Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1858

Allan Kardec

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Juin

Nous prions nos lecteurs de vouloir bien se rapporter au premier article que nous avons publié sur ce sujet ; celui-ci, en étant la continuation, serait peu intelligible si l'on n'en avait pas le commencement présent à la pensée.

Les explications que nous avons données des manifestations physiques sont, comme nous l'avons dit, fondées sur l'observation et une déduction logique des faits : nous avons conclu d'après ce que nous vu. Maintenant comment s'opèrent, dans la matière éthérée, les modifications qui vont la rendre perceptible et tangible ? Nous allons d'abord laisser parler les Esprits que nous avons interrogés à ce sujet, nous y ajouterons nos propres remarques. Les réponses suivantes nous ont été données par l'Esprit de saint Louis ; elles concordent avec ce que d'autres nous avaient dit précédemment.

1. Comment un Esprit peut-il apparaître avec la solidité d'un corps vivant ? - Il combine une partie du fluide universel avec le fluide que dégage le médium propre à cet effet. Ce fluide revêt à sa volonté la forme qu'il désire, mais généralement cette forme est impalpable.

2. Quelle est la nature de ce fluide ? - R. Fluide, c'est tout dire.

3. Ce fluide est-il matériel ? - R. Semi-matériel.

4. Est-ce ce fluide qui compose le périsprit ? - R. Oui, c'est la liaison de l'Esprit à la matière.

5. Ce fluide est-il celui qui donne la vie, le principe vital ? - R. Toujours lui ; j'ai dit liaison.

6. Ce fluide est-il une émanation de la Divinité ? - R. Non.

7. Est-ce une création de la Divinité ? - R. Oui ; tout est créé, excepté Dieu lui-même.

8. Le fluide universel a-t-il quelque rapport avec le fluide électrique dont nous connaissons les effets ? - R. Oui, c'est son élément.

9. La substance éthérée qui se trouve entre les planètes est-elle le fluide universel dont il est question ? - R. Il entoure les mondes : sans le principe vital, nul ne vivrait. Si un homme s'élevait au-delà, de l'enveloppe fluidique qui environne les globes, il périrait, car le principe vital se retirerait de lui pour rejoindre la masse. Ce fluide vous anime, c'est lui que vous respirez.

10. Ce fluide est-il le même dans tous les globes ? - R. C'est le même principe, mais plus ou moins éthéré, selon la nature des globes ; le vôtre est un des plus matériels.

11. Puisque c'est ce fluide qui compose le périsprit, il paraît y être dans une sorte d'état de condensation qui le rapproche jusqu'à un certain point de la matière ? - R. Oui, jusqu'à un certain point, car il n'en a pas les propriétés ; il est plus ou moins condensé, selon les mondes.

12. Sont-ce les Esprits solidifiés qui enlèvent une table ? - R. Cette question n'amènera pas encore ce que vous désirez. Lorsqu'une table se meut sous vos mains, l'Esprit que votre Esprit évoque va puiser dans le fluide universel de quoi animer cette table d'une vie factice. Les Esprits qui produisent ces sortes d'effets sont toujours des Esprits inférieurs qui ne sont pas encore entièrement dégagés de leur fluide ou périsprit. La table étant ainsi préparée à leur gré (au gré des Esprits frappeurs), l'Esprit l'attire et la meut sous l'influence de son propre fluide dégagé par sa volonté. Lorsque la masse qu'il veut soulever ou mouvoir est trop pesante pour lui, il appelle à son aide des Esprits qui se trouvent dans les mêmes conditions que lui. Je crois m'être expliqué assez clairement pour me faire comprendre.

13. Les Esprits qu'il appelle à son aide lui sont-ils inférieurs ? - R. Egaux, presque toujours ; souvent ils viennent d'eux-mêmes.

14. Nous comprenons que les Esprits supérieurs ne s'occupent pas de choses qui sont au-dessous d'eux ; mais nous demandons si, en raison de ce qu'ils sont dématérialisés, ils auraient la puissance de le faire s'ils en avaient la volonté ? - R. Ils ont la force morale comme les autres ont la force physique ; quand ils ont besoin de cette force, ils se servent de ceux qui la possèdent. Ne vous a-t-on pas dit qu'ils se servent des Esprits inférieurs comme vous le faites de portefaix ?

15. D'où vient la puissance spéciale de M. Home ? - R. De son organisation.

16. Qu'a-t-elle de particulier ? - R. Cette question n'est pas précise.

17. Nous demandons s'il s'agit de son organisation physique ou morale ? - R. J'ai dit organisation.

18. Parmi les personnes présentes, en est-il qui puissent avoir la même faculté que M. Home ? - R. Elles l'ont à quelque degré. N'est-il pas un de vous qui ait fait mouvoir une table ?

19. Lorsqu'une personne fait mouvoir un objet, est-ce toujours par le concours d'un Esprit étranger, ou bien l'action peut-elle provenir du médium seul ? - R Quelque fois l'Esprit du médium peut agir seul, mais le plus souvent c'est avec l'aide des Esprits évoqués ; cela est facile à reconnaître.

20. Comment se fait-il que les Esprits apparaissent avec les vêtements qu'ils avaient sur la terre ? - R. Ils n'en ont souvent que l'apparence. D'ailleurs, que de phénomènes n'avez-vous pas parmi vous sans solution ! Comment se fait-il que le vent, qui est impalpable, renverse et brise l'arbre composé de matière solide ?

21. Qu'entendez-vous en disant que ces vêtements ne sont qu'une apparence ? - R. Au toucher on ne sent rien.

22. Si nous avons bien compris ce que vous nous avez dit, le principe vital réside dans le fluide universel ; l'Esprit puise dans ce fluide l'enveloppe semi-matérielle qui constitue son périsprit, et c'est par le moyen de ce fluide qu'il agit sur la matière inerte. Est-ce bien cela ? - R. Oui ; c'est-à-dire qu'il anime la matière d'une espèce de vie factice ; la matière s'anime de la vie animale. La table qui se meut sous vos mains vit et souffre comme l'animal ; elle obéit d'elle-même à l'être intelligent. Ce n'est pas lui qui la dirige comme l'homme fait d'un fardeau ; lorsque la table s'enlève, ce n'est pas l'Esprit qui la soulève, c'est la table animée qui obéit à l'Esprit intelligent.

23. Puisque le fluide universel est la source de la vie, est-il en même temps la source de l'intelligence ? - R. Non ; le fluide n'anime que la matière.

Cette théorie des manifestations physiques offre plusieurs points de contact avec celle que nous avons donnée, mais elle en diffère aussi sous certains rapports. De l'une et de l'autre il ressort ce point capital que le fluide universel, dans lequel réside le principe de la vie, est l'agent principal de ces manifestations, et que cet agent reçoit son impulsion de l'Esprit, que celui-ci soit incarné ou errant. Ce fluide condensé constitue le périsprit ou enveloppe semi-matérielle de l'esprit. Dans l'état d'incarnation, ce périsprit est uni à la matière du corps ; dans l'état d'erraticité, il est libre. Or, deux questions se présentent ici : celle de l'apparition des Esprits, et celle du mouvement imprimé aux corps solides.

A l'égard de la première, nous dirons que, dans l'état normal, la matière éthérée du périsprit échappe à la perception de nos organes ; l'âme seule peut la voir, soit en rêve, soit en somnambulisme, soit même dans le demi-sommeil, en un mot toutes les fois qu'il y a suspension totale ou partielle de l'activité des sens. Quand l'Esprit est incarné, la substance du périsprit est plus ou moins intimement liée à la matière du corps, plus ou moins adhérente, si l'on peut s'exprimer ainsi. Chez certaines personnes, il y a en quelque sorte émanation de ce fluide par suite de leur organisation, et c'est là, à proprement parler, ce qui constitue les médiums à influences physiques. Ce fluide émané du corps se combine, selon des lois qui nous sont inconnues, avec celui qui forme l'enveloppe semi-matérielle d'un Esprit étranger. Il en résulte une modification, une sorte de réaction moléculaire qui en change momentanément les propriétés, au point de le rendre visible, et dans quelques cas tangible. Cet effet peut se produire avec ou sans le concours de la volonté du médium ; c'est ce qui distingue les médiums naturels des médiums facultatifs. L'émission du fluide peut être plus ou moins abondante : de là les médiums plus ou moins puissants ; elle n'est point permanente, ce qui explique l'intermittence de la puissance. Si l'on tient compte enfin du degré d'affinité qui peut exister entre le fluide du médium et celui de tel ou tel Esprit, on concevra que son action peut s'exercer sur les uns et non sur les autres.

Ce que nous venons de dire s'applique évidemment aussi à la puissance médianimique concernant le mouvement des corps solides ; reste à savoir comment s'opère ce mouvement. Selon les réponses que nous avons rapportées ci-dessus, la question se présente sous un jour tout nouveau ; ainsi, quand un objet est mis en mouvement, enlevé ou lancé en l'air, ce ne serait point l'Esprit qui le saisit, le pousse ou le soulève, comme nous le ferions avec la main ; il le sature, pour ainsi dire, de son fluide par sa combinaison avec celui du médium, et l'objet, ainsi momentanément vivifié, agit comme le ferait un être vivant, avec cette différence que, n'ayant pas de volonté propre, il suit l'impulsion de la volonté de l'Esprit, et cette volonté peut être celle de l'Esprit du médium, tout aussi bien que celle d'un Esprit étranger, et quelquefois de tous les deux, agissant de concert, selon qu'ils sont ou non sympathiques. La sympathie ou l'antipathie qui peut exister entre le médium et les Esprits qui s'occupent de ces effets matériels explique pourquoi tous ne sont pas aptes à les provoquer.

Puisque le fluide vital, poussé en quelque sorte par l'Esprit, donne une vie factice et momentanée aux corps inertes, que le périsprit n'est autre chose que ce même fluide vital, il s'ensuit que lorsque l'Esprit est incarné, c'est lui qui donne la vie au corps, au moyen de son périsprit ; il y reste uni tant que l'organisation le permet ; quand il se retire, le corps meurt. Maintenant si, au lieu d'une table, on taille le bois en statue, et qu'on agisse sur cette statue comme sur une table, on aura une statue qui se remuera, qui frappera, qui répondra par ses mouvements et ses coups ; on aura, en un mot, une statue momentanément animée d'une vie artificielle. Quelle lumière cette théorie ne jette-t-elle pas sur une foule de phénomènes jusqu'alors inexpliqué ! que d'allégories et d'effets mystérieux n'explique-t-elle pas ! C'est toute une philosophie.





Nous extrayons les passages suivants d'une nouvelle brochure allemande, publiée en 1853, par M. Blanck, rédacteur du journal de Bergzabern, sur l'Esprit frappeur dont nous avons parlé dans notre numéro du mois de mai. Les phénomènes extraordinaires qui y sont relatés, et dont l'authenticité ne saurait être révoquée en doute, prouvent que nous n'avons rien à envier, sous ce rapport, à l'Amérique. On remarquera dans ce récit le soin minutieux avec lequel les faits ont été observés. Il serait à désirer qu'on apportât toujours, en pareil cas, la même attention et la même prudence. On sait aujourd'hui que les phénomènes de ce genre ne sont point le résultat d'un état pathologique, mais ils dénotent toujours chez ceux en qui ils se manifestent une excessive sensibilité facile à surexciter. L'état pathologique n'est point la cause efficiente, mais il peut être consécutif. La manie de l'expérimentation, dans les cas analogues, a plus d'une fois causé des accidents graves qui n'auraient point eu lieu si l'on eût laissé la nature à elle-même. On trouvera dans notre Instruction pratique sur les manifestations spirites, les conseils nécessaires à cet effet. Nous suivons M. Blanck dans son compte rendu.

« Les lecteurs de notre brochure intitulée les Esprits frappeurs ont vu que les manifestations de Philippine Senger ont un caractère énigmatique et extraordinaire. Nous avons raconté ces faits merveilleux depuis leur début jusqu'au moment où l'enfant fut conduite au médecin royal du canton. Maintenant nous allons examiner ce qui s'est passé depuis jusqu'à ce jour.

Lorsque l'enfant quitta la demeure du docteur Bentner pour entrer à la maison paternelle, le frappement et le grattement recommencèrent chez le père Senger ; jusqu'à cette heure, et même depuis la guérison complète de la jeune fille, les manifestations ont été plus marquées, et ont changé de nature[1]. Dans ce mois de novembre (1852), l'Esprit commença à siffler ; ensuite on entendit un bruit comparable à celui de la roue d'une brouette tournant sur son axe sec et rouillé ; mais le plus extraordinaire de tout, c'est sans contredit le bouleversement des meubles dans la chambre de Philippine, désordre qui dura pendant quinze jours. Une courte description des lieux me paraît nécessaire. Cette chambre a environ 18 pieds de long sur 8 de large ; on y arrive par la chambre commune. La porte qui fait communiquer ces deux pièces s'ouvre à droite. Le lit de l'enfant était placé à droite ; au milieu une armoire, et dans le coin de gauche la table de travail de Senger, dans laquelle sont pratiquées deux cavités circulaires, fermées par des couvercles.

Le soir où commença le remue-ménage, madame Senger et sa fille aînée Francisque étaient assises dans la première chambre, près d'une table, et occupées à écosser des haricots ; tout à coup un petit rouet lancé de la chambre à coucher tomba près d'elles. Elles en furent d'autant plus effrayées qu'elles savaient que personne autre que Philippine, alors plongée dans le sommeil, ne se trouvait dans la chambre ; de plus, le rouet avait été lancé du côté gauche, tandis qu'il se trouvait sur le rayon d'un petit meuble placé à droite. S'il fût parti du lit, il aurait dû rencontrer la porte et s'y arrêter ; il demeurait donc évident que l'enfant n'était pour rien dans ce fait. Pendant que la famille Senger exprimait sa surprise sur cet événement, quelque chose tomba de la table sur le sol : c'était un morceau de drap qui, auparavant, trempait dans une cuvette pleine d'eau. A côté du rouet gisait aussi une tête de pipe, l'autre moitié était restée sur la table. Ce qui rendait la chose encore plus incompréhensible, c'est que la porte de l'armoire où était le rouet avant d'être lancé se trouvait fermée, que l'eau de la cuvette n'était point agitée, et qu'aucune goutte n'avait été répandue sur la table. Tout à coup l'enfant, toujours endormie, crie de son lit : Père, va-t'en, il jette ! Sortez ! il vous jetterait aussi. Ils obéirent à cette injonction ; à peine furent-ils dans la première chambre que la tête de pipe y fut lancée avec une grande force, sans pourtant qu'elle se brisât. Une règle dont Philippine se servait à l'école prit le même chemin. Le père, la mère et leur fille aînée se regardaient avec effroi, et, comme ils réfléchissaient au parti à prendre, un long rabot de Senger et un très gros morceau de bois furent lancés de son établi dans l'autre chambre. Sur la table de travail, les couvercles étaient à leur place, et malgré cela les objets qu'ils recouvraient avaient pareillement été jetés au loin. Le même soir, les oreillers du lit furent lancés sur une armoire et la couverture contre la porte.

Un autre jour, on avait mis aux pieds de l'enfant, sous la couverture, un fer à repasser du poids de six livres environ ; bientôt il fut jeté dans la première pièce ; la poignée en était enlevée, et on la retrouva sur une chaise de la chambre à coucher.

Nous fûmes témoins que des chaises placées à trois pieds du lit environ furent renversées, et des fenêtres ouvertes, bien qu'elles fussent fermées auparavant, et cela à peine nous avions tourné le dos pour rentrer dans la première pièce. Une autre fois, deux chaises furent transportées sur le lit, sans déranger la couverture. Le 7 octobre, on avait solidement fermé la fenêtre et tendu devant un drap blanc. Dès que nous eûmes quitté la chambre, on frappa à coups redoublés et avec tant de violence, que tout en fut ébranlé, et que des gens qui passaient dans la rue s'enfuirent épouvantés. On accourut dans la chambre : la fenêtre était ouverte, le drap jeté sur la petite armoire à côté, la couverture du lit et les oreillers par terre, les chaises culbutées, et l'enfant dans le lit, protégée par sa seule chemise. Pendant quatorze jours la femme Senger ne fut occupée qu'à réparer le lit.

Une fois on avait laissé un harmonica sur un siège : des sons se firent entendre ; étant entré précipitamment dans la chambre, on trouva, comme toujours, l'enfant tranquille dans son lit ; l'instrument était sur la chaise, mais ne vibrait plus. Un soir, le père Senger sortait de la chambre de sa fille quand il reçut dans le dos le coussin d'un siège. Une autre fois, c'est une paire de vieilles pantoufles, des souliers qui étaient sous le lit, des sabots, qui viennent à sa rencontre. Maintes fois aussi la chandelle allumée, placée sur la table de travail, fut soufflée. Les coups et le grattement alternaient avec cette démonstration du mobilier. Le lit semblait être mis en mouvement par une main invisible. Au commandement de : « Balancez le lit », ou « Bercez l'enfant », le lit allait et venait, en long et en large, avec bruit ; au commandement de : « Halte ! » il s'arrêtait. Nous pouvons affirmer, nous qui avons vu, que quatre hommes s'assirent sur le lit, et même s'y suspendirent, sans pouvoir arrêter le mouvement ; ils étaient soulevés avec le meuble. Au bout de quatorze jours le bouleversement du mobilier cessa, et à ces manifestations en succédèrent d'autres.

Le 26 octobre au soir, se trouvaient entre autres personnes, dans la chambre, MM. Louis Soëhnée, licencié en droit, le capitaine Simon, tous deux de Wissembourg, ainsi que M. Sievert, de Bergzabern. Philippine Senger était à ce moment plongée dans le sommeil magnétique[2]. M. Sievert présenta à celle-ci un papier renfermant des cheveux, pour voir ce qu'elle en ferait. Elle ouvrit le papier, sans cependant mettre les cheveux à découvert, les appliqua sur ses paupières closes, puis les éloigna, comme pour les examiner à distance et dit : « Je voudrais bien savoir ce que contient ce papier... Ce sont des cheveux d'une dame que je ne connais pas... Si elle veut venir, qu'elle vienne... Je ne puis pas l'inviter, je ne la connais pas. » Aux questions que lui adressa M. Sievert, elle ne répondit pas ; mais ayant placé le papier dans le creux de sa main, qu'elle étendait et retournait, il y resta suspendu. Elle le plaça ensuite au bout de l'index et fit décrire à sa main pendant assez longtemps un demi-cercle, en disant : « Ne tombe pas », et le papier resta au bout du doigt ; puis, au commandement de : « Maintenant tombe », il se détacha sans qu'elle fît le moindre mouvement pour déterminer la chute. Soudain, se tournant du côté du mur, elle dit : « A présent, je veux t'attacher au mur » ; elle y appliqua le papier, qui y resta fixé environ 5 à 6 minutes, après quoi elle l'enleva. Un examen minutieux du papier et du mur n'y fit découvrir aucune cause d'adhérence. Nous croyons devoir faire remarquer que la chambre était parfaitement éclairée, ce qui nous permit de nous rendre un compte exact de toutes ces particularités.

Le lendemain soir on lui donna d'autres objets : des clefs, des pièces de monnaie, des porte-cigares, des montres, des anneaux d'or et d'argent ; et tous, sans exception, restaient suspendus à sa main. On a remarqué que l'argent y adhérait plus que les autres matières, car on eut de la peine à en enlever les pièces de monnaie, et cette opération lui causait de la douleur. Un des faits les plus curieux en ce genre est le suivant : Le samedi 11 novembre, un officier qui était présent lui donna son sabre avec le ceinturon, et le tout, qui pesait 4 livres, d'après constatation, resta suspendu au doigt médium en se balançant assez longtemps. Ce qui n'est pas moins singulier, c'est que tous les objets, quelle qu'en fût la matière, restaient également suspendus. Cette propriété magnétique se communiquait par le simple contact des mains aux personnes susceptibles de la transmission du fluide ; nous en avons eu plusieurs exemples.

Un capitaine, M. le chevalier de Zentner, en garnison à cette époque à Bergzabern, témoin de ces phénomènes, eut l'idée de mettre une boussole près de l'enfant, pour en observer les variations. Au premier essai, l'aiguille dévia de 15 degrés, mais aux suivants elle resta immobile, quoique l'enfant eût la boîte dans une main et la caressât de l'autre. Cette expérience nous a prouvé que ces phénomènes ne sauraient s'expliquer par l'action du fluide minéral, d'autant moins que l'attraction magnétique ne s'exerce pas sur tous les corps indifféremment.

D'habitude, lorsque la petite somnambule se disposait à commencer ses séances, elle appelait dans la chambre toutes les personnes qui se trouvaient là. Elle disait simplement : « Venez ! venez ! » ou bien « Donnez ! donnez ! » Souvent elle n'était tranquille que lorsque tout le monde, sans exception, était près de son lit. Elle demandait alors avec empressement et impatience un objet quelconque ; à peine le lui avait-on donné, qu'il s'attachait à ses doigts. Il arrivait fréquemment que dix, douze personnes et plus étaient présentes, et que chacune d'elles lui remettait plusieurs objets. Pendant la séance elle ne souffrait pas qu'on lui en reprît aucun ; elle paraissait surtout tenir aux montres ; elle les ouvrait avec une grande adresse, examinait le mouvement, les refermait, puis les plaçait près d'elle pour examiner autre chose. A là fin, elle rendait à chacun ce qu'on lui avait confié ; elle examinait les objets les yeux fermés, et jamais ne se trompait de propriétaire. Si quelqu'un tendait la main pour prendre ce qui ne lui appartenait pas, elle le repoussait. Comment expliquer cette distribution multiple à un si grand nombre de personnes sans erreur ? On essayerait en vain de le faire soi-même les yeux ouverts. La séance terminée et les étrangers partis, les coups et le grattement, momentanément interrompus, recommençaient. Il faut ajouter que l'enfant ne voulait pas que personne se tînt au pied de son lit près de l'armoire, ce qui laissait entre les deux meubles un espace d'environ un pied. Si quelqu'un s'y mettait, elle le renvoyait du geste. S'y refusait-on, elle montrait une grande inquiétude et ordonnait par des gestes impérieux de quitter la place. Une fois elle engagea les assistants à ne jamais se tenir à l'endroit défendu, parce qu'elle ne voulait pas, dit-elle, qu'il arrivât malheur à quelqu'un. Cet avertissement était si positif, que nul à l'avenir ne l'oublia.

A quelque temps de là, au frappement et au grattement se joignit un bourdonnement que l'on peut comparer au son produit par une grosse corde de basse ; un certain sifflement se mêlait à ce bourdonnement. Quelqu'un demandait-il une marche ou une danse, son désir était satisfait : le musicien invisible se montrait fort complaisant. A l'aide du grattement, il appelle nominativement les gens de la maison ou les étrangers présents ; ceux-ci comprennent facilement à qui il s'adresse. A l'appel par le grattement, la personne désignée répond oui, pour donner à entendre qu'elle sait qu'il s'agit d'elle : alors il exécute à son intention un morceau de musique qui donne parfois lieu à des scènes plaisantes. Si une autre personne que celle appelée répondait oui, le gratteur faisait comprendre par un non exprimé à sa manière qu'il n'avait rien à lui dire pour le moment. C'est le soir du 10 novembre que ces faits se sont produits pour la première fois, et ils ont continué à se manifester jusqu'à ce jour.

Voici maintenant comment l'Esprit frappeur s'y prenait pour désigner les personnes. Depuis plusieurs nuits, on avait remarqué qu'aux diverses invitations de faire telle ou telle chose il répondait par un coup sec ou par un grattement prolongé. Aussitôt que le coup sec était donné, le frappeur commençait à exécuter ce qu'on désirait de lui ; quand, au contraire, il grattait, il ne satisfaisait pas à la demande. Un médecin eut alors l'idée de prendre pour un oui le premier bruit, et le second pour un non, et depuis lors cette interprétation a toujours été confirmée. On remarqua aussi que par une série de grattements plus ou moins forts l'Esprit exigeait certaines choses des personnes présentes. A force d'attention, et en remarquant la manière dont le bruit se produisait, on put comprendre l'intention du frappeur. Ainsi, par exemple, le père Senger a raconté que le matin, au point du jour, il entendait des bruits modulés d'une certaine façon ; sans y attacher d'abord aucun sens, il remarqua qu'ils ne cessaient que lorsqu'il était hors du lit, d'où il comprit qu'ils signifiaient : « Lève-toi. » C'est ainsi que peu à peu on se familiarisa avec ce langage, et qu'à certains signes les personnes désignées purent se reconnaître.

Arriva l'anniversaire du jour où l'Esprit frappeur s'était manifesté pour la première fois ; des changements nombreux s'opérèrent dans l'état de Philippine Senger. Les coups, le grattement et le bourdonnement continuèrent, mais à toutes ces manifestations se joignit un cri particulier, qui ressemblait tantôt à celui d'une oie, tantôt à celui d'un perroquet ou de tout autre gros oiseau ; en même temps on entendit une sorte de picotement contre le mur, semblable au bruit que ferait un oiseau en becquetant. A cette époque, Philippine Senger parlait beaucoup pendant son sommeil, et paraissait surtout préoccupée d'un certain animal, qui ressemblait à un perroquet, se tenant au pied du lit, criant et donnant des coups de bec contre le mur. Sur le désir d'entendre crier le perroquet, celui-ci jetait des cris perçants. On posa diverses questions auxquelles il fut répondu par des cris du même genre ; plusieurs personnes lui commandèrent de dire : Kakatoès, et l'on entendit très distinctement le mot Kakatoès comme s'il eût été prononcé par l'oiseau lui-même. Nous passerons sous silence les faits les moins intéressants, et nous nous bornerons à rapporter ce qu'il y eut de plus remarquable sous le rapport des changements survenus dans l'état corporel de la jeune fille.

Quelque temps avant Noël, les manifestations se renouvelèrent avec plus d'énergie ; les coups et le grattement devinrent plus violents et durèrent plus longtemps. Philippine, plus agitée que de coutume, demandait souvent à ne plus coucher dans son lit, mais dans celui de ses parents ; elle se roulait dans le sien en criant : « Je ne peux plus rester ici ; je vais étouffer : ils vont me loger dans le mur ; au secours ! » Et son calme ne revenait que lorsqu'on l'avait transportée dans l'autre lit. A peine s'y trouvait-elle, que des coups très forts se faisaient entendre d'en haut ; ils semblaient partir du grenier, comme si un charpentier eût frappé sur les poutres ; ils étaient même quelquefois si vigoureux, que la maison en était ébranlée, que les fenêtres vibraient, et que les personnes présentes sentaient le sol trembler sous leurs pieds ; des coups semblables étaient également frappés contre le mur, près du lit. Aux questions posées, les mêmes coups répondaient comme d'habitude, alternant toujours avec le grattement. Les faits suivants, non moins curieux, se sont maintes fois reproduits.

Lorsque tout bruit avait cessé et que la jeune fille reposait tranquillement dans son petit lit, on la vit souvent se prosterner tout à coup et joindre les mains tout en ayant les yeux fermés ; puis elle tournait la tête de tous côtés, tantôt à droite, tantôt à gauche, comme si quelque chose d'extraordinaire eût attiré son attention. Un sourire aimable courait alors sur ses lèvres ; on eût dit qu'elle s'adressait à quelqu'un ; elle tendait les mains, et à ce geste on comprenait qu'elle serrait celles de quelques amis ou connaissances. On la vit aussi, après de semblables scènes, reprendre sa première attitude suppliante, joindre de nouveau les mains, courber la tête jusqu'à toucher la couverture, puis se redresser et verser des larmes. Elle soupirait alors et paraissait prier avec une grande ferveur. Dans ces moments, sa figure était transformée ; elle était pâle et avait l'expression d'une femme de 24 à 25 ans. Cet état durait souvent plus d'une demi-heure, état pendant lequel elle ne prononça que des ah ! ah ! Les coups, le grattement, le bourdonnement et les cris cessaient jusqu'au moment du réveil ; alors le frappeur se faisait entendre de nouveau, cherchant l'exécution d'airs gais propres à dissiper l'impression pénible produite sur l'assistance. Au réveil, l'enfant était très abattue ; elle pouvait à peine lever les bras, et les objets qu'on lui présentait ne restaient plus suspendus à ses doigts.

Curieux de connaître ce qu'elle avait éprouvé, on l'interrogea plusieurs fois. Ce n'est que sur des instances réitérées quelle se décida à dire qu'elle avait vu conduire et crucifier le Christ sur le Golgotha ; que la douleur des saintes femmes prosternées au pied de la croix et le crucifiement avaient produit sur elle une impression qu'elle ne pouvait rendre. Elle avait vu aussi une foule de femmes et de jeunes vierges en robes noires, et des jeunes gens en longues robes blanches parcourir processionnellement les rues d'une belle ville, et enfin elle s'était trouvée transportée dans une vaste église, où elle avait assisté à un service funèbre.

En peu de temps l'état de Philippine Senger changea de façon à donner des inquiétudes sur sa santé, car à l'état de veille elle divaguait et rêvait tout haut ; elle ne reconnaissait ni son père, ni sa mère, ni sa soeur, ni aucune autre personne, et cet état vint encore s'aggraver d'une surdité complète qui persista pendant quinze jours. Nous ne pouvons passer sous silence ce qui eut lieu durant ce laps de temps.

La surdité de Philippine se manifesta de midi à trois heures, et elle-même déclara quelle resterait sourde pendant un certain temps et qu'elle tomberait malade. Ce qu'il y a de singulier, c'est que parfois elle recouvrait l'ouïe pendant une demi-heure, ce dont elle se montrait heureuse. Elle prédisait elle-même le moment où la surdité devait la prendre et la quitter. Une fois, entre autres, elle annonça que le soir, à huit heures et demie, elle entendrait clairement pendant une demi-heure ; en effet, à l'heure dite, l'ouïe était revenue, et cela dura jusqu'à neuf heures.

Pendant sa surdité ses traits étaient changés ; son visage prenait une expression de stupidité qu'il perdait aussitôt qu'elle était rentrée dans son état normal. Rien alors ne faisait impression sur elle ; elle se tenait assise, regardant les personnes présentes d'un oeil fixe et sans les reconnaître. On ne pouvait se faire comprendre que par des signes auxquels le plus souvent elle ne répondait pas, se bornant à fixer les yeux sur celui qui lui adressait la parole. Une fois elle saisit tout à coup par le bras une des personnes présentes et lui dit en la poussant : Qui es-tu donc ? Dans cette situation, elle restait quelquefois plus d'une heure et demie immobile sur son lit. Ses yeux étaient à demi ouverts et arrêtés sur un point quelconque ; de temps à autre on les voyait se tourner à droite et à gauche, puis revenir au même endroit. Toute sensibilité paraissait alors émoussée en elle ; son pouls battait à peine, et lorsqu'on lui plaçait une lumière devant les yeux, elle ne faisait aucun mouvement : on l'eût dit morte.

Il arriva pendant sa surdité qu'un soir, étant couchée, elle demanda une ardoise et de la craie, puis elle écrivit : « A onze heures je dirai quelque chose, mais j'exige qu'on se tienne tranquille et silencieux. » Après ces mots elle ajouta cinq signes qui ressemblaient à de l'écriture latine, mais qu'aucun des assistants ne put déchiffrer. On écrivit sur l'ardoise qu'on ne comprenait pas ces signes. En réponse à cette observation, elle écrivit : « N'est-ce pas que vous ne pouvez pas lire ! » Et plus bas : « Ce n'est pas de l'allemand, c'est une langue étrangère. » Ensuite ayant retourné l'ardoise, elle écrivit sur l'autre côté : « Francisque (sa soeur aînée) s'assiéra à cette table et écrira ce que je lui dicterai. » Elle accompagna ces mots de cinq signes semblables aux premiers, et rendit l'ardoise. Remarquant que ces signes n'étaient pas encore compris, elle redemanda l'ardoise et ajouta : « Ce sont des ordres particuliers. »

Un peu avant onze heures, elle dit : « Tenez-vous tranquilles, que tout le monde s'assoie et prête attention ! » et au coup de onze heures, elle se renversa sur son lit et tomba dans son sommeil magnétique ordinaire. Quelques instants après elle se mit à parler, ce qui dura sans discontinuer pendant une demi-heure. Entre autres choses, elle déclara que dans le courant de l'année il se produirait des faits que personne ne pourrait comprendre, et que toutes les tentatives faites pour les expliquer resteraient infructueuses.

Pendant la surdité de la jeune Senger, le bouleversement du mobilier, l'ouverture inexpliquée des fenêtres, l'extinction des lumières placées sur la table de travail, se renouvelèrent plusieurs fois. Il arriva un soir que deux bonnets accrochés à un portemanteau de la chambre à coucher furent lancés sur la table de l'autre chambre, et renversèrent une tasse pleine de lait, qui se répandit à terre. Les coups frappés contre le lit étaient si violents, que ce meuble en était déplacé ; quelquefois même il était dérangé avec fracas sans que les coups se fissent entendre.

Comme il y avait encore des gens incrédules, ou qui attribuaient ces singularités à un jeu de l'enfant, qui, selon eux, frappait ou grattait avec ses pieds ou ses mains, bien que les faits eussent été constatés par plus de cent témoins, et qu'il fût avéré que la jeune fille avait les bras étendus sur la couverture pendant que les bruits se produisaient, le capitaine Zentner imagina un moyen de les convaincre. Il fit apporter de la caserne deux couvertures très épaisses qu'on mit l'une sur l'autre, et dont on enveloppa les matelas et les draps de lit ; elles étaient à longs poils, de telle sorte qu'il était impossible d'y produire le moindre bruit par le frottement. Philippine, vêtue d'une simple chemise et d'une camisole de nuit, fut mise sur ces couvertures ; à peine placée, le grattement et les coups eurent lieu comme auparavant, tantôt contre le bois du lit, tantôt contre l'armoire voisine, selon le désir qui était exprimé.

Il arrive souvent que, lorsque quelqu'un fredonne ou siffle un air quelconque, le frappeur l'accompagne, et les sons que l'on perçoit semblent provenir de deux, trois ou quatre instruments : on entend gratter, frapper, siffler et gronder en même temps, suivant le rythme de l'air chanté. Souvent aussi le frappeur demande à l'un des assistants de chanter une chanson ; il le désigne par le procédé que nous connaissons, et, quand celui-ci a compris que c'est à lui que l'Esprit s'adresse, il lui demande à son tour s'il doit chanter tel ou tel air ; il lui est répondu par oui ou par non. L'air indiqué étant chanté, un accompagnement de bourdonnements et de sifflements se fait entendre parfaitement en mesure. Après un air joyeux, l'Esprit demandait souvent l'air : Grand Dieu, nous te louons, ou la chanson de Napoléon I°. Si on lui disait de jouer tout seul cette dernière chanson ou toute autre, il la faisait entendre depuis le commencement jusqu'à la fin.

Les choses allèrent ainsi dans la maison de Senger, soit le jour, soit la nuit, pendant le sommeil ou dans l'état de veille de l'enfant, jusqu'au 4 mars 1853, époque à laquelle les manifestations entrèrent dans une autre phase. Ce jour fut marqué par un fait plus extraordinaire encore que les précédents. »

(La suite au prochain numéro.)



Remarque. - Nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré sans doute de l'étendue que nous avons donnée à ces curieux détails, et nous pensons qu'ils en liront la suite avec non moins d'intérêt. Nous ferons remarquer que ces faits ne nous viennent pas des contrées transatlantiques, dont la distance est un grand argument pour certains sceptiques quand même ; ils ne viennent même pas d'outre-Rhin, car c'est sur nos frontières qu'ils se sont passés, et presque sous nos yeux, puisqu'ils ont à peine six ans de date.

Philippine Senger était, comme on le voit, un médium naturel très complexe ; outre l'influence qu'elle exerçait sur les phénomènes bien connus des bruits et des mouvements, elle était somnambule extatique. Elle conversait avec des êtres incorporels qu'elle voyait ; elle voyait en même temps les assistants, et leur adressait la parole, mais ne leur répondait pas toujours, ce qui prouve qu'à certains moments elle était isolée. Pour ceux qui connaissent les effets de l'émancipation de l'âme, les visions que nous avons rapportées n'ont rien qui ne puisse aisément s'expliquer ; il est probable que, dans ces moments d'extase, l'Esprit de l'enfant se trouvait transporté dans quelque contrée lointaine, où il assistait, peut-être en souvenir, à une cérémonie religieuse. On peut s'étonner de la mémoire qu'il en gardait au réveil, mais ce fait n'est point insolite ; du reste, on peut remarquer que le souvenir était confus, et qu'il fallait insister beaucoup pour le provoquer.

Si l'on observe attentivement ce qui se passait pendant la surdité, on y reconnaîtra sans peine un état cataleptique. Puisque cette surdité n'était que temporaire, il est évident qu'elle ne tenait point à l'altération des organes de l'ouïe. Il en est de même de l'oblitération momentanée des facultés mentales, oblitération qui n'avait rien de pathologique, puisque, à un instant donné, tout rentrait dans l'état normal. Cette sorte de stupidité apparente tenait à un dégagement plus complet de l'âme, dont les excursions se faisaient avec plus de liberté, et ne laissaient aux sens que la vie organique. Qu'on juge donc de l'effet désastreux qu'eût pu produire un traitement thérapeutique en pareille circonstance ! Des phénomènes du même genre peuvent se produire à chaque instant ; nous ne saurions, dans ce cas, recommander trop de circonspection ; une imprudence peut compromettre la santé et même la vie.



[1]Nous aurons occasion de parler de l'indisposition de cette enfant ; mais puisqu'après sa guérison les mêmes effets se sont produits, c'est une preuve évidente qu'ils étaient indépendants de son état de santé.


[2]Une somnambule de Paris avait été mise en rapport avec la jeune Philippine, et, depuis lors, celle-ci tombait elle-même spontanément en somnambulisme. Il s'est passé à cette occasion des faits remarquables que nous rapporterons une autre fois. (Note du traducteur.)


I

Un homme sortit de grand matin et s'en alla sur la place publique pour louer des ouvriers. Or, il y vit deux hommes du peuple qui étaient assis, les bras croisés. Il vint à l'un d'eux et l'aborda en lui disant : « Que fais-tu là ? » et celui-ci ayant répondu : « Je n'ai point d'ouvrage, » celui qui cherchait des ouvriers lui dit : « Prends ta bêche, et va-t'en dans mon champ, sur le versant de la colline où souffle le vent du sud ; tu couperas la bruyère, et tu remueras le sol jusqu'à ce que la nuit soit venue ; la tâche est rude, mais tu auras un bon salaire. » Et l'homme du peuple chargea sa bêche sur son épaule en le remerciant dans son coeur.

L'autre ouvrier ayant entendu cela, se leva de sa place et s'approcha en disant : « Maître, laissez-moi aussi aller travailler à votre champ ; » et le maître leur ayant dit à tous les deux de le suivre, marcha le premier pour leur montrer le chemin. Puis, lorsqu'ils furent arrivés sur le penchant de la colline, il divisa l'ouvrage en deux parts et s'en alla.

Dès qu'il fut parti, le dernier des ouvriers qu'il avait engagés mit premièrement le feu aux bruyères du lot qui lui était échu en partage, et il laboura la terre avec le fer de sa bêche. La sueur ruisselait de son front sous l'ardeur du soleil. L'autre l'imita d'abord en murmurant, mais il se lassa bientôt de son travail, et, fichant sa bêche dans le sol, il s'assit auprès, regardant faire son compagnon.

Or, le maître du champ vint vers le soir, et examina l'ouvrage qui était fait, et ayant appelé à lui l'ouvrier diligent, il le complimenta en lui disant : « Tu as bien travaillé ; voici ton salaire, » et lui donna une pièce d'argent en le congédiant. L'autre ouvrier s'approcha aussi et réclama le prix de sa journée ; mais le maître lui dit : « Méchant ouvrier, mon pain n'apaisera pas ta faim, car tu as laissé en friche la partie de mon champ que je t'avais confiée ; il n'est pas juste que celui qui n'a rien fait soit récompensé comme celui qui a bien travaillé. » Et il le renvoya sans lui rien donner.


II

Je vous le dis, la force n'a pas été donnée à l'homme et l'intelligence à son esprit pour qu'il consume ses jours dans l'oisiveté, mais pour qu'il soit utile à ses semblables. Or, celui-là dont les mains sont inoccupées et l'esprit oisif sera puni, et il devra recommencer sa tâche.

Je vous le dis en vérité, sa vie sera jetée de côté comme une chose qui n'est bonne à rien lorsque son temps sera accompli ; comprenez ceci par une comparaison. Lequel d'entre vous, s'il a dans son verger un arbre qui ne produit point de fruits, ne dit à son serviteur : « Coupez cet arbre et jetez-le au feu, car ses branches sont stériles ? » Or, de même que cet arbre sera coupé pour sa stérilité, la vie du paresseux sera mise au rebut, parce qu'elle aura été stérile en bonnes oeuvres.




Entretiens familiers d'outre-tombe

Un journal anglais donnait, au mois de mars dernier, la notice suivante sur M. Morisson, qui vient de mourir en Angleterre laissant une fortune de cent millions de Francs. Il était, dit ce journal, pendant les deux dernières années de sa vie, en proie à une singulière monomanie. Il s'imaginait qu'il était réduit à une pauvreté extrême et devait gagner son pain quotidien par un travail manuel. Sa famille et ses amis avaient reconnu qu'il était inutile de chercher à le détromper ; il était pauvre, il n'avait pas un shilling, il lui fallait travailler pour vivre : c'était sa conviction. On lui mettait donc une bêche en main chaque matin, et on l'envoyait travailler dans ses jardins. On retournait bientôt le chercher, sa tâche était censée finie ; on lui payait alors un modeste salaire pour son travail, et il était content ; son esprit était tranquillisé, sa manie satisfaite. Il eût été le plus malheureux des hommes si on eût cherché à le contrarier.

1. Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'Esprit de Morisson, qui vient de mourir en Angleterre en laissant une fortune considérable, de se communiquer à nous. - R. Il est là.

2. Vous rappelez-vous l'état dans lequel vous étiez pendant les deux dernières années de votre existence corporelle ? - R. Il est toujours le même.

3. Après votre mort, votre Esprit s'est-il ressenti de l'aberration de vos facultés pendant votre vie ? - R. Oui. - Saint Louis complète la réponse en disant spontanément : L'Esprit dégagé du corps se ressent quelque temps de la compression de ses liens.

4. Ainsi, une fois mort, votre Esprit n'a donc pas immédiatement recouvré la plénitude de ses facultés ? - R. Non.

5. Où êtes-vous maintenant ? - R. Derrière Ermance.

6. Etes-vous heureux ou malheureux ? - R. Il me manque quelque chose... Je ne sais quoi... Je cherche... Oui, je souffre.

7. Pourquoi souffrez-vous ? - R. Il souffre du bien qu'il n'a pas fait. (Saint Louis.)

8. D'où vous venait cette manie de vous croire pauvre avec une aussi grande fortune ? - R. Je l'étais ; le vrai riche est celui qui n'a pas de besoins.

9. D'où vous venait surtout cette idée qu'il vous fallait travailler pour vivre ? - R. J'étais fou ; je le suis encore.

10. D'où vous était venue cette folie ? - R. Qu'importe ! j'avais choisi cette expiation.

11. Quelle était la source de votre fortune ? - R. Que t'importe ?

12. Cependant l'invention que vous avez faite n'avait-elle pas pour but de soulager l'humanité ? - R. Et de m'enrichir.

13. Quel usage faisiez-vous de votre fortune quand vous jouissiez de toute votre raison ? - R. Rien ; je le crois : j'en jouissais.

14. Pourquoi Dieu vous avait-il accordé la fortune, puisque vous ne deviez pas en faire un usage utile pour les autres ? - R. J'avais choisi l'épreuve.

15. Celui qui jouit d'une fortune acquise par son travail n'est-il pas plus excusable d'y tenir que celui qui est né au sein de l'opulence et n'a jamais connu le besoin ? - R. Moins. - Saint Louis ajoute : Celui-là connaît la douleur qu'il ne soulage pas.

16. Vous rappelez-vous l'existence qui a précédé celle que vous venez de quitter ? - R. Oui.

17. Qu'étiez-vous alors ? - R. Un ouvrier.

18. Vous nous avez dit que vous êtes malheureux ; voyez-vous un terme à votre souffrance ? - R. Non. - Saint Louis ajoute : Il est trop tôt.

19. De qui cela dépend-il ? - R. De moi. Celui qui est là me l'a dit.

20. Connaissez-vous celui qui est là ? - R. Vous le nommez Louis.

21. Savez-vous ce qu'il a été en France dans le XIII° siècle ? - R. Non... Je le connais par vous... Merci, pour ce qu'il m'a appris.

22. Croyez-vous à une nouvelle existence corporelle ? - R. Oui.

23. Si vous devez renaître à la vie corporelle, de qui dépendre la position sociale que vous aurez ? - R. De moi, je crois. J'ai tant de fois choisi que cela ne peut dépendre que de moi.

Remarque. - Ces mots : J'ai tant de fois choisi, sont caractéristiques. Son état actuel prouve que, malgré ses nombreuses existences, il a peu progressé, et que c'est toujours à recommencer pour lui.

24. Quelle position sociale choisiriez-vous si vous pouviez recommencer ? - R. Basse ; on marche plus sûrement ; on n'est chargé que de soi.

25. (A Saint Louis.) N'y a-t-il pas un sentiment d'égoïsme dans le choix d'une position inférieure où l'on ne doit être chargé que de soi ? - R. Nulle part on n'est chargé que de soi ; l'homme répond de ceux qui l'entourent, non seulement des âmes dont l'éducation lui est confiée, mais même encore des autres : l'exemple fait tout le mal.

26. (A Morisson.) Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à nos questions, et nous prions Dieu de vous donner la force de supporter de nouvelles épreuves. - R. Vous m'avez soulagé ; j'ai appris.

Remarque. - On reconnaît aisément dans les réponses ci-dessus l'état moral de cet Esprit ; elles sont brèves, et, quand elles ne sont pas monosyllabiques, elles ont quelque chose de sombre et de vague : un fou mélancolique ne parlerait pas autrement. Cette persistance de l'aberration des idées après la mort est un fait remarquable, mais qui n'est pas constant, ou qui présente quelquefois un tout autre caractère. Nous aurons occasion d'en citer plusieurs exemples, ayant été à même d'étudier les différents genres de folie.


Les journaux ont dernièrement rapporté le fait suivant : « Hier (7 avril 1858) vers les sept heures du soir, un homme d'une cinquantaine d'années, et vêtu convenablement, se présenta dans l'établissement de la Samaritaine et se fit préparer un bain. Le garçon de service s'étonnant, après un intervalle de deux heures, que cet individu n'appelât pas, se décida à entrer dans son cabinet pour voir s'il n'était pas indisposé. Il fut alors témoin d'un hideux spectacle : ce malheureux s'était coupé la gorge avec un rasoir, et tout son sang s'était mêlé à l'eau de la baignoire. L'identité n'ayant pu être établie, on a transporté le cadavre à la Morgue. »

Nous avons pensé que nous pourrions puiser un enseignement utile à notre instruction dans un entretien avec l'Esprit de cet homme. Nous l'avons donc évoqué le 13 avril, par conséquent six jours seulement après sa mort.

1. Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'Esprit de l'individu qui s'est suicidé le 7 avril 1858, dans les bains de la Samaritaine, de se communiquer à nous. - R. Attends... (Après quelques secondes :) Il est là.

Remarque. - Pour comprendre cette réponse, il faut savoir qu'il y a généralement, dans toutes les réunions régulières, un Esprit familier : celui du médium ou de la famille, qui est toujours présent sans qu'on l'appelle. C'est lui qui fait venir ceux qu'on évoque, et, selon qu'il est plus ou moins élevé, sert lui-même de messager ou donne des ordres aux Esprits qui lui sont inférieurs. Lorsque nos réunions ont pour interprète Mlle Ermance Dufaux, c'est toujours l'Esprit de saint Louis qui veut bien y assister d'office ; c'est lui qui a fait la réponse ci-dessus.

2. Où êtes-vous maintenant ? - R. Je ne sais... Dites-le-moi, où je suis.

3. Vous êtes rue de Valois (Palais-Royal), n° 35, dans une assemblée de personnes qui s'occupent d'études spirites, et qui sont bienveillantes pour vous. - R. Dites-moi si je vis... J'étouffe dans le cercueil.

4. Qui vous a engagé à venir à nous ? - R. Je me suis senti soulagé.

5. Quel est le motif qui vous a porté à vous suicider ? - R. Suis-je mort ?... Non pas... J'habite mon corps... Vous ne savez pas combien je souffre !... J'étouffe !... Qu'une main compatissante essaye de m'achever !

Remarque. Son âme, quoique séparée du corps, est encore complètement plongée dans ce que l'on pourrait appeler le tourbillon de la matière corporelle ; les idées terrestres sont encore vivaces ; il ne croit pas être mort.

6. Pourquoi n'avez-vous laissé aucune trace qui pût vous faire reconnaître ? - R. Je suis abandonné ; j'ai fui la souffrance pour trouver la torture.

7. Avez-vous maintenant les mêmes motifs de rester inconnu ? - R. Oui ; ne mettez pas un fer rouge dans la blessure qui saigne.

8. Voudriez-vous nous dire votre nom, votre âge, votre profession, votre domicile ? - R. Non... A tout : non...

9. Aviez-vous une famille, une femme, des enfants ? - R. J'étais abandonné ; nul être ne m'aimait.

10. Qu'aviez-vous fait pour n'être aimé de personne ? - R. Combien le sont comme moi !... Un homme peut être abandonné au milieu de sa famille, quand aucun coeur ne l'aime.

11. Au moment d'accomplir votre suicide, n'avez-vous éprouvé aucune hésitation ? - R. J'avais soif de la mort... j'attendais le repos.

12. Comment la pensée de l'avenir ne vous a-t-elle pas fait renoncer à votre projet ? - R. Je n'y croyais plus ; j'étais sans espérance. L'avenir, c'est l'espoir.

13. Quelles réflexions avez-vous faites au moment où vous avez senti la vie s'éteindre en vous ? - R. Je n'ai pas réfléchi ; j'ai senti... Mais ma vie n'est pas éteinte... mon âme est liée à mon corps... je ne suis pas mort, cependant je sens les vers qui me rongent.

14. Quel sentiment avez-vous éprouvé au moment où la mort a été complète ? - R. L'est-elle ?

15. Le moment où la vie s'éteignait en vous a-t-il été douloureux ? - R. Moins douloureux qu'après. Le corps seul a souffert. - Saint Louis continue : L'Esprit se déchargeait d'un fardeau qui l'accablait ; il ressentait la volupté de la douleur. (A Saint Louis.) Cet état est-il toujours la suite du suicide ? - R. Oui ; l'Esprit du suicidé est lié à son corps jusqu'au terme de sa vie. La mort naturelle est l'affaiblissement de la vie : le suicide la brise tout entière.

16. Cet état est-il le même dans toute mort accidentelle indépendante de la volonté, et qui abrège la durée naturelle de la vie ? - R. Non. Qu'entendez-vous par le suicide ? L'Esprit n'est coupable que de ses oeuvres.

Remarque. Nous avions préparé une série de questions que nous nous proposions d'adresser à l'Esprit de cet homme sur sa nouvelle existence ; en présence de ses réponses, elles devenaient sans objet ; il était évident pour nous qu'il n'avait nulle conscience de sa situation ; sa souffrance est la seule chose qu'il ait pu nous dépeindre.

Ce doute de la mort est très ordinaire chez les personnes décédées depuis peu, et surtout chez celles qui, pendant leur vie, n'ont pas élevé leur âme au-dessus de la matière. C'est un phénomène bizarre au premier abord, mais qui s'explique très naturellement. Si à un individu mis en somnambulisme pour la première fois on demande s'il dort, il répond presque toujours non, et sa réponse est logique : c'est l'interrogateur qui pose mal la question en se servant d'un terme impropre. L'idée de sommeil, dans notre langue usuelle, est liée à celle de la suspension de toutes nos facultés sensitives ; or, le somnambule, qui pense et qui voit, qui a conscience de sa liberté morale, ne croit pas dormir, et en effet il ne dort pas, dans l'acception vulgaire du mot. C'est pourquoi il répond non jusqu'à ce qu'il soit familiarisé avec cette nouvelle manière d'entendre la chose. Il en est de même chez l'homme qui vient de mourir ; pour lui la mort c'était le néant ; or, comme le somnambule, il voit, il sent, il parle ; donc pour lui il n'est pas mort, et il le dit jusqu'à ce qu'il ait acquis l'intuition de son nouvel état.



Extrait de la vie de Louis XI, dictée par lui-même à Mademoiselle Ermance Dufaux.

Voir les numéros de mars et mai 1858.

Empoisonnement du duc de Guyenne

(...) Je m'occupai ensuite de la Guyenne. Odet d'Aidies, seigneur de Lescun, qui s'était brouillé avec moi, faisait faire les préparatifs de la guerre avec une merveilleuse activité. Ce n'était qu'avec peine qu'il entretenait l'ardeur belliqueuse de mon frère (le duc de Guyenne). Il avait à combattre un redoutable adversaire dans l'esprit de mon frère ; C'était madame de Thouars, la maîtresse de Charles (le duc de Guyenne).

Cette femme ne cherchait qu'à profiter de l'empire qu'elle avait sur le jeune duc pour le détourner de la guerre, n'ignorant pas qu'elle avait pour objet le mariage de son amant. Ses ennemis secrets avaient affecté de louer en sa présence la beauté et les brillantes qualités de la fiancée : c'en fut assez pour lui persuader que sa disgrâce était certaine si cette princesse épousait le duc de Guyenne. Certaine de la passion de mon frère, elle eut recours aux larmes, aux prières et à toutes les extravagances d'une femme perdue en pareil cas. Le faible Charles céda et fit part à Lescun de ses nouvelles résolutions. Celui-ci prévint aussitôt le duc de Bretagne et les intéressés : ils s'alarmèrent et firent des représentations à mon frère, mais elles ne firent que replonger celui-ci dans ses irrésolutions.

Cependant la favorite parvint, non sans peine, à le dissuader de nouveau de la guerre et du mariage ; dès lors, sa mort fut résolue par tous les princes. De crainte que mon frère ne l'attribuât à Lescun, dont il connaissait l'antipathie pour madame de Thouars, ils se décidèrent à gagner Jean Faure Duversois, moine bénédictin, confesseur de mon frère et abbé de Saint-Jean d'Angély.

Cet homme était un des partisans les plus enthousiastes de madame de Thouars, et personne n'ignorait la haine qu'il portait à Lescun, dont il enviait l'influence politique. Il n'était pas probable que mon frère lui attribuât jamais la mort de sa maîtresse, ce prêtre étant l'un des favoris en lesquels il avait le plus de confiance. Ce n'était que la soif des grandeurs qui l'attachait à la favorite, aussi se laissa-t-il corrompre sans peine.

Depuis longtemps j'avais tenté de séduire l'abbé ; il avait toujours repoussé mes offres, de manière, toutefois, à me laisser l'espérance de parvenir à ce but.

Il vit facilement dans quelle position il se mettait en rendant aux princes le service qu'ils attendaient de lui ; il savait qu'il n'en coûtait pas aux grands pour se débarrasser d'un complice. D'un autre côté, il connaissait l'inconstance de mon frère et craignait d'en être victime.

Pour concilier sa sûreté avec ses intérêts, il se détermina à sacrifier son jeune maître. En prenant ce parti, il avait autant de chance de succès que de non-réussite. Pour les princes, la mort du jeune duc de Guyenne devait être le résultat d'une méprise ou d'un incident imprévu. La mort de la favorite, quand même on eût pu l'amputer au duc de Bretagne et à ses coïntéressés, eût passé inaperçue, pour ainsi dire, puisque personne n'eût pu découvrir les motifs qui lui donnaient une importance réelle sous le point de vue politique.

En admettant qu'on pût les accuser de celle de mon frère, ils se trouvaient dans les plus grands périls, car il eût été de mon devoir de les châtier rigoureusement ; ils savaient que ce n'était pas le bon vouloir qui me manquait, et dans ce cas les peuples se fussent tournés contre eux ; et le duc de Bourgogne lui-même, étranger à ce qui se tramait en Guyenne, se fût vu forcé de s'allier à moi, sous peine de se voir accuser de complicité. Même dans cette dernière hypothèse tout eût réussi à mon gré ; j'eusse pu faire déclarer Charles le Téméraire criminel de lèse-majesté et le faire condamner à mort par le Parlement, comme meurtrier de mon frère. Ces sortes de condamnations, faites par ce corps élevé, avaient toujours de grands résultats, surtout lorsqu'elles étaient d'une légitimité incontestable.

On voit sans peine quel intérêt les princes eussent eu à ménager l'abbé ; mais, en revanche, rien n'était plus facile que de s'en défaire secrètement.

Avec moi l'abbé de Saint-Jean avait encore plus de chances d'impunité. Le service qu'il me rendait était de la dernière importance pour moi, surtout en ce moment : la ligue formidable qui se formait, et dont le duc de Guyenne était le centre, devait immanquablement me perdre ; la mort de mon frère était le seul moyen de la détruire et, par conséquent, de me sauver. Il ambitionnait la faveur de Tristan l'Hermite, et pensait qu'il parviendrait par là à s'élever au-dessus de lui, ou tout au moins à partager mes bonnes grâces et ma confiance avec lui. D'ailleurs les princes avaient eu l'imprudence de lui laisser en mains des preuves incontestables de leur culpabilité : c'étaient différents écrits ; comme ils étaient naturellement conçus en termes fort vagues, il n'était pas difficile de substituer la personne de mon frère à celle de sa favorite, qui n'était désignée qu'en termes sous-entendus. En me livrant ces pièces, il détournait de dessus moi toute espèce de doute sur mon innocence ; il se délivrait par là du seul péril qu'il courût du côté des princes, et, en prouvant que je n'étais pour rien dans l'empoisonnement, il cessait d'être mon complice et m'ôtait tout intérêt à le faire périr.

Restait à prouver qu'il n'y était pour rien lui-même ; c'était d'une moindre difficulté : d'abord il était certain de ma protection, et ensuite, les princes n'ayant pas de preuves de sa culpabilité, il pouvait rejeter sur eux leurs accusations à titre de calomnies.

Tout bien pesé, il fit passer près de moi un émissaire qui feignit de venir de lui-même et me dit que l'abbé de Saint-Jean était mécontent de mon frère. Je vis sur-le-champ tout le parti que je pourrais tirer de cette disposition, et je tombai dans le piège que le rusé abbé me tendait ; ne soupçonnant pas que cet homme pût être envoyé par lui, je lui dépêchai un de mes espions de confiance. Saint-Jean joua si bien son rôle, que celui-ci fut trompé. Sur son rapport, j'écrivis à l'abbé pour le gagner ; il feignit beaucoup de scrupules, mais j'en triomphai, non sans peine. Il consentit à se charger de l'empoisonnement de mon jeune frère : je n'hésitai même pas à commettre ce crime horrible, tant j'étais perverti.

Henri de la Roche, écuyer de la bouche du duc, se chargea de faire préparer une pêche que l'abbé offrit lui-même à madame de Thouars, tandis qu'elle collationnait à table avec mon frère. La beauté de ce fruit était remarquable ; elle le fit admirer à ce prince et le partagea avec lui. A peine en avaient-ils mangé tous deux, que la favorite ressentit de violentes douleurs d'entrailles : elle ne tarda pas à expirer au milieu des plus atroces souffrances. Mon frère éprouva les mêmes symptômes, mais avec beaucoup moins de violence.

Il paraîtra peut-être étrange que l'abbé se soit servi d'un tel moyen pour empoisonner son jeune mettre ; en effet le moindre incident pouvait déjouer son plan. C'était pourtant le seul que la prudence pût avouer : il fondait la conjecture d'une méprise. Frappée de la beauté de la pêche, il était tout naturel que madame de Thouars la fit admirer à son amant et lui en offrît une moitié : celui-ci ne pouvait manquer de l'accepter et d'en manger un peu, ne fût-ce que par complaisance. En admettant qu'il n'en mangeât qu'une toute petite partie, c'eût été suffisant pour lui donner les premiers symptômes nécessaires ; alors un empoisonnement postérieur pouvait amener la mort comme conséquence du premier.

La terreur saisit les princes dès qu'ils surent les suites funestes de l'empoisonnement de la favorite ; ils n'eurent pas le moindre soupçon de la préméditation de l'abbé. Ils ne songèrent qu'à donner toutes les apparences naturelles à la mort de la jeune femme et à la maladie de son amant ; pas un d'eux ne prit sur lui d'offrir un contre-poison au malheureux prince, craignant de se compromettre ; en effet, cette démarche eût donné à entendre qu'il connaissait le poison et qu'il était, par conséquent, complice du crime.

Grâce à sa jeunesse et à la force de son tempérament, Charles résista quelque temps au poison. Ses souffrances physiques ne firent que le ramener à ses anciens projets avec plus d'ardeur. Craignant que sa maladie ne diminuât le zèle de ses officiers, il voulut leur faire renouveler leur serment de fidélité. Comme il exigeait qu'ils s'engageassent à le servir envers et contre tous, même contre moi, quelques-uns d'entre eux, redoutant sa mort, qui paraissait prochaine, refusèrent de le prêter et passèrent à ma cour...

Remarque. - On a lu dans notre précédent numéro les intéressants détails donnés par Louis XI sur sa mort. Le fait que nous venons de rapporter n'est pas moins remarquable au double point de vue de l'histoire et du phénomène des manifestations ; nous n'avions du reste que l'embarras du choix ; la vie de ce roi, telle qu'elle a été dictée par lui-même, est sans contredit la plus complète que nous ayons, et nous pouvons dire la plus impartiale. L'état de l'Esprit de Louis XI lui permet aujourd'hui d'apprécier les choses à leur juste valeur ; on a pu voir, par les trois fragments que nous avons cités, comme il se juge lui-même ; il explique sa politique mieux que ne l'a fait aucun de ses historiens : il n'absout pas sa conduite ; et dans sa mort, si triste et si vulgaire pour un monarque tout-puissant il y avait quelques heures à peine, il voit un châtiment anticipé.

Comme fait de manifestation, ce travail offre un intérêt tout particulier ; il prouve que les communications spirites peuvent nous éclairer sur l'histoire lorsqu'on sait se mettre dans des conditions favorables. Nous faisons des voeux pour que la publication de la vie de Louis XI, ainsi que celle non moins intéressantes de Charles VIII, également terminée, vienne bientôt faire le pendant de celle de Jeanne d'Arc.


Son opinion sur les communications extra-corporelles.



Nous voyons d'ici certains écrivains émérites hausser les épaules au seul nom d'une histoire écrite par les Esprits. - Eh quoi ! disent ils, des êtres de l'autre monde venir contrôler notre savoir, à nous autres savants de la terre ! Allons donc ! est-ce possible ? - Nous ne vous forçons pas à le croire, messieurs ; nous ne ferons même pas les plus petites démarches pour vous ôter une illusion si chère. Nous vous engageons même, dans l'intérêt de votre gloire future, à inscrire vos noms en caractères INDESTRUCTIBLES au bas de cette sentence modeste : Tous les partisans du Spiritisme sont des insensés, car à nous seuls appartient de juger jusqu'où va la puissance de Dieu ; et cela afin que la postérité ne puisse les oublier ; elle-même verra si elle doit leur donner place à côté de ceux qui naguère, eux aussi, ont repoussé les hommes auxquels la science et la reconnaissance publique élèvent aujourd'hui des statues.

Voici, en attendant, un écrivain dont les hautes capacités ne sont méconnues de personne, et qui ose, lui, au risque de passer aussi pour un cerveau fêlé, arborer le drapeau des idées nouvelles sur les relations du monde physique avec le monde corporel. Nous lisons ce qui suit dans l'Histoire de France de Henri Martin, tome 6, page 143, à propos de Jeanne d'Arc :

« ... Il existe dans l'humanité un ordre exceptionnel de faits moraux et physiques qui semblent déroger aux lois ordinaires de la nature, c'est l'état d'extase et de somnambulisme, soit spontané, soit artificiel, avec tous ses étonnants phénomènes de déplacement des sens, d'insensibilité totale ou partielle du corps, d'exaltation de l'âme, de perceptions en dehors de toutes les conditions de la vie habituelle. Cette classe de faits a été jugée à des points de vue très opposés. Les physiologistes, voyant les rapports accoutumés des organes troublés ou déplacés, qualifient de maladie l'état extatique ou somnambulique, admettent la réalité de ceux des phénomènes qu'ils peuvent ramener à la pathologie et nient tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui paraît en dehors des lois constatées de la physique. La maladie devient même folie, à leurs yeux, lorsqu'au déplacement de l'action des organes se joignent des hallucinations des sens, des visions d'objets qui n'existent que pour le visionnaire. Un physiologiste éminent à fort crûment établi que Socrate était fou, parce qu'il croyait converser avec son démon. Les mystiques répondent non seulement en affirmant pour réels les phénomènes extraordinaires des perceptions magnétiques, question sur laquelle ils trouvent d'innombrables auxiliaires et d'innombrables témoins en dehors du mysticisme, mais en soutenant que les visions des extatiques ont des objets réels, vus, il est vrai, non des yeux du corps, mais des yeux de l'esprit. L'extase est pour eux le pont jeté du monde visible au monde invisible, le moyen de communication de l'homme avec les êtres supérieurs, le souvenir et la promesse d'une existence meilleure d'où nous sommes déchus et que nous devons reconquérir.

« Quel parti doivent prendre dans ce débat l'histoire et la philosophie ?

« L'histoire ne saurait prétendre déterminer avec précision les limites ni la portée des phénomènes, ni des facultés extatiques et somnambuliques ; mais elle constate qu'ils sont de tous les lieux ; que les hommes y ont toujours cru ; qu'ils ont exercé une action considérable sur les destinées du genre humain ; qu'ils se sont manifestés, non pas seulement chez les contemplatifs, mais chez les génies les plus puissants et les plus actifs, chez la plupart des grands initiateurs ; que, si déraisonnables que soient beaucoup d'extatiques, il n'y a rien de commun entre les divagations de la folie et les visions de quelques-uns ; que ces visions peuvent se ramener à de certaines lois ; que les extatiques de tous les pays et de tous les siècles ont ce qu'on peut nommer une langue commune, la langue des symboles, dont la langue de la poésie n'est qu'un dérivé, langue qui exprime à peu près constamment les mêmes idées et les mêmes sentiments par les mêmes images.

« Il est plus téméraire peut-être d'essayer de conclure au nom de la philosophie ; pourtant le philosophe, après avoir reconnu l'importance morale de ces phénomènes, si obscurs qu'en soient pour nous la loi et le but, après y avoir distingué deux degrés, l'un inférieur, qui n'est qu'une extension étrange ou un déplacement inexplicable de l'action des organes, l'autre supérieur, qui est une exaltation prodigieuse des puissances morales et intellectuelles, le philosophe pourrait soutenir, à ce qu'il nous semble, que l'illusion de l'inspiré consiste à prendre pour une révélation apportée par des êtres extérieurs, anges, saints ou génies, les révélations intérieures de cette personnalité infinie qui est en nous, et qui parfois, chez les meilleurs et les plus grands, manifeste par éclairs des forces latentes dépassant presque sans mesure les facultés de notre condition actuelle. En un mot, dans la langue de l'école, ce sont là pour nous des faits de subjectivité ; dans la langue des anciennes philosophies mystiques et des religions les plus élevées, ce sont les révélations du férouer mazdéen, du bon démon (celui de Socrate), de l'ange gardien, de cet autre Moi qui n'est que le moi éternel, en pleine possession de lui-même, planant sur le moi enveloppé dans les ombres de cette vie (c'est la figure du magnifique symbole zoroastrien partout figuré à Persépolis et à Ninive : le férouer ailé ou le moi céleste planant sur la personne terrestre).

« Nier l'action d'êtres extérieurs sur l'inspiré, ne voir dans leurs manifestations prétendues que la forme donnée aux intuitions de l'extatique par les croyances de son temps et de son pays, chercher la solution du problème dans les profondeurs de la personne humaine, ce n'est en aucune manière révoquer en doute l'intervention divine dans ces grands phénomènes et dans ces grandes existences. L'auteur et le soutien de toute vie, pour essentiellement indépendant qu'il soit de chaque créature et de la création tout entière, pour distincte que soit de notre être contingent sa personnalité absolue, n'est point un être extérieur, c'est-à-dire étranger à nous, et ce n'est pas en dehors qu'il nous parle ; quand l'âme plonge en elle-même, elle l'y trouve, et, dans toute inspiration salutaire, notre liberté s'associe à sa Providence. Il faut, ici comme partout, le double écueil de l'incrédulité et de la piété mal éclairée ; l'une ne voit qu'illusions et qu'impulsions purement humaines ; l'autre refuse d'admettre aucune part d'illusion, d'ignorance ou d'imperfection là où elle voit le doigt de Dieu. Comme si les envoyés de Dieu cessaient d'être des hommes, les hommes d'un certain temps et d'un certain lieu, et comme si les éclairs sublimes qui leur traversent l'âme y déposaient la science universelle et la perfection absolue. Dans les inspirations le plus évidemment providentielles, les erreurs qui viennent de l'homme se mêlent à la vérité qui vient de Dieu. L'être infaillible ne communique son infaillibilité à personne.

« Nous ne pensons pas que cette digression puisse paraître superflue ; nous avions à nous prononcer sur le caractère et sur l'oeuvre de celle des inspirées qui a témoigné au plus haut degré les facultés extraordinaires dont nous avons parlé tout à l'heure, et qui les a appliquées à la plus éclatante mission des âges modernes ; il fallait donc essayer d'exprimer une opinion par la catégorie d'êtres exceptionnels auxquels appartient Jeanne d'Arc. »


Les Banquets magnétiques

Le 26 mai, anniversaire de la naissance de Mesmer, ont eu lieu les deux banquets annuels qui réunissent l'élite des magnétiseurs de Paris, et ceux des adeptes étrangers qui veulent s'y adjoindre. Nous nous sommes toujours demandé pourquoi cette solennité commémorative est célébrée par deux banquets rivaux, où chaque camp boit à la santé l'un de l'autre, et où l'on porte, sans résultat, des toasts à l'union. Quand on en est là, il semble qu'on soit bien près de s'entendre. Pourquoi donc une scission entre des hommes qui se vouent au bien de l'humanité et au culte de la vérité ? La vérité ne leur paraîtrait-elle pas sous le même jour ? Ont-ils deux manières d'entendre le bien de l'humanité ? Sont-ils divisés sur les principes de leur science ? Nullement ; ils ont les mêmes croyances ; ils ont le même maître, qui est Mesmer. Si ce maître dont ils invoquent la mémoire vient, comme nous le croyons, se rendre à leur appel, il doit gémir de voir la désunion parmi ses disciples. Heureusement cette désunion n'engendrera pas des guerres comme celles qui, au nom de Christ, ont ensanglanté le monde pour l'éternelle honte de ceux qui se disaient chrétiens. Mais cette guerre, tout inoffensive qu'elle soit, et bien qu'elle se borne à des coups de plume et à boire chacun de son côté, n'en est pas moins regrettable ; on aimerait à voir les hommes de bien unis dans un même sentiment de confraternité ; la science magnétique y gagnerait en progrès et en considération.

Puisque les deux camps ne sont pas divisés par la divergence des doctrines, à quoi tient donc leur antagonisme ? Nous ne pouvons en voir la cause que dans des susceptibilités inhérentes à l'imperfection de notre nature, et dont les hommes, même supérieurs, ne sont pas toujours exempts. Le génie de la discorde a de tout temps secoué son flambeau sur l'humanité ; c'est-à-dire, au point de vue spirite, que les Esprits inférieurs, jaloux du bonheur des hommes, trouvent parmi eux un accès trop facile ; heureux ceux qui ont assez de force morale pour repousser leurs suggestions.

On nous avait fait l'honneur de nous convier dans ces deux réunions ; comme elles avaient lieu simultanément, et que nous ne sommes encore qu'un Esprit très matériellement incarné, n'ayant pas le don d'ubiquité, nous n'avons pu nous rendre qu'à une seule de ces deux gracieuses invitations, celle qui était présidée par le docteur Duplanty. Nous devons dire que les partisans du Spiritisme n'y étaient pas en majorité ; toutefois nous constatons avec plaisir qu'à part quelques petites chiquenaudes données aux Esprits dans les spirituels couplets chantés par M. Jules Lovi, et dans ceux non moins amusants chantés par M. Fortier, qui a obtenu les honneurs du bis, la doctrine spirite n'a été de la part de personne l'objet de ces critiques inconvenantes dont certains adversaires ne se font pas faute, malgré l'éducation dont ils se piquent.

Loin de là, M. le docteur Duplanty, dans un discours remarquable et justement applaudi, a hautement proclamé le respect que l'on doit avoir pour les croyances sincères, alors même qu'on ne les partage pas. Sans se prononcer pour ou contre le Spiritisme, il a sagement fait observer que les phénomènes du magnétisme, en nous révélant une puissance jusqu'alors inconnue, doivent rendre d'autant plus circonspect à l'égard de ceux qui peuvent se révéler encore, et qu'il y aurait tout au moins imprudence à nier ceux que l'on ne comprend pas, ou que l'on n'a pas été à même de constater, quand surtout ils s'appuient sur l'autorité d'hommes honorables dont les lumières et la loyauté ne sauraient être révoquées en doute. Ces paroles sont sages, et nous en remercions M. Duplanty ; elles contrastent singulièrement avec celles de certains adeptes du magnétisme qui déversent sans ménagement le ridicule sur une doctrine qu'ils avouent ne pas connaître, oubliant qu'eux-mêmes ont été jadis en butte aux sarcasmes ; qu'eux aussi ont été voués aux petites-maisons et traqués par les sceptiques comme les ennemis du bon sens et de la religion. Aujourd'hui que le magnétisme s'est réhabilité par la force des choses, qu'on n'en rit plus, qu'on peut sans crainte s'avouer magnétiseur, il est peu digne, peu charitable à eux, d'user de représailles envers une science, soeur de la leur, qui ne peut que lui prêter un salutaire appui. Nous n'attaquons pas les hommes, disent-ils ; nous ne rions que de ce qui nous paraît ridicule, en attendant que la lumière soit faite pour nous. A notre avis la science magnétique, science que nous professons nous-même depuis 35 ans, devrait être inséparable de la gravité ; il nous semble que leur verve satirique ne manque pas d'aliments en ce monde, sans prendre pour point de mire des choses sérieuses. Oublient-ils donc qu'on leur a tenu le même langage ; qu'eux aussi accusaient les incrédules de juger à la légère, et qu'ils leur disaient, comme nous le faisons à notre tour : « Patience ! rira bien qui rira le dernier ! »

Erratum

Dans le n° V (mai 1858), une faute typographique a dénaturé un nom propre qui, par cela même, n'a plus de sens, Page 142, ligne 1°, au lieu de Poryolise, lisez : pergolèse.

ALLAN KARDEC.





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