Quand on considère l'état actuel de la société, on est tenté de regarder
sa transformation comme un miracle. Eh bien ! c'est un miracle que le
Spiritisme peut et doit accomplir, parce qu'il est dans les desseins de
Dieu, et à l'aide de son mot d'ordre :
Hors la charité point de salut. Que la société prenne cette maxime pour devise et y conforme sa conduite, au lieu de celle-ci qui est à l'ordre du jour :
La charité bien ordonnée commence par soi, et tout change. Le tout est de la faire accepter.
Le mot
charité,
vous le savez, Messieurs, a une acception très étendue. Il y a la
charité en pensées, en paroles et en actions ; elle n'est pas seulement
dans l'aumône. Celui-là est charitable en pensées qui est indulgent pour
les fautes de son prochain ; charitable en paroles, qui ne dit rien qui
puisse nuire à son prochain ; charitable en actions, qui assiste son
prochain dans la mesure de ses forces. Le pauvre qui partage son morceau
de pain avec un plus pauvre que lui est plus charitable et a plus de
mérite aux yeux de Dieu que celui qui donne de son superflu sans se
priver de rien. Quiconque nourrit contre son prochain des sentiments de
haine, d'animosité, de jalousie, de rancune, manque de charité. La
charité est la contre-partie de l'égoïsme ; l'une est l'abnégation de la
personnalité, l'autre l'exaltation de la personnalité ; l'une dit :
Pour vous d'abord et pour moi ensuite ; l'autre : Pour moi d'abord, et
pour vous s'il en reste. La première est toute dans cette parole du
Christ : « Faites pour les autres ce que vous voudriez qu'on fît pour
vous » ; en un mot, elle s'applique, sans exception, à tous les rapports
sociaux. Convenez que si tous les membres d'une société agissaient
selon ce principe, il y aurait moins de déceptions dans la vie. Dès que
deux hommes sont ensemble, ils contractent, par cela même, des devoirs
réciproques ; s'ils veulent vivre en paix, ils sont obligés de se faire
des concessions mutuelles. Ces devoirs augmentent avec le nombre des
individus ; les agglomérations forment des touts collectifs qui ont
aussi leurs obligations respectives ; vous avez donc outre les rapports
d'individu à individu, ceux de ville à ville, de province à province, de
contrée à contrée. Ces rapports peuvent avoir deux mobiles qui sont la
négation l'un de l'autre : l'égoïsme et la charité, car il y a aussi
l'égoïsme national. Avec l'égoïsme, l'intérêt personnel passe avant
tout, chacun tire à soi, chacun ne voit dans son semblable qu'un
antagoniste, un rival qui peut marcher sur nos brisées, qui peut nous
exploiter ou que nous pouvons exploiter ; c'est à qui coupera l'herbe
sous le pied de son voisin : la victoire est au plus adroit, et la
société, chose triste à dire, consacre souvent cette victoire, ce qui
fait qu'elle se partage en deux classes principales : les exploiteurs et
les exploités. Il en résulte un antagonisme perpétuel qui fait de la
vie un tourment, un véritable enfer. Remplacez l'égoïsme par la charité,
et tout change ; nul ne cherchera à faire de tort à son voisin ; les
haines et les jalousies s'éteindront faute d'aliment, et les hommes
vivront en paix, s'entraidant au lieu de se déchirer. La charité
remplaçant l'égoïsme, toutes les institutions sociales seront fondées
sur le principe de la solidarité et de la réciprocité ; le fort
protégera le faible au lieu de l'exploiter.
C'est un beau rêve,
dira-t-on ; malheureusement, ce n'est qu'un rêve ; l'homme est égoïste
par nature, par besoin, et le sera toujours. S'il en était ainsi, ce
serait triste, et il faudrait alors se demander dans quel but le Christ
est venu prêcher la charité aux hommes ; autant aurait valu la prêcher
aux animaux. Examinons cependant.
Y a-t-il progrès du sauvage à
l'homme civilisé ? Ne cherche-t-on pas tous les jours, à adoucir les
moeurs des sauvages ? Dans quel but, si l'homme est incorrigible ?
Etrange bizarrerie ! vous espérez corriger des sauvages, et vous pensez
que l'homme civilisé ne peut s'améliorer ! Si l'homme civilisé avait la
prétention d'avoir atteint la dernière limite du progrès accessible à
l'espèce humaine, il suffirait de comparer les moeurs, le caractère, la
législation, les institutions sociales d'aujourd'hui avec celles
d'autrefois ; et cependant les hommes d'autrefois croyaient, eux aussi,
avoir atteint le dernier échelon. Qu'eût répondu un grand seigneur du
temps de Louis XIV si on lui eût dit qu'il pouvait y avoir un ordre de
choses meilleur, plus équitable, plus humain que celui d'alors ? que ce
régime plus équitable serait l'abolition des privilèges de castes, et
l'égalité du grand et du petit devant la loi ? L'audacieux qui aurait
dit cela eût peut-être payé cher sa témérité.
Concluons de là
que l'homme est éminemment perfectible, et que les plus avancés
d'aujourd'hui pourront sembler aussi arriérés dans quelques siècles que
ceux du moyen-âge le sont par rapport à nous. Nier le fait serait nier
le progrès qui est une loi de la nature.
Quoique l'homme ait
gagné au point de vue moral, il faut convenir cependant que le progrès
s'est plus accompli dans le sens intellectuel ; pourquoi cela ? C'est
encore là un de ces problèmes qu'il était donné au Spiritisme de nous
expliquer ; en nous montrant que le moral et l'intelligence sont deux
voies qui marchent rarement de front ; tandis que l'homme fait quelques
pas dans l'une, il reste en arrière dans l'autre ; mais plus tard il
regagne le terrain qu'il avait perdu, et les deux forces finissent par
s'équilibrer dans les incarnations successives. L'homme est arrivé à une
période où les sciences, les arts et l'industrie ont atteint une limite
inconnue jusqu'à ce jour ; si les jouissances qu'il en tire satisfont
la vie matérielle, elles laissent un vide dans l'âme ; l'homme aspire à
quelque chose de mieux : il rêve de meilleures institutions ; il veut la
vie, le bonheur, l'égalité, la justice pour tous ; mais comment y
atteindre avec les vices de la société, avec l'égoïsme surtout ? L'homme
voit donc la nécessité du bien pour être heureux ; il comprend que le
règne du bien peut seul lui donner le bonheur auquel il aspire ; ce
règne, il le pressent, car instinctivement, il a foi en la justice de
Dieu, et une voix secrète lui dit qu'une ère nouvelle va s'ouvrir.
Comment cela arrivera-t-il ? Puisque le règne du bien est incompatible
avec l'égoïsme, il faut la destruction de l'égoïsme ; or, qui peut le
détruire ? La prédominance du sentiment d'amour, qui porte les hommes à
se traiter en frères et non en ennemis.
La charité, c'est la base, la pierre angulaire de tout édifice social
; sans elle, l'homme ne bâtira que sur du sable. Que les efforts et
surtout les exemples de tous les hommes de bien tendent donc à la
propager ; qu'ils ne se découragent s'ils voient une recrudescence dans
les mauvaises passions ; elles sont les ennemies du bien, et en le
voyant avancer, elles doivent se ruer contre lui ; mais Dieu a permis
que, par leurs propres excès mêmes, elles se tuent ; le paroxysme d'un
mal est toujours le signe qu'il touche à sa fin.
Je viens de dire que sans la charité l'homme ne bâtit que sur le sable ; un exemple le fera mieux comprendre.
Quelques hommes bien intentionnés, touchés des souffrances d'une
partie de leurs semblables, ont cru trouver le remède au mal dans
certains systèmes de réforme sociale. A quelques différences près, le
principe est à peu près le même dans tous, quel que soit le nom qu'on
leur donne. Vie commune pour être moins onéreuse ; communauté de biens
pour que chacun ait quelque chose ; participation de tous à l'oeuvre
commune ; point de grandes richesses, mais aussi point de misère. Cela
était fort séduisant pour celui qui, n'ayant rien, voyait déjà la bourse
du riche entrer dans le fond social, sans calculer que la totalité des
richesses mises en commun créerait une misère générale au lieu d'une
misère partielle ; que l'égalité établie aujourd'hui serait rompue
demain par la mobilité de la population et la différence entre les
aptitudes ; que l'égalité permanente des biens suppose l'égalité des
capacités et du travail. Mais là n'est pas la question ; il n'entre pas
dans mon cadre d'examiner le fort et le faible de ces systèmes ; je fais
abstraction des impossibilités dont je viens de parler, et me propose
de les envisager à un autre point de vue dont je ne sache pas qu'on se
soit encore préoccupé, et qui se rattache à notre sujet.
Les
auteurs, fondateurs ou promoteurs de tous ces systèmes, sans exception,
ne se sont proposé que l'organisation de la vie matérielle d'une manière
profitable pour tous. Le but est louable sans contredit ; reste à
savoir si, à cet édifice, il ne manque pas la base qui seule pourrait le
consolider, en admettant qu'il fût praticable.
La communauté
est l'abnégation la plus complète de la personnalité ; chacun devant
payer de sa personne, elle requiert le dévouement le plus absolu. Or, le
mobile de l'abnégation et du dévouement, c'est la
charité, c'est-à-dire l'amour du prochain. Mais nous avons reconnu que le
fondement de la charité, c'est la croyance
; que le défaut de croyance conduit au matérialisme, et le matérialisme
à l'égoïsme. Dans un système qui, de sa nature, requiert pour sa
stabilité les vertus morales au suprême degré, il fallait prendre le
point de départ dans l'élément spirituel ; eh bien ! non-seulement il
n'en est tenu aucun compte, le côté matériel étant le but unique, mais
plusieurs sont fondés sur une doctrine matérialiste hautement avouée, ou
sur un panthéisme, sorte de matérialisme déguisé ; c'est-à-dire décorés
du beau nom de
fraternité ;
mais la fraternité, pas plus que la charité, ne s'impose ni ne se
décrète ; il faut qu'elle soit dans le coeur ; ce n'est pas le système
qui l'y fera naître si elle n'y est déjà, tandis que le défaut contraire
ruinera le système et le fera tomber dans l'anarchie, parce que chacun
voudra tirer à soi. L'expérience est là pour prouver qu'il n'étouffe ni
les ambitions ni la cupidité. Avant de faire la chose pour les hommes,
il fallait former les hommes pour la chose, comme on forme des ouvriers
avant de leur confier un travail ; avant de bâtir, il faut s'assurer de
la solidité des matériaux. Ici les matériaux solides sont les hommes de
coeur, de dévouement et d'abnégation. Avec l'égoïsme, l'amour et la
fraternité sont de vains mots, ainsi que nous l'avons dit ; comment
donc, sous l'empire de l'égoïsme, fonder un système qui requiert
l'abnégation à un degré d'autant plus grand, qu'il a pour principe
essentiel la solidarité de tous pour chacun et de chacun pour tous ?
Quelques-uns ont quitté le sol natal pour aller fonder au loin des
colonies sous le régime de la fraternité ; ils ont voulu fuir l'égoïsme
qui les écrasait, mais l'égoïsme les a suivis, et là encore il s'est
trouvé des exploiteurs et des exploités, parce que la charité a fait
défaut. Ils ont cru qu'il leur suffisait d'emmener le plus de bras
possible, sans songer qu'ils emmenaient en même temps les vers rongeurs
de leur institution, ruinée d'autant plus vite qu'ils n'avaient en eux
ni une force morale ni une force matérielle suffisantes.
Ce
qu'il leur fallait, c'était moins des bras nombreux que des coeurs
solides ; malheureusement beaucoup ne les ont suivis que parce que,
n'ayant rien su faire ailleurs, ils ont cru s'affranchir de certaines
obligations personnelles ; ils n'ont vu qu'un but séduisant, sans voir
la route épineuse pour l'atteindre. Déçus dans leurs espérances, en
reconnaissant qu'avant de jouir il fallait beaucoup travailler, beaucoup
sacrifier, beaucoup souffrir, ils ont eu pour perspective le
découragement et le désespoir ; vous savez ce qu'il est advenu de la
plupart. Leur tort est d'avoir voulu bâtir un édifice en commençant par
le faîte, avant d'avoir assis des fondements solides. Etudiez l'histoire
et la cause de la chute des Etats les plus florissants, et partout vous
verrez la main de l'égoïsme, de la cupidité, de l'ambition.
Sans
la charité, il n'y a pas d'institution humaine stable, et il n'y a ni
charité ni fraternité possibles, dans la véritable acception du mot,
sans la croyance. Appliquez-vous donc à développer ces
sentiments qui, en grandissant, tueront l'égoïsme qui vous tue. Quand la
charité aura pénétré les masses, quand elle sera devenue la foi, la
religion de la majorité, alors vos institutions s'amélioreront
d'elles-mêmes par la force des choses ; les abus, nés du sentiment de la
personnalité, disparaîtront. Enseignez donc la charité, et surtout,
prêchez d'exemple : c'est l'ancre de salut de la société. Elle seule
peut amener le règne du bien sur la terre, qui est le règne de Dieu ;
sans elle, quoi que vous fassiez, vous ne créerez que des utopies dont
vous ne retirerez que des déceptions. Si le Spiritisme est une vérité,
s'il doit régénérer le monde, c'est parce qu'il a pour base la charité.
Il ne vient ni renverser le culte, ni en établir un nouveau ; il
proclame et prouve les vérités communes à tous, bases de toutes les
religions, sans se préoccuper des points de détail. Il ne vient détruire
qu'une chose : le matérialisme, qui est la négation de toute religion ;
ne renverser qu'un seul temple : celui de l'égoïsme et de l'orgueil, et
donner une sanction pratique à ces paroles du Christ qui sont toute sa
loi : Aimez votre prochain comme vous-mêmes. Ne vous étonnez donc pas
qu'il ait pour adversaires les adorateurs du veau d'or, dont il vient
briser les autels. Il a naturellement contre lui ceux qui trouvent sa
morale gênante, ceux qui auraient volontiers pactisé avec les Esprits et
leurs manifestations, si les Esprits se fussent contentés de les amuser
; s'ils n'étaient venus rabaisser leur orgueil, leur prêcher
l'abnégation, le désintéressement et l'humilité. Laissez-les dire et
faire ; les choses n'en suivront pas moins la marche qui est dans les
desseins de Dieu.
Le Spiritisme, par sa puissante révélation,
vient donc hâter la réforme sociale. Ses adversaires riront sans doute
de cette prétention, et cependant elle n'a rien de présomptueux. Nous
avons démontré que l'incrédulité, le simple doute sur l'avenir, porte
l'homme à se concentrer sur la vie présente, ce qui tout naturellement
développe le sentiment d'égoïsme. Le seul remède au mal est de
concentrer son attention sur un autre point et de le dépayser, pour
ainsi dire, afin de lui faire perdre ses habitudes. Le Spiritisme, en
prouvant d'une manière patente l'existence du monde invisible, amène
forcément un ordre d'idées tout autre, car il élargit l'horizon moral
borné à la terre. L'importance de la vie corporelle diminue à mesure que
grandit celle de la vie spirituelle ; tout naturellement on se place à
un autre point de vue, et ce qui nous semblait une montagne ne nous
paraît plus qu'un grain de sable ; les vanités, les ambitions d'ici-bas
deviennent des puérilités, des hochets d'enfants en présence de l'avenir
grandiose qui nous attend. Tenant moins aux choses terrestres, on
cherche moins à se satisfaire aux dépens des autres ; d'où une
diminution dans le sentiment d'égoïsme.
Le Spiritisme ne se
borne pas à prouver le monde invisible ; par les exemples qu'il déroule à
nos yeux, il nous le montre dans sa réalité, et non tel que
l'imagination l'avait fait concevoir ; il nous le montre peuplé d'êtres
heureux ou malheureux, mais il prouve que la charité, la souveraine loi
du Christ,
peut seule y
assurer le bonheur. D'un autre côté, nous voyons la société terrestre
s'entre-déchirer sous l'empire de l'égoïsme, tandis qu'elle vivrait
heureuse et paisible sous celui de la charité. Tout est donc bénéfice
pour l'homme avec la charité : bonheur en ce monde et bonheur en
l'autre. Ce n'est plus, selon l'expression d'un matérialiste, un
sacrifice de dupes ; c'est, selon celle du Christ : de l'argent placé au
centuple. Avec le Spiritisme, l'homme comprend qu'il a tout à gagner à
faire le bien, et tout à perdre à faire le mal ; or, entre, je ne dirai
pas la chance, mais la certitude de perdre ou de gagner, le choix ne
saurait être douteux. Donc la propagation de l'idée spirite tend
nécessairement à rendre les hommes meilleurs les uns pour les autres. Ce
qu'il fait aujourd'hui sur les individus, il le fera sur les masses
quand il sera généralement répandu. Tâchons donc de le répandre dans
l'intérêt de tous.
Je prévois une objection que l'on pourrait
faire en disant que, selon ces idées, la pratique du bien serait un
calcul intéressé. A cela je réponds que l'Eglise, en promettant les
joies du ciel ou en menaçant des flammes de l'enfer, conduit elle-même
les hommes par l'espérance et la crainte ; que le Christ lui-même a dit
que ce que l'on donne en ce monde sera rendu au centuple. Sans doute, il
y a plus de mérite à faire le bien spontanément sans penser aux
conséquences, mais tous les hommes n'en sont pas encore arrivés là, et
il vaut encore mieux faire le bien avec ce stimulant que de ne pas le
faire du tout.
On dit quelquefois des gens qui font le bien
sans dessein prémédité et pour ainsi dire sans s'en douter, qu'ils n'ont
pas de mérite, parce qu'ils n'ont point d'efforts à faire ; c'est une
erreur. L'homme n'arrive à rien sans efforts ; celui qui n'a plus à en
faire dans cette existence a dû lutter dans une précédente, et le bien a
fini par s'identifier avec lui, c'est pourquoi il lui semble tout
naturel ; il en est chez lui du bien, comme chez d'autres des idées qui,
elles aussi, ont leur source dans un travail antérieur. C'est encore un
des problèmes que le Spiritisme vient résoudre. Les hommes de bien ont
donc eu aussi le mérite de la lutte ; pour eux la victoire est
remportée, les autres ont encore à vaincre ; voilà pourquoi, comme à des
enfants, il faut un stimulant, c'est-à-dire un but à atteindre ou, si
vous le voulez, un prix à remporter.
Une autre objection plus
sérieuse est celle-ci. Si le Spiritisme produit tous ces résultats, les
Spirites doivent être les premiers à en profiter ; l'abnégation, le
dévouement désintéressé, l'indulgence pour autrui, l'abstention absolue
de toute parole ou de tout acte pouvant nuire au prochain, la charité,
en un mot, dans sa plus pure acception, doit être la règle invariable de
leur conduite ; ils ne doivent connaître ni l'orgueil, ni la jalousie,
ni l'envie, ni la rancune, ni les sottes vanités, ni les puériles
susceptibilités d'amour-propre ; ils doivent faire le bien pour le bien,
avec modestie et sans ostentation, en pratiquant cette maxime du Christ
: « Que votre main gauche ne sache pas ce que donne votre main droite
», nul ne méritera qu'on lui applique ce vers de Racine :
Un bienfait reproché tient toujours lieu d'offense.
Enfin, la plus parfaite harmonie doit régner entre eux. Pourquoi donc
cite-t-on des exemples qui semblent contredire l'efficacité de ces
belles maximes ?
Dans le principe des manifestations spirites,
beaucoup les ont acceptées sans en prévoir les conséquences ; la plupart
n'y ont vu que des effets plus ou moins curieux ;
mais lorsqu'il en est sorti une morale sévère, des devoirs rigoureux à remplir,
beaucoup ne se sont pas senti la force de la pratiquer et de s'y
conformer ; ils n'ont eu le courage ni du dévouement, ni de
l'abnégation, ni de l'humilité ; chez eux, la nature corporelle l'a
emporté sur la nature spirituelle ; ils ont pu croire, mais ils ont
reculé devant l'exécution. Il n'y avait donc, dans l'origine, que des
Spirites, c'est-à-dire des croyants ; la philosophie et la morale ont
ouvert à cette science un horizon nouveau, et créé des
Spirites Pratiquants ; les uns sont restés en arrière, les autres sont allés en avant.
Plus la morale a été sublime, plus elle a fait ressortir les
imperfections de ceux qui n'ont pas voulu la suivre, comme une lumière
éclatante fait ressortir les ombres ; c'était un miroir : quelques-uns
n'ont pas voulu s'y regarder ou, croyant s'y reconnaître, ont préféré
jeter la pierre à qui le leur montrait. Telle est encore la cause de
certaines animosités ; mais, je suis heureux de le dire, ce sont là des
exceptions ; quelques petites noires sur un immense tableau et qui ne
sauraient en altérer l'éclat. Elles appartiennent en grande partie à ce
qu'on pourrait appeler
les Spirites de première formation ; quant à ceux qui se sont formés depuis et se forment chaque jour, la
grande
majorité a accepté la doctrine précisément à cause de sa morale et de
sa philosophie, c'est pourquoi ils s'efforcent de pratiquer.
Prétendre qu'ils doivent tous être devenus parfaits, ce serait
méconnaître la nature de l'humanité ; mais n'auraient-ils dépouillé que
quelques parties du vieil homme, ce serait toujours un progrès dont il
faut tenir compte ; ceux-là seuls sont inexcusables aux yeux de Dieu,
qui, étant bien et dûment éclairés, n'en auraient pas profité comme ils
le pouvaient ; à ceux-là, certes, il sera demandé un compte sévère dont
ils pourront, ainsi que nous en avons de nombreux exemples, subir les
conséquences dès ici-bas ; mais, à côté de ceux-là, il en est beaucoup
aussi en qui il s'est opéré une véritable métamorphose ; qui ont trouvé
dans cette croyance la force de vaincre des penchants depuis longtemps
enracinés, de rompre avec de vieilles habitudes, de faire taire les
ressentiments et les inimitiés, de rapprocher les distances sociales. On
demande au Spiritisme des miracles : voilà ceux qu'il produit.
Ainsi, par la force des choses, le Spiritisme aura pour conséquence
inévitable l'amélioration morale ; cette amélioration conduira à la
pratique de la charité, et de la charité naîtra le sentiment de la
fraternité.
Lorsque les hommes seront imbus de ces idées, ils y conformeront leurs institutions,
et c'est ainsi qu'ils amèneront naturellement et sans secousse toutes
les réformes désirables ; c'est la base sur laquelle ils assoiront
l'édifice social futur.
Cette transformation est inévitable,
parce qu'elle est selon la loi du progrès ; mais si elle ne suit que la
marche naturelle des choses, son accomplissement peut être encore fort
long. Si nous en croyons la révélation des Esprits, il serait dans les
desseins de Dieu de l'activer, et nous sommes aux temps prédits pour
cela ; la concordance des communications sous ce rapport est un fait
digne de remarque ; de toutes parts il est dit que nous touchons à l'ère
nouvelle, et que de grandes choses vont s'accomplir. On aurait tort
cependant de croire le monde menacé d'un cataclysme matériel ; en
scrutant les paroles du Christ, il est évident qu'en cette circonstance,
comme en beaucoup d'autres, il a parlé d'une manière allégorique. La
rénovation de l'humanité, le règne du bien succédant au règne du mal,
sont d'assez grandes choses qui peuvent s'accomplir, sans qu'il soit
besoin d'englober le monde dans un naufrage universel, ni de faire
apparaître des phénomènes extraordinaires, ni de déroger aux lois
naturelles. C'est toujours en ce sens que les Esprits se sont exprimés.
La terre étant arrivée au temps marqué pour devenir un séjour heureux,
et s'élever ainsi dans la hiérarchie des mondes, il suffit à Dieu de ne
plus permettre aux Esprits imparfaits de s'y réincarner ; d'en éloigner
ceux qui, par orgueil, leur incrédulité, leurs mauvais instincts, en un
mot, seraient un obstacle au progrès et troubleraient la bonne
harmonie, comme vous le faites vous-même dans une assemblée où vous
voulez avoir la paix et la tranquillité, et d'où vous écartez ceux qui
pourraient y porter le désordre ; comme on expulse d'un pays les
malfaiteurs que l'on relègue dans des contrées lointaines. Que dans la
race, ou mieux, pour nous servir des paroles du Christ, dans la
génération des Esprits envoyés en expiation sur la terre, ceux qui sont
demeurés incorrigibles disparaissent, et qu'ils soient remplacés par une
génération d'Esprits plus avancés, il suffit pour cela d'une génération
d'hommes et de la volonté de Dieu qui peut aussi, par des événements
inattendus, quoique très naturels, activer leur départ d'ici. Si donc,
comme cela est dit, la plupart des enfants qui naissent aujourd'hui
appartiennent à la nouvelle génération d'Esprits meilleurs, les autres
s'en allant chaque jour pour ne plus revenir, il est évident, que dans
un temps donné, il peut y avoir un renouvellement complet. Que
deviendront les Esprits exilés ? Ils iront dans des mondes inférieurs
expier leur endurcissement par de longs siècles de terribles épreuves,
car eux aussi sont des anges rebelles, puisqu'ils ont méconnu la
puissance de Dieu, et se sont révoltés contre ses lois que Christ était
venu leur rappeler
[1].
Quoi qu'il en soit, rien ne se fait brusquement dans la nature ; le
vieux levain laissera encore pendant quelque temps des traces qui
s'effaceront peu à peu. Quand les Esprits nous disent, et ils le disent
partout, que nous touchons à ce moment, ne croyez pas que nous allons
être témoins d'un changement à vue ; ils entendent que nous sommes au
moment de la transition ; nous assistons au départ des anciens, et à
l'arrivée des nouveaux qui viennent fonder le nouvel ordre de choses,
c'est-à-dire le règne de la justice et de la charité qui est le
véritable règne de Dieu prédit par les prophètes, et dont le Spiritisme
vient préparer les voies.
Vous le voyez, messieurs,
nous sommes déjà bien loin des tables tournantes,
et pourtant à peine quelques années nous séparent de ce berceau du
Spiritisme ! Quiconque eût été assez audacieux alors pour prédire ce
qu'il en serait aujourd'hui, eût passé pour un insensé aux yeux même des
adeptes. En voyant une petite graine, qui pourrait comprendre, s'il ne
l'avait vu, qu'il en sortira un arbre immense ? En voyant l'enfant né
dans une étable d'un pauvre village de Judée, qui pouvait croire que,
sans faste et sans puissance mondaine, sa simple voix remuerait le
monde, assisté seulement de quelques pêcheurs ignorants et pauvres comme
lui ? Il en est ainsi du Spiritisme qui, sorti d'un humble et vulgaire
phénomène, étend déjà ses racines de toutes parts, et dont bientôt les
rameaux abriteront toute la terre ? C'est que les choses vont vite quand
Dieu le veut ; et qui ne verrait là le doigt de Dieu, car rien n'arrive
sans sa volonté !
En voyant la marche irrésistible des choses,
vous pouvez dire aussi, comme jadis les Croisés marchant à la conquête
de la Terre-Sainte :
Dieu le veut !
mais avec cette différence qu'ils marchaient le fer et le feu à la
main, tandis que vous n'avez pour arme que la charité qui, au lieu de
faire des blessures mortelles, verse un baume salutaire sur les coeurs
endoloris ; et avec cette arme pacifique, qui brille aux yeux comme un
rayon divin, et non comme un fer meurtrier, qui sème l'espérance et non
la crainte, vous avez en quelques années ramené au bercail de la foi
plus de brebis égarées que n'eussent pu le faire plusieurs siècles de
violence et de contrainte. C'est avec la charité pour guide que le
Spiritisme marche à la conquête du monde.
Est-ce une chimère,
un rêve fantastique dont je vous ai tracé le tableau ? Non ; la raison,
la logique, l'expérience, tout dit que c'est une réalité.
Spirites ! vous êtes les premiers pionniers de cette grande oeuvre ;
rendez-vous dignes de cette glorieuse mission dont les premiers vous
recueillerez les fruits ; prêchez de paroles, mais surtout prêchez
d'exemple ; faites qu'en vous voyant on ne puisse pas dire que les
maximes que vous enseignez sont de vains mots dans votre bouche. A
l'exemple des apôtres, faites des miracles, Dieu vous en a accordé le
don ; non des miracles pour frapper les sens, mais des miracles de
charité et d'amour ; soyez bons pour vos frères ; soyez bons pour tout
le monde ; soyez bons pour vos ennemis ! A l'exemple des apôtres,
chassez les démons, vous en avez le pouvoir, et ils pullulent autour de
vous ; ce sont les démons de l'orgueil, de l'ambition, de l'envie, de la
jalousie, de la cupidité, de la sensualité qui soufflent toutes les
mauvaises passions et secouent parmi vous les brandons de discorde ;
chassez-les de vos coeurs, afin que vous ayez la force de les chasser du
coeur des autres. Faites ces miracles, et Dieu vous bénira, et les
générations futures vous béniront, comme celles d'aujourd'hui bénissent
les premiers chrétiens dont beaucoup revivent parmi vous pour assister
et concourir au couronnement de l'oeuvre du Christ ; faites ces
miracles, et vos noms seront inscrits glorieusement dans les annales du
Spiritisme ; n'en ternissez pas l'éclat par des sentiments et des actes
indignes de vrais Spirites, de Spirites Chrétiens ; dépouillez au plus
tôt ce qui pourrait encore rester en vous du vieux levain ; songez que
d'un moment à l'autre, demain peut-être, l'ange de la mort peut venir
frapper à votre porte et vous dire : Dieu t'appelle pour lui rendre
compte de ce que tu as fait de sa parole, de la parole de son Fils qu'il
t'a fait répéter par ses bons Esprits. Soyez donc toujours prêts à
partir, et ne faites pas comme le voyageur imprudent qui est pris au
dépourvu ; faites vos provisions d'avance, c'est-à-dire provisions de
bonnes oeuvres et de bons sentiments, car malheur à celui que le moment
fatal surprendrait avec la haine, l'envie ou la jalousie dans le coeur ;
ce seraient les mauvais Esprits qui lui feraient escorte, et se
réjouiraient des malheurs qui l'attendent, car ces malheurs seraient
leur oeuvre ; et vous savez, Spirites, quels sont ces malheurs : ceux
qui les endurent viennent eux-mêmes vous décrire leurs souffrances. A
ceux, au contraire, qui se présenteront purs, les Bons Esprits viendront
tendre la main en leur disant : Frères, soyez les bienvenus au céleste
séjour, où vous attendent les chants d'allégresse !
Vos
adversaires pourront rire de vos croyances aux Esprits et à leurs
manifestations, mais ils ne riront pas des qualités que donnent ces
croyances ; ils ne riront pas quand ils verront des ennemis se pardonner
au lieu de se haïr, la paix renaître entre des proches divisés,
l'incrédule d'autrefois prier aujourd'hui, l'homme violent et colère
devenu doux et paisible, le débauché devenu rangé et bon père de
famille, l'orgueilleux devenu humble, l'égoïste devenu charitable ; ils
ne riront pas quand ils verront qu'ils n'ont plus à craindre la
vengeance de leur ennemi devenu Spirite ; le riche ne rira pas quand il
verra le pauvre ne plus envier sa fortune, et le pauvre bénira le riche
devenu plus humain et plus généreux, au lieu de le jalouser ; les chefs
ne riront plus de leurs subordonnés et ne les
molesteront plus
quand ils les verront plus scrupuleux et plus consciencieux dans
l'accomplissement de leurs devoirs ; les maîtres enfin encourageront
leurs serviteurs et leurs tenanciers, quand ils les verront, sous
l'empire de la foi spirite, plus fidèles, plus dévoués et plus sincères ;
tous diront que le Spiritisme est bon à quelque chose, ne fût-ce qu'à
sauvegarder leurs intérêts matériels : tant pis pour eux s'ils ne voient
pas au-delà. Sous l'empire de cette même foi, le militaire est plus
discipliné, plus humain, plus facile à conduire ; il a le sentiment du
devoir, et il obéit plus par raison que par crainte. C'est ce que
constatent tous les chefs imbus de ces principes, et ils sont nombreux ;
aussi font-ils des voeux pour qu'aucune entrave ne s'oppose à la
propagation de ces idées parmi leurs inférieurs.
Voilà,
messieurs les rieurs, ce que produit le Spiritisme, cette utopie du
dix-neuvième siècle, partiellement encore, il est vrai, mais déjà on
reconnaît cette influence, et bientôt on comprendra qu'on a tout à
gagner à sa promulgation ; que son influence est une garantie de
sécurité pour les
relations sociales,
parce qu'il est le frein le plus puissant opposé aux passions
mauvaises, aux effervescences désordonnées, en montrant le lien d'amour
et de fraternité qui doit unir le grand au petit et le petit au grand.
Faites donc, par votre exemple, que bientôt on puisse dire : Plût à Dieu
que tous les hommes fussent Spirites de coeur.
Chers frères
Spirites, je viens vous montrer la route, vous faire voir le but.
Puissent mes paroles, toutes faibles qu'elles sont, vous en avoir fait
comprendre la grandeur ! Mais d'autres viendront après moi qui vous la
montreront aussi, et dont la voix plus puissante que la mienne aura pour
les nations l'éclat retentissant de la trompette. Oui, mes frères, des
Esprits, messagers de Dieu pour établir son règne sur la terre,
surgiront bientôt parmi vous, et vous les reconnaîtrez à leur sagesse et
à l'autorité de leur langage. A leur voix, les incrédules et les impies
seront frappés d'étonnement et de stupeur et courberont la tête, car
ils n'oseront les traiter de fous. Que ne puis-je, mes frères, vous
révéler encore tout ce que nous prépare l'avenir ! Mais le temps est
proche où tous ces mystères seront dévoilés pour la confusion des
méchants et la glorification des bons.
Pendant qu'il en est
temps encore, revêtez-vous donc de la robe blanche : étouffez toutes les
discordes, car les discordes appartiennent au règne du mal qui va
finir. Puissiez-vous tous vous confondre dans une seule et même famille,
et vous donner du fond du coeur et sans arrière-pensée le nom de
frères. Si parmi vous il y avait des dissidences, des causes
d'antagonisme ; si les groupes qui doivent tous marcher vers un but
commun étaient divisés, je vous le dis à regret, sans me préoccuper des
causes, sans examiner qui peut avoir les premiers torts, je me
rangerais, sans hésiter, du côté de celui où il y aurait le plus de
charité, c'est-à-dire le plus d'abnégation et de véritable humilité, car
celui qui manque de charité a toujours tort, eût-il raison d'un autre
côté, et Dieu maudit celui qui dit à son frère :
Racca.
Les groupes sont des individus collectifs qui doivent vivre en paix
comme les individus, s'ils sont vraiment Spirites ; ce sont les
bataillons de la grande phalange ; or, que deviendrait une phalange dont
les bataillons seraient divisés ? Ceux qui verraient les autres d'un
oeil jaloux prouveraient, par cela seul, qu'ils sont sous une mauvaise
influence, car l'Esprit du bien ne saurait produire le mal. Vous le
savez, on reconnaît l'arbre au fruit qu'il porte : or, le fruit de
l'orgueil, de l'envie et de la jalousie est un fruit empoisonné qui tue
celui qui s'en nourrit.
Ce que je dis des dissidences entre les
groupes, je le dis également de celles qui pourraient exister entre
individus. En pareille circonstance, l'opinion des gens impartiaux est
toujours favorable à celui qui fait preuve de plus de grandeur et de
générosité. Ici-bas, personne n'étant infaillible, l'indulgence
réciproque est une conséquence du principe de charité qui nous dit
d'agir envers les autres comme nous voudrions que les autres agissent
envers nous ; or, sans indulgence point de charité, sans charité point
de vrai Spirite. La modération est un des signes caractéristiques de ce
sentiment, comme l'acrimonie et la rancune en sont la négation ; avec
l'aigreur et l'esprit vindicatif on gâte les meilleures causes, tandis
qu'avec la modération on ajoute à son bon droit si on l'a de son côté,
et on se le donne si on ne l'a pas. Si donc j'avais à me faire une
opinion dans un différend, je me préoccuperais moins de la cause que des
conséquences. La cause, dans les querelles de mots surtout, peut être
le résultat d'un premier mouvement dont on n'est pas toujours maître ;
la conduite ultérieure des deux adversaires est le résultat de la
réflexion : ils agissent de sang-froid, et c'est alors que le véritable
caractère normal de chacun se dessine. Mauvaise tête et bon coeur vont
très souvent ensemble, mais
rancune et bon coeur sont incompatibles. Ma mesure d'appréciation serait donc la
charité,
c'est-à-dire que j'observerais celui qui dit le moins de mal de son
adversaire, celui qui est le plus modéré dans ses récriminations. C'est
sur cette mesure que Dieu nous jugera, car il sera indulgent pour qui,
lui-même, aura été indulgent ; il sera inflexible pour celui qui aura
été inflexible.
La voie tracée par la charité est claire,
infaillible et sans équivoque. On pourrait la définir ainsi : «
Sentiment de bienveillance, de justice et d'indulgence à l'égard du
prochain, basé sur ce qu'on voudrait que le prochain fît pour nous. » En
la prenant pour guide, on est certain de ne pas s'écarter du droit
chemin, de celui qui conduit à Dieu : quiconque veut sincèrement et
sérieusement travailler à son amélioration, doit analyser la charité
dans ses plus minutieux détails, et y conformer sa conduite, car elle a
son application dans toutes les circonstances de la vie, petites ou
grandes. Est-on incertain sur un parti à prendre intéressant autrui,
qu'on interroge la charité, et elle répondra toujours juste.
Malheureusement on écoute plus souvent la voix de l'égoïsme.
Sondez donc les replis de votre âme pour en arracher les derniers
vestiges des mauvaises passions s'il en restait encore, et si vous
éprouvez quelque ressentiment contre quelqu'un, hâtez-vous de
l'étouffer, et dites-lui : Frère, oublions le passé ; les mauvais
Esprits nous avaient divisés, que les bons nous réunissent ! S'il
repousse la main que vous lui tendez, oh ! alors plaignez-le, car Dieu à
son tour lui dira : Pourquoi demandes-tu le pardon, toi qui n'as pas
pardonné ? Hâtez-vous donc, pour qu'on ne puisse vous appliquer cette
parole fatale : Il est trop tard.
Tels sont, chers frères
Spirites, les conseils que je viens vous donner. La confiance que vous
voulez bien m'accorder m'est un garant qu'ils porteront leurs fruits.
Les Bons Esprits qui vous assistent vous disent chaque jour la même
chose, mais j'ai cru devoir en présenter l'ensemble pour en mieux faire
ressortir les conséquences. Je viens donc, en leur nom, vous rappeler à
la pratique de la grande loi d'amour et de fraternité qui doit avant peu
régir le monde et y faire régner la paix et la concorde sous l'étendard
de la charité pour tous, sans acception de sectes, de castes ni de
couleurs.
Avec cet étendard, le Spiritisme sera le trait
d'union qui rapprochera les hommes divisés par les croyances et les
préjugés mondains ; il abaissera les plus fortes barrières qui séparent
les peuples : l'antagonisme national ; à l'ombre de ce drapeau qui sera
leur point de ralliement, les hommes s'habitueront à voir des frères
dans ceux en qui ils ne voyaient que des ennemis. D'ici là il y aura
encore des luttes, car le mal ne lâche pas facilement sa proie, et les
intérêts matériels sont tenaces. Tous, vous ne verrez, pas sans doute,
des yeux du corps l'accomplissement de cette oeuvre à laquelle vous
aurez concouru, quoique le moment n'en soit pas éloigné, et que les
premières années du siècle prochain doivent signaler cette ère nouvelle,
dont la fin de celui-ci prépare les voies ; mais vous jouirez, par la
vue de l'Esprit, du bien que vous aurez fait, comme les martyrs du
christianisme ont joui de voir les fruits produits par leur sang
répandu. Courage donc, et persévérance ; ne vous rebutez pas contre les
obstacles : un champ ne devient pas fertile sans sueur ; de même qu'un
père, sur ses vieux jours, bâtit une maison pour ses enfants, songez que
vous élevez, pour les générations futures, un temple à la fraternité
universelle, et dans lequel les seules victimes immolées seront
l'égoïsme, l'orgueil et toutes les mauvaises passions qui ont
ensanglanté l'humanité.
[1]Voyez « Revue Spirite », janvier 1862,
Essai sur l'interprétation de la doctrine des Anges déchus.