Plusieurs journaux ont reproduit le fait
suivant :
Le village de Saint-Urbain, sur les limites de la
Loire et de l'Ardèche, est tout en émoi. Il s'y passe, nous écrit-on,
d'étranges choses. Les uns les imputent au diable, d'autres y voient le doigt
de Dieu, marquant du sceau de la prédestination l'une de ses créatures
privilégiées.
Voici en deux mots de quoi il s'agit, dit le
Mémorial de la Loire :
« Il y a une quinzaine de jours est né, dans ce
hameau, un enfant qui, dès son entrée dans le monde, a manifesté les plus
étonnantes vertus, les savants diraient les propriétés les plus singulières. A
peine ondoyé, il est devenu impalpable et intangible ! Intangible, non
point comme la sensitive, mais à la façon d'une bouteille de Leyde chargée
d'électricité, qu'on ne peut toucher sans ressentir une vive commotion. Et
puis, il est lumineux ! De toutes ses extrémités s'échappent, par moments,
des effluves brillants qui le font ressembler à une luciole.
A mesure que le bébé se développe et se fortifie, ces
curieux phénomènes s'accusent avec plus d'énergie et d'intensité. Même il s'en
produit de nouveaux. On raconte, par exemple, qu'à certains jours, lorsqu'on
approche des mains ou des pieds de l'enfant quelque objet de mince volume, tel
qu'une cuiller, un couteau, une tasse, même une assiette, ces ustensiles sont
pris d'un frémissement et d'une vibration subits que rien ne peut expliquer.
C'est particulièrement dans la soirée et dans la nuit
que ces faits extraordinaires s'accentuent à l'état de sommeil comme à l'état
de veille. Parfois alors, ‑ et ceci tient du prodige, ‑ le berceau paraît
s'emplir d'une clarté blanchâtre, pareille à ces belles phosphorescences que
prennent les eaux de la mer dans le sillage des vaisseaux, et que la science
n'a point encore parfaitement expliquées.
L'enfant ne paraît d'ailleurs nullement incommodé des
manifestations dont sa petite personne est le mystérieux théâtre. Il tette,
dort et se porte fort bien, et n'est ni moins pleureur ni plus impatient que
ses pareils. Il a deux jeunes frères de quatre à cinq ans, qui sont nés et
vivent à la manière des plus vulgaires marmots.
Ajoutons que les parents, braves cultivateurs,
touchant à la quarantaine du côté du mari, à la trentaine du côté de la femme,
sont les époux les moins électriques et les moins lumineux du monde. Ils ne
brillent que par leur honnêteté, et le soin avec lequel ils élèvent leur petite
famille.
On a appelé le curé de la commune voisine, qui a
déclaré, après un long examen, n'y rien comprendre du tout ; puis le
chirurgien qui a palpé, repalpé, tourné, retourné, ausculté et percuté le
sujet, sans vouloir se prononcer nettement sur son cas, mais qui prépare un
savant rapport à l'Académie, dont on parlera dans le monde médical.
Un malin du pays, il y en a partout, flairant là une
bonne petite spéculation, a proposé de louer l'enfant à raison de 200 fr. par
mois « pour le montrer dans les foires. » C'est une bien belle
affaire pour les parents. Mais naturellement le père et la mère veulent
accompagner un fils si précieux ‑ à 2 francs par jour ‑ et cette condition
arrête encore la conclusion du marché.
Le correspondant qui nous donne ces étranges détails
nous certifie « sur son honneur » qu'ils sont de la plus exacte
vérité, et il a eu soin de faire contre signer sa lettre par « les quatre
plus grands propriétaires du pays. »
Aucun Spirite, assurément, ne verra dans ce fait rien
de surnaturel ni de miraculeux. C'est un phénomène purement physique, une
variante, pour la forme, de celui que présentent les personnes dites
électriques. On sait que certains animaux, tels que la torpille et le gymnote,
ont des propriétés analogues.
Voici l'instruction donnée à ce sujet par l'un des
guides instructeurs de la société de Paris.
« Comme nous vous l'avons dit fréquemment, les
phénomènes les plus singuliers se multiplient chaque jour pour attirer
l'attention de la science ; l'enfant en question est donc un instrument,
mais il n'a été choisi à cet effet qu'en raison de la situation qui lui était
faite par son passé. Quelque excentrique que soit, en apparence, un phénomène
quelconque, produit sur un incarné, il a toujours pour cause immédiate la
situation intelligente et morale de cet incarné, et un rapport avec ses
antécédents, toutes les existences étant solidaires. C'est un sujet d'étude,
sans doute, pour ceux qui en sont témoins, mais secondairement. C'est surtout
pour celui qui en est l'objet, une épreuve ou une expiation. Il y a donc le
fait matériel qui est du ressort de la science, et la cause morale qui
appartient au Spiritisme.
Mais, direz-vous, comment un état pareil peut-il être
une épreuve pour un enfant de cet âge ? Pour l'enfant, non, assurément, mais
pour l'Esprit qui n'a pas d'âge, l'épreuve est certaine.
Se trouvant, comme incarné, dans une situation
exceptionnelle, entouré d'une auréole physique qui n'est qu'un masque, mais qui
peut passer aux yeux de certaines gens pour un signe de sainteté ou de
prédestination, l'Esprit, dégagé pendant son sommeil, s'enorgueillit de
l'impression qu'il produit. C'était un thaumaturge d'une espèce particulière,
qui a passé sa dernière existence à jouer le saint personnage au milieu des
prestiges qu'il s'était exercé à accomplir, et qui a voulu poursuivre son rôle
dans cette existence. Pour s'attirer le respect et la vénération, il a voulu
naître, comme enfant, dans des conditions exceptionnelles. S'il vit, ce sera un
faux prophète de l'avenir, et ce ne sera pas le seul.
Quand au phénomène en lui-même, il est certain qu'il
aura peu de durée ; la science doit donc se presser si elle veut l'étudier
de visu ; mais elle n'en fera rien, ayant peur de rencontrer des
difficultés embarrassantes ; elle se contentera de considérer l'enfant
comme une torpille humaine. »
Le docteur Morel Lavallée.