Revue spirite — Journal d'études psychologiques — 1858

Allan Kardec

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Février

Un point capital dans la doctrine spirite est celui des différences qui existent entre les Esprits sous le double rapport intellectuel et moral ; leur enseignement à cet égard n'a jamais varié ; mais il n'est pas moins essentiel de savoir qu'ils n'appartiennent pas perpétuellement au même ordre, et que, par conséquent, ces ordres ne constituent pas des espèces distinctes : ce sont différents degrés de développement. Les Esprits suivent la marche progressive de la nature ; ceux des ordres inférieurs sont encore imparfaits ; ils atteignent les degrés supérieurs après s'être épurés ; ils avancent dans la hiérarchie à mesure qu'ils acquièrent les qualités, l'expérience et les connaissances qui leur manquent. L'enfant au berceau ne ressemble pas à ce qu'il sera dans l'âge mûr, et pourtant c'est toujours le même être.

La classification des Esprits est basée sur le degré de leur avancement, sur les qualités qu'ils ont acquises, et sur les imperfections dont ils ont encore à se dépouiller. Cette classification, du reste, n'a rien d'absolu ; chaque catégorie ne présente un caractère tranché que dans son ensemble ; mais d'un degré à l'autre la transition est insensible, et, sur les limites, la nuance s'efface comme dans les règnes de la nature, comme dans les couleurs de l'arc-en-ciel, ou bien encore comme dans les différentes périodes de la vie de l'homme. On peut donc former un plus ou moins grand nombre de classes selon le point de vue sous lequel on considère la chose. Il en est ici comme dans tous les systèmes de classifications scientifiques ; ces systèmes peuvent être plus ou moins complets, plus ou moins rationnels, plus ou moins commodes pour l'intelligence, mais, quels qu'ils soient, ils ne changent rien au fond de la science. Les Esprits interrogés sur ce point ont donc pu varier dans le nombre des catégories, sans que cela tire à conséquence. On s'est armé de cette contradiction apparente, sans réfléchir qu'ils n'attachent aucune importance à ce qui est purement de convention ; pour eux la pensée est tout ; ils nous abandonnent la forme, le choix des termes, les classifications, en un mot les systèmes.

Ajoutons encore cette considération que l'on ne doit jamais perdre de vue, c'est que parmi les Esprits, aussi bien que parmi les hommes, il en est de fort ignorants, et qu'on ne saurait trop se mettre en garde contre la tendance à croire que tous doivent tout savoir parce qu'ils sont Esprits. Toute classification exige de la méthode, de l'analyse, et la connaissance approfondie du sujet. Or, dans le monde des Esprits, ceux qui ont des connaissances bornées sont, comme ici-bas les ignorants, inhabiles à embrasser un ensemble, à formuler un système ; ceux mêmes qui en sont capables peuvent varier dans les détails selon leur point de vue, surtout quand une division n'a rien d'absolu. Linnée, Jussieu, Tournefort, ont eu chacun leur méthode, et la botanique n'a pas changé pour cela ; c'est qu'ils n'ont inventé ni les plantes, ni leurs caractères ; ils ont observé les analogies d'après lesquelles ils ont formé les groupes ou classes. C'est ainsi que nous avons procédé ; nous n'avons inventé ni les Esprits ni leurs caractères ; nous avons vu et observé, nous les avons jugés à leurs paroles et à leurs actes, puis classés par similitudes ; c'est ce que chacun eût pu faire à notre place.

Nous ne pouvons cependant revendiquer la totalité de ce travail comme étant notre fait. Si le tableau que nous donnons ci-après n'a pas été textuellement tracé par les Esprits, et si nous en avons l'initiative, tous les éléments dont il se compose ont été puisés dans leurs enseignements ; il ne nous restait plus qu'à en formuler la disposition matérielle.

Les Esprits admettent généralement trois catégories principales ou trois grandes divisions. Dans la dernière, celle qui est au bas de l'échelle, sont les Esprits imparfaits qui ont encore tous ou presque tous les degrés à parcourir ; ils sont caractérisés par la prédominance de la matière sur l'Esprit et la propension au mal. Ceux de la seconde sont caractérisés par la prédominance de l'Esprit sur la matière et par le désir du bien : ce sont les bons Esprits. La première enfin comprend les Purs Esprits, ceux qui ont atteint le suprême degré de perfection.

Cette division nous semble parfaitement rationnelle et présenter des caractères bien tranchés ; il ne nous restait plus qu'à faire ressortir, par un nombre suffisant de subdivisions, les nuances principales de l'ensemble ; c'est ce que nous avons fait avec le concours des Esprits, dont les instructions bienveillantes ne nous ont jamais fait défaut.

A l'aide de ce tableau il sera facile de déterminer le rang et le degré de supériorité ou d'infériorité des Esprits avec lesquels nous pouvons entrer en rapport, et, par conséquent, le degré de confiance et d'estime qu'ils méritent. Il nous intéresse en outre personnellement, car, comme nous appartenons par notre âme au monde spirite dans lequel nous rentrons en quittant notre enveloppe mortelle, il nous montre ce qui nous reste à faire pour arriver à la perfection et au bien suprême. Nous ferons observer, toutefois, que les Esprits n'appartiennent pas toujours exclusivement à telle ou telle classe ; leur progrès ne s'accomplissant que graduellement, et souvent plus dans un sens que dans un autre, ils peuvent réunir les caractères de plusieurs catégories, ce qu'il est aisé d'apprécier à leur langage et à leurs actes.




Echelle spirite



TROISIEME ORDRE. - ESPRITS IMPARFAITS.

Prédominance de la matière sur l'esprit. Propension au mal. Ignorance, orgueil, égoïsme, et toutes les mauvaises passions qui en sont la suite.

Ils ont l'intuition de Dieu, mais ils ne le comprennent pas.

Tous ne sont pas essentiellement mauvais ; chez quelques-uns il y a plus de légèreté, d'inconséquence et de malice que de véritable méchanceté. Les uns ne font ni bien ni mal ; mais par cela seul qu'ils ne font point de bien, ils dénotent leur infériorité. D'autres, au contraire, se plaisent au mal, et sont satisfaits quand ils trouvent l'occasion de le faire.

Ils peuvent allier l'intelligence à la méchanceté ou à la malice ; mais quel que soit leur développement intellectuel, leurs idées sont peu élevées et leurs sentiments plus ou moins abjects.

Leurs connaissances sur les choses du monde spirite sont bornées, et le peu qu'ils en savent se confond avec les idées et les préjugés de la vie corporelle. Ils ne peuvent nous en donner que des notions fausses et incomplètes ; mais l'observateur attentif trouve souvent dans leurs communications, même imparfaites, la confirmation des grandes vérités enseignées par les Esprits supérieurs.

Leur caractère se révèle par leur langage. Tout Esprit qui, dans ses communications, trahit une mauvaise pensée, peut être rangé dans le troisième ordre ; par conséquent toute mauvaise pensée qui nous est suggérée nous vient d'un Esprit de cet ordre.

Ils voient le bonheur des bons, et cette vue est pour eux un tourment incessant, car ils éprouvent toutes les angoisses que peuvent produire l'envie et la jalousie.

Ils conservent le souvenir et la perception des souffrances de la vie corporelle, et cette impression est souvent plus pénible que la réalité. Ils souffrent donc véritablement et des maux qu'ils ont endurés, et de ceux qu'ils ont fait endurer aux autres ; et comme ils souffrent longtemps, ils croient souffrir toujours ; Dieu, pour les punir, veut qu'ils le croient ainsi.

On peut les diviser en quatre groupes principaux.

ESPRITS IMPURS. - Ils sont enclins au mal et en font l'objet de leurs préoccupations. Comme Esprits, ils donnent des conseils perfides, soufflent la discorde et la défiance, et prennent tous les masques pour mieux tromper. Ils s'attachent aux caractères assez faibles pour céder à leurs suggestions afin de les pousser à leur perte, satisfaits de pouvoir retarder leur avancement en les faisant succomber dans les épreuves qu'ils subissent.

Dans les manifestations on les reconnaît à leur langage ; la trivialité et la grossièreté des expressions, chez les Esprits comme chez les hommes, est toujours un indice d'infériorité morale sinon intellectuelle. Leurs communications décèlent la bassesse de leurs inclinations, et s'ils veulent faire prendre le change en parlant d'une manière sensée, ils ne peuvent longtemps soutenir leur rôle et finissent toujours par trahir leur origine.

Certains peuples en ont fait des divinités malfaisantes, d'autres les désignent sous les noms de démons, mauvais génies, Esprits du mal.

Les êtres vivants qu'ils animent, quand ils sont incarnés, sont enclins à tous les vices qu'engendrent les passions viles et dégradantes : la sensualité, la cruauté, la fourberie, l'hypocrisie, la cupidité, l'avarice sordide.

Ils font le mal pour le plaisir de le faire, le plus souvent sans motifs, et par haine du bien ils choisissent presque toujours leurs victimes parmi les honnêtes gens. Ce sont des fléaux pour l'humanité, à quelque rang de la société qu'ils appartiennent, et le vernis de la civilisation ne les garantit pas de l'opprobre et de l'ignominie.

ESPRITS LEGERS. - Ils sont ignorants, malins, inconséquents et moqueurs. Ils se mêlent de tout, répondent à tout, sans se soucier de la vérité. Ils se plaisent à causer de petites peines et de petites joies, à faire des tracasseries, à induire malicieusement en erreur par des mystifications et des espiègleries. A cette classe appartiennent les Esprits vulgairement désignés sous les noms de follets, lutins, gnomes, farfadets. Ils sont sous la dépendance des Esprits supérieurs, qui les emploient souvent comme nous le faisons des serviteurs et des manoeuvres.

Ils paraissent, plus que d'autres, attachés à la matière, et semblent être les agents principaux des vicissitudes des éléments du globe, soit qu'ils habitent l'air, l'eau, le feu, les corps durs ou les entrailles de la terre. Ils manifestent souvent leur présence par des effets sensibles, tels que les coups, le mouvement et le déplacement anormal des corps solides, l'agitation de l'air, etc., ce qui leur a fait donner le nom d'Esprits frappeurs ou perturbateurs. On reconnaît que ces phénomènes ne sont point dus à une cause fortuite et naturelle, quand ils ont un caractère intentionnel et intelligent. Tous les Esprits peuvent produire ces phénomènes, mais les Esprits élevés les laissent en général dans les attributions des Esprits inférieurs plus aptes aux choses matérielles qu'aux choses intelligentes.

Dans leurs communications avec les hommes, leur langage est quelquefois spirituel et facétieux, mais presque toujours sans profondeur ; ils saisissent les travers et les ridicules qu'ils expriment en traits mordants et satiriques. S'ils empruntent des noms supposés, c'est plus souvent par malice que par méchanceté.

ESPRITS FAUX-SAVANTS. - Leurs connaissances sont assez étendues, mais ils croient savoir plus qu'ils ne savent en réalité. Ayant accompli quelques progrès à divers points de vue, leur langage a un caractère sérieux qui peut donner le change sur leurs capacités et leurs lumières ; mais ce n'est le plus souvent qu'un reflet des préjugés et des idées systématiques de la vie terrestre ; c'est un mélange de quelques vérités à côté des erreurs les plus absurdes, au milieu desquelles percent la présomption, l'orgueil, la jalousie et l'entêtement dont ils n'ont pu se dépouiller.

ESPRITS NEUTRES. - Ils ne sont ni assez bons pour faire le bien, ni assez mauvais pour faire le mal ; ils penchent autant vers l'un que vers l'autre, et ne s'élèvent pas au-dessus de la condition vulgaire de l'humanité tant pour le moral que pour l'intelligence. Ils tiennent aux choses de ce monde, dont ils regrettent les joies grossières.




SECOND ORDRE. - BONS ESPRITS.

Prédominance de l'Esprit sur la matière ; désir du bien. Leurs qualités et leur pouvoir pour faire le bien sont en raison du degré auquel ils sont parvenus : les uns ont la science, les autres la sagesse et la bonté ; les plus avancés réunissent le savoir aux qualités morales. N'étant point encore complètement dématérialisés, ils conservent plus ou moins, selon leur rang, les traces de l'existence corporelle, soit dans la forme du langage, soit dans leurs habitudes où l'on retrouve même quelques-unes de leurs manies, autrement ils seraient Esprits parfaits.

Ils comprennent Dieu et l'infini, et jouissent déjà de la félicité des bons. Ils sont heureux du bien qu'ils font et du mal qu'ils empêchent. L'amour qui les unit est pour eux la source d'un bonheur ineffable que n'altèrent ni l'envie, ni les regrets, ni les remords, ni aucune des mauvaises passions qui font le tourment des Esprits imparfaits, mais tous ont encore des épreuves à subir jusqu'à ce qu'ils aient atteint la perfection absolue.

Comme Esprits, ils suscitent de bonnes pensées, détournent les hommes de la voie du mal, protègent dans la vie ceux qui s'en rendent dignes, et neutralisent l'influence des Esprits imparfaits chez ceux qui ne se complaisent pas à la subir.

Ceux en qui ils sont incarnés sont bons et bienveillants pour leurs semblables ; ils ne sont mus ni par l'orgueil, ni par l'égoïsme, ni par l'ambition ; ils n'éprouvent ni haine, ni rancune, ni envie, ni jalousie et font le bien pour le bien.

A cet ordre appartiennent les Esprits désignés dans les croyances vulgaires sous les noms de bons génies, génies protecteurs, Esprits du bien. Dans les temps de superstition et d'ignorance on en a fait des divinités bienfaisantes.

On peut également les diviser en quatre groupes principaux.

ESPRITS BIENVEILLANTS. - Leur qualité dominante est la bonté ; ils se plaisent à rendre service aux hommes et à les protéger, mais leur savoir est borné : leur progrès s'est plus accompli dans le sens moral que dans le sens intellectuel.

ESPRITS SAVANTS. - Ce qui les distingue spécialement, c'est l'étendue de leurs connaissances. Ils se préoccupent moins des questions morales que des questions scientifiques, pour lesquelles ils ont plus d'aptitude ; mais ils n'envisagent la science qu'au point de vue de l'utilité, et n'y mêlent aucune des passions qui sont le propre des Esprits imparfaits.

ESPRITS SAGES. - Les qualités morales de l'ordre le plus élevé forment leur caractère distinctif. Sans avoir des connaissances illimitées, ils sont doués d'une capacité intellectuelle qui leur donne un jugement sain sur les hommes et sur les choses.

ESPRITS SUPERIEURS. - Ils réunissent la science, la sagesse et la bonté. Leur langage ne respire que la bienveillance ; il est constamment digne, élevé, souvent sublime. Leur supériorité les rend plus que les autres aptes à nous donner les notions les plus justes sur les choses du monde incorporel dans les limites de ce qu'il est permis à l'homme de connaître. Ils se communiquent volontiers à ceux qui cherchent la vérité de bonne foi, et dont l'âme est assez dégagée des liens terrestres pour la comprendre, mais ils s'éloignent de ceux qu'anime la seule curiosité, ou que l'influence de la matière détourne de la pratique du bien.

Lorsque, par exception, ils s'incarnent sur la terre, c'est pour y accomplir une mission de progrès, et ils nous offrent alors le type de la perfection à laquelle l'humanité peut aspirer ici-bas.




PREMIER ORDRE. - PURS ESPRITS.

Influence de la matière nulle. Supériorité intellectuelle et morale absolue par rapport aux Esprits des autres ordres.

Ils ont parcouru tous les degrés de l'échelle et dépouillé toutes les impuretés de la matière. Ayant atteint la somme de perfection dont est susceptible la créature, ils n'ont plus à subir ni épreuves, ni expiations. N'étant plus sujets à la réincarnation dans des corps périssables, c'est pour eux la vie éternelle qu'ils accomplissent dans le sein de Dieu.

Ils jouissent d'un bonheur inaltérable, parce qu'ils ne sont sujets ni aux besoins, ni aux vicissitudes de la vie matérielle ; mais ce bonheur n'est point celui d'une oisiveté monotone passée dans une contemplation perpétuelle. Ils sont les messagers et les ministres de Dieu dont ils exécutent les ordres pour le maintien de l'harmonie universelle. Ils commandent à tous les Esprits qui leur sont inférieurs, les aident à se perfectionner et leur assignent leur mission. Assister les hommes dans leur détresse, les exciter au bien ou à l'expiation des fautes qui les éloignent de la félicité suprême, est pour eux une douce occupation. On les désigne quelquefois sous les noms d'anges, archanges ou séraphins.

Les hommes peuvent entrer en communication avec eux, mais bien présomptueux serait celui qui prétendrait les avoir constamment à ses ordres.



Sous le rapport des qualités intimes, les Esprits sont de différents ordres qu'ils parcourent successivement à mesure qu'ils s'épurent. Comme état, ils peuvent être incarnés, c'est-à-dire unis à un corps, dans un monde quelconque ; ou errants, c'est-à-dire dégagés du corps matériel et attendant une nouvelle incantation pour s'améliorer.

Les Esprits errants ne forment point une catégorie spéciale ; c'est un des états dans lesquels ils peuvent se trouver.

L'état errant ou erraticité ne constitue point une infériorité pour les Esprits, puisqu'il peut y en avoir de tous les degrés. Tout Esprit qui n'est pas incarné est, par cela même, errant, à l'exception des Purs Esprits qui, n'ayant plus d'incarnation à subir, sont dans leur état définitif.

L'incarnation n'étant qu'un état transitoire, l'erraticité est en réalité l'état normal des esprits, et cet état n'est point forcément une expiation pour eux ; ils y sont heureux ou malheureux selon le degré de leur élévation, et selon le bien ou le mal qu'ils ont fait.

Cette histoire fit beaucoup de bruit dans le temps, et par la position de l'héroïne, et par le grand nombre de personnes qui en furent témoins. Malgré sa singularité, elle serait probablement oubliée, si mademoiselle Clairon ne l'eût consignée dans ses Mémoires, d'où nous extrayons le récit que nous allons en faire. L'analogie qu'elle présente avec quelques-uns des faits qui se passent de nos jours lui donne une place naturelle dans ce Recueil.

Mademoiselle Clairon, comme on le sait, était aussi remarquable par sa beauté que par son talent comme cantatrice et tragédienne ; elle avait inspiré à un jeune Breton, M. de S..., une de ces passions qui décident souvent de la vie, lorsqu'on n'a pas assez de force de caractère pour en triompher. Mademoiselle Clairon n'y répondit que par de l'amitié ; toutefois les assiduités de M. de S... lui devinrent tellement importunes qu'elle résolut de rompre tout rapport avec lui. Le chagrin qu'il en ressentit lui causa une longue maladie dont il mourut. La chose se passait en 1743. Laissons parler mademoiselle Clairon.

« Deux ans et demi s'étaient écoulés entre notre connaissance et sa mort. Il me fit prier d'accorder, à ses derniers moments, la douceur de me voir encore ; mes entours m'empêchèrent de faire cette démarche. Il mourut, n'ayant auprès de lui que ses domestiques et une vieille dame, seule société qu'il eût depuis longtemps. Il logeait alors sur le Rempart, près la Chaussée d'Antin, où l'on commençait à bâtir ; moi, rue de Bussy, près la rue de Seine et l'abbaye Saint-Germain. J'avais ma mère, et plusieurs amis venaient souper avec moi... Je venais de chanter de fort jolies moutonnades, dont mes amis étaient dans le ravissement, lorsque au coup de onze heures succéda le cri le plus aigu. Sa sombre modulation et sa longueur étonnèrent tout le monde ; je me sentis défaillir, et je fus près d'un quart d'heure sans connaissance...

« Tous mes gens, mes amis, mes voisins, la police même, ont entendu ce même cri, toujours à la même heure, toujours partant sous mes fenêtres, et ne paraissant sortir que du vague de l'air... Je soupais rarement en ville, mais les jours où j'y soupais, l'on n'entendait rien, et plusieurs fois, demandant de ses nouvelles à ma mère, à mes gens, lorsque je rentrais dans ma chambre, il partait au milieu de nous. Une fois, le président de B..., chez lequel j'avais soupé, voulut me reconduire pour s'assurer qu'il ne m'était rien arrivé en chemin. Comme il me souhaitait le bonsoir à ma porte, le cri partit entre lui et moi. Ainsi que tout Paris, il savait cette histoire : cependant on le remit dans son carrosse plus mort que vivant.

« Une autre fois je priai mon camarade Rosely de m'accompagner rue Saint-Honoré pour choisir des étoffes. L'unique sujet de notre entretien fut mon revenant (c'est ainsi qu'on l'appelait). Ce jeune homme, plein d'esprit, ne croyant à rien, était cependant frappé de mon aventure ; il me pressait d'évoquer le fantôme, en me promettant d'y croire s'il me répondait. Soit par faiblesse, soit par audace, je fis ce qu'il me demandait : le cri partit à trois reprises, terribles par leur éclat et leur rapidité. A notre retour, il fallut le secours de toute la maison pour nous tirer du carrosse où nous étions sans connaissance l'un et l'autre. Après cette scène je restai quelques mois sans rien entendre. Je me croyais à jamais quitte, je me trompais.

« Tous les spectacles avaient été mandés à Versailles pour le mariage du Dauphin. On m'avait arrangé, dans l'avenue de Saint-Cloud, une chambre que j'occupais avec madame Grandval. A trois heures du matin, je lui dis : Nous sommes au bout du monde ; le cri serait bien embarrassé d'avoir à nous chercher ici... Il partit ! Madame Grandval crut que l'enfer entier était dans la chambre ; elle courut en chemise du haut en bas de la maison, où personne ne put fermer l'oeil de la nuit ; mais ce fut au moins la dernière fois qu'il se fit entendre.

« Sept ou huit jours après, causant avec ma société ordinaire, la cloche de onze heures fut suivie d'un coup de fusil tiré dans une de mes fenêtres. Tous nous entendimes le coup ; tous nous vîmes le feu ; la fenêtre n'avait aucune espèce de dommage. Nous conclûmes tous qu'on en voulait à ma vie, qu'on m'avait manquée, et qu'il fallait prendre des précautions pour l'avenir. M. de Marville, alors lieutenant de police, fit visiter les maisons vis-à-vis la mienne ; la rue fut remplie de tous les espions possibles ; mais, quelques soins que l'on prit, ce coup, pendant trois mois entiers, fut entendu, vu, frappant toujours à la même heure, dans le même carreau de vitre, sans que personne ait jamais pu voir de quel endroit il partait. Ce fait a été constaté sur les registres de la police.

« Accoutumée à mon revenant, que je trouvais assez bon diable, puisqu'il s'en tenait à des tours de passe-passe, ne prenant pas garde à l'heure qu'il était, ayant fort chaud, j'ouvris la fenêtre consacrée, et l'intendant et moi nous appuyâmes sur le balcon. Onze heures sonnent, le coup part, et nous jette tous les deux au milieu de la chambre, où nous tombons comme morts. Revenus à nous-mêmes, sentant que nous n'avions rien, nous regardant, nous avouant que nous avions reçu, lui sur la joue gauche, moi sur la joue droite, le plus terrible soufflet qui se soit jamais appliqué, nous nous mîmes à rire comme deux fous.

« Le surlendemain, priée par mademoiselle Dumesnil d'être d'une petite fête nocturne qu'elle donnait à sa maison de la barrière Blanche, je montai en fiacre à onze heures avec ma femme de chambre. Il faisait le plus beau clair de lune, et l'on nous conduisit par les boulevards qui commençaient à se garnir de maisons. Ma femme de chambre me dit : N'est-ce pas ici qu'est mort M. de S...? - D'après les renseignements qu'on m'a donnés, ce doit être, lui dis-je, en les désignant avec mon doigt, dans l'une des deux maisons que voilà devant nous. D'une des deux partit ce même coup de fusil qui me poursuivait : il traversa notre voiture ; le cocher doubla son train, se croyant attaqué par des voleurs. Nous, nous arrivâmes au rendez-vous, ayant à peine repris nos sens, et, pour ma part, pénétrée d'une terreur que j'ai gardée longtemps, je l'avoue ; mais cet exploit fut le dernier des armes à feu.

« A leur explosion succéda un claquement de mains, ayant une certaine mesure et des redoublements. Ce bruit, auquel les bontés du public m'avaient accoutumée, ne me laissa faire aucune remarque pendant longtemps ; mes amis en firent pour moi. Nous avons guetté, me dirent-ils ; c'est à onze heures, presque sous votre porte, qu'il se fait ; nous l'entendons, nous ne voyons personne ; ce ne peut être qu'une suite de ce que vous avez éprouvé. Comme ce bruit n'avait rien de terrible, je ne conservai point la date de sa durée. Je ne fis pas plus d'attention aux sons mélodieux qui se firent entendre après ; il semblait qu'une voix céleste donnait le canevas de l'air noble et touchant qu'elle allait chanter ; cette voix commençait au carrefour de Bussy et finissait à ma porte ; et, comme il en avait été de tous les sons précédents, on entendait et l'on ne voyait rien. Enfin, tout cessa après un peu plus de deux ans et demi. »

A quelque temps de là, mademoiselle Clairon apprit de la dame âgée qui était restée l'amie dévouée de M. de S..., le récit de ses derniers moments.

« Il comptait, lui dit-elle, toutes les minutes, lorsqu'à dix heures et demie son laquais vint lui dire que, décidément, vous ne viendriez pas. Après un moment de silence, il me prit la main avec un redoublement de désespoir qui m'effraya. La barbare !... elle n'y gagnera rien ; je la poursuivrai autant après ma mort que je l'ai poursuivie pendant ma vie !... Je voulus tâcher de le calmer ; il n'était plus. »

Dans l'édition que nous avons sous les yeux, ce récit est précédé de la note suivante sans signature :

« Voici une anecdote bien singulière dont on a porté et dont on portera sans doute bien des jugements différents. On aime le merveilleux, même sans y croire : mademoiselle Clairon paraît convaincue de la réalité des faits qu'elle raconte. Nous nous contenterons de remarquer que dans le temps où elle fut, ou se crut tourmentée par son revenant, elle avait de vingt-deux ans et demi à vingt-cinq ans ; que c'est l'âge de l'imagination, et que cette faculté était continuellement exercée et exaltée en elle par le genre de vie qu'elle menait au théâtre et hors du théâtre. On peut se rappeler encore qu'elle a dit, au commencement de ses Mémoires, que, dans son enfance, on ne l'entretenait que d'aventures de revenants et de sorciers, qu'on lui disait être des histoires véritables. »

Ne connaissant le fait que par le récit de mademoiselle Clairon, nous ne pouvons en juger que par induction ; or, voici notre raisonnement. Cet événement décrit dans ses plus minutieux détails par mademoiselle Clairon elle-même, a plus d'authenticité que s'il eût été rapporté par un tiers. Ajoutons que lorsqu'elle a écrit la lettre dans laquelle il se trouve relaté, elle avait environ soixante ans et passé l'âge de la crédulité dont parle l'auteur de la note. Cet auteur ne révoque pas en doute la bonne foi de mademoiselle Clairon sur son aventure, seulement il pense qu'elle a pu être le jouet d'une illusion. Qu'elle l'ait été une fois, cela n'aurait rien d'étonnant, mais qu'elle l'ait été pendant deux ans et demi, cela nous paraît plus difficile ; il nous paraît plus difficile encore de supposer que cette illusion ait été partagée par tant de personnes, témoins oculaires et auriculaires des faits, et par la police elle-même. Pour nous, qui connaissons ce qui peut se passer dans les manifestations spirites, l'aventure n'a rien qui puisse nous surprendre, et nous la tenons pour probable. Dans cette hypothèse, nous n'hésitons pas à penser que l'auteur de tous ces mauvais tours n'était autre que l'âme ou l'esprit de M. de S..., si nous remarquons surtout la coïncidence de ses dernières paroles avec la durée des phénomènes. Il avait dit : Je la poursuivrai autant après ma mort que pendant ma vie. Or, ses rapports avec mademoiselle Clairon avaient duré deux ans et demi, juste autant de temps que les manifestations qui suivirent sa mort.

Quelques mots encore sur la nature de cet Esprit. Il n'était pas méchant, et c'est avec raison que mademoiselle Clairon le qualifie d'assez bon diable ; mais on ne peut pas dire non plus qu'il fût la bonté même. La passion violente à laquelle il a succombé, comme homme, prouve que chez lui les idées terrestres étaient dominantes. Les traces profondes de cette passion, qui survit à la destruction du corps, prouvent que, comme Esprit, il était encore sous l'influence de la matière. Sa vengeance, tout inoffensive qu'elle était, dénote des sentiments peu élevés. Si donc on veut bien se reporter à notre tableau de la classification des Esprits, il ne sera pas difficile de lui assigner son rang ; l'absence de méchanceté réelle l'écarte naturellement de la dernière classe, celle des Esprits impurs ; mais il tenait évidemment des autres classes du même ordre ; rien chez lui ne pourrait justifier un rang supérieur.

Une chose digne de remarque, c'est la succession des différents modes par lesquels il a manifesté sa présence. C'est le jour même et au moment de sa mort qu'il se fait entendre pour la première fois, et cela au milieu d'un joyeux souper. De son vivant, il voyait mademoiselle Clairon par la pensée, entourée de l'auréole que prête l'imagination à l'objet d'une passion ardente ; mais une fois l'âme débarrassée de son voile matériel, l'illusion fait place à la réalité. Il est là, à ses côtés, il la voit entourée d'amis, tout devait exciter sa jalousie ; elle semble, par sa gaîté et par ses chants, insulter à son désespoir, et son désespoir se traduit par un cri de rage qu'il répète chaque jour à la même heure, comme pour lui reprocher son refus d'avoir été le consoler à ses derniers moments. Aux cris succèdent des coups de fusil, inoffensifs, il est vrai, mais qui n'en dénotent pas moins une rage impuissante et l'envie de troubler son repos. Plus lard, son désespoir prend un caractère plus calme ; revenu sans doute à des idées plus saines, il semble avoir pris son parti ; il lui reste le souvenir des applaudissements dont elle était l'objet, et il les répète. Plus tard enfin, il lui dit adieu en faisant entendre des sons qui semblaient comme l'écho de cette voix mélodieuse qui l'avait tant charmé de son vivant.


Le mouvement imprimé aux corps inertes par la volonté est aujourd'hui tellement connu qu'il y aurait presque de la puérilité à rapporter des faits de ce genre ; il n'en est pas de même lorsque ce mouvement est accompagné de certains phénomènes moins vulgaires, tels que celui, par exemple, de la suspension dans l'espace. Bien que les annales du Spiritisme en citent de nombreux exemples, ce phénomène présente une telle dérogation aux lois de la gravitation que le doute paraît très naturel pour quiconque n'en a pas été témoin. Nous-même, nous l'avouons, tout habitué que nous sommes aux choses extraordinaires, avons été bien aise de pouvoir en constater la réalité. Le fait que nous allons rapporter s'est passé plusieurs fois sous nos yeux dans les réunions qui avaient lieu jadis chez M. B***, rue Lamartine, et nous savons qu'il s'est maintes fois produit ailleurs ; nous pouvons donc le certifier comme incontestable. Voici comment les choses se passaient.
Huit ou dix personnes, parmi lesquelles il s'en trouvait de douées d'une puissance spéciale, sans être toutefois des médiums reconnus, se plaçaient autour d'une table de salon lourde et massive, les mains posées sur le bord et toutes unies d'intention et de volonté. Au bout d'un temps plus ou moins long, dix minutes ou un quart d'heure, selon que les dispositions ambiantes étaient plus ou moins favorables, la table, malgré son poids de près de 100 kilos, se mettait en mouvement, glissait à droite ou à gauche sur le parquet, se transportait dans les diverses parties désignées du salon, puis se soulevant, tantôt sur un pied, tantôt sur un autre, jusqu'à former un angle de 45°, se balançait avec rapidité, imitant le tangage et le roulis d'un navire. Si, dans cette position, les assistants redoublaient d'efforts par leur volonté, la table se détachait entièrement du sol, à 10 ou 20 centimètres d'élévation, se soutenait ainsi dans l'espace sans aucun point d'appui, pendant quelques secondes, puis retombait de tout son poids.

Le mouvement de la table, son soulèvement sur un pied, son balancement, se produisaient à peu près à volonté, souvent plusieurs fois dans la soirée, et souvent aussi sans aucun contact des mains ; la volonté seule suffisait pour que la table se dirigeât du côté indiqué. L'isolement complet était plus difficile à obtenir, mais il a été répété assez souvent pour qu'on ne pût le regarder comme un fait exceptionnel. Or ceci ne se passait point en présence d'adeptes seuls qu'on pourrait croire trop accessibles à l'illusion, mais devant vingt ou trente personnes, parmi lesquelles il s'en trouvait quelquefois de fort peu sympathiques qui ne manquaient pas de supposer quelque préparation secrète, sans égard pour les maîtres de la maison, dont le caractère honorable devait éloigner tout soupçon de supercherie, et pour qui d'ailleurs c'eût été un singulier plaisir de passer toutes les semaines plusieurs heures à mystifier une assemblée sans profit.

Nous avons rapporté le fait dans toute sa simplicité, sans restriction ni exagération. Nous ne dirons donc pas que nous avons vu la table voltiger en l'air comme une plume ; mais tel qu'il est, ce fait n'en démontre pas moins la possibilité de l'isolement des corps graves sans point d'appui, au moyen d'une puissance jusqu'alors inconnue. Nous ne dirons pas non plus qu'il suffisait d'étendre la main ou de faire un signe quelconque, pour qu'à l'instant la table se mût et s'enlevât comme par enchantement.

Nous dirons, au contraire, pour être dans le vrai, que les premiers mouvements s'opéraient toujours avec une certaine lenteur, et n'acquéraient que graduellement leur maximum d'intensité. Le soulèvement complet n'avait lieu qu'après plusieurs mouvements préparatoires qui étaient comme des essais et une sorte d'élan. La puissance agissante semblait redoubler d'efforts par les encouragements des assistants, comme un homme ou un cheval qui accomplit une lourde tâche, et que l'on excite de la voix et du geste. L'effet une fois produit, tout retombait dans le calme, et de quelques instants on n'obtenait rien, comme si cette même puissance avait eu besoin de reprendre haleine.

Nous aurons souvent occasion de citer des phénomènes de ce genre, soit spontanés, soit provoqués, et accomplis dans des proportions et avec des circonstances bien autrement extraordinaires ; mais lorsque nous en aurons été témoin, nous les rapporterons toujours de manière à éviter toute interprétation fausse ou exagérée. Si dans le fait raconté plus haut, nous nous fussions contenté de dire que nous avons vu une table de 100 kilos s'enlever au seul contact des mains, nul doute que beaucoup de gens se soient figurés qu'elle s'était enlevée jusqu'au plafond et avec la rapidité d'un changement à vue. C'est ainsi que les choses les plus simples deviennent des prodiges par les proportions que leur prête l'imagination. Que doit-ce être quand les faits ont traversé les siècles et passé par la bouche des poètes ! Si l'on disait que la superstition est la fille de la réalité, on aurait l'air d'avancer un paradoxe, et pourtant rien n'est plus vrai ; il n'y a pas de superstition qui ne repose sur un fond réel ; le tout est de discerner où finit l'un et où commence l'autre. Le véritable moyen de combattre les superstitions n'est pas de les contester d'une manière absolue ; dans l'esprit de certaines gens il est des idées qu'on ne déracine pas facilement, parce qu'ils ont toujours des faits à citer à l'appui de leur opinion ; c'est au contraire de montrer ce qu'il y a de réel ; alors il ne reste que l'exagération ridicule dont le bon sens fait justice.


Pour arriver à la forêt de Dodone, passons par la rue Lamartine, et arrêtons-nous un instant chez M. B*** où nous avons vu un meuble docile nous poser un nouveau problème de statique.

Les assistants en nombre quelconque sont placés autour de la table en question, dans un ordre également quelconque, car il n'y a ici ni nombres ni places cabalistiques ; ils ont les mains posées sur le bord ; ils font, soit mentalement, soit à haute voix, appel aux Esprits qui ont l'habitude de se rendre à leur invitation. On connaît notre opinion sur ce genre d'Esprits, c'est pourquoi nous les traitons un peu sans cérémonie. Quatre ou cinq minutes sont à peine écoulées qu'un bruit clair de toc, toc, se fait entendre dans la table, souvent assez fort pour être entendu de la pièce voisine, et se répète aussi longtemps et aussi souvent qu'on le désire. La vibration se fait sentir dans les doigts, et en appliquant l'oreille contre la table, on reconnaît, à ne pas s'y méprendre, que le bruit a sa source dans la substance même du bois, car toute la table vibre depuis les pieds jusqu'à la surface.

Quelle est la cause de ce bruit ? Est-ce le bois qui travaille, ou bien est-ce, comme on dit, un Esprit ? Ecartons d'abord toute idée de supercherie ; nous sommes chez des gens trop sérieux et de trop bonne compagnie pour s'amuser aux dépens de ceux qu'ils veulent bien admettre chez eux ; d'ailleurs cette maison n'est point privilégiée ; les mêmes faits se produisent dans cent autres tout aussi honorables. Permettez-nous, en attendant la réponse, une petite digression.

Un jeune candidat bachelier était dans sa chambre occupé à repasser son examen de rhétorique ; on frappe à sa porte. Vous admettrez bien, je pense, qu'on petit distinguer à la nature du bruit, et surtout à sa répétition, s'il est causé par un craquement du bois, l'agitation du vent ou toute autre cause fortuite, ou bien si c'est quelqu'un qui frappe pour demander à entrer. Dans ce dernier cas le bruit a un caractère intentionnel auquel on ne peut se méprendre ; c'est ce que se dit notre écolier. Cependant, pour ne pas se déranger inutilement, il voulut s'en assurer en mettant le visiteur à l'épreuve. Si c'est quelqu'un, dit-il, frappez un, deux, trois, quatre, cinq, six coups ; frappez en haut, en bas, à droite, à gauche ; battez la mesure ; battez le rappel, etc., et à chacun de ces commandements le bruit obéit avec la plus parfaite ponctualité. Assurément, pensa-t-il, ce ne peut être ni le jeu du bois, ni le vent, ni même un chat, quelque intelligent qu'on le suppose. Voici un fait, voyons à quelle conséquence nous conduiront les arguments syllogistiques. Il fit alors le raisonnement, suivant : J'entends du bruit, donc c'est quelque chose qui le produit ; ce bruit obéit à mon commandement, donc la cause qui le produit me comprend ; or, ce qui comprend a de l'intelligence, donc la cause de ce bruit est intelligente. Si elle est intelligente, ce n'est ni le bois ni le vent ; si ce n'est ni le bois ni le vent, c'est donc quelqu'un. Là-dessus il alla ouvrir la porte. On voit qu'il n'est pas besoin d'être docteur pour tirer cette conclusion, et nous croyons notre apprenti bachelier assez ferré sur ses principes pour tirer la suivante. Supposons qu'en allant ouvrir la porte il ne trouve personne, et que le bruit n'en continue pas moins exactement de la même manière ; il poursuivra son sorite : « Je viens de me prouver sans réplique que le bruit est produit par un être intelligent, puisqu'il répond à ma pensée. J'entends toujours ce bruit devant moi, et il est certain que ce n'est pas moi qui frappe, donc c'est un autre ; or cet autre, je ne le vois pas : donc il est invisible. Les êtres corporels appartenant à l'humanité sont parfaitement visibles ; or celui qui frappe, étant invisible, n'est pas un être corporel humain. Or, puisque nous appelons Esprits les êtres incorporels, celui qui frappe n'étant pas un être corporel, est donc un Esprit. »

Nous croyons les conclusions de notre écolier rigoureusement logiques ; seulement ce que nous avons donné comme une supposition est une réalité, en ce qui concerne les expériences qui se faisaient chez M. B***. Nous ajouterons qu'il n'était pas besoin de l'imposition des mains, tous les phénomènes se produisant également bien alors que la table était isolée de tout contact. Ainsi, suivant le désir exprimé, les coups étaient frappés dans la table, dans la muraille, dans la porte, et à la place désignée verbalement ou mentalement ; ils indiquaient l'heure, le nombre de personnes présentes ; ils battaient la charge, le rappel, le rythme d'un air connu ; ils imitaient le travail du tonnelier, le grincement de la scie, l'écho, les feux de file ou de pelotons et bien d'autres effets trop longs à décrire. On nous a dit avoir entendu dans certains cercles imiter le sifflement du vent, le bruissement des feuilles, le roulement du tonnerre, le clapotement des vagues, ce qui n'a rien de plus surprenant. L'intelligence de la cause devenait patente quand, au moyen de ces mêmes coups, on obtenait des réponses catégoriques à certaines questions ; or c'est cette cause intelligente que nous nommons, ou pour mieux dire qui s'est nommée elle-même Esprit. Quand cet Esprit voulait faire une communication plus développée, il indiquait par un signe particulier qu'il voulait écrire ; alors le médium écrivain prenait le crayon, et transmettait sa pensée par écrit.

Parmi les assistants, nous ne parlons pas de ceux qui étaient autour de la table, mais de toutes les personnes qui remplissaient le salon, il y avait des incrédules pur sang, des demi-croyants et des adeptes fervents, mélange peu favorable, comme on le sait. Les premiers, nous les laisserions volontiers, attendant que la lumière se fasse pour eux. Nous respectons toutes les croyances, même l'incrédulité qui est aussi une sorte de croyance lorsqu'elle se respecte assez elle-même pour ne pas froisser les opinions contraires. Nous n'en parlerions donc pas s'ils ne devaient nous fournir une observation qui n'est pas sans utilité. Leur raisonnement, beaucoup moins prolixe que celui de notre écolier, se résume généralement ainsi : Je ne crois pas aux Esprits, donc ce ne doit pas être des Esprits. Puisque ce ne sont pas des Esprits, ce doit être une jonglerie. Cette conclusion les mène naturellement à supposer que la table est machinée à la façon de Robert Houdin. A cela notre réponse est bien simple : c'est d'abord qu'il faudrait que toutes les tables et tous les meubles fussent machinés, puisqu'il n'y en a pas de privilégiés ; seulement, nous ne connaissons pas de mécanisme assez ingénieux pour produire à volonté tous les effets que nous avons décrits ; troisièmement, il faudrait que M. B*** eût fait machiner les murailles et les portes de son appartement, ce qui n'est guère probable ; quatrièmement, enfin, il faudrait qu'on eût fait machiner de même les tables, les portes et les murailles de toutes les maisons où de semblables phénomènes se produisent journellement, ce qui n'est pas plus présumable, car on connaîtrait l'habile constructeur de tant de merveilles.

Les demi-croyants admettent tous les phénomènes, mais ils sont indécis sur la cause. Nous les renvoyons aux arguments de notre futur bachelier.

Les croyants présentaient trois nuances bien caractérisées : ceux qui ne voyaient dans ces expériences qu'un amusement et un passe-temps, et dont l'admiration se traduisait par ces mots ou leurs analogues : C'est étonnant ! c'est singulier ! c'est bien drôle ! mais qui n'allaient pas au-delà. Il y avait ensuite les gens sérieux, instruits, observateurs, auxquels nul détail n'échappait et pour qui les moindres choses étaient des sujets d'étude. Venaient ensuite les ultra-croyants, si nous pouvons nous exprimer ainsi, ou pour mieux dire, les croyants aveugles, ceux auxquels on peut reprocher un excès de crédulité ; dont la foi non suffisamment éclairée leur donne une telle confiance dans les Esprits, qu'ils leur prêtent toutes les connaissances et surtout la prescience ; aussi était-ce de la meilleure foi du monde qu'ils demandaient des nouvelles de toutes leurs affaires, sans songer qu'ils en auraient su tout autant pour deux sous auprès du premier diseur de bonne aventure. Pour eux, la table parlante n'est pas un objet d'étude et d'observation, c'est un oracle. Elle n'a contre elle que sa forme triviale et ses usages trop vulgaires, mais que le bois dont elle est faite, au lieu d'être façonné pour les besoins domestiques, soit sur pied, vous aurez un arbre parlant ; qu'il soit taillé en statue, vous aurez une idole devant laquelle les peuples crédules viendront se prosterner.

Maintenant franchissons les mers et vingt-cinq siècles, et transportons-nous au pied du mont Tomarus en Epire, nous y trouverons la forêt sacrée dont les chênes rendaient des oracles ; ajoutez-y le prestige du culte et la pompe des cérémonies religieuses, et vous vous expliquerez facilement la vénération d'un peuple ignorant et crédule qui ne pouvait voir la réalité à travers tant de moyens de fascination.

Le bois n'est pas la seule substance qui puisse servir de véhicule à la manifestation des Esprits frappeurs. Nous les avons vus se produire dans une muraille, par conséquent dans la pierre. Nous avons donc aussi des pierres parlantes. Que ces pierres représentent un personnage sacré, nous aurons la statue de Memnon, ou celle de Jupiter Ammon rendant des oracles comme les arbres de Dodone.

L'histoire, il est vrai, ne nous dit pas que ces oracles étaient rendus par des coups frappés, comme nous le voyons de nos jours. C'était, dans la forêt de Dodone, par le sifflement du vent à travers les arbres, par le bruissement des feuilles, ou le murmure de la fontaine qui jaillissait au pied du chêne consacré à Jupiter. La statue de Memnon rendait, dit-on, des sons mélodieux, aux premiers rayons du soleil. Mais l'histoire nous dit aussi, comme nous aurons occasion de le démontrer, que les anciens connaissaient parfaitement les phénomènes attribués aux Esprits frappeurs. Nul doute que ce ne soit là le principe de leur croyance à l'existence d'êtres animés dans les arbres, les pierres, les eaux, etc. Mais dès que ce genre de manifestation fut exploité, les coups ne suffisaient plus ; les visiteurs étaient trop nombreux pour qu'on pût leur donner à chacun une séance particulière ; c'eût été d'ailleurs, chose trop simple ; il fallait le prestige, et du moment qu'ils enrichissaient le temple par leurs offrandes, il fallait bien leur en donner pour leur argent. L'essentiel était que l'objet fût regardé comme sacré et habité par une divinité ; on pouvait dès lors lui faire dire tout ce qu'on voulait sans prendre tant de précautions.

Les prêtres de Memnon usaient, dit-on, de supercherie ; la statue était creuse, et les sons qu'elle rendait étaient produits par quelque moyen acoustique. Cela est possible et même probable. Les Esprits, même les simples frappeurs, qui sont en général moins scrupuleux que les autres, ne sont pas toujours, comme nous l'avons dit, à la disposition du premier venu ; ils ont leur volonté, leurs occupations, leurs susceptibilités, et ni les uns ni les autres n'aiment à être exploités par la cupidité. Quel discrédit pour les prêtres s'ils n'avaient pu faire parler à propos leur idole ! Il fallait bien suppléer à son silence, et au besoin donner un coup de main ; d'ailleurs il était bien plus commode de ne pas se donner tant de peine, et l'on pouvait formuler la réponse selon les circonstances. Ce que nous voyons de nos jours n'en prouve pas moins que les croyances anciennes avaient pour principe la connaissance des manifestations spirites, et c'est avec raison que nous avons dit que le Spiritisme moderne est le réveil de l'antiquité, mais de l'antiquité éclairée par les lumières de la civilisation et de la réalité.


1. Toi qui possèdes, écoute-moi. Un jour deux fils d'un même père reçurent chacun un boisseau de blé. L'aîné serra le sien dans un lieu dérobé ; l'autre rencontra sur son chemin un pauvre qui demandait l'aumône ; il courut à lui, et versa dans le pan de son manteau la moitié du blé qui lui était échue, puis il continua sa route, et s'en alla semer le reste dans le champ paternel.

Or vers ce temps-là il vint une grande famine, les oiseaux du ciel mouraient sur le bord du chemin. Le frère aîné courut à sa cachette, mais il n'y trouva que poussière ; le cadet s'en allait tristement contempler son blé séché sur pied, lorsqu'il rencontra le pauvre qu'il avait assisté. Frère, lui dit le mendiant, j'allais mourir, tu m'as secouru ; maintenant que l'espérance est séchée dans ton coeur, suis-moi. Ton demi-boisseau a quintuplé entre mes mains ; j'apaiserai ta faim et tu vivras dans l'abondance.

2. Ecoute-moi, avare ! connais-tu le bonheur ? oui, n'est-ce pas ! Ton oeil brille d'un sombre éclat dans ton orbite que l'avarice a creusé plus profondément ; tes lèvres se serrent ; ta narine frémit et ton oreille se dresse. Oui, j'entends, c'est le bruit de l'or que ta main caresse en le versant dans la cachette. Tu dis : C'est là la volupté suprême. Silence ! on vient. Ferme vite. Bien ! que tu es pâle ! ton corps frissonne. Rassure-toi ; les pas s'éloignent. Ouvre ; regarde encore ton or. Ouvre ; ne tremble pas ; tu es bien seul. Entends-tu ! non, rien ; c'est le vent qui gémit en passant sur le seuil. Regarde ; que d'or ! plonge à pleines mains : fais sonner le métal ; tu es heureux.

Heureux, toi ! mais la nuit est sans repos et ton sommeil est obsédé de fantômes.

Tu as froid ! approche-toi de la cheminée ; chauffe-toi à ce feu qui pétille si joyeusement. La neige tombe ; le voyageur s'enveloppe frileusement de son manteau, et le pauvre grelotte sous ses haillons. La flamme du foyer se ralentit ; jette du bois. Mais non ; arrête ! c'est ton or que tu consumes avec ce bois ; c'est ton or qui brûle.

Tu as faim ! tiens, prends ; rassasie-toi ; tout cela est à toi, tu l'as payé de ton or. De ton or ! cette abondance t'indigne, ce superflu est-il nécessaire pour soutenir la vie ? non, ce petit morceau de pain suffira ; encore c'est trop. Tes vêtements tombent en lambeaux ; ta maison se lézarde et menace ruine ; tu souffres du froid et de la faim ; mais que t'importe ! tu as de l'or.

Malheureux ! cet or, la mort t'en séparera. Tu le laisseras sur le bord de la tombe, comme la poussière que le voyageur secoue sur le seuil de la porte où sa famille bien-aimée l'attend pour fêter son retour.

Ton sang appauvri, vieilli par ta misère volontaire, s'est glacé dans tes veines. Des héritiers avides viennent de jeter ton corps dans un coin du cimetière ; te voilà face à face avec l'éternité. Misérable ! qu'as-tu fait de cet or qui t'a été confié pour soulager le pauvre ? Entends-tu ces blasphèmes ? vois-tu ces larmes ! vois-tu ce sang ? Ces blasphèmes sont ceux de la souffrance que tu aurais pu calmer ; ces larmes, tu les as fait couler ; ce sang, c'est toi qui l'as versé. Tu as horreur de toi ; tu voudrais te fuir et tu ne le peux pas. Tu souffres, damné ! et tu te tords dans ta souffrance. Souffre ! point de pitié pour toi. Tu n'as point eu d'entrailles pour ton frère malheureux ; qui en aurait pour toi ? Souffre ! souffre ! toujours ! ton supplice n'aura point de fin. Dieu veut, pour te punir, que tu le CROIES ainsi.

Remarque. En écoutant la fin de ces éloquentes et poétiques paroles, nous étions tous surpris d'entendre saint Louis parler de l'éternité des souffrances, alors que tous les Esprits supérieurs s'accordent à combattre cette croyance, lorsque ces derniers mots : Dieu veut, pour te punir, que tu le CROIES ainsi, sont venus tout expliquer. Nous les avons reproduits dans les caractères généraux des Esprits du troisième ordre. En effet, plus les Esprits sont imparfaits, plus leurs idées sont restreintes et circonscrites ; l'avenir est pour eux dans le vague : ils ne le comprennent pas. Ils souffrent ; leurs souffrances sont longues ; et pour qui souffre longtemps c'est souffrir toujours. Cette pensée même est un châtiment.

Dans un prochain article nous citerons des faits de manifestations qui pourront nous éclairer sur la nature des souffrances d'outre-tombe.


Nota. Mademoiselle Clary D..., intéressante enfant, morte en 1850, à l'âge de 13 ans, est depuis lors restée comme le génie de sa famille, où elle est fréquemment évoquée, et à laquelle elle a fait un grand nombre de communications du plus haut intérêt. L'entretien que nous rapportons ci-après a eu lieu entre elle et nous le 12 janvier 1857, par l'intermédiaire de son frère médium.

1. D. Avez-vous un souvenir précis de votre existence corporelle ? - R. L'Esprit voit le présent, le passé et un peu de l'avenir selon sa perfection et son rapprochement de Dieu.

2. D. Cette condition de la perfection est-elle seulement relative à l'avenir, ou se rapporte-t-elle également au présent et au passé ? - R. L'Esprit voit l'avenir plus clairement à mesure qu'il se rapproche de Dieu. Après la mort, l'âme voit et embrasse d'un coup d'oeil toutes ses émigrations passées, mais elle ne peut voir ce que Dieu lui prépare ; il faut pour cela qu'elle soit tout entière en Dieu après bien des existences.

3. D. Savez-vous à quelle époque vous serez réincarnée ? - R. Dans 10 ans ou 100 ans.

4. D. Sera-ce sur cette terre, ou dans un autre monde ? - R. Un autre monde.

5. D. Le monde où vous serez est-il, par rapport à la terre, dans des conditions meilleures, égales ou inférieures ? - R. Beaucoup mieux que sur terre ; on y est heureux.

6. D. Puisque vous êtes ici parmi nous, y êtes-vous à une place déterminée et en quel endroit ? - R. J'y suis en apparence éthéréenne ; je puis dire que mon Esprit proprement dit s'étend beaucoup plus loin ; je vois beaucoup de choses, et je me transporte bien loin d'ici avec la vitesse de la pensée ; mon apparence est à droite de mon frère et guide son bras.

7. D. Ce corps éthéréen dont vous êtes revêtue, vous permet-il d'éprouver des sensations physiques, comme par exemple celle du chaud ou du froid ? - R. Quand je me souviens trop de mon corps, j'éprouve une sorte d'impression comme lorsqu'on quitte un manteau et que l'on croit encore le porter quelque temps après.

8. D. Vous venez de dire que vous pouvez vous transporter avec la rapidité de la pensée ; la pensée n'est-elle pas l'âme elle-même qui se dégage de son enveloppe ? - R. Oui.

9. D. Lorsque votre pensée se porte quelque part, comment se fait la séparation de votre âme ? - R. L'apparence s'évanouit ; la pensée marche seule.

10. D. C'est donc une faculté qui se détache ; l'être restant où il est ? - R. La forme n'est pas l'être.

11. D. Mais comment cette pensée agit-elle ? N'agit-elle pas toujours par l'intermédiaire de la matière ? - R. Non.

12. D. Lorsque votre faculté de penser se détache, vous n'agissez donc plus par l'intermédiaire de la matière ? - R. L'ombre s'évanouit ; elle se reproduit où la pensée la guide.

13. D. Puisque vous n'aviez que 13 ans quand votre corps est mort, comment se fait-il que vous puissiez nous donner, sur des questions abstraites, des réponses qui sont hors de la portée d'un enfant de votre âge ? - R. Mon âme est si ancienne !

14. D. Pouvez-vous nous citer, parmi vos existences antérieures, une de celles qui ont le plus élevé vos connaissances ? - R. J'ai été dans le corps d'un homme que j'avais rendu vertueux ; après sa mort je suis allée dans le corps d'une jeune fille dont le visage était l'empreinte de l'âme ; Dieu me récompense.

15. D. Pourrait-il nous être donné de vous voir ici telle que vous êtes actuellement ? - R. Vous le pourriez.

16. D. Comment le pourrions-nous ? Cela dépend-il de nous, de vous ou de personnes plus intimes ? - R. De vous.

17. D. Quelles conditions devrions-nous remplir pour cela ? - R. Vous recueillir quelque temps, avec foi et ferveur ; être moins nombreux, vous isoler un peu, et faire venir un médium dans le genre de Home.





Les phénomènes opérés par M. Home ont produit d'autant plus de sensation, qu'ils sont venus confirmer les récits merveilleux apportés d'outre-mer, et à la véracité desquels s'attachait une certaine défiance. Il nous a montré que, tout en faisant la part la plus large possible à l'exagération, il en restait assez pour attester la réalité de faits s'accomplissant en dehors de toutes les lois connues.

On a parlé de M. Home en sens très divers, et nous avouons qu'il s'en faut de beaucoup que tout le monde lui ait été sympathique, les uns par esprit de système, les autres par ignorance. Nous voulons bien admettre chez ces derniers une opinion consciencieuse, faute d'avoir pu constater les faits par eux-mêmes ; mais si, dans ce cas, le doute est permis, une hostilité systématique et passionnée est toujours déplacée. En tout état de cause, juger ce que l'on ne connaît pas est un manque de logique, le décrier sans preuves est un oubli des convenances. Faisons, pour un instant, abstraction de l'intervention des Esprits, et ne voyons dans les faits rapportés que de simples phénomènes physiques. Plus ces faits sont étranges, plus ils méritent d'attention. Expliquez-les comme vous voudrez, mais ne les contestez pas a priori, si vous ne voulez pas faire douter de votre jugement. Ce qui doit étonner, et ce qui nous paraît plus anormal encore que les phénomènes en question, c'est de voir ceux mêmes qui déblatèrent sans cesse contre l'opposition de certains corps savants à l'endroit des idées nouvelles, qui leur jettent sans cesse à la face, et cela dans les termes les moins mesurés, les déboires essuyés par les auteurs des découvertes les plus importantes, qui citent, à tout propos, et Fulton, et Jenner, et Galilée, tomber eux-mêmes dans un travers semblable, eux qui disent, avec raison, qu'il y a peu d'années encore, quiconque eût parlé de correspondre en quelques secondes d'un bout du monde à l'autre, eût passé pour un insensé. S'ils croient au progrès dont ils se disent les apôtres, qu'ils soient donc conséquents avec eux-mêmes et ne s'attirent pas le reproche qu'ils adressent aux autres de nier ce qu'ils ne comprennent pas.

Revenons à M. Home. Venu à Paris au mois d'octobre 1855, il s'est trouvé dès le début lancé dans le monde le plus élevé, circonstance qui eût dû imposer plus de circonspection dans le jugement porté sur lui, car plus ce monde est élevé et éclairé, moins il est suspect de s'être bénévolement laissé jouer par un aventurier. Cette position même a suscité des commentaires. On se demande ce qu'est M. Home. Pour vivre dans ce monde, pour faire des voyages coûteux, il faut, dit-on, qu'il ait de la fortune. S'il n'en a pas, il faut qu'il soit soutenu par des personnes puissantes. On a bâti sur ce thème mille suppositions plus ridicules les unes que les autres. Que n'a-t-on pas dit aussi de sa soeur qu'il est allé chercher il y a un an environ ; c'était, disait-on, un médium plus puissant que lui-même ; à eux deux ils devaient accomplir des prodiges à faire pâlir ceux de Moïse. Plus d'une fois des questions nous ont été adressées à ce sujet ; voici notre réponse.

M. Home, en venant en France, ne s'est point adressé au public ; il n'aime ni ne recherche la publicité. S'il fût venu dans un but de spéculation, il eût couru le pays en appelant la réclame à son aide ; il eût cherché toutes les occasions de se produire, tandis qu'il les évite ; il eût mis un prix à ses manifestations, tandis qu'il ne demande rien à personne. Malgré sa réputation, M. Home n'est donc point ce qu'on peut appeler un homme public, sa vie privée n'appartient qu'à lui seul. Du moment qu'il ne demande rien, nul n'a le droit de s'enquérir comment il vit sans commettre une indiscrétion. Est-il soutenu par des gens puissants ? cela ne nous regarde pas ; tout ce que nous pouvons dire, c'est que dans cette société d'élite il a conquis des sympathies réelles et s'est fait des amis dévoués, tandis que d'un faiseur de tours on s'en amuse, on le paie et tout est dit. Nous ne voyons donc en M. Home qu'une chose : un homme doué d'une faculté remarquable. L'étude de cette faculté est tout ce qui nous intéresse, et tout ce qui doit intéresser quiconque n'est pas mû par le seul sentiment de la curiosité. L'histoire n'a point encore ouvert sur lui le livre de ses secrets ; jusque-là il n'appartient qu'à la science. Quant à sa soeur, voici la vérité : C'est une enfant de onze ans, qu'il a amenée à Paris pour son éducation dont s'est chargée une illustre personne. Elle sait à peine en quoi consiste la faculté de son frère. C'est bien simple, comme on le voit, bien prosaïque pour les amateurs du merveilleux.

Maintenant, pourquoi M. Home est-il venu en France ? Ce n'est point pour chercher fortune, nous venons de le prouver. Est-ce pour connaître le pays ? Il ne le parcourt pas ; il sort peu, et n'a nullement les habitudes d'un touriste. Le motif patent a été le conseil des médecins qui ont cru l'air d'Europe nécessaire à sa santé, mais les faits les plus naturels sont souvent providentiels. Nous pensons donc que, s'il y est venu, c'est qu'il devait y venir. La France, encore dans le doute en ce qui concerne les manifestations spirites, avait besoin qu'un grand coup fût frappé ; c'est M. Home qui a reçu cette mission, et plus le coup a frappé haut, plus il a eu de retentissement. La position, le crédit, les lumières de ceux qui l'ont accueilli, et qui ont été convaincus par l'évidence des faits, ont ébranlé les convictions d'une foule de gens, même parmi ceux qui n'ont pu être témoins oculaires. La présence de M. Home aura donc été un puissant auxiliaire pour la propagation des idées spirites ; s'il n'a pas convaincu tout le monde, il a jeté des semences qui fructifieront d'autant plus que les médiums eux-mêmes se multiplieront. Cette faculté, comme nous l'avons dit ailleurs, n'est point un privilège exclusif ; elle existe à l'état latent et à divers degrés chez une foule d'individus, n'attendant qu'une occasion pour se développer ; le principe est en nous par l'effet même de notre organisation ; il est dans la nature ; tous nous en avons le germe, et le jour n'est pas éloigné où nous verrons les médiums surgir sur tous les points, au milieu de nous, dans nos familles, chez le pauvre comme chez le riche, afin que la vérité soit connue de tous, car selon ce qui nous est annoncé, c'est une ère nouvelle, une nouvelle phase qui commence pour l'humanité. L'évidence et la vulgarisation des phénomènes spirites donneront un nouveau cours aux idées morales, comme la vapeur a donné un nouveau cours à l'industrie.

Si la vie privée de M. Home doit être fermée aux investigations d'une indiscrète curiosité, il est certains détails qui peuvent à juste titre intéresser le public et qu'il est même inutile de connaître pour l'appréciation des faits.

M. Daniel Dunglas Home est né le 15 mars 1833 près d'Edimbourg. Il a donc aujourd'hui 24 ans. Il descend de l'ancienne et noble famille des Dunglas d'Ecosse, jadis souveraine. C'est un jeune homme d'une taille moyenne, blond, dont la physionomie mélancolique n'a rien d'excentrique ; il est d'une complexion très délicate, de moeurs simples et douces, d'un caractère affable et bienveillant sur lequel le contact des grandeurs n'a jeté ni morgue ni ostentation. Doué d'une excessive modestie, jamais il ne fait parade de sa merveilleuse faculté, jamais il ne parle de lui-même, et si, dans l'expansion de l'intimité, il raconte les choses qui lui sont personnelles, c'est avec simplicité, et jamais avec l'emphase propre aux gens avec lesquels la malveillance cherche à le comparer. Plusieurs faits intimes, qui sont à notre connaissance personnelle, prouvent chez lui de nobles sentiments et une grande élévation d'âme ; nous le constatons avec d'autant plus de plaisir que l'on connaît l'influence des dispositions morales sur la nature des manifestations.

Les phénomènes dont M. Home est l'instrument involontaire ont parfois été racontés par des amis trop zélés avec un enthousiasme exagéré dont s'est emparée la malveillance. Tels qu'ils sont, ils ne sauraient avoir besoin d'une amplification plus nuisible qu'utile à la cause. Notre but étant l'étude sérieuse de tout ce qui se rattache à la science spirite, nous nous renfermerons dans la stricte réalité des faits constatés par nous-même ou par les témoins oculaires les plus dignes de foi. Nous pourrons donc les commenter avec la certitude de ne pas raisonner sur des choses fantastiques.

M. Home est un médium du genre de ceux qui produisent des manifestations ostensibles, sans exclure pour cela les communications intelligentes ; mais ses prédispositions naturelles lui donnent pour les premières une aptitude plus spéciale. Sous son influence, les bruits les plus étranges se font entendre, l'air s'agite, les corps solides se meuvent, se soulèvent, se transportent d'un endroit à l'autre à travers l'espace, des instruments de musique font entendre des sons mélodieux, des êtres du monde extra-corporel apparaissent, parlent, écrivent et souvent vous étreignent jusqu'à la douleur. Lui-même plusieurs fois s'est vu, en présence de témoins oculaires, enlevé sans soutien à plusieurs mètres de hauteur.

De ce qui nous a été enseigné sur le rang des Esprits qui produisent en général ces sortes de manifestations, il ne faudrait pas en conclure que M. Home n'est en rapport qu'avec la classe infime du monde spirite. Son caractère et les qualités morales qui le distinguent doivent au contraire lui concilier la sympathie des Esprits supérieurs ; il n'est, pour ces derniers, qu'un instrument destiné à dessiller les yeux des aveugles par des moyens énergiques, sans être pour cela privé des communications d'un ordre plus élevé. C'est une mission qu'il a acceptée ; mission qui n'est exempte ni de tribulations, ni de dangers, mais qu'il accomplit avec résignation et persévérance, sous l'égide de l'Esprit de sa mère, son véritable ange gardien.

La cause des manifestations de M. Home est innée en lui ; son âme, qui semble ne tenir au corps que par de faibles liens, a plus d'affinité pour le monde spirite que pour le monde corporel ; c'est pourquoi elle se dégage sans efforts, et entre plus facilement que chez d'autres en communication avec les êtres invisibles. Cette faculté s'est révélée en lui dès la plus tendre enfance. A l'âge de six mois, son berceau se balançait tout seul en l'absence de sa nourrice et changeait de place. Dans ses premières années il était si débile qu'il pouvait à peine se soutenir ; assis sur un tapis, les jouets qu'il ne pouvait atteindre venaient d'eux-mêmes se mettre à sa portée. A trois ans il eut ses premières visions, mais il n'en a pas conservé le souvenir. Il avait neuf ans lorsque sa famille alla se fixer aux Etats-Unis ; là, les mêmes phénomènes continuèrent avec une intensité croissante à mesure qu'il avançait en âge, mais sa réputation comme médium ne s'établit qu'en 1850, vers l'époque où les manifestations spirites commencèrent à devenir populaires dans ce pays. En 1854 il vint en Italie, nous l'avons dit, pour sa santé ; il étonna Florence et Rome par de véritables prodiges. Converti à la foi catholique dans cette dernière ville, il dut prendre l'engagement de rompre ses relations avec le monde des Esprits. Pendant un an, en effet, son pouvoir occulte sembla l'avoir abandonné ; mais comme ce pouvoir est au-dessus de sa volonté, au bout de ce temps, ainsi que le lui avait annoncé l'Esprit de sa mère, les manifestations se reproduisirent avec une nouvelle énergie. Sa mission était tracée ; il devait marquer parmi ceux que la Providence a choisis pour nous révéler par des signes patents la puissance qui domine toutes les grandeurs humaines.

Si M. Home n'était, comme le prétendent certaines personnes qui jugent sans avoir vu, qu'un habile prestidigitateur, il aurait toujours, sans aucun doute, à sa disposition des tours dans sa gibecière, tandis qu'il n'est pas le maître de les produire à volonté. Il lui serait donc impossible d'avoir des séances régulières, car ce serait souvent au moment où il en aurait besoin que sa faculté lui ferait défaut. Les phénomènes se manifestent quelquefois spontanément au moment où il s'y attend le moins, tandis que dans d'autres il est impuissant à les provoquer, circonstance peu favorable à quiconque voudrait faire des exhibitions à heures fixes. Le fait suivant pris entre mille en est la preuve. Depuis plus de quinze jours M. Home n'avait pu obtenir aucune manifestation, lorsque, se trouvant à déjeuner chez un de ses amis avec deux ou trois autres personnes de sa connaissance, des coups se firent soudain entendre dans les murs, les meubles et le plafond. Il paraît, dit-il, que les voilà qui reviennent. M. Home était à ce moment assis sur le canapé avec un ami. Un domestique apporte le plateau à thé et s'apprête à le déposer sur la table placée au milieu du salon ; celle-ci, quoique fort lourde, se soulève subitement en se détachant du sol de 20 à 30 centimètres de hauteur, comme si elle eût été attirée par le plateau ; le domestique effrayé le laisse échapper, et la table d'un bond s'élance vers le canapé et vient retomber devant M. Home et son ami, sans que rien de ce qui était dessus fût dérangé. Ce fait n'est point sans contredit le plus curieux de ceux que nous aurons à rapporter, mais il présente cette particularité digne de remarque, qu'il s'est produit spontanément, sans provocation, dans un cercle intime, dont aucun des assistants, cent fois témoins de faits semblables, n'avait besoin de nouveaux témoignages ; et assurément ce n'était pas le cas pour M. Home de montrer son savoir-faire, si savoir-faire il y a.

Dans un prochain article nous citerons d'autres manifestations.


Réponse à M. Viennet, par Paul Auguez *

M. Paul Auguez est un adepte sincère et éclairé de la doctrine spirite ; son ouvrage, que nous avons lu avec un grand intérêt, et où l'on reconnaît la plume élégante de l'auteur des Elus de l'avenir, est une démonstration logique et savante des points fondamentaux de cette doctrine, c'est-à-dire de l'existence des Esprits, de leurs relations avec les hommes, et, par conséquent, de l'immortalité de l'âme et de son individualité après la mort. Son but principal étant de répondre aux agressions sarcastiques de M. Viennet, il n'aborde que les points capitaux et se borne à prouver par les faits, le raisonnement et les autorités les plus respectables, que cette croyance n'est point fondée sur des idées systématiques ou des préjugés vulgaires, mais qu'elle repose sur des bases solides. L'arme de M. Viennet est le ridicule, celle de M. Auguez est la science. Par de nombreuses citations, qui attestent une étude sérieuse et une profonde érudition, il prouve que si les adeptes d'aujourd'hui, malgré leur nombre sans cesse croissant, et les gens éclairés de tous les pays qu'ils se rallient, sont, comme le prétend l'illustre académicien, des cerveaux détraqués, cette infirmité leur est commune avec les plus grands génies dont l'humanité s'honore.

Dans ses réfutations, M. Auguez a toujours su conserver la dignité du langage, et c'est un mérite dont nous ne saurions trop le louer ; on n'y trouve nulle part ces diatribes déplacées, devenues des lieux communs de mauvais goût, et qui ne prouvent rien, sinon un manque de savoir-vivre. Tout ce qu'il dit est grave, sérieux, profond, et à la hauteur du savant auquel il s'adresse. L'a-t-il convaincu ? nous l'ignorons ; nous en doutons même, à parler franchement ; mais comme en définitive son livre est fait pour tout le monde, les semences qu'il jette ne seront pas toutes perdues. Nous aurons plus d'une fois l'occasion d'en citer des passages dans le cours de cette publication à mesure que nous y serons amenés par la nature du sujet.

La théorie développée par M. Auguez étant, sauf peut-être quelques points secondaires, celle que nous professons nous-mêmes, nous ne ferons à cet égard aucune critique de son ouvrage, qui marquera et sera lu avec fruit. Nous n'aurions désiré qu'une chose, c'est un peu plus de clarté dans les démonstrations, et de la méthode dans l'ordre des matières. M. Auguez a traité la question en savant, parce qu'il s'adressait à un savant capable assurément de comprendre les choses les plus abstraites, mais il aurait dû songer qu'il écrivait moins pour un homme que pour le public, qui lit toujours avec plus de plaisir et de profit ce qu'il comprend sans efforts.


ALLAN KARDEC.

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* Brochure in-12 ; prix 2 fr.50 c., chez Dentu, Palais-Royal, et chez Germer Baillière, rue de l'Ecole de médecine, 4.
Plusieurs de nos lecteurs ont bien voulu répondre à l'appel que nous avons fait dans notre 1° numéro au sujet des renseignements à nous fournir. Un grand nombre de faits nous ont été signalés parmi lesquels il en est de fort importants, ce dont nous leur en sommes infiniment reconnaissants ; nous ne le sommes pas moins des réflexions qui les accompagnent quelquefois, alors même qu'elles décèlent une connaissance incomplète de la matière : elles donneront lieu à des éclaircissements sur les points qui n'auront pas été bien compris. Si nous ne faisons pas une mention immédiate des documents qui nous sont fournis, ils ne passent pas inaperçus pour cela ; il en est toujours pris bonne note pour être mis à profit tôt ou tard.

Le défaut d'espace n'est pas la seule cause qui puisse retarder la publication, mais bien aussi l'opportunité des circonstances et la nécessité de les rattacher aux articles dont ils peuvent être d'utiles compléments.

La multiplicité de nos occupations, jointe à l'étendue de la correspondance, nous met souvent dans l'impossibilité matérielle de répondre comme nous le voudrions, et comme nous le devrions, aux personnes qui nous font l'honneur de nous écrire. Nous les prions donc instamment de ne point prendre en mauvaise part un silence indépendant de notre volonté. Nous espérons que leur bon vouloir n'en sera pas refroidi, et qu'elles voudront bien ne point interrompre leurs intéressantes communications ; à cet effet nous appelons de nouveau leur attention sur la note que nous donnons à la fin de l'introduction de notre 1° numéro, au sujet des renseignements que nous sollicitons de leur obligeance, les priant en outre de ne pas omettre de nous dire lorsque nous pourrons, sans inconvénient, faire mention des lieux et des personnes.

Les observations ci-dessus s'appliquent également aux questions qui nous sont adressées sur divers points de la doctrine. Lorsqu'elles nécessitent des développements d'une certaine étendue, il nous est d'autant moins possible de les donner par écrit que bien souvent la même chose devrait être répétée à un grand nombre de personnes. Notre revue étant destinée à nous servir de moyen de correspondance, ces réponses y trouveront naturellement leur place, à mesure que les sujets traités nous en fourniront l'occasion, et cela avec d'autant plus d'avantage, que les explications pourront être plus complètes et profiteront à tous.

ALLAN KARDEC.

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