11. Malheur au monde à cause des scandales ; car il est nécessaire qu'il arrive des scandales ; mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive.
Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une de ces meules qu'un âne tourne, et qu'on le jetât au fond de la mer.
Prenez bien garde de mépriser aucun de ces petits ; je vous déclare que dans le ciel leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux ; car le Fils de l'homme est venu sauver ce qui était perdu.
Si votre main ou votre pied vous est un sujet de scandale, coupez-les et les jetez loin de vous ; il vaut bien mieux pour vous que vous entriez dans la vie n'ayant qu'un pied ou qu'une main, que d'en avoir deux et d'être jeté dans le feu éternel. - Et si votre oeil vous est un sujet de scandale, arrachez-le, et jetez-le loin de vous ; il vaut mieux pour vous que vous entriez dans la vie n'ayant qu'un oeil que d'en avoir deux et d'être précipité dans le feu de l'enfer. (Saint Matthieu, ch. XVIII, v. de 6 à 10.)
12. Dans le sens vulgaire, scandale se dit de toute action qui choque la morale ou les bienséances d'une manière ostensible. Le scandale n'est pas dans l'action en elle-même, mais dans le retentissement qu'elle peut avoir. Le mot scandale implique toujours l'idée d'un certain éclat. Beaucoup de personnes se contentent d'éviter le scandale, parce que leur orgueil en souffrirait, leur considération en serait amoindrie parmi les hommes ; pourvu que leurs turpitudes soient ignorées, cela leur suffit, et leur conscience est en repos. Ce sont, selon les paroles de Jésus : «des sépulcres blanchis à l'extérieur, mais pleins de pourriture à l'intérieur ; des vases nettoyés en dehors, malpropres en dedans.»
Dans le sens évangélique, l'acception du mot scandale, si fréquemment employé, est beaucoup plus générale, c'est pourquoi on n'en comprend pas l'acception dans certains cas. Ce n'est plus seulement ce qui froisse la conscience d'autrui, c'est tout ce qui est le résultat des vices et des imperfections des hommes, toute réaction mauvaise d'individu à individu avec ou sans retentissement. Le scandale, dans ce cas, est le résultat effectif du mal moral.
13. Il faut qu'il y ait du scandale dans le monde, a dit Jésus, parce que les hommes étant imparfaits sur la terre sont enclins à faire le mal, et que de mauvais arbres donnent de mauvais fruits. Il faut donc entendre par ces paroles que le mal est une conséquence de l'imperfection des hommes, et non qu'il y a pour eux obligation de le faire.
14. Il est nécessaire que le scandale arrive, parce que les hommes étant en expiation sur la terre se punissent eux-mêmes par le contact de leurs vices dont ils sont les premières victimes, et dont ils finissent par comprendre les inconvénients. Lorsqu'ils seront las de souffrir du mal, ils chercheront le remède dans le bien. La réaction de ces vices sert donc à la fois de châtiment pour les uns et d'épreuve pour les autres ; c'est ainsi que Dieu fait sortir le bien du mal, que les hommes eux-mêmes utilisent les choses mauvaises ou de rebut.
15. S'il en est ainsi, dira-t-on, le mal est nécessaire et durera toujours ; car s'il venait à disparaître, Dieu serait privé d'un puissant moyen de châtier les coupables ; donc il est inutile de chercher à améliorer les hommes. Mais s'il n'y avait plus de coupables, il n'y aurait plus besoin de châtiments. Supposons l'humanité transformée en hommes de bien, aucun ne cherchera à faire du mal à son prochain, et tous seront heureux, parce qu'ils seront bons. Tel est l'état des mondes avancés d'où le mal est exclu ; tel sera celui de la terre quand elle aura suffisamment progressé. Mais tandis que certains mondes avancent, d'autres se forment, peuplés d'Esprits primitifs, et qui servent en outre d'habitation, d'exil et de lieu expiatoire pour les Esprits imparfaits, rebelles, obstinés dans le mal, et qui sont rejetés des mondes devenus heureux.
16. Mais malheur à celui par qui le scandale arrive ; c'est-à-dire que le mal étant toujours le mal, celui qui a servi à son insu d'instrument pour la justice divine, dont les mauvais instincts ont été utilisés, n'en a pas moins fait le mal et doit être puni. C'est ainsi, par exemple, qu'un enfant ingrat est une punition ou une épreuve pour le père qui en souffre, parce que ce père a peut-être été lui-même un mauvais fils qui a fait souffrir son père, et qu'il subit la peine du talion ; mais le fils n'en est pas plus excusable, et devra être châtié à son tour dans ses propres enfants ou d'une autre manière.
17. Si votre main vous est une cause de scandale, coupez-la ; figure énergique qu'il serait absurde de prendre à la lettre, et qui signifie simplement qu'il faut détruire en soi toute cause de scandale, c'est-à-dire de mal ; arracher de son coeur tout sentiment impur et tout principe vicieux ; c'est-à-dire encore qu'il vaudrait mieux pour un homme avoir eu la main coupée, que si cette main eût été pour lui l'instrument d'une mauvaise action ; être privé de la vue, que si ses yeux lui eussent donné de mauvaises pensées. Jésus n'a rien dit d'absurde pour quiconque saisit le sens allégorique et profond de ses paroles ; mais beaucoup de choses ne peuvent être comprises sans la clef qu'en donne le spiritisme.