de le soutenir. Nous ne voulons pas changer la face de l'univers, nous venons aider à le rendre meilleur ; et si dans ce siècle on ne vient pas en aide à l'homme, il serait trop malheureux par le manque de confiance et d'espérance. Oui, homme savant qui lis dans les autres, qui cherches à connaître ce qui t'importe peu, et rejettes loin de toi ce qui te concerne, ouvre les yeux, ne désespère pas ; ne dis pas : Le néant peut être possible, quand, dans ton coeur, tu devrais sentir le contraire. Viens t'asseoir à cette table et attends : tu t'y instruiras de ton avenir, tu seras heureux. Ici, il y a du pain pour tout le monde : esprit, vous vous développerez ; corps, vous vous nourrirez ; souffrances, vous vous calmerez ; espérances, vous fleurirez et embellirez la vérité pour la faire supporter.
STAEL.
Remarque. L'Esprit fait allusion à la table où sont assis les médiums.
Questionnez-moi, je répondrai à vos questions.
1. N'étant pas prévenus de votre visite, nous n'avons pas de sujet préparé. - R. Je sais très bien que des questions particulières ne peuvent être résolues par moi ; mais que de choses générales on peut demander, même à une femme qui a eu un peu d'esprit et a maintenant beaucoup de coeur !
A ce moment, une dame qui assistait à la séance paraît défaillir ; mais ce n'était qu'une sorte d'extase qui, loin d'être pénible, lui était plutôt agréable. On offre de la magnétiser : alors l'Esprit de madame de Staël dit spontanément : « Non, laissez-la tranquille ; il faut laisser agir l'influence. » Puis, s'adressant à la dame : « Ayez confiance, un coeur veille près de vous ; il veut vous parler ; un jour viendra... ne précipitons pas les émotions. »
L'Esprit qui se communiquait à cette dame, et qui était celui de sa soeur, écrit alors spontanément : « Je reviendrai. »
Madame de Staël, s'adressant de nouveau d'elle-même à cette dame, écrit : « Un mot de consolation à un coeur souffrant. Pourquoi ces larmes de femme à soeur ? ces retours vers le passé, quand toutes vos pensées ne devraient aller que vers l'avenir ? Votre coeur souffre, votre âme a besoin de se dilater. Eh bien ! que ces larmes soient un soulagement et non produites par les regrets ! Celle qui vous aime et que vous pleurez est heureuse de son bonheur ! et espérez la rejoindre un jour. Vous ne la voyez pas ; mais pour elle il n'y a pas de séparation, car constamment elle peut être près de vous. »
2. Voudriez-vous nous dire ce que vous pensez actuellement de vos écrits ? - R. Un seul mot vous éclairera. Si je revenais et que je pusse recommencer, j'en changerais les deux tiers et ne garderais que l'autre tiers.
3. Pourriez-vous signaler les choses que vous désapprouvez ? - R. Pas trop d'exigence, car ce qui n'est pas juste, d'autres écrivains le changeront : je fus trop homme pour une femme.
4. Quelle était la cause première du caractère viril que vous avez montré de votre vivant ? - R. Cela dépend de la phase de l'existence où l'on est.
Dans la séance suivante, du 12 octobre, on lui adressa les questions suivantes par l'intermédiaire de M. D..., médium écrivain.
5. L'autre jour, vous êtes venue spontanément parmi nous, par l'intermédiaire de mademoiselle E... Auriez-vous la bonté de nous dire quel motif a pu vous engager à nous favoriser de votre présence sans que nous vous ayons appelée ? - R. La sympathie que j'ai pour vous tous ; c'est en même temps l'accomplissement d'un devoir qui m'est imposé dans mon existence actuelle, ou plutôt dans mon existence passagère, puisque je suis appelée à revivre : c'est du reste la destinée de tous les Esprits.
6. Vous est-il plus agréable de venir spontanément ou d'être évoquée ? - R. J'aime mieux être évoquée, parce que c'est une preuve qu'on pense à moi ; mais vous savez aussi qu'il est doux pour l'Esprit délivré de pouvoir converser avec l'Esprit de l'homme : c'est pourquoi vous ne devez pas vous étonner de m'avoir vue venir tout à coup parmi vous.
7. Y a-t-il de l'avantage à évoquer les Esprits plutôt qu'à attendre leur bon plaisir ? - R. En évoquant on a un but ; en les laissant venir, on court grand risque d'avoir des communications imparfaites sous beaucoup de rapports, parce que les mauvais viennent tout aussi bien que les bons.
8. Vous êtes-vous déjà communiquée dans d'autres cercles ? - R. Oui ; mais on m'a souvent fait paraître plus que je ne l'aurais voulu ; c'est-à-dire que l'on a souvent pris mon nom.
9. Auriez-vous la bonté de venir quelquefois parmi nous nous dicter quelques-unes de vos belles pensées, que nous serons heureux de reproduire pour l'instruction générale ? - R. Bien volontiers : je vais avec plaisir parmi ceux qui travaillent sérieusement pour s'instruire : mon arrivée de l'autre jour en est la preuve.
Vivre c'est souffrir ; oui, mais l'espérance ne suit-elle pas la souffrance ? Dieu n'a-t-il pas mis dans le coeur des plus malheureux la plus grande dose d'espérance ? Enfant, le chagrin et la déception suivent la naissance ; mais devant lui marche l'Espérance qui lui dit : Avance, au but est le bonheur : Dieu est clément.
Pourquoi, disent les esprits forts, pourquoi venir nous enseigner une nouvelle religion, quand le Christ a posé les bases d'une charité si grandiose, d'un bonheur si certain ? Nous n'avons pas l'intention de changer ce que le grand réformateur a enseigné. Non : nous venons seulement raffermir notre conscience, agrandir nos espérances. Plus le monde se civilise, plus il devrait avoir confiance, et plus aussi nous avons besoin de le soutenir. Nous ne voulons pas changer la face de l'univers, nous venons aider à le rendre meilleur ; et si dans ce siècle on ne vient pas en aide à l'homme, il serait trop malheureux par le manque de confiance et d'espérance. Oui, homme savant qui lis dans les autres, qui cherches à connaître ce qui t'importe peu, et rejettes loin de toi ce qui te concerne, ouvre les yeux, ne désespère pas ; ne dis pas : Le néant peut être possible, quand, dans ton coeur, tu devrais sentir le contraire. Viens t'asseoir à cette table et attends : tu t'y instruiras de ton avenir, tu seras heureux. Ici, il y a du pain pour tout le monde : esprit, vous vous développerez ; corps, vous vous nourrirez ; souffrances, vous vous calmerez ; espérances, vous fleurirez et embellirez la vérité pour la faire supporter.
STAEL.
Remarque. L'Esprit fait allusion à la table où sont assis les médiums.
Questionnez-moi, je répondrai à vos questions.
1. N'étant pas prévenus de votre visite, nous n'avons pas de sujet préparé. - R. Je sais très bien que des questions particulières ne peuvent être résolues par moi ; mais que de choses générales on peut demander, même à une femme qui a eu un peu d'esprit et a maintenant beaucoup de coeur !
A ce moment, une dame qui assistait à la séance paraît défaillir ; mais ce n'était qu'une sorte d'extase qui, loin d'être pénible, lui était plutôt agréable. On offre de la magnétiser : alors l'Esprit de madame de Staël dit spontanément : « Non, laissez-la tranquille ; il faut laisser agir l'influence. » Puis, s'adressant à la dame : « Ayez confiance, un coeur veille près de vous ; il veut vous parler ; un jour viendra... ne précipitons pas les émotions. »
L'Esprit qui se communiquait à cette dame, et qui était celui de sa soeur, écrit alors spontanément : « Je reviendrai. »
Madame de Staël, s'adressant de nouveau d'elle-même à cette dame, écrit : « Un mot de consolation à un coeur souffrant. Pourquoi ces larmes de femme à soeur ? ces retours vers le passé, quand toutes vos pensées ne devraient aller que vers l'avenir ? Votre coeur souffre, votre âme a besoin de se dilater. Eh bien ! que ces larmes soient un soulagement et non produites par les regrets ! Celle qui vous aime et que vous pleurez est heureuse de son bonheur ! et espérez la rejoindre un jour. Vous ne la voyez pas ; mais pour elle il n'y a pas de séparation, car constamment elle peut être près de vous. »
2. Voudriez-vous nous dire ce que vous pensez actuellement de vos écrits ? - R. Un seul mot vous éclairera. Si je revenais et que je pusse recommencer, j'en changerais les deux tiers et ne garderais que l'autre tiers.
3. Pourriez-vous signaler les choses que vous désapprouvez ? - R. Pas trop d'exigence, car ce qui n'est pas juste, d'autres écrivains le changeront : je fus trop homme pour une femme.
4. Quelle était la cause première du caractère viril que vous avez montré de votre vivant ? - R. Cela dépend de la phase de l'existence où l'on est.
Dans la séance suivante, du 12 octobre, on lui adressa les questions suivantes par l'intermédiaire de M. D..., médium écrivain.
5. L'autre jour, vous êtes venue spontanément parmi nous, par l'intermédiaire de mademoiselle E... Auriez-vous la bonté de nous dire quel motif a pu vous engager à nous favoriser de votre présence sans que nous vous ayons appelée ? - R. La sympathie que j'ai pour vous tous ; c'est en même temps l'accomplissement d'un devoir qui m'est imposé dans mon existence actuelle, ou plutôt dans mon existence passagère, puisque je suis appelée à revivre : c'est du reste la destinée de tous les Esprits.
6. Vous est-il plus agréable de venir spontanément ou d'être évoquée ? - R. J'aime mieux être évoquée, parce que c'est une preuve qu'on pense à moi ; mais vous savez aussi qu'il est doux pour l'Esprit délivré de pouvoir converser avec l'Esprit de l'homme : c'est pourquoi vous ne devez pas vous étonner de m'avoir vue venir tout à coup parmi vous.
7. Y a-t-il de l'avantage à évoquer les Esprits plutôt qu'à attendre leur bon plaisir ? - R. En évoquant on a un but ; en les laissant venir, on court grand risque d'avoir des communications imparfaites sous beaucoup de rapports, parce que les mauvais viennent tout aussi bien que les bons.
8. Vous êtes-vous déjà communiquée dans d'autres cercles ? - R. Oui ; mais on m'a souvent fait paraître plus que je ne l'aurais voulu ; c'est-à-dire que l'on a souvent pris mon nom.
9. Auriez-vous la bonté de venir quelquefois parmi nous nous dicter quelques-unes de vos belles pensées, que nous serons heureux de reproduire pour l'instruction générale ? - R. Bien volontiers : je vais avec plaisir parmi ceux qui travaillent sérieusement pour s'instruire : mon arrivée de l'autre jour en est la preuve.
Extrait du Spiritualiste de la Nouvelle-Orléans.
Tout le monde ne pouvant être convaincu par le même genre de manifestations spirituelles, il a dû se développer des médiums de bien des sortes. Il y en a, aux Etats-Unis, qui font des portraits de personnes mortes depuis longtemps, et qu'ils n'ont jamais connues ; et comme la ressemblance est constatée ensuite, les gens sensés qui sont témoins de ces faits ne manquent guère de se convertir. Le plus remarquable de ces médiums est peut-être M. Rogers, que nous avons déjà cité (vol. I, p. 239), et qui habitait alors Columbus, où il exerçait sa profession de tailleur ; nous aurions pu ajouter qu'il n'a pas eu d'autre éducation que celle de son état.
Aux hommes instruits qui ont dit ou répété, à propos de la théorie spiritualiste : « Le recours aux Esprits n'est qu'une hypothèse ; un examen attentif prouve qu'elle n'est ni la plus rationnelle ni la plus vraisemblable, » à ceux-là surtout nous offrons la traduction ci-après, que nous abrégeons, d'un article écrit le 27 juillet dernier, par M. Lafayette R. Gridley, d'Attica (Indiana), aux éditeurs du Spiritual Age, qui l'ont publié en entier dans leur feuille du 14 août.
Au mois de mai dernier, M. E. Rogers, de Cardington (Ohio), qui, comme vous savez, est médium peintre et fait des portraits de personnes qui ne sont plus de ce monde, vint passer quelques jours chez moi. Pendant ce court séjour, il fut entransé par un artiste invisible qui se donna pour Benjamin West, et il peignit quelques beaux portraits, de grandeur naturelle, ainsi que d'autres moins satisfaisants.
Voici quelques particularités relatives à deux de ces portraits. Ils ont été peints par ledit E. Rogers, dans une chambre obscure, chez moi, dans le court intervalle d'une heure et trente minutes, dont une demi-heure environ se passa sans que le médium fût influencé, et j'en profitai pour examiner son travail, qui n'était pas encore achevé. Rogers fut entransé de nouveau, et il termina ces portraits. Alors, et sans aucune indication quant aux sujets ainsi représentés, l'un des portraits fut de suite reconnu comme étant celui de mon grand-père, Elisha Gridley ; ma femme, ma soeur, madame Chaney, et ensuite mon père et ma mère, tous furent unanimes à trouver la ressemblance bonne : c'est un fac-similé du vieillard, avec toutes les particularités de sa chevelure, de son col de chemise, etc. Quant à l'autre portrait, aucun de nous ne le reconnaissant, je le suspendis dans mon magasin, à la vue des passants, et il y resta une semaine sans être reconnu de personne. Nous nous attendions à ce que quelqu'un nous aurait dit qu'il représentait un ancien habitant d'Attica. Je perdais l'espoir d'apprendre qui on avait voulu peindre, lorsqu'un soir, ayant formé un cercle spiritualiste chez moi, un Esprit se manifesta et me fit la communication que voici :
« Mon nom est Horace Gridley. Il y a plus de cinq ans que j'ai laissé ma dépouille. J'ai demeuré plusieurs années à Natchez (Mississippi), où j'ai occupé la place de chérif. Mon unique enfant demeure là. Je suis cousin de votre père. Vous pouvez avoir d'autres renseignements sur mon compte en vous adressant à votre oncle, M. Gridley, de Brownsville (Tennessee). Le portrait que vous avez dans votre magasin est le mien, à l'époque où je vivais sur terre, peu de temps avant de passer à cette autre existence, plus élevée, plus heureuse et meilleure ; il me ressemble, autant du moins que j'ai pu reprendre ma physionomie d'alors, car cela est indispensable lorsqu'on nous peint, et nous le faisons le mieux que nous pouvons nous en souvenir et suivant que les conditions du moment le permettent. Le portrait en question n'est pas fini comme je l'aurais souhaité ; il y a quelques légères imperfections que M. West dit provenir des conditions dans lesquelles se trouvait le médium. Cependant, envoyez ce portrait à Natchez, pour qu'on l'examine ; je crois qu'on le reconnaîtra. »
Les faits mentionnés dans cette communication étaient parfaitement ignorés de moi, aussi bien que de tous les habitants de notre endroit. Une fois cependant, il y a plusieurs années, j'avais entendu dire que mon père avait eu un parent quelque part dans cette partie de la vallée du Mississippi ; mais aucun de nous ne savait le nom de ce parent, ni l'endroit où il avait vécu, ni même s'il était mort, et ce ne fut que plusieurs jours ensuite que j'appris de mon père (qui habitait Delphi, à quarante milles d'ici) quel avait été le lieu de résidence de son cousin, dont il n'avait presque pas entendu parler depuis soixante ans. Nous n'avions point songé à demander des portraits de famille ; j'avais simplement posé devant le médium une note écrite contenant les noms d'une vingtaine d'anciens habitants d'Attica, partis de ce monde, et nous désirions obtenir le portrait de quelqu'un d'entre eux. Je pense donc que tous les gens raisonnables admettront que le portrait ni la communication d'Horace Gridley n'ont pu résulter d'une transmission de pensée de nous au médium ; il est d'ailleurs certain que M. Rogers n'a jamais connu aucun des deux hommes dont il a fait les portraits, et très probablement il n'en avait jamais entendu parler, car il est Anglais de naissance ; il vint en Amérique, il y a dix ans, et il n'est jamais allé plus sud que Cincinnati, tandis qu'Horace Gridley, à ce que j'apprends, ne vint jamais plus nord que Memphis (Tenn), dans les dernières trente ou trente-cinq années de sa vie terrestre. J'ignore s'il visita jamais l'Angleterre ; mais ce n'aurait pu être qu'avant la naissance de Rogers, car celui-ci n'a pas plus de vingt-huit à trente ans. Quant à mon grand-père, mort depuis environ dix-neuf ans, il n'était jamais sorti des Etats-Unis, et son portrait n'avait jamais été fait d'aucune manière.
Dès que j'eus reçu la communication que j'ai transcrite plus haut, j'écrivis à M. Gridley, de Brownsville, et sa réponse vint corroborer ce que nous avait appris la communication de l'Esprit ; j'y trouvai en outre le nom de l'unique enfant d'Horace Gridley, qui est madame L. M. Patterson, habitant encore Natchez, où son père demeura longtemps, et qui mourut, à ce que pense mon oncle, il y a environ six ans, à Houston (Texas).
J'écrivis alors à madame Patterson, ma cousine nouvellement découverte, et lui envoyai une copie daguerréotypée du portrait que l'on nous disait être celui de son père. Dans ma lettre à mon oncle, de Brownsville, je n'avais rien dit de l'objet principal de mes recherches, et je n'en dis rien non plus à madame Patterson ; ni pourquoi j'envoyais ce portrait, ni comment je l'avais eu, ni quelle était la personne qu'il représentait ; je demandai simplement à ma cousine si elle y reconnaissait quelqu'un. Elle me répondit qu'elle ne pouvait certainement pas dire de qui était ce portrait, mais elle m'assurait qu'il ressemblait à son père à l'époque de sa mort. Je lui écrivis ensuite que nous l'avions pris aussi pour le portrait de son père, mais sans lui dire comment je l'avais eu. La réplique de ma cousine portait, en substance, que dans l'ambrotype que je lui avais envoyé, ils avaient tous reconnu son père, avant que je lui eusse dit que c'est lui qu'il représente. Ma cousine témoigna beaucoup de surprise de ce que j'avais un portrait de son père, lorsqu'elle même n'en avait jamais eu, et de ce que son père ne lui eût jamais dit qu'il eût fait faire son portrait pour n'importe qui. Elle n'avait pas cru qu'il en existât aucun. Elle se montra bien satisfaite de mon envoi, surtout à cause de ses enfants, qui ont beaucoup de vénération pour la mémoire de son père.
Alors je lui envoyai le portrait original, en l'autorisant à le garder, s'il lui plaisait ; mais je ne lui dis pas encore comment je l'avais eu. Les principaux passages de ce qu'elle m'écrivit en retour, sont les suivants :
« J'ai reçu votre lettre, ainsi que le portrait de mon père, que vous me permettez de garder, s'il est assez ressemblant. Il l'est certainement beaucoup ; et comme je n'ai jamais eu d'autre portrait de lui, je le garde, puisque vous y consentez ; je l'accepte avec beaucoup de reconnaissance, quoiqu'il me semble que mon père fût mieux que cela, quand il se trouvait en bonne santé. »
Avant la réception des deux dernières lettres de madame Patterson, le hasard voulut que M. Hedges, aujourd'hui de Delphi, mais autrefois de Natchez, et M. Ewing, venu récemment de Vicksburg (Mississippi), vissent le portrait en question et le reconnussent pour celui d'Horace Gridley avec qui tous les deux avaient eu des relations.
Je trouve que ces faits ont trop de signification pour être passés sous silence, et j'ai cru devoir vous les communiquer pour être publiés. Je vous assure qu'en écrivant cet article j'ai bien pris garde que tout y soit correct.
Remarque. Nous connaissons déjà les médiums dessinateurs ; outre les remarquables dessins dont nous avons donné un spécimen, mais qui nous retracent des choses dont nous ne pouvons vérifier l'exactitude, nous avons vu exécuter sous nos yeux, par des médiums tout à fait étrangers à cet art, des croquis très reconnaissables de personnes mortes qu'ils n'avaient jamais connues ; mais de là à un portrait peint dans les règles, il y a de la distance. Cette faculté se rattache à un phénomène fort curieux dont nous sommes témoin en ce moment, et dont nous parlerons prochainement.
Tout le monde ne pouvant être convaincu par le même genre de manifestations spirituelles, il a dû se développer des médiums de bien des sortes. Il y en a, aux Etats-Unis, qui font des portraits de personnes mortes depuis longtemps, et qu'ils n'ont jamais connues ; et comme la ressemblance est constatée ensuite, les gens sensés qui sont témoins de ces faits ne manquent guère de se convertir. Le plus remarquable de ces médiums est peut-être M. Rogers, que nous avons déjà cité (vol. I, p. 239), et qui habitait alors Columbus, où il exerçait sa profession de tailleur ; nous aurions pu ajouter qu'il n'a pas eu d'autre éducation que celle de son état.
Aux hommes instruits qui ont dit ou répété, à propos de la théorie spiritualiste : « Le recours aux Esprits n'est qu'une hypothèse ; un examen attentif prouve qu'elle n'est ni la plus rationnelle ni la plus vraisemblable, » à ceux-là surtout nous offrons la traduction ci-après, que nous abrégeons, d'un article écrit le 27 juillet dernier, par M. Lafayette R. Gridley, d'Attica (Indiana), aux éditeurs du Spiritual Age, qui l'ont publié en entier dans leur feuille du 14 août.
Au mois de mai dernier, M. E. Rogers, de Cardington (Ohio), qui, comme vous savez, est médium peintre et fait des portraits de personnes qui ne sont plus de ce monde, vint passer quelques jours chez moi. Pendant ce court séjour, il fut entransé par un artiste invisible qui se donna pour Benjamin West, et il peignit quelques beaux portraits, de grandeur naturelle, ainsi que d'autres moins satisfaisants.
Voici quelques particularités relatives à deux de ces portraits. Ils ont été peints par ledit E. Rogers, dans une chambre obscure, chez moi, dans le court intervalle d'une heure et trente minutes, dont une demi-heure environ se passa sans que le médium fût influencé, et j'en profitai pour examiner son travail, qui n'était pas encore achevé. Rogers fut entransé de nouveau, et il termina ces portraits. Alors, et sans aucune indication quant aux sujets ainsi représentés, l'un des portraits fut de suite reconnu comme étant celui de mon grand-père, Elisha Gridley ; ma femme, ma soeur, madame Chaney, et ensuite mon père et ma mère, tous furent unanimes à trouver la ressemblance bonne : c'est un fac-similé du vieillard, avec toutes les particularités de sa chevelure, de son col de chemise, etc. Quant à l'autre portrait, aucun de nous ne le reconnaissant, je le suspendis dans mon magasin, à la vue des passants, et il y resta une semaine sans être reconnu de personne. Nous nous attendions à ce que quelqu'un nous aurait dit qu'il représentait un ancien habitant d'Attica. Je perdais l'espoir d'apprendre qui on avait voulu peindre, lorsqu'un soir, ayant formé un cercle spiritualiste chez moi, un Esprit se manifesta et me fit la communication que voici :
« Mon nom est Horace Gridley. Il y a plus de cinq ans que j'ai laissé ma dépouille. J'ai demeuré plusieurs années à Natchez (Mississippi), où j'ai occupé la place de chérif. Mon unique enfant demeure là. Je suis cousin de votre père. Vous pouvez avoir d'autres renseignements sur mon compte en vous adressant à votre oncle, M. Gridley, de Brownsville (Tennessee). Le portrait que vous avez dans votre magasin est le mien, à l'époque où je vivais sur terre, peu de temps avant de passer à cette autre existence, plus élevée, plus heureuse et meilleure ; il me ressemble, autant du moins que j'ai pu reprendre ma physionomie d'alors, car cela est indispensable lorsqu'on nous peint, et nous le faisons le mieux que nous pouvons nous en souvenir et suivant que les conditions du moment le permettent. Le portrait en question n'est pas fini comme je l'aurais souhaité ; il y a quelques légères imperfections que M. West dit provenir des conditions dans lesquelles se trouvait le médium. Cependant, envoyez ce portrait à Natchez, pour qu'on l'examine ; je crois qu'on le reconnaîtra. »
Les faits mentionnés dans cette communication étaient parfaitement ignorés de moi, aussi bien que de tous les habitants de notre endroit. Une fois cependant, il y a plusieurs années, j'avais entendu dire que mon père avait eu un parent quelque part dans cette partie de la vallée du Mississippi ; mais aucun de nous ne savait le nom de ce parent, ni l'endroit où il avait vécu, ni même s'il était mort, et ce ne fut que plusieurs jours ensuite que j'appris de mon père (qui habitait Delphi, à quarante milles d'ici) quel avait été le lieu de résidence de son cousin, dont il n'avait presque pas entendu parler depuis soixante ans. Nous n'avions point songé à demander des portraits de famille ; j'avais simplement posé devant le médium une note écrite contenant les noms d'une vingtaine d'anciens habitants d'Attica, partis de ce monde, et nous désirions obtenir le portrait de quelqu'un d'entre eux. Je pense donc que tous les gens raisonnables admettront que le portrait ni la communication d'Horace Gridley n'ont pu résulter d'une transmission de pensée de nous au médium ; il est d'ailleurs certain que M. Rogers n'a jamais connu aucun des deux hommes dont il a fait les portraits, et très probablement il n'en avait jamais entendu parler, car il est Anglais de naissance ; il vint en Amérique, il y a dix ans, et il n'est jamais allé plus sud que Cincinnati, tandis qu'Horace Gridley, à ce que j'apprends, ne vint jamais plus nord que Memphis (Tenn), dans les dernières trente ou trente-cinq années de sa vie terrestre. J'ignore s'il visita jamais l'Angleterre ; mais ce n'aurait pu être qu'avant la naissance de Rogers, car celui-ci n'a pas plus de vingt-huit à trente ans. Quant à mon grand-père, mort depuis environ dix-neuf ans, il n'était jamais sorti des Etats-Unis, et son portrait n'avait jamais été fait d'aucune manière.
Dès que j'eus reçu la communication que j'ai transcrite plus haut, j'écrivis à M. Gridley, de Brownsville, et sa réponse vint corroborer ce que nous avait appris la communication de l'Esprit ; j'y trouvai en outre le nom de l'unique enfant d'Horace Gridley, qui est madame L. M. Patterson, habitant encore Natchez, où son père demeura longtemps, et qui mourut, à ce que pense mon oncle, il y a environ six ans, à Houston (Texas).
J'écrivis alors à madame Patterson, ma cousine nouvellement découverte, et lui envoyai une copie daguerréotypée du portrait que l'on nous disait être celui de son père. Dans ma lettre à mon oncle, de Brownsville, je n'avais rien dit de l'objet principal de mes recherches, et je n'en dis rien non plus à madame Patterson ; ni pourquoi j'envoyais ce portrait, ni comment je l'avais eu, ni quelle était la personne qu'il représentait ; je demandai simplement à ma cousine si elle y reconnaissait quelqu'un. Elle me répondit qu'elle ne pouvait certainement pas dire de qui était ce portrait, mais elle m'assurait qu'il ressemblait à son père à l'époque de sa mort. Je lui écrivis ensuite que nous l'avions pris aussi pour le portrait de son père, mais sans lui dire comment je l'avais eu. La réplique de ma cousine portait, en substance, que dans l'ambrotype que je lui avais envoyé, ils avaient tous reconnu son père, avant que je lui eusse dit que c'est lui qu'il représente. Ma cousine témoigna beaucoup de surprise de ce que j'avais un portrait de son père, lorsqu'elle même n'en avait jamais eu, et de ce que son père ne lui eût jamais dit qu'il eût fait faire son portrait pour n'importe qui. Elle n'avait pas cru qu'il en existât aucun. Elle se montra bien satisfaite de mon envoi, surtout à cause de ses enfants, qui ont beaucoup de vénération pour la mémoire de son père.
Alors je lui envoyai le portrait original, en l'autorisant à le garder, s'il lui plaisait ; mais je ne lui dis pas encore comment je l'avais eu. Les principaux passages de ce qu'elle m'écrivit en retour, sont les suivants :
« J'ai reçu votre lettre, ainsi que le portrait de mon père, que vous me permettez de garder, s'il est assez ressemblant. Il l'est certainement beaucoup ; et comme je n'ai jamais eu d'autre portrait de lui, je le garde, puisque vous y consentez ; je l'accepte avec beaucoup de reconnaissance, quoiqu'il me semble que mon père fût mieux que cela, quand il se trouvait en bonne santé. »
Avant la réception des deux dernières lettres de madame Patterson, le hasard voulut que M. Hedges, aujourd'hui de Delphi, mais autrefois de Natchez, et M. Ewing, venu récemment de Vicksburg (Mississippi), vissent le portrait en question et le reconnussent pour celui d'Horace Gridley avec qui tous les deux avaient eu des relations.
Je trouve que ces faits ont trop de signification pour être passés sous silence, et j'ai cru devoir vous les communiquer pour être publiés. Je vous assure qu'en écrivant cet article j'ai bien pris garde que tout y soit correct.
Remarque. Nous connaissons déjà les médiums dessinateurs ; outre les remarquables dessins dont nous avons donné un spécimen, mais qui nous retracent des choses dont nous ne pouvons vérifier l'exactitude, nous avons vu exécuter sous nos yeux, par des médiums tout à fait étrangers à cet art, des croquis très reconnaissables de personnes mortes qu'ils n'avaient jamais connues ; mais de là à un portrait peint dans les règles, il y a de la distance. Cette faculté se rattache à un phénomène fort curieux dont nous sommes témoin en ce moment, et dont nous parlerons prochainement.
Beaucoup de personnes, qui acceptent
parfaitement aujourd'hui le magnétisme, ont longtemps contesté la lucidité
somnambulique ; c'est qu'en effet cette faculté est venue dérouter toutes
les notions que nous avions sur la perception des choses du monde extérieur, et
pourtant, depuis longtemps on avait l'exemple des somnambules naturels, qui
jouissent de facultés analogues et que, par un contraste bizarre, on n'avait
jamais cherché à approfondir. Aujourd'hui, la clairvoyance somnambulique est un
fait acquis, et, s'il est encore contesté par quelques personnes, c'est que les
idées nouvelles sont longues à prendre racine, surtout quand il faut renoncer à
celles que l'on a longtemps caressées ; c'est aussi que beaucoup de gens
ont cru, comme on le fait encore pour les manifestations spirites, que le
somnambulisme pouvait être expérimenté comme une machine, sans tenir compte des
conditions spéciales du phénomène ; c'est pourquoi n'ayant pas obtenu à
leur gré, et à point nommé, des résultats toujours satisfaisants, ils en ont
conclu à la négative. Des phénomènes aussi délicats exigent une observation
longue, assidue et persévérante, afin d'en saisir les nuances souvent
fugitives. C'est également par suite d'une observation incomplète des faits que
certaines personnes, tout en admettant la clairvoyance des somnambules,
contestent leur indépendance ; selon eux leur vue ne s'étend pas au-delà
de la pensée de celui qui les interroge ; quelques-uns même prétendent
qu'il n'y a pas vue, mais simplement intuition et transmission de pensée, et
ils citent des exemples à l'appui. Nul doute que le somnambule voyant la
pensée, peut quelquefois la traduire et en être l'écho ; nous ne
contestons même pas qu'elle ne puisse en certains cas l'influencer : n'y
aurait-il que cela dans le phénomène, ne serait-ce pas déjà un fait bien
curieux et bien digne d'observation ? La question n'est donc pas de savoir
si le somnambule est ou peut être influencé par une pensée étrangère, cela
n'est pas douteux, mais bien de savoir s'il est toujours influencé : ceci
est un résultat d'expérience. Si le somnambule ne dit jamais que ce que vous
savez, il est incontestable que c'est votre pensée qu'il traduit ; mais si,
dans certains cas, il dit ce que vous ne savez pas, s'il contredit votre
opinion, votre manière de voir, il est évident qu'il est indépendant et ne suit
que sa propre impulsion. Un seul fait de ce genre bien caractérisé suffirait
pour prouver que la sujétion du somnambule à la pensée d'autrui n'est pas une
chose absolue ; or il y en a des milliers ; parmi ceux qui sont à
notre connaissance personnelle, nous citerons les deux suivants :
M. Marillon, demeurant à Bercy, rue de Charenton, n° 43, avait disparu le 13 janvier dernier. Toutes les recherches pour découvrir ses traces avaient été infructueuses, aucune des personnes chez lesquelles il avait l'habitude d'aller ne l'avait vu ; aucune affaire ne pouvait motiver une absence prolongée ; d'un autre côté, son caractère, sa position, son état mental, écartaient toute idée de suicide. On en était réduit à penser qu'il avait péri victime d'un crime ou d'un accident ; mais, dans cette dernière hypothèse, il aurait pu être facilement reconnu et ramené à son domicile, ou, tout au moins, porté à la Morgue. Toutes les probabilités étaient donc pour le crime ; c'est à cette pensée que l'on s'arrêta, d'autant mieux qu'on le croyait sorti pour aller faire un payement ; mais où et comment le crime avait-il été commis ? c'est ce que l'on ignorait. Sa fille eut alors recours à une somnambule, Mme Roger, qui en maintes autres circonstances semblables avait donné des preuves d'une lucidité remarquable que nous avons pu constater par nous-même. Mme Roger suivit M. Morillon depuis sa sortie de chez lui, à 3 heures de l'après-midi, jusque vers 7 heures du soir, au moment où il se disposait à rentrer ; elle le vit descendre ait bord de la Seine pour un motif pressant ; là, dit-elle, il a eu une attaque d'apoplexie, je le vois tomber sur une pierre, se faire une fente au front, puis couler dans l'eau ; ce n'est donc ni un suicide ni un crime ; je vois encore son argent et une clef dans la poche de son paletot. Elle indiqua l'endroit de l'accident ; mais, ajouta-t-elle, ce n'est pas là qu'il est maintenant, il a été facilement entraîné par le courant ; on le trouvera à tel endroit. C'est en effet ce qui eut lieu ; il avait la blessure au front indiquée ; la clef et l'argent étaient dans sa poche, et la position de ses vêtements indiquait suffisamment que la somnambule ne s'était pas trompée sur le motif qui l'avait conduit au bord de la rivière. Nous demandons où, dans tous ces détails, on peut voir la transmission d'une pensée quelconque. Voici un autre fait où l'indépendance somnambulique n'est pas moins évidente.
M. et Mme Belhomme, cultivateurs à Rueil, rue Saint-Denis, n° 19, avaient en réserve une somme d'environ 8 à 900 francs. Pour plus de sûreté, Mme Belhomme la plaça dans une armoire dont une partie était consacrée au vieux linge, l'autre au linge neuf, c'est dans cette dernière que l'argent fut placé ; à ce moment quelqu'un entra et Mme Belhomme se hâta de refermer l'armoire. A quelque temps de là, ayant eu besoin d'argent, elle se persuada l'avoir mis dans le vieux linge, parce que telle avait été son intention, dans l'idée que le vieux tenterait moins les voleurs ; mais, dans sa précipitation, à l'arrivée du visiteur, elle l'avait mis dans l'autre case. Elle était tellement convaincue de l'avoir placé dans le vieux linge, que l'idée de le chercher ailleurs ne lui vint même pas ; trouvant la place vide, et se rappelant la visite, elle crut avoir été remarquée et volée, et, dans cette persuasion, ses soupçons se portaient naturellement sur le visiteur.
Mme Belhomme se trouvait connaître Mlle Marillon, dont nous avons parlé plus haut, et lui conta sa mésaventure. Celle-ci lui ayant appris par quel moyen son père avait été retrouvé, l'engagea à s'adresser à la même somnambule, avant de faire aucune démarche. M. et Mme Belhomme se rendirent donc chez Mme Roger, bien convaincus d'avoir été volés, et dans l'espoir qu'on allait leur indiquer le voleur qui, dans leur opinion, ne pouvait être que le visiteur. Telle était donc leur pensée exclusive ; or la somnambule, après une description minutieuse de la localité, leur dit : « Vous n'êtes pas volés ; votre argent est intact dans votre armoire, seulement vous avez cru le mettre dans le vieux linge, tandis que vous l'avez mis dans le neuf ; retournez chez vous et vous l'y trouverez. » C'est en effet ce qui eut lieu.
Notre but, en rapportant ces deux faits, et nous pourrions en citer bien d'autres tout aussi concluants, a été de prouver que la clairvoyance somnambulique n'est pas toujours le reflet d'une pensée étrangère ; que le somnambule peut ainsi avoir une lucidité propre, tout à fait indépendante. Il en ressort des conséquences d'une haute gravité au point de vue psychologique ; nous y trouvons la clef de plus d'un problème que nous examinerons ultérieurement en traitant des rapports qui existent entre le somnambulisme et le Spiritisme, rapports qui jettent un jour tout nouveau sur la question.
M. Marillon, demeurant à Bercy, rue de Charenton, n° 43, avait disparu le 13 janvier dernier. Toutes les recherches pour découvrir ses traces avaient été infructueuses, aucune des personnes chez lesquelles il avait l'habitude d'aller ne l'avait vu ; aucune affaire ne pouvait motiver une absence prolongée ; d'un autre côté, son caractère, sa position, son état mental, écartaient toute idée de suicide. On en était réduit à penser qu'il avait péri victime d'un crime ou d'un accident ; mais, dans cette dernière hypothèse, il aurait pu être facilement reconnu et ramené à son domicile, ou, tout au moins, porté à la Morgue. Toutes les probabilités étaient donc pour le crime ; c'est à cette pensée que l'on s'arrêta, d'autant mieux qu'on le croyait sorti pour aller faire un payement ; mais où et comment le crime avait-il été commis ? c'est ce que l'on ignorait. Sa fille eut alors recours à une somnambule, Mme Roger, qui en maintes autres circonstances semblables avait donné des preuves d'une lucidité remarquable que nous avons pu constater par nous-même. Mme Roger suivit M. Morillon depuis sa sortie de chez lui, à 3 heures de l'après-midi, jusque vers 7 heures du soir, au moment où il se disposait à rentrer ; elle le vit descendre ait bord de la Seine pour un motif pressant ; là, dit-elle, il a eu une attaque d'apoplexie, je le vois tomber sur une pierre, se faire une fente au front, puis couler dans l'eau ; ce n'est donc ni un suicide ni un crime ; je vois encore son argent et une clef dans la poche de son paletot. Elle indiqua l'endroit de l'accident ; mais, ajouta-t-elle, ce n'est pas là qu'il est maintenant, il a été facilement entraîné par le courant ; on le trouvera à tel endroit. C'est en effet ce qui eut lieu ; il avait la blessure au front indiquée ; la clef et l'argent étaient dans sa poche, et la position de ses vêtements indiquait suffisamment que la somnambule ne s'était pas trompée sur le motif qui l'avait conduit au bord de la rivière. Nous demandons où, dans tous ces détails, on peut voir la transmission d'une pensée quelconque. Voici un autre fait où l'indépendance somnambulique n'est pas moins évidente.
M. et Mme Belhomme, cultivateurs à Rueil, rue Saint-Denis, n° 19, avaient en réserve une somme d'environ 8 à 900 francs. Pour plus de sûreté, Mme Belhomme la plaça dans une armoire dont une partie était consacrée au vieux linge, l'autre au linge neuf, c'est dans cette dernière que l'argent fut placé ; à ce moment quelqu'un entra et Mme Belhomme se hâta de refermer l'armoire. A quelque temps de là, ayant eu besoin d'argent, elle se persuada l'avoir mis dans le vieux linge, parce que telle avait été son intention, dans l'idée que le vieux tenterait moins les voleurs ; mais, dans sa précipitation, à l'arrivée du visiteur, elle l'avait mis dans l'autre case. Elle était tellement convaincue de l'avoir placé dans le vieux linge, que l'idée de le chercher ailleurs ne lui vint même pas ; trouvant la place vide, et se rappelant la visite, elle crut avoir été remarquée et volée, et, dans cette persuasion, ses soupçons se portaient naturellement sur le visiteur.
Mme Belhomme se trouvait connaître Mlle Marillon, dont nous avons parlé plus haut, et lui conta sa mésaventure. Celle-ci lui ayant appris par quel moyen son père avait été retrouvé, l'engagea à s'adresser à la même somnambule, avant de faire aucune démarche. M. et Mme Belhomme se rendirent donc chez Mme Roger, bien convaincus d'avoir été volés, et dans l'espoir qu'on allait leur indiquer le voleur qui, dans leur opinion, ne pouvait être que le visiteur. Telle était donc leur pensée exclusive ; or la somnambule, après une description minutieuse de la localité, leur dit : « Vous n'êtes pas volés ; votre argent est intact dans votre armoire, seulement vous avez cru le mettre dans le vieux linge, tandis que vous l'avez mis dans le neuf ; retournez chez vous et vous l'y trouverez. » C'est en effet ce qui eut lieu.
Notre but, en rapportant ces deux faits, et nous pourrions en citer bien d'autres tout aussi concluants, a été de prouver que la clairvoyance somnambulique n'est pas toujours le reflet d'une pensée étrangère ; que le somnambule peut ainsi avoir une lucidité propre, tout à fait indépendante. Il en ressort des conséquences d'une haute gravité au point de vue psychologique ; nous y trouvons la clef de plus d'un problème que nous examinerons ultérieurement en traitant des rapports qui existent entre le somnambulisme et le Spiritisme, rapports qui jettent un jour tout nouveau sur la question.
Mille deuxième nuit des Contes arabes, dictée par l'Esprit de Frédéric Soulié. Préface de l’éditeur.
Dans le courant de l'année 1856, les expériences de manifestations spirites que l'on faisait chez M. B..., rue Lamartine, y attiraient une société nombreuse et choisie. Les Esprits qui se communiquaient dans ce cercle étaient plus ou moins sérieux ; quelques-uns y ont dit des choses admirables de sagesse, d'une profondeur remarquable, ce dont on peut juger par le Livre des Esprits, qui y fut commencé et fait en très grande partie. D'autres étaient moins graves ; leur humeur joviale se prêtait volontiers à la plaisanterie, mais à une plaisanterie de bonne compagnie et qui jamais ne s'est écartée des convenances. De ce nombre était Frédéric Soulié, qui est venu de lui-même et sans y être convié, mais dont les visites inattendues étaient toujours pour la société un passe-temps agréable. Sa conversation était spirituelle, fine, mordante, pleine d'à-propos, et n'a jamais démenti l'auteur des Mémoires du diable ; du reste, il ne s'est jamais flatté, et quand on lui adressait quelques questions un peu ardues de philosophie, il avouait franchement son insuffisance pour les résoudre, disant qu'il était encore trop attaché à la matière, et qu'il préférait le gai au sérieux.
Le médium qui lui servait d'interprète était Mlle Caroline B..., l'une des filles du maître de la maison, médium du genre exclusivement passif, n'ayant jamais la moindre conscience de ce qu'elle écrivait, et pouvant rire et causer à droite et à gauche, ce qu'elle faisait volontiers, pendant que sa main marchait. Le moyen mécanique employé a été pendant fort longtemps la corbeille-toupie décrite dans notre Livre des Médiums. Plus tard le médium s'est servi de la psychographie directe.
On demandera sans doute quelle preuve nous avions que l'Esprit qui se communiquait était celui de Frédéric Soulié plutôt que de tout autre. Ce n'est point ici le cas de traiter la question de l'identité des Esprits ; nous dirons seulement que celle de Soulié s'est révélée par ces mille circonstances de détail qui ne peuvent échapper à une observation attentive ; souvent un mot, une saillie, un fait personnel rapporté, venaient nous confirmer que c'était bien lui ; il a plusieurs fois donné sa signature, qui a été confrontée avec des originaux. Un jour on le pria de donner son portrait, et le médium, qui ne sait pas dessiner, qui ne l'a jamais vu, a tracé une esquisse d'une ressemblance frappante.
Personne, dans la réunion, n'avait eu des relations avec lui de son vivant ; pourquoi donc y venait-il sans y être appelé ? C'est qu'il s'était attaché à l'un des assistants sans jamais avoir voulu en dire le motif ; il ne venait que quand cette personne était présente ; il entrait avec elle et s'en allait avec elle ; de sorte que, quand elle n'y était pas, il n'y venait pas non plus, et, chose bizarre, c'est que quand il était là, il était très difficile, sinon impossible, d'avoir des communications avec d'autres Esprits ; l'Esprit familier de la maison lui-même cédait la place, disant que, par politesse, il devait faire les honneurs de chez lui.
Un jour, il annonça qu'il nous donnerait un roman de sa façon, et en effet, quelque temps après, il commença un récit dont le début promettait beaucoup ; le sujet était druidique et la scène se passait dans l'Armorique au temps de la domination romaine ; malheureusement, il paraît qu'il fut effrayé de la tâche qu'il avait entreprise, car, il faut bien le dire, un travail assidu n'était pas son fort, et il avouait qu'il se complaisait plus volontiers dans la paresse. Après quelques pages dictées, il laissa là son roman, mais il annonça qu'il nous en écrirait un autre qui lui donnerait moins de peine : c'est alors qu'il écrivit le conte dont nous commençons la publication. Plus de trente personnes ont assisté à cette production et peuvent en attester l'origine. Nous ne la donnons point comme une oeuvre de haute portée philosophique, mais comme un curieux échantillon d'un travail de longue haleine obtenu des Esprits. On remarquera comme tout est suivi, comme tout s'y enchaîne avec un art admirable. Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que ce récit a été repris à cinq ou six fois différentes, et souvent après des interruptions de deux ou trois semaines ; or, à chaque reprise, le récit se suivait comme s'il eût été écrit tout d'un trait, sans ratures, sans renvois et sans qu'on eût besoin de rappeler ce qui avait précédé. Nous le donnons tel qu'il est sorti du crayon du médium, sans avoir rien changé, ni au style, ni aux idées, ni à l'enchaînement des faits. Quelques répétitions de mots et quelques petits péchés d'orthographe avaient été signalés, Soulié nous a personnellement chargé de les rectifier, disant qu'il nous assisterait en cela ; quand tout a été terminé, il a voulu revoir l'ensemble, auquel il n'a fait que quelques rectifications sans importance, et donné l'autorisation de le publier comme on l'entendrait, faisant, dit-il, volontiers l'abandon de ses droits d'auteur. Toutefois, nous n'avons pas cru devoir l'insérer dans notre Revue sans le consentement formel de son ami posthume à qui il appartenait de droit, puisque c'est à sa présence et à sa sollicitation que nous étions redevable de cette production d'outre-tombe. Le titre a été donné par l'Esprit de Frédéric Soulié lui-même.
Le médium qui lui servait d'interprète était Mlle Caroline B..., l'une des filles du maître de la maison, médium du genre exclusivement passif, n'ayant jamais la moindre conscience de ce qu'elle écrivait, et pouvant rire et causer à droite et à gauche, ce qu'elle faisait volontiers, pendant que sa main marchait. Le moyen mécanique employé a été pendant fort longtemps la corbeille-toupie décrite dans notre Livre des Médiums. Plus tard le médium s'est servi de la psychographie directe.
On demandera sans doute quelle preuve nous avions que l'Esprit qui se communiquait était celui de Frédéric Soulié plutôt que de tout autre. Ce n'est point ici le cas de traiter la question de l'identité des Esprits ; nous dirons seulement que celle de Soulié s'est révélée par ces mille circonstances de détail qui ne peuvent échapper à une observation attentive ; souvent un mot, une saillie, un fait personnel rapporté, venaient nous confirmer que c'était bien lui ; il a plusieurs fois donné sa signature, qui a été confrontée avec des originaux. Un jour on le pria de donner son portrait, et le médium, qui ne sait pas dessiner, qui ne l'a jamais vu, a tracé une esquisse d'une ressemblance frappante.
Personne, dans la réunion, n'avait eu des relations avec lui de son vivant ; pourquoi donc y venait-il sans y être appelé ? C'est qu'il s'était attaché à l'un des assistants sans jamais avoir voulu en dire le motif ; il ne venait que quand cette personne était présente ; il entrait avec elle et s'en allait avec elle ; de sorte que, quand elle n'y était pas, il n'y venait pas non plus, et, chose bizarre, c'est que quand il était là, il était très difficile, sinon impossible, d'avoir des communications avec d'autres Esprits ; l'Esprit familier de la maison lui-même cédait la place, disant que, par politesse, il devait faire les honneurs de chez lui.
Un jour, il annonça qu'il nous donnerait un roman de sa façon, et en effet, quelque temps après, il commença un récit dont le début promettait beaucoup ; le sujet était druidique et la scène se passait dans l'Armorique au temps de la domination romaine ; malheureusement, il paraît qu'il fut effrayé de la tâche qu'il avait entreprise, car, il faut bien le dire, un travail assidu n'était pas son fort, et il avouait qu'il se complaisait plus volontiers dans la paresse. Après quelques pages dictées, il laissa là son roman, mais il annonça qu'il nous en écrirait un autre qui lui donnerait moins de peine : c'est alors qu'il écrivit le conte dont nous commençons la publication. Plus de trente personnes ont assisté à cette production et peuvent en attester l'origine. Nous ne la donnons point comme une oeuvre de haute portée philosophique, mais comme un curieux échantillon d'un travail de longue haleine obtenu des Esprits. On remarquera comme tout est suivi, comme tout s'y enchaîne avec un art admirable. Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que ce récit a été repris à cinq ou six fois différentes, et souvent après des interruptions de deux ou trois semaines ; or, à chaque reprise, le récit se suivait comme s'il eût été écrit tout d'un trait, sans ratures, sans renvois et sans qu'on eût besoin de rappeler ce qui avait précédé. Nous le donnons tel qu'il est sorti du crayon du médium, sans avoir rien changé, ni au style, ni aux idées, ni à l'enchaînement des faits. Quelques répétitions de mots et quelques petits péchés d'orthographe avaient été signalés, Soulié nous a personnellement chargé de les rectifier, disant qu'il nous assisterait en cela ; quand tout a été terminé, il a voulu revoir l'ensemble, auquel il n'a fait que quelques rectifications sans importance, et donné l'autorisation de le publier comme on l'entendrait, faisant, dit-il, volontiers l'abandon de ses droits d'auteur. Toutefois, nous n'avons pas cru devoir l'insérer dans notre Revue sans le consentement formel de son ami posthume à qui il appartenait de droit, puisque c'est à sa présence et à sa sollicitation que nous étions redevable de cette production d'outre-tombe. Le titre a été donné par l'Esprit de Frédéric Soulié lui-même.
A. K.
Une nuit oubliée
I Il y avait, à Bagdad, une femme du temps d'Aladin ; c'est son histoire que je vais te conter :
Dans un des faubourgs de Bagdad demeurait, non loin du palais de la sultane Shéhérazad, une vieille femme nommée Manouza. Cette vieille femme était un sujet de terreur pour toute la ville, car elle était sorcière et des plus effrayantes. Il se passait la nuit, chez elle, des choses si épouvantables que, sitôt le soleil couché, personne ne se serait hasardé à passer devant sa demeure, à moins que ce ne fût un amant à la recherche d'un philtre pour une maîtresse rebelle, ou une femme abandonnée en quête d'un baume pour mettre sur la blessure que son amant lui avait faite en la délaissant.
Un jour donc que le sultan était plus triste que d'habitude, et que la ville était dans une grande désolation, parce qu'il voulait faire périr la sultane favorite, et qu'à son exemple tous les maris étaient infidèles, un jeune homme quitta une magnifique habitation située à côté du palais de la sultane. Ce jeune homme portait une tunique et un turban de couleur sombre ; mais sous ces simples habits il avait un grand air de distinction. Il cherchait à se cacher le long des maisons comme un voleur ou un amant craignant d'être surpris. Il dirigeait ses pas du côté de Manouza la sorcière. Une vive anxiété était peinte sur ses traits, qui décelaient la préoccupation dont il était agité. Il traversait les rues, les places avec rapidité, et pourtant avec une grande précaution.
Arrivé près de la porte, il hésite quelques minutes, puis se décide à frapper. Pendant un quart d'heure il eut de mortelles angoisses, car il entendit des bruits que nulle oreille humaine n'avait encore entendus ; une meute de chiens hurlant avec férocité, des cris lamentables, des chants d'hommes et de femmes, comme à la fin d'une orgie, et, pour éclairer tout ce tumulte, des lumières courant du haut en bas de la maison, des feux follets de toutes les couleurs ; puis, comme par enchantement, tout cessa : les lumières s'éteignirent et la porte s'ouvrit.
II Le visiteur resta un instant interdit, ne sachant s'il devait entrer dans le couloir sombre qui s'offrait à sa vue. Enfin, s'armant de courage, il y pénétra hardiment. Après avoir marché à tâtons l'espace de trente pas, il se trouva en face d'une porte donnant dans une salle éclairée seulement par une lampe de cuivre à trois becs, suspendue au milieu du plafond.
La maison qui, d'après le bruit qu'il avait entendu de la rue, semblait devoir être très habitée, avait maintenant l'air désert ; cette salle qui était immense, et devait par sa construction être la base de l'édifice, était vide, si l'on en excepte les animaux empaillés de toutes sortes dont elle était garnie.
Au milieu de cette salle était une petite table couverte de grimoires, et devant cette table, dans un grand fauteuil, était assise une petite vieille, haute à peine de deux coudées, et tellement emmitouflée de châles et de turbans, qu'il était impossible de voir ses traits. A l'approche de l'étranger, elle releva la tête et montra à ses yeux le plus effroyable visage qu'il se peut imaginer.
« Te voilà, seigneur Noureddin, dit-elle en fixant ses yeux d'hyène sur le jeune homme qui entrait ; approche ! Voilà plusieurs jours que mon crocodile aux yeux de rubis m'a annoncé ta visite. Dis si c'est un philtre qu'il te faut ; dis si c'est une fortune. Mais, que dis-je, une fortune ! la tienne ne fait-elle pas envie au sultan lui-même ? N'es-tu pas le plus riche comme tu es le plus beau ? C'est probablement un philtre que tu viens chercher. Quelle est donc la femme qui ose t'être cruelle ? Enfin je ne dois rien dire ; je ne sais rien, je suis prête à écouter tes peines et à te donner les remèdes nécessaires, si toutefois ma science a le pouvoir de t'être utile. Mais que fais-tu donc là à me regarder ainsi sans avancer ? Aurais-tu peur ? Je t'effraye peut-être ? Telle que tu me vois, j'étais belle autrefois ; plus belle que toutes les femmes existantes aujourd'hui dans Bagdad ; ce sont les chagrins qui m'ont rendue si laide. Mais que te font mes souffrances ? Approche ; je t'écoute ; seulement je ne puis te donner que dix minutes, ainsi dépêche-toi. »
Noureddin n'était pas très rassuré ; cependant, ne voulant pas montrer aux yeux d'une vieille femme le trouble qui l'agitait, il s'avança et lui dit : Femme, je viens pour une chose grave ; de ta réponse dépend le sort de ma vie ; tu vas décider de mon bonheur ou de ma mort. Voici ce dont il s'agit :
« Le sultan veut faire mourir Nazara ; je l'aime ; je vais te conter d'où vient cet amour, et je viens te demander d'apporter un remède, non à ma douleur, mais à sa malheureuse position, car je ne veux pas qu'elle meure. Tu sais que mon palais est voisin de celui du sultan ; nos jardins se touchent. Il y a environ six lunes qu'un soir, me promenant dans ces jardins, j'entendis une charmante musique accompagnant la plus délicieuse voix de femme qui se soit jamais entendue. Voulant savoir d'où cela provenait, je m'approchai des jardins voisins, et je reconnus que c'était d'un cabinet de verdure habité par la sultane favorite. Je restai plusieurs jours absorbé par ces sons mélodieux ; nuit et jour je rêvais à la belle inconnue dont la voix m'avait séduit ; car il faut te dire que, dans ma pensée, elle ne pouvait être que belle. Je me promenais chaque soir dans les mêmes allées où j'avais entendu cette ravissante harmonie ; pendant cinq jours ce fut en vain ; enfin le sixième jour la musique se fit entendre de nouveau ; alors n'y pouvant plus tenir, je m'approchai du mur et je vis qu'il fallait peu d'efforts pour l'escalader.
« Après quelques moments d'hésitation, je pris un grand parti : je passai de chez moi dans le jardin voisin ; là, je vis, non une femme, mais une houri, la houri favorite de Mahomet, une merveille enfin ! A ma vue elle s'effaroucha bien un peu, mais, me jetant à ses pieds, je la conjurai de n'avoir aucune crainte et de m'écouter ; je lui dis que son chant m'avait attiré et l'assurai qu'elle ne trouverait dans mes actions que le plus profond respect ; elle eut la bonté de m'entendre.
« La première soirée se passa à parler de musique. Je chantais aussi, je lui offris de l'accompagner ; elle y consentit, et nous nous donnâmes rendez-vous pour le lendemain à la même heure. A cette heure elle était plus tranquille ; le sultan était à son conseil, et la surveillance moins grande. Les deux ou trois premières nuits se passèrent tout à la musique ; mais la musique est la voix des amants, et dès le quatrième jour nous n'étions plus étrangers l'un à l'autre : nous nous aimions. Qu'elle était belle ! Que son âme était belle aussi ! Nous fîmes maintes fois le projet de nous évader. Hélas ! pourquoi ne l'avons-nous pas exécuté ? Je serais moins malheureux, et elle ne serait pas près de succomber. Cette belle fleur ne serait pas au moment d'être moissonnée par la faux qui va la ravir à la lumière.
La suite au prochain numéro.
Dans un des faubourgs de Bagdad demeurait, non loin du palais de la sultane Shéhérazad, une vieille femme nommée Manouza. Cette vieille femme était un sujet de terreur pour toute la ville, car elle était sorcière et des plus effrayantes. Il se passait la nuit, chez elle, des choses si épouvantables que, sitôt le soleil couché, personne ne se serait hasardé à passer devant sa demeure, à moins que ce ne fût un amant à la recherche d'un philtre pour une maîtresse rebelle, ou une femme abandonnée en quête d'un baume pour mettre sur la blessure que son amant lui avait faite en la délaissant.
Un jour donc que le sultan était plus triste que d'habitude, et que la ville était dans une grande désolation, parce qu'il voulait faire périr la sultane favorite, et qu'à son exemple tous les maris étaient infidèles, un jeune homme quitta une magnifique habitation située à côté du palais de la sultane. Ce jeune homme portait une tunique et un turban de couleur sombre ; mais sous ces simples habits il avait un grand air de distinction. Il cherchait à se cacher le long des maisons comme un voleur ou un amant craignant d'être surpris. Il dirigeait ses pas du côté de Manouza la sorcière. Une vive anxiété était peinte sur ses traits, qui décelaient la préoccupation dont il était agité. Il traversait les rues, les places avec rapidité, et pourtant avec une grande précaution.
Arrivé près de la porte, il hésite quelques minutes, puis se décide à frapper. Pendant un quart d'heure il eut de mortelles angoisses, car il entendit des bruits que nulle oreille humaine n'avait encore entendus ; une meute de chiens hurlant avec férocité, des cris lamentables, des chants d'hommes et de femmes, comme à la fin d'une orgie, et, pour éclairer tout ce tumulte, des lumières courant du haut en bas de la maison, des feux follets de toutes les couleurs ; puis, comme par enchantement, tout cessa : les lumières s'éteignirent et la porte s'ouvrit.
II Le visiteur resta un instant interdit, ne sachant s'il devait entrer dans le couloir sombre qui s'offrait à sa vue. Enfin, s'armant de courage, il y pénétra hardiment. Après avoir marché à tâtons l'espace de trente pas, il se trouva en face d'une porte donnant dans une salle éclairée seulement par une lampe de cuivre à trois becs, suspendue au milieu du plafond.
La maison qui, d'après le bruit qu'il avait entendu de la rue, semblait devoir être très habitée, avait maintenant l'air désert ; cette salle qui était immense, et devait par sa construction être la base de l'édifice, était vide, si l'on en excepte les animaux empaillés de toutes sortes dont elle était garnie.
Au milieu de cette salle était une petite table couverte de grimoires, et devant cette table, dans un grand fauteuil, était assise une petite vieille, haute à peine de deux coudées, et tellement emmitouflée de châles et de turbans, qu'il était impossible de voir ses traits. A l'approche de l'étranger, elle releva la tête et montra à ses yeux le plus effroyable visage qu'il se peut imaginer.
« Te voilà, seigneur Noureddin, dit-elle en fixant ses yeux d'hyène sur le jeune homme qui entrait ; approche ! Voilà plusieurs jours que mon crocodile aux yeux de rubis m'a annoncé ta visite. Dis si c'est un philtre qu'il te faut ; dis si c'est une fortune. Mais, que dis-je, une fortune ! la tienne ne fait-elle pas envie au sultan lui-même ? N'es-tu pas le plus riche comme tu es le plus beau ? C'est probablement un philtre que tu viens chercher. Quelle est donc la femme qui ose t'être cruelle ? Enfin je ne dois rien dire ; je ne sais rien, je suis prête à écouter tes peines et à te donner les remèdes nécessaires, si toutefois ma science a le pouvoir de t'être utile. Mais que fais-tu donc là à me regarder ainsi sans avancer ? Aurais-tu peur ? Je t'effraye peut-être ? Telle que tu me vois, j'étais belle autrefois ; plus belle que toutes les femmes existantes aujourd'hui dans Bagdad ; ce sont les chagrins qui m'ont rendue si laide. Mais que te font mes souffrances ? Approche ; je t'écoute ; seulement je ne puis te donner que dix minutes, ainsi dépêche-toi. »
Noureddin n'était pas très rassuré ; cependant, ne voulant pas montrer aux yeux d'une vieille femme le trouble qui l'agitait, il s'avança et lui dit : Femme, je viens pour une chose grave ; de ta réponse dépend le sort de ma vie ; tu vas décider de mon bonheur ou de ma mort. Voici ce dont il s'agit :
« Le sultan veut faire mourir Nazara ; je l'aime ; je vais te conter d'où vient cet amour, et je viens te demander d'apporter un remède, non à ma douleur, mais à sa malheureuse position, car je ne veux pas qu'elle meure. Tu sais que mon palais est voisin de celui du sultan ; nos jardins se touchent. Il y a environ six lunes qu'un soir, me promenant dans ces jardins, j'entendis une charmante musique accompagnant la plus délicieuse voix de femme qui se soit jamais entendue. Voulant savoir d'où cela provenait, je m'approchai des jardins voisins, et je reconnus que c'était d'un cabinet de verdure habité par la sultane favorite. Je restai plusieurs jours absorbé par ces sons mélodieux ; nuit et jour je rêvais à la belle inconnue dont la voix m'avait séduit ; car il faut te dire que, dans ma pensée, elle ne pouvait être que belle. Je me promenais chaque soir dans les mêmes allées où j'avais entendu cette ravissante harmonie ; pendant cinq jours ce fut en vain ; enfin le sixième jour la musique se fit entendre de nouveau ; alors n'y pouvant plus tenir, je m'approchai du mur et je vis qu'il fallait peu d'efforts pour l'escalader.
« Après quelques moments d'hésitation, je pris un grand parti : je passai de chez moi dans le jardin voisin ; là, je vis, non une femme, mais une houri, la houri favorite de Mahomet, une merveille enfin ! A ma vue elle s'effaroucha bien un peu, mais, me jetant à ses pieds, je la conjurai de n'avoir aucune crainte et de m'écouter ; je lui dis que son chant m'avait attiré et l'assurai qu'elle ne trouverait dans mes actions que le plus profond respect ; elle eut la bonté de m'entendre.
« La première soirée se passa à parler de musique. Je chantais aussi, je lui offris de l'accompagner ; elle y consentit, et nous nous donnâmes rendez-vous pour le lendemain à la même heure. A cette heure elle était plus tranquille ; le sultan était à son conseil, et la surveillance moins grande. Les deux ou trois premières nuits se passèrent tout à la musique ; mais la musique est la voix des amants, et dès le quatrième jour nous n'étions plus étrangers l'un à l'autre : nous nous aimions. Qu'elle était belle ! Que son âme était belle aussi ! Nous fîmes maintes fois le projet de nous évader. Hélas ! pourquoi ne l'avons-nous pas exécuté ? Je serais moins malheureux, et elle ne serait pas près de succomber. Cette belle fleur ne serait pas au moment d'être moissonnée par la faux qui va la ravir à la lumière.
La suite au prochain numéro.
Le général Marceau La Gazette de Cologne publie l'histoire suivante, qui lui est communiquée par son correspondant de Coblentz, et qui forme actuellement le sujet de toutes les conversations. Le fait est rapporté par la Patrie du 10 octobre 1858.
« On sait qu'au-dessous du fort de l'Empereur François, auprès de la route de Cologne, se trouve le monument du général français Marceau, qui tomba à Altenkirchen et fut enseveli à Coblentz, sur le mont Saint-Pierre, où se trouve maintenant la partie principale du fort. Le monument du général, qui est une pyramide tronquée, fut plus tard enlevé lorsqu'on commença les fortifications de Coblentz. Toutefois, sur l'ordre exprès du feu roi Frédéric III, il fut reconstruit à la place où il se trouve actuellement.
« M. de Stramberg, qui dans son Reinischen antiquarius donne une biographie très détaillée de Marceau, raconte que des personnes prétendent avoir vu le général, de nuit, à différentes reprises, monté sur un cheval et portant le manteau blanc des chasseurs français. Depuis quelque temps on se disait dans Coblentz que Marceau quittait son tombeau, et que nombre de gens assuraient l'avoir vu. Il y a quelques jours, un soldat, en faction sur le Pétersberg (le mont Saint-Pierre), voit venir à lui un cavalier blanc, monté sur un cheval blanc. Il crie : Qui vive ? N'ayant pas reçu de réponse à trois interpellations, il tire, et tombe évanoui. Une patrouille accourt au coup de feu et trouve la sentinelle sans connaissance. Portée à l'hôpital où elle tomba dangereusement malade, elle put cependant faire le récit de ce qu'elle avait vu. Une autre version dit qu'elle mourut des suites de l'aventure. Voilà l'anecdote telle qu'elle peut être certifiée par toute la ville de Coblentz. »
ALLAN KARDEC.
« On sait qu'au-dessous du fort de l'Empereur François, auprès de la route de Cologne, se trouve le monument du général français Marceau, qui tomba à Altenkirchen et fut enseveli à Coblentz, sur le mont Saint-Pierre, où se trouve maintenant la partie principale du fort. Le monument du général, qui est une pyramide tronquée, fut plus tard enlevé lorsqu'on commença les fortifications de Coblentz. Toutefois, sur l'ordre exprès du feu roi Frédéric III, il fut reconstruit à la place où il se trouve actuellement.
« M. de Stramberg, qui dans son Reinischen antiquarius donne une biographie très détaillée de Marceau, raconte que des personnes prétendent avoir vu le général, de nuit, à différentes reprises, monté sur un cheval et portant le manteau blanc des chasseurs français. Depuis quelque temps on se disait dans Coblentz que Marceau quittait son tombeau, et que nombre de gens assuraient l'avoir vu. Il y a quelques jours, un soldat, en faction sur le Pétersberg (le mont Saint-Pierre), voit venir à lui un cavalier blanc, monté sur un cheval blanc. Il crie : Qui vive ? N'ayant pas reçu de réponse à trois interpellations, il tire, et tombe évanoui. Une patrouille accourt au coup de feu et trouve la sentinelle sans connaissance. Portée à l'hôpital où elle tomba dangereusement malade, elle put cependant faire le récit de ce qu'elle avait vu. Une autre version dit qu'elle mourut des suites de l'aventure. Voilà l'anecdote telle qu'elle peut être certifiée par toute la ville de Coblentz. »
ALLAN KARDEC.