Comment peut-on expliquer ce passage
de l'Evangile : « Il y aura de faux prophètes et de faux Christs qui
feront de grands prodiges et des choses étonnantes à séduire les élus
mêmes, s'il est possible » ? Les détracteurs du Spiritisme s'en font une
arme contre les Spirites et les médiums.
Si l'on
relevait dans l'Evangile toutes les paroles qui sont la condamnation des
adversaires du Spiritisme, on en ferait un volume. Il est donc au moins
imprudent de soulever une question qu'on peut leur retourner, d'autant
mieux qu'elle est toute à l'avantage du Spiritisme.
D'abord, ni
les Spirites ni les médiums ne se font passer pour des Christs, ni des
prophètes ; ils déclarent qu'ils ne font point de miracles pour frapper
les sens, et que tous les phénomènes tangibles qui se produisent par
leur influence sont des effets qui rentrent dans les lois de la nature,
ce qui n'est pas le caractère des miracles ; donc, s'ils avaient voulu
empiéter sur les privilèges des prophètes, ils n'auraient eu garde de se
priver du plus puissant prestige : le don des miracles. En donnant
l'explication de ces phénomènes qui, sans cela, eussent pu passer pour
surnaturels aux yeux du vulgaire, ils tuent la fausse ambition qui
aurait pu les exploiter à son profit.
Supposons qu'un homme
s'attribue la qualité de prophète, ce n'est pas en faisant ce que font
les médiums qu'il le prouvera, et aucun Spirite éclairé ne s'y laissera
prendre. A ce titre, M. Home, s'il eût été un charlatan et un ambitieux,
eût pu se donner les airs d'un envoyé céleste. Quel est donc le
caractère du vrai prophète ? Le vrai prophète est un envoyé de Dieu pour
avertir ou éclairer l'humanité ; or, un envoyé de Dieu ne peut être
qu'un Esprit supérieur et, comme homme, un homme de bien ; on le
reconnaîtra à ses actes, qui porteront le caractère de sa supériorité,
et aux grandes choses qu'il accomplira pour le bien et par le bien,
et qui révéleront sa mission surtout aux générations futures, car, pour
lui, conduit souvent à son insu par une puissance supérieure, il
s'ignore presque toujours lui-même. Ce n'est donc pas lui qui se donnera
cette qualité, ce sont les hommes qui le reconnaîtront pour tel, le
plus souvent après sa mort.
Si donc un homme voulait se faire
passer pour l'incarnation de tel ou tel prophète, il devrait le prouver
par l'éminence de ses qualités morales, qui ne devraient le céder en rien
aux qualités de celui dont il s'attribue le nom ; or ce rôle n'est ni
facile à soutenir, ni souvent fort agréable, car il peut imposer de
pénibles privations et de durs sacrifices, même celui de la vie. Il y a
en ce moment de par le monde plusieurs prétendus Elie, Jérémies,
Ezéchiels ou autres qui s'accommoderaient fort peu de la vie du désert,
et trouvent très commode de vivre aux dépens de leurs dupes, à la faveur
de leur nom d'emprunt. Il y a même plusieurs Christs, comme il y a eu
plusieurs Louis XVII, auxquels il ne manque qu'une chose : la charité,
l'abnégation, l'humilité, l'éminente supériorité morale, en un mot,
toutes les vertus du Christ. Si, comme lui, ils ne savaient où reposer
leur tête, et s'ils avaient une croix devant les yeux, ils abdiqueraient
bien vite une royauté si peu profitable en ce monde. A l'oeuvre, on
reconnaît l'ouvrier ; que ceux donc qui veulent se placer au-dessus de
l'humanité s'en montrent dignes, s'ils ne veulent avoir le sort du geai
paré des plumes du paon, ou de l'âne revêtu de la peau du lion ; une
chute humiliante les attend en ce monde, et un déboire plus terrible
dans l'autre, car c'est là que quiconque s'élève sera abaissé.
Supposons maintenant qu'un homme doué d'une grande puissance
médianimique ou magnétique veuille s'attribuer le titre de prophète ou
de Christ, il fera des prodiges à séduire même les élus, c'est-à-dire quelques hommes bons et de bonne foi ; il en aura l'apparence, mais en aura-t-il les vertus ? car là est la véritable pierre de touche.
Le Spiritisme dit aussi : Méfiez-vous des faux prophètes ! et il vient
leur arracher le masque ; il faut que l'on sache qu'il répudie toute
jonglerie, et ne couvre de son manteau aucun des abus qu'on pourrait
commettre en son nom.